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Biodiversité : faut-il écarter les populations ?

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Notes

  • [1]
    Cop signifiant conférence des parties.
  • [2]
    Par exemple, la France a installé une Agence française pour la biodiversité (AFB) en application de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016.
  • [3]
    Hotyat, Micheline, « La forêt de Fontainebleau », dans : Demangeot, Jean, les milieux « naturels » du globe, Paris, Armand Colin, 2000, 8e édition.
  • [4]
    Le boisement des massifs dunaires, situés entre les étangs et la côte, est amorcé sous la direction de Brémontier. Au XIXe siècle, une loi de 1857 organise l’assainissement et le boisement en pins maritimes des landes insalubres de Gascogne sur 10 000 km2.
  • [5]
    Arnould, Paul, Hotyat, Micheline, Simon, Laurent, Les forêts d’Europe, Paris, Nathan, 1997.
  • [6]
    Respectivement au nord et au sud du département de la Vendée.
  • [7]
    À l’exemple, en France, des étangs de Brenne, de Sologne ou des Dombes ; cf. Derex, Jean-Michel, « Réparer la nature est-ce bien raisonnable ? », Sciences, eaux et terrioires, n° 24, 2017.
  • [8]
    Cf. Pitte, Jean-Robert, Histoire du paysage français, Paris, Taillandier, 1983.
  • [9]
    Devenu village de peintres, il a donné son nom au XIXe siècle à l’école de Barbizon (Corot, Daubigny, Millet, Rousseau).
  • [10]
    Cause aggravante souvent omise à propos des incendies de 2019-2020 en Australie.
  • [11]
    Paris, Masson, 1984, 1e édition.
  • [12]
    Dumont, Gérard-François, Froment, Éric, Vodisek, David (direction), Populations et territoires. Enseigner le développement durable en géographie, Paris, Réseau Canopé, 2018.
English version

1Depuis la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (Cop[1] 21), la biodiversité est entrée dans les agendas politiques[2]. Dans les débats sur cette question, certains semblent considérer qu’il suffirait d’écarter tout habitat humain et toute présence de population sur des territoires afin que ces derniers améliorent leur biodiversité. La science géographique confirme-t-elle ou infirme-t-elle cette idée ?

2 Lorsque nous avons le bonheur d’admirer des paysages, des champs entourés de haies variées, un fleuve ou une rivière qui s’écoule paisiblement dans un paysage bucolique, des forêts aux feuillus magnifiques, des marais où l’on a le sentiment de communier avec la nature, des étangs où se reflète le ciel, des collines aux formes douces… on a tendance à croire que ce sont des dons de la nature et qu’ils ont été offerts à l’humanité. En réalité, la plupart du temps, ces paysages ont été forgés au fil du temps par des mains humaines. L’entretien que les habitants du pourtour ont assumé ou les changements de fonction qu’ils ont mis en œuvre selon les besoins expliquent leurs agencements.

L’importance de la main humaine…

3Cela est davantage évident lorsque la main des habitants apparaît clairement dans le paysage. Dans ce XXIe siècle où l’on essaie heureusement de réparer les abus des remembrements du XXe siècle en reconstituant des haies, on sait que la qualité de ces dernières suppose des hommes pour les choyer périodiquement. Les berges et les espaces du pourtour qui accompagnent la descente d’un cours d’eau, ou le delta d’un fleuve, résultent le plus souvent d’agencements et d’entretiens humains, dont l’un des objectifs est de contrarier les risques d’inondation. Nombre de forêts soi-disant naturelles sont le fruit d’aménagements humains. Par exemple, en France, la forêt de Fontainebleau n’était boisée que sur un cinquième de sa superficie actuelle sous Louis XVI. Les quatre cinquièmes existant aujourd’hui sont la suite de plantations volontaires [3]. En Aquitaine, la forêt la plus étendue d’Europe occidentale, celle des Landes, est créée par l’homme à partir du XVIIIe siècle [4]. En Pologne, il est acquis que la grande forêt de Bialowieza résulte de l’action de l’homme depuis que, dans les années 1980, les archives des plans de chasse ont été retrouvées [5].

4 Les marais, à l’exemple, en France, des marais breton et poitevin [6], qui paraissent si « naturels » lors d’une promenade bucolique en barque, résultent d’un aménagement humain de marais insalubres. Quant aux étangs, nombre d’entre eux ont été créés au fil des siècles pour satisfaire la demande de poissons dans des territoires trop éloignés du littoral [7]. Le paysage des vignobles et des plaines de Bourgogne est le fait d’un considérable travail de défrichage et d’aménagement réalisé au Moyen Âge, sous l’impulsion des moines cisterciens.

5 Et tous ces paysages s’inscrivent dans des dynamiques [8] parce que les hommes s’adaptent aux évolutions des contraintes et des besoins. Ainsi, les marais salants de l’Atlantique, mis à mal durant le blocus anglais des guerres napoléoniennes, ont alors été transformées en parc à huîtres.

… indispensable à la biodiversité

6Parce que la biodiversité n’est nullement un capital fixe et stable, parce que les lois de la nature ne cessent de modifier les écosystèmes, l’action de l’homme est nécessaire. Et s’il n’intervient pas, que se passe-t-il ? Donnons deux exemples.

7 En 1853, les peintres de Barbizon [9] obtinrent 1 000 hectares de réserves biologiques intégrales dans lesquelles l’homme cesserait d’intervenir afin de protéger les « vieilles futaies de chênes de Colbert », c’est-à-dire les plantations effectuées presque deux siècles auparavant sous le règne de Louis XIV. C’est le résultat inverse qui s’est produit, avec l’élimination progressive du chêne. En effet, la cessation de toute intervention humaine a engendré un accroissement du taux de recouvrement augmentant l’ombrage des sous-bois et fait péricliter les jeunes plants de chênes héliophiles.

8 Autre exemple, en Australie, on a voulu interdire le débroussaillement par brûlis comme technique de culture, ainsi que la réalisation de coupe-feux, empêchant les hommes d’entretenir des forêts avec une de ces techniques de régénération et de protection contre les incendies [10]. L’Australie crut bien faire en expulsant des aborigènes pour créer dans le Territoire du Nord les parcs naturels de Kakadu et d’Uluru (Ayers rock). Le résultat ne s’est pas fait attendre : la biodiversité végétale et animale a considérablement reculé. Ensuite, dans les années 1980, les responsables ont à nouveau permis aux aborigènes d’intervenir, et leur système de feux séquentiels ont permis de satisfaire des régénérations favorables à une dynamique de la biodiversité.

9 Ainsi, contrairement aux croyances souvent répandues ignorant la géographie, il n’y a guère d’environnement naturel. Le grand géographe Jean Demangeot a titré son livre Les milieux « naturels » du globe[11], les guillemets signifiant qu’il n’existe guère de milieu « naturel » où l’homme ne soit pas intervenu. Les objectifs de biodiversité ont besoin de compétences humaines à rebours de celles qui s’écartent d’un développement durable et adaptées aux spécificités de chaque territoire [12].

Notes

  • [1]
    Cop signifiant conférence des parties.
  • [2]
    Par exemple, la France a installé une Agence française pour la biodiversité (AFB) en application de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016.
  • [3]
    Hotyat, Micheline, « La forêt de Fontainebleau », dans : Demangeot, Jean, les milieux « naturels » du globe, Paris, Armand Colin, 2000, 8e édition.
  • [4]
    Le boisement des massifs dunaires, situés entre les étangs et la côte, est amorcé sous la direction de Brémontier. Au XIXe siècle, une loi de 1857 organise l’assainissement et le boisement en pins maritimes des landes insalubres de Gascogne sur 10 000 km2.
  • [5]
    Arnould, Paul, Hotyat, Micheline, Simon, Laurent, Les forêts d’Europe, Paris, Nathan, 1997.
  • [6]
    Respectivement au nord et au sud du département de la Vendée.
  • [7]
    À l’exemple, en France, des étangs de Brenne, de Sologne ou des Dombes ; cf. Derex, Jean-Michel, « Réparer la nature est-ce bien raisonnable ? », Sciences, eaux et terrioires, n° 24, 2017.
  • [8]
    Cf. Pitte, Jean-Robert, Histoire du paysage français, Paris, Taillandier, 1983.
  • [9]
    Devenu village de peintres, il a donné son nom au XIXe siècle à l’école de Barbizon (Corot, Daubigny, Millet, Rousseau).
  • [10]
    Cause aggravante souvent omise à propos des incendies de 2019-2020 en Australie.
  • [11]
    Paris, Masson, 1984, 1e édition.
  • [12]
    Dumont, Gérard-François, Froment, Éric, Vodisek, David (direction), Populations et territoires. Enseigner le développement durable en géographie, Paris, Réseau Canopé, 2018.
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