1Avec la course au décryptage du génome humain, la recherche en biologie génétique jouit d’un prestige plus fort que jamais. Or son intrusion en démographie suscite depuis longtemps des enthousiasmes comme des réticences. Atam Vetta et Daniel Courgeau exposent ici les problèmes posés par l’analyse de l’héritabilité préconisée par la génétique du comportement. Remontant aux travaux de Fisher (1918), les auteurs discutent les principes de cette analyse et remettent en cause les formules mathématiques utilisées qui, bien qu’entachées d’erreur algébrique, sont reprises par les démographes. Leur plaidoyer repose également sur la conviction que les comportements individuels sont largement expliqués par les conditions sociales, politiques et économiques dans lesquelles vivent les individus. Ils terminent sur le constat que ce courant de la génétique, qui a émergé au début du XXe siècle, est devenu périmé à l’ère de la génomique et ne saurait donc légitimement inspirer l’étude des comportements humains.
2Des revues démographiques de renom ont récemment publié des articles (notamment Kohler et al., 1999; Foster, 2000; Morgan et King, 2001 ; Rodgers et al., 2001) qui prônent l’utilisation des méthodes de génétique quantitative basées sur les travaux de Fisher (1918). Plus précisément, ces auteurs soutiennent que l’approche préconisée par la génétique du comportement devrait être plus largement utilisée pour étudier les comportements démographiques, et ils sont encouragés en cela par nombre d’autres démographes (Coleman, 2002; Hobcraft, 2002). Des travaux interdisciplinaires ont aussi porté sur les liens entre les gènes et la reproduction humaine (fécondité et autres comportements liés à cette reproduction). Différentes questions recouvrant ce champ ont récemment fait l’objet de publications (Rodgers et al., 2000; Rodgers et Kohler, 2003).
3Auparavant, la génétique du comportement avait déjà été utilisée en sciences sociales. La psychologie y recourt depuis une trentaine d’années (Herrnstein et Murray, 1994; Dunne et al., 1999; Segal et McDonald, 1998 ; pour des références complémentaires voir Capron et al., 1999) ; c’est aussi le cas de la gérontologie (McGue et al., 1993), de la sociologie (Lichtenstein et al., 1992) ou encore de la psychiatrie (Kender et al., 2000). La Behavior Genetic Society et sa revue Behavior Genetics sont consacrées aux recherches qui s’appuient sur cette méthodologie. Au centre de ces recherches se trouve l’idée qu’il y a une composante génétique dans tout trait de comportement et que l’on peut mesurer la contribution de cette composante à la variance du trait dans la population. Ces chercheurs pensent ainsi pouvoir étudier les comportements démographiques tels que la fécondité, la mise en couple, la longévité, la mortalité infantile, le divorce, etc. Les traits psychologiques et médicaux étudiés comprennent l’intelligence, mesurée par le QI (Pedersen et al., 1992), la personnalité (DiLalla et al., 1996), l’alcoolisme (Blum et al., 1990), le tabagisme (Kender et al., 2000), l’homosexualité (Eckhert et al., 1986), la féminité (Bouchard et McGue, 1990), le fait d’être actif le matin ou le soir (Hurr et al., 1998), l’agressivité, l’hostilité ou la colère (Gustavson et al., 1996), l’obésité (Brookman et Bevoral, 2002), le fait de boire du soda ou du jus de fruit (de Castro, 1993), etc.
4Nous allons montrer que la distinction entre nature et culture proposée par Galton (1869) est illusoire. Les deux effets ne peuvent être distingués, et cela pour aucun trait humain. Nous expliquons les concepts génétiques utilisés dans les modèles de génétique du comportement, en particulier le concept d’héritabilité, et montrons leurs défauts. Nous suggérons un autre concept pour étudier l’hérédité d’un trait. L’homogamie caractérise le choix du conjoint dans la plupart des sociétés humaines, mais les généticiens du comportement utilisent des formules incorrectes quand ils ajustent des modèles prenant en compte ces unions homogames (Capron et al., 1999). Nous expliquons pourquoi les formules utilisées par Fisher (1918) sont erronées et nous discutons d’une autre erreur algébrique commise par Jinks et Fulker (1970). Nous énumérons enfin certains facteurs qui affectent la fécondité et donnons des exemples de génétique moléculaire et de génomique afin de montrer comment ces approches peuvent améliorer notre connaissance des comportements démographiques.
I – Définitions et terminologie génétique
5La dénomination « généticien du comportement » recouvre deux groupes distincts de chercheurs. Les premiers sont spécialisés dans des expériences de laboratoire sur des animaux. Leurs expériences sont bien formulées et bien exécutées. Nous reconnaissons leur contribution à la recherche et cet article ne porte pas sur leurs travaux. Le second groupe de « généticiens du comportement » se rattache aux travaux de Jinks et Fulker (1970). Ils ne réalisent aucune expérience et ajustent des modèles statistiques du type « analyse des composantes de la variance » à des données observées. On peut les présenter comme des généticiens travaillant sur des comportements observés. Ils considèrent que les valeurs des paramètres obtenues par l’ajustement des modèles leur permettent de résoudre le problème de la nature opposée à la culture. Les exemples fournis ci-dessus sont tirés de leurs travaux et nous nous attachons aux questions et aux problèmes qu’ils posent.
6Les lecteurs de Population n’étant pas tous spécialisés dans les questions génétiques, nous allons d’abord définir les termes et les concepts utilisés dans cet article. Ceux qui sont plus familiers de cette terminologie peuvent directement passer à la section suivante.
7L’unité de base de l’hérédité humaine est le chromosome, ainsi nommé par le biologiste allemand du XIXe siècle Walther Flemming parce que les chromosomes ont une affinité pour certaines couleurs (chroma = couleur et soma = corps). Le matériel héréditaire fondamental présent dans un chromosome, l’ADN (acide désoxyribonucléique), est une molécule en double hélice, composée d’une longue suite d’unités de base, les nucléotides, chacun d’entre eux étant constitué d’un sucre, d’un phosphate et d’une base, cette dernière pouvant être de quatre types. C’est la séquence linéaire de ces bases qui constitue l’information génétique. Les êtres humains ont 23 paires de chromosomes, soit en tout 46. Pour les femmes, les deux chromosomes de chacune des 23 paires sont identiques. Pour les hommes, 22 paires ont des chromosomes identiques, tandis que dans la 23e paire, celle des chromosomes sexuels, ils ne le sont pas. Un gène est un segment de molécule d’ADN situé sur un chromosome. Il peut avoir des formes diverses, dénommées allèles. La position exacte d’un gène sur le chromosome est appelée son locus. Pour les chromosomes homologues (d’une même paire), un allèle d’un gène donné est situé en un même locus sur chacun d’eux. L’ensemble des gènes portés par une espèce est appelé son génome. Si un individu a deux allèles identiques en un locus, il est homozygote; sinon il est hétérozygote. Chez les humains, les cellules germinales (ovule et spermatozoïde) sont produites par un processus appelé la méiose. Cette division cellulaire réduit le matériel génétique. Ainsi, chaque ovule et chaque spermatozoïde ne comprennent plus que 23 chromosomes chacun. Quand un spermatozoïde pénètre dans l’ovule, chacun de ses 23 chromosomes s’associe à un chromosome homologue dans l’ovule et l’œuf qui en résulte crée un nouvel être humain avec 23 paires de chromosomes. Le génotype d’un individu est l’ensemble complet de tous ses allèles à tous ses locus. Le génome humain comprend environ 25 000 gènes.
8Mendel fut le premier à étudier un trait qualitatif. Un trait mendélien ou qualitatif est sous le contrôle d’un gène résidant sur une paire de chromosomes. Supposons que ce gène ait deux allèles, A et a situés chacun sur un des chromosomes. Comme nous recevons un allèle de notre mère et un autre de notre père, la population est composée de trois génotypes AA, Aa et aa pour ce gène (nous ne faisons ici aucune distinction entre Aa et aA). Lorsque nous avons la possibilité de bien distinguer les génotypes, le trait est appelé un trait qualitatif et nous pouvons étudier l’effet du gène. Les groupes sanguins sont un exemple de trait qualitatif. Un trait mendélien peut également présenter une dominance. Si, par exemple, l’allèle A est complètement dominant par rapport à l’allèle a, alors l’individu de génotype Aa sera identique à celui qui a le génotype AA. Si la dominance est partielle, alors le génotype Aa sera plus proche de AA que de aa.
9La génétique du comportement ne s’applique pas aux traits qualitatifs : elle a pour objet les traits quantitatifs. On fait alors l’hypothèse qu’un trait quantitatif est déterminé par un très grand nombre de gènes. Considérons un second gène B qui a aussi trois génotypes, BB, Bb et bb. Ainsi, deux gènes considérés simultanément fourniront neuf génotypes (chacun des trois génotypes de A se combinant avec chacun des trois génotypes de B, c’est-à-dire AABB, AABb, AAbb,…, aabb). Pour n gènes, ayant chacun deux allèles, le nombre de génotypes est égal à 3n. Le phénotype d’un trait quantitatif, tel que la taille, est mesuré par sa valeur sur une échelle continue. Certains génotypes peuvent produire des phénotypes semblables et nous pouvons ne pas être capables de distinguer ces génotypes. Ainsi, il n’y a pas de correspondance biunivoque entre les gènes et leur effet. L’approche suivie par la génétique du comportement consiste à ajuster un modèle en vue d’étudier un trait quantitatif. Or, l’environnement peut aussi affecter ce trait et, dans ce cas, un phénotype individuel peut ne plus être l’image fidèle de son génotype.
10Un généticien du comportement recueille des données sur le phénotype d’un trait et essaye d’en inférer ce que peut être le génotype. Une valeur phénotypique doit donc être associée à la valeur génotypique sous-jacente ou avec le génotype. Sans cette association, aucune inférence génétique ne peut être faite. Dès lors, nous avons besoin de nouveaux concepts par rapport à la génétique mendélienne. La « valeur génotypique » est l’un de ces nouveaux concepts. Malheureusement, nous ne pouvons la définir que pour un gène seulement et il faut donc ensuite essayer de la généraliser. Les valeurs génotypiques des trois génotypes AA, Aa et aa sont définies comme la régression de leur valeur phénotypique sur les fréquences génotypiques. Nous ne pouvons déterminer cette droite de régression parce que les valeurs génotypiques sont des constructions hypothétiques. Un autre nouveau concept est donc nécessaire : celui de « valeur additive ». Nous utilisons le même procédé et définissons les valeurs additives comme la régression de leur valeur génotypique sur les fréquences génotypiques. Les valeurs additives sont elles aussi hypothétiques et peuvent exister ou non. Les écarts à cette régression hypothétique des valeurs génotypiques sur les génotypes sont définis comme l’effet de dominance. En génétique mendélienne, cet effet de dominance est réel; en génétique quantitative, Fisher (1918) a fait l’hypothèse qu’il pouvait être représenté par les fluctuations aléatoires à partir de la droite de régression obtenue, et cette hypothèse est restée en usage (Falconer, 1972). Cette distinction n’est pas toujours bien comprise. Pour expliquer le concept de valeur additive, les auteurs de manuels de génétique donnent aux génotypes AA, Aa et aa des valeurs hypothétiques a, d et – a (on peut noter que des valeurs également réparties pour les trois génotypes ne restitueraient pas l’effet de dominance). Nous insistons sur le fait que les valeurs des effets génétiques, additifs et de dominance, sont des constructions statistiques hypothétiques, qui peuvent être réelles ou non.
II – Principales méthodes et hypothèses en génétique du comportement
11Les méthodes de génétique quantitative supposent que les mesures suivent une échelle de rapports. Malheureusement, ce n’est pas le cas de certaines mesures psychologiques ou de comportement telles que le QI (McInerney, 1999; Capron et al., 1999). Dans les études démographiques où les familles sans enfant sont ignorées, la distribution est en outre tronquée. Nous ne discuterons pas ici l’analyse génétique de ces distributions tronquées ou « redressées ». Nous supposons donc que les données suivent bien une échelle de rapports. Fisher (1918) avança l’hypothèse qu’un trait continu est déterminé par un très grand nombre de gènes – le terme polygénique ne fut proposé qu’en 1946 par Mathur, un disciple de Fisher –, chacun d’eux ayant un très petit effet sur sa mesure. Il obtint des formules pour les corrélations entre apparentés sous les hypothèses 1) d’unions aléatoires puis 2) d’unions homogames (i.e. assorties). Nous n’expliquons pas ici en détail cette théorie, mais notons cependant que la plupart des traits humains mettent en jeu des unions homogames. Bâtir une théorie faisant intervenir ces unions n’est pas une tâche aisée; les généticiens du comportement devraient néanmoins pouvoir le faire.
12Lorsque l’on doit traiter des effets conjoints de plusieurs gènes, des hypothèses relatives aux effets de l’action combinée de deux ou de plusieurs gènes sont nécessaires : sont-ils multiplicatifs ou additifs ? Fisher (1918) supposa que les effets de tous ces gènes étaient additifs, c’est-à-dire qu’il n’y a ni covariance, ni interaction entre eux. D’où la dénomination de modèle additif. Il définit ensuite l’environnement comme un ensemble de « causes arbitraires externes qui sont indépendantes de l’hérédité ». Cela implique que l’environnement est indépendant des gènes et aléatoire avec un effet moyen nul et une variance inconnue. Notons dès à présent que l’hypothèse d’environnement aléatoire peut ne pas être vérifiée pour de nombreux comportements humains, comme nous le verrons à la section IX. Il résulte de ces hypothèses que le modèle de la génétique du comportement est additif de deux façons : 1) les effets des gènes sont additifs et 2) les effets des gènes et de l’environnement sont additifs. Nous esquissons ci-après la théorie mise en place par les généticiens du comportement.
13Fisher et les généticiens du comportement font les hypothèses suivantes, qui ne sont généralement pas si clairement posées, pour développer un modèle de génétique quantitative :
- Les polygènes agissent additivement;
- La ségrégation des polygènes se fait de façon indépendante;
- L’environnement est indépendant des gènes et aléatoire;
- La population est en équilibre de Hardy-Weinberg;
- Pour simplifier les calculs, Fisher a fait l’hypothèse que le nombre de polygènes était infini.
14L’équilibre de Hardy-Weinberg signifie qu’il n’y a pas de changements dans les fréquences géniques ou génotypiques d’une génération à la suivante : c’est-à-dire qu’il n’y a ni migration, ni choix du conjoint, ni mutation, ni aucune sélection de quelque type que ce soit. Supposons que l’effet génétique du gène situé sur le ième locus soit donné par l’équation : gi = ai + di, où ai est l’effet additif et di est l’écart dû à la dominance. Fisher a supposé que les écarts dus à la dominance étaient aléatoires. En utilisant les hypothèses (i) et (ii) pour tous les gènes, on obtient :
16Cette équation est généralement écrite ainsi :
18En utilisant le concept statistique d’espérance, nous obtenons, sous les hypothèses de Fisher, l’équation suivante :
20où Var G est la « variance génotypique », Var A et Var D sont respectivement les variances additive et de dominance. Pour écrire l’équation [2], il faut faire l’hypothèse qu’il n’y a ni covariance, ni interaction entre les gènes. Sous l’hypothèse supplémentaire d’un environnement indépendant (iii), nous pouvons écrire :
22où Var P et Var E sont respectivement les variances phénotypique et environnementale.
23Notons que si l’hypothèse (iv) est violée, c’est-à-dire si la fréquence d’un allèle se modifie d’une génération à la suivante, alors les variances additive et de dominance et, en conséquence, la variance génétique changent et la structure simple décrite ci-dessus n’est plus valable.
24Pour une population dans laquelle les unions sont aléatoires, Fisher a calculé la covariance génétique au sein des fratries et celle entre parent et enfant qui, dans la terminologie actuelle, peuvent s’écrire:
26et
28Notons que la première covariance est supérieure à la seconde. Fisher n’a pas traité le cas des jumeaux monozygotes et n’a donc pas calculé la covariance correspondante. Il est facile de montrer que, comme tous leurs gènes sont communs :
30À ce stade, nous n’avons pas encore considéré la contribution de l’environnement. Sous l’hypothèse d’un environnement aléatoire (iii), la covariance phénotypique entre jumeaux monozygotes élevés ensemble est :
32où Var Ce est la variance due à l’environnement commun. On peut faire des calculs équivalents pour des corrélations. Ainsi, un généticien du comportement recueille des données, calcule des covariances (corrélations), les assimile à des covariances (corrélations) théoriques et résout les équations pour trouver des estimations des paramètres comme Var A ou Var D. La génétique y est utilisée de façon minimale.
33Cependant, si l’on désire trouver une solution unique à ces équations, il faut introduire une restriction mathématique sur leur nombre. En effet, le nombre d’équations doit être égal au nombre de paramètres à estimer, c’est-à-dire constituer ce que l’on appelle un système minimal. En l’absence d’un tel système, il n’existe pas de solution unique. Ainsi, si l’on désire estimer trois paramètres, par exemple Var A, Var D et Var Ce, un ensemble minimal de trois équations est nécessaire. À titre d’illustration, cet ensemble peut être constitué :
34a) par la covariance phénotypique entre jumeaux monozygotes élevés séparément :
36b) par la covariance phénotypique entre jumeaux dizygotes élevés ensemble :
38et c) par la covariance phénotypique entre jumeaux dizygotes élevés séparément :
40Lorsque l’on dispose de ces trois covariances phénotypiques, on peut calculer les valeurs uniques de ces paramètres. Si l’on utilise des corrélations plutôt que des covariances, alors les valeurs des paramètres estimés sont exprimées en pourcentage de la variance phénotypique. Notons que les généticiens du comportement utilisent un programme statistique, la plupart du temps LISREL, pour estimer leurs modèles.
41Pour un trait donné, l’unicité mathématique de la solution se réfère seulement à l’ensemble des équations utilisées et n’a aucune autre signification. Capron et al. (1999) ont montré l’importance de ce point : ils ont estimé les valeurs des paramètres utilisés en génétique du comportement à l’aide des corrélations fournies par Jinks et Fulker (1970) et en se fondant sur deux systèmes minimaux de trois équations différents. Leurs systèmes avaient deux équations en commun mais différaient par la troisième. Un des ensembles aboutissait à Var D = – 0,22. Or, on ne peut accepter qu’une part de variance soit négative. Les estimations des paramètres obtenues en ajustant un modèle de génétique du comportement doivent donc être considérées avec précaution, car les résultats peuvent varier dès lors que l’on utilise différentes matrices de covariances ou de corrélations. On ne réalise généralement pas qu’il existe toujours une solution à un système minimal quand les valeurs des corrélations diffèrent et que l’origine de ces corrélations reste inconnue. Ainsi, un ensemble de trois corrélations liées à la taille pour trois relations de parenté dans trois pays différents – par exemple, corrélation entre jumeaux monozygotes élevés séparément en Angleterre, corrélation entre jumeaux dizygotes élevés ensemble dans les îles Samoa et corrélation entre frères et sœurs élevés séparément en Inde – constitue un système minimal. Un modèle de génétique du comportement peut toujours être ajusté à ces corrélations. Mais il est dans ce cas difficile d’interpréter les valeurs obtenues car les composantes génétique et environnementale des trois populations diffèrent.
III – L’héritabilité
42L’héritabilité est un des concepts les plus utilisés en génétique du comportement. Il vise à départager la variance phénotypique d’un trait entre composantes dues à la génétique et composantes dues à l’environnement pour fournir des estimations de l’héritabilité. Il y a deux types d’héritabilité : « l’héritabilité au sens large » est la proportion de la variance plénotypique (Var P) prise en compte par toutes les formes de variance génétique, c’est-à-dire :
44tandis que « l’héritabilité au sens strict » est la proportion de VarP prise en compte par la variance génétique additive, soit :
46(Jacquard, 1983). Ce terme, qui évoque l’image d’une transmission des parents aux enfants, est en fait une statistique F, dont le principal inconvénient est que son numérateur est la variance d’une construction statistique hypothétique.
47Sewell Wright a utilisé le symbole h2 dans les années 1920 et Holzinger (1929) a utilisé le symbole H2 pour dégager la composante liée à la « nature ». Leur utilisation de h2 ou de H2 ne doit cependant pas être confondue avec le concept d’héritabilité au sens de la génétique du comportement. Ce concept est dû à Lush, qui l’employa en 1936 dans le contexte d’expériences de culture de plantes. Plus tard cependant, Lush écrivit qu’il « pensait qu’il aurait dû systématiquement éviter l’utilisation d’un seul terme, de crainte que les lecteurs ne le simplifient trop et ne l’appliquent trop largement à des conditions sous lesquelles il n’est plus applicable » (Bell, 1977). De son côté, Fisher (1951) donne son opinion sur ce « coefficient d’héritabilité, que je considère comme l’un de ces raccourcis malheureux, qui apparaissent souvent en biométrie du fait d’un manque d’analyse plus approfondie des données ». On peut regretter que leurs craintes aient été parfaitement justifiées par l’utilisation qu’en font les généticiens du comportement.
48La définition de l’héritabilité d’un trait, dans une population, est basée sur les hypothèses posées en section II. De nombreux généticiens ont expliqué pourquoi l’héritabilité ne pouvait pas être appliquée aux traits humains et nous recommandons à ce sujet la lecture de Jacquard (1983), de Feldman et Lewontin (1975) et de Sarkar (1998). Lorsque Lush utilisa pour la première fois ce terme, les chromosomes n’avaient pas encore été déchiffrés. Nous savons maintenant que tous les gènes d’un chromosome, à l’exception de recombinaisons, connaissent une ségrégation en bloc et non pas indépendamment les uns des autres. La génétique de Fisher et l’analyse de l’héritabilité sont ainsi basées sur l’hypothèse fausse que les différents gènes connaissent une ségrégation indépendante. En outre, dans les populations humaines, les unions sont homogames pour de nombreux traits. Fisher (1918) a montré que, dans ce cas, les gènes ayant des effets similaires ont tendance à ségréguer ensemble, ce qui signifie qu’il n’y a plus d’additivité des effets. Bien plus, l’environnement n’est pas aléatoire au regard des divers traits humains. En effet, si l’on accepte le concept d’évolution par adaptation, alors c’est bien l’environnement qui a façonné la constitution génétique des espèces. Il en résulte que l’analyse de l’héritabilité d’un trait humain est basée sur des hypothèses fausses.
1 – L’héritabilité n’est pas l’hérédité
49Les généticiens du comportement confondent l’héritabilité avec « l’hérédité ». En fait, l’héritabilité ne nous dit rien sur l’hérédité d’un trait. Le principe de base de la génétique est que les gènes sont transmis via les enfants et que si un individu porteur d’un génotype n’a pas de descendant, ses gènes disparaissent. La valeur sélective (définie approximativement ici par le « nombre d’enfants ») est le concept le plus important en génétique. Pour la présenter simplement, l’hérédité d’un trait peut être formulée de la façon suivante (Capron et Vetta, 2001b) :
50Intensité de l’hérédité = h2 de la valeur sélective × h2 du trait × corrélation génétique entre la valeur sélective et le trait
51Ainsi, un trait ne peut se propager que s’il est positivement corrélé avec la valeur sélective. Nous savons que le QI a une corrélation négative avec la taille de la famille (Herrnstein et Murray, 1994; Capron et al., 1999). Sa corrélation génétique avec la valeur sélective, s’il y en a une, doit donc aussi être négative. C’est la raison de la popularité du mouvement eugéniste au début du XXe siècle. On sait que les classes sociales les plus élevées ont souvent eu, dans le passé, une faible fécondité. Par exemple, Fisher (1958) écrit :
« Dans son ouvrage sur l’hérédité du génie, publié en 1869, Galton considère le problème posé par le fait généralement reconnu que les familles des grands hommes tendent, avec une fréquence exceptionnelle, à disparaître. »
53Galton attribuait cette disparition au mariage entre pairs, avec une héritière qui était enfant unique. Étant donnée la corrélation négative entre le QI et la valeur sélective, l’intensité de l’hérédité du QI est négative. De même, l’intensité de l’hérédité des gènes de l’homosexualité, si jamais ils existaient, devrait être négative. L’avenir des gènes du QI et de l’homosexualité, s’ils existent, est en vérité bien compromis.
2 – L’absence de corroboration de l’ajustement des modèles de génétique du comportement
54Depuis trente ans, la génétique du comportement n’a en rien corroboré l’analyse de l’héritabilité. On ne peut pas davantage conclure qu’une telle analyse ait fait progresser notre connaissance pour « améliorer » un quelconque trait de comportement. Après plus de trente années de recherches sur le QI, tout ce que les généticiens du comportement peuvent dire est que son héritabilité au sens strict, h2, est passée d’une valeur de 0,6 à 0,36 (Devlin et al., 1997; McGue, 1997). Les généticiens du comportement qui avancent une telle affirmation montrent une ignorance profonde de la génétique de l’évolution : un changement de cette importance de l’héritabilité au sens strict ne pourrait survenir que s’il y avait un changement drastique, soit dans le génotype humain, soit dans l’environnement. En réalité, aucun de ces changements ne semble être survenu.
55L’explication de cette prétendue diminution est simple : elle fut « politiquement » motivée. Quand Jensen (1969) désirait fournir des arguments contre les sommes allouées au Head Start Programme pour les enfants noirs des États-Unis, il a respectivement estimé l’héritabilité au sens strict et au sens large du QI à 0,6 et 0,8. Il proclama que, comme le QI a une très forte composante génétique et est fortement corrélé aux résultats scolaires, le Programme n’améliorerait en rien les résultats scolaires des enfants noirs et que l’argent serait dépensé en pure perte. Dans leur ouvrage The Bell Curve (La courbe en cloche), Herrnstein et Murray (1994) soutenaient qu’étant donné l’homogamie des unions et les fortes héritabilités, une élite cognitive (une sorte de Brahmanes de l’Ouest) devrait émerger. L’émergence de cette élite cognitive était propre à effrayer les libéraux de l’Ouest. Devlin et al. (1997) ont alors révisé à la baisse les estimations des valeurs de h2 et de H2 pour le QI (soit respectivement 0,36 et 0,48) et McGue (1997) en conclut que « les résultats de Devlin et de ses collègues conduiront à reconsidérer les conclusions néfastes de l’ouvrage “The Bell Curve” ». Cela est malheureusement faux. En fait, si le QI était un trait génétique, l’estimation plus basse ne conduirait qu’à retarder l’événement « néfaste ». Nous n’avons cependant pas à craindre l’arrivée de l’élite cognitive, ayant souligné dans la section précédente que les gènes du QI sont déjà condamnés si leur corrélation avec la fécondité est négative.
56Le fait est que le QI moyen a continué à augmenter. C’est ce que l’on appelle l’effet Flynn (Flynn, 1984). Dans leur ouvrage largement diffusé auprès du public, The Bell Curve, Herrnstein et Murray reconnaissent l’existence de cet effet (1994, p. 308) :
« Dans certains pays, la montée depuis la seconde guerre mondiale a été aussi élevée qu’un point par an pour certaines années. Les moyennes nationales ont en fait connu des changements d’importance comparable aux 15 points de QI qui séparent Blancs et Noirs aux États-Unis. »
58Une précision est ici nécessaire : un trait polygénique suit une distribution normale. Or, une propriété importante de cette distribution est que sa moyenne et sa variance sont indépendantes : un accroissement du QI moyen n’implique donc pas nécessairement un changement de sa variance.
3 – Calcul de l’héritabilité de la fécondité
59Nous discutons ici les articles de Kohler et al. (1999) et de Rodgers et al. (2001) parce que les méthodes qu’ils utilisent sont celles qui sont habituellement employées pour analyser des données sur la fécondité.
60Kolher et al. (1999) posent deux questions spécifiques : 1) existe-t-il une influence de la génétique sur la fécondité et sur des comportements reliés à la fécondité ? 2) est-ce que l’importance relative de l’effet de nature opposé à celui de culture change au cours du temps ou avec les régimes démographiques ? Si leurs données ne permettent de répondre à aucune des deux questions, il est cependant possible d’apporter une réponse théorique. Notre vision du génotype comme une machine à reproduire répond en partie à la première question. Nous ne désirons cependant pas faire de commentaires sur les comportements liés à la reproduction sans en proposer une définition précise. On ne peut répondre à la question du XIXe siècle sur l’opposition entre nature et culture qu’en faisant des expériences dans lesquelles les deux facteurs en cause, les génotypes et l’environnement, varient selon toutes les possibilités. Pour des raisons éthiques, de telles expériences ne sont pas réalisables sur des populations humaines. Concernant le changement au cours du temps, nous sommes d’accord avec Fisher pour affirmer qu’au cours de l’évolution, la culture peut devenir une nature.
61Kohler et al. travaillent sur deux échantillons de jumeaux danois, les premiers nés entre 1870 et 1910, les seconds entre 1953 et 1964. Le premier échantillon est partagé en deux : les jumeaux nés entre 1870 et 1889 et ceux nés entre 1890 et 1910. Tous les groupes sont distingués par sexe. Du premier au dernier groupe de générations, la variance du nombre d’enfants biologiques diminue de 9,986 à 1,145 pour les femmes, et de 8,94 à 1,118 pour les hommes. Des changements de cette importance dans la variance d’un trait nécessitent une explication, qu’ils ne recherchent pas. De plus, la « fécondité des jumeaux diffère de celle des non-jumeaux ». Il est donc difficile de justifier l’ajustement d’un modèle d’analyse de variance à de telles données.
62Kohler et al. soulignent que le nombre moyen d’enfants a varié de façon significative au cours du temps, mais ils omettent de se demander pourquoi. Sous l’hypothèse génétique, cela ne peut arriver que si les fréquences génotypiques ont elles-mêmes changé radicalement dans ce court intervalle de temps. Si cela reflète par ailleurs un changement dans l’environnement, alors l’hypothèse génétique ne tient plus. Ils notent l’accroissement du contrôle délibéré des naissances dans le mariage, mais continuent à estimer que leur échantillon leur permet de résoudre le problème de la nature opposée à la culture. Ils ne tiennent pas davantage compte des unions homogames parce qu’ils pensent n’avoir aucune information sur celles-ci. En fait, le coefficient d’homogamie entre conjoints pour le trait « nombre d’enfants nés dans une famille » est approximativement égal à 1.
63Il importe que les démographes fassent une différence importante enstre les caractéristiques qui ont précédemment fait l’objet d’une analyse d’héritabilité, telles que le QI ou la taille, et le « nombre d’enfants nés dans une famille ». Le QI et la taille sont des attributs d’un individu, qui ne supposent donc aucune contribution du conjoint. Le nombre d’enfants, au contraire, nécessite forcément une contribution de celui-ci. En fait, si le conjoint d’un individu a des problèmes de fertilité, le couple a peu de chances d’avoir un enfant. La fécondité du conjoint doit donc être prise en compte simultanément. Le modèle classique utilisé par la génétique du comportement ne peut pas être appliqué à la fécondité, parce que la fécondité de chacun des jumeaux monozygotes dépend de celle de son conjoint. Rares sont les cas où les conjoints de deux jumeaux monozygotes sont eux-mêmes des jumeaux monozygotes.
64On peut utiliser de nombreuses méthodes pour estimer l’héritabilité à partir de données sur des jumeaux. Capron et Vetta (2001b) en ont discuté un certain nombre. Kohler et al. (1999), qui connaissent les méthodes de génétique du comportement basées sur un système minimal d’équations (voir section II) et les dénomment « modélisation par équations structurelles », ne les utilisent pas. Ils emploient « l’approche par régression (statistique) » de DeFries et Fulker (1985) et régressent « le nombre d’enfants » d’un jumeau par rapport à celui de l’autre. Ils affirment que les coefficients de cette régression leur fournissent des estimations de l’héritabilité. Or, une régression statistique ne fournit pas une estimation de l’héritabilité : nous expliquons la différence entre régression génétique et régression statistique dans la section VI.
65Kohler et al. écrivent ensuite que le « processus d’accroissement de l’effet génétique observé dans les premières cohortes se renverse pour les cohortes nées à la fin des années 1880 » (p. 269). Une modification importante ou un renversement de tendances génétiques ne peuvent survenir qu’en cas de changement substantiel dans la constitution génétique de la population, mais ils ne fournissent aucune confirmation d’un tel changement. Ils obtiennent par ailleurs des estimations négatives pour la composante de la variance qu’ils nomment « l’environnement partagé ». Leur interprétation est « que les hypothèses d’un modèle génétique additif ne tiennent pas » (p. 266). En fait, les estimations d’un modèle de régression dépendent des variables explicatives que l’on utilise (Capron et al., 1999). Des variables différentes ou plus nombreuses pourraient leur permettre d’obtenir des estimations positives, mais toujours sans valeur.
66Rodgers et al. (2001) utilisent eux aussi une analyse de type DF (terme issu de DeFries et Fulker, 1985) et développent une section sur la « modélisation par équations structurelles ». Nous avons expliqué cette méthode en section II. Ils ne posent pas explicitement les équations qu’ils utilisent pour leur analyse d’héritabilité mais nous soupçonnons qu’elles sont basées sur l’hypothèse d’unions aléatoires. Ils prévoient une héritabilité assez basse dans le cas de faible fécondité et une forte héritabilité avec une forte fécondité des femmes. L’analyse de l’héritabilité d’un trait est basée sur les résultats de Fisher (1918), de Jinks et Fulker (1970) et sur l’hypothèse que le trait est déterminé par un grand nombre de facteurs : dans ce cas, la distribution du trait devrait être normale. Si leurs niveaux « fort » et « faible » se rapportent à la fécondité moyenne, alors nous savons, à l’aide de la théorie des distributions normales, qu’ils devraient être indépendants de la variance ou de l’écart type de la fécondité. Si c’est la variance qu’ils qualifient de forte ou de faible, alors leurs conclusions sont erronées : l’héritabilité est le rapport entre variances génétique et phénotypique et peut être forte lorsque la variance phénotypique est faible, et vice versa. Il n’y a donc aucune justification statistique ou génétique à leur conclusion. Pour eux, « la recherche passée suggère que la réponse à la question “les gènes influent-ils sur la fécondité humaine ?” est simplement “non” » (p. 40). Cependant, cette réponse est beaucoup trop simple pour être acceptable. Nous suggérons que la réponse devrait être « parfois oui, parfois non ». En fait, les gènes peuvent affecter la fécondité : une mutation génétique, une erreur de copie ou des facteurs environnementaux créent parfois des conditions qui entraînent l’infécondité. Nous discutons de certaines causes de l’infécondité en section XII.
4 – Résultats d’une régression due à un troisième facteur sous-jacent
67On sait depuis longtemps qu’une corrélation (ou une régression) entre deux variables peut être due à une troisième variable sous-jacente. Jacquard (communication personnelle, 1999) donne l’exemple frappant d’un trait génétique, la couleur de la peau, et d’une caractéristique individuelle, le chômage. Il indique que la couleur de la peau « est directement liée aux gènes. Dans un pays comme la France où sévit le chômage, être embauché est plus difficile pour quelqu’un dont la peau est foncée. Donc le fait d’être chômeur est “influencé” par le patrimoine génétique. Il en est de même pour tout caractère, quel qu’il soit. Même l’appartenance religieuse ou les opinions politiques sont des comportements sur lesquels la dotation génétique exerce une influence par le biais de processus plus ou moins complexes (dans lesquels interviennent notamment les gènes gouvernant la couleur de la peau) ». Une telle analyse montre l’existence d’une relation entre des caractéristiques sans que la raison en soit génétique, car elle est sociale.
5 – Le cul-de-sac de l’héritabilité
68L’analyse de l’héritabilité conduit donc à un cul-de-sac. Une fois que l’on a mis en évidence l’héritabilité d’un trait dans une population, on ne peut rien dire de plus. Est-il possible d’échapper à ce cul-de-sac ? Oui. Les comportements humains sont la réponse du cerveau à un stimulus externe. Il est dès lors surprenant que les généticiens du comportement ne mentionnent que rarement, sinon jamais, le rôle du cerveau. Nous ne sommes pas en mesure de répondre à de nombreuses questions sur ce rôle, mais nous en savons assez pour poser des questions. Que savons-nous donc du cerveau humain ? Une des différences les plus remarquables entre nous et nos plus proches cousins simiens est que nos cerveaux ont une croissance postnatale étonnante : ils doublent de taille durant nos deux premières années pour finalement quadrupler, passant de 450 cm3 à un maximum de quelque 1700 cm3 lorsque nous atteignons l’âge de 16 ans. Nous sommes nés avec la plupart des neurones dont nous avons besoin; ce qui change, ce sont leurs connections. Les extensions qui sont issues des neurones « peuvent être détournées et dirigées par des produits chimiques. Ces extensions, certaines d’entre elles ayant déjà été mises en place dans l’utérus de la mère, restent très dynamiques. Elles sont constamment renforcées par l’expérience ou atrophiées par manque d’expérience » (Greenfield, 2000, p. 61). Quelles sont les expériences qui renforcent ou atrophient l’extension des neurones humains ? C’est une question alternative qui permet de sortir du cul-de-sac auquel conduit l’héritabilité dans l’étude des comportements humains.
69Nous espérons qu’une nouvelle génération de chercheurs relèvera ce défi : celui de montrer comment certaines expériences renforcent les extensions des neurones tandis que leur absence peut conduire à les atrophier. Cela fera progresser notre connaissance des comportements humains. S’il était possible de montrer que certaines nouvelles connections se retrouvent dans la descendance, alors l’hypothèse de Vetta selon laquelle le cerveau évoluerait par « résolution de problèmes » (Vetta et Capron, 1999) mériterait d’être davantage explorée.
IV – Quelques problèmes posés par le modèle polygénique
70L’utilisation du modèle polygénique suppose qu’un trait mesuré par une variable continue est déterminé par un nombre élevé de gènes, ayant chacun un faible effet, et qui connaissent une ségrégation indépendante les uns des autres. Si les traits mentionnés en début d’article sont déterminés par des polygènes, alors le nombre de gènes présents dans le génome humain devrait être proche du million. Or, le déchiffrage du génome humain aboutit à un nombre de gènes d’environ 25 000. Il est probable que certains gènes contribuent à plusieurs traits quantitatifs. De tels traits ne devraient pas être indépendants.
71Fisher (1918) a de plus montré qu’un trait polygénique (quantitatif) devrait avoir une distribution normale. Cependant, le professeur Thoday et certains de ses étudiants estiment qu’une distribution normale peut être générée par un petit nombre de gènes. Un des rapporteurs de cet article a également attiré notre attention sur ce fait. Dans les années 1970, ce problème a fait l’objet d’une discussion dans les colonnes de la revue Nature (Thompson, 1975; Vetta, 1976b). Vetta accepta l’affirmation de Thompson selon laquelle un trait quantitatif peut être déterminé par l’association de l’environnement et d’un petit nombre de gènes « majeurs », mais réfuta toujours l’idée qu’une analyse d’héritabilité puisse être menée sur un tel trait. Les raisons en sont les suivantes : 1) dans le cas d’homogamie, des corrélations complexes entre valeurs additive et de dominance de ces gènes apparaîtront et l’hypothèse de ségrégation indépendante sera infirmée ; 2) des corrélations entre valeurs génétiques et variables d’environnement apparaîtront également; 3) la simplification obtenue par Fisher en introduisant un nombre élevé de polygènes ne sera plus valable et les formules de calcul des covariances devraient alors contenir un certain nombre de termes correspondant aux covariances et interactions entre gènes. Cela nécessite une nouvelle théorie mathématique, qui semble difficile à mettre en place. Quoi qu’il en soit, pour le moment, elle n’existe pas.
72Nous savons maintenant que ce ne sont pas les gènes qui connaissent une ségrégation indépendante mais les chromosomes. Normalement, tous les gènes d’un chromosome connaissent une ségrégation globale – un certain nombre de recombinaisons se produisent au cours de la méiose mais elles sont hors du champ de cet article. Or, il n’y a pas de modèle chromosomique pour un trait quantitatif et il paraît difficile d’en définir un. Nous savons d’ailleurs que les chromosomes n’ont ni le même nombre de gènes, ni un rôle équivalent.
73Un dernier problème est rarement sinon jamais discuté. Nous avons noté plus haut qu’un trait polygénique doit avoir une distribution normale. La théorie statistique de cette distribution montre que sa moyenne et sa variance sont indépendantes. Cela implique que les facteurs qui affectent la variance ne doivent pas affecter la moyenne. Considérons un exemple simple. Si nous installons une machine en vue de fabriquer des clous de 10 cm de longueur, les clous produits pendant une journée n’auront pas tous exactement cette taille. Certains mesureront 10,0001 cm et d’autres 9,9999 cm, etc. La raison de la variation de ce trait, la taille du clou, est que la production est affectée par un grand nombre de facteurs. La distribution de la taille des clous suivra une loi normale dont la moyenne est 10 cm. Les causes qui introduisent cette variation autour de la moyenne, 10 cm, n’affectent pas la moyenne elle-même. Nous avons fixé cette moyenne, mais la variation a été introduite par des causes qui sont hors de notre contrôle. Dans ce cas, les « causes » affectant la moyenne et celles affectant la variance sont indépendantes. Cela implique que si la moyenne d’un trait polygénique est déterminée par les gènes, alors sa variance ne peut pas l’être. D’où un sérieux problème quant à toute hypothèse génétique sur un trait quantitatif.
V – Pourquoi les corrélations entre apparentés estimées par Fisher sont-elles fausses ?
74Examinons d’abord les formules de corrélation estimées avec un modèle basé sur le choix du conjoint. Vetta (1976a) a montré que les formules de Fisher (1918) calculant les corrélations entre apparentés sont erronées. Les raisons n’en sont malheureusement pas encore bien comprises et les formules de Fisher sont toujours reproduites dans les manuels de génétique. Les formules utilisées par les généticiens du comportement, lorsqu’ils les appliquent à des données observées impliquant des unions basées sur le choix du conjoint, sont donc invariablement fausses (Capron et al., 1999). Nous allons en exposer brièvement les raisons.
75Dans la section I, nous avons présenté le concept de dominance. Fisher fit l’hypothèse que les écarts dus à la dominance contribuaient à la corrélation d’un trait entre frères et sœurs mais n’apportaient aucune contribution à la corrélation entre parents et enfants. Ce point vue est généralement accepté (Falconer, 1972; Kempthorne, 1969) et peut être mathématiquement vérifié dans le cas d’un seul locus. Par conséquent, dans le cas de dominance, la corrélation génétique entre frères et sœurs pour un trait est plus forte que la corrélation entre parents et enfants. Cela n’est pas le cas dans les formules de Fisher. Comment Fisher a-t-il pu se tromper ?
76Fisher supposait que la seule cause de corrélation entre parents et enfants venait des effets additifs. Wright (1921), quant à lui, croyait que « l’homogamie introduit une corrélation entre les effets de dominance des parents et de leurs descendants et entre les effets de dominance de l’un et les effets additifs de l’autre ». C’est bien le cas du modèle de choix du conjoint de Fisher, mais ce dernier n’a pas tenu compte de ces corrélations.
77En fait, pour obtenir sa formule donnant la corrélation entre frères et sœurs, Fisher a abandonné son modèle de choix du conjoint et utilisé l’hypothèse d’unions aléatoires : « la variance moyenne des fratries doit dans ce cas être calculée dans le cadre d’unions aléatoires ». Comme les proportions des différents types d’unions varient selon que l’on suppose les unions formées au hasard ou non, cette hypothèse n’est pas correcte.
78Fisher a enfin supposé que les termes de degré trois ou plus étaient négligeables, comparés aux termes du second degré, c’est-à-dire aux variances. Cette hypothèse est incorrecte. Les termes du troisième degré ne sont pas négligeables, tandis que ceux de degré quatre ou plus le sont. On n’obtient les formules correctes qu’en prenant en compte ces termes du troisième degré.
VI – Confusion entre régression statistique et régression génétique
79Certains chercheurs confondent toujours la régression statistique avec la « loi filiale de régression » de Galton (1869). Le concept utilisé par Galton a précédé le concept de régression statistique. Il nota que les fils de pères de haute taille étaient, en moyenne, moins grands et pensa que cette régression filiale d’un trait donné indiquait qu’il était sous contrôle génétique. Fisher (1924), parmi d’autres, montra qu’il était nécessaire de faire la distinction entre la régression statistique et la régression filiale. Vetta (1975) donna la raison de cette dernière. Il est donc utile d’expliquer la différence entre ces deux concepts.
80On sait que le coefficient de régression de Y sur X mesure le changement attendu en Y pour un changement unitaire de X. Ainsi, si l’on trouve que le coefficient de régression du nombre d’enfants du jumeau A, Y, sur le nombre d’enfants de son jumeau B, X, est égal à 0,5, cela signifie simplement que si le nombre moyen d’enfants de B s’accroît d’une unité, alors l’accroissement attendu du nombre moyen d’enfants du jumeau A sera de 0,5 (nous ignorons ici les problèmes de discontinuité et de troncature). Il est clair que le coefficient d’une régression statistique ne peut en aucun cas être confondu avec un paramètre génétique comme l’héritabilité.
81L’explication génétique de la régression filiale de Galton est différente. Considérons un trait quantitatif, sans effet de dominance ni d’environnement. Les pères pour lesquels la valeur du trait se situe x points au-dessus de la moyenne de la population, supposée égale à zéro, auront des enfants pour lesquels la valeur moyenne du trait sera x/2 points. C’est ce qu’avait observé Galton. La raison de cette régression vient de ce que nous n’avons considéré que les pères. Comme les mères sont choisies au hasard, la valeur moyenne du trait est, pour elles, égale à zéro. Il en résulte que la valeur moyenne du trait pour la progéniture est (x + 0)/2=x/2. En revanche, s’il y a homogamie parfaite, alors la valeur moyenne du trait chez les mères sera égale à x. Dans ce cas, il n’y a plus de régression vers la moyenne car la valeur moyenne chez les enfants sera de (x + x)/2=x. Ainsi, la régression génétique n’intervient qu’en l’absence d’homogamie parfaite. L’introduction d’un plus grand nombre de gènes, d’une dominance ou d’un environnement non aléatoire ne change rien à cet argument.
82Le coefficient d’homogamie est proche de l’unité pour la fécondité. Pour une population à l’équilibre, il ne devrait y avoir aucune régression galtonienne. L’étude d’une population éloignée de l’équilibre génétique est un problème complexe qui sort du champ de cet article.
VII – Difficulté de mettre au point un modèle génétique complet pour un trait de comportement
83Comme nous l’avons noté précédemment, Jinks et Fulker (1970) ont effectué le premier essai sérieux d’application du modèle de Fisher à l’analyse des comportements humains. Leur publication est probablement l’article le plus cité en génétique du comportement. Eysenck (1979) estime que son propre « ouvrage est le premier à se baser entièrement sur ces nouvelles méthodes ». Martin et al. (1989, p. 5) considèrent l’article de Jinks et Fulker comme « fondamental » tandis que Neale et Cardon (1992, p. 31) le décrivent comme un « point décisif ». Le professeur Jinks a cependant lui-même reconnu que « ce modèle est simplifié à l’extrême » (communication personnelle, mai 1974).
84Un des problèmes rencontrés par la génétique du comportement est l’existence vraisemblable d’une interaction entre génotype et environnement (G × E). Il peut aussi y avoir une covariance entre génotype et environnement (G,E). Plus généralement, la formule [3] peut être écrite, avec ces deux termes, en ignorant toujours la covariance entre gènes (encore appelée épistasie) :
86Dans le modèle de Fisher, l’environnement est supposé aléatoire, d’où:
88Reste donc le terme d’interaction pour lequel aucune méthode d’estimation n’avait été élaborée. Jinks et Fulker (1970) en proposèrent une. Elle fut saluée comme une découverte incomparable et fut immédiatement utilisée par Jensen (1970) afin de montrer qu’il n’y avait pas d’interaction entre génotype et environnement pour le QI. La méthode fut ensuite étendue au cas multivarié par Eaves (1972). Fulker et Eysenck (1979) affirmèrent que « nous pouvons directement tester une quelconque forme d’interaction entre génotype et environnement ». Mais Vetta montra qu’il y avait une erreur algébrique dans l’article de Jinks et Fulker et que lorsque celle-ci est corrigée, la méthode est inutilisable. De plus, dans le reste de leur article, ceux-ci emploient les formules incorrectes de Fisher (1918) pour analyser des données portant sur certains traits de comportement (Vetta, 1976a). Il est dès lors impossible d’accepter les conclusions tirées des travaux de Jinks et Fulker.
VIII – Le coefficient de variation génétique a-t-il quelque valeur ?
89Rodgers et al. (2001) écrivent : « Dans une dernière analyse, nous calculons des coefficients de variation génétique pour compléter l’information fournie par les estimations de l’héritabilité ». Ces coefficients ont également été utilisés par Hughes et Burleson (2000). À première vue, cette approche semble séduisante car elle fournit une mesure sans dimension. La formulation qu’ils donnent est celle d’un coefficient de variance additive : C Va = 100 (écart type additif)/(moyenne phénotypique).
90Quand on y regarde de plus près, cette formule constitue une nouvelle mouture d’une ancienne formule statistique laissée depuis longtemps de côté. Dans le premier quart du XXe siècle, des statisticiens avaient noté qu’ils ne pouvaient comparer des variances estimées sur différentes populations que si les unités de mesure étaient les mêmes (le test F n’avait pas encore été inventé). Pour surmonter cette difficulté, due à des différences entre unités, plusieurs coefficients furent proposés. Parmi ceux-ci, deux seulement, plus précisément le coefficient de variation de Karl Pearson et le coefficient de concentration de Gini, furent largement utilisés. La formule du coefficient de variation est : où ? = moyenne de la population et ? = écart type de la population. La raison pour laquelle ces coefficients ont été abandonnés est que les statisticiens réalisèrent que l’inverse de est beaucoup plus utile, particulièrement si l’on utilise la variable , c’est-à-dire la standardisation. Cette formulation est maintenant générale en statistique.
91Rodgers et al. poursuivent : « les héritabilités sont des proportions, et “effacent” ainsi une partie de l’information sur les variances phénotypiques ou génétiques ». Les coefficients de variation sont aussi des rapports et ils effacent également une partie de l’information. Ils ont encore d’autres inconvénients : ils impliquent des paramètres issus de deux distributions différentes, à savoir la distribution phénotypique d’un trait et la distribution hypothétique des valeurs additives, ce dernier paramètre ne pouvant être mesuré. Ces coefficients de variation sont ainsi fortement affectés par la moyenne et nous ne voyons aucun intérêt à leur utilisation.
IX – Les effets des gènes et de l’environnement sur un comportement ne peuvent être séparés
92Nous présentons ici rapidement notre point de vue sur la possibilité de séparer un effet génétique (G) d’un effet d’environnement (E). En premier lieu, l’ajustement de modèles de génétique du comportement est inutile dans le cas d’une recherche sur les « causes et effets » (Gottlieb, 2001 ; Capron et Vetta, 2001b). Pour séparer les effets des gènes et de l’environnement sur un trait, il serait nécessaire de sélectionner les divers génotypes du trait et les divers environnements de façon aléatoire. Cela signifie que les individus ayant les divers génotypes devraient être élevés dans différents environnements. Nous n’avons une connaissance complète ni de l’environnement, ni des génotypes. Qui plus est, une telle expérience n’est pas envisageable pour des populations humaines. En second lieu, les types de comportements génétiques d’une espèce sont le produit de combats menés pour s’adapter à l’environnement durant la longue période de l’évolution. La règle simple était de « s’adapter ou mourir ». Nous sommes les descendants de ceux qui se sont adaptés. Les environnements auxquels nos ancêtres se sont adaptés ont depuis longtemps disparu. Il est donc impossible de mettre en place une expérience pour séparer les effets des gènes et de l’environnement ou mesurer leur interaction, car nous ne pouvons pas recréer cet environnement disparu.
X – Il est difficile d’isoler la variation génétique de la valeur sélective
93Dans une lettre à Kempthorne en 1955, Fisher définissait la valeur sélective comme « la capacité à laisser une postérité dans le long terme » (Bennett, 1983). Cela se comprend dans le contexte de l’évolution. La valeur sélective, ainsi définie, ne peut être mesurée que longtemps après le décès d’un individu et elle ne peut être utilisée dans la modélisation en génétique du comportement. Nous discutons ici certaines des raisons qui rendent la génétique du comportement impropre à l’analyse des données sur la fécondité.
1 – Différence de valeur sélective entre hommes et femmes
94Dans l’analyse de l’héritabilité d’un trait de comportement, on suppose qu’il n’y a aucune différence entre les phénotypes masculins et féminins. En statistique, cela revient à dire que la moyenne et la variance du comportement sont égales pour chaque sexe. Cela n’est pas vrai pour la fécondité. Un certain nombre de facteurs tels que la durée de la grossesse, les besoins de l’enfant, etc., restreignent la valeur sélective pour les femmes. Ces facteurs ne limitent en rien la valeur sélective du génotype masculin. La limite d’âge pour avoir des enfants diffère également entre les sexes. Il en résulte que la valeur sélective du génotype féminin est plus faible. Dans certaines populations qui pratiquent la polygamie, cette différence est d’autant plus visible.
2 – Mutations et stérilité
95Ki mura et Ohta (1971) écrivaient : « Un résultat supplémentaire intéressant est que la plupart des mutations à l’origine de la stérilité ne le sont que pour un seul sexe. De tels gènes mutants peuvent être majoritairement conservés dans la population par l’équilibre entre mutation et sélection ». Les premières analyses du Projet sur le génome humain (HGP) confirment ce point de vue car « la plupart des mutations surviennent chez l’homme » (BBC News, Sci/Tech, 11 février 2001).
3 – Choix du conjoint et valeur sélective
96Rodgers et al. (2001) utilisent le trait « nombre d’enfants » comme une mesure de la fécondité et/ou de la valeur sélective. Ils ne prennent pas en compte le choix du conjoint. Comme nous l’avons dit précédemment, pour le trait « nombre d’enfants », le coefficient d’homogamie entre conjoints est proche de l’unité dans la plupart des sociétés monogames (le terme proche tient compte de l’infidélité, etc.). Pour utiliser le modèle de la génétique du comportement, la valeur sélective doit être considérée comme un trait multifactoriel; or, il n’existe aucun modèle théorique pour un trait ayant un degré aussi élevé d’homogamie. En effet, si le coefficient d’homogamie pour un trait de comportement est proche de l’unité, alors la population atteindra finalement l’équilibre avec un génotype ABCD… ayant une forte probabilité et un génotype abcd… ayant une faible probabilité. À l’équilibre, les unions seront formées à l’intérieur de chaque groupe et l’héritabilité du trait sera nulle. Cependant, si ce trait est la fécondité (valeur sélective), les individus porteurs du génotype abcd… n’auraient aucun enfant et disparaîtraient. Il en résulte que la population ne serait plus composée que d’individus ayant le génotype ABCD…, la variation étant entièrement liée à l’environnement. Cette variation étant non génétique, l’héritabilité est nulle. Ainsi, la génétique du comportement n’est pas appropriée pour étudier la fécondité.
4 – Le nombre d’enfants n’est pas une mesure appropriée de la valeur sélective
97Un chercheur qui désirerait utiliser le « nombre d’enfants dans une famille » comme une variable génétique devrait en premier lieu retirer l’effet des facteurs qui sont connus pour affecter ce trait. En fait, c’est bien ce que font les chercheurs en démographie quand ils utilisent les modèles biographiques ou multiniveau. Ils essayent de prendre en compte tous les facteurs qui affectent le nombre d’enfants quel que soit le niveau d’agrégation auquel ils se situent : individu, famille, économie, environnement, etc. (Courgeau et Lelièvre, 1989, 1992; Courgeau, 2002).
XI – L’avenir de la génétique des populations
98Les contributions de Fisher à la génétique et à la théorie de l’évolution sont importantes. Il travaillait en un temps où notre connaissance des chromosomes était quasiment nulle. Il mit au point de nouvelles méthodes mathématiques pour expliquer la transmission d’un trait polygénique et pour résoudre certaines questions posées par l’évolution. Au cours de ces dernières années, les génomes de certaines espèces ont été déchiffrés et nous devons reconsidérer la génétique de Fisher dans l’état actuel de nos connaissances.
99Le premier génome à avoir été déchiffré en 1998 est celui d’un petit ver nématode, Caenorhabditis elegans (voir section XIII). Vint ensuite celui de la mouche à fruits, Drosophila melanogaster. Elle possède 4 paires de chromosomes et 13 600 gènes. Environ 60 % de ces gènes sont aussi présents chez l’homme et 70 % des gènes connus pour causer les cancers humains existent sous forme similaire dans la drosophile. Le génome de la thalle du cresson (Arabidopsis thaliana) fut à son tour décodé. Il possède 5 chromosomes et 25 000 gènes. Les génomes du riz et de la levure ont également été déchiffrés.
100Nous avons déjà indiqué que le génome humain comporte 23 paires de chromosomes et environ 25 000 gènes. Le fait est qu’en termes de nombre des gènes, nous sommes en dessous du riz dont le génome possède 50 000 gènes. Le génome de la souris a 20 paires de chromosomes et environ 30 000 gènes. Hubbard a pu dire que « leurs génomes (homme et souris) sont si semblables que vous pouvez les comparer directement deux à deux. Si nous savons quelque chose au sujet des gènes de souris, nous pouvons maintenant trouver des gènes semblables chez les humains » (BBC News, Sci/Tech, 6 mai 2002). Quelle est donc la différence génétique entre la souris et l’homme ? Nous soupçonnons que la différence se trouve dans les gènes de contrôle et l’interaction entre les gènes. Avec tant de gènes en commun entre les espèces, la nature de la génétique va changer.
101Nous devons donc inventer un nouveau type de mathématique génétique où l’héritabilité n’aurait aucune place. Pour ce faire, nous avons besoin d’emprunter des concepts et des méthodes à d’autres branches des mathématiques. Alors que le ver nématode, la souris, l’homme et d’autres espèces ont des gènes communs, des recherches récentes suggèrent que la valeur d’espèce d’un gène deviendra un concept important en mathématique génomique. Nous sommes familiers de la différence de valeur d’un chiffre selon sa position dans un nombre. Par exemple, le chiffre 2 a pour valeur 2 mais dans 245, sa valeur est 200. De façon semblable, la « valeur » d’un gène peut dépendre de l’espèce dans laquelle il apparaît. Dans différentes espèces, le même gène agissant de concert avec d’autres gènes peut donner naissance à une expression génétique différente.
XII – Recherche génomique et comportements démographiques
102La génétique moléculaire est maintenant utilisée pour étudier les comportements démographiques. Des recherches récentes en biologie moléculaire ou en substitution de gènes montrent la complexité des facteurs impliqués dans la fertilité des hommes et des femmes. Nous en énumérons quelques-uns ci-dessous, puis nous discutons d’une nouvelle méthode pour étudier le rôle des gènes, différente de la génétique du comportement.
1 – Avancées en technologie génétique
103Au cours des vingt dernières années, de grandes avancées ont eu lieu en matière de technologie des gènes et des embryons. Le développement de l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée en constitue un bon exemple. Nous pouvons maintenant congeler à la fois les ovules et le sperme pour une utilisation ultérieure, même après la mort du donneur. Nous pouvons cloner des animaux. Les généticiens font des expériences sur des gènes communs aux humains et à d’autres espèces. Par exemple, pour progresser dans le traitement de l’infertilité humaine, des expériences visant à remplacer des gènes défectueux peuvent être entreprises sur les souris. La thérapie génique permettra à des chercheurs de tester comment la substitution de gènes affectera les générations de souris à venir et comment elle pourra fournir des protections contre l’introduction de gènes dangereux dans le génome humain.
2 – Certains facteurs associés à l’infertilité masculine
104Huynh et al. (2002) ont montré que des facteurs génétiques sont associés à l’infertilité masculine : anomalies des chromosomes autosomaux et sexuels, désordres liés à de faibles sécrétions des gonades, etc. Silber et Repping (2002) ont établi que la cause de l’infertilité masculine la plus souvent étudiée est une délétion au niveau du chromosome Y. Nous savons que dans la production d’un ovule, le chromosome sexuel masculin Y n’intervient pas. En revanche, Page et Hughes (The Dawn, 31 mars 2001) rapportent que dans la production du sperme, le chromosome féminin X semble jouer un rôle. Selon eux :
« Tous les gènes associés aux tout premiers stades de la production de sperme se trouvent non pas sur le chromosome masculin Y, comme on pourrait s’y attendre, mais sur le chromosome X, universellement considéré comme le chromosome sexuel féminin. »
106Xu et al. (2003) se sont penchés sur le gène DAZ (Deleted in Azoospermia) qui se trouve aussi bien chez les humains, les mouches à fruit (il se nomme alors gène Boule) que dans d’autres espèces. Pour les mouches mâles, il régule la méiose. Sa perte entraîne l’arrêt de la méiose et, par suite, l’infertilité. Ces chercheurs ont introduit le gène DAZ humain dans des mouches infécondes et le déroulement de la spermatogenèse a repris. Cela a des implications évidentes pour l’infécondité masculine humaine.
107Lors de la conférence de l’AAAS (American Association for the Advancement of Science) en février 2003, une discussion sur le chromosome Y a eu lieu. On pense généralement qu’il est transmis en l’état du père au fils. En fait, cela ne semble pas être le cas. David Page du Whitehead Institute (Cambridge, Massachusetts), qui est impliqué dans le décryptage du chromosome Y, avance que la fonction primaire du chromosome Y semble être d’agir comme un commutateur maître qui enclenche le développement masculin et la production de sperme. Il a découvert que le chromosome Y avait, par lui-même, le moyen de développer de nouveaux complexes géniques. Chez les femmes, les deux gènes X échangent du matériel génétique de telle sorte que les enfants héritent de combinaisons de gènes très différentes de celles de leurs parents. David Page a aussi découvert que le chromosome Y se modifiait légèrement d’une génération à l’autre et, de son point de vue, cela constitue une preuve de l’évolution des gènes situés sur ce chromosome. Il a observé que quand une combinaison profitable de nouveaux gènes se réalise, le chromosome Y la duplique – souvent des centaines de fois – de telle sorte qu’elle ne peut plus être perdue. Skaletsky et al. (2003) ont décodé le chromosome Y et confirment certaines conclusions de Page.
3 – L’infertilité féminine
108Les causes de l’infertilité féminine sont différentes de celles de l’infertilité masculine. Les chercheurs du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) ont découvert un gène dans l’ovule humain qui joue peut-être un rôle essentiel dans le début du développement de l’embryon. Ce gène peut aussi intervenir dans l’échec prématuré du fonctionnement de l’ovaire (qui constitue une situation mystérieuse dans laquelle les ovaires s’arrêtent de fonctionner pendant des années, et parfois des décennies, avant la ménopause naturelle). Selon Duane Alexander, directrice du NICHD, « Ce résultat peut apporter de nouveaux éclairages sur les causes d’une infertilité inexpliquée de la femme ». Il peut aussi « conduire à une meilleure compréhension du rôle possible du système immunitaire dans certains cas de dysfonctionnement prématuré de l’ovaire » (site Internet du NICHD).
XIII – Génétique moléculaire et approche génomique
109Dans la section XI, nous avons évoqué le ver nématode. Il a une taille d’environ 1 mm et 6 chromosomes. Il possède cependant des tissus complexes et des organes. Son système nerveux peut détecter odeurs et goûts et il est sensible à la température et au toucher. C’est, en fait, « un être humain miniature » (John Sulton, BBC News, Sci/Tech, 7 mai 2002). Ce chercheur continue :
« En observant les gènes qui sont nécessaires pour créer les muscles du ver, nous pouvons apprendre presque directement ce qu’il en est des gènes qui créent les muscles humains – parce qu’ils sont les mêmes. »
111Schwartz et al. (2000) suggèrent que le système nerveux central des hommes régule la consommation de nourriture. Des expériences sur les humains ne sont pas possibles, mais nous pouvons tirer un certain nombre de conclusions des recherches sur le nématode et d’autres espèces. De Bono et al. (2002) estiment que le gène npr–1 du nématode peut gouverner l’alimentation des individus isolés, opposée à celle des individus agrégés en groupes sociaux. Ce gène réprime l’alimentation en groupes sociaux mais, lorsqu’il est supprimé, les individus isolés se rassemblent. Un petit nombre d’autres gènes jouent aussi un rôle dans les habitudes d’alimentation.
112Ashrafi et al. (2003) ont mis au point une méthode pour déterminer très rapidement le rôle des gènes, réduisant ainsi le temps nécessaire pour étudier un génome. Ils ont créé, par génie génétique, des milliers de souches de bactéries, chaque souche étant conçue pour bloquer un gène spécifique, en utilisant le phénomène d’interférence ARN. En introduisant chacune des souches dans les nématodes, ils ont pu bloquer sélectivement la fonction de gènes individuels. Ils ont établi qu’il y a 417 gènes impliqués dans le métabolisme du ver. 305 de ces gènes réduisent les graisses dans le corps (gènes –), tandis que 112 les accroissent (gènes +). Les gènes ne répondaient pas tous au phénomène d’interférence ARN et il peut exister quelques autres gènes qui régulent les graisses dans le corps. Ashrafi et al. (2003) concluent :
« Nombre de gènes régulant les graisses dans le corps du ver, qui ont été récemment identifiés, sont les mêmes que chez les mammifères, dont certains sont connus pour exercer une fonction de régulation des graisses. D’autres gènes régulant la graisse chez C. elegans, qui ont été conservés tout au long de la phylogenèse animale sans être impliqués dans le stockage des graisses, peuvent indiquer l’existence de traits anciens et universels en matière de régulation de ce stockage, et permettre d’identifier des objectifs pour traiter l’obésité et ses maladies associées. »
114Or, les méthodes de la génétique du comportement ne peuvent tenir compte de gènes ayant des effets opposés pour deux raisons : elles sont basées sur un modèle additif et elles ne s’appliquent qu’à l’analyse de variance et non aux effets propres des gènes. Elles ne sont d’aucun apport à l’ère de la génomique qui s’ouvre aujourd’hui. De fait, nous devons nous éloigner de la conception de Fisher (1918) de l’effet d’un gène, qui est à la base de la génétique quantitative, et adopter un nouveau concept, à savoir le rôle régulateur d’un gène. Il est vraisemblable que la plupart des traits humains sont régulés par des gènes, certains d’entre eux ayant un effet positif tandis que d’autres ont un effet négatif. La méthodologie de la génétique du comportement ne peut prendre en compte ces deux types de gènes car elle est fondée sur le principe d’additivité des gènes.
Conclusion
115L’analyse de l’héritabilité proposée par la génétique du comportement repose sur trois types d’idées : celles du XIXe siècle dues à Galton sur l’opposition entre nature et culture, celles de Fisher (1918) et celles de Jinks et Fulker (1970). Si l’on accepte le concept d’évolution par adaptation, alors nombre de nos traits de comportement ont évolué quand nos ancêtres ont dû, coûte que coûte, s’adapter à l’environnement. Cet environnement a disparu. Dès lors, la conception de Galton visant à départager les effets de la nature de ceux de la culture est irréaliste. Bien plus, les effets des deux facteurs ne peuvent être distingués que grâce à des expériences convenablement conçues, dans lesquelles les deux facteurs sont sous le contrôle de l’expérimentateur. Pour des raisons éthiques, de telles expériences ne sont pas réalisables sur des populations humaines. La génétique de Fisher a été mise au point avant la mise à jour des mécanismes de l’hérédité chromosomique. Son hypothèse de base selon laquelle les gènes connaissent une ségrégation indépendante n’est pas correcte parce que tous les gènes d’un même chromosome sont soumis ensemble à cette ségrégation. De plus, ses formules de corrélation entre apparentés sont fausses (Vetta, 1976a). Vetta a aussi relevé une erreur algébrique dans les formules de Jinks et Fulker (1970). Ainsi, aucune de ces trois idées ne peut plus soutenir un tel type d’analyse génétique du comportement.
116La plupart des traits humains impliquent un processus de choix du conjoint. Chaque fois que les généticiens du comportement ajustent un modèle génétique prenant en compte les unions homogames, ils utilisent des formules erronées (Capron et al., 1999). L’analyse de l’héritabilité pourrait, au mieux, nous dire que x % de la variation d’un trait est génétique. Elle ne peut rien nous apprendre au sujet des facteurs qui affectent un trait ou comment l’améliorer. Elle conduit à un cul-de-sac. Bien plus, la génétique du comportement confond des concepts statistiques avec des concepts génétiques. Mieux vaut étudier la transmission d’un trait en utilisant le concept d’intensité de l’hérédité. Certains comportements démographiques, comme la fécondité, sont différents des autres traits de comportement. La fécondité et les facteurs de l’infécondité sont différents selon le sexe. L’analyse de l’héritabilité ne peut a fortiori être utilisée pour de tels traits.
117Les approches moléculaire et génomique sont aujourd’hui les meilleures voies de recherche pour l’étude des comportements démographiques. La recherche moléculaire suggère que les traits humains pourraient être régulés par les gènes. Ces gènes sont soit des gènes à effet positif, soit des gènes à effet négatif, selon le cas. Ainsi, le concept fisherien de gènes n’ayant que des effets additifs est dépassé. Le concept de la valeur d’espèce d’un gène, qui s’apparente à la « valeur d’un nombre selon sa position », est l’un des plus prometteurs pour l’étude des comportements.
Remerciements
Nous remercions Marie-Hélène Cazes (Ined), Jean-Pierre Bocquet-Appel (CNRS) et deux relecteurs anonymes pour leurs remarques, fort utiles, faites sur une première version de cet article.Bibliographie
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