Notes
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[1]
Direction de la prospective et des interventions foncières.
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[2]
La notion de quart-espace a été brièvement introduite dans Les Cahiers de l’IAU, n° 152, octobre 2009, Composer avec l’environnement, dans l’article de l’auteur « Les espaces ouverts périurbains : une planification nécessaire », p. 20-21.
-
[3]
Les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT).
-
[4]
Les espaces ouverts sont ici définis comme non bâtis et non imperméabilisés.
-
[5]
Maraîchage, arboriculture et horticulture.
-
[6]
En cohérence avec le Plan régional d’élimination des déchets ménagers et assimilés, Predma, adopté en novembre 2009.
-
[7]
Dégradation d’un milieu ou d’un sol sous l’influence humaine (par apport direct ou indirect d’azote surtout), favorable aux plantes rudérales : orties, ronces… et défavorable à la flore et à la faune originelles.
1Dans les aires métropolitaines, telles que l’Île-de-France, les espaces peuvent être qualifiés selon quatre grandes occupations :
- les espaces supportant de l’urbanisation ou des infrastructures ;
- les espaces agricoles ;
- les espaces naturels ou forestiers ;
- le quart-espace [2].
21. Les espaces supportant de l’urbanisation ou des infrastructures : surfaces aménagées et majoritairement bâties ou imperméabilisées accueillant densément la population et ses activités, de façon relativement planifiée.
32. Les espaces agricoles : terrains perméables dédiés à la production agricole.
4Tant que l’agriculture est économiquement rentable et que les élus de proximité sont vigilants dans l’application de leurs documents d’urbanisme locaux [3], l’usage agricole du sol peut être pérennisé.
53. Les espaces naturels ou forestiers : terrains accueillant la plus grande part de la biodiversité remarquable et bénéficiant de plans d’aménagement et de gestion. Ils représentent de surcroît, c’est le cas en Île-de-France, des lieux de délassement du mode de vie citadine. Leur aménagement, la présence maîtrisée du public et une gestion adaptée permettent d’enrayer leur banalisation.
64. Le quart-espace : espaces ouverts [4] déqualifiés ou perçus comme vacants qui accueillent des activités intrinsèquement liées à la ville mais qu’elle n’a pas prises en compte. En terme spatial, ces occupations sont diffuses, initiant ou accentuant le mitage ou la dégradation des sites. En terme temporel, elles sont soit chroniques (enkystées), soit temporaires mais récurrentes.
7L’inventaire de ces occupations peut être schématiquement dressé de la façon suivante :
- cabanisation (habitat de fortune souvent constitué de matériaux de récupération) pouvant s’étendre et se densifier jusqu’à former un îlot de bidonville ;
- campements illicites de résidences mobiles ;
- itinéraires et circuits improvisés de motos « vertes » et quads ;
- casses automobiles ;
- aires de stockage de matériaux de construction ou de déconstruction, de matériels de logistique (de type palettes de manutention), de pneumatiques usagés, etc. ;
- dépôts sauvages de déchets divers, etc.
8Ces diverses occupations répondent indiscutablement à des besoins. Or, par désintérêt ou par déni, bien souvent la ville ne propose de réponse ni sur son propre territoire ni dans son aire d’influence. Le problème est que les activités en cause s’installent quand même quelque part, sans coordination avec les acteurs locaux ni souci de l’équilibre des usages en place. Elles supplantent alors la vocation naturelle, boisée ou agricole de terrains fragiles ou vulnérables et génèrent le quart-espace.
9Ces utilisations de l’espace entraînent des dégradations des habitats naturels, de la faune et de la flore, du sol ou de la ressource en eau, des paysages et souvent des troubles de voisinage ou des conflits d’usages. Les questions de la compatibilité des chemins d’accès, de l’assainissement, de la pollution, de la sécurité des personnes n’y sont pas résolues. Les questions juridiques de l’autorisation ou de l’interdiction de ces activités au regard des zones agricoles ou naturelles identifiés dans les documents d’urbanisme et surtout de l’application de leur règles sont inégalement prises à bras le corps par les collectivités. En matière de mitage, on peut également signaler ici le cas de la multiplication en zone agricole (notamment en ce qui concerne les spécialisés [5]) des sièges d’exploitation sous forme de pavillons individuels dispersés, fragilisant l’identité et la pérennité agricole de ces sites.
Quelques exemples de quart-espaces
10Les casses automobiles proches de Paris, par exemple au sud, le long de l’ex Nationale 7 (dans le Val-de-Marne, à Chevilly-Larue et Thiais), sont peu à peu remplacées par des occupations plus valorisantes (immeubles de logements collectifs, bureaux, etc.). Ces casses automobiles sont cependant utiles à la collecte des véhicules en fin de vie. Elles se redéploient de façon non planifiée, quelques kilomètres plus loin, notamment dans l’Essonne, sur des terrains moins soumis à la pression d’urbanisation mais dont les caractéristiques de sol ne permettent par nécessairement la préservation des nappes d’eau et dont les normes d’équipement ne sont pas toujours scrupuleusement mises en place.
11Les réglementations récentes imposent le recyclage des déchets (y compris les déchets verts, les déchets de chantier, etc.). Elles nécessitent donc des sites de stockage et de traitement. De façon générale, le projet de Schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif) adopté en septembre 2008 préconise que ressources, transformation et consommation soient situées aussi près que possible les unes des autres, y compris en matière de déchets [6], afin de diminuer les distances de transport, la consommation énergétique et d’améliorer leur valorisation. La question du foncier approprié se pose.
12Les collectivités locales et les préfectures n’aboutissent pas facilement à l’élaboration des schémas départementaux des aires d’accueil des gens du voyage, puis à leur réalisation. Des installations non officielles, mais bien identifiées, perdurent donc, au détriment de sites naturels.
13Les cas de cabanisation résultent souvent de la conjugaison d’un emploi précarisé, d’un parcours résidentiel trop rigide, de difficultés familiales ou encore de la venue, pour motif économique, de populations démunies venant chercher du travail (récemment surtout originaires de l’est de l’Europe). Ces situations à caractère socio-économique ou géopolitique sont refoulées pour une part dans les interstices de la ville, mais aussi hors ses murs, notamment dans les friches ou les bois-taillis périurbains, et se doublent alors d’un problème environnemental (dégradation d’habitats naturels, pollution des sols et de l’eau).
14Les sports mécaniques sont de plus en plus pratiqués par les citadins. Les deux ou quatre roues motorisées, par défaut de parcours officiels, sillonnent des sites forestiers ou d’intérêt naturel inadaptés, engendrant des dégâts et des nuisances, induisant un risque pour les promeneurs et pour les pilotes de ces engins et faisant peser potentiellement sur les propriétaires des sites, privés comme publics, le risque d’une part de responsabilité en cas d’accident grave.
L’Agence des espaces verts et les autres acteurs de l’aménagement du territoire
15Les compétences de l’Agence des espaces verts (AEV) s’exercent sur les terrains à destination forestière, naturelle, agricole ou de promenade situés dans les Périmètres régionaux d’intervention foncière (Prif). En revanche elle n’est habilitée à être ni aménageur d’opérations s’apparentant à de l’urbanisation, ni porteuse d’activités urbaines ou para-urbaines. Elle n’a donc pas vocation à supporter le foncier apte à recevoir les activités engendrant le quart-espace.
16L’action complémentaire et conjuguée d’autres acteurs permet la prise en charge des activités exercées dans le quart-espace. Les conseils généraux et les communes, compétents en matière sociale, les conseils régionaux en charge de la formation des adultes et de leur insertion professionnelle ainsi que de l’organisation de la gestion des déchets, les établissements publics de coopération intercommunale en charge de l’élaboration des plans locaux de l’habitat (PLH), les offices publics d’habitations à loyer modéré font partie des acteurs institutionnels pouvant apporter leur concours.
17Il faut tout particulièrement souligner le rôle des établissements publics fonciers (EPF) qui ont pour mission d’agir comme opérateur foncier pour le compte des collectivités locales en matière de projets de logements, de zones d’activités économiques et d’équipements. À cet égard, ils peuvent mobiliser le foncier nécessaire pour relocaliser de façon appropriée les occupations qui jusqu’alors, par défaut d’offre adaptée, transformaient en quart-espace des terrains vulnérables.
Logement
18Les aires d’accueil des gens du voyage sont nécessairement à implanter sur des parcelles dotées de voirie de desserte adaptées et d’assainissement et situées non loin des services collectifs (écoles, commerces, équipements publics, etc.) et sans solution de continuité avec le tissu bâti plus conventionnel (et donc veiller à ce qu’elles ne soient pas constituées en enclaves dans les espaces ouverts). Leur zonage de PLU est à spécifier.
19La résorption de la cabanisation et des zones de bidonvilles nécessite de repenser les modalités d’accès du parc du logement de réinsertion ou du logement social.
20Destiner aux logements des agriculteurs spécialisés une part des zones urbanisables d’habitat situées en communes rurales apparaît nécessaire pour limiter le mitage des terres cultivables.
Équipements collectifs
21Les circuits de motos vertes, les sites de loisirs de nature, etc. requièrent d’être explicitement qualifiés en tant qu’équipements et d’être programmés et aménagés comme tels. Les sujétions inhérentes à ces activités sont à prendre en compte dans leurs diverses composantes.
Aires d’activités économiques
22Les sites de dépôt et de déconstruction automobile, les aires de stockage des produits de déconstruction des bâtiments ou des chaussées en vue de leur réemploi, les aires de réception et de valorisation de déchets de biomasse, etc. justifient d’être identifiés comme des équipements à caractère économique et implantés dans les zones correspondantes.
Une réponse concertée pour reconquérir le quart-espace
23Face au quart-espace, la réponse institutionnelle est souvent insuffisante. Elle reste donc à élaborer puisque le problème est réel et tend à s’amplifier. En Île-de-France, l’Agence des espaces verts contribue à enrayer la banalisation et la dégradation des ressources naturelles et des paysages et à préserver les espaces ouverts de la rudéralisation [7]. Cependant, elle ne peut résoudre à elle seule les problèmes constatés. L’AEV, les EPF, les collectivités et divers établissements publics ont donc intérêt à coordonner leurs compétences et conjuguer leurs savoir-faire en matière foncière, environnementale, sociale et économique de façon à apporter des réponses permettant de protéger efficacement les espaces naturels, forestiers et agricoles, la biodiversité, les ressources naturelles et les paysages. Plus largement, la portée de ces actions est bénéfique à l’ensemble de la métropole francilienne et à tous ses habitants.
Notes
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[1]
Direction de la prospective et des interventions foncières.
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[2]
La notion de quart-espace a été brièvement introduite dans Les Cahiers de l’IAU, n° 152, octobre 2009, Composer avec l’environnement, dans l’article de l’auteur « Les espaces ouverts périurbains : une planification nécessaire », p. 20-21.
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[3]
Les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT).
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[4]
Les espaces ouverts sont ici définis comme non bâtis et non imperméabilisés.
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[5]
Maraîchage, arboriculture et horticulture.
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[6]
En cohérence avec le Plan régional d’élimination des déchets ménagers et assimilés, Predma, adopté en novembre 2009.
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[7]
Dégradation d’un milieu ou d’un sol sous l’influence humaine (par apport direct ou indirect d’azote surtout), favorable aux plantes rudérales : orties, ronces… et défavorable à la flore et à la faune originelles.