1Par changement, on entend : ce qui évolue, que ce soit au niveau technique, social, économique, sociologique... Les changements peuvent être de différentes natures et d’importance plus ou moins grande. Cela peut aller des évolutions techniques au changement de paradigme. Dans cet article, nous allons nous interroger sur la prise en compte du changement lors de la fabrication des référentiels de formation.
2Cet article écrit à deux mains aborde la prise en compte du changement lors de l’élaboration du référentiel professionnel (et lors de l’élaboration des référentiels de certification et de formation).
3Il s’appuie principalement sur les expériences récentes de rénovation de la voie professionnelle et plus particulièrement sur les travaux actuels de rénovation du BTSA ACSE (Analyse et conduite des systèmes d’exploitation) et DARC (Développement de l’agriculture des régions chaudes) et des CAPA.
4Dans les années 1960, le développement de l’enseignement agricole a accompagné la professionnalisation du métier d’agriculteur dans une optique d’accroissement des rendements et d’autonomie alimentaire de l’Europe. De nos jours, la majorité des agriculteurs qui s’installent ont été formés par l’enseignement agricole. Le niveau de formation professionnelle s’est accru au fil des ans. Actuellement, le baccalauréat professionnel et le brevet professionnel sont les diplômes de base pour l’installation sachant que de plus en plus de jeunes agriculteurs possèdent un BTSA, voire un diplôme d’ingénieur.
5La profession agricole évolue dans une société et un monde rural en changement. Le paradigme du produire durable se substitue peu à peu au « modèle » du seul rendement quantitatif. Les modes de production se modifient et les mentalités évoluent.
6Dans cet article, on s’interroge sur la participation de l’enseignement agricole à ces évolutions et plus spécifiquement à la question suivante : dans quelle mesure et par quels moyens les référentiels de diplôme accompagnent-ils ou anticipent-ils ces changements ?
Qu’est qu’un référentiel de diplôme ?
7Un référentiel de diplôme est un système de références construit à partir de l’analyse du métier et des situations professionnelles qui le composent, ce qui permet de définir un dispositif de certification socialement reconnu et, enfin, des situations de formation. Cette démarche résulte d’une approche qui consiste à construire un diplôme d’abord par l’évaluation des compétences requises par le métier, puis des situations de formation qui conduisent à l’acquisition de ces compétences mobilisées en situation de travail. Le référentiel de diplôme, présenté dans les décrets et arrêtés, fournit des informations sur les emplois concernés ainsi que sur les modalités de la certification et de la formation mises en œuvre pour atteindre les objectifs retenus.
8On distingue différentes phases dans le processus de rénovation d’un diplôme initié et piloté par la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER). La fabrication des référentiels de diplôme de l’enseignement agricole suit une procédure, codifiée depuis 2007, d’élaboration progressive permettant d’aboutir, par paliers et après de nombreuses concertations, à un référentiel de diplôme regroupant un référentiel professionnel, un référentiel de certification et un référentiel de formation.
9Les différents documents qui constituent le référentiel de diplôme formalisent les étapes de ce processus de construction d’un diplôme. Tout au long de ce travail sont prévues des consultations de diverses instances. C’est à cette occasion qu’ont lieu des débats entre les représentants des professionnels, les représentants des personnels et l’administration. Le référentiel qui en résulte est donc un construit social.
10Les référentiels de diplôme fournissent un cadre au sein duquel les enseignants et formateurs exercent leur liberté pédagogique.
Le processus d’élaboration d’un référentiel de diplôme
11La première étape consiste en la réalisation d’une étude du secteur des emplois visés par le diplôme. Elle permet l’établissement d’un référentiel professionnel. Les opérateurs en charge de ces études et de l’écriture des référentiels professionnels sont les délégués régionaux chargés d’ingénierie de la formation (DRIF) dans le cadre de leurs missions nationales d’expertise.
12Le référentiel professionnel, descriptif des emplois et des compétences, sert de base pour l’élaboration, principalement [1] par les inspecteurs de l’enseignement agricole, d’un référentiel de certification qui regroupe l’ensemble des capacités à certifier pour obtenir le diplôme. À partir de cela, ainsi que de contraintes structurelles liées au diplôme [2], est élaboré le règlement d’examen qui donne la structure des différentes épreuves permettant de certifier ces capacités. Ensuite, les inspecteurs et des enseignants élaborent un référentiel de formation qui donne la structure, l’esprit et la logique des enseignements à dispenser. L’ensemble de ces documents est regroupé au sein d’un référentiel de diplôme et mis à disposition des communautés éducatives.
13En plus du référentiel de diplôme, les enseignants disposent de documents d’accompagnement. Ils apportent des précisions sur les contenus pouvant être développés au regard des capacités à atteindre et donnent des informations sur la manière dont il est possible d’aborder les différents points du référentiel de formation.
Le rôle et les composantes d’un référentiel professionnel
14Le référentiel professionnel est la partie du référentiel de diplôme qui doit permettre de rapprocher la formation et la certification de la réalité et de la diversité des emplois exercés sur le terrain. D’autres éléments entrent ensuite en ligne de compte pour la rédaction des référentiels de certification et de formation : niveau de connaissances générales, approches transversales, prescriptions nationales à finalité éducative, cohérence globale des filières de formation…
15Le référentiel professionnel est une description normée des activités et des compétences. Il nécessite un véritable travail d’étude et d’investigation sur le terrain, avec les employeurs et salariés concernés, pour observer et identifier le mieux possible la réalité du travail.
a – Le rôle du référentiel professionnel
16Le référentiel professionnel, document constitutif du référentiel de diplôme, résulte de la formalisation d’une démarche d’analyse des emplois et du travail, qui constitue la première étape du processus de construction d’une formation professionnelle.
17Il permet de dessiner le contour des « emplois types » ciblés par le diplôme à travers la fiche descriptive d’activités (FDA) qui comprend les activités du cœur de métier et les activités plus occasionnelles ou spécifiques à certaines entreprises.
18L’approche par les compétences permet de situer le niveau de maîtrise des activités exigées pour occuper efficacement les emplois ciblés, et de repérer les situations professionnelles significatives (SPS), c’est-à-dire des situations reconnues par les professionnels et les enquêteurs comme particulièrement révélatrices de la compétence professionnelle.
19Le référentiel professionnel est donc par nature un document consensuel sur la base duquel une profession reconnaît et valide la description des métiers auxquels prépare le diplôme. Il pourra donc le cas échéant constituer une référence pour les conventions collectives de branche.
20Outil technique pour l’ingénierie pédagogique, le référentiel sera une base de travail essentielle pour élaborer les référentiels de certification et de formation. Par ailleurs, ce référentiel professionnel national permet aux équipes pédagogiques d’organiser la contextualisation de la mise en œuvre de la formation avec des acteurs professionnels locaux.
b – Les composantes du référentiel professionnel
21Le référentiel professionnel s’appuie sur l’ensemble des travaux d’ingénierie réalisés en amont. C’est un document de synthèse d’une dizaine de pages, qui retient les aspects les plus significatifs. Il est composé de quatre grandes parties :
- les éléments de contexte socio-économique du secteur professionnel donnent des informations sur les secteurs dans lesquels s’exercent et évoluent les emplois visés par le diplôme ;
- les emplois visés permettent de situer les emplois dans leur contexte pour identifier le cadre général d’exercice du métier ;
- la fiche descriptive d’activités (FDA) propose un résumé du métier. Elle donne une vision synthétique des emplois ;
- Enfin la liste des situations professionnelles significatives (SPS) et des finalités du travail constitue une référence pour le choix des capacités à évaluer et la construction de situations d’évaluation.
Processus de rédaction d’un référentiel professionnel et prise en compte de l’innovation
a – La commande de rénovation d’un diplôme par l’institution DGER
22La rédaction ou l’actualisation des référentiels de diplômes du ministère en charge de l’Agriculture se fait régulièrement et commence toujours par une commande institutionnelle. Cette commande prend en compte les exigences sociétales, politiques, réglementaires ou environnementales, pour que les établissements de formation préparent des jeunes et des adultes aux métiers d’aujourd’hui, et soient de véritables acteurs de l’accompagnement des politiques publiques.
23Dans le cadre du BTSA ACSE, la DGER a « passé commande » au réseau national des DRIF, pour une réécriture du référentiel professionnel et du recueil de fiches de compétences. Cette commande de la directrice générale de l’enseignement et de la recherche sert de base à un travail de rénovation répondant aux attentes des professionnels et au contexte économique du secteur agricole, pour proposer un diplôme de BTSA dotant les futurs titulaires des compétences indispensables, qui leur permettent de relever les défis de l’agriculture de demain.
24Pour ces travaux, l’équipe de DRIF a notamment interrogé l’évolution des systèmes d’exploitations agricoles, la recherche et l’évolution des pratiques du développement agricole, la durabilité des modes de production, le cadre européen, les employeurs du domaine du conseil et enfin l’insertion des diplômés.
25Les objectifs assignés aux DRIF ont une dimension prospective. Ils prennent en compte : les défis et innovations de l’agriculture de demain, les attentes sociétales et les types d’agriculture visés par les politiques publiques (notamment l’agroécologie), les apports récents de la recherche quant à l’évolution des systèmes de production, le pilotage stratégique de l’exploitation dans le cadre de son territoire et de l’économie mondialisée et les emplois occupés par les BTSA sortis ces dernières années du système éducatif ou « sur le marché du travail ».
b – La méthodologie de travail pour rédiger un référentiel professionnel
26Les DRIF exercent une fonction d’expertise et de conseil sur les questions d’emploi, de travail, de qualification et de formation. Pour cela ils utilisent des méthodes et des outils empruntés aux sciences de l’éducation, à l’approche systémique et à la sociologie des organisations. Entre la commande du chantier et la présentation du référentiel aux instances nationales, il leur faut environ six à huit mois. C’est le temps nécessaire pour qu’ils puissent réaliser l’état de l’art, l’analyse du travail en entreprise et les rencontres de groupes métiers ou groupes d’experts.
27Pour que la prise en compte des évolutions de la société et des modes de production agricole puisse être effective, il est important que le référentiel professionnel décrive bien toutes les situations professionnelles les plus significatives du métier tel qu’il est pratiqué actuellement, mais en n’omettant pas d’explorer les évolutions qui préfigurent de l’avenir. Il est donc indispensable que le référentiel professionnel sur lequel s’appuient les travaux ultérieurs de conception d’un diplôme soit suffisamment prospectif.
c – Les DRIF sollicitent des acteurs professionnels
28La rédaction d’un référentiel professionnel réunit une équipe de DRIF répartie sur l’ensemble du territoire afin de travailler avec des acteurs (structures et institutions, employeurs et salariés) représentatifs des emplois/métiers du diplôme. Cette équipe rédige le référentiel professionnel pour qu’il soit un outil technique et un outil de concertation. Cela n’est pas aisé et peut comporter quelques difficultés.
29Premièrement, il ne s’agit pas de décrire un emploi tel que l’on peut l’observer dans une entreprise en particulier, mais plutôt la configuration la plus généralement admise de cet emploi. Deuxièmement, il ne faut pas se laisser influencer par les demandes et les attentes de groupes particuliers, qui ont chacun des intérêts à défendre. Enfin, il faut rédiger un document qui soit socialement et professionnellement reconnu.
30Ce référentiel est donc une construction sociale qui comporte des enjeux de types très différents de reconnaissance sociale, professionnelle et d’efficience. Il est donc par nature un document de consensus. C’est à cette seule condition qu’il sera utilisable et utilisé par les professionnels concernés.
d – La collecte des données et l’analyse du travail
31L’objectif de la collecte des données est d’analyser le travail en le replaçant dans son contexte. Pour ce faire, les DRIF combinent souvent deux approches parce qu’elles s’enrichissent mutuellement. Ils réalisent des entretiens individuels sur le terrain, donc en milieu de travail, avec des titulaires de l’emploi/métier et des personnes organisant/encadrant l’activité. Ils complètent ces investigations avec une méthode plus participative de type « groupe métiers / groupe experts ».
32L’analyse des emplois et l’analyse du travail s’inscrivent dans la logique économique et sociale des organisations. Cette analyse prend en compte les réalités du moment et les éléments de prospective nécessaires pour identifier et anticiper les évolutions futures. Dans la rénovation des CAPA, les DRIF ont identifié avec les professionnels des facteurs d’évolution et de variabilité en cours, par exemple la prise en compte du développement durable et du bien-être animal, les règles d’hygiène et de sécurité, le cadre réglementaire et les marchés, l’usage des nouvelles technologies, la recherche de la qualité, le développement de la vente directe et des circuits courts et l’augmentation de la taille des entreprises et des élevages. Ce travail de prospective des emplois et des compétences permet de présenter un document qui prend en compte l’évolution rapide des emplois d’aujourd’hui.
33Malgré tout ce travail d’analyse et de prospective pour donner aux documents une certaine permanence dans le temps, il est quelquefois fait le grief que les documents sont en décalage avec les réalités professionnelles. Cette critique est compréhensible si l’on omet la dimension temporelle d’une formation. En effet, entre le moment où les DRIF reçoivent la commande et celui où les premiers diplômés quittent les établissements de formation, il se passe au minimum quatre années. C’est donc un élément à prendre en compte, lorsqu’une anticipation suffisante peut être raisonnablement pronostiquée.
34Lors de la rénovation du CAPA, par exemple, les DRIF ont reçu la commande de la DGER en février 2013. Ils vont rédiger les différents référentiels professionnels des différentes spécialités jusqu’en février 2014. Ensuite, les autres acteurs intervenant dans le processus rédigeront les référentiels de certification et de formation. Avec les différentes présentations dans les instances nationales, l’ensemble du processus se terminera en février 2015. À l’issue de ces travaux d’ingénierie, la vulgarisation des référentiels sera faite auprès des enseignants pour qu’ils puissent les utiliser et les appliquer à la rentrée de septembre 2015. Enfin, durant les deux années de formation CAPA, les jeunes vont étudier pour se présenter à l’examen de juin 2017.
35Les premiers titulaires de cette qualification CAPA rénovée, prenant en compte les éléments de la prospective de 2013, seront prêts à intégrer les entreprises au second semestre 2017. Il se sera donc passé plus de quatre ans entre la commande et l’insertion des jeunes en entreprise. Autant dire que dans une société qui évolue sans cesse et de plus en plus rapidement, la relation emploi/formation est une union difficile !
Comment est pris en compte le changement lors de l’élaboration des référentiels de certification et de formation ?
36La possibilité de prendre en compte les changements présents et à venir est en premier lieu liée à l’évolution des méthodes de rénovation des diplômes. Établir un référentiel de capacités à partir de l’analyse des SPS (Situations professionnelles significatives) permet de centrer la formation sur la préparation à l’obtention de ces capacités. Celles-ci sont professionnalisantes et intégratives.
37Elles sont, par exemple, formulées comme suit : Prendre en compte le contexte pour orienter l’activité agricole ; Raisonner un projet de l’entreprise agricole permettant de concilier compétitivité et respect de l’environnement ; Mobiliser des ressources pour la conduite durable des systèmes biotechniques ; Construire un système biotechnique durable.
a – Le référentiel de certification, outil de l’évaluation des capacités professionnelles
38Pour que le référentiel de certification débouche réellement sur un diplôme qui permette une adaptation aux changements, il est indispensable que le système d’évaluation n’empêche pas, et si possible favorise, les nécessaires adaptations aux contextes et aux évolutions. Ceci est crucial du fait de l’effet de rétroaction sur la formation des modalités d’évaluation. D’une manière générale, on peut dire que l’évaluation par des contrôles certificatifs en cours de formation laisse davantage de latitude d’adaptation aux innovations et aux particularités des contextes que des épreuves terminales. Il est donc important, lors de la rénovation d’un diplôme, de proposer des modalités d’évaluation qui soient bien centrées sur des capacités et non sur des contenus. Il convient d’imaginer des épreuves terminales qui puissent évaluer des aptitudes et des méthodes qui soient transposables à différents systèmes et modes de production. Par la suite, il est souhaitable que les sujets proposés pour les épreuves terminales nationales ouvrent la réflexion sur les évolutions contemporaines du secteur professionnel concerné.
39Le fait que le diplôme soit construit sur la préparation à l’obtention de capacités professionnelles (pour le domaine technique) centre les apprentissages sur l’acquisition de démarches, de méthodes, de savoir-être et des savoir-faire. Les contenus de formation sont au service de ces apprentissages. Ils s’adaptent au contexte et ne s’appuient pas sur des connaissances figées. L’approche capacitaire renforce la pertinence de la structuration modulaire des référentiels, s’appuyant ainsi sur un choix de progrès déjà ancien dans l’enseignement agricole. Ainsi, on fait appel aux apports de plusieurs disciplines devant contribuer ensemble à la préparation à la certification de capacités professionnelles évidemment transdisciplinaires.
40Quand un diplôme s’appuie sur la préparation à la certification de capacités issues d’une analyse fine et prospective des métiers visés et qu’il est doté d’un système d’évaluation qui permet l’adaptation nécessaire tout en respectant un cadre prescrit, les enseignants et formateurs peuvent travailler à proposer des enseignements qui intègrent les particularités des contextes et les évolutions des métiers.
b – Quel usage du référentiel de formation par les enseignants ?
41Le référentiel de formation est là pour donner les grandes orientations et la logique de construction du diplôme Il définit une architecture modulaire adossée aux capacités. Il propose une organisation de la formation en adéquation avec les évaluations permettant la certification des capacités. Les exemples qui suivent sont issus de la réflexion engagée dans le cadre de la réforme du BTSA ACSE. Un premier module serait centré sur l’analyse du contexte de l’activité agricole. Il permettrait de cerner les enjeux propres à cette activité. La prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux, techniques, économiques doit être un préalable à la mise en place de projets agricoles. Ce module doit permettre aux futurs professionnels du monde agricole de se situer dans un faisceau d’enjeux, de contraintes et d’opportunités. L’activité agricole ne peut être déconnectée de la demande sociale, des enjeux locaux ou mondiaux, des évolutions techniques, des marchés, des nouveaux modes de consommation. Apprendre à se situer dans un contexte et à identifier les enjeux, les évolutions, c’est développer une capacité à s’adapter aux évolutions futures. Pour que le référentiel de formation laisse place aux évolutions, il ne faut pas qu’il soit trop précis et prescriptif. Les enjeux varient, et souvent de manière non prévisible, il est donc nécessaire que le référentiel de formation permette les adaptations nécessaires. Cela a été un des fondements essentiels de la rénovation de la méthode d’écriture des référentiels de diplômes professionnels de l’enseignement agricole de 2007.
42La capacité à raisonner un projet d’entreprise agricole permettant de concilier compétitivité et respect de l’environnement serait préparée dans un module pluridisciplinaire s’appuyant sur l’analyse de systèmes agricoles variés, ces études de cas diversifiées permettant de déterminer différentes stratégies. Une analyse de durabilité appropriée serait réalisée afin de mesurer les impacts positifs et négatifs des exploitations étudiées par rapport à différents paramètres de durabilité.
43Deux capacités portent sur la mobilisation des ressources pour la construction et la conduite de systèmes biotechniques durables. Un préalable à la construction de ces systèmes biotechniques sera l’analyse du fonctionnement des agro-éco-systèmes. L’agronomie est envisagée au sens plein du terme et les approches spécifiques aux productions animales et végétales seront situées relativement à une vision globale des systèmes biotechniques. Les interactions au sein des agrosystèmes sont particulièrement étudiées.
44Cette approche implique une vision rénovée de l’agronomie et de l’étude des systèmes de production. Dans cette perspective, l’agronome doit intégrer de manière fine la compréhension du fonctionnement des agro-éco-systèmes afin d’optimiser la production biologique tout en respectant l’environnement et en produisant des aménités socialement valorisées. Dans ces conditions, l’unité de base du raisonnement de l’agronome ne doit plus être uniquement la parcelle. Il est important de raisonner à l’échelle de systèmes de cultures sur des échelles de temps pouvant dépasser celui d’une rotation. L’approche territoriale et paysagère est quant à elle de plus en plus importante afin de mesurer les effets des systèmes biotechniques sur l’environnement.
45Si les référentiels de formation donnent l’architecture et les différents objectifs de formation, les documents d’accompagnement pédagogique sont l’occasion de préciser les approches possibles et leur diversité. Les documents d’accompagnement ne sont pas prescriptifs. Ils apportent des éléments de réflexion permettant de faire évoluer la manière d’aborder un module d’enseignement. Ces documents sont actualisés aussi souvent que nécessaire. Cette réactualisation permet donc une adaptation des contenus de formation aux changements intervenant entre deux rénovations de diplômes.
46C’est un levier important pour accompagner l’évolution des pratiques des enseignants. Ces documents apportent une vision contemporaine sur les avancées les plus récentes, que ce soit au niveau technique, scientifique, sociologique. Les contenus de formation ne reposent pas uniquement sur des savoirs académiques, ils doivent aussi intégrer des connaissances non encore fixées, des observations et expériences de praticiens. Les innovations, les questions vives, les techniques alternatives sont discutées sans dogmatisme ni parti pris.
Pour conclure
47La méthode de rénovation adoptée par le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt facilite la prise en compte des évolutions des pratiques agricoles et de la demande sociale au sein des diplômes de l’enseignement technique agricole.
48Le système basé sur la certification de capacités laisse une grande autonomie aux équipes pédagogiques qui peuvent ainsi s’appuyer sur la diversité des agricultures. Cette liberté trouve un espace dans les plages horaires importantes confiées à l’initiative des établissements. La capacité d’adaptation aux changements est également développée à l’occasion des modules d’enseignement général qui participent à élargir la vision des futurs professionnels et des futurs citoyens, ce qui favorise leur insertion professionnelle et leur implication dans la vie sociale.
49Les référentiels de diplôme participent à une évolution générale. Ils cherchent à anticiper, mais surtout à ne pas brider les enseignants dans leur capacité à adapter leurs apports aux évolutions et aux contextes. Dans leur rédaction, il est important d’éviter les effets conjoncturels et il est essentiel d’accompagner les changements de paradigme. Un référentiel de diplôme est un consensus social, mais c’est aussi une vision de ce qui doit aider les futurs acteurs de la filière agricole à évoluer dans leurs activités professionnelles et citoyennes.
50Un référentiel est tout d’abord un document dans lequel se reconnaissent tous les acteurs d’un domaine pour définir, en termes d’activités et de capacités, le futur professionnel qui sera titulaire du diplôme symbolique de ce domaine. La formation est seconde : n’oublions pas que celui qui obtiendrait le diplôme par la validation des acquis de l’expérience (VAE) ne suivrait pas de formation, et pour autant, il ne serait pas moins légitime.
51En revanche, et compte tenu du fait que la très grande majorité des jeunes et des adultes, à travers un parcours plus ou moins individualisé, participera à un processus de formation, celle-ci constitue un levier important et privilégié pour l’accompagnement, et si possible l’anticipation, du changement à moyen et long terme. Mais elle n’est qu’une des pièces du puzzle social. Les changements ont lieu au sein d’une dynamique d’évolution simultanée des différents acteurs. En cela, le changement prend souvent du temps.