Pour 2015/3 N° 227

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Article de revue

Un futur de la PME Biofournil imaginé pour vous

Pages 177 à 181

1Le texte qui suit est le témoignage de Jean-Yves Fouché, dirigeant de Biofournil depuis 20 ans ; il nous instruit sur la compatibilité entre la production d’un pain bio de qualité et la durabilité d’une entreprise qu’il va bientôt transmettre.

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Les fondements de la réussite de Biofournil, sur le long terme

2« Ce titre, je viens de l’utiliser pour une lettre adressée à tous mes clients. En effet, je viens de vendre BIOFOURNIL à la CAVAC, coopérative vendéenne avec laquelle nous coopérons depuis près de 20 ans, au travers de la minoterie SUIRE.

3Il marque aussi la continuité dans laquelle j’ai inscrit le passé, le présent et le futur de BIOFOURNIL. Voilà plus de 20 ans que je préside à la destinée de cette société ; il était temps de songer à passer le relais à quelqu’un qui sache et puisse faire fructifier cette belle ambition que nous écrivions en 1995 avec les pionniers de l’entreprise :

La vocation de l’entreprise est fondée sur la recherche permanente
de l’amélioration des produits de la Boulangerie et de la Viennoiserie,
pour faciliter leur distribution,
les produire meilleurs au goût
et plus sains pour l’équilibre alimentaire du consommateur

4Ce beau programme s’est appuyé sur une équipe et une filière efficientes :

Une équipe forte, structurée par la quête de l’excellence

5Elle est tendue entièrement vers l’excellence du produit assurée par des maîtres boulangers (les pains au levain à l’ancienne, et leurs descendants). Leurs pratiques, illustrées par le « vrai gris » (photo 1), ont été respectées tout au long de notre évolution industrielle. Cette exigence a été source de créations de nouvelles machines respectant le produit, alors qu’une démarche trop commune oblige les produits alimentaires à s’adapter aux contraintes de machines conçues principalement pour améliorer la productivité. Ingénieur agronome de formation, militant du bon progrès scientifique, mes premiers pas dans la BIO étaient pleins de suspicion. Je n’entendais que des messages de crainte (maladies, pollutions, refus du progrès…). Lorsque j’ai compris que nous pouvions faire du très bon, du très sain et du très pratique, je me suis engagé pleinement en m’appuyant sur le progrès. L’excellence de la R&D, conduite par un docteur ingénieur passé par l’ENSAT et l’INRA, poursuit le but majeur de maîtriser scientifiquement la fermentation. Notre connaissance, sans cesse remise en question pour s’approfondir, progresser, vise à exploiter au mieux toutes les ressources de la flore bactérienne qui constitue notre levain (flaveurs, conservation, diététique). L’excellence du marketing s’affirme grâce à 2 passionnées qui exploitent résolument les dernières techniques du numérique et de la communication en réseaux. Ainsi, en échange permanent avec les consommateurs, elles nous permettent d’anticiper les tendances, et de donner vie à des produits nouveaux en rupture avec l’existant. L’excellence de l’équipe commerciale est motivée par les relations de confiance qu’elle a su établir avec sa clientèle et peut s’appuyer sur l’excellence de la gestion, de l’ordonnancement et de la logistique pour apporter un service fiable, précis et ponctuel.

Photo 1

Vrai gris

Photo 1

Vrai gris

Les pâtons reposant sur cette toile de lin plissée ont été fleurés, c’est-à-dire farinés superficiellement. De cette sorte, nous constituons une sorte de gangue protectrice qui, durant le passage en étuve avant la cuisson, va bloquer l’expansion de la pâte due à la fermentation et améliorer leur pouvoir de rétention d’eau pour une meilleure conservation des pains. La grigne (coups de lame superficiels éraflant ces pâtons) libérera cette compression et donnera aux boules que nous voyons ci-dessus, leur belle forme bombée et caramélisée.

Une filière rigoureuse, structurée autour de la passion du bien faire

6Elle s’est construite dès le début, il y a plus de 20 ans, avec des partenaires engagés dans une BIO orthodoxe, solidaire et porteuse de progrès. Chaque qualificatif compte. Ainsi, ensemble, nous avons mis en place des cahiers des charges garantissant un respect intransigeant des normes de l’agriculture biologique. Cette démarche fut très impliquante dès l’origine. En effet, les analyses systématiques effectuées pour la recherche de résidus de pesticides étaient très coûteuses rapportées aux quantités de produits mis en œuvre. Ce cahier des charges définissait également un ensemble de critères technologiques à respecter pour assurer une bonne panification. Dans cette quête du Bien Faire, nous avons cherché ensemble à déterminer les meilleurs choix de variétés pour optimiser la panification, en recherchant autant dans les variétés anciennes que dans les variétés nouvelles. Le savoir-faire de techniciens agricoles associé au savoir-faire de meuniers, experts en assemblage de variétés pour garantir une régularité des qualités panifiables de nos farines, et la maîtrise de nos boulangers pour adapter les cycles de fermentation, ont assuré la constance de qualité reconnue des pains Biofournil. Année après année, nous nous sommes efforcés de prévoir les surfaces à ensemencer pour garantir une production de farines 100 % françaises. Ces partenaires sont la CAVAC, une coopérative vendéenne, et la minoterie SUIRE 100 % BIO, utilisant des meules de pierre pour écraser le blé.

7A l’heure de transmettre le flambeau, il m’a semblé important de consolider la relation de confiance forte qui nous unit à ces derniers. Je me devais de choisir un successeur qui suive la quête de l’excellence AB, sécurise la filière AB, demeure performant, innovant et à l’écoute du marché.

8J’ai d’abord pensé à l’équipe qui a construit les valeurs de BIOFOURNIL. L’avantage était d’assurer la parfaite continuité, mais face au développement du marché, les besoins financiers sont lourds pour rester compétitifs, bien supérieurs à ce que ces collaborateurs zélés pouvaient mobiliser.

9Certains industriels conventionnels avec de fortes valeurs éthiques avaient l’avantage d’avoir des moyens financiers plus conséquents. Mais ce choix comportait le risque de casser une équipe performante et méritante, et ses successeurs potentiels étant mal initiés aux exigences de notre modèle BIO, ils risquaient de banaliser très vite l’offre BIOFOURNIL, en s’éloignant de la vocation rappelée en préambule.

10Puis notre partenaire amont de la filière de toujours, la coopérative CAVAC, impliquée depuis longtemps dans la production agricole biologique possédait de multiples avantages. Outre celui d’avoir les moyens appropriés pour accompagner le développement de l’entreprise, ils apprécient le professionnalisme de l’équipe existante et notre système de valeurs. Leur implication sécurisera, et même améliorera nos approvisionnements qui sont déjà une de nos grandes forces. La logique de ce choix s’est donc imposée par sa cohérence après plus de 20 ans de collaboration.

Plaidoyer pour une modernisation de l’AB, production agricole et filière

11Le choix d’une bonne problématique pour l’avenir de la boulangerie à base de farine biologique doit s’appuyer sur des compétences techniques et scientifiques en évolution permanente pour la fabrication du pain et qui permettent la modernisation du travail en boulangerie, tout en respectant avec le plus grand soin tout ce qui définit la qualité du produit, des qualités boulangères des blés bio choisis combinées aux soins de la fabrication.

12Nous assistons à l’émergence d’une Agriculture Biologique éclatée entre des « puristes » dont le paradigme est le repli sur soi, proche de l’autarcie, et une Agriculture Biologique, que je qualifierais de « moderne » et à laquelle je me rattache.

13Le paradigme de cette Agriculture Biologique moderne est d’apporter une réponse globale aux problèmes du monde par une démarche de progrès, responsable, respectueuse de la planète, mais également soucieuse de se mettre en capacité de nourrir ses habitants. En effet, les firmes que les puristes maudissent, se jouent de l’impact lilliputien de leurs pratiques. Ces entreprises ont en effet beau jeu de professer que « l’enjeu de l’agriculture d’aujourd’hui est de nourrir 9 milliards d’individus », ou encore que « le Bio, c’est pour les bobos », sous-entendu, ces produits ne peuvent intéresser que des CSP+. Ainsi, l’humoriste célèbre Anne Roumanoff a donné son interprétation du sigle AB « Appelle ta Banque ». L’AB des « puristes » leur offre d’autres arguments. « Le bio, c’est même pas bon ». Mais de quelle Bio parlons-nous ? Il est difficile en effet de comparer un pain fait par un paysan boulanger, et celui réalisé par un maître boulanger, gérant ses levains avec une expertise acquise par l’expérience de plusieurs milliers de pains produits par jour.

14Le combat de l’Agriculture Biologique moderne doit être de dénoncer ces caricatures avec des faits. Ainsi, avec de faibles moyens, notre entreprise n’a augmenté en 20 ans le prix de sa baguette que de 24,9 % (de 6,30 FRF à 1,20 €), quand l’indice du prix à la consommation (IPC-INSEE) de la baguette conventionnelle a progressé de 51,8 %. Nous sommes aujourd’hui parfaitement compétitifs avec des baguettes de tradition française non bios. Ceci s’explique avec l’augmentation des quantités de pains produites par jour, nous amortissons mieux nos investissements et nos recherches, nous massifions nos expéditions, réduisant ainsi de façon significative nos coûts de transport et notre bilan carbone.

15Plus les quantités moulues par les meuniers bios seront importantes, mieux nous diminuerons les coûts d’écrasement ; les coûts d’analyse sur des lots plus importants seront proportionnellement moins élevés ; les sous-produits pourront donner lieu à des études permettant de mieux les valoriser.

16Nos motifs d’espoir pour un futur meilleur reposent aussi largement sur la volonté farouche d’innover. Pour BIOFOURNIL, il existe 2 voies majeures pour cela. Et je crois que beaucoup d’entreprises que je connais sont concernées.

17La voie royale est celle énoncée par notre vocation, centrée sur le produit pour qu’il soit toujours plus appétant, plus diététique, plus fonctionnel et plus aisément transportable.

18La seconde voie combine le social et l’économique. Depuis 20 ans, tout en respectant le process du pain au levain à l’ancienne (cycle de production de 18 heures), nous avons cherché à diminuer la pénibilité des tâches en améliorant sans cesse l’ergonomie des postes de travail. Il se trouve que cette quête répond en tout point aux objectifs d’amélioration de la productivité. Et le cadre de référence fondamental de la BIO nous oblige à trouver des machines innovantes soucieuses de garantir la qualité du produit et de soulager le travail de l’homme.

La taille des entreprises reste un handicap des filières naissantes

19Au cours des 5 dernières années, nous avons dû abandonner ou différer 2 innovations majeures, parce que nous n’avions pas les moyens de les financer, et cela a ralenti d’autant notre progression. Bien sûr, nous pourrions invoquer le poids des charges fiscales et sociales, les exigences de rentabilité de la distribution pesant sur les fournisseurs amont, l’absence de prise de risques d’organismes financiers qui rechignent à financer des innovations de rupture quand la structure financière du promoteur leur semble insuffisante. Il est vrai que ces conditions combinées peuvent décourager de nombreuses initiatives, mais l’entrepreneur doit dépasser ces contraintes pour défendre ce pour quoi il risque et entreprend.

20Ainsi, le long développement que j’ai fait au début sur la transmission de BIOFOURNIL à CAVAC, illustre mieux les perspectives d’une coopération en filière accrue. L’entreprise assure sa capacité à faire émerger une Agriculture Biologique débouchant sur des produits alimentaires de qualité, abordables en prix, et en résonance avec les attentes profondes de notre société, celles du plaisir partagé et d’une santé entretenue par l’alimentation.

21Nous voyons avec bonheur que les progrès s’accumulent au bénéfice de cette Agriculture Biologique moderne. Dernier maillon de la filière, la distribution de ses produits, encore ringarde il y a 10 ans, est assurée maintenant en quantité et en qualité par des magasins attrayants et diversifiés capables de fidéliser un nombre grandissant de consommateurs jeunes et anciens ».


Date de mise en ligne : 02/03/2016

https://doi.org/10.3917/pour.227.0177

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