Notes
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[1]
Cette étude inclut la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, mais pas Mayotte (Mayotte est un Drom depuis l’année 2011).
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[2]
Le taux de chômage y est en moyenne deux fois supérieur à celui de la métropole (Lasserre, 2018).
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[3]
Le terme de capital humain est couramment utilisé en sciences économiques. Il désigne un ensemble de savoir-faire et de connaissances accumulées par les individus (Becker, 1964). S’agissant plus spécifiquement de la capacité à réussir à l’école et de la faculté des parents à aider leurs enfants, la littérature sociologique fait parfois référence à la notion de « capital culturel » (Bourdieu, 1979).
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[4]
À propos de la notion d’investissement dans le capital humain des enfants, voir également Arrondel et Wolff (1998) et Chiswick (1988). Des difficultés peuvent apparaître dans la transmission des parents aux enfants, soit que les parents ne disposent pas de connaissances suffisantes leur permettant d’aider leurs enfants, soit qu’ils aient trop de difficultés personnelles pour les aider efficacement.
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[5]
D’après Meuret et Morlaix (2006), les meilleures performances des élèves issus de milieux favorisés, particulièrement importantes en France, peuvent en partie s’expliquer par le fait que l’école française a jusqu’ici mis largement en avant ce qui est parfois nommé la « grande culture » (ou la « culture classique ») et que les élèves de milieux favorisés sont mieux préparés à l’enseignement qui leur est donné. Ils ont notamment une meilleure compréhension de l’intérêt des cours.
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[6]
Dans cet article, le niveau d’études fait référence au diplôme le plus élevé obtenu.
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[7]
Nombre d’élèves par établissement par rapport au nombre de places disponibles déclaré par les chefs d’établissement en début d’année scolaire.
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[8]
Nombre d’ordinateurs par élève.
-
[9]
Un coefficient de pondération affecté à chaque individu et fourni avec les données des deux enquêtes est utilisé pour les statistiques descriptives. Les régressions sont en revanche mises en œuvre sur les données non pondérées.
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[10]
Plus de 80 % des métropolitains de l’échantillon vivant dans un Drom y sont arrivés après l’âge de 15 ans ; près de 70 % des ultramarins de l’échantillon vivant en métropole y sont arrivés après l’âge de 15 ans (moyennes pondérées calculées par l’auteur).
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[11]
62 % des natifs de Guadeloupe n’ont jamais étudié hors de leur Drom de naissance, 66 % en Martinique, 60 % en Guyane et 79 % à La Réunion. Par ailleurs, plus de 95 % des natifs de métropole ont passé toute leur scolarité en métropole (moyennes pondérées calculées par l’auteur).
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[12]
C’est-à-dire au-delà du fait que ce facteur soit corrélé avec l’origine sociale de la famille, qui a également un effet sur la réussite scolaire.
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[13]
Dans les deux enquêtes, la question suivante est posée : « Durant votre jeunesse, avant vos 18 ans, avez-vous vécu les situations suivantes… ? ». Plusieurs réponses sont proposées dont « De gros problèmes d’argent dans la famille ». Les enquêtés peuvent répondre par oui ou par non.
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[14]
Cette variable n’est pas disponible pour tous les individus, les non-réponses sont particulièrement nombreuses pour les natifs des Drom.
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[15]
Il n’y a toutefois pas de différences entre les mères métropolitaines et martiniquaises.
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[16]
Trois modalités sont prises en compte : le fait de parler le français, le créole du Drom de naissance et une modalité « autre » regroupant les autres langues, et le fait de ne pas avoir échangé (ou peu) avec le parent pendant l’enfance (ce dernier cas étant particulièrement important pour les Antilles et dans une moindre mesure pour la Guyane).
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[17]
À la question « Durant votre jeunesse, avant vos 18 ans, avez-vous vécu les situations suivantes…? » posée dans les deux enquêtes et évoquée supra, les modalités de réponse « Des violences envers vous », « De graves disputes ou conflits entre vos parents » et « L’alcoolisme de l’un d’eux » sont proposées.
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[18]
À la question « Durant votre jeunesse, avant vos 18 ans, avez-vous vécu les situations suivantes…? » posée dans les deux enquêtes et évoquée supra, la modalité de réponse « Des maladies, handicaps ou accidents graves de vos parents » est proposée.
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[19]
Ce type d’estimation a également été utilisé par Domingues Dos Santos et Wolff (2011).
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[20]
Le découpage en quatre niveaux a été choisi de façon à avoir des tailles d’échantillon équilibrées pour chaque niveau d’études et chaque lieu de naissance.
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[21]
Le programme a été écrit par l’auteur, il n’est pas issu d’une procédure existant dans un logiciel.
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[22]
Des probabilités moyennes de passage d’un niveau d’études à un autre sont estimées.
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[23]
Des régressions séparées par Drom sont ajoutées dans le tableau annexe A.2 ainsi que des régressions incluant des termes d’interaction dans les tableaux annexes A.3.
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[24]
Il n’est plus significatif dès lors que l’on tient compte de l’origine sociale des parents et de la situation familiale pendant l’enfance (colonnes 4 et 5). Il est peu élevé également dans les régressions par Drom (tableau annexe A.2), même si l’effet est positif et significatif pour La Réunion.
-
[25]
Cette proximité entre la Guyane et la métropole, a priori surprenante du fait des écarts de richesse entre territoires, peut en partie être liée au fait qu’il s’agit d’une situation perçue et donc relative par rapport aux autres habitants de chaque territoire.
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[26]
Il est par exemple plus fréquent qu’en métropole que plusieurs générations ou membres d’une famille (au sens élargie) vivent sous le même toit.
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[27]
La question posée dans les deux enquêtes est la même : « Durant votre scolarité, étiez-vous aidé pour faire vos devoirs par vos parents ? ».
La France est marquée par de fortes inégalités territoriales. Les habitants des départements et régions d’outremer (Drom) connaissent de longue date de plus faibles niveaux de diplôme et un plus fort taux de chômage que les métropolitains. Comprendre les mécanismes du désavantage scolaire des jeunes natifs d’outremer est un enjeu décisif pour les politiques publiques. Pour résorber les inégalités, faut-il agir sur le système scolaire, sur les conditions de vie des populations, ou encore sur le marché du travail pour le rendre plus attractif ? À partir de deux enquêtes comparables, l’une réalisée en France métropolitaine (enquête Trajectoire et origine) et l’autre dans les Drom (Migration-famille-vieillissement), l’auteur décrypte en détail les facteurs individuels et familiaux qui pénalisent les jeunes adultes ultramarins en matière d’éducation. L’analyse économétrique mobilisée met en lumière le poids décisif du capital culturel et économique des parents et des conditions de vie des familles.
1Les natifs des départements et régions d’outre-mer (Drom) [1] sont moins diplômés que ceux de métropole. À la fin de la décennie 2000, parmi les 18-34 ans, les ultramarins sont en moyenne deux fois plus nombreux que les métropolitains à ne détenir aucun diplôme (ou uniquement le BEPC). Ce constat est valable pour les femmes comme pour les hommes (tableau annexe A.1). De même, la moitié des 18-34 ans environ, natifs de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion n’ont pas atteint le baccalauréat alors que ce n’est le cas que du tiers des jeunes natifs de métropole (tableau 1). Ce moindre niveau de formation initiale des jeunes ultramarins pose question tant pour des raisons de justice sociale (en termes d’égalité d’accès à l’éducation par rapport aux métropolitains), que du point de vue économique. En effet, se pose tout d’abord un problème d’effectivité du droit à l’éducation dans les Drom comme le rappelle un rapport récent de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH, 2017). D’après ce rapport, l’offre scolaire serait de moindre qualité dans les Drom (personnel moins qualifié qu’en métropole, infrastructures plus dégradées, moindre accès aux écoles par les transports, activités périscolaires moins développées, etc.) et serait également peu adaptée aux réalités des Drom (prise en compte insuffisante des langues premières, programmes européo-centrés, etc.). Au-delà de cette question d’égalité d’accès à l’école, les inégalités d’éducation sont également préoccupantes dans la mesure où elles sont liées au problème du chômage de masse dans les Drom [2]. D’après certains travaux, le moindre niveau d’études des ultramarins en est en partie responsable (L’Horty, 2014). Ce niveau de chômage élevé s’accompagne de difficultés importantes de recrutement pour les employeurs, qui témoignent par ailleurs d’un problème de formation des demandeurs d’emploi.
Tableau 1. Niveau d’études atteint par les 18-34 ans (%) ayant terminé ou non leurs études à la date de l’enquête, selon le lieu de naissance
Tableau 1. Niveau d’études atteint par les 18-34 ans (%) ayant terminé ou non leurs études à la date de l’enquête, selon le lieu de naissance
2Si l’on souhaite définir des politiques publiques susceptibles d’améliorer le niveau d’études des ultramarins, il est nécessaire de bien identifier les causes du phénomène. Or, plusieurs explications sont possibles. La moindre qualité de l’offre éducative dans les Drom (infrastructure de mauvaise qualité, difficultés à recruter des professeurs titulaires et expérimentés, etc.) est potentiellement en cause (Depp, 2017). Les Drom concentrent davantage d’individus issus de familles cumulant des difficultés socioéconomiques importantes (Depp, 2017 ; Caro, 2018) et la pratique de la langue française en famille y est moins courante qu’en métropole. Cela peut affecter la capacité de certains parents à investir dans le capital humain [3] de leurs enfants, c’est-à-dire à les aider, de diverses façons (temps consacré aux enfants, aide matérielle et financière, etc.) [4], à acquérir des compétences et des qualifications permettant notamment une meilleure réussite scolaire et, par la suite, une meilleure adaptation au marché du travail. Les moindres débouchés professionnels dans les Drom n’incitent par ailleurs pas forcément les jeunes à s’investir dans leurs études pour acquérir des compétences. Enfin, dans la mesure où les Drom sont marqués par des spécificités culturelles importantes, il est également envisageable que la réussite scolaire n’y soit pas valorisée de la même façon qu’en métropole. Mais quelle est réellement l’importance de chacune de ces explications ?
3En recourant à une approche économétrique permettant de considérer à la fois les jeunes ayant terminé leurs études et ceux en cours d’études, on peut évaluer dans quelle mesure les inégalités d’éducation entres les natifs des Drom et de métropole sont liées à la qualité du capital humain transmis par les parents. Cette question est particulièrement importante dans la mesure où les Drom concentrent de nombreux individus issus de milieux modestes, et parce qu’en France l’origine sociale a traditionnellement un impact important sur la réussite scolaire (Goux et Maurin, 1995). Plus que dans la plupart des autres pays de l’OCDE, l’origine sociale, qui reflète en partie le niveau de ressources culturelles de la famille ou éventuellement la « stimulation intellectuelle » à la maison, conditionne les performances scolaires des jeunes [5] (Meuret et Morlaix, 2006 ; OCDE, 2015). Cette analyse se base sur deux enquêtes menées par l’Ined et l’Insee, l’enquête Migrations-famille-vieillissement (MFV) réalisée en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion en 2009-2010, et l’enquête Trajectoires et origines (TeO) réalisée en 2008-2009 en France métropolitaine (hors Corse). Ces enquêtes comportent un grand nombre de questions similaires sur plusieurs dimensions susceptibles d’influencer la qualité du capital humain transmis par les parents. Elles concernent plus précisément le niveau de vie de la famille pendant l’enfance, l’origine sociale et les caractéristiques culturelles des parents, ainsi que les modalités et la stabilité de la vie en famille pendant l’enfance.
4La première partie présente les sources potentielles des inégalités d’éducation entre les natifs des Drom et de métropole, ainsi que l’intérêt d’étudier plus particulièrement les facteurs concernant la qualité du capital humain transmis par les parents. La seconde partie présente les données et quelques statistiques descriptives. La troisième partie est consacrée à la description de la méthode économétrique et à la discussion des résultats.
I. Les causes potentielles des inégalités d’éducation entre les natifs des Drom et de métropole
5Les natifs de métropole sont plus diplômés que les natifs des Drom (tableau 1) : ils sont notamment plus nombreux à être diplômés de l’enseignement supérieur (presque 37 % en métropole contre 21 % à 30 % selon les Drom) et moins nombreux à ne détenir aucun diplôme ou uniquement le BEPC (13 % en métropole contre 18 % à 35 % selon les Drom) [6]. Ces faits sont valables pour les femmes comme pour les hommes, à l’exception des natives de Martinique diplômées du supérieur. En effet, ces dernières sont proportionnellement aussi nombreuses à être diplômées du supérieur que les natives de métropole (tableau annexe A.1). Ces constats rejoignent les conclusions de nombreux rapports analysant les difficultés scolaires des jeunes ultramarins (Sénat, 2009 ; Boudesseul et al., 2016 ; Depp, 2017). La littérature en sciences sociales sur les inégalités d’éducation suggère que quatre principales raisons sont susceptibles d’expliquer le plus faible niveau de formation des jeunes ultramarins par rapport aux métropolitains.
1. Les infrastructures éducatives dans les Drom et en métropole
6Une première explication est potentiellement liée au déficit de moyens et de qualité des infrastructures éducatives dans les territoires d’outre-mer par rapport à la métropole (Depp, 2017). En particulier, les établissements sont géographiquement moins bien répartis sur le territoire dans les Drom qu’en métropole, et les élèves y sont davantage concentrés dans des établissements de grande taille. Cette concentration rend leur accès parfois difficile, ce qui peut augmenter les sorties précoces du système scolaire et ainsi le taux de scolarisation. Certains territoires guyanais étant très enclavés (de nombreux jeunes habitent dans des communes isolées), ce département est le plus affecté par le problème de la concentration. La forte croissance démographique guyanaise, le manque de politique de construction d’envergure ainsi que des réseaux de transport scolaire insuffisants (ou trop onéreux pour de nombreuses familles), tendent à renforcer le problème. Le nombre de collèges et lycées en Guyane est, à nombre de jeunes en âge d’être scolarisés similaires, beaucoup moins important que dans les autres Drom (CNCDH, 2017). Le risque de non-scolarisation et de sortie précoce du système, notamment à partir du collège, est plus élevé en Guyane que dans les autres Drom (CNCDH).
7Les taux d’occupation des établissements scolaires [7] sont également plus élevés dans les Drom qu’en métropole et la surface moyenne par élève est moins importante, ce qui peut affecter la qualité des enseignements, notamment pour les niveaux primaire et secondaire (Depp, 2017). Les établissements ultramarins sont en outre moins bien dotés en équipements informatiques [8] que les établissements métropolitains (Depp, 2017). Le déficit de moyens concerne également les enseignants. Le nombre de professeurs agrégés est beaucoup moins important dans les Drom alors que le nombre d’enseignants contractuels y est plus élevé qu’en métropole : 19,9 % des enseignants de collège ne sont pas titulaires dans les Drom, contre 5,5 % en métropole (Depp, 2017). De même, dans les Drom, 16,0 % du corps enseignant des lycées sont agrégés contre 28,3 % en métropole (Depp, 2017). Ce phénomène touche encore une fois davantage la Guyane que les autres Drom, sans doute du fait d’un manque d’attractivité du territoire lié aux conditions de vie parfois difficiles et au climat d’insécurité (CNCDH, 2017). Par ailleurs, l’offre universitaire est moins abondante dans les Drom qu’en métropole.
8Toutefois, l’effet de ces inégalités de dotations est à relativiser pour au moins deux raisons. Tout d’abord, hormis pour la Guyane, s’il existe des différences entre les territoires, l’ampleur de ces différences n’est pas si importante et les systèmes éducatifs ultramarins et métropolitains restent dans l’ensemble assez proches (Depp, 2018). Notamment, il existe une certaine hétérogénéité sur le territoire métropolitain, si bien que la situation dans certaines zones des Drom est similaire, voire meilleure, que dans certains territoires de métropole. On constate, par exemple, que dans les écoles primaires comme dans les collèges et les lycées, le nombre d’élèves par enseignant est relativement similaire entre les Drom et la métropole, voire légèrement inférieur dans les Drom. De plus, de nombreux ultramarins viennent se former en métropole, notamment dans le supérieur (Temporal et al., 2011), les aides publiques à la mobilité facilitant ces mouvements depuis de nombreuses années (Haddad, 2018).
2. Le rendement de l’éducation : des différences entre les territoires ?
9Un second facteur explicatif des inégalités d’éducation est lié aux débouchés professionnels restreints dans les Drom. D’après la littérature, le manque de débouchés est susceptible de désinciter les individus à investir dans l’éducation, c’est-à-dire à consacrer du temps et des efforts pour les études en vue d’atteindre un niveau de diplôme augmentant leurs chances d’accéder à un emploi bien rémunéré (Chiswick, 1988). Or, le niveau de chômage est particulièrement élevé dans les Drom par rapport à celui de métropole (Lasserre, 2018), ceci depuis de nombreuses années (Treyens et Catherine, 2015). Le rôle joué par ce phénomène sur les inégalités d’éducation entre ultramarins et métropolitains est toutefois discutable. En effet, être diplômé augmente la probabilité d’accéder à l’emploi de façon significative dans tous les territoires, mais encore plus dans les Drom qu’en métropole (L’Horty, 2014). Quant à l’immigration en métropole, où le taux de chômage est moins élevé, elle est un débouché possible permettant d’augmenter les opportunités professionnelles. De nombreux natifs des Drom diplômés choisissent, de fait, de migrer vers la métropole. Une grande partie y reste d’ailleurs durablement après y avoir terminé leurs études supérieures et y mène leur vie professionnelle (Temporal et al., 2011).
3. La valorisation de la réussite scolaire dans les Drom et en métropole : des différences culturelles ?
10La troisième raison est d’ordre culturel. Des différences en termes de goût pour l’éducation entre certains groupes de populations pourraient également être sources d’inégalités scolaires (Chiswick, 1988). Chaque territoire d’outre-mer étant marqué par des spécificités culturelles, liées notamment à la culture créole (Prudent, 2005), il est possible que la valorisation de la réussite scolaire ne soit pas identique à ce qui a cours en métropole. Toutefois, les résidents des Drom sont français et partagent le même système scolaire que les métropolitains depuis de nombreuses générations. Il n’est donc pas certain que le rapport à la réussite scolaire soit si différent entre les territoires, du moins au point d’expliquer les inégalités constatées.
4. Des différences en termes de capital humain transmis par les parents entre les territoires ?
11Enfin, la quatrième source potentielle d’inégalités est liée au fait que les Drom scolarisent un nombre important d’élèves issus de milieux modestes (Depp, 2017) et dont la langue pratiquée principalement en famille n’est pas le français. Ceci peut affecter la qualité du capital humain transmis par les parents, du moins en tant que facteur favorisant la réussite scolaire à tous les niveaux (Chiswick, 1988 ; Domingues Dos Santos et Wolff, 2011). En effet, de nombreuses analyses sur les inégalités d’éducation entre différents groupes en France, notamment selon l’origine étrangère (Brinbaum et Kieffer, 2009 ; Domingues Dos Santos et Wolff, 2011 ; Ichou, 2013), mais également d’autres portant sur les inégalités d’éducation en général en France (Picard et Wolff, 2014), mettent en évidence le rôle déterminant de ce facteur.
12L’objet de ce travail est d’étudier le rôle de cette source d’inégalités d’éducation entre les jeunes ultramarins et métropolitains. Des renseignements détaillés sont disponibles sur plusieurs éléments relatifs à l’origine sociale des individus, aux caractéristiques culturelles de la famille et aux conditions de vie pendant l’enfance. Ces éléments sont tous susceptibles d’influencer la qualité du capital humain transmis par les parents.
II. Données et caractéristiques des populations
1. Les enquêtes MFV et TeO : deux sources détaillées et complémentaires
13Les enquêtes Migrations-famille-vieillissement (MFV) et Trajectoires et origines (TeO) sont, à notre connaissance, les seules sources permettant d’étudier de façon détaillée l’impact de l’origine sociale et du cadre familial pendant l’enfance sur la réussite scolaire des jeunes dans les Drom et en métropole. Elles ont l’avantage d’être menées quasiment aux mêmes périodes dans les Drom (hors Mayotte) et en métropole (hors Corse) : 15 770 individus de 18 à 79 ans issus de foyers différents ont été interrogés en Guadeloupe, Martinique, Guyane et à Réunion entre le troisième trimestre 2009 et le premier trimestre 2010 ; et 21 761 individus de 17 à 60 ans en métropole entre le second trimestre 2008 et le troisième trimestre 2009 [9]. Mais surtout, ces enquêtes disposent d’un grand nombre de questions similaires permettant de décrire avec précision l’origine sociale et les conditions de vie des enquêtés pendant leur enfance.
14Cette étude se concentre sur les 18-34 ans pour deux raisons. Tout d’abord, il semble judicieux de prendre en compte des générations suffisamment proches pour pouvoir considérer qu’elles ont été exposées à des contextes relativement similaires. En effet, la qualité des systèmes éducatifs et les méthodes pédagogiques ainsi que leur efficacité, ou encore le niveau de richesse moyen des familles qui influence le cadre dans lequel grandissent les jeunes, sont susceptibles d’évoluer entre les générations. De plus, plusieurs des questions portant sur les conditions de vie en famille pendant l’enfance ne sont posées qu’aux 18-34 ans pour l’enquête MFV. Se concentrer uniquement sur ces individus permet ainsi d’exploiter davantage de questions.
15Nous excluons également de l’échantillon les personnes immigrées sur le territoire français car la grande majorité d’entre elles ont fréquenté, au moins quelques années, d’autres systèmes scolaires et éventuellement obtenu un diplôme à l’étranger. Or l’objectif est ici d’étudier la probabilité d’atteindre un certain niveau d’études en ayant principalement fréquenté le système scolaire français. Sont toutefois inclus les descendants d’immigrés. Ces derniers sont, comme les immigrés, essentiellement représentés en métropole et en Guyane (tableau 2).
Tableau 2. Caractéristiques des 18-34 ans enquêtés selon le lieu de naissance
Tableau 2. Caractéristiques des 18-34 ans enquêtés selon le lieu de naissance
16Une fois compilées les deux bases de données, cet échantillon comporte 9 992 jeunes de 18 à 34 ans interrogés en métropole ou dans un Drom. Les individus sont répartis en cinq groupes selon leur lieu de naissance : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et la métropole. Deux raisons motivent ce choix de regrouper les individus selon leur lieu de naissance et non selon leur lieu de vie. Tout d’abord, la très grande majorité des individus qui ont migré ont effectué leur scolarité primaire et secondaire dans leur territoire de naissance [10]. De plus, parce que cette étude porte sur le lien entre le niveau d’études atteint par les enfants et le capital humain transmis par les parents (qui ont pour la plupart grandi et vécu dans le territoire où leurs enfants sont nés), il fait davantage sens d’analyser les inégalités d’éducation selon le lieu de naissance des jeunes que selon leur lieu de vie à la date de l’enquête. Notamment, plus de deux tiers des natifs des Drom ont vécu la totalité de leur période de scolarité dans leur Drom de naissance [11], les mobilités ayant généralement été effectuées après les études ou, pour les plus diplômés, en fin d’études (Temporal et al., 2011). Ce regroupement amène à distinguer 7 223 jeunes nés en métropole, 578 en Guadeloupe, 620 en Martinique, 595 en Guyane et 976 à La Réunion.
17Sont pris en compte à la fois des individus ayant terminé leurs études et des individus en cours d’études. Cette dernière situation pose un problème de censure, puisqu’on n’observe pas le niveau final d’études pour 19,6 % de l’échantillon. Tous les individus sont néanmoins inclus dans cette analyse (voir la section III.1).
2. Une situation financière de la famille et une origine sociale plus favorisée en métropole
18Prenons tout d’abord en compte la situation matérielle et financière de la famille pendant l’enfance et le niveau des difficultés auxquelles les individus sont exposés. D’après certains travaux effectués à partir de données françaises, connaître des difficultés financières peut avoir en soi [12] un impact négatif sur la réussite scolaire (Maurin, 2002 ; Duée, 2005). Les parents sont d’autant moins en mesure de fournir des conditions de vie (matérielles, sanitaires, etc.) propices à la réussite scolaire des enfants qu’ils disposent de peu de moyens financiers. On constate que les natifs des Drom sont beaucoup plus nombreux que les métropolitains à être issus de familles ayant connu des difficultés financières importantes pendant l’enfance. Parmi les natifs de La Réunion et de la Guadeloupe notamment, plus du tiers des jeunes interrogés le déclarent [13], alors que cela concerne moins de 20 % des métropolitains.
19Les données permettent également de prendre en compte l’origine sociale des individus en considérant la position sociale des parents, qui influence fortement le niveau d’études des individus par la transmission du capital humain (Chiswick, 1988). Si l’on ne dispose pas d’informations sur le niveau d’études des parents [14], les données collectées renseignent en revanche sur la dernière profession ou catégorie socioprofessionnelle (PCS) la plus élevée des deux parents. Six catégories relatives à la PCS des parents sont utilisées (tableau 2). Il y a peu de différences entre les natifs de métropole et des Antilles. Les écarts avec les métropolitains concernent principalement les Réunionnais et, dans une moindre mesure, les Guyanais. Notamment, si plus du quart des natifs de métropole ont un père cadre ou profession intermédiaire, cela concerne une proportion moins importante pour les natifs des Drom (autour de 20 % des Antillais et de 15 % des Guyanais et Réunionnais). S’agissant des PCS les plus élevées, des différences existent également entre les mères des natifs de métropole et des Drom, notamment les mères réunionnaises [15]. Il est par ailleurs intéressant de noter que, parmi les ultramarins, y compris les natifs des Antilles (Guadeloupe et Martinique), les jeunes interrogés sont plus nombreux que les métropolitains à ne pas connaître la PCS de leurs parents. Qu’il s’agisse de la PCS du père ou de la mère, cela concerne moins de 1 % des métropolitains alors que, selon les territoires, entre 3 % et 8 % des natifs des Drom ne connaissent pas la PCS de leur père (les différences avec les métropolitains sont moins élevées s’agissant des mères). Les natifs des Drom ont aussi plus souvent des parents qui n’ont jamais travaillé. Les différences entre métropolitains et natifs des Drom sont particulièrement marquées pour les mères : environ 11 % des mères sont concernées parmi les natifs de métropole, et jusqu’à 30 % de celles des natifs de La Réunion.
3. Le rapport à la langue française et l’origine culturelle varient fortement selon le lieu de naissance
20L’origine culturelle des jeunes et de leurs parents influence potentiellement la transmission du capital humain vers les enfants (Chiswick, 1988), par le biais de la pratique de la langue en famille. Comme l’indiquent Dustmann et al. (2012), par rapport à d’autres pays, la pratique de la langue nationale en famille exerce une influence importante en France sur la performance scolaire. Trois variables reflètent la pratique de la langue française en famille [16] (tableau 2). C’est la langue parlée le plus souvent pendant l’enfance avec la mère et avec le père qui est prise en compte. La langue française est en concurrence avec le créole local pour les natifs des Drom, et éventuellement avec des langues étrangères au territoire, notamment pour les natifs de Guyane (le Portugais ou d’autres langues créoles de la région, en particulier d’Haïti et du Suriname). Par ailleurs, certains individus n’ont pas (ou peu) communiqué avec chaque parent pendant l’enfance, en particulier avec le père pour les natifs de certains Drom. Les situations sont très différentes entre les Drom et la métropole. Le fait d‘avoir peu ou pas échangé en français avec un parent est susceptible d’influencer les résultats scolaires des élèves, dans la mesure où l’enseignement se déroule essentiellement en langue française. Comme attendu, le français est moins pratiqué en famille par les ultramarins que par les métropolitains, notamment chez les Guyanais et les Réunionnais. Pour affiner l’analyse, une variable indiquant la pratique ou non du français en famille pendant l’enfance est également prise en compte, que ce soit ou non la langue la plus fréquemment pratiquée avec les parents. Si, pour les Antillais, l’écart avec les métropolitains est faible, il est un peu plus marqué pour les Guyanais et très important pour les Réunionnais.
21En outre, on tient compte du fait que les individus sont ou non des descendants d’immigrés, car ils sont particulièrement nombreux en métropole et en Guyane. Le fait que les parents n’aient pas grandi ou été éduqués en France (partiellement pour certains) est susceptible d’affecter leur capacité à aider leurs enfants pour le travail scolaire, comme l’indiquent plusieurs travaux effectués à partir de données françaises (Brinbaum et Kieffer, 2009 ; Domingues Dos Santos et Wolff, 2011 ; Ichou, 2013).
22Le constat qu’au moins l’un des parents soit né dans les Drom permet de tenir compte du fait que certains natifs des Drom ont des parents qui n’y sont pas nés, mais qui sont originaires soit de l’étranger, soit de métropole.
4. Le cadre de vie pendant l’enfance est très différent selon le lieu de naissance
23Une série d’indicateurs reflétant le cadre de vie pendant l’enfance s’avère nécessaire à prendre en compte. Nous disposons tout d’abord d’informations sur la taille de la fratrie pour chaque individu. Le nombre de frères et sœurs a généralement un effet négatif sur le niveau d’études des individus. La principale raison est que les parents ont d’autant moins de temps à consacrer à chaque enfant que la taille de la fratrie est importante, et cet effet est d’autant plus fort que le rang dans la fratrie est élevé (Booth et Kee, 2009). Ce résultat est généralement vérifié à partir des données françaises (Domingues Dos Santos et Wolff, 2011). Il importe de prendre en compte ces éléments dans la mesure où il existe des différences importantes entre les Drom et la métropole. En effet, les natifs des Drom sont plus souvent issus de fratrie de 3 enfants et plus (tableau 2).
24Une deuxième variable indique si l’individu a principalement grandi avec ses deux parents ou dans un autre type de famille (famille monoparentale, etc.), grandir avec ses deux parents créant d’après certains travaux un environnement plus propice à la réussite scolaire (Brown, 2004). Or les natifs des Drom sont un peu moins nombreux à avoir grandi avec leurs deux parents (86 % des natifs de métropole, 73 % des natifs de Guadeloupe et 83 % des natifs de La Réunion).
25Par ailleurs, les ultramarins sont plus nombreux à avoir subi des violences personnelles et avoir eu au moins un parent concerné par des problèmes d’alcoolisme. Ils ont aussi plus souvent grandi dans des familles au sein desquelles les disputes entre les parents et les conflits étaient courant [17]. Or chacun de ces éléments est susceptible d’altérer le niveau d’études des jeunes (Harold et al., 2007 ; Mangiavacchi et Picolli, 2018). Ils peuvent affecter le temps consacré par les parents à l’éducation de leurs enfants, mais également l’estime de soi des enfants, facteur qui influence fortement la réussite scolaire (Wang et al., 1999 ; Coleman et De Leire, 2003 ; Araujo et Lagos, 2013). Une autre caractéristique des parents pouvant affecter l’investissement dans l’éducation de leurs enfants est leur état de santé (Bratti et Mendola, 2014). Le fait qu’au moins un parent ait connu des problèmes de santé est pris en compte [18]. Cette situation est plus fréquente pour les jeunes Réunionnais que les autres (20 % pour les natifs de La Réunion, 12 % pour ceux de Martinique et environ 17% pour les autres).
26Les données nous renseignent également sur l’implication de la famille dans la vie scolaire des enfants, ce qui peut être lié à la réussite scolaire (Avvisati et al., 2010, 2014). Trois informations sont retenues à ce sujet : le fait que les enfants aient à leur disposition une pièce leur permettant de s’isoler et de faire leurs devoirs, la fréquence à laquelle ils sont aidés par leurs parents et celle avec laquelle ils sont aidés par leurs frères et sœurs. Nos données révèlent des différences non négligeables sur le fait que les enfants aient à leur disposition une pièce leur permettant de s’isoler et de faire leurs devoirs : les enfants métropolitains sont plus souvent dans ce cas que ceux des Drom. S’agissant de l’aide des parents pour les devoirs, celle-ci est moindre en Guyane et à La Réunion que dans les autres territoires : environ 44 % des natifs de La Réunion ne reçoivent jamais d’aide des parents, et 52 % des natifs de Guyane, alors que pour les autres territoires, cela ne représente qu’environ le quart des individus. L’aide des frères et sœurs est en revanche plus fréquente dans l’ensemble des Drom qu’en métropole, ce qui est potentiellement lié aux différences de taille de fratrie entre les territoires (environ 70 % des natifs de métropole ne reçoivent jamais d’aide de leurs frères et sœurs contre un peu plus de la moitié des ultramarins et 60 % des Réunionnais).
27Sachant qu’il existe une certaine mobilité entre les Drom et la métropole au moment des études et que les infrastructures éducatives diffèrent entre les territoires, il aurait été intéressant, pour affiner l’analyse, de neutraliser l’effet du lieu des études (l’individu a étudié uniquement dans les Drom, dans les Drom puis en métropole, etc.). Toutefois, intégrer une telle information poserait problème. La migration est une décision endogène pour les ultramarins. Elle dépend en partie de caractéristiques individuelles inobservables influençant également la réussite scolaire (motivation, résultats scolaires obtenus, etc.). Temporal et al. (2011) remarquent ainsi qu’à caractéristiques observables similaires, les migrants sont plus diplômés que les ultramarins restés dans leur Drom. Par conséquent, inclure le lieu des études risquerait de perturber l’analyse dont l’objectif est de comprendre l’impact sur le niveau d’études d’éléments exogènes influençant la qualité du capital humain transmis par les parents.
III. Analyse des déterminants des inégalités d’éducation entre les ultramarins et les métropolitains
1. Stratégie économétrique
28Pour mesurer l’impact de l’ensemble des caractéristiques mentionnées précédemment sur les inégalités de niveau d’études entre les natifs des Drom et de métropole, on utilise un modèle probit ordonné intégrant tous les individus, qu’ils aient ou non terminé leurs études, c’est-à-dire tenant compte du fait que les données sont en partie censurées [19]. En effet, 19,6 % des individus de notre échantillon sont susceptibles d’atteindre un niveau d’études plus important que celui déclaré à la date de l’enquête, et doivent être considérés séparément des autres. Ne pas les prendre en compte poserait un problème de sélection de l’échantillon qui pourrait biaiser l’analyse. Afin de tenir compte de ce problème de censure, nous estimons un modèle probit ordonné modifié à la marge et permettant d’inclure l’ensemble des individus, tout en les considérant séparément selon qu’ils aient ou non terminé leurs études. Plus précisément, on estime, pour chaque individu i, de façon différente selon qu’il ait terminé ou non ses études [20], la probabilité educi d’atteindre chaque niveau d’études parmi les quatre présentés dans le tableau 1. Le modèle probit ordonné prend en compte tous les individus et s’écrit :
29\(\begin{equation} e d u c_{\mathrm{i}}^{*}=X_{i} b+u_{i} \end{equation}\) [1]
30où Xi est un vecteur contenant l’ensemble des variables de contrôle, b est le coefficient associé au vecteur Xi, ui ~ N(0,1) est le terme d’erreur,
31educi = 0 si educi* ≤ a1, educi = 1 si a1 < educi* ≤ a2, educi = 2 si a2 < educi* ≤ a3, educi = 3 si educi* > a3.
32Au sein de ce modèle, on distingue les individus ayant terminé leurs études des autres. Pour les premiers, on estime la probabilité P[educi = j] que l’individu i ait atteint le niveau d’études j :
33\(\begin{equation} P\left[e d u c_{i}=j\right]=\varphi\left(a_{j+1}-X_{i} b\right)-\varphi\left(a_{1}-X_{i} b\right) \end{equation}\) [2]
34où Φ est la fonction de répartition correspondant à la loi normale centrée réduite. Pour ceux encore en cours d’études, on estime une probabilité censurée, différente de la première et telle qu’ils peuvent a minima atteindre le niveau d’études déclaré à la date de l’enquête, sinon le dépasser. Cette probabilité s’écrit :
35\(\begin{equation} P\left[e d u c_{i}=j\right]=1-\varphi\left(a_{j}-X_{i} b\right) \end{equation}\) [3]
36Si l’on considère la variable dichotomique α = 1 lorsque l’individu i a fini ses études, et α = 0 lorsqu’il est encore étudiant, alors la probabilité P[educi = j] d’atteindre le niveau d’études j, quel que soit le statut, s’écrit :
37\(\begin{equation} P\left[\text { educ }_{i}=j\right]=\alpha\left[\varphi\left(a_{j+1}-X_{i} b\right)-\varphi\left(a_{j}-X_{i} b\right)\right]+(1-\alpha)\left[1-\varphi\left(a_{j}-X_{i} b\right)\right] \end{equation}\) [4]
38Les paramètres du modèle sont estimés par maximum de vraisemblance [21]. Les valeurs et les signes des coefficients permettent de comparer les niveaux d’études des individus selon chaque variable de contrôle, dont le lieu de naissance [22].
39Les résultats sont présentés en incluant pas à pas l’ensemble des éléments dont l’influence potentielle a été discutée dans la deuxième partie. Les cinq régressions figurent dans le tableau 3 [23]. La première colonne n’inclut que le lieu de naissance, ce qui permet d’évaluer si les écarts entre les ultramarins et les métropolitains sont significatifs. La seconde comprend en plus le sexe et l’âge des individus. Dans la troisième colonne sont ajoutées la perception de la situation matérielle et financière de la famille pendant l’enfance ainsi que l’origine sociale des parents (via la PCS du père et celle de la mère). Dans la quatrième colonne sont inclus plusieurs indicateurs de l’origine culturelle des jeunes : la langue parlée en famille pendant l’enfance, l’origine étrangère ou ultramarine des parents. Enfin, la cinquième colonne contient un ensemble supplémentaire de variables reflétant le cadre de vie pendant l’enfance : la taille et le rang dans la fratrie, le type de famille, les problèmes connus dans la famille (violences, alcoolisme, etc.), le fait de disposer d’une pièce pour faire ses devoirs ainsi que l’aide des parents et/ou des frères et sœurs.
Tableau 3. Effets des caractéristiques individuelles et familiales sur le niveau d’études atteint (modèle probit ordonné)
Tableau 3. Effets des caractéristiques individuelles et familiales sur le niveau d’études atteint (modèle probit ordonné)
2. À âge et sexe donnés, les métropolitains sont plus diplômés que les ultramarins
40Le niveau d’études atteint par les natifs des Drom, quel que soit leur lieu de naissance, est significativement moins élevé que celui atteint par les natifs de métropole (tableau 3, colonne 1). Les indicatrices de sexe et d’âge sont significatives (colonne 2) mais leur inclusion change très peu les écarts selon le lieu de naissance. Notamment, si le coefficient associé à l’âge est peu élevé [24], le fait d’être une femme a un effet plus important. Toutefois, la prise en compte du sexe change peu les écarts entre les départements. Les femmes des générations étudiées sont, en moyenne, plus diplômées que les hommes dans tous les territoires (tableau annexe A.1), y compris à caractéristiques identiques (cf. les régressions par Drom dans le tableau annexe A.2). Ainsi, à âge et sexe donnés, les natifs de métropole restent significativement plus diplômés que les Antillais, qui sont eux-mêmes beaucoup plus diplômés que les Guyanais et surtout que les Réunionnais.
3. L’origine sociale des parents joue essentiellement pour les Réunionnais et les Guyanais
41La prise en compte de la situation financière de la famille pendant l’enfance et de l’origine sociale des parents (tableau 3, colonne 3) atténue l’écart entre les métropolitains et les Réunionnais, et dans une moindre mesure avec les Guyanais. Ce résultat s’explique en grande partie par le fait qu’il est plus fréquent pour les Réunionnais et Guyanais de ne pas avoir de parents qui exercent une profession intermédiaire ou de cadre (tableau 2), le niveau élevé de PCS des parents ayant un effet positif sur le niveau d’études des enfants dans tous les départements (tableau annexe A.2). Pour les Guyanais, le niveau de précarité financière de la famille pendant l’enfance déclaré par les individus n’est pas très éloigné de celui des métropolitains [25]. Toutefois, plus que pour les autres Drom, une origine sociale défavorisée est source d’inégalité de niveau d’études avec la métropole (tableau annexe A.3, interaction B).
4. Les caractéristiques culturelles de la famille ont un rôle important pour tous, mais davantage pour les Réunionnais
42L’ajout des caractéristiques culturelles (langue parlée en famille, origine étrangère des parents, origine ultramarine des parents) comme variables de contrôle supplémentaires (tableau 3, colonne 4) a un impact important sur les différences de niveau d’études entre les natifs des Drom et de métropole. Ces écarts restent significatifs, mais diminuent nettement. Notamment, l’écart entre les natifs de La Réunion et de métropole diminue de plus de deux tiers entre les colonnes 3 et 4. La prise en compte des caractéristiques culturelles de la famille explique également une part non négligeable de l’écart entre les métropolitains et les natifs des trois autres Drom : la baisse des coefficients associés au niveau d’études des natifs de ces territoires est de 30 % à 50 % entre les colonnes 3 et 4. Ces résultats sont le reflet des écarts entre groupes observés dans le tableau 2, mais également d’un effet de ces variables selon le lieu de naissance des individus (tableaux annexes A.2 et A.3). Pour les natifs de La Réunion, l’effet provient notamment du fait qu’ils sont particulièrement nombreux à n’avoir pas parlé le français avec leurs parents pendant l’enfance (tableau 2). Cette variable est par ailleurs un marqueur particulièrement important du faible niveau d’études à La Réunion (tableau annexe A.2) par rapport aux natifs de métropole (tableau annexe A.3, interaction E), car la plupart d’entre eux ont parlé français en famille pendant l’enfance, ce qui n’est pas le cas des natifs de La Réunion (tableau 2). Les natifs de Guyane sont également un peu plus nombreux que les autres à ne pas avoir parlé le français pendant l’enfance, cette variable jouant largement sur l’écart avec les natifs de métropole (tableau annexe A.3, interaction E). La Guyane est une terre de migration importante et les natifs de ce territoire sont également nombreux à être descendants d’au moins un parent immigré (tableau 2). Ce statut pèse négativement sur le niveau d’études en Guyane (tableau annexe A.2), mais également par rapport aux natifs des autres territoires, que ces derniers soient ou non des descendants d’immigrés (tableau annexe A.3, interaction F).
5. La prise en compte des conditions de vie en famille explique presque tous les écarts restants
43Tenir compte des conditions de vie pendant l’enfance permet d’expliquer, hormis pour les Guyanais, l’ensemble des écarts restants entre les natifs des Drom et de métropole (tableau 3, colonne 5). En effet, pour les natifs de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion, les écarts avec les métropolitains sont dans le dernier modèle soit nuls, soit non significatifs. Pour les natifs de Guyane, même si l’écart demeure significatif et non négligeable, il baisse de façon importante entre les colonnes 4 et 5.
44Un premier facteur explicatif est tout d’abord lié au fait qu’être issu d’une fratrie nombreuse (3 frères et sœurs ou plus) est plus fréquent chez les natifs des Drom (tableau 2), mais également un peu plus un frein pour la réussite scolaire, ceci davantage pour les ultramarins que pour les métropolitains (tableau annexe A.3, interaction H). En outre, compte tenu de la taille plus grande des fratries, les jeunes ultramarins en sont moins souvent les aînés. Cependant, être l’aîné joue en faveur de la réussite scolaire, surtout pour les jeunes natifs de métropole, et moins pour les ultramarins (tableau annexe A.3, interaction I). Chez les ultramarins natifs de Guyane, le fait de ne pas être l’aîné pèse négativement sur le niveau d’études atteint. Les effets de la taille de la fratrie et du rang de naissance sur le niveau d’éducation ne sont pas de même ampleur pour les natifs des Drom et ceux de métropole, ce qui est sans doute lié au fait que les circonstances de vie au sein des ménages sont souvent différentes entre les Drom et la métropole. Notamment, dans certains Drom, le ménage s’étend plus souvent au-delà des frères et sœurs et des parents, ce qui peut modifier l’effet de la taille de la fratrie et du rang de naissance sur le niveau d’éducation (Marie et Breton, en 2015, évoquent l’existence de nombreux ménages complexes dans les Drom) [26]. Une autre différence entre les ménages ultramarins et métropolitains susceptible de jouer sur l’effet de la taille de la fratrie et du rang de naissance sur le niveau d’éducation est la fréquence plus importante de familles monoparentales dans les Drom.
45Le second facteur explicatif – le fait d’avoir grandi avec ses deux parents –, est plus fréquent pour les métropolitains et a également un effet positif un peu plus important sur le niveau d’études que pour les ultramarins (tableau annexe A.3, interaction J). L’effet est même nul en Guyane. L’une des explications possibles est encore une fois liée à la réalité de la vie en famille dans ce territoire. Du fait de la taille du département, de sa faible densité de population et de l’existence d’un grand nombre de zones d’habitation isolées, de nombreux jeunes natifs de Guyane vont à l’école loin du domicile parental, et sont logés, pendant les périodes scolaires, chez des familles d’accueil (CNDH, 2017). Même lorsqu’ils déclarent avoir grandi dans des familles avec deux parents, cela ne correspond pas forcément à la même réalité en Guyane que dans les autres territoires. De même, les familles complexes étant plus courantes en Guyane (Marie et Breton, 2015) et les fratries plus nombreuses, l’effet de vivre ou non avec ses deux parents est potentiellement amoindri.
46Certains marqueurs des conditions de vie familiale pendant l’enfance, notamment le fait d’avoir subi des violences et les problèmes d’alcoolisme des parents, jouent également un rôle important dans l’écart de niveau d’études entre les jeunes ultramarins et métropolitains. En effet, ces deux phénomènes sont, pour les natifs de tous les territoires, négativement liés au niveau d’études par rapport à la situation de référence (être natifs de métropole et ne pas avoir connu de problème d’alcoolisme des parents), même si les coefficients ne sont pas toujours significatifs, (tableau annexe A.3, interactions K et L). Or, il est important de noter que ces situations sont plus fréquentes dans les Drom (tableau 2). Nous remarquons également qu’à quelques exceptions près, ces phénomènes jouent globalement davantage sur les inégalités entre territoires (tableau annexe A.3) qu’au sein d’un même territoire (tableau annexe A.2). Cela peut être lié au fait qu’il existe d’un côté des différences importantes entre territoires, et de l’autre une concurrence avec d’autres sources d’inégalités au sein de chaque territoire.
47Disposer d’une pièce permettant de s’isoler pour faire ses devoirs joue également un rôle dans les inégalités d’éducation entre les natifs des Drom et de métropole : cette situation est non seulement plus fréquente pour les métropolitains que pour les ultramarins (tableau 2), mais elle a un impact positif plus important sur le niveau d’études atteint en métropole que dans les Drom, sauf en Guadeloupe (tableau annexe A.3, interaction O).
48L’aide fréquente des parents pour les devoirs, moins courante pour les Guyanais et les Réunionnais que pour les autres (tableau 2) joue par contre peu sur les écarts de niveau d’études entre natifs des différents territoires. Notamment, les jeunes métropolitains et Guadeloupéens aidés parfois ou jamais réussissent mieux que ceux aidés souvent, et aucun effet n’est détecté pour les autres territoires (tableau annexe A.2 ; tableau annexe A.3, interaction P). Ce résultat, à première vue surprenant, a potentiellement plusieurs explications. Il peut être lié à un effet de causalité inverse qui affaiblirait l’effet potentiellement positif de l’aide : ceux qui sont les plus aidés sont en partie ceux qui rencontrent le plus de difficultés. Il peut également être lié au fait que la variable correspond à l’aide reçue de la part des parents [27] sans spécifier de période précise. Or être aidé est plus courant dans les petites classes, les parents ayant presque tous des compétences pour aider leurs enfants à ce niveau. C’est moins le cas lorsque le niveau augmente. Ainsi, on s’attend à ce que la proportion d’individus aidés par leurs parents soit plus élevée chez ceux ayant arrêté leurs études jeunes. L’aide fréquente des frères et sœurs est en revanche plus courante pour les ultramarins (tableau 2) que pour les métropolitains, ce qui est dû, au moins en partie, à la plus grande taille des fratries des natifs des Drom. Le fait que certains jeunes aidés parfois ou jamais réussissent mieux que ceux fréquemment aidés par leurs frères et sœurs (tableau annexe A.2 ; tableau annexe A.3, interaction Q) n’est pas simple à expliquer. Dans la mesure où nous contrôlons la taille de la fratrie, cela ne peut pas être lié au fait que les natifs des Drom ont davantage de frères et sœurs. Une autre explication réside, comme pour l’aide des parents, dans le fait qu’être aidé est moins courant lorsque le niveau d’études augmente, ceux ayant déclaré une aide fréquente sont plus souvent des individus ayant arrêté leurs études jeunes.
49Finalement, le seul écart avec les métropolitains qui demeure non expliqué par nos modèles concerne les natifs de Guyane. Contrairement aux autres natifs des Drom, l’écart de niveau d’études entre les Guyanais et les métropolitains ne relève ainsi a priori pas uniquement de facteurs influençant la qualité du capital humain transmis par les parents.
50Dans la mesure où, en France, le niveau d’études moyen diffère entre les femmes et les hommes (Picard et Wolff, 2014 ; Chabanon et Steinmetz, 2018), nous reproduisons les évaluations séparément pour les deux sexes. Le tableau 4 confirme que la prise en compte des variables de contrôle explique presque entièrement les écarts de niveau d’études entre les natifs des Drom et de métropole pour les femmes comme pour les hommes. Certaines variables ont toutefois plus d’effet selon le sexe des individus. Les problèmes financiers pendant l’enfance pèsent davantage sur le niveau d’études des hommes. Quant aux femmes, elles subissent davantage que les hommes le fait d’être issues d’une fratrie nombreuse ou d’avoir eu un parent alcoolique. Il est possible que, dans ce cas, elles s’occupent plus des tâches familiales (par exemple s’occuper des frères et sœurs) délaissées par les parents. En revanche, elles profitent davantage que les hommes des éléments ayant un impact positif sur le niveau d’études telle que la pratique du français en famille ou avoir grandi avec ses deux parents.
Tableau 4. Effets des caractéristiques individuelles et familiales des femmes et des hommes sur le niveau d’études atteint (modèle probit ordonné)
Tableau 4. Effets des caractéristiques individuelles et familiales des femmes et des hommes sur le niveau d’études atteint (modèle probit ordonné)
Conclusion
51Les inégalités économiques entre les outremer et la métropole sont importantes. Elles concernent tant les revenus (Michel et al., 2010) que l’emploi (Lasserre, 2018). Le développement économique des Drom, de même que l’amélioration de l’insertion professionnelle des ultramarins dans les Drom comme en métropole, passent en grande partie par une amélioration des niveaux de formation initiale atteints par les jeunes natifs des Drom (L’Horty, 2014) qui sont largement inférieurs à ceux des natifs de métropole. Or, pour améliorer le niveau d’études des jeunes natifs des Drom, encore faut-il avoir cerné les sources de leurs moindres performances scolaires.
52À partir de données détaillées sur l’origine sociale des natifs des Drom et de métropole, cette étude apporte des résultats nouveaux permettant d’améliorer la compréhension des inégalités d’éducation entre les Drom et la métropole. Ces inégalités s’expliquent en partie par le fait que les ultramarins sont plus fréquemment que les métropolitains issus d’univers sociaux défavorisés, notamment de familles qui ont connu des difficultés financières importantes, avec des parents très souvent issus de catégories socioprofessionnelles peu qualifiées, ces derniers étant moins à même d’aider leurs enfants à réussir à l’école. En outre, les jeunes ultramarins ont moins souvent parlé le français en famille pendant l’enfance, ce qui augmente les difficultés scolaires d’un grand nombre de jeunes de ces départements, où l’enseignement se déroule essentiellement en français. Les Réunionnais sont les plus touchés par ce phénomène. Les ultramarins sont également davantage issus de familles nombreuses avec des contextes difficiles (violences, alcoolisme, etc.). On constate ainsi qu’à caractéristiques sociales et culturelles de la famille et cadre familial identiques, seuls les natifs de Guyane ont un niveau d’études significativement moins élevé que les natifs de métropole. Ce dernier résultat peut, d’après certains travaux, s’expliquer par la moindre qualité de l’offre éducative en Guyane et le contexte géographique particulier de ce territoire (CNCDH, 2017 ; Depp, 2017). Notamment, le risque de déscolarisation précoce est, à partir du collège, plus important que dans les autres Drom. Ce phénomène résulte d’une offre scolaire mal répartie sur le territoire, où le nombre de collèges et lycées par jeune en âge d’être scolarisé est très inférieur aux autres départements. De nombreuses zones d’habitation sont éloignées des écoles alors que le territoire guyanais manque de réseaux de transports scolaires. En outre, la Guyane manque d’enseignants et peine à attirer des titulaires sur son territoire.
53Afin d’améliorer le niveau d’études des jeunes ultramarins par rapport aux métropolitains, il serait nécessaire de développer des politiques permettant de compenser le fait que certains parents ont une moindre capacité à aider leurs enfants à réussir à l’école. Il s’agirait aussi de donner davantage de moyens aux enseignants des écoles des Drom (par exemple en réduisant les tailles de classes de façon importante dès le plus jeune âge, cf. Bouguen et al., 2017) et de développer des politiques sociales qui permettent de prévenir, pour les Drom concernés, certains phénomènes tels que les violences subies au sein de la famille (plus fréquentes en Guadeloupe et à La Réunion), l’alcoolisme (plus fréquent à La Réunion), etc. Ces politiques doivent prendre en considération l’existence d’une certaine hétérogénéité selon les territoires. Si la plupart des phénomènes jouent partout, leur intensité varie selon les lieux de naissance. Avoir un parent qui a connu des problèmes d’alcoolisme et n’avoir pas pratiqué le français en famille pendant l’enfance expliquent par exemple en grande partie le moindre niveau d’études des Réunionnais, alors que les Guyanais pâtissent davantage de taille des fratries importantes et du fait de ne pas disposer d’espace pour s’isoler et faire leurs devoirs. Ce travail s’inscrit donc dans la lignée ce ceux suggérant que la transmission du capital humain au sein de la famille est au centre des inégalités d’éducation qui marquent la société française (Goux et Maurin, 1995 ; Meuret et Morlaix, 2006 ; OCDE, 2015). Ces résultats indiquent que le phénomène est particulièrement prégnant lorsque l’on distingue les jeunes natifs des Drom et de métropole.
Annexes
Tableau A.1. Niveau d’études atteint par les femmes et les hommes de 18-34 ans ayant terminé ou non leurs études à la date de l’enquête selon le lieu de naissance
Tableau A.1. Niveau d’études atteint par les femmes et les hommes de 18-34 ans ayant terminé ou non leurs études à la date de l’enquête selon le lieu de naissance
Tableau A.2. Effets des caractéristiques individuelles et familiales sur le niveau d’études atteint, par Drom (modèle probit ordonné)
Tableau A.2. Effets des caractéristiques individuelles et familiales sur le niveau d’études atteint, par Drom (modèle probit ordonné)
Tableaux A.3. Niveau d’études atteint (modèle probit ordonné) : introduction de variables d’interaction « lieu de naissance × … »
Tableaux A.3. Niveau d’études atteint (modèle probit ordonné) : introduction de variables d’interaction « lieu de naissance × … »
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Mots-clés éditeurs : inégalités, éducation, Drom, enquête Trajectoires et origines (TeO), France, capital humain, enquête Migrationfamille-vieillissement (MFV)
Date de mise en ligne : 02/07/2021.
https://doi.org/10.3917/popu.2101.0115Notes
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[1]
Cette étude inclut la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, mais pas Mayotte (Mayotte est un Drom depuis l’année 2011).
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[2]
Le taux de chômage y est en moyenne deux fois supérieur à celui de la métropole (Lasserre, 2018).
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[3]
Le terme de capital humain est couramment utilisé en sciences économiques. Il désigne un ensemble de savoir-faire et de connaissances accumulées par les individus (Becker, 1964). S’agissant plus spécifiquement de la capacité à réussir à l’école et de la faculté des parents à aider leurs enfants, la littérature sociologique fait parfois référence à la notion de « capital culturel » (Bourdieu, 1979).
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[4]
À propos de la notion d’investissement dans le capital humain des enfants, voir également Arrondel et Wolff (1998) et Chiswick (1988). Des difficultés peuvent apparaître dans la transmission des parents aux enfants, soit que les parents ne disposent pas de connaissances suffisantes leur permettant d’aider leurs enfants, soit qu’ils aient trop de difficultés personnelles pour les aider efficacement.
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[5]
D’après Meuret et Morlaix (2006), les meilleures performances des élèves issus de milieux favorisés, particulièrement importantes en France, peuvent en partie s’expliquer par le fait que l’école française a jusqu’ici mis largement en avant ce qui est parfois nommé la « grande culture » (ou la « culture classique ») et que les élèves de milieux favorisés sont mieux préparés à l’enseignement qui leur est donné. Ils ont notamment une meilleure compréhension de l’intérêt des cours.
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[6]
Dans cet article, le niveau d’études fait référence au diplôme le plus élevé obtenu.
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[7]
Nombre d’élèves par établissement par rapport au nombre de places disponibles déclaré par les chefs d’établissement en début d’année scolaire.
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[8]
Nombre d’ordinateurs par élève.
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[9]
Un coefficient de pondération affecté à chaque individu et fourni avec les données des deux enquêtes est utilisé pour les statistiques descriptives. Les régressions sont en revanche mises en œuvre sur les données non pondérées.
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[10]
Plus de 80 % des métropolitains de l’échantillon vivant dans un Drom y sont arrivés après l’âge de 15 ans ; près de 70 % des ultramarins de l’échantillon vivant en métropole y sont arrivés après l’âge de 15 ans (moyennes pondérées calculées par l’auteur).
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[11]
62 % des natifs de Guadeloupe n’ont jamais étudié hors de leur Drom de naissance, 66 % en Martinique, 60 % en Guyane et 79 % à La Réunion. Par ailleurs, plus de 95 % des natifs de métropole ont passé toute leur scolarité en métropole (moyennes pondérées calculées par l’auteur).
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[12]
C’est-à-dire au-delà du fait que ce facteur soit corrélé avec l’origine sociale de la famille, qui a également un effet sur la réussite scolaire.
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[13]
Dans les deux enquêtes, la question suivante est posée : « Durant votre jeunesse, avant vos 18 ans, avez-vous vécu les situations suivantes… ? ». Plusieurs réponses sont proposées dont « De gros problèmes d’argent dans la famille ». Les enquêtés peuvent répondre par oui ou par non.
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[14]
Cette variable n’est pas disponible pour tous les individus, les non-réponses sont particulièrement nombreuses pour les natifs des Drom.
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[15]
Il n’y a toutefois pas de différences entre les mères métropolitaines et martiniquaises.
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[16]
Trois modalités sont prises en compte : le fait de parler le français, le créole du Drom de naissance et une modalité « autre » regroupant les autres langues, et le fait de ne pas avoir échangé (ou peu) avec le parent pendant l’enfance (ce dernier cas étant particulièrement important pour les Antilles et dans une moindre mesure pour la Guyane).
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[17]
À la question « Durant votre jeunesse, avant vos 18 ans, avez-vous vécu les situations suivantes…? » posée dans les deux enquêtes et évoquée supra, les modalités de réponse « Des violences envers vous », « De graves disputes ou conflits entre vos parents » et « L’alcoolisme de l’un d’eux » sont proposées.
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[18]
À la question « Durant votre jeunesse, avant vos 18 ans, avez-vous vécu les situations suivantes…? » posée dans les deux enquêtes et évoquée supra, la modalité de réponse « Des maladies, handicaps ou accidents graves de vos parents » est proposée.
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[19]
Ce type d’estimation a également été utilisé par Domingues Dos Santos et Wolff (2011).
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[20]
Le découpage en quatre niveaux a été choisi de façon à avoir des tailles d’échantillon équilibrées pour chaque niveau d’études et chaque lieu de naissance.
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[21]
Le programme a été écrit par l’auteur, il n’est pas issu d’une procédure existant dans un logiciel.
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[22]
Des probabilités moyennes de passage d’un niveau d’études à un autre sont estimées.
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[23]
Des régressions séparées par Drom sont ajoutées dans le tableau annexe A.2 ainsi que des régressions incluant des termes d’interaction dans les tableaux annexes A.3.
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[24]
Il n’est plus significatif dès lors que l’on tient compte de l’origine sociale des parents et de la situation familiale pendant l’enfance (colonnes 4 et 5). Il est peu élevé également dans les régressions par Drom (tableau annexe A.2), même si l’effet est positif et significatif pour La Réunion.
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[25]
Cette proximité entre la Guyane et la métropole, a priori surprenante du fait des écarts de richesse entre territoires, peut en partie être liée au fait qu’il s’agit d’une situation perçue et donc relative par rapport aux autres habitants de chaque territoire.
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[26]
Il est par exemple plus fréquent qu’en métropole que plusieurs générations ou membres d’une famille (au sens élargie) vivent sous le même toit.
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[27]
La question posée dans les deux enquêtes est la même : « Durant votre scolarité, étiez-vous aidé pour faire vos devoirs par vos parents ? ».