Contexte et objectifs de l’étude
1Le volume et la qualité de la recherche internationale réalisée sur les fusions dans les secteurs non lucratif et public se sont considérablement accrus au cours des dix dernières années. Les fusions dans l’enseignement supérieur ont ainsi fait l’objet d’un certain nombre d’études récentes (Rowley, 1997a, 1997b; Fielden et Markham, 1997; Pritchard, 1998; Harman, 2000; Eastman et Lang, 2001; Brown et Humphries, 2003; Harman et Harman, 2003; Schoole, 2005; Locke, 2007). Ces travaux portent principalement sur les causes, essentiellement économiques, de ces fusions, ainsi que leurs conséquences. Les recherches effectuées révèlent qu’un certain nombre de caractéristiques conceptuelles sont aussi bien applicables aux fusions d’entreprises qu’aux fusions universitaires. Selon Cartwright et Cooper (1996), les personnes sont le facteur oublié, ou caché, de la réussite ou de l’échec d’une fusion. Les employés sont souvent très attachés à leurs établissements et le spectre de « l’échec » qui hante parfois l’une des parties de la fusion, ou de l’acquisition, peut être source d’un stress semblable à celui causé par un deuil. Harshbarger (1987, p. 340) compare ainsi la douleur causée par la perte de son emploi chez Sealy, Inc. à la peine et aux phases de deuil décrites par Kübler-Ross lorsqu’il fut confronté à la mort : choc, incrédulité, colère, négociation et enfin acceptation. Il parle de cette expérience comme d’une « expérience déchirante » (ibid., p. 343).
2Le présent article s’appuie sur les points de vue rétrospectifs et les expériences contemporaines de 116enseignants, chercheurs et administrateurs académiques, qui ont vécu la fusion de deux établissements de l’enseignement supérieur en 1984 et qui étaient toujours employés à l’Université d’Ulster au printemps 2006. Nous nous sommes principalement intéressés à l’expérience de personnes affectées par cette fusion et à leurs expériences ultérieures, en tant qu’universitaires et administrateurs pendant plus de 20ans. Nous faisant l’écho des observations de Cartwright et Cooper, nous avons choisi de parer à un manque dans la littérature consacrée à la recherche sur les fusions dans l’enseignement supérieur en abordant plus particulièrement la dimension humaine de la question. Notre intention n’est pas de vous fournir le compte rendu exhaustif du processus de fusion et de ses origines (au sujet desquels le lecteur est invité à se référer à Birley, 1991 et Williamson, 1988).
3Notre étude porte sur la fusion forcée réalisée en 1984 et à l’issue de laquelle fut fondée l’Université d’Ulster, devenue depuis, la plus grande université de l’île irlandaise. Cette fusion transbinaire, qui réunit la Nouvelle Université d’Ulster et l’Institut polytechnique d’Ulster, constitue à l’époque un précédent historique dans la politique de l’enseignement supérieur du Royaume-Uni puisqu’elle précède de huit ans l’abolition en 1992 de la division binaire de l’enseignement supérieur dans l’ensemble du Royaume-Uni. La fusion Ulster est intéressante à bien d’autres égards. Elle constitue aussi une étude de cas passionnante sur les relations de pouvoir dans un contexte néocolonial. L’une des raisons pour lesquelles cette fusion fut entreprise réside en effet dans l’échec du gouvernement constitutionnel d’Irlande du Nord (et l’absence d’un Parlement local), qui permit ainsi aux ministres d’État anglais du gouvernement de Margaret Thatcher d’imposer leur volonté et leurs décisions à une province du Royaume-Uni d’une manière impensable n’importe où ailleurs dans cette juridiction (Williamson, 1988,1993).
4Le présent article traite principalement de la manière dont furent perçus par le personnel cette fusion et l’établissement qui en est issu. Notre étude s’appuie principalement sur une analyse rétrospective des valeurs, des dispositions et de l’expérience institutionnelle du personnel universitaire et des administrateurs supérieurs. Ces individus, et ceux qui ne travaillent désormais plus pour l’université, constituèrent à l’époque le noyau du capital humain, intellectuel et social du nouvel établissement. À mesure que l’université s’est agrandie au cours des 22 dernières années, leur nombre au sein du personnel universitaire élargi a diminué mais demeure à ce jour important. En 2006, ceux qui avaient été employés avant la fusion représentaient ainsi 24 % du personnel universitaire. Nous avons pour objectif d’étudier dans quelle mesure, selon eux, la culture collective unifiée de l’université a évolué. Les établissements fondateurs fusionnés en 1984 sont-ils effectivement devenus une entité cohérente et intégrée 20 ans plus tard ? Comment ces individus (par opposition à ceux embauchés par l’université après la fusion) perçoivent-ils aujourd’hui leurs établissements d’origine et leurs cultures respectives ? Comment perçoivent-ils le processus par lequel ils furent contraints de passer et dans quelle mesure peuvent-ils aujourd’hui affirmer que cela en valait la peine ? Quelles sont aujourd’hui leurs dispositions à l’égard de l’Université d’Ulster, l’établissement né de cette fusion ?
Théories sur les fusions
5Types et causes de fusion. e Shorter Oxford Dictionary ournit une définition précise des termes « fusion » et « fusionner ». Le nom « fusion » est défini comme « la disparition d’un patrimoine [… ] par son absorption par un autre » et le verbe « fusionner » comme « le fait de fondre un patrimoine moindre dans un patrimoine plus grand ». Pour ce qui est des causes possibles, Pritchett (1985) met en avant quatre catégories de fusion basées sur un continuum coopération-confrontation. Le premier type de fusion suppose le sauvetage d’une organisation, à savoir un organisme qui tente d’en sauver un autre de l’échec tout en étendant sa propre sphère d’influence. Pritchett évoque ensuite la fusion de collaboration dans laquelle les deux entreprises font preuve de bonne volonté et de diplomatie; puis, le cas de l’alliance contestée dans lequel la « future mariée » accepte à contrecœur le « mariage »; et enfin, le « raid » qui suppose qu’une entreprise en absorbe une autre brutalement et la dépouille de ses actifs. Ce dernier type de fusion est le plus susceptible de générer une opposition durable pendant la période suivant la fusion.
6Degré d’intégration. Dans une étude récente portant sur la fusion de deux colleges anglais, Locke affirme que les cultures organisationnelles sont un facteur important de l’intégration réussie du personnel, des étudiants et des autres parties prenantes au sein d’un nouvel établissement fusionné d’enseignement supérieur » (Locke, 2007, p. 83). Le temps estimé nécessaire à la création d’une nouvelle culture collective varie considérablement selon les auteurs : de trois à cinq ans (Walter, 1985), de cinq à sept ans (Stybel, 1986), voire jusqu’à dix ans (Buono et Bowditch, 1989). Selon des études récentes, la création d’une telle culture peut nécessiter encore davantage de temps. Le temps nécessaire dépend en fait de nombreux facteurs, et, du point de vue du personnel existant, l’acculturation complète est peut-être impossible. Nahavandi et Malekzadeh (1988) envisagent l’adaptation comme un continuum comprenant assimilation, pluralisme culturel, séparation et déculturation. Les individus mécontents peuvent développer par la suite une contre-culture dans laquelle ils se replient voire, dans certains cas, tenter de renverser les valeurs du nouvel établissement en adoptant un comportement agressif et/ou indocile. Le sentiment de se trouver dans une situation professionnelle précaire peut expliquer le développement d’une contre-culture. Le désir d’améliorer les rendements et/ou de réaliser des économies est souvent à l’origine des fusions et ces impératifs mènent parfois à une surcharge de travail ou, dans certains cas, à des licenciements. Les exigences liées à la rationalisation des cours et/ou les difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs de solvabilité et de réussite peuvent aviver les tensions au sein de l’établissement. Ces difficultés sont, en outre, exacerbées lorsque, comme dans le cas de la fusion Ulster, les campus sont éloignés les uns des autres.
7Le problème des bénéfices financiers que toute fusion se doit de réaliser (par exemple HEFCE, 2004) est fréquemment souligné. Selon Cartwright et Cooper (1996, p. 24), plus de la moitié des fusions d’entreprises échouent financièrement ou ont un impact négatif sur la productivité. De plus, pendant le processus de fusion lui-même, beaucoup d’énergie est absorbée par les incertitudes et les « traumatismes » institutionnels entraînant ainsi la perte d’heures de travail, l’absentéisme et de fréquents renouvellements de personnel (Wishard, 1985). Selon Nikandrou et al., la capacité de la direction à gagner la confiance de leurs employés est un facteur important de la réussite d’une fusion, d’où la nécessité d’instaurer de bonnes politiques et procédures de ressources humaines afin de conserver et d’entretenir la confiance morale des employés (Nikandrou et al., 2000). Cependant, Shattock (2003, p. 170) souligne que le moteur des fusions d’entreprises diffère de celui des fusions universitaires et cite certains des facteurs clés des fusions dans l’enseignement supérieur énoncés par le Council for Industry and Higher Education (CIHE, 2001 : une vision commune au sommet, la compatibilité culturelle, une mise en œuvre rapide, le refus d’accepter les échappatoires, un modèle de gestion clair, une mise en œuvre interne et externe efficace, l’élimination des unités non performantes, le recentrage du personnel sur les facteurs cruciaux de réussite et la réduction des frais généraux. Shattock relève, par ailleurs, deux points importants (Shattock, 2003, p.171): tout d’abord, la pression liée aux fusions universitaires est plus interne qu’externe et l’idée d’une fusion enthousiasme en général davantage la direction au sommet de l’établissement que les universitaires car elle présente moins d’avantages évidents pour ces derniers et des inconvénients définissables pour ceux qui travaillent dans les départements; d’autre part, c’est le personnel qui supporte le plus gros du choc lié aux changements induits par la fusion et qui a donc la capacité de faire avorter la fusion. De plus, il relève avec une certaine prescience, si l’on considère le cas de l’Université d’Ulster, que « lorsqu’une université est répartie sur plusieurs sites, cela peut exacerber le sentiment d’éloignement entre le centre et la communauté universitaire » (ibid., p. 172).
8Le degré d’intégration varie considérablement selon les fusions. La fusion d’établissements donne parfois naissance à une véritable culture unitaire et à une philosophie partagée, tandis que dans d’autres cas elle conduit à l’émergence d’une « pseudo-culture » ou de sous-cultures conflictuelles. La réussite d’une fusion en termes d’intégration dépend essentiellement de deux facteurs : a) la compatibilité culturell; et b) les compétences en matière de gestion. Le mode de gestion utilisé auparavant peut ne pas s’avérer aussi efficace au sein de l’établissement émergent. Les dirigeants peuvent se révéler moins efficaces qu’ils ne le pensent. Les travaux de Cartwright et Cooper (1996, p. 145) ont ainsi révélé que les dirigeants se montraient moins accessibles auprès de leurs employés qu’ils ne l’imaginaient et qu’ils étaient davantage convaincus du succès de la fusion à laquelle ils avaient participé que ce que la réalité indiquait. Cartwright et de Cooper ont constaté que dans 81 % des fusions institutionnelles ayant échoué, les relations hiérarchiques n’étaient pas claires (ibid., p. 29) et que la sous-estimation des difficultés par les dirigeants était une cause d’échec fréquente. Même solide, une direction peut se révéler moins efficace lorsqu’il s’agit de créer une culture à laquelle les gens auront envie d’adhérer. Selon Buono et Bowditch (1989, p. 163), « Il existe des limites au nombre et au rythme des changements que les gens sont en mesure d’assimiler. […] Nous aimons considérer la culture comme un instrument de gestion qui peut être utilisé afin de créer des organisations “fortes”, or la culture peut finalement nous contrôler plus que nous ne la contrôlons. » Certains éléments culturels changent à un rythme différent (créant ainsi un phénomène de « décalage culturel » (ibid., p. 175) et il est probable que plus la douleur liée à « l’échec » d’un établissement fusionné est importante, plus difficile sera l’intégration au sein de l’établissement. Des éléments symboliques, tels qu’un blason ou le lieu d’implantation du siège, contribuent à l’unité de l’organisation et à l’émergence d’une culture partagée. L’un des éléments révélateurs de l’appréhension liée au changement est la résistance psychologique profonde et cachée à l’égard de la fusion, parfois accompagnée d’un sentiment de nostalgie envers « l’ancien » établissement, souvent idéalisé afin d’entretenir cet attachement au passé et aux certitudes et souvenirs qui s’y rattachent.
9Adéquation entre l’individu et l’organisation. Le p rsonnel impliqué dans toute fusion contribue à la création d’une nouvelle culture collective, que celle-ci soit à leur goût ou non, les opinions différant d’un individu à l’autre. Pour certains membres du personnel, le nouveau cadre, ses valeurs et ses normes inconnues, ainsi que ses pratiques et ses attentes en termes de travail, sont, à certains égards, préférables à leurs précédentes conditions d’emploi et de travail. Dans tous les cas, une nouvelle culture collective se développe, parallèlement à l’émergence de nouveaux systèmes de pouvoir et de contrôle, ainsi que de nouvelles normes et relations de travail. La transition culturelle est plus difficile pour ceux qui ont subi la fusion contre leur gré (Buono et Bowditch, 1989, pp. 249-250). Les petits établissements ont en général une forte culture collective, et bien qu’aucune culture ne soit totalement unitaire (dans la mesure où chacune est constituée de différentes sous-cultures), elles sont davantage susceptibles de rencontrer des difficultés en termes d’adéquation entre les individus précédemment employés dans les organisations mères et le nouvel établissement né de la fusion.
10Harrison (1972) distingue quatre idéologies organisationnelles : l’idéologie du pouvoir, l’idéologie du rôle, l’idéologie de la tâche et l’idéologie de la personne. L’idéologie du pouvoir « a pour objectif de dominer son environnement », « vaincre toute opposition » et « conserver le contrôle sur les subordonnés ». L’organisation privilégiant l’idéologie du rôle « aspire à être aussi rationnelle et méthodique que possible » et se distingue par son « souci de la légalité, de la légitimité et de la responsabilité ». L’organisation privilégiant l’idéologie de la tâche vise à atteindre un objectif supérieur, même si cela suppose d’enfreindre des règles, de changer le personnel ou de modifier les structures de l’organisation. Enfin, l’organisation qui privilégie une idéologie axée sur la personne « existe principalement pour répondre aux besoins de ses membres » et les incite à l’entraide et la bienveillance. Les occasions d’apprendre et de progresser sont en général considérées comme plus importantes que les progrès organisationnels (ibid., pp. 122-123). Après une fusion, ces idéologies sont souvent contestées et le conflit ou les tensions qui en résultent peuvent entraîner un manque d’adéquation entre l’individu et l’organisation et être source de stress pour l’individu, mal adapté ou en opposition avec les figures d’autorité institutionnelles. En général, les individus qui sont en désaccord avec les systèmes de valeurs des autres les considèrent comme « aberrants » et non comme « une manière en elle-même cohérente de penser et d’expliquer leur univers organisationnel » (ibid., p. 120).
Fusion de l’Université d’Ulster : étude de cas
11Au cours du dernier tiers du XX e iècle, le développement de l’enseignement supérieur en Irlande du Nord a profondément été influencé par le travail du Lockwood Committee (gouvernement de l’Irlande du Nord, 1965). Nommé par le gouvernement d’Irlande du Nord, ce comité recommande à l’époque la fondation d’une deuxième université (qui deviendra plus tard la Nouvelle Université d’Ulster [NUU]) et de l’Ulster College. La Queen’s University, à Belfast, (fondée en 1908 et dont les origines remontent au milieu du XIX e siècle) est peu affectée par les recommandations de Lockwood. En 1970, la Nouvelle Université d’Ulster et l’Ulster College ecrutent leurs premières cohortes d’étudiants et la carte de l’enseignement supérieur commence à changer. Le nouvel Ulster College (qui v it rapidement son prestige s’accroître lorsqu’il décide de changer de nom en 1975, sans la permission du gouvernement, pour devenir l’Institut polytechnique d’Ulster [UP]) occupe un campus spacieux à Newtownabbey, près de Belfast. Il intègre également l’ancien College of Art de Belfast. Contrairement aux recommandations de Lockwood, la Nouvelle Université d’Ulster naissante est contrainte d’accepter l’intégration du Magee College, un institut d’art théologique et libéral en difficulté, situé à environ 56kilomètres de Coleraine à l’ouest, dans la ville de Londonderry (également connue sous le nom de Derry) fondée en 1865. Un grand nombre de citoyens de Derry, de part et d’autre de la division sectaire, sont furieux que Coleraine plutôt que Derry ait été choisie pour accueillir la NUU. Coleraine est alors un petit bourg, principalement protestant, situé sur la côté nord d’Antrim à environ 88 kilomètres au nord de Belfast, tandis que Derry est la deuxième ville d’Irlande du Nord, est principalement catholique et se trouve à proximité de la frontière avec la République d’Irlande. Les universités apportent prestige et prospérité, et nombre d’habitants de Derry, catholiques et protestants confondus, considèrent la décision d’implanter la NUU à Coleraine plutôt qu’à Derry comme un stratagème prounioniste, antinationaliste et même anticatholique visant à priver leur ville des bénéfices économiques et sociaux qu’aurait apporté un établissement universitaire.
12La NUU admit ses premiers étudiants début octobre 1968. Il est intéressant de noter que cette même semaine marquait le déclenchement, à Derry, de violences politiques et sectaires, dans lesquelles toutes l’Irlande du Nord allait bientôt sombrer et qui durèrent jusqu’en 1994. Les années 70 et le début des années 80 sont particulièrement agités : l’Irlande du Nord est rongée par la violence et un conflit sectaire. Durant cette période, l’Ulster College e développe considérablement, tandis que la Nouvelle Université d’Ulster manque invariablement d’atteindre ses objectifs en termes d’effectifs étudiants à Coleraine comme à Derry. En 1984, le nombre d’étudiants de la NUU ne représente qu’un tiers du nombre d’étudiants défini comme objectif pour l’année 80. En revanche, l’UP délivre des diplômes universitaires sous l’égide du Council for National Academic Awards CNAA) et connaît une croissance forte et constante. Derek Birley, premier principal du CNAA, décrit ce conseil comme le « premier bienfaiteur » de l’UP (Birley, 1991, p. 141). L’Irlande du Nord possède désormais trois (au lieu de deux) établissements autorisés à délivrer des diplômes, ce que Lockwood n’aurait pas pu prévoir, et le ministère de l’Éducation n’a toujours pas mis en place une politique d’orientation du développement du secteur de l’enseignement supérieur. À la fin des années 70, il devient de plus en plus évident que la conception de Lockwood était défectueuse dès son origine et qu’elle a été dépassée à la fois par d’autres politiques de l’enseignement supérieur élaborées peu après la rédaction de son rapport et par des circonstances sociales exacerbées par la violence sectaire et les turbulences constitutionnelles.
13Le tableau ci-dessous présente le nombre d’employés et d’étudiants des différents établissements en 1979/80.
Effectifs du personnel et des étudiants des établissements d’enseignement supérieur d’Irlande du Nord en 1979/80
Effectifs du personnel et des étudiants des établissements d’enseignement supérieur d’Irlande du Nord en 1979/80
14Selon plusieurs commentateurs importants et journalistes influents, la viabilité et le futur de la NUU sont alors incertains. En 1978, le gouvernement nomme Sir Henry Chilver à la tête d’un comité d’évaluation afin de réfléchir à l’avenir de l’enseignement supérieur. Ce comité rédige un rapport provisoire sur la restructuration des instituts de formation pour enseignants et publie son rapport principal fin mars 1982, plus de trois ans après sa création (McMinn et Phoenix, 2005). Chilver recommande au gouvernement « d’encourager et d’aider [l’université] à jouer un rôle nouveau », un rôle qui suppose une réduction [sic.] du nombre des étudiants de premier cycle et la mise en place de mesures favorisant l’intégration d’étudiants d’âge mûr et la formation continue. Le gouvernement considère à l’époque que ces mesures risquent de considérablement réduire la diversité et le niveau académique de l’université et d’aggraver la baisse d’activité à Coleraine et à Derry. La proposition de Chilver n’est donc certainement pas, selon lui, la solution qui permettra de garantir un futur viable à l’enseignement supérieur en Irlande du Nord. Le même jour, le gouvernement présente son plan pour l’avenir de l’enseignement supérieur en Irlande du Nord sous la forme d’un Livre blanc intitulé Higher Education in Northern Ireland : The Future Structure (Enseignement supérieur en Irlande du Nord : sa future structure). Le document rejette la proposition exposée dans le rapport de Chilver mais accepte l’analyse de ce dernier concernant les problèmes et la vulnérabilité de la NUU. Le rôle déterminant de Derek Birley dans la rédaction de ce Livre blanc a par la suite été confirmé (Birley, 2006; Williamson, 1988, pp. 305-308). Le 22 février 1982, après avoir passé un week-end à étudier le texte du rapport de Chilver, il envoie un mémorandum de huit pages au secrétaire général du ministère de l’Éducation dans lequel il déclare : « Après avoir vu le rapport (Chilver)… je suis convaincu que la création d’un seul nouvel établissement, en complément de la Queen’s, est loin d’être la meilleure solution pour la province. Les difficultés d’ordre technique sont insignifiantes en comparaison avec les propositions vaines faites par Chilver » (Birley, 1982, cité dans Williamson, 1988).
15Birley soutient alors catégoriquement que l’institut polytechnique ne doit pas subir les effets néfastes d’une fusion et que tout sera fait pour que la supériorité hiérarchique, que lui confère sa charte, n’avantage pas de façon excessive la NUU. Il redoute la perte de la philosophie de l’UP au service des étudiants et de la communauté dans son ensemble : intérieurement, il est grandement peiné à l’idée que l’institut polytechnique puisse disparaître (Birley, 2006). Cependant, il est aussi un penseur stratège qui s’intéresse à la situation dans son ensemble et qui croit que le Livre blanc est la meilleure solution pour l’avenir de la province. Les évènements suivent leur cours : la NUU renonce à sa charte puis adresse à la reine et au Privy Council (conseil privé du souverain britannique) une pétition commune au nom des deux établissements. Cette solution apparaît alors comme le seul moyen acceptable de procéder. Dans ses écrits, Birley évoque ce qu’il appelle « le meilleur de la NUU », persuadé qu’il devrait être conservé et développé, puis « mise en œuvre dans un contexte (de planification déterminée, d’auto-analyse et de partenariat) qui lui permette véritablement de se distinguer » (Birley, 1982, cité dans Williamson, 1988).
16Dans son Livre blanc, le gouvernement soulève deux « points importants particulièrement urgents » concernant l’enseignement supérieur en Irlande du Nord, à savoir : a) ’avenir de la Nouvelle Université d’Ulster; et b) l s dispositions futures pour la coordination et la planification de l’enseignement supérieur en Irlande du Nord. Le rapport Chilver avait révélé que la NUU « allait devoir faire face à d’importants problèmes de viabilité financière et universitaire qui s’intensifieront certainement avec le temps et qui [… ] excluent la possibilité que l’université continue à exister dans sa forme actuelle […]. Le rapport révèle que les problèmes auxquels est confrontée la NUU sont tels qu’ils pourraient entraîner la fermeture de l’université ». Le gouvernement espère alors qu’« un rôle utile et durable » pourra être confié à la NUU grâce à la « mise en commun des ressources de la NUU et de l’Institut polytechnique d’Ulster, qui, ensemble, formeraient le base d’une nouvelle université répartie sur plusieurs sites. [… ] Cette alliance produirait un établissement fort et efficace doté d’un rôle distinct qui viendrait compléter la vocation universitaire traditionnelle de la Queen’s University de Belf st. » Renonçant à sa charte universitaire afin de demander avec l’UP une nouvelle charte à la reine et au Privy Council, la NUU cesserait dès lors d’exister.
17La taille et le sujet du présent article ne nous permettent pas de nous attarder sur les détails du processus de la fusion et la manière dont elle fut entreprise. Le gouvernement nomma Sir Peter Swinnerton-Dyer, directeur du St. Catharine College de Cambridge, à la tête d’un comité de pilotage auquel il confia la difficile tâche de convaincre la NUU (qui s’opposait farouchement aux plans du gouvernement allant jusqu’à réfuter son analyse) et de rassurer le personnel de l’UP, qui redoutait que les réalisations exceptionnelles de cet établissement soient anéanties dans une fusion ratée. Parmi les points fondateurs, sur lesquels la NUU était résolue à ne pas céder, figurait la question de l’élection (par opposition à la nomination) des doyens, une pratique commune à la NUU. Le débat autour de cette question a plusieurs fois menacé de faire capoter la fusion, avant d’être sommairement résolu lors d’une réunion convoquée de toute urgence par Sir Peter à Coleraine, un dimanche matin, et à laquelle il se rendit en hélicoptère (Jones, 2006). Les réserves de la NUU furent écartées et il fut décidé que les doyens du nouvel établissement seraient nommés (par un comité présidé par le vice-chancelier). Le comité de pilotage se chargea d’encadrer les divers niveaux de planification (constitutionnel, universitaire, administratif, etc.) ainsi que la nomination du personnel d’encadrement, y compris du vice-chancelier. Le poste de vice-chancelier fut accepté par le recteur de l’UP, Derek Birley, dans le cadre d’une procédure de nomination ouverte uniquement aux candidats des deux établissements. Le professeur Wilfred Cockcroft, vice-chancelier de la NUU, ne se présenta pas à l’entretien et se vit accorder une retraite anticipée peu après la nomination de Birley. Il fut fait chevalier en janvier 1983.
18Accordée en 1970 par la reine et le Privy Council à perpétuité et pour toujours », la charte de la NUU est le document fondateur de l’université. Le tribunal de l’université, un organe composé de plusieurs centaines de citoyens importants en Irlande du Nord, fut désigné comme gardien de la charte. Le vote du tribunal (à une majorité de 75% et au cours de deux sessions séparées d’au moins trois mois) en faveur de l’abandon de la charte était nécessaire pour que la fusion ait lieu. Le tribunal s’y refusa à plusieurs reprises, avant de céder en septembre 1983, mais uniquement après que le gouvernement ait indiqué que, si le tribunal ne consentait toujours pas à l’abandon de sa charte, l’université ne bénéficierait plus du soutien financier du gouvernement. Sa première déclaration au sujet de la NUU fut réitérée dans une lettre du gouvernement remise en personne par un émissaire dans laquelle figurait la déclaration suivante : « Fusionnez ou fermez. » L’Université d’Ulster naquit donc à minuit le 30 septembre 1984.
19Les négociations menées par le comité de pilotage avaient progressivement généré des promesses et des décisions qui facilitèrent le processus de fusion dans les années 1982 et 1983 et apaisèrent considérablement les inquiétudes du personnel. Pour ne mentionner que certaines des décisions les plus importantes, il fut notamment décidé que la fusion n’occasionnerait aucun licenciement obligatoire; que la réputation des diplômes des deux établissements seraient préservée; que les dispositions relatives aux pensions de retraite de l’ensemble du personnel seraient protégées; que les fonds nécessaires à l’augmentation des salaires et des pensions de retraite du personnel du l’UP seraient fournis; que l’université siègerait à Coleraine; et que certains symboles de la NUU, y compris ses couleurs universitaires et ses armoiries, seraient conservés au sein du nouvel établissement. Ces dernières ont été décrites par le chancelier de la NUU, Lord Grey, comme « des signes extérieurs et visibles de l’esprit et de la philosophie de la Nouvelle Université d’Ulster et de sa continuité » (Grey, 1983).
20Dans son Livre blanc, Higher Education in Northern Ireland : The Future Structure, le gouvernement lance un message positif et fort, voire rhétorique en certains endroits, esquissant les grandes lignes de son projet de fusion pour la création d’une nouvelle et seconde université « innovante et énergique », « pragmatique et technologique », qui combinerait les meilleurs qualités des deux établissements fondateurs et élargirait les perspectives de l’enseignement supérieur en Irlande du Nord depuis son campus du Magee College, dans le nord-ouest, à Derry, l’ancienne Nouvelle Université d’Ulster à Coleraine, l’ancien UP à Jordanstown, près de Belfast, et le College of Art du centre de Belfast. Le nouvel établissement devra conserver l’approche pragmatique, technique et professionnelle de l’Institut polytechnique et intégrer dans ce nouveau cadre les meilleurs aspects universitaires de la NUU. La dispersion des campus pourrait […] être considérée comme une occasion de répartir géographiquement les ressources plutôt que comme un fardeau » [sic.], (para. 3.22, je souligne).
21Riche en propositions, ce Livre blanc ne prête en revanche guère attention aux défis, aux problèmes ou aux obstacles d’un tel projet, se contentant de reconnaître en passant que « la gestion d’un établissement réparti sur plusieurs sites entraînera certainement de véritables difficultés administratives ». Ces difficultés sont cependant rapidement écartées comme en témoigne l’optimisme de la déclaration qui suit : « Il semble bien trop pessimiste de conclure, sans un examen plus approfondi de la question, que ces difficultés sont insurmontables. » De toute évidence, la capacité à surmonter ces difficultés allait dépendre des compétences et de l’énergie des dirigeants du nouvel établissement, ainsi que de la motivation et de la bonne volonté du personnel des deux établissements d’origine. En anticipant ces difficultés administratives, les auteurs du Livre blanc s’étaient montrés prévoyants même s’ils n’étaient pas disposés à leur accorder l’importance qu’elles méritaient. La planification de la création du nouvel établissement débuta sérieusement en 1983, l’année précédant la date prévue de la fusion (1er octobre 1984). Un évène ent d’une grande portée survint rapidement au sein du comité de pilotage, à savoir la présentation imprévue d’un document rédigé par Derek Birley et intitulé A University with a Difference (Une université différente). Dans ce document de 40pages est présenté le projet détaillé du nouvel établissement fusionné. À Coleraine, sa parution est accueillie, par la direction de la NUU, avec désarroi et consternation. Saisissant l’occasion qui s’était présentée, l’institut polytechnique avait produit un modèle de fusion. Dès le départ, la NUU se trouvait désavantagée par son refus d’accepter ou de s’engager dans la fusion. Elle fut poussée et entraînée dans la fusion contre son gré par le gouvernement, selon un principe de force majeure.
22Dès le départ, le document A University with a Difference ose comme postulat (pour la planification et le développement du nouvel établissement) l’intégration des ressources humaines et physiques existantes dans ses principaux sites. Le nouvel établissement est appelé à devenir un établissement unitaire et non fédéral. Il est prévu que certaines facultés et certains départements (par la suite réorganisés en écoles) aient du personnel sur deux ou trois campus et que le travail des pro-vice-chanceliers et des membres du comité directeur s’étende à toute l’université, suivant une planification stratégique et rigoureuse pendant la période qui suivra la fusion. L’université se développa dans un contexte de changement constant, de ressources réelles en baisse, de taux de participation en hausse et de mesures externes imposées afin d’évaluer la qualité de la recherche et de l’enseignement. Parallèlement à ces changements, les programmes scolaires et la recherche continuèrent à évoluer, tandis que la popularité des diverses matières continuait à varier selon un phénomène de flux et de reflux.
23En 2004/05, l’Université d’Ulster compte 24 389 étudiants à temps plein et possède l’offre de cours la plus vaste et la plus diverse de l’île irlandaise. Nombre de ses cours sont franchisés à d’autres établissements d’enseignement post-secondaire et d’enseignement supérieur, étendant ainsi son influence à travers l’Irlande du Nord et plus loin encore. L’université compte aussi 1061 employés académiques et au total 3516 universitaires et employés non universitaires répartis dans ses différents campus de la manière suivante : Belfast (College of Art), 155; Coleraine, 1 213; Portrush (Gestion hôtelière et tourisme), 97; Jordanstown, 1 556; Magee College (Derry), 495 (Université d’Ulster, 2005). Elle est presque quatre fois et demie plus grande que ses établissements fondateurs combinés en 1979/80et est la huitième université la plus populaire du Royaume-Uni en termes d’inscriptions en premier cycle à l’UCAS (Universities and Colleges Admissions Service – Service d’admission des universités et collèges) (ibid., para. 4.6). Notons que le campus du Magee College à erry s’est considérablement développé, s’employant à chasser le sentiment de deuil, évoqué plus haut, né de la décision d’implanter la NUU à Coleraine. Le développement considérable des perspectives éducatives à Magee, ainsi que le redressement de la situation éducative défavorisée du nord-ouest, sont les résultats les plus positifs de la fusion et il difficile d’imaginer comment cela aurait pu être possible sans l’implication de l’institut polytechnique.
24Dans la section suivante, sont présentés les résultats de notre analyse des vues de 116 membres du personnel académique et administratif employés par les établissements fondateurs avant la fusion et qui travaillent toujours à l’Université d’Ulster, 22 ans plus tard. Nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux effets de la fusion sur le personnel du nouvel établissement et sur leur participation à ses différentes étapes. L’objectivité absolue est impossible dans la recherche et nous tenons à préciser à nouveau que les auteurs de cet article étaient membres du personnel académique de la NUU avant la fusion.
Méthodologie
25En avril et mai2006, une enquête est réalisée auprès de l’ensemble du personnel académique et administratif membre des établissements d’origine, dans tous les campus de l’université. Les membres à la retraite sont exclus de l’enquête principale mais leur expérience est utilisée pour mettre au point le questionnaire pendant la phase de préparation. Le questionnaire se compose d’une série d’affirmations, par rapport auxquelles les personnes interrogées doivent indiquer leur degré d’accord sur une échelle Likert de cinq niveaux. Ces affirmations sont regroupées dans différentes sections explorant : a) dans quelle mesure la fusion a donné naissance à une culture intégrée; et b) l’adéquation entre les personnes interrogées et l’organisation. À la fin du questionnaire, se trouve un espace réservé aux commentaires libres, utilisé par 45personnes sur toutes les personnes interrogées pour exprimer leurs opinions. Ces réponses ont été analysées afin d’en extraire des thèmes et de montrer le poids relatif des différentes opinions exprimées. En complément, 12 entretiens semi-structurés ont été menés auprès de membres du personnel en poste depuis 30 ans ou plus, afin de s’assurer que les personnes interviewées étaient en poste depuis au moins 7 ans dans l’un des établissements d’origine. Les réponses proviennent de tous les campus.
26Dans la section suivante, les commentaires tirés de ces entretiens sont utilisés sélectivement afin d’illustrer les résultats quantitatifs de l’enquête. Dans le compte rendu des résultats de l’enquête, les réponses sont classées comme suit : « complètement d’accord/d’accord », « incertain », « pas d’accord/pas du tout d’accord ». Les pourcentages ont été arrondis et les réponses manquantes n’ont pas été prises en compte lors des calculs. Certaines affirmations-clés sont présentées sous forme de tableaux et sont complétées par d’autres données quantitatives présentées dans l’argumentation, ainsi que par des éléments tirés des commentaires libres et des entretiens.
Présentation et analyse des résultats
27L’ensemble de la population interrogée s’élève à 250 personnes et le nombre de questionnaires complétés et renvoyés à 116, portant le taux de réponse à 46.4 %. Leurs campus d’origine sont présentés dans le tableau 2.
Situation du campus des personnes interrogées et des auteurs de commentaires libres
Situation du campus des personnes interrogées et des auteurs de commentaires libres
28Comme on pouvait le prévoir, la plupart des personnes interrogées étaient âgées de 50 ans ou plus; 82 % étaient des universitaires et 18 % des membres de l’administration supérieure; 78 % étaient des hommes et 22 % des femmes. Chacune des cinq facultés de l’université est représentée dans les réponses, de même que chacun des quatre principaux campus. Quarante-deux pour cent des personnes interrogées étaient des conférenciers et 27 % des professeurs. Vingt pour cent avaient déjà été employés dans un campus autre que leur campus actuel mais ce changement n’était pas nécessairement dû à la fusion. Dix pour cent des personnes interrogées ont indiqué avoir été mutées contre leur gré, après la fusion.
Degré d’intégration
29Certaines vues concernant la fusion sont présentées dans le tableau 3 ci-dessous. Deux tiers des personnes sondées ont indiqué que, selon elles, la NUU n’était pas viable au moment de la fusion. Un pourcentage similaire de sondés approuve aujourd’hui totalement l’établissement né de la fusion – contre environ un quart des personnes interrogées. Une grosse minorité (44%) pense que la fusion était un moyen pour l’Institute polytechnic d’Ulster de prendre le pouvoir et plus d’un tiers ont encore des regrets concernant cette fusion. Il est évident que les sentiments à l’égard de la fusion sont encore mélangés et, qu’en aucun cas, l’ensemble des personnes interrogées approuvent l’établissement né de la fusion, même s’ils en sont membres depuis plus de 20ans. Une grosse majorité (83 %) pense que des différences culturelles sont encore perceptibles entre les différents campus et près des deux tiers s’estiment moins heureux dans l’établissement actuel que dans leur établissement d’origine. Selon les réponses complémentaires (non classifiées) obtenues, 60% pensent que la NUU aurait du être implantée à Derry, reflétant ainsi la controverse profonde des années 60 concernant le lieu d’implantation de la Nouvelle Université d’Ulster. Lorsqu’on leur demande à quel campus la fusion a-t-elle le plus profité, les différents campus sont cités dans l’ordre suivant : Magee, Coleraine, Jordanstown et Belfast.
Dispositions rétrospectives à l’égard de la fusion
Dispositions rétrospectives à l’égard de la fusion
30Dans la partie réservée aux commentaires libres à la fin du questionnaire, figuraient des opinions très diverses concernant la mise en œuvre de la fusion. La plupart des personnes ayant choisi de faire un commentaire étaient basées à Jordanstown (UUJ). Plusieurs thèmes sont abordés dans les commentaires faits par les personnes basées à Jordanstown, tandis que les commentaires des personnes basées à Coleraine sont généraux et divergents. Selon plusieurs personnes interrogées, la fusion avait pour principal objectif de remédier au problème du lieu d’implantation de la NUU, « construite au mauvais endroit » et « la fusion s’est avérée être un sauvetage réussi de Coleraine ». Certaines personnes de Jordanstown affirment que l’Institute polytechnic d’Ulster a « sorti Coleraine d’affaire et continue de le faire en enseignant à plus d’étudiants, si bien que le personnel de [Jordanstown] a moins d’occasions de faire de la recherche ». Certains suggèrent que la décision de soutenir Coleraine pourrait poser problème à long terme et que, dans l’intervalle, elle a freiné certains aspects du développement de l’Université d’Ulster (UU). D’autres parlent de dépouillage d’actifs : « Les cours dispensés à Jordanstown ont été suspendus afin de financer les cours de Coleraine; les cours de science ont été abandonnés pour aider Coleraine. » Selon certains commentaires de personnes travaillant à Jordanstown, ce campus souffrirait depuis des années des effets de la fusion : « Nous sommes la “vache à lait” et il semble que nous ne tirions presqu’aucun bénéfice des initiatives départementales majeures. » Un certain nombre de personnes interrogées estiment que la fusion s’est effectuée au détriment de l’UP et certains pensent que si la fusion n’avait pas eu lieu « le Poly serait de toute façon une université aujourd’hui ». En effet, en 1992, tous les instituts polytechniques britanniques en Grande-Bretagne furent élevés au rang d’université, obtenant ainsi le droit de délivrer des diplômes. Certains interrogés évoquent les effets néfastes de la fusion sur l’évolution de leur carrière, en particulier pour les « membres du personnel qui réussissaient à l’Institut polytechnique d’Ulster mais n’étaient pas, ou ne furent pas par la suite, très impliqués dans la recherche » : « Si je n’avais pas déjà obtenu un poste de maître de conférence, je n’y serais peut-être jamais parvenu à l’UU. » Un autre interrogé remarque : « La correspondance entre les postes de maître de conférence dans les deux systèmes n’était pas équivalente aux responsabilités qui existaient. »
31Les commentaires libres, comme les données quantitatives, révèlent l’absence d’une identité collective au sein de ce groupe d’employés académiques et administratifs au service de l’université depuis de longues années. Selon certains, « l’UU est un établissement hybride mais les deux cultures n’ont jamais été assimilées. Il s’agit toujours d’un dispositif pratique qui fonctionne en dessous de ses capacités en raison de l’absence de mécanismes de motivation, de gratification et relationnels avec le personnel. Cet établissement n’a pas encore donné toute sa mesure. » Ce point de vue trouve écho dans la remarque d’un individu interrogé, selon lequel la fusion était « potentiellement positive pour les deux établissements mais ce potentiel n’a pas été pleinement réalisé. L’intégration des cultures de l’ancienne NUU et de l’ancien UP s’est avérée plus difficile que prévu à l’époque ».
L’adéquation entre l’individu et l’organisation
32Chacun des établissements fondateurs possédait sa propre culture à l’époque de la fusion; une culture qui allait être affectée par les nombreux changements radicaux découlant de l’absorption de cet établissement par l’Université d’Ulster. Le tableau 4 illustre l’opinion du personnel sur diverses questions relatives à la gestion, à l’équilibre entre l’enseignement et la recherche et aux implications liées au fait d’être un établissement réparti sur plusieurs campus couvrant un vaste territoire géographique. Rappelons que, depuis 1984, le système universitaire britannique a vu l’introduction de nombreuses approches nouvelles, en particulier, en termes de gouvernance et de sélectivité de la recherche, évoquées plus loin. Ces changements ont également eu un impact sur l’Université d’Ulster et auront inévitablement rendu difficiles pour les personnes interrogées les comparaisons entre leur établissement d’origine et leur cadre de travail actuel. La plupart des personnes interrogées considèrent que le mode de gestion de l’Institut polytechnique d’Ulster a été transféré à l’Université d’Ulster. Nombre d’entre elles perçoivent le mode de gestion actuel de l’université comme plus directif et moins participatif que nécessaire dans le contexte néolibéral actuel. La littérature consacrée à la recherche sur les fusions soutient que des techniques de gestions fermes et des relations hiérarchiques claires, ainsi qu’une politique de ressources humaines à visage humain et des voies de communication efficaces entre la direction et le personnel, sont nécessaires à la réussite d’une fusion.
Gestion, recherche et logistique au sein du « nouvel » établissement
Gestion, recherche et logistique au sein du « nouvel » établissement
33Nous n’aborderons pas ici la question des contributions des quatre vicechanceliers de l’Université d’Ulster à son développement et à son ambiance pendant leur mandat, bien qu’elles différent considérablement. Sir Derek Birley fut remplacé en 1991 par Sir Trevor Smith, auquel succéda en 1999 le professeur Gerry McKenna, lui-même remplacé par le professeur Richard Barnett en2006. Chaque vice-chancelier interpréta la mission de l’université à sa manière, dans le contexte de leurs époques et des politiques gouvernementales, des contraintes financières et des occasions propres à chacune. Parmi les nombreuses mesures, plus ou moins importantes, prises au niveau national dans l’enseignement supérieur, deux mesures allaient avoir un effet déterminant et durable sur l’université. Publié l’année suivant la fusion, le rapport Jarratt (CVCP, 1985) fut la première d’entre elles. La nouvelle approche appliquée à la sélectivité de la recherche, présagée par l’enthousiasme de Sir Keith Joseph pour la sélectivité, telle qu’elle fut interprétée par l’University Grants Committee comité de financement de l’université) fut la seconde. Le rapport Jarratt est à l’origine d’un changement radical dans la gestion de l’enseignement supérieur dans tout le Royaume-Uni, au regard duquel on peut effectivement affirmer que certains traits de l’Université d’Ulster se seraient de toute façon développés même si la fusion n’avait pas eu lieu. Ce rapport préconisait d’accorder un pouvoir plus grand au directeur, le recours à des mesures de production et un moindre recours aux procédures informelles et au consensus dans la gestion. Faisant référence à la sélectivité de la recherche, le rapport du vice-chancelier, Report to Court, pour l’année1985/86fait état des inquiétudes de SirDerek concernant « la possible distorsion du rôle qui nous était assigné alors que nous avions à peine commencé à mettre en œuvre notre plan de développement. […] [Nous étions] quelque peu inquiets à l’idée d’être placés entre les mains de dilettantes métropolitains bien intentionnés essayant un nouveau truc » (Birley, 1991, p. 141). Par la suite l’influence du Research Assessment Exercise (R E) s’accroît inexorablement, particulièrement de 1996 à 2006, façonnant la politique de recherche et les priorités de l’université. Pour certains employés de Jordanstown, qui n’avaient jamais aspiré à devenir des chercheurs actifs, le RAE allait être le moteur d’une politique funeste qui altèrerait le développement de l’université et les priverait de l’avancement auquel ils auraient pu s’attendre autrement. À Coleraine, une part plus importante du personnel participait à la recherche et l’intérêt de l’université pour les projets de recherches très en vue au RAE lui fournit le soutien nécessaire pour développer ses intérêts dans la recherche. À peine plus d’un tiers des personnes interrogées considèrent que la recherche ne tenait pas une place importante dans leur établissement d’origine, (ce qui n’est peut-être pas étonnant à l’époque où le RAE n’existait pas), et près de la moitié pensent que l’Université d’Ulster accorde une place trop grande à la recherche. Ces points seront développés plus loin.
34À partir des années 80-90, la politique nationale oriente l’enseignement supérieur vers une gestion de plus en plus dure, afin de faire face aux exigences des audits, des régulations et à l’austérité. À la lumière des changements précipités par Jarratt, il est impossible de distinguer les développements résultant de la fusion de ceux reflétant la politique nationale de l’enseignement supérieur; mais nombre de personnes interrogées pour la présente étude semblent néanmoins attribuer le nouveau mode de gestion à la fusion bien qu’il se soit depuis étendu au reste du pays.
35Les personnes interrogées dans le cadre de notre étude rejettent massivement l’hypothèse selon laquelle l’Université d’Ulster pourrait, grâce à la dispersion de ses campus, réaliser des économies d’échelle : selon eux, la fusion est source d’inefficacité et les trajets entre les campus sont considérés comme fatigants et source de stress. Les auteurs du Livre blanc Future Structure d 1982 sont donc accusés d’avoir fait preuve d’un optimisme injustifiable et d’un irréalisme manifeste dans leurs commentaires sur les difficultés pouvant survenir de la dispersion géographique de son offre de cours. Il est incontestable que l’université offre et a considérablement étendu les perspectives de l’éducation. Elle est notamment connue pour avoir recruté des étudiants issus de milieux sociaux défavorisés. Il aurait été impossible de construire le campus de Magee sans la participation du personnel d’autres campus. Cependant, le personnel en subit le coût. La nécessité de voyager entre les campus et l’éclatement des groupements d’employés académiques et administratifs a constitué et constitue toujours un fardeau et un obstacle sérieux au développement de la mission de l’université.
36Dans la partie réservée aux réponses libres, plusieurs employés commentent le changement d’orientation de l’institut polytechnique, où la recherche était largement facultative, en faveur de la recherche dans le nouveau monde de l’Université d’Ulster où « c’est plutôt l’inverse ». Constatant l’impact de ce changement sur leurs possibilités d’avancement, ces derniers ajoutent : « Il est bien plus facile d’être promu, il me semble, si vous passez votre temps à faire de la recherche plutôt qu’à, par exemple, développer vos techniques d’enseignement ou de travail en tant que directeur d’études. » Un autre a écrit : « À l’UU, pas de recherche, pas de promotion. » Une personne interrogée considère que les promotions à Jordanstown étaient « insignifiantes » après la fusion. Nombreux sont les avis positifs sur le travail accompli à l’ancien UP. Parmi eux, figure ce commentaire représentatif : « Le Poly a toujours excellé dans ce pourquoi il avait été conçu. » En ce qui concerne la vision et la gestion institutionnelles, certains considèrent que « Jordanstown avait une vision et un sens de la stratégie plus développés que l’UU si l’on considère ses réalisations des 22dernières années ». L’opinion selon laquelle la fusion s’est effectuée au profit de Coleraine et a occasionné des frais importants pour Jordanstown est largement partagée. « Nous étions un excellent [institut polytechnique] à vocation éducative, technique et professionnelle et aujourd’hui nous ne sommes plus qu’une université médiocre, qui ne manifeste qu’un intérêt de pure forme pour l’enseignement et l’apprentissage et ne récompense que la recherche. » « L’importance acquise sur le plan éducatif et dont nous étions fiers s’est volatilisée » En ce qui concerne l’équilibre entre l’enseignement et la recherche, nombre de personnes interrogées ont le sentiment que l’adéquation entre l’individu et l’organisation n’était plus la même après la fusion et ce sentiment s’est intensifié même après deux décennies.
37Certains commentaires portaient sur la NUU, qui, selon certaines personnes interrogées, a été « construite dans une optique universitaire classique ». Quant au fait que les doyens de la NUU soient élus par le personnel académique, cela expliquerait, selon eux, « l’absence de stabilité dans la gestion – une particularité qui a induit un certain amateurisme. » Le premier vice-chancelier, professeur Alan Burges, un biologiste australien réputé, était « calme, timide et discret », mais également « un homme cultivé et raffiné ». Au début, la NUU « s’en est bien tirée : au début des années 70,30 à 40% des étudiants étaient originaires de Grande-Bretagne mais ce contingent s’est considérablement amenuisé en raison des Troubles ». Puis, la NUU « a arrêté sa progression avant de commencer à reculer ». Son ambiance est décrite comme « collégiale et agréable, riche d’une excellente vie sociale qui n’a jamais complètement repris après la fusion ». Les employés étaient « bienveillants et gentils » mais après la fusion « l’administration collégiale a été remplacée par des professeurs et des doyens d’encadrement nommés par le vice-chancelier, ce qui ne s’est finalement pas avéré plus économique compte tenu des couches bureaucratiques supplémentaires ». Certains départements, comme le département d’histoire, se trouvèrent en adéquation parfaite avec leurs collègues dans les différents campus et cette synergie fut conservée dans la fusion comme en témoigne la note (5) obtenue par le département au cours du Research Assessment Exercise de 1996. Cependant, cette parfaite adéquation était loin d’être systématique. Bien que certaines écoles de Jordanstown, comme celle de l’Environnement bâti, aient extrêmement bien réussi dans leur domaine, ces écoles occupaient en général un seul campus, contrairement à de nombreuses autres écoles réparties sur plusieurs campus qui ne furent pas en mesure de remédier aux déséquilibres de leurs capacités de recherche.
38L’Institut polytechnique d’Ulster est principalement décrit comme un établissement « technique » d’enseignement, à vocation de service. Une personne interrogée souligne que la décision gouvernementale d’implanter le siège et le bureau du vice-chancelier de l’université à Coleraine a « profondément contrarié les collègues (de Jordanstown) – le symbolisme n’était pas à leur goût ». Cependant, l’Université d’Ulster « avait le zèle d’un pionnier, le sentiment de “coloniser un monde nouveau”» et un vice-chancelier [SirDerek Birley] qui « avait le don pour communiquer avec ses troupes et les encourager ou les remercier. » Une personne interrogée raconte l’étonnement du très hiérarchique doyen de Coleraine, qui vint lui rendre visite alors qu’il n’était qu’un jeune membre du personnel de Jordanstown et qui trouva Derek Birley confortablement installé dans son bureau et plongé dans une conversation informelle avec elle. Cependant, le vice-chancelier fondateur était aussi « un leader solide et ferme, doté d’un comité permanent composé de collègues, qui constituait une présence permanente et utilisait déjà un mode de gestion “moderne”. […] Il était important que le vice-chancelier ait une bonne opinion de vous, vous appuie et vous perçoive comme quelqu’un d’efficace, démontrant des compétences en matière de gestion et désireux d’apporter son soutien complet au directeur. »
Conclusion
39Dans une section précédente du présent article, étaient présentées quatre types de fusion (Pritchett, 1985). Nous sommes en mesure d’affirmer qu’à différents niveaux, chacune de ces catégories est représentée dans la fusion évoquée ici. Le concept de sauvetage d’une organisation est tout à fait pertinent dans le cas de la NUU, qui n’était pas parvenue à atteindre ses objectifs de croissance, en partie en raison de sa situation périphérique, du déclenchement des « Troubles » qui découragèrent les candidats à l’inscription originaires d’autres régions et des obstacles à la planification des cours et à l’innovation résultant du système de planification quinquennale dirigé par le University Grants Committee. Le concept de la fusion de collaboration s’illustre parfaitement dans des départements, comme le département d’histoire, où une synergie réussie a vu le jour dans la recherche. La fusion dans son ensemble fut d’abord une alliance contestée, du moins en ce qui concerne le tribunal de la NUU, qui abandonna à contrecœur sa charte royale. La notion de raid est tout à fait pertinente dans le cas des cours qui furent déplacés d’un campus à un autre afin de remédier à la faiblesse du recrutement ou de consolider certains départements. Cette fusion a pris la forme d’un conglomérat (Pritchard, 1998) réunissant des domaines d’étude très disparates. La compatibilité culturelle entre les deux établissements n’était que partielle et l’importance accordée à la recherche trop grande. Certains membres du personnel académique, dont la formation et les intérêts ne résidaient pas forcément dans la recherche, continuèrent à croire qu’ils partaient avec un handicap insurmontable dans un contexte promotionnel où la recherche occupait désormais le devant de la scène. Comme dans la plupart des universités, la direction n’était pas parvenue à développer et à mettre en œuvre une politique de promotion qui récompense aussi bien l’excellence dans l’enseignement que l’excellence dans la recherche. On peut cependant espérer que les mesures prises en ce sens, dans le cadre de promotions récentes, mèneront à davantage d’équité.
40Nous pouvons également considérer que l’institut polytechnique d’avant la fusion présentait les quatre caractéristiques que l’on retrouve dans la théorie organisationnelle de Harrison. La logique de pouvoir était certainement très présente dans cet institut, qui cultivait assidûment les relations avec le Département de l’éducation du gouvernement afin de lui soutirer des fonds et qui a gravi tous les « échelons académiques », passant du statut de « college » à celui « d’institut polytechnique » et enfin « d’université ». L’idéologie du rôle s’illustre dans la décision de nommer, plutôt que d’élire, les dirigeants et de les encadrer dans une équipe stable, gérée d’une main ferme et dotée d’objectifs clairs. L’idéologie de la tâche s’illustre dans la souplesse et l’esprit d’entreprise des dirigeants universitaires, qui ne manquèrent jamais de saisir les occasions qui se présentaient (comme, par exemple, celle d’obtenir le droit délivrer des diplômes) de développer de nouveaux cursus et de réagir de façon constructive aux difficultés organisationnelles. Enfin, l’idéologie de la personne, si chère au recteur de l’institut polytechnique, Derek Birley, avait également sa place à l’UP. Plusieurs personnes interrogées évoquent ses compétences exceptionnelles en matière de gestion et partagent les mêmes anecdotes illustrant sa capacité à valoriser le personnel. Souvent négligé dans l’étude des fusions, cet aspect personnel du « leader surdoué » est toutefois pris en compte par Cartwright et Cooper (1996, pp.20-21) qui font figurer, parmi les divers motifs de fusion, la raison suivante : « afin de répondre aux besoins d’un individu ou d’un petit groupe d’individus, […] afin de renforcer ou de renouveler leur crédibilité, […] afin d’exercer leur pouvoir et de faire étalage de leur force en jouant les bâtisseurs d’empire ».
41Les personnes interrogées des deux établissements tiennent des propos positifs sur les rapports direction-personnel dans leurs cadres d’origine mais il est fort possible que le temps écoulé, ainsi que la distance, aient « temporisé leur vision des choses ». Il semble, cependant, que ces souvenirs positifs soient associés, au moins en partie, à des éléments différents : à l’UP, ils sont associés à la personnalité et au style de gestion de Derek Birley, tandis qu’à la NUU, ils sont liés à l’organisation collégiale « horizontale », reflétant la dimension plus petite et plus intime de l’université et ses structures dominées par le consensus. Les efforts considérables demandés pour développer l’Université d’Ulster ont peut-être détourné l’établissement d’une approche davantage axée sur l’individu mais des efforts sont aujourd’hui réalisés afin de remédier à ce manque. Aujourd’hui, les personnes partant à la retraite sont progressivement remplacées et les politiques nationales semblent s’orienter vers un meilleur équilibre entre l’enseignement et la recherche, laissant ainsi entrevoir l’espoir d’une amélioration de la situation problématique liée au décalage entre enseignement et recherche.
42La présente étude, qui s’appuie sur des vues rétrospectives élaborées 22 ans après, montre que la création d’une unité collective nécessite bien plus de temps que les architectes de la fusion, les fonctionnaires et les politiciens du ministère de l’Éducation n’auraient pu le prévoir. Comme indiqué plus haut, ces derniers avaient reconnu que « la gestion d’un établissement réparti sur plusieurs sites entraînerait certainement de véritables difficultés administratives », en ajoutant toutefois qu’il « semblait bien trop pessimiste de conclure, sans un examen plus approfondi de la question, que ces difficultés [étaient] insurmontables ». Cette fusion a permis le développement régulier de l’université pendant plus de 20 ans; son expansion considérable au Magee College à Derr; la reconnaissance de son rôle en tant que grand établissement d’enseignement supérieur; et sa contribution majeure à la vie éducative, sociale, culturelle et économique de l’Irlande du Nord. Ces résultats justifient largement les ambitions de ses planificateurs et reflètent l’engagement du personnel universitaire, académique et de soutien, ainsi que les réalisations de ses étudiants. Les difficultés et les défis ne se sont finalement pas avérés insurmontables. Cependant, il est inévitable que certaines difficultés et certains défis demeurent insolubles. Les réalités quotidiennes liées à la distance qui sépare les différents campus de l’université, à la dispersion de ses sites et à l’éclatement de ses groupements universitaires sont sources de coûts financiers lourds, réduisent les synergies, érodent la satisfaction au travail et constituent un fardeau et un poids financier supplémentaires pour lepersonnel.
Remerciements
43Les auteurs remercient leurs collègues des quatre campus de l’université qui ont répondu à l’enquête et ceux qui ont accepté d’être interviewés. Nous aimerions aussi remercier le Professeur Peter Roebuck, le Professeur Lady Norma Birley et le Professeur Richard Barnett, vice-chancelier de l’Université d’Ulster. Chacun d’entre eux nous a généreusement accordé son temps afin de partager avec nous leurs réflexions. Merci aussi à Mme Elizabeth McNeill, qui a su gérer de façon experte notre enquête, et à M. Paddy McCollam, qui nous a apporté son aide pendant la phase de préparation des données. La décharge habituelle est applicable à la présente étude.
Bibliographie
Références
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Date de mise en ligne : 21/08/2008.