Pour 2008/4 n° 199

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Article de revue

Le développement du Pays de Rennes, un exemple à suivre ?

Pages 176 à 182

1Lors de la définition du Schéma de cohérence territoriale (Scot) du Pays de Rennes, comment a été définie la participation de chaque commune à l’accueil de nouvelles populations ?

2Bernard Poirier : Le Pays de Rennes est un territoire qui poursuit un développement que l’on souhaite durable, c’est-à-dire un espace qui continue à accueillir de nouvelles populations et activités tout en conservant ce qui fait sa qualité. L’espace est contraint – nous ne pouvons pas le faire grandir – et nous devons le gérer sur une échéance de quinze ou vingt ans. Se pose donc automatiquement la question de son économie.

3Pour maintenir les équilibres entre les différents secteurs du Pays de Rennes, nous voulons répartir la croissance, consommatrice d’espace, d’abord entre les différents EPCI, puis à l’intérieur de chacun d’eux. Pour Rennes Métropole, des prévisions ont été établies à partir des éléments dont nous disposions. Sachant qu’à l’horizon 2030, l’augmentation de la population sera de 35 000 habitants, nous en avons déduit le nombre de logements à construire. Puisque nous voulons économiser l’espace, nous avons également fixé un niveau de surface à consommer par nouvel habitant. Ensuite, nous avons réparti la population à accueillir entre les différentes communes, proportionnellement au nombre actuel de leurs habitants. À Mordelles, le résultat de cette répartition donne 145 logements à construire en moyenne chaque année. Le Scot a ainsi déterminé pour chaque commune un droit à consommer de l’espace : toujours pour Mordelles, sachant que nous devons prévoir tant de logements à l’hectare et qu’à l’horizon 2020 nous devons construire 2 200 logements, nous en déduisons la surface totale à urbaniser. Pour toutes les communes concernées, les documents d’urbanisme communaux doivent être en adéquation avec ces données. Il est important de préciser que si ces règles sont bien acceptées à Rennes et parfois plus difficilement ailleurs, c’est que l’augmentation de la population est accompagnée d’aides financières.

4La densification de l’habitat n’est pourtant pas toujours bien perçue par les habitants des communes périurbaines…

5B.P. : Pourtant cette densification de l’habitat est incontournable si nous voulons économiser l’espace !

6Contrairement aux idées reçues, n’importe quel bourg rural compte traditionnellement de 50 à 200 logements à l’hectare. La densité du bourg de Mordelles est bien supérieure à ce qu’elle est dans les nouveaux lotissements, qui ont pourtant été réalisés sur la base des préconisations du Scot ! Le modèle du lotissement avec une maison au milieu d’un vaste terrain ne correspond pas au modèle rural. Peut-être s’inspire-t-il de ce qui se pratiquait chez les agriculteurs qui construisaient au milieu d’un champ ?

7Si quelques personnes se mobilisent contre les programmes d’urbanisation de leur commune, ce n’est pas à cause de la densification de l’habitat – pour l’instant nous ne construisons pas des tours de 25 étages –, c’est parce qu’elles n’acceptent pas que leur environnement soit modifié. Elles s’insurgent contre la création de nouveaux lotissements, mais elles auraient la même réaction face à la construction d’une grande surface, d’une usine ou d’un bâtiment d’élevage.

8D’autres habitants ont peur que les nouvelles populations soient à l’origine de désagréments. Pour eux, les personnes logées en collectifs sont bruyantes et risquent de créer des problèmes, alors qu’en réalité tout dépend du type de population qu’on accueille et de la manière de l’accueillir.

9Pour autant, la nécessité de parvenir à un nombre déterminé de logements à l’hectare n’autorise pas à faire n’importe quoi en matière d’urbanisme. Avec le même niveau de densité, on peut faire des choses très différentes. Les habitants qui le veulent peuvent discuter du projet, ne pas être d’accord avec les formes urbaines proposées, souhaiter répartir autrement les maisons individuelles et les collectifs, demander la création de commerces ou contester leur emplacement.

10Rennes Métropole a engagé un Programme local de l’agriculture. Quels sont les objectifs visés au travers de ce document ?

11B.P. : La mise en place d’un PLA n’a rien d’évident, nous avons été parmi les premiers à initier une telle démarche. Cela prouve que, pour Rennes Métropole, l’agriculture est une question centrale, au même titre que celle des déplacements qui nous a conduits à élaborer un Plan de déplacement urbain (PDU).

12Le PLA est un cadre global (cf. encadré), et pour atteindre les objectifs fixés, nous avons besoin d’accords précis concernant les différents thèmes traités.

13Nous avons par exemple un accord-cadre avec la Safer sur les questions foncières. Il lui confie, depuis cinq ans, une mission de veille et de création de réserves foncières. Chaque fois qu’une exploitation agricole est mise en vente, et si elle peut présenter un intérêt pour un agriculteur, Rennes Métropole la met en réserve. Ces fermes seront ensuite attribuées aux agriculteurs dont les terres sont destinées à l’urbanisation.

14Autre exemple, la question paysagère qui n’est pas très bien traitée par les différents niveaux de décision intervenant dans le domaine agricole. Le PLA se donne pour objectif de conforter le bocage en s’appuyant sur des partenaires déjà mobilisés. Avec le Conseil général d’Ille-et-Vilaine, nous participons au financement de plants pour la création de haies par des agriculteurs ou des particuliers. Pour éviter que ces plantations ne soient réalisées de manière anarchique, nous soutenons les plans paysagers portés par les communes. Des études ont également été réalisées pour estimer le gisement en bois que constitue le bocage. La production est très insuffisante et ne permet pas de couvrir les besoins des chaufferies au bois récemment mises en place, pour chauffer l’eau de la piscine de Chartres-de-Bretagne par exemple. Pour la commune de Mordelles, la production locale de bois permettrait de chauffer 110 logements… sur un total de 3 000 ! J’ai toujours considéré que la première destination du bois de bocage est le chauffage des agriculteurs, qui eux sont au nombre de 40. Le système de chauffage d’un collectif de 60 logements va être alimenté au bois, nous pourrons à peine couvrir ces nouveaux besoins.

15Le PLA prévoit également d’encourager les circuits courts d’approvisionnement en produits alimentaires…

16B.P. : Sur ce thème, nous avons depuis longtemps engagé un partenariat avec le réseau des Civam. Une convention a été signée ave la FRCivam pour mieux connaître, recenser, organiser tous les circuits courts, qu’ils soient individuels ou collectifs. Cette action va être renforcée avec la participation au programme européen Alimentera. L’objectif est de permettre à l’agriculture locale de contribuer à l’alimentation locale. Par ailleurs nous soutenons concrètement les magasins collectifs en participant au financement de leurs investissements.

17D’autre part, les communes sont en train d’organiser des marchés de producteurs, dont le rôle est de fournir un débouché aux agriculteurs.

18L’objectif des circuits courts est de rapprocher le producteur du consommateur en dépassant le débat bio/conventionnel, durable/pas durable. Le but recherché n’est pas de développer l’importation de produits biologiques en provenance de Chine – on a vu récemment ce qu’il en était avec l’importation de soja biologique contenant de la mélamine ! Bien sûr il faut encourager l’agriculture bio locale, mais je pense que c’est plus structurant de favoriser la vente directe. Actuellement, à Mordelles, il existe un projet d’installation d’une borne de distribution de lait frais. Il n’y a pas de producteur de lait bio sur la commune, pourtant le lait sera fourni par un producteur de Mordelles.

19En dehors de la Safer et des Civam, quelles relations entretenez-vous avec la profession agricole ?

20B.P. : Sur la question foncière et la planification spatiale, la Chambre d’agriculture joue un rôle intéressant. Elle a compris que l’agriculture est moins menacée dans l’espace périurbain rennais que dans d’autres territoires où l’urbanisation n’est pas planifiée. Lors de l’élaboration du Scot du Pays de Rennes, nous avons estimé qu’il existait des espaces fragiles et nous avons créé les champs urbains : ce sont des espaces où l’agriculture est sacralisée. Par exemple, entre les agglomérations de Le Rheu et Mordelles, nous avons créé un champ urbain de 350 hectares. Il s’agit d’un espace où l’extension de la ville est exclue, où l’agriculture sera toujours présente. Nous considérons que cette zone est fragile parce que, si nous n’y prenons pas garde, dans vingt ans les deux agglomérations se seront rejointes, alors que nous avons fait le choix de la ville archipel. Cette dernière est constituée d’une ville centre entourée de satellites qui ne la rejoignent pas et qui restent séparés les uns des autres par des espaces agricoles.

21Par ailleurs, l’agriculture périurbaine peut aisément organiser des circuits courts : dans l’agglomération rennaise, la ville n’est jamais très loin et les agriculteurs peuvent réaliser de la vente à la ferme, même si leur exploitation ne se situe pas à proximité immédiate de la ville.

22Vous êtes à la fois maire, vice-président de Rennes Métropole et président du Pays de Rennes. Pensez-vous que l’instrumentation législative et réglementaire actuelle est adaptée à la construction de l’intercommunalité ?

23B.P. : Je peux difficilement répondre à cette question dans la mesure où l’agglomération de Rennes a vécu une histoire de coopération intercommunale au cours de laquelle elle s’est située plutôt en avance sur ce que les lois proposaient. L’instrumentation actuelle est adaptée à nos besoins, elle ne pose pas de problèmes en tant que telle. En réalité, notre communauté d’agglomération applique quasiment les dispositions prévues pour les communautés urbaines. Ce qui tend à prouver que si les élus ont la volonté d’utiliser l’existant, il suffit largement.

24Par contre, des éclaircissements sur les prérogatives des différents échelons territoriaux seraient parfois nécessaires. Ce n’est pas parce qu’une collectivité territoriale intervient dans le secteur agricole, dans le cadre d’un PLA, qu’elle a vocation à prendre des mesures réservées à la Politique agricole commune ! Du fait de l’empilement des niveaux d’intervention politique, il est possible que certains habitants – voire certains partenaires – ne savent plus qui doit faire quoi.

25Depuis que la Région sait clairement qu’elle a en charge les TER, personne d’autre ne s’en occupe. En soi, ce n’est pas un problème si le rôle de chacun est clairement établi. Mais en tant que commune, nous pourrons être demain sollicités pour des activités d’accompagnement au collège. Pourquoi devrions-nous intervenir dans ces établissements alors que ce sont les départements qui en ont la charge ? Quand Réseau ferré de France nous demande de participer au financement des lignes de TGV, nous le faisons parce que le territoire en a besoin, mais ce n’est pas notre rôle. Cette situation est liée au contexte actuel qui réduit les moyens de chacun.


Le Programme local de l’agriculture du Pays de Rennes (extraits)

26L’agglomération de Rennes se situe au cœur d’une riche région agricole, le bassin de Rennes. La production laitière est présente dans la majorité des exploitations et les 37 000 vaches du Pays de Rennes produisent 200 millions de litres de lait par an.

27Les élus du Pays de Rennes ont fait le choix de la ville-archipel avec un développement multipolaire qui laisse une large place aux espaces agricoles et naturels entre les bourgs et les villes. Cette organisation spatiale garantit un cadre de vie agréable aux habitants et une proximité forte avec une campagne bocagère façonnée par l’agriculture. Mais elle place les exploitations agricoles « au cœur de la ville » avec des contraintes fortes : concurrence foncière, manque de vision claire de l’avenir agricole du territoire, cohabitation et déplacements difficiles. En contrepartie, la proximité de la ville offre à l’agriculture un marché local important ouvrant des possibilités de diversification.

28Les élus et les agriculteurs ont intérêt à travailler ensemble pour définir les politiques locales permettant de garantir à l’agriculture une visibilité à long terme. La Chambre d’agriculture, la Safer, Rennes Métropole et le Pays de Rennes viennent de s’engager dans une collaboration qui se concrétise par la signature du Programme local de l’agriculture (PLA) du Pays de Rennes.

Les thèmes de travail du PLA

29Les acteurs locaux ont besoin de connaître la réalité de l’agriculture du territoire. La mise en place de l’observatoire de l’agriculture du Pays de Rennes leur permettra de partager un vocabulaire commun et une vision actualisée de la dynamique agricole du territoire, mais aussi de débattre de son évolution, de ses orientations et des actions à mener. L’observatoire publiera un bulletin annuel faisant notamment le point sur les thèmes traités par le PLA : foncier et urbanisme, environnement, liens citadins-agriculture.

30Le Pays perd 630 hectares de surface agricole par an. Dans ce contexte, pour maintenir une activité agricole forte, il convient de mettre en place des actions foncières et d’assurer une meilleure lisibilité de la place réservée à l’agriculture dans les projets urbains.

31Une convention a été passée entre la Safer et Rennes Métropole. Elle permet de réserver des terres de compensation pour les exploitants agricoles touchés par des projets urbains.

32Le regroupement des parcelles autour des bâtiments agricoles concourt au maintien d’un paysage bocager fortement lié au pâturage. La restructuration parcellaire sera encouragée, notamment par les procédures d’échanges amiables ou de jouissance.

33Une réflexion technique sur la prise en compte de l’agriculture dans les Plans locaux d’urbanisme s’est engagée entre les partenaires concernés. Elle vise à améliorer les pratiques existantes, débouchera sur la définition de nouvelles méthodes et la rédaction de recommandations à l’attention des conseils municipaux.

34L’agriculture génère des déplacements d’engins qui s’insèrent avec difficulté dans la circulation urbaine. Dans le cadre de leurs plans de déplacement, les communes pourront identifier les points noirs de passage de ces engins et intégrer une alternative pour les sites concernés.

35Le bocage constitue une des principales caractéristiques du paysage rennais et un élément fort de l’identité locale. Au-delà de sa dimension patrimoniale et paysagère, le réseau bocager joue de multiples rôles : régulation hydrique, biodiversité, ombrage pour les animaux, fourniture d’énergie renouvelable. Les chemins bocagers offrent aux citadins des espaces récréatifs… qui permettent de limiter la création de nouvelles zones de loisirs.

36L’entretien des haies revient principalement aux agriculteurs. Pour l’encourager, l’enjeu est de lui redonner une valeur économique : les EPCI du Pays de Rennes sont invitées à initier des actions en s’appuyant sur les partenaires déjà mobilisés.

37Pour se préparer au changement de contexte climatique et énergétique, Rennes Métropole élabore son Plan énergie-climat. Des réflexions et des actions seront engagées avec les acteurs agricoles pour limiter les consommations d’énergie. Il convient par ailleurs de développer les potentiels d’énergie renouvelable mobilisables sur les exploitations : biomasse, éolien, solaire. Le bocage peut contribuer à l’émergence de filières bois-énergie. Le recours au bois-énergie se développe dans l’agglomération rennaise, tant chez les particuliers que dans les établissements publics (serres, piscines, réseaux de chaleur), dans une logique de développement durable et d’approvisionnement local. Des études sont engagées, en partenariat entre le monde agricole et les collectivités, pour estimer le gisement en bois de bocage de divers secteurs du Pays de Rennes, en vue de développer une filière bois-déchiqueté complémentaire d’autres sources d’approvisionnement.

38Les liens qui reliaient les citadins aux agriculteurs se sont distendus ou ont disparu. Les agriculteurs sont aujourd’hui minoritaires dans le Pays de Rennes. Leurs nombreux voisins citadins connaissent mal leur activité et le fonctionnement des exploitations agricoles d’aujourd’hui. Réciproquement, les enjeux urbains sont mal connus des agriculteurs. Dans ce contexte, il s’avère nécessaire d’améliorer la connaissance réciproque des enjeux agricoles et urbains et de leurs contextes réglementaires.

39Les grandes filières agricoles locales sont majoritairement tournées vers les marchés intérieurs et internationaux, mais depuis quelques années les productions locales vendues en circuits courts retrouvent un nouvel élan, au travers de formes traditionnelles comme les marchés ou la vente à la ferme, mais aussi par des modalités plus innovantes : paniers et Amap, magasins fermiers collectifs, vente par Internet, restauration collective, etc. Ces modèles de distribution émergents doivent être accompagnés, en lien avec les partenaires impliqués.

40La proximité urbaine permet aux agriculteurs du Pays de Rennes de développer différentes formes d’activités : accueil à la ferme (agrotourisme, ferme pédagogique, ferme auberge), activités de services (pensions de chevaux, entretien des espaces naturels ou des chemins de randonnée) et partenariats avec les collectivités (méthanisation, co-compostage, gestion des boues de stations d’épuration). Le développement de ces activités porteuses de partenariats innovants pourra être encouragée notamment par des portes-ouvertes, formations et accompagnement de porteurs de projets.


Date de mise en ligne : 09/12/2014.

https://doi.org/10.3917/pour.199.0176
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