Notes
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[1]
Notons quelques exceptions : E. Ducom (2006). « L’involution démographique et urbaine dans l’aire tokyoïte. Le déclin de la ville nouvelle de Tama ». Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 100 ; H. Michniewicz (2005). « Le dépeuplement possible des villes : le cas de la Pologne », Population & Avenir, n° 673, mai-juin 2005.
-
[2]
Donc de 1999. Nous n’avons pas de données comparables pour une période plus proche, devant la nécessité d’attendre les résultats de nouvelles populations sans doubles comptes fin 2008 ou en 2009.
-
[3]
Néanmoins, dans certains cas, il peut remonter à plus longtemps, comme le montre l’exemple de Bessèges, dans le département du Gard, qui a compté jusqu’à 11 000 habitants à la fin du XIXe siècle, et n’en comptait déjà plus que 6 500 en 1962.
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[4]
Même si, en 1999, leur population se situe en dessous de ce seuil (étant donc considérées dorénavant comme rurales si elles n’appartiennent pas à une unité urbaine). Par exemple, en 1962, Messeix, dans le Puy-de-Dôme, compte 3 000 habitants, et est une commune urbaine. Au recensement de 1999, elle ne compte plus que 1 300 habitants, et est désormais une commune rurale.
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[5]
Constamment supérieure à la moyenne nationale, soit, par exemple, 1,95 enfant par femme en 2003 contre 1,87 au niveau national. www.insee.fr
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[6]
Affluent de la Moselle.
-
[7]
Car ces territoires sont restés français suite à la défaite de 1870 face à l’Allemagne.
-
[8]
Il est trop tôt pour savoir si la création du parc d’attraction Cap Découverte va réussir à inverser la tendance.
-
[9]
Cf. notamment Dumont, Gérard-François, La population de la France, des régions et des DOM-TOM, Paris, Éditions Ellipses, 2000.
-
[10]
Moyenne annuelle intercensitaire des taux d’accroissement de la population pour 100 habitants.
-
[11]
Ce nombre pourrait devenir plus élevé, en incluant des communes engagées plus récemment dans le déclin industriel, c’est-à-dire depuis 1975 ou 1982, comme dans le secteur du Creusot-Montceau les Mines, de Forbach, de Maubeuge, des Ardennes…
1Dans un contexte presque général d’augmentation des taux d’urbanisation, les études urbaines sont souvent associées à l’idée de croissance démographique. Elles sont donc peu enclines à étudier le processus de déclin de certaines villes [1]. Or, nombre de communes anciennement industrielles se caractérisent par un net déclin démographique, avec des conséquences négatives sur leurs espaces ruraux environnants dont elles constituent bien souvent les seuls pôles économiques.
2En particulier, la population cumulée de 58 communes anciennement industrielles est passée de 346 000 habitants en 1962 à 200 000 en 1999, soit une diminution de 42 %, selon une baisse généralement régulière. Il paraît donc opportun de déterminer une géographie de ces communes, et d’esquisser un schéma du processus de dépeuplement à partir d’un exemple éclairant.
Les trois critères retenus
3L’étude se fonde sur l’évolution de la population de communes industrielles dans la période 1962-1999. La dernière date est celle du dernier recensement exhaustif [2]. La première date correspond à l’amorce du déclin démographique dans de nombreuses villes industrielles. Certes, il s’est accentué ensuite, mais 1962 constitue souvent la date de départ [3].
4Trois critères sont utilisés pour déterminer la liste des villes anciennement industrielles en net déclin démographique :
- des communes dont l’activité économique dominante était l’industrie ;
- des communes qui comptaient plus de 2 000 habitants en 1962 [4] ;
- des communes dont la population a diminué d’au moins un tiers entre 1962 et 1999.
Deux grandes zones nationales de déclin
5L’application des critères retenus pour désigner une ville industrielle en déclin conduit à un nombre de 58 communes pour la France métropolitaine. Leur cartographie départementale montre une très forte concentration dans le territoire français au sein de deux grandes zones qui regroupent les trois-quarts des villes concernées :
- la Lorraine, second bastion industriel historique de la France, en compte 24 ;
- le Massif Central, région des petits bassins miniers, en compte 21.
6Deux éléments principaux expliquent cette forte concentration dans l’espace des communes industrielles en déclin :
- l’inégale répartition de l’industrie en France du XIXe siècle jusqu’aux années 1960, qui se concentre essentiellement dans la moitié est du pays, en partie pour des raisons géologiques, les industries se développant à proximité des gisements ;
- le net déclin de communes anciennement industrielles ne se constate que lorsque l’économie locale, spécialisée dans un créneau unique, voit son activité traditionnelle péricliter, sans être remplacée par de nouvelles.
Les 58 communes anciennement industrielles en net déclin démographique par département
Les 58 communes anciennement industrielles en net déclin démographique par département
La Lorraine avec le plus grand nombre de villes en déclin
7La région Lorraine, avec 24 communes industrielles en déclin, compte 40 % de l’ensemble du pays. Les communes concernées ont perdu 62 000 habitants entre 1962 et 1999, soit une baisse moyenne de 40 %, et se situent principalement dans le département de la Meurthe-et-Moselle, qui concentre à lui seul plus du quart des communes (17) françaises anciennement industrielles en net déclin démographique. La Moselle compte quatre communes, alors que les deux autres départements de la région (Vosges et Meuse) en abritent respectivement deux et une. Ces villes en déclin correspondent au bassin ferrifère lorrain. Le bassin houiller de Forbach (Moselle) est moins concerné, son recul industriel étant plus récent, même si le phénomène y est sensible dans les années 1990.
8Trois ensembles géographiques de la région Lorraine apparaissent particulièrement touchés.
- Le premier correspond à six communes de la vallée de l’Orne [6], à cheval sur deux départements (quatre en Meurthe-et-Moselle et deux en Moselle), dont les plus importantes sont Moyeuvre-Grande et Jœuf en Meurthe-et-Moselle. Cette vallée se caractérisait par ses usines sidérurgiques (hauts fourneaux) et ses industries métallurgiques à proximité des bassins d’extraction du fer, héritées de l’installation des De Wendel en 1871 [7]. L’activité économique s’est effondrée suite à la fermeture de la sidérurgie lorraine dans les années 1970-80. Depuis, cette zone se caractérise par une succession de friches industrielles que les autorités locales s’efforcent de nettoyer.
- Le second ensemble comprend aussi six communes (cinq en Meurthe-et-Moselle et une en Meuse) appartenant aux deux bassins miniers ferrifères de Bouligny-Tucque-gnieux. Relativement éloignées de l’axe urbain mosellan, ces communes ont tendance à redevenir des communes rurales qui se présentent comme des îlots miniers dans une région à dominante agricole (la plaine de la Woëvre). En outre, des effondrements souterrains poussent parfois les habitants à partir (à Piennes par exemple).
- Le troisième ensemble correspond au bassin de Longwy (cinq communes) en Meurthe-et-Moselle, qui avait développé toute la filière de l’exploitation du fer de l’amont (extraction) à l’aval (transformation : sidérurgie, aciéries, métallurgie)… Suite au déclin de ces activités (aciéries et sidérurgie ont complètement disparu), le programme européen de reconversion (pôle européen de développement) lancé n’a pas réussi pour l’instant à enrayer le processus de dépeuplement.
Le déclin le plus intense dans le Massif central
9Le Massif central comprend 21 communes industrielles en déclin, soit un peu plus du tiers de l’ensemble de la France, avec le département du Gard en tête (8), devant le Tarn (5), l’Aveyron (4) et le Puy-de-Dôme (3). La population de l’ensemble des communes industrielles du Massif central a perdu 54 900 habitants entre 1962 et 1999, soit une diminution de près de la moitié en moyenne, donc encore plus forte qu’en Lorraine. Par ailleurs, à la différence de cette dernière, l’affaissement démographique concerne essentiellement des bassins houillers (extraction du charbon) et non ferrifères.
10Dans le Gard, les communes qui déclinent le plus sont localisées dans trois vallées cévenoles au nord du bassin houiller d’Alès. Quatre communes se situent dans le bassin houiller de la Grand-Combe dans la vallée du Gardon d’Alès, principal site d’extraction du charbon du bassin d’Alès. Ce bassin a perdu plus de la moitié de sa population après la fermeture des mines. Deux communes se trouvent dans le bassin de Bessèges sur la Cèze, dont les charbonnages ont fermé en 1964 et l’aciérie en 1987, faisant suite à un long déclin (verrerie et fonderie avaient déjà disparu), et deux autres communes se situent dans la vallée de l’Auzonnet. En proportion, ces villes ont perdu plus d’habitants que l’agglomération d’Alès du fait de leur enclavement, de la mono-activité et de leur taille inférieure.
11Dans l’Aveyron, les quatre communes concernées se situent dans le bassin houiller de Decazeville. La chute de la population a commencé suite à l’abandon de l’exploitation souterraine en 1966, puis avec la disparition des industries sidérurgiques et métallurgiques dans les années 1980, comme la mine découverte.
12Dans le Tarn, trois communes se trouvent dans le bassin houiller de Carmaux. La production souterraine y a été arrêtée en 1987 en même temps que la cokerie [8].
13Dans le Puy-de-Dôme, trois communes charbonnières, dispersées sur le territoire départemental, ont aussi vu leur population fortement baisser : Messeix, Saint-Eloy-les- Mines et Auzat (bassin de Brassac-les-Mines). Ces petits gisements éloignés des grandes agglomérations avaient fait émerger de petites villes, en dépeuplement depuis la fin de l’exploitation minière dans les années 1970.
14Hors ces quatre départements, le déclin a aussi touché dans le Massif central des villes à dominante textile : deux dans le Tarn, Mazamet (délainage des peaux) et Labastide-Rouairoux, dans la vallée du Thoré à quelques kilomètres de la précédente ; et une dans le Rhône, Thizy, dans le massif du Beaujolais.
Dans le reste du territoire : un déclin essentiellement minier
15Enfin, dans le reste du territoire français, treize autres communes anciennement industrielles connaissent un recul démographique sensible. En dehors de la région Nord-Pas-de-Calais, elles se trouvent dispersées dans différents départements. Elles perdent 29 900 habitants entre 1962 et 1999. La plupart de ces communes sont d’anciennes villes où se trouvaient des houillères, et ont périclité en même temps que les houillères faute de diversification.
16Un premier ensemble correspond à trois communes du département du Pas-de-Calais qui font partie de l’ancien bassin houiller de Bruay-Labuissière (anciennement Bruay-en-Artois). Elles se situent à l’extrémité occidentale du bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais, où les mines exploitées le plus tardivement ont fermé les premières, sur des communes assez éloignées de la métropole lilloise. Dans le département du Nord, seulement deux communes ont fortement décliné : Viesly (bassin textile de Caudry) et Lourches (à côté de Denain, où la sidérurgie a disparu).
17L’Isère est le seul autre département français a avoir au moins deux communes anciennement industrielles en déclin : une du bassin de La Mure (exploitation de l’anthracite) et une de la vallée de la Romanche (houille blanche).
18Enfin, plusieurs départements ont une seule commune anciennement industrielle en net recul démographique. Sanvignes-les-Mines en Saône-et-Loire a souffert de la fermeture des mines (bassin de Montceau-les-Mines), comme La Machine dans la Nièvre (bassin houiller où les mines ont fermé en 1974) ou Sion-les-Mines en Loire- Atlantique. Le Bousquet-d’Orb dans l’Hérault suit la même logique de déclin que les vallées cévenoles (mines, verrerie) ; Pierrefitte-Nestalas dans les Hautes-Pyrénées a connu un fort recul des industries chimiques. Enfin, parmi ces communes se trouve un cas particulier : Sochaux (industrie automobile, seule commune concernée de l’agglomération de Montbéliard), dont la baisse de la population n’est pas liée à un effondrement économique mais aux réductions importantes de main-d’œuvre, non compensées par le développement suffisant d’autres activités économiques.
Les trois phases du déclin d’une commune anciennement industrielle
- Au recensement de 1962, la commune est à son apogée démographique, avec près de 14 500 habitants, puis commence une décroissance démographique. Dans un premier temps, le solde naturel est positif et la baisse modérée de la population est uniquement le produit d’un déficit migratoire relativement important, car les premières mines ferment (1962-1968), entraînant ce que Gérard-François Dumont a appelé une « émigration industrielle » [9].
- Dans un deuxième temps, le déficit migratoire s’accentue, faisant suite à l’effondrement économique du bassin industriel (les mines ferment les unes après les autres), et le solde naturel devient négatif, car ce sont les populations les plus jeunes qui quittent la commune, entraînant un vieillissement accentué de la structure par âge, avec une réduction drastique du nombre de naissances. En conséquence, la population diminue fortement (1968-1982). La commune ne compte plus que 8 300 habitants en 1982.
- Dans un troisième temps (1982-1999), le solde naturel demeure négatif, mais le déficit migratoire se réduit, tout en restant non négligeable, car aucune autre activité économique n’est véritablement venue remplacer l’extraction houillère. En effet, la ville ne connaît pas de renouveau économique (le dernier puits ferme en 1986). En 1999, le taux de chômage est impressionnant, à 40 %, et la population active occupée en diminution de 25,5 % entre 1990 et 1999 !
un modèle de déclin d’une commune anciennement industrielle : l’évolution de la population de La Grand - Combe (Gard [10])
un modèle de déclin d’une commune anciennement industrielle : l’évolution de la population de La Grand - Combe (Gard [10])
Les 58 communes anciennement industrielles en net déclin démographique (baisse de population d’au moins un tiers)
Les 58 communes anciennement industrielles en net déclin démographique (baisse de population d’au moins un tiers)
Savoir s’adapter et se diversifier
19Dans les petites villes industrielles (de moins de 20 000 habitants) basées sur une mono-activité, la fermeture totale de cette activité peut entraîner un déclin démographique continuel, comme l’atteste une perte de population de plus d’un tiers entre 1962 et 1999 dans 58 [11] d’entre elles. Ce phénomène constaté aux États-Unis, sur une ampleur beaucoup plus importante, dans les Appalaches ou dans les Montagnes Rocheuses (villes minières fantômes) se produit aussi en France, mais à une échelle moindre. Il confirme que, pour assurer la pérennité d’une ville, il faut qu’elle sache adapter et diversifier ses activités.
Les 10 communes anciennement industrielles au plus fort déclin démographique (en valeur absolue).
Les 10 communes anciennement industrielles au plus fort déclin démographique (en valeur absolue).
Erratum
Notes
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[1]
Notons quelques exceptions : E. Ducom (2006). « L’involution démographique et urbaine dans l’aire tokyoïte. Le déclin de la ville nouvelle de Tama ». Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 100 ; H. Michniewicz (2005). « Le dépeuplement possible des villes : le cas de la Pologne », Population & Avenir, n° 673, mai-juin 2005.
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[2]
Donc de 1999. Nous n’avons pas de données comparables pour une période plus proche, devant la nécessité d’attendre les résultats de nouvelles populations sans doubles comptes fin 2008 ou en 2009.
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[3]
Néanmoins, dans certains cas, il peut remonter à plus longtemps, comme le montre l’exemple de Bessèges, dans le département du Gard, qui a compté jusqu’à 11 000 habitants à la fin du XIXe siècle, et n’en comptait déjà plus que 6 500 en 1962.
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[4]
Même si, en 1999, leur population se situe en dessous de ce seuil (étant donc considérées dorénavant comme rurales si elles n’appartiennent pas à une unité urbaine). Par exemple, en 1962, Messeix, dans le Puy-de-Dôme, compte 3 000 habitants, et est une commune urbaine. Au recensement de 1999, elle ne compte plus que 1 300 habitants, et est désormais une commune rurale.
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[5]
Constamment supérieure à la moyenne nationale, soit, par exemple, 1,95 enfant par femme en 2003 contre 1,87 au niveau national. www.insee.fr
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[6]
Affluent de la Moselle.
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[7]
Car ces territoires sont restés français suite à la défaite de 1870 face à l’Allemagne.
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[8]
Il est trop tôt pour savoir si la création du parc d’attraction Cap Découverte va réussir à inverser la tendance.
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[9]
Cf. notamment Dumont, Gérard-François, La population de la France, des régions et des DOM-TOM, Paris, Éditions Ellipses, 2000.
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[10]
Moyenne annuelle intercensitaire des taux d’accroissement de la population pour 100 habitants.
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[11]
Ce nombre pourrait devenir plus élevé, en incluant des communes engagées plus récemment dans le déclin industriel, c’est-à-dire depuis 1975 ou 1982, comme dans le secteur du Creusot-Montceau les Mines, de Forbach, de Maubeuge, des Ardennes…