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Article de revue

L’admission au séjour des demandeurs d’asile en France depuis 2000

Pages 1 à 4

Notes

  • [1]
    Les demandeurs d’asile en France bénéficient, sous condition de ressources, d’une aide financière (l’allocation pour demandeur d’asile) et d’un accès aux soins. Selon les disponibilités, ils peuvent aussi avoir accès à un hébergement dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile ou dans une structure d’accueil d’urgence.
  • [2]
    Selon le ministère de l’Intérieur [6], 7 846 personnes étaient dans cette situation en 2015. La Convention de Dublin, signée en 1990 et remplacée à partir de 2003 par le règlement de Dublin, stipule que c’est au premier pays recevant le demandeur d’asile d’instruire sa demande. Elle concerne les pays de l’Espace économique européen (EEE) et la Suisse.
  • [3]
    C’est le cas, très médiatisé, des personnes qui souhaitent rejoindre le Royaume-Uni.
  • [4]
    Pour plus de détails sur la gestion européenne du flux de demandeurs d'asile de 2015, voir [4].
  • [5]
    À cette date, la durée est donc différente d’une année de dépôt à l'autre.
  • [6]
    Il convient de noter qu’il n’est pas possible de chiffrer avec précision le nombre de personnes déboutées qui restent en France. Comme tous les étrangers séjournant de manière irrégulière sur le territoire, ils sont comptabilisés soit au moment de l’exécution d’une mesure d’éloignement, soit au moment de l’admission au séjour régulier.

Que deviennent les personnes demandant l’asile en France ? Combien l’obtiennent ? Dans quelle proportion les autres sont-ils admis au séjour pour un motif différent (travail, famille) ? Analysant les données sur les demandeurs d’asile depuis 2000, Hippolyte d’Albis et Ekrame Boubtane calculent la proportion de personnes admises au séjour puis en décrivent les variations selon l’année de dépôt de la demande et le motif d’admission.

1 Le débat public sur l’immigration est obscurci par l’emploi indistinct des termes de réfugiés et demandeurs d’asile. Ces termes renvoient pourtant à des situations individuelles différentes sur les plans juridiques et économiques. Les demandeurs d’asile sont des personnes qui s’estiment menacées dans leur pays et qui ont pu déposer une demande de protection en France. Le droit d’asile, qui découle à la fois du préambule de la Constitution et de l’engagement international de la France par la Convention de Genève de 1951, garantit aux demandeurs d’asile un examen impartial de leur demande ainsi qu’une prise en charge [1] sur le territoire le temps de la procédure. Un demandeur d’asile sollicite la protection internationale tandis qu’un réfugié a obtenu cette protection.

2 L’objet de cet article est d’analyser l’admission au séjour des personnes ayant déposé une demande d’asile depuis 2000. Cette admission se matérialise par la délivrance d’un titre de séjour, qui peut être accordé parce que l’administration a estimé que la demande d’asile était légitime ou pour un autre motif, tel que la famille ou le travail. Le champ de l’étude concerne donc les personnes ayant déposé une demande d’asile en France et exclut celles dont l’examen de la demande d’asile relève d’un autre pays membre de l’Espace économique européen (EEE) ou la Suisse [2], ainsi que celles qui traversent illégalement la France afin de rejoindre un autre pays [3].

Figure 1

Flux annuel de demandeurs d'asile en France

Flux annuel de demandeurs d'asile en France

Flux annuel de demandeurs d'asile en France

Sources : calculs des auteurs avec AGDREF, Eurostat, Insee

3 Le début du parcours administratif consiste en un passage à la préfecture qui délivre une attestation autorisant temporairement le séjour et permettant le dépôt de la demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui est l’établissement public en charge de l’instruction.

La part des demandes d’asile à la France dans le total des demandes à l’Europe diminue

4 À partir des données AGDREF (lire encadré p. 3), nous avons calculé le nombre de demandes déposées à l’Ofpra chaque année depuis 2000. La figure 1 le présente de deux façons distinctes. Rapporté à l’effectif de la population, le niveau des années 2015-2016 apparaît certes important mais peu supérieur à celui qui prévalait au début des années 2000, marqué par les conflits en ex-Yougoslavie, en Algérie et en Tchétchénie. Nous comptons moins de 88 000 demandes en 2016 (soit l’équivalent de 0,13 % de la population française) contre près de 56 000 en 2003. Rapporté au nombre total de demandes adressées aux pays de l’Union européenne des 27, l’évolution est différente avec notamment une tendance à la baisse depuis 2004 (figure 1). Avec 7 % des demandes en 2016, la part des demandes d’asile en France est trois fois plus faible qu’en 2004 et l’afflux récent de demandeurs d’asile a beaucoup moins concerné la France que certains de ses partenaires [4].

Figure 2

Part des demandeurs d'asile qui obtiennent le statut de refugié ou la protection subsidiaire, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

Part des demandeurs d'asile qui obtiennent le statut de refugié ou la protection subsidiaire, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

Part des demandeurs d'asile qui obtiennent le statut de refugié ou la protection subsidiaire, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

(*) Statut obtenu avant le 1/1/2017
Source : calculs des auteurs à partir des données de l'AGDREF

5 Les rapports annuels de l’Ofpra [7] proposent une description très complète des demandeurs d’asile : ce sont majoritairement des hommes, et l’Île-de-France est la région qui en accueille le plus. Au cours des années, ce sont essentiellement les pays d’origine des demandeurs qui varient. Au terme de la procédure, certains demandeurs d’asile obtiennent la protection internationale de la France et sont placés sous la protection juridique et administrative de l’Ofpra. Ceux reconnus comme réfugiés ont vocation à bénéficier d’une autorisation de séjour de dix ans, tandis que ceux reconnus comme apatrides bénéficient d’une autorisation de séjour d’un an renouvelable. Après trois ans de résidence régulière en France, ils peuvent demander une carte de résident valable 10 ans. Le troisième type de protection accordée par l’Ofpra est la protection subsidiaire, qui est associée à une autorisation de séjour d’un an renouvelable.

6 À partir des données AGDREF, nous avons calculé des taux de protection définis comme la part des demandeurs d’asile qui ont obtenu un titre de séjour permanent en tant que réfugiés, apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire dans l’ensemble des demandeurs d’asile d’une année de dépôt. La figure 2 représente pour chaque année de dépôt entre 2000 et 2012, les taux de protection 2 ans après la demande, entre 3 et 4 ans après la demande, et au 31 décembre 2016 [5].

Environ un quart des demandeurs obtiennent la protection de la France

7 La plupart des personnes qui ont obtenu la protection de l’Ofpra ont reçu un titre de séjour permanent au cours des deux années qui ont suivi l’année de dépôt de leur demande d’asile. Entre 3 % et 8 % des demandes sont néanmoins satisfaites plus de 3 ans après le dépôt. Au total, les taux de protection sont très variables selon l’année de dépôt (et selon la provenance des demandeurs) et se situent dans un intervalle de 18 % à 32 %. Les années de dépôt pour lesquelles les taux de protection sont élevés correspondent à des années où les demandes étaient peu nombreuses (2006 à 2008) et émanaient de ressortissants du Bangladesh, d’Arménie, du Kosovo et d’Albanie.

8 Une décomposition par sexe des taux de protection révèle une dynamique propre aux femmes. Leur part dans le flux de demandeurs est minoritaire mais elle est en constante augmentation sur la période, passant de 31 % à 37 % entre 2000 et 2012. En revanche, leur taux de protection s’est rapproché de la moyenne : alors qu’il était en 2001 de 40 % supérieur au taux moyen, il ne l’était plus que de 13 % en 2012. Une décomposition par continent d’origine est également instructive. L’essentiel des demandes sont déposées par des personnes nées dans un pays d’Afrique (38 % du total) et d’Asie (36 %) et, dans une moindre mesure, d’Europe (21 %). La décomposition révèle également une forte convergence des taux de protection au cours de la période même s’ils restent supérieurs pour les Européens. Depuis 2006, les taux de protection des ressortissants des différents continents sont proches de la moyenne de l’année en question.

9 Au terme de la procédure, les déboutés du droit d’asile ont un mois pour quitter volontairement le territoire, et au-delà, sont en situation irrégulière. Dans un récent rapport, la Cour des comptes indique que « malgré l’obligation de quitter le territoire français qui leur est notifiée, seuls 1 % des déboutés sont effectivement éloignés. La plupart d’entre eux restent sur le territoire français, grâce à d’autres procédures telles que « étranger malade » afin d’obtenir un titre de séjour et ce, dans l’attente du délai de cinq ans de présence pour demander une régularisation au préfet de département, conformément à la circulaire du 28 novembre 2012 » [3] [6].

La base de données AGDREF

La base administrative contenant les informations sur les titres de séjour et leur détenteur est dénommée AGDREF, acronyme de Application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France. Son objet est « de gérer les dossiers des ressortissants étrangers en France, depuis la demande de titre de séjour jusqu'à leur délivrance, de contrôler la régularité du séjour des étrangers et de produire des statistiques sur les flux migratoires ». La base nationale d'AGDREF est alimentée par les bases locales de chacune des préfectures. Elle a été créée par décret le 29 mars 1993 et son exploitation est assurée par le département des Statistiques, des études et de la documentation du ministère de l’Intérieur. Par décret du 8 décembre 2009, l’Insee et l’Ined sont destinataires d’extractions de ce fichier afin d’établir des statistiques. La base AGDREF est utilisée à l’Ined pour calculer le flux de personnes immigrées en provenance de pays tiers [1]. Son avantage pour cette étude est qu’elle contient des informations à la fois sur les demandes d’asile et sur les titres de séjour délivrés. Pour déterminer le nombre de demandes d’asile de l’année N, nous utilisons l’extraction transmise à l’Ined en juin de l’année N+1, sauf pour les années 2000 et 2011, où ce sont les extractions de l’année N+2 qui sont utilisées.

Plus d’un quart sont admis au séjour pour un autre motif que l’asile

10 À partir des données AGDREF, nous avons calculé le nombre de demandeurs d’asile admis au séjour en France pour un autre motif que celui conféré par l’obtention de la protection en tant que réfugié, apatride ou bénéficiaire de la protection subsidiaire.

11 La figure 3 représente pour chaque année de dépôt entre 2000 et 2012, la part des demandeurs d’asile qui ont obtenu un tel titre de séjour au cours des 2 années qui suivent celle du dépôt de la demande, entre 3 et 4 ans après le dépôt, et au 31 décembre 2016. Les parts sont en moyenne de 7 % dans les deux ans qui suivent le dépôt et de 8 % dans les deux années suivantes. Les admissions sont plus importantes au-delà des cinq années et la part des demandeurs d’asile qui obtiennent un titre augmente avec le temps passé sur le territoire français. Elle approche 39 % pour les personnes qui ont déposé leur demande en 2000 et 2001. On note que la part des personnes régularisées au titre de la circulaire du 28 novembre 2012 est très faible et concerne au plus 3,4 % des demandeurs d’asile d’une année de dépôt donnée.

Figure 3

Part des demandeurs d'asile qui obtiennent un autre titre de séjour, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

Part des demandeurs d'asile qui obtiennent un autre titre de séjour, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

Part des demandeurs d'asile qui obtiennent un autre titre de séjour, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

(*) Titre obtenu avant le 1/1/2017
Source : calculs des auteurs à partir des données de l'AGDREF

12 Au total, parmi les personnes admises au séjour en France, celles qui l’ont été au titre de réfugié, d’apatride ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire deviennent au cours du temps minoritaires. La figure 4 décompose les titres par grande famille de motifs, pour les personnes ayant déposé leur demande en 2000 et étant admises au séjour au 31 décembre 2016. On observe que les réfugiés, les apatrides et les bénéficiaires de la protection subsidiaire représentent un tiers de l’ensemble, tandis que les admis au séjour pour motifs familiaux sont majoritaires.

Figure 4

Répartition des titres attribués aux demandeurs d'asile de 2000 par famille de motifs

Répartition des titres attribués aux demandeurs d'asile de 2000 par famille de motifs

Répartition des titres attribués aux demandeurs d'asile de 2000 par famille de motifs

Source : calculs des auteurs à partir des données de l'AGDREF
Figure 5

Part des demandeurs d'asile admis au séjour*, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

Part des demandeurs d'asile admis au séjour*, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

Part des demandeurs d'asile admis au séjour*, en fonction de l'année de la demande à l'OFPRA

(*) Admis au séjour avant le 1/1/2017
Source : calculs des auteurs à partir des données de l'AGDREF

13 Ces admissions au séjour pour motif familial sont dues pour 62 % à la présence de liens personnels et familiaux en France, et pour 34 % par l’appartenance à une famille de Français.

14 La figure 5 présente la part des demandeurs d’asile admis au séjour en France quel que soit le motif d’admission. Cette part augmente globalement avec le temps passé en France et représente 58 % pour les déposants de 2000 et 2001. On remarque également que les parts sont plus élevées pour les années 2007 et 2008, pour lesquelles les taux de protection ont été importants. Sur l’ensemble de la période considérée il y a, en moyenne, 21 000 personnes par année de dépôt, qui ne sont pas admises au séjour.

15 La décomposition par sexe de l’ensemble des titres accordés révèle que, contrairement aux taux de protection, l’avantage des femmes ne diminue pas. Quatre années après le dépôt de la demande, leurs taux d’admission sont de 23 % supérieurs aux taux moyens. Ainsi, 70 % des femmes ayant déposé une demande d’asile entre 2000 et 2002 ont été admises au séjour contre 52 % des hommes. Par ailleurs, les taux d’acceptation en fonction de la nationalité sont très variables d’un continent à l’autre. Une décomposition du taux d’admission par continent d’origine indique que les personnes nées dans des pays d’Afrique ont des taux d’admission supérieurs à la moyenne.

16 L’analyse des titres de séjour délivrés aux demandeurs d’asile depuis 2000 révèle qu’une proportion importante du flux de demandeurs est finalement admise au séjour en France. Les réfugiés, apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire sont minoritaires parmi les admis au séjour, ce qui implique que la procédure de demande d’asile constitue une des voies de l’immigration professionnelle et familiale en France. Ce type d’immigration a globalement des effets économiques positifs [2] mais cette voie est plus coûteuse pour les fonds publics. Par ailleurs, la procédure d’admission est relativement longue pour les personnes migrantes, ce qui rend leur intégration plus difficile [5], notamment du fait de l’interdiction de travailler pendant l’examen de la demande d’asile. Une meilleure coordination des politiques migratoires et d’asile est donc souhaitable.

Bibliographie

Références

  • [1] d'Albis H., Boubtane E., 2015, « Caractérisation des flux migratoires en France à partir des statistiques de délivrance de titres de séjour (1998- 2013) », Population, 70 (3), p. 487-523.
  • [2] d'Albis H., Boubtane E., Coulibaly D., 2016, « Immigration policy and macroeconomic performance in France », Annals of Economics and Statistics, n° 121-122, p. 279-308.
  • [3] Cour des comptes, 2015, « Relevé d’observations provisoires : l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile », 113 p.
  • [4] Fargues P., 2016, « Un million de migrants arrivés sans visa en Europe en 2015 : Qui sont-ils ? » Population & Sociétés, n° 532, 4 p.
  • [5] Hainmueller J., Hangartner D., Lawrence D., 2016, « When lives are put on hold : Lengthy asylum processes decrease employment among refugees », Science Advances, 2 (8), e1600432, 8 p.
  • [6] Ministère de l’Intérieur, 2017, « Les étrangers en France – Rapport au Parlement sur les données de l'année 2015 », 174 p.
  • [7] Ofpra, 2017, « Rapport d’activité 2016 ».

Notes

  • [1]
    Les demandeurs d’asile en France bénéficient, sous condition de ressources, d’une aide financière (l’allocation pour demandeur d’asile) et d’un accès aux soins. Selon les disponibilités, ils peuvent aussi avoir accès à un hébergement dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile ou dans une structure d’accueil d’urgence.
  • [2]
    Selon le ministère de l’Intérieur [6], 7 846 personnes étaient dans cette situation en 2015. La Convention de Dublin, signée en 1990 et remplacée à partir de 2003 par le règlement de Dublin, stipule que c’est au premier pays recevant le demandeur d’asile d’instruire sa demande. Elle concerne les pays de l’Espace économique européen (EEE) et la Suisse.
  • [3]
    C’est le cas, très médiatisé, des personnes qui souhaitent rejoindre le Royaume-Uni.
  • [4]
    Pour plus de détails sur la gestion européenne du flux de demandeurs d'asile de 2015, voir [4].
  • [5]
    À cette date, la durée est donc différente d’une année de dépôt à l'autre.
  • [6]
    Il convient de noter qu’il n’est pas possible de chiffrer avec précision le nombre de personnes déboutées qui restent en France. Comme tous les étrangers séjournant de manière irrégulière sur le territoire, ils sont comptabilisés soit au moment de l’exécution d’une mesure d’éloignement, soit au moment de l’admission au séjour régulier.
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