Notes
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[*]
Université de Fribourg, département des sciences sociales.
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[**]
FORS (Swiss Centre of Expertise in the Social Sciences), Lausanne.
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[1]
Le Panel suisse des ménages (www.swisspanel.ch) est financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Il s’agit d’une enquête longitudinale multithématique menée par la Fondation suisse pour la recherche en sciences sociales (FORS). Pour plus d’informations : www.fors.unil.ch.
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[2]
La littérature anglo-saxonne associe souvent le terme de sentiment de justice ou d’équité à la répartition des tâches ménagères au sein du couple et réserve le terme de satisfaction à la relation conjugale/maritale. D’autres études utilisent les termes de justice et de satisfaction de manière interchangeable. Lorsque la distinction n’a pas été spécifiée et dans la mesure où cela ne change pas les propos des auteurs, nous privilégions le terme de satisfaction quand nous nous référons à un sentiment ou à l’évaluation subjective d’une situation donnée.
-
[3]
Nommé travail ménager dans cet article.
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[4]
Ces items (laver, cuisiner, nettoyer) ne sont pas considérés séparément dans le questionnaire.
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[5]
Harmonisées par Eurostat, les études budget-temps s’appuient sur des carnets que les personnes doivent remplir durant 24 heures. Il leur est demandé de relever les activités effectuées durant des intervalles plus ou moins longs. Elles ne sont pas effectuées en Suisse pour des raisons budgétaires (Schiess et Schön-Bühlmann, 2004).
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[6]
La comparaison des données du PSM sur l’impact des transitions familiales sur les heures de travail ménager effectuées (Henchoz et Wernli, 2010) avec celles de l’Office fédéral de la statistique fondés sur l’ESPA, l’enquête suisse sur la population active (Schön-Bühlmann, 2006b), a permis d’en attester la fiabilité.
-
[7]
En 2011, en Suisse, 60 % des mères exercent une activité professionnelle à temps partiel et 23 % n’en ont aucune. Seules 17 % des femmes ayant un ou des enfant(s) de moins de 25 ans exercent une activité professionnelle à plein temps. (http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/20/05/blank/key/Vereinbarkeit/01.html, consulté le 7.2.2013).
-
[8]
En 2010 en Suisse, les femmes de 15 à 65 ans vivant en couple sans enfant accordent 23,6 heures par semaine à une activité rémunérée et 23,0 heures aux activités domestiques et familiales (contre respectivement 35,2 et 13,6 heures pour les hommes). Dans les couples avec enfant(s) de moins de 6 ans, les femmes n’effectuent plus que 11,8 heures par semaine de travail rémunéré contre 55,6 heures de travail domestique et familial (respectivement 40,1 et 29,4 heures pour les hommes). L’écart reste d’environ 2 heures au détriment des hommes. (http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/20/05/blank/key/Vereinbarkeit/04.html, consulté le 7.2.2013).
-
[9]
Par comparaison avec le temps de travail de la vague précédente.
-
[10]
La vague 1 n’a pas été utilisée en raison de l’absence d’un indicateur important pour la modélisation (la satisfaction générale quant à sa vie).
-
[11]
En 1999, le premier échantillon aléatoire (PSM_I) interrogé par téléphone était composé de 5 074 ménages et de 12 931 individus représentatifs de la population résidente suisse. Depuis 2004, un deuxième échantillon aléatoire de ménages de la population résidente suisse (PSM_II) a été ajouté, soit pour 2004, 2 538 ménages et 6 569 individus. Plus de 7 500 interviews individuelles ont été réalisées en 2010-2011.
-
[12]
La procédure utilisée est détaillée en p. 27 et suivantes du guide pour les utilisateurs du PSM, disponible à l’adresse suivante : http://www.swisspanel.ch/IMG/pdf/SHP_USER_GUIDE_W14.pdf.
-
[13]
Le cumul des chiffres pour les deux sexes n’atteint pas 100 %, car certaines tâches sont effectuées à part égale par les deux partenaires, voire par un autre membre du ménage ou un acteur extérieur (aide de ménage, entreprise privée, etc.).
-
[14]
Les postulats à la base du modèle linéaire étant respectés, nous avons considéré la variable à expliquer comme étant continue. Nous avons également tenu compte du caractère longitudinal des données, les observations relatives à un même individu n’étant pas indépendantes les unes des autres.
-
[15]
Afin de contrôler les problèmes d’endogénéité, nous avons également réalisé les analyses en considérant les valeurs des variables indépendantes mesurées lors de la vague précédente (lag), (Manski, 1993).
-
[16]
Linear mixed effects, du logiciel SPSS, semblable à la procédure SAS Proc Mixed.
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[17]
Structure de covariance autorégressive de premier ordre (AR1), qui permet de prendre en compte la corrélation entre les résidus des données relatives à un même individu, avec un lien décroissant en fonction de la proximité de ces observations. Les coefficients AR1 diagonale (covariance) et AR1 rho (corrélation avec l’observation précédente) significatifs dans les analyses montrent l’opportunité d’un tel choix.
-
[18]
La figure 1 suggère d’agréger les catégories suivantes : 0 à 6, 7 et 8, 9 et 10.
-
[19]
Le modèle logistique ordonné présuppose que la relation entre chaque paire des catégories créées est la même, ce qui permet de n’avoir qu’une série de coefficients.
1En dépit d’une lente amélioration, le partage des tâches ménagères au sein du couple est, aujourd’hui encore, l’un des noyaux durs des inégalités de genre. Certaines étapes du cycle de vie tendent à accentuer ces inégalités dans la division sexuée du travail ménager. Le partage inégal des tâches domestiques, objectivé par les enquêtes budget-temps, rend compte d’une réalité qui peut être perçue comme plus ou moins (in)juste par les individus. La confrontation des écarts de participation ménagère effective des hommes et des femmes au sentiment qu’ils expriment à ce sujet, mérite une attention particulière. Caroline Henchoz et Boris Wernli s’attachent ici à rendre compte de cet aspect moins connu des relations de genre en s’appuyant sur un indicateur qui mesure la satisfaction à l’égard de la répartition des tâches ménagères entre conjoints. À partir d’une enquête statistique longitudinale réalisée auprès de couples en Suisse, les auteurs mesurent l’évolution de cette satisfaction au fil du cycle de vie familial. Ils en concluent que la satisfaction relative au partage des activités domestiques est partiellement déconnectée de la charge effective de travail mais qu’elle est fortement associée à la cohésion du couple et à son soutien mutuel.
2La mise en couple et l’arrivée des enfants conduisent les femmes à prendre davantage de tâches ménagères à leur charge alors que la participation de leur conjoint reste peu sensible à ces transitions (Henchoz et Wernli, 2010). Malgré ces inégalités croissantes dans le cycle de vie qui ne sont pas propres à la Suisse, les femmes continuent à se déclarer très satisfaites de la répartition des tâches ménagères adoptée (Lennon et Rosenfield, 1994 ; Sanchez et Kane, 1996 ; Huppé et Cyr, 1997 ; Baxter, 2000 ; Grote et al., 2002 ; Singly de, 2007 ; Braun et al., 2008). Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer cette satisfaction. La plupart se fondent sur des analyses statistiques transversales, ce qui permet d’expliquer un état de fait à un moment donné mais ne fournit pas de piste pour comprendre des variations dans le temps. Or selon certains travaux, le sentiment de satisfaction quant à la répartition des tâches ménagères évolue durant le cycle de vie familiale. Jill Suitor (1991) se réfère à une courbe en U pour décrire le sentiment de satisfaction déclaré par les femmes au cours du cycle de vie et sa diminution temporaire lorsqu’elles ont des enfants en âge préscolaire. Cette recherche a toutefois l’inconvénient de se baser sur des analyses transversales, c’est-à-dire de comparer des populations différentes à des moments différents du cycle de vie.
3L’analyse longitudinale des données du Panel suisse des ménages [1] (PSM) proposée dans cet article permet d’aborder la satisfaction relative de la répartition des tâches ménagères au sein du couple d’un point de vue dynamique. Suivre les mêmes personnes dans le temps offre l’opportunité de tester les interprétations fournies par les recherches transversales. Sont-elles pertinentes pour expliquer l’évolution du sentiment de satisfaction au cours du cycle de vie familiale ? Décrivent-elles de manière adéquate l’évolution du sentiment de satisfaction des femmes et des hommes ? Autrement dit, le sentiment de satisfaction des premières est-il sensible aux mêmes causes et aux mêmes événements que celui des seconds ?
4Nous évaluerons la satisfaction quant à la répartition des tâches ménagères selon les caractéristiques du ménage, du répondant et de son conjoint. La richesse des données du PSM permet d’analyser conjointement ces trois types de données, ce qui constitue également l’originalité de notre démarche. En effet, la plupart des études ne recueillent leurs informations qu’auprès d’une seule personne par ménage. Grâce à cette approche, nous répondrons à une question jusqu’à présent peu traitée : dans quelle mesure le sentiment de satisfaction est-il un construit interactionnel ? Autrement dit, dans quelle mesure est-il lié à l’implication du partenaire ainsi qu’à son propre niveau général de satisfaction ?
5Saisir comment se construit le sentiment de satisfaction associé à la répartition des travaux ménagers conduit également à une meilleure compréhension de la persistance des inégalités au sein des couples. En effet, selon Baxter et Western (1998), le désir de changement est fortement rattaché au niveau d’(in)satisfaction [2]. Une répartition inégale des tâches ménagères ne suscitant pas d’insatisfaction risque fort de perdurer. En ce sens, comprendre comment se constitue le sentiment de satisfaction permet de mieux saisir les motifs pour lesquels une situation inégalitaire subsiste.
I – Mesures des tâches ménagères et de la satisfaction dans le PSM
6Cet article porte sur le « noyau dur » du travail ménager : la cuisine, la vaisselle, le ménage et le linge [3] (Ponthieux et Schreiber, 2006). Particulièrement exigeantes en temps, ces tâches sont considérées par les hommes et les femmes comme les moins gratifiantes et les plus contraignantes, car elles ne peuvent être reportées (Brousse, 1999 ; Coltrane, 2000). En Suisse comme ailleurs, elles sont majoritairement exécutées par les femmes (Brousse, 1999 ; Ponthieux et Schreiber, 2006 ; Schön-Bühlmann, 2006a ; Branger, 2008), le temps domestique des hommes étant quant à lui surtout consacré aux tâches administratives, au jardinage et aux travaux manuels (Chadeau et Fouquet, 1981 ; Strub et Bauer, 2002 ; Widmer et al., 2003 ; Schön-Bühlmann, 2006a).
7Dans le cadre du PSM, les données sur le travail ménager sont recueillies par téléphone à partir de la question suivante : « Combien d’heures en moyenne consacrez-vous au travail domestique (laver, cuisiner, nettoyer) dans une semaine ordinaire ? » [4]. Ces données sont moins précises que les informations récoltées par la méthode du jour de référence utilisée dans les enquêtes budgettemps [5], cependant leur validité a été testée dans de précédentes recherches [6].
8Ce type de données comporte toutefois des biais qu’il est nécessaire de relever : des biais liés à la mémoire et à la subjectivité (les personnes devant elles-mêmes estimer leur propre temps de travail ménager sur une semaine et les sentiments de satisfaction associés) et à la difficulté de distinguer le temps consacré à ces tâches des autres activités domestiques (par exemple faire la cuisine avec son enfant, est-ce du temps ménager ou du temps consacré à l’éducation ?). En effet, la variable dépendante, la satisfaction quant à la répartition des tâches ménagères, concerne uniquement le traitement du linge, la cuisine et les nettoyages. Les données ont été recueillies au moyen de la question suivante : « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait·e de la répartition du travail domestique – laver, cuisiner, nettoyer – au sein de votre ménage si 0 signifie “pas du tout satisfait·e” et 10 “tout à fait satisfait·e” ? ». Il a été explicitement spécifié aux enquêtés que la prise en charge des enfants n’était pas à prendre en compte dans cette évaluation. Cela induit une limite à ce travail puisque les données ne permettent pas d’étudier la satisfaction à l’égard de l’ensemble du travail domestique.
9Enfin, on peut également présumer qu’il existe des biais liés à l’effet de désirabilité sociale. Ainsi, les hommes surestimeraient le nombre d’heures qu’ils consacrent au travail ménager et les femmes le sous-estimeraient dans une proportion identique : estimé à plus ou moins trois heures hebdomadaires en Suisse (Strub et Bauer, 2002). Dans le même sens, on peut supposer qu’un certain nombre de nos interlocuteurs ont tendance à se présenter sous un angle favorable, notamment en surévaluant leur niveau de satisfaction. Les informations à notre disposition ne nous donnent toutefois pas les moyens de vérifier ce dernier point.
II – Cadre d’analyse et hypothèses
Événements influençant le sentiment de satisfaction relative à la répartition des tâches ménagères
10Si l’évolution de la répartition du travail ménager durant le cycle de vie conjugale commence à être bien documentée par les enquêtes longitudinales (Sanchez et Thomson, 1997 ; Gupta, 1999 ; Artis et Pavalko, 2003 ; Cooke, 2004 ; Baxter et al., 2008 ; Henchoz et Wernli, 2010 ; Wernli et Henchoz, 2011), on en sait peu sur l’évolution du sentiment de satisfaction qui lui est attaché. Selon l’hypothèse de la courbe en U de Suitor (1991), que d’autres études semblent confirmer (Huppé et Cyr, 1997 ; Régnier-Loilier, 2009 ; Dew et Wilcox, 2011), le sentiment de satisfaction déclaré par les femmes quant à la répartition du travail ménager déclinerait à l’arrivée des enfants pour remonter lorsque ces derniers entrent à l’école. Celui des hommes serait quant à lui relativement stable au cours de la vie familiale. L’un des objectifs de cet article est de tester cette hypothèse sur des données longitudinales en examinant l’impact de cette transition pour les deux sexes. Le spectre des événements susceptibles de modifier le sentiment de satisfaction est élargi en testant également l’effet de l’augmentation et de la diminution du temps de travail rémunéré ainsi que celui du retrait du marché du travail. Les hypothèses présentées ci-dessous ainsi que les indicateurs utilisés et leurs modalités sont résumés dans le tableau 1 de la section suivante.
Hypothèses sur la variation du sentiment de satisfaction relatif à la répartition du travail ménager*
Hypothèses sur la variation du sentiment de satisfaction relatif à la répartition du travail ménager*
* La variable est renseignée pour chacun des deux membres du couple.Hypothèses sur les facteurs influençant le sentiment de satisfaction
11Selon l’hypothèse de la courbe en U, la satisfaction des femmes dépendrait de leur contribution effective (hypothèse 1). En effet, l’arrivée des enfants engendre un surcroît de travail ménager qui est essentiellement pris en charge par les femmes. La satisfaction déclarée des hommes changerait peu, car la présence d’enfants a un faible impact sur le temps qu’ils consacrent au travail ménager, ce que nous avons également pu démontrer pour la Suisse (Henchoz et Wernli, 2010). Cette première hypothèse s’appuie sur la théorie de l’échange en postulant que les individus vont chercher à maximiser leurs profits et diminuer les coûts, notamment en évitant toutes les tâches contraignantes et rébarbatives (Suitor, 1991).
12On peut toutefois faire l’hypothèse (hypothèse 2) que l’impact négatif de la transition à la parentalité est nuancé par le fait que la maternité conduit la majorité des Suissesses à privilégier ensuite un emploi à temps partiel [7]. Dans un tel contexte, les femmes auront alors moins de ressources financières à leur disposition si la relation conjugale se rompt. En ce sens, elles auront tendance à s’adapter à la situation en diminuant leurs attentes concernant l’implication ménagère de leur compagnon et en se déclarant satisfaites de la répartition du travail ménager, bien que largement en leur défaveur. Cette hypothèse se réfère à la théorie des ressources (Blood et Wolfe, 1960) en postulant que l’absence relative de ressources socialement valorisées (niveau de formation, revenu) va influencer les attentes concernant la division du travail ménager et par conséquent la satisfaction associée. Elle a été soutenue par un certain nombre de recherches (Lennon et Rosenfield, 1994 ; DeMaris et Longmore, 1996 ; Wilkie et al., 1998).
13Une hypothèse inverse (hypothèse 3) qui, comme la précédente, se fonde sur la particularité du contexte helvétique, peut toutefois être proposée. La transition à la parentalité, comme les autres transitions examinées dans cet article, pourrait n’avoir que peu d’influence sur le sentiment de satisfaction déclaré par les hommes et les femmes si ces derniers se répartissent équitablement la charge de travail rémunéré et non rémunéré. Or en Suisse, le total des heures de travail rémunéré et non rémunéré est légèrement plus élevé pour les hommes que pour les femmes. Bien que la parentalité renforce une division traditionnelle du travail, cet écart reste stable [8], l’augmentation de la prise en charge des tâches domestiques et familiales par les femmes étant compensée par la diminution de leur temps de travail rémunéré. Cette hypothèse se fonde sur la théorie du temps libre pour postuler qu’une répartition inégale du travail ménager conduit à de l’insatisfaction uniquement si l’un des partenaires a moins de temps libre à disposition que l’autre (Coltrane et Ishii-Kuntz, 1992).
14Ces premières hypothèses ne tiennent toutefois pas compte du genre. Or les travaux sur la socialisation ont montré que les logiques de socialisation genrée produisent des compétences objectives, des dispositions (attirance, répugnance, tolérance) et des attentes inégales quant à l’investissement masculin et féminin dans les activités ménagères (Guionnet et Neveu, 2009). De cette perspective de genre, nous pouvons tirer deux hypothèses. D’une part (hypothèse 4), il sera moins pénible pour les femmes d’augmenter les heures qu’elles consacrent au travail ménager – du moins celui que nous examinons ici – que les hommes, car les tâches domestiques étudiées sont considérées comme traditionnellement féminines (Zarca, 1990 ; Kaufmann, 1992 ; Singly de, 2007). D’autre part (hypothèse 5), si le sentiment de satisfaction dépend des attentes de genre (Greenstein, 1996 ; Helms-Erikson, 2001 ; Lavee et Katz, 2002), les inégalités ne devraient pas être sources d’insatisfaction pour les femmes qui considèrent les tâches ménagères comme les activités attendues d’une bonne mère ou comme l’expression de l’amour maternel (West et Zimmerman, 1987). La signification accordée aux tâches ménagères évoluant avec les générations (Coltrane, 2000), on peut s’attendre à ce que les personnes les plus jeunes se déclarent plus insatisfaites que les plus âgées, car elles ont globalement plus d’attentes concernant une prise en charge égalitaire du travail domestique (Blair et Johnson, 1992 ; Sanchez et Kane, 1996 ; Ahrne et Roman, 2000).
15Faire l’hypothèse que les sentiments éprouvés quant à la répartition du travail ménager ne dépendent pas seulement des contributions effectives mais aussi du système d’attentes concernant les rôles, les obligations et le comportement des hommes et des femmes nous permet de proposer une dernière piste explicative à tester (hypothèse 6). Les tâches ménagères examinées ici étant encore largement de la responsabilité des femmes, on peut supposer que ce ne sont pas les attitudes féministes ou égalitaires des hommes qui inspireront un sentiment de satisfaction aux femmes mais plutôt le sentiment que leur entourage fait preuve de compassion, de sympathie et de soutien (Pyke, 1994 ; Pyke et Coltrane, 1996 ; Sanchez et Thomson, 1997). À l’instar de la théorie de l’économie de la gratitude développée par Hochschild (2003), on peut faire l’hypothèse que les femmes qui se sentent soutenues par leur compagnon (émotionnellement ou parce que celui-ci prend parfois en charge des tâches domestiques typiquement féminines) ou dont le travail ménager semble apprécié sont plus satisfaites, et cela indépendamment du nombre d’heures qu’elles y consacrent (DeMaris et Longmore, 1996 ; Stevens et al., 2006).
16Les variables indépendantes utilisées dans les analyses et dont les modalités sont décrites ci-dessus sont dichotomiques ou quantitatives, et dans ce cas il s’agit d’échelles subjectives allant de 0 à 10. Plusieurs indicateurs dichotomiques font référence à des événements survenus depuis la première vague d’entretiens et susceptibles de produire des changements dans la déclaration de la satisfaction. Ces événements concernent la personne interrogée et son partenaire. Outre la naissance d’un enfant dans les douze derniers mois qui permet de tester l’hypothèse de la courbe en U de Suitor (1991), nous avons examiné l’impact de l’arrêt de l’activité professionnelle, de l’augmentation et respectivement de la diminution du temps de travail rémunéré [9] avant l’âge de la retraite et enfin le départ à la retraite (en Suisse, 64 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes).
III – Données et méthode
17La partie empirique de cette recherche se subdivise en deux volets complémentaires. La partie descriptive met en évidence un certain nombre de différences entre les femmes et les hommes. Elle donne aussi un aperçu général de la distribution des indicateurs retenus et de la fréquence des événements dont nous étudions l’impact. L’analyse longitudinale multivariée permet quant à elle de rentrer dans une logique explicative, notamment en montrant la façon dont se construit le sentiment de satisfaction ainsi que les éléments et les événements susceptibles de l’influencer.
18Nous utilisons les données des vagues 2 [10] à 12 du Panel suisse des ménages collectées entre septembre 2000 et février 2010. Cette enquête longitudinale interroge annuellement toutes les personnes âgées de 14 ans et plus des ménages tirés au sort en 1999 (PSM_I) et 2004 (PSM_II) [11]. L’analyse porte sur 7 018 personnes vivant en couple hétérosexuel et dont les deux membres ont complété le questionnaire annuel. On compte en moyenne 4,5 questionnaires entièrement remplis par personne, soit 31 733 observations distinctes. Les moyennes, de 5,0 observations par répondant pour le PSM_I sur 11 vagues et de 3,5 observations pour le PSM_II sur 7 vagues, sont assez élevées étant donné les changements possibles dans la situation familiale des personnes interrogées et la difficulté d’obtenir la participation simultanée des deux partenaires à la même vague. Des analyses visant à établir l’effet de l’attrition [12] sur les indicateurs relevés par le PSM sont effectuées chaque année. Elles révèlent que la variable dépendante utilisée dans cet article n’est pas affectée par ce phénomène.
19Outre sa perspective longitudinale, l’enquête du PSM a l’avantage d’interroger tous les membres des ménages suivis dans le temps, ce qui permet d’apparier les données des conjoints et d’analyser la dimension interactionnelle du sentiment de satisfaction.
L’inégalité ménagère suscite peu d’insatisfaction
20L’analyse descriptive (tableau 2) permet d’ores et déjà de constater que les femmes passent beaucoup plus de temps à cuisiner, s’occuper du linge et faire le ménage que les hommes (19,6 heures/semaine en moyenne contre 6,2 pour ces derniers). En outre, elles s’en chargent bien plus souvent seules : 84 % [13] des femmes interrogées affirment s’occuper seules du lavage et du repassage du linge, 74 % des repas, 71 % des nettoyages et des rangements et 58 % des courses (contre respectivement 4 %, 8 %, 5 % et 10 % des hommes), ce qui confirme le caractère féminin des tâches ménagères examinées ici. Cette forte spécialisation des tâches se reflète également dans les écarts entre le temps de travail rémunéré des femmes et des hommes, celui des premières étant largement inférieur à celui des seconds (soit en moyenne, un taux équivalant à 38 % d’un emploi à plein temps pour les femmes contre 75 % pour les hommes, le plein temps représentant en moyenne 41,25 heures hebdomadaires en Suisse).
21Ces inégalités influencent modérément le niveau de satisfaction des femmes concernant la répartition des tâches ménagères. Bien que leur satisfaction soit moins élevée que celles des hommes (7,8 contre 8,7 sur une échelle de 10), elle est toutefois loin d’être proportionnelle aux écarts d’investissement des conjoints.
22De manière générale, on note les niveaux assez élevés des autres variables de satisfaction et de soutien reçu du partenaire, même si l’on remarque de légères différences entre femmes et hommes. Les premières s’estiment moins soutenues par leur partenaire que les seconds (8,3 contre 8,5 pour les aspects pratiques ; 8,4 contre 9,0 pour le côté émotionnel), mais se déclarent plus satisfaites du temps libre à leur disposition (7,4 contre 7,1), ce qui peut s’expliquer par le fait qu’elles en ont davantage (cf. note 8).
23Outre des moyennes assez élevées (7,8 pour les femmes et 8,7 pour les hommes), la satisfaction quant à la répartition des tâches ménagères (figure 1), est assez groupée (écarts types respectivement de 2,0 et 1,5), avec une distribution décalée à droite de la moyenne (coefficients d’asymétrie de respectivement – 1,1 et – 1,4) et une queue de distribution étalée vers la gauche. La propension à déclarer un degré de satisfaction est en effet concentrée sur les valeurs élevées (avec 40 % des cas concentrés sur les deux dernières modalités chez les femmes et 60 % chez les hommes). Le niveau de satisfaction des femmes étant plus bas que celui des hommes, l’écart entre les sexe a tendance à s’accroître pour les valeurs élevées.
Statistiques descriptives des indicateurs utilisés, PSM vagues 2 à 12, données cumulées
Statistiques descriptives des indicateurs utilisés, PSM vagues 2 à 12, données cumulées
Statistiques descriptives des indicateurs utilisés, PSM vagues 2 à 12, données cumulées
Statistiques descriptives des indicateurs utilisés, PSM vagues 2 à 12, données cumulées
Seuils de significativité : *** p < 0,001 ; ** p < 0,01 ; * p < 0,05 ; n.s. non significatif.Lecture : Le niveau de satisfaction moyen des femmes quant à la répartition des tâches ménagères s’établit à 7,8 sur une échelle allant de 0 à 10, où 0 signifie « pas du tout satisfaite » et 10 « tout à fait satisfaite ».
Satisfaction de la répartition des tâches ménagères par sexe (%)
Satisfaction de la répartition des tâches ménagères par sexe (%)
Analyse longitudinale
24Afin de tenir compte au mieux du caractère longitudinal des données et de la distribution spécifique de la satisfaction relative à la répartition des tâches ménagères exprimée sur une échelle allant de 0 à 10, plusieurs méthodes analytiques ont été utilisées [14]. Nous avons constaté dans la partie précédente que la distribution était assez homogène et asymétrique, avec un fort groupement sur la droite. Afin de gérer la non-indépendance des observations, le modèle linéaire mixte (MLM) est le plus adéquat. Nous renvoyons à l’annexe pour la description détaillée de cette méthode et des options retenues.
Une évolution de la satisfaction de la répartition des tâches ménagères en forme de W
25Le tableau 3 présente les résultats des analyses multivariées séparément pour les deux sexes. L’hypothèse de la courbe en U de Suitor (1991) qui prédit la diminution du sentiment de satisfaction relative à la répartition des tâches ménagères lorsqu’il y a des enfants en âge préscolaire se trouve confirmée pour les hommes et dans une plus faible mesure pour les femmes, avec cependant un léger décalage dans le temps. En effet, la naissance d’un enfant n’a pas d’impact négatif à court terme sur le sentiment de satisfaction déclaré par les hommes et les femmes (respectivement 0,04 avec p = 0,476 ; 0,08 avec p = 0,204). Par contre, la baisse du sentiment de satisfaction des femmes (– 0,05) et plus encore celui des hommes (– 0,07) est bien liée au nombre d’enfants mineurs présents dans le ménage. L’hypothèse 1 fondée sur la théorie de l’échange se trouve déjà partiellement invalidée par ces deux premières observations. Si elle se confirmait, on devrait en effet observer dans les deux cas une diminution du sentiment de satisfaction, la présence de jeunes enfants impliquant, en Suisse comme ailleurs, une augmentation du temps de travail ménager (Schön-Bühlmann, 2009 ; Henchoz et Wernli, 2010). Or le temps consacré aux tâches ménagères n’a que très peu d’impact sur le sentiment de satisfaction déclaré par les hommes (– 0,01) et encore moins sur celui des femmes (– 0,003) qui pourtant le prennent principalement en charge.
26L’évolution du sentiment de satisfaction quant à la répartition du travail ménager doit donc s’expliquer par d’autres facteurs que le temps qu’on lui consacre. Cela se confirme par le fait que certains événements, qui n’impliquent a priori pas un surplus de tâches ménagères, ont également un impact négatif.
27Les transitions depuis la vague précédente montrent en effet l’influence contrastée et parfois importante d’autres événements sur le sentiment de satisfaction. On note tout d’abord l’impact négatif du passage à la retraite pour les hommes (– 0,28) et pour les femmes (– 0,26, p = 0,054), ce qui nous conduit à affirmer que l’hypothèse de la courbe en U de Suitor n’est que partiellement valable et qu’on peut davantage parler d’une évolution du sentiment de satisfaction en forme de W avec une diminution lorsque les enfants sont mineurs et, à nouveau, lors du passage à la retraite.
28Cette évolution en forme de vagues doit toutefois se comprendre comme une tendance globale, car d’autres événements ont également un impact. Ainsi, pour les femmes, tous les changements liés au temps de travail rémunéré ont un effet négatif sur la satisfaction relative à la répartition des tâches ménagères. Tant l’augmentation (– 0,10) que la diminution (– 0,06, p = 0,059) du temps de travail avant la retraite provoquent une baisse de la satisfaction déclarée, vraisemblablement à cause des remaniements engendrés dans l’organisation familiale des tâches ménagères qui se font généralement à leur détriment (Henchoz et Wernli, 2010 ; Wernli et Henchoz, 2011). Excepté l’effet négatif du passage à la retraite, l’impact d’une diminution du temps de travail (0,10) est au contraire positif chez les hommes. À noter que le sentiment de satisfaction déclaré est peu sensible aux événements vécus par le partenaire, à une exception près qu’il est difficile d’expliquer avec les informations à disposition. La diminution du temps de travail professionnel des femmes a une légère répercussion négative sur la satisfaction de leur conjoint quant à la répartition du travail ménager (– 0,06, p = 0,042).
29Bien que, durant le cycle de vie familiale, le sentiment de satisfaction prenne la forme d’un W pour les deux sexes, les analyses longitudinales (tableau 3) soulignent la plus grande hétérogénéité des situations individuelles des femmes, avec une constante plus faible (3,2 contre 4,9 pour les hommes) et une variance de l’effet aléatoire plus élevée (1,3 contre 0,6). En attestent aussi le plus grand nombre de paramètres ayant un impact significatif sur la variable dépendante. Cette plus grande hétérogénéité s’explique en partie par des effets de cohortes. Les femmes des générations les plus jeunes se déclarent, toutes choses égales par ailleurs, nettement moins satisfaites de la répartition des tâches ménagères que les plus âgées (nées en 1938 ou avant, catégorie de référence), ce qui tend à confirmer l’hypothèse 5 rattachée à la perspective de genre : les attentes en matière d’égalité se sont accrues et conduisent les jeunes générations à éprouver davantage d’insatisfaction concernant une répartition inégalitaire du travail ménager. Notons également qu’à cohorte de naissance égale et sous contrôle des autres paramètres, la satisfaction des deux partenaires baisse légèrement au fil des années (– 0,02 pour les deux sexes). Cela peut s’expliquer par le processus de sédimentation des habitudes ménagères décrit par Kaufman (1992). Avec le temps, les rôles se rigidifient : les conjoints délaissent progressivement l’entraide pour se consacrer uniquement aux tâches qui leur incombent. Or, nous verrons que l’entraide est une dimension essentielle du sentiment de satisfaction.
Satisfaction de la répartition des tâches ménagères (estimation des effets fixes et significativité), modèle longitudinal linéaire mixte – PSM vagues 2 à 12
Satisfaction de la répartition des tâches ménagères (estimation des effets fixes et significativité), modèle longitudinal linéaire mixte – PSM vagues 2 à 12
Estimation : Effets fixes non standardisés, en unités de satisfaction de la répartition des tâches ménagères, sur une échelle allant de 0 à 10, où 0 signifie « pas du tout satisfait » et 10 « tout à fait satisfait ».Lecture : Suite à une augmentation du taux d’activité professionnelle des femmes depuis la vague précédente, leur niveau de satisfaction de la répartition des tâches ménagères diminue de 0,1 unité de satisfaction, toutes choses égales par ailleurs.
Satisfaction de la répartition des tâches ménagères (estimation des effets fixes et significativité), modèle longitudinal linéaire mixte – PSM vagues 2 à 12
Satisfaction de la répartition des tâches ménagères (estimation des effets fixes et significativité), modèle longitudinal linéaire mixte – PSM vagues 2 à 12
30Les ressources personnelles (formation, revenu) ont également un impact très limité sur le niveau de satisfaction, ce qui tend à infirmer l’hypothèse 2 qui reprend les postulats développés dans la théorie des ressources. Le niveau de formation et le niveau de revenu n’affectent pas le sentiment de satisfaction déclaré par les femmes et ont un effet très limité chez les hommes (– 0,02 pour la formation et 0,004 pour le revenu).
31Concernant les différents indicateurs rattachés à l’hypothèse 3 et la théorie du temps libre, on note des effets contrastés. Le temps de travail professionnel a très peu d’effet sur le sentiment de satisfaction déclaré par les femmes et aucun sur celui des hommes. Par contre, la satisfaction éprouvée quant au temps libre disponible a un impact positif sur le sentiment de satisfaction ménagère des femmes et dans une moindre mesure sur celui des hommes (respectivement 0,10 et 0,06). Le fait de disposer d’une aide extérieure augmente également le sentiment de satisfaction des femmes (0,09) alors qu’il a un effet non significatif chez les hommes.
32Pour les femmes, le fait d’effectuer seules les tâches ménagères considérées comme féminines (tableau 3) est davantage facteur d’insatisfaction que le fait d’effectuer seules des tâches considérées généralement comme masculines. Par exemple, préparer seule les repas (– 0,16), nettoyer et ranger seule (– 0,26), laver et repasser seule (– 0,13) dégradent davantage le sentiment de satisfaction des femmes que le fait de s’occuper seule des affaires techniques (– 0,10). Ces résultats vont à l’encontre de l’hypothèse 4 qui postule que le sentiment de satisfaction diminue lorsqu’on prend en charge des tâches considérées comme relevant de l’autre sexe. Bien que les résultats ne soient pas significatifs, cela est confirmé par le fait que le sentiment de satisfaction des hommes qui s’occupent seuls des tâches ménagères dites féminines est moins affecté que celui des femmes.
33Ces résultats vont toutefois dans le sens de l’hypothèse 6 qui reprend le postulat de l’économie de la gratitude. En effet, se sentir aidé et soutenu par son partenaire s’avère être l’une des variables les plus explicatives du niveau de satisfaction des femmes, et dans une moindre mesure de celui des hommes. Ainsi, c’est moins le nombre d’heures de ménage effectuées par le partenaire qui augmente le sentiment de satisfaction éprouvé que le soutien pratique (0,08 chez les femmes et 0,07 chez les hommes) et surtout émotionnel (respectivement 0,22 et 0,16) que l’on peut escompter de sa part.
34On notera que la satisfaction générale à l’égard de sa vie, introduite comme variable de contrôle, a un impact important et similaire pour les femmes et les hommes (0,15 et 0,13). Ce résultat est congruent avec d’autres études relevant l’étroite corrélation entre la satisfaction éprouvée quant à la relation conjugale et la satisfaction quant à la répartition des tâches ménagères. Selon Suitor (1991), la satisfaction rattachée à la répartition des tâches ménagères joue un rôle central dans le sentiment général de satisfaction conjugale. Compte tenu des analyses complémentaires effectuées dans le cadre de cette étude [15], nous estimons plutôt qu’il y a un effet de causalité réciproque. En d’autres termes, les évaluations que l’individu fait des différentes sphères de sa vie sont en étroite interdépendance les unes des autres. Le fait que le sentiment de satisfaction quant aux tâches ménagères dépende également des sentiments éprouvés par le partenaire semble le confirmer. Tant les femmes que les hommes (respectivement 0,09 et 0,07) sont sensibles à la satisfaction de la répartition des tâches ménagères déclarée par leur partenaire. De même, le sentiment de satisfaction de la vie (0,022), la satisfaction à propos du temps libre (0,013) et le soutien émotionnel (0,023) ressentis par les femmes sont positivement corrélés avec ceux des hommes. La satisfaction exprimée par un individu concernant le partage des tâches au sein d’un ménage dépend pour partie de celle que déclare son partenaire sur cette dimension de leur vie commune, mais aussi sur d’autres dimensions sans lien avec l’organisation domestique.
IV – Discussion et conclusion
35L’analyse longitudinale des données du PSM permet de mieux comprendre comment se construit et évolue le sentiment de satisfaction relative de la répartition des tâches ménagères au sein du couple. L’hypothèse de la courbe en U de Suitor (1991) pour illustrer la diminution du sentiment de satisfaction des femmes qui ont des enfants en âge préscolaire s’avère partiellement exacte. L’arrivée d’un enfant n’a pas d’impact négatif à court terme sur le sentiment de satisfaction déclaré par les hommes et les femmes. Par contre, ce dernier diminue avec l’accroissement du nombre d’enfants de 0 à 17 ans dans le ménage, et davantage pour les hommes que pour les femmes. L’évolution du sentiment de satisfaction quant à la répartition des tâches ménagères durant la vie conjugale prend davantage la forme d’un W que d’un U, avec une baisse lorsque les enfants sont mineurs et de manière plus prononcée encore lors du passage à la retraite. Notons toutefois que le tracé de cette courbe en W peut être brouillé par certains événements vécus par les individus. En effet, des changements dans le temps de travail rémunéré (à la baisse ou à la hausse) avant le passage à la retraite peuvent contribuer à atténuer le sentiment de satisfaction des femmes ou augmenter celui des hommes dans le cas d’une diminution de leur propre temps de travail rémunéré.
36Dans le cadre de cette analyse, nous avons également pu mettre en évidence l’aspect pluridimensionnel et codé-pendant du sentiment de satisfaction. Les individus relient différentes dimensions de leur vie pour évaluer la satisfaction à l’égard de la répartition des tâches ménagères au sein du couple. De façon contre-intuitive, les facteurs objectifs comme le temps consacré par l’enquêté ou son partenaire aux tâches ménagères, ou encore le revenu et le niveau de formation de l’un et l’autre, ont beaucoup moins d’impact que certains facteurs plus subjectifs comme la satisfaction que l’on éprouve quant à sa vie ou concernant son temps libre.
37Le sentiment de satisfaction est une construction genrée et générationelle, individuelle et interactionnelle. Une construction genrée, car les hommes et les femmes n’accordent pas la même importance aux mêmes facteurs. Le sentiment de satisfaction déclaré par les femmes dépend de plus de facteurs que celui des hommes et la palette des sentiments exprimés est plus large que celle des hommes. En ce sens, comme nous l’avions déjà démontré avec l’évolution de la répartition du travail ménager dans le cycle de vie familiale (Henchoz et Wernli, 2010 ; Wernli et Henchoz, 2011), les différents cadres théoriques n’ont pas la même portée explicative selon que l’on s’intéresse au point de vue et à la situation des hommes ou des femmes. Ainsi, le temps effectif consacré aux tâches ménagères a un impact moins important sur le sentiment de satisfaction déclaré par les femmes que sur celui des hommes, ce qui tend à nuancer la portée d’hypothèses explicatives fondées sur la théorie de l’échange.
38Le sentiment de satisfaction est également une construction générationelle, car il varie selon les cohortes interrogées. Les attentes en matière d’égalité s’élèvent dans les nouvelles générations, ce qui a des effets négatifs sur le niveau de satisfaction éprouvé par ces cohortes de femmes (voir également Henchoz, 2011), car l’organisation ménagère correspond rarement à leurs attentes. Un autre élément explicatif, que nous n’avons pas pu examiner ici, concerne les critères que l’on mobilise pour évaluer sa propre situation. Les femmes les plus âgées, ou celles qui ont des attentes plus traditionnelles, ont tendance à comparer leur situation à celles des autres femmes alors que les plus jeunes se comparent plus volontiers à leur conjoint, ce qui peut contribuer à atténuer leur sentiment de satisfaction, ce dernier ayant sur ce point une situation plus enviable (Greenstein, 1996).
39Si le sentiment de satisfaction varie selon la situation et les caractéristiques de l’individu, cette recherche montre que c’est aussi un construit interactionnel qui dépend de l’attitude du partenaire, de sa participation et du ressenti qu’il exprime. Certes, être satisfait de sa vie ou de son temps libre a un impact positif sur le sentiment éprouvé, mais avoir un conjoint satisfait de sa vie, de la répartition des tâches ménagères et de son temps libre est également un facteur explicatif central de son propre sentiment de satisfaction. Les hypothèses relevant de l’économie de la gratitude se voient ainsi largement confirmées pour expliquer le niveau de satisfaction des femmes et dans une moindre mesure celui des hommes. Les femmes se montrent ainsi particulièrement sensibles à l’implication pratique et émotionnelle de leur conjoint dans les tâches ménagères et n’apprécient pas d’assumer seules les travaux ménagers qui leur incombent le plus souvent (repas, nettoyages, rangements). Il ne s’agit pas d’avoir un partenaire qui prend en charge la moitié du travail ménager, mais qui participe, sur lequel elles peuvent compter et qui les épaule en cas de besoin. Indirectement, cette constatation soutient la portée explicative des hypothèses fondées sur la perspective et les rôles de genre. Les tâches examinées ici sont encore considérées par les conjoints comme relevant de la compétence féminine, les hommes étant perçus comme des soutiens plus que des partenaires.
40Ces résultats soulignent l’intérêt de considérer la satisfaction non seulement comme un jugement émis par les conjoints, à un moment donné, sur une dimension de leur vie commune mais aussi comme une attitude évolutive vis-à-vis de leur relation et leur partenaire (Bradbury et al., 2000). En ce sens, il semble particulièrement pertinent d’associer dans l’analyse les caractéristiques de la tâche évaluée, celles du partenaire ainsi que des informations sur la qualité de la relation. Autrement dit, lorsqu’on pose la question suivante : « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait·e de la répartition du travail domestique – laver, cuisiner, nettoyer – au sein de votre ménage si 0 signifie “pas du tout satisfait·e” et 10 “tout à fait satisfaite” ? », nos résultats suggèrent que l’attention du chercheur ne doit pas se porter uniquement sur la première partie de la question, à savoir le type de tâches ménagères qui est évalué, mais aussi sur la seconde partie, c’est-à-dire le cadre dans lequel elles sont réparties, le ménage et les personnes concernées par cette répartition. Cela nous permet de relever ici une limite de l’analyse. Dans cette recherche, comme dans la majorité des autres études, seuls les conjoints sont pris en compte. Or, on sait que les enfants, dans des proportions différentes selon leur âge et leur sexe, participent aussi aux tâches ménagères (Gerfin et al., 2009 ; Schön-Bühlmann, 2009). Dans quelle mesure l’évaluation de la répartition des tâches ménagères au sein du ménage exprimée par les conjoints les implique-t-elle également ? Il serait intéressant de développer cette piste dans de prochaines études.
Remerciements
Nous remercions les expertes et l’équipe de Population pour leurs pertinentes remarques et recommandations.41Afin de gérer la non-indépendance des observations, le modèle linéaire mixte [16] (MLM) est le plus adéquat. Nous décrivons ici cette méthode et les options retenues.
42Les individus apparaissant plusieurs fois dans le fichier (voir la section III), l’existence de facteurs individuels non mesurés et stables dans le temps est susceptible de donner une structure et une corrélation aux résidus. Dans le MLM, les observations répétées d’un même individu constituent un sous-niveau de l’analyse prenant la forme d’un modèle composite multi-niveaux pour l’étude du changement (Singer et Willett, 2003). La variable dépendante continue – la satisfaction quant à la répartition des tâches ménagères –, est considérée comme la somme linéaire d’effets fixes et d’effets aléatoires (équation [1]).
43La modélisation retenue adopte en outre une structure autorégressive [17] de covariance des résidus, choix courant pour les mesures répétées. Cela signifie que pour un individu donné, les résidus sont corrélés d’une observation à l’autre, mais de manière variable, en fonction de leur proximité (corrélation plus forte pour les observations proches, décroissante au fur et à mesure de l’éloignement de celles-ci).
44Outre la question de la corrélation des observations, traitée à l’aide du modèle spécifique susmentionné, les différents postulats des modèles linéaires ont aussi été testés. La linéarité de la relation a été vérifiée graphiquement sur un diagramme de dispersion qui montre une relation linéaire entre les variables explicatives et les valeurs observées. La variance des résidus reste aussi relativement constante à tous les niveaux de la variable dépendante et des principaux prédicteurs, ce qui correspond au postulat d’homoscédasticité. Finalement, les résidus se présentent avec une distribution normale.
45D’autres techniques alternatives d’analyse ne postulant pas une linéarité dans la relation ont été testées. Après la définition de seuils découpant la variable à expliquer en deux groupes, voire plus, ces derniers peuvent être comparés dans un modèle logistique (ou probit) binomial, multinomial, voire ordonné. Ces trois techniques ont été testées en créant des regroupements [18] sur la variable à expliquer. Le modèle logistique ordonné ayant été écarté rapidement en raison du très net rejet de l’hypothèse d’égalité des pentes [19] entre les différentes modalités, restaient comme alternatives les modèles logistiques (ou probit) multinomial et binomial. Ceux-ci ont produit des résultats comparables, bien que moins nets, avec ceux de notre modèle linéaire MLM, ce qui confirme la pertinence de ce choix.
46Précisons encore que le choix de la sélection des variables des tableaux n’est pas lié à la quête du meilleur modèle selon des critères techniques, mais à la meilleure perspective analytique et comparative. Afin de comparer des modèles identiques pour les femmes et les hommes et de contrôler l’impact des différents paramètres décrits dans la partie théorique, des paramètres non significatifs au niveau statistique ont été maintenus pour l’interprétation.
Équation
48où i = indice de la vague ; j = indice de l’individu
49où ?0j ~ N (0, ?00) ; ?ij ~ N (0, ?2)
50Les effets fixes, ou partie structurelle du MLM, isolés par la première série de crochets de l’équation, sont les mêmes pour tous les individus. Les effets aléatoires (seconds crochets de l’équation) sont distribués de manière stochastique entre individus, avec une distribution normale centrée réduite (moyenne de 0) et une variance inconnue, mais dont la structure est modélisable. Ces effets aléatoires (random) se subdivisent en deux parties : au terme d’erreur intégré dans toute équation de régression et qui varie pour chaque observation (?ij), s’ajoute un second terme d’erreur (?0j), qui reste constant pour toutes les observations d’un même individu, permettant ainsi de donner une structure aux résidus et de les corréler dans le temps. Cet effet aléatoire permet de faire varier pour chaque individu l’ordonnée à l’origine (?00) de l’équation.
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Mots-clés éditeurs : Suisse, tâches ménagères, couple, activités domestiques, panel, satisfaction, analyse longitudinale, ménage
Mise en ligne 21/03/2014
https://doi.org/10.3917/popu.1304.0617Notes
-
[*]
Université de Fribourg, département des sciences sociales.
-
[**]
FORS (Swiss Centre of Expertise in the Social Sciences), Lausanne.
-
[1]
Le Panel suisse des ménages (www.swisspanel.ch) est financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Il s’agit d’une enquête longitudinale multithématique menée par la Fondation suisse pour la recherche en sciences sociales (FORS). Pour plus d’informations : www.fors.unil.ch.
-
[2]
La littérature anglo-saxonne associe souvent le terme de sentiment de justice ou d’équité à la répartition des tâches ménagères au sein du couple et réserve le terme de satisfaction à la relation conjugale/maritale. D’autres études utilisent les termes de justice et de satisfaction de manière interchangeable. Lorsque la distinction n’a pas été spécifiée et dans la mesure où cela ne change pas les propos des auteurs, nous privilégions le terme de satisfaction quand nous nous référons à un sentiment ou à l’évaluation subjective d’une situation donnée.
-
[3]
Nommé travail ménager dans cet article.
-
[4]
Ces items (laver, cuisiner, nettoyer) ne sont pas considérés séparément dans le questionnaire.
-
[5]
Harmonisées par Eurostat, les études budget-temps s’appuient sur des carnets que les personnes doivent remplir durant 24 heures. Il leur est demandé de relever les activités effectuées durant des intervalles plus ou moins longs. Elles ne sont pas effectuées en Suisse pour des raisons budgétaires (Schiess et Schön-Bühlmann, 2004).
-
[6]
La comparaison des données du PSM sur l’impact des transitions familiales sur les heures de travail ménager effectuées (Henchoz et Wernli, 2010) avec celles de l’Office fédéral de la statistique fondés sur l’ESPA, l’enquête suisse sur la population active (Schön-Bühlmann, 2006b), a permis d’en attester la fiabilité.
-
[7]
En 2011, en Suisse, 60 % des mères exercent une activité professionnelle à temps partiel et 23 % n’en ont aucune. Seules 17 % des femmes ayant un ou des enfant(s) de moins de 25 ans exercent une activité professionnelle à plein temps. (http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/20/05/blank/key/Vereinbarkeit/01.html, consulté le 7.2.2013).
-
[8]
En 2010 en Suisse, les femmes de 15 à 65 ans vivant en couple sans enfant accordent 23,6 heures par semaine à une activité rémunérée et 23,0 heures aux activités domestiques et familiales (contre respectivement 35,2 et 13,6 heures pour les hommes). Dans les couples avec enfant(s) de moins de 6 ans, les femmes n’effectuent plus que 11,8 heures par semaine de travail rémunéré contre 55,6 heures de travail domestique et familial (respectivement 40,1 et 29,4 heures pour les hommes). L’écart reste d’environ 2 heures au détriment des hommes. (http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/20/05/blank/key/Vereinbarkeit/04.html, consulté le 7.2.2013).
-
[9]
Par comparaison avec le temps de travail de la vague précédente.
-
[10]
La vague 1 n’a pas été utilisée en raison de l’absence d’un indicateur important pour la modélisation (la satisfaction générale quant à sa vie).
-
[11]
En 1999, le premier échantillon aléatoire (PSM_I) interrogé par téléphone était composé de 5 074 ménages et de 12 931 individus représentatifs de la population résidente suisse. Depuis 2004, un deuxième échantillon aléatoire de ménages de la population résidente suisse (PSM_II) a été ajouté, soit pour 2004, 2 538 ménages et 6 569 individus. Plus de 7 500 interviews individuelles ont été réalisées en 2010-2011.
-
[12]
La procédure utilisée est détaillée en p. 27 et suivantes du guide pour les utilisateurs du PSM, disponible à l’adresse suivante : http://www.swisspanel.ch/IMG/pdf/SHP_USER_GUIDE_W14.pdf.
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Le cumul des chiffres pour les deux sexes n’atteint pas 100 %, car certaines tâches sont effectuées à part égale par les deux partenaires, voire par un autre membre du ménage ou un acteur extérieur (aide de ménage, entreprise privée, etc.).
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[14]
Les postulats à la base du modèle linéaire étant respectés, nous avons considéré la variable à expliquer comme étant continue. Nous avons également tenu compte du caractère longitudinal des données, les observations relatives à un même individu n’étant pas indépendantes les unes des autres.
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[15]
Afin de contrôler les problèmes d’endogénéité, nous avons également réalisé les analyses en considérant les valeurs des variables indépendantes mesurées lors de la vague précédente (lag), (Manski, 1993).
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Linear mixed effects, du logiciel SPSS, semblable à la procédure SAS Proc Mixed.
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Structure de covariance autorégressive de premier ordre (AR1), qui permet de prendre en compte la corrélation entre les résidus des données relatives à un même individu, avec un lien décroissant en fonction de la proximité de ces observations. Les coefficients AR1 diagonale (covariance) et AR1 rho (corrélation avec l’observation précédente) significatifs dans les analyses montrent l’opportunité d’un tel choix.
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La figure 1 suggère d’agréger les catégories suivantes : 0 à 6, 7 et 8, 9 et 10.
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Le modèle logistique ordonné présuppose que la relation entre chaque paire des catégories créées est la même, ce qui permet de n’avoir qu’une série de coefficients.