Introduction
1Dans les établissements d’enseignement supérieur, l’enseignement et la recherche ont toujours entretenu des rapports conflictuels (Vidal et Quintanilla, 2000). On n’a pas encore réussi à bien doser ces deux activités. Il a été mis en évidence un certain nombre de facteurs qui influent sur ces rapports et qui incitent les établissements ou leurs collaborateurs à privilégier plutôt la recherche ou plutôt l’enseignement. Le problème toutefois n’est pas celui du temps consacré à telle ou telle activité, sauf dans l’hypothèse où l’attention accordée à l’une d’entre elles se traduit par une baisse de qualité pour l’autre. Et c’est précisément ce point qui fait problème.
2Dans le cas de l’Espagne, la structure du système universitaire fait qu’il est impossible à une personne de consacrer tout son temps à la recherche. Le corps enseignant est contraint de lier cette activité à une activité d’enseignement (au niveau du premier cycle, soit dit en passant). En d’autres termes, le personnel universitaire n’a d’autre choix que de consacrer une part importante de son temps, d’ailleurs soumis au contrôle de l’établissement, à l’enseignement. En réalité, c’est même la seule partie de son emploi du temps qui soit soumis au contrôle de l’établissement. C’est pour cette raison que le problème du dosage entre recherche et enseignement présente un intérêt particulier dans le cas de l’Espagne.
3Mais d’autre part, l’un des facteurs majeurs qu’il convient de prendre en compte si l’on veut introduire des changements et des améliorations dans l’activité des universités est la motivation individuelle des membres du corps enseignant, qui sont les principaux agents de ces établissements. La motivation individuelle est affectée par divers facteurs, notamment par les perspectives d’avancement et d’augmentation de salaire. En Espagne, la manière dont on s’y est pris pour peser sur ces deux facteurs a fait passer un message dépourvu d’ambiguïté : la recherche est plus importante que l’enseignement. Il s’agit donc bien d’une politique explicite et non d’un simple sentiment ressenti par les universitaires. Ce message transparaît, nous allons le voir, dans le modèle adopté pour 1) la promotion du personnel enseignant, 2) l’évaluation de l’enseignement et 3) l’évaluation de la recherche.
4Enfin, un dernier facteur mérite d’être analysé. La recherche est importante pour le dispositif national en matière de sciences et de technologie ; le pouvoir d’attraction de ce système, notamment au niveau des ressources, est d’un intérêt majeur pour le corps enseignant universitaire. Il se traduit non seulement par une amélioration des infrastructures, mais aussi par des augmentations de salaire.
5Quand le système scientifique et technologique de l’Université s’étoffe de manière significative, ce qui est le cas en Espagne, les tensions entre enseignement et recherche s’aggravent à mesure qu’augmentent leurs exigences respectives en matière de ressources humaines et d’implication du personnel. Le problème à ce niveau consiste à concilier d’une part la nécessité d’augmenter et d’améliorer les activités pédagogiques, d’autre part un certain nombre d’objectifs de la politique scientifique comme le rapprochement entre l’Université et le monde industriel ou l’amélioration de la compétitivité prévue par les programmes-cadres de l’UE.
6La politique des établissements et la politique de l’éducation sont donc affectées par les grands objectifs de la politique scientifique nationale ou européenne (et de plus, pour l’Espagne, par la politique scientifique régionale), qui s’appuient sur des dotations budgétaires substantielles et alléchantes. Compte tenu de ces réalités, les questions, épineuses, qui se posent sont les suivantes :
- La politique de l’éducation et la politique scientifique mériteraient-elles d’être coordonnées au niveau de l’Université ?
- En cas de conflit, laquelle privilégier ; donc, quelle est celle des deux qui a le plus fort retentissement sur l’économie et le bien-être d’un pays ?
7Après cette introduction générale, nous allons maintenant examiner plus en détail le cas de l’Espagne. Premièrement, nous évoquerons les grands changements intervenus dans le système universitaire espagnol et le statut du personnel universitaire. Deuxièmement, nous décrirons le système d’incitations à l’intention du personnel universitaire. Troisièmement, nous analyserons certaines des conséquences du système d’incitations.
Le contexte : quelques-uns des changements intervenus dans l’enseignement supérieur espagnol
8Au cours des deux décennies écoulées, l’Espagne a traversé une période de bouleversements qui ont affecté son système social et économique. Les changements politiques et économiques ont fortement affecté le système d’enseignement supérieur. Le fait saillant est sans aucun doute l’expansion spectaculaire enregistrée par l’ensemble du système d’enseignement supérieur. Ainsi :
- Quinze des soixante universités existantes ont été créées après 1968.
- Le nombre des étudiants a triplé au cours des deux dernières décennies et le corps enseignant a enregistré une progression comparable (même si cette progression a été stoppée à la fin des années 1990 à la suite d’une forte rupture dans la tendance démographique).
- On comptait en 1978 43 filières d’études ; on recense désormais plus de 122 filières réglementées.
- Les ressources financières affectées à l’enseignement supérieur, sont passées de 0.5 % du PIB en 1985 à 1.2 % en 1998.
- Les dépenses de R-D dans l’enseignement supérieur ont quadruplé (en monnaie constante) depuis 1982. Elles représentaient pour cette année là 22 % du total des dépenses de R-D et l’on en est maintenant à 32 %. Cette évolution va à l’encontre des objectifs de la politique scientifique pour cette période, parmi lesquels figurait la progression de la recherche en milieu industriel.
- Le nombre de publications universitaires recensées dans la base de données de l’ISI a plus que quadruplé entre 1982 et 1997 ; leur part dans le total des publications est passée pendant cette même période de 0.8 % à 2.4 %.
9Bref, on peut parler d’une progression du système en valeur absolue pour ce qui concerne les établissements, les étudiants et les cours. Le total des ressources économiques consacrées à l’enseignement supérieur a lui aussi progressé. Pour ce qui touche à la recherche, les crédits affectés à cette activité et l’implication relative des universités dans l’activité de R-D en Espagne ont également enregistré une progression. En d’autres termes, l’efficience de la recherche, notamment de la recherche universitaire, s’est améliorée.
Le contexte : statut du personnel universitaire
10Il existe deux grandes catégories de personnel universitaire : les titulaires et les non titulaires. Les universitaires titularisés bénéficient du statut de la fonction publique. Sauf pour quelques experts indépendants, qui occupent un poste à temps partiel et interviennent dans un domaine bien précis, la précarité est considérée comme un statut provisoire réservée aux débuts de carrière universitaire. Il va de soi que la majorité des enseignants non titulaires souhaitent obtenir un jour leur titularisation.
11Trois acteurs principaux interviennent sur les conditions de travail du
personnel universitaire :
Le pouvoir central fixe les salaires, les statuts, les obligations et les droits
du personnel universitaire et non-universitaire, qu’il soit titularisé ou
non. Il a mis en place en 1990 un système d’évaluation du personnel
titularisé qui influe sur son salaire et son avancement.
12Les pouvoirs régionaux. Ce sont eux qui financent les universités ; la politique du personnel adoptée par les universités est donc assujettie aux contrats financiers passés avec les pouvoirs régionaux, lesquels doivent au bout du compte régler (même indirectement) la note salariale. Par ailleurs, la nouvelle Loi universitaire ( Ley de Ordenación Universitaria, LOU), leur donne la possibilité d’accorder des augmentations aux universitaires travaillant dans les universités qu’ils patronnent. Néanmoins, ces augmentations doivent obligatoirement prendre la forme de primes liées à une évaluation, et non d’une augmentation du salaire de base, dans la mesure où la loi espagnole dispose que ce salaire doit être uniforme sur tout le territoire.
13Les universités fixent le nombre et le profil des postes dans l’ensemble de leurs départements, ainsi que les dispositions régissant l’avancement (dans le cadre de la réglementation globale adoptée par le pouvoir central). Elles ont à assurer l’évaluation pédagogique du personnel enseignant.
14En résumé, même si les universitaires espagnols travaillent au sein d’universités autonomes, ils ont un barème salarial uniforme fixé par le pouvoir central. Des augmentations sont toutefois envisageables, à partir d’évaluations réalisées à l’échelon du pouvoir central, de la région et de l’établissement. Ce système complexe revêt une grande importance, non pas tant par les augmentations, qui sont modestes, mais par le fait qu’il représente la seule incitation réglementaire au sein d’un système très uniformisé inspiré du modèle napoléonien de l’Université.
15Les universités sont théoriquement toutes axées sur la recherche. Cela signifie que l’on attend des universitaires une activité dans les deux domaines. Dans la réalité, les universitaires consacrent 46 % de leur activité à l’enseignement, 41 % à la recherche et 13 % à diverses activités, dont les tâches administratives (INE, 1991). Il en découle, fort logiquement, une tension entre les deux activités.
16Le salaire universitaire de base est plus faible que dans d’autres pays européens (Enders, 2001). Pour contrebalancer ce niveau comparativement bas, le système permet officiellement aux universitaires (même sur un poste à plein-temps) de se faire rémunérer pour des activités de complément. Le personnel est autorisé à négocier avec des entités publiques et privées certaines prestations particulières telles que l’enseignement spécial (formation continue par exemple), l’activité de conseil, les contrats de recherche appliquée, etc. C’est l’université qui signe les contrats correspondants, sur le montant desquels elle prélève un pourcentage modique au titre des coûts fixes, pour ensuite rémunérer les universitaires aux conditions convenues. Cette activité marchande est surtout le fait d’universitaires travaillant dans un domaine orienté vers le marché et elle peut permettre aux plus dynamiques de doubler leurs gains. Il n’existe toutefois pas de données permettant d’en évaluer l’incidence moyenne sur les gains des universitaires.
Évaluation du personnel universitaire
17Dans les universités espagnoles, plusieurs mécanismes permettent d’évaluer individuellement l’activité du personnel universitaire (Mora, 2001). On a d’une part les procédures nationales d’évaluation, les procédures régionales et les initiatives de certains établissements. On a d’autre part des procédures destinées à évaluer l’enseignement, la recherche et la prestation de services. Le développement qui suit évalue le système actuellement en place.
Système national d’évaluation
18Au début des années 1990, le pouvoir central a mis en place une formule de sanction positive de la productivité afin de promouvoir l’implication du personnel universitaire titulaire dans l’enseignement et la recherche. Depuis 1990, l’activité d’enseignement et de recherche du personnel permanent fait l’objet d’évaluations périodiques. L’organisation en est variable et traduit l’importance accordée à chacune des activités. L’évaluation ne sert pas uniquement à porter des jugements ou à comparer des situations. Elle permet également de modeler le système. C’est l’un des outils dont dispose la puissance publique pour expliciter d’une certaine manière les objectifs de sa politique.
19Il existe deux types d’évaluation individuelle :
L’évaluation de l’enseignement. L’activité pédagogique du personnel
universitaire titulaire fait l’objet d’une évaluation tous les cinq ans. Des
résultats positifs se traduisent par une augmentation permanente du
salaire. A de rares exceptions près, les évaluations sont positives (Maltras
et al., 1998 ). Il existe une explication très simple à ces résultats
« brillants ». L’évaluation est une procédure que la loi rend obligatoire,
mais ce sont les universités qui la pratiquent. Arguant de l’absence de
normes fiables en matière d’évaluation pédagogique, les universités (qui
s’autogèrent) refusent de « pénaliser un collègue ». Mais ce point mis à
part, l’élément clé de ce type de comportement tient semble-t-il au fait que
dès le départ les pouvoirs publics ont décidé, sans le dire explicitement,
d’utiliser le système d’évaluation pour améliorer l’ensemble des salaires
du corps enseignant. La formule n’est désormais plus qu’une simple
formalité et une prime à l’ancienneté déguisée. Le nombre d’évaluations
positives est limité à cinq, de sorte que les augmentations cessent au bout
de 25 ans de carrière. Le montant du bonus est fonction du niveau
hiérarchique et oscille entre 1 200 et 1 500 € par an.
20Évaluation de la recherche. L’évaluation individuelle des activités de recherche passe par deux formules. D’une part, les dossiers de demande de crédits publics pour un projet de recherche font l’objet d’une évaluation a priori et a posteriori, le financement n’étant accordé qu’aux projets répondant à certaines normes de qualité. La deuxième formule intéresse exclusivement les enseignants titulaires (le personnel universitaire non titulaire fait l’objet d’une évaluation, officielle et officieuse, au cours du processus de promotion). Ce sont des commissions d’experts intervenant par champ disciplinaire qui assurent l’évaluation individuelle. Par « tranches » de six ans, les enseignants peuvent présenter à la commission correspondante les travaux qu’ils jugent pertinents et en espérer une évaluation positive. La procédure est toutefois relativement stricte et les « périodes de recherche » font souvent l’objet d’évaluations négatives.
21Le fait pour un enseignant de voir sa période de recherche de six ans sanctionnée positivement lui vaut une prime salariale permanente. Là encore, le nombre d’évaluations positives est limité à six. La valeur économique de cette prime est du même ordre que celle attribuée au titre de l’enseignement. Mais dans la mesure où les critères sont plus rigoureux, l’évaluation positive prend désormais valeur de distinction et elle conditionne l’accès aux postes supérieurs. A partir de données relatives à un groupe d’universités, nous estimons qu’en moyenne l’équivalent espagnol d’un titulaire de chaire se voit attribuer moins de deux primes de recherche ; les enseignants de l’échelon intermédiaire en touchent en moyenne moins d’une ; quant aux enseignants de rang inférieur, ils sont très rares à bénéficier d’une prime.
22Une nouvelle loi, promulguée fin 2001, ajoute un intérêt supplémentaire à l’évaluation de la recherche. C’est ainsi que pour participer à une commission d’évaluation pour le recrutement du personnel il faut avoir obtenu une prime de recherche (modulée en fonction du rang hiérarchique. Un nouveau projet intéressant les études doctorales prévoit que pour enseigner à ce niveau ou faire partie d’un jury de thèse il faut obligatoirement bénéficier de cette prime.
Évaluations régionales
23L’ancienne loi habilitait les Conseils sociaux des universités à mettre en place un dispositif d’incitations individuelles. Il a fallu attendre la fin des années 1990 pour voir certains Conseils sociaux se mettre d’accord avec les autorités régionales sur un nouveau système de primes récompensant les résultats individuels. Ce sont les autorités régionales du Pays basque, de la Navarre et des Iles Canaries qui ont entamé le processus (il s’agit, notons-le en passant, de régions dotées d’un statut budgétaire particulier, dans lesquelles les pouvoirs publics ont une marge d’initiative plus importante). Le modèle différait d’une région à l’autre, mais il prévoyait essentiellement trois catégories de primes intéressant respectivement la recherche, l’enseignement et la prestation de services. L’évaluation de la recherche prêtait peu le flanc à la critique, mais là encore l’évaluation de l’enseignement était plus controversée. Globalement, le modèle utilisé pour l’évaluation de l’enseignement s’appuyait sur une notice rédigée par l’enseignant pour présenter ses activités pédagogiques. A partir de critères préalablement convenus, l’enseignant se voyait attribuer pour chacune d’entre elles un certain nombre de points, l’obtention d’une ou plusieurs « primes pédagogiques » étant fonction du total des points. Il était relativement aisé d’accéder à la première, voire à la seconde prime, mais ensuite le dispositif récompensait les enseignants les plus dévoués à leur tâche. Au niveau régional, il a également été mis en place des primes sanctionnant les services rendus, mais il s’agissait de gratifications spéciales réservées aux universitaires du sommet de la hiérarchie et elles n’étaient pas assorties d’une évaluation.
24Le nouveau texte donne pouvoir aux autorités régionales (et non plus aux Conseils sociaux des universités) d’instaurer des primes de résultats liées à une évaluation individuelle. Les régions autonomes sont toutes en train d’adopter ce dispositif. Les mécanismes envisagés sont parfois plus complexes, mais l’approche reste toujours la même : des primes fondées sur l’évaluation de la recherche, de l’enseignement et des services. On peut se référer ici à l’exemple des Iles Canaries (région déjà familiarisée avec le processus). Le nouveau dispositif prend en compte les trois volets de l’activité universitaire et prévoit pour chacun d’entre eux un seuil à atteindre. Le seuil correspond à un total de points obtenus dans un classement auquel sont soumises toutes les université. Pour ce qui touche à l’enseignement, le « panier » regroupe l’auto-évaluation des activités, l’évaluation réalisée par les départements et les résultats de l’évaluation des étudiants. Ce dispositif prévoit une prime salariale annuelle d’un montant maximal de 9 000 € pour les enseignants qui atteignent ce seuil dans les trois secteurs d’activité.
Évaluations internes à l’établissement
25Nous avons vu précédemment que les établissements doivent assumer l’évaluation du personnel enseignant titulaire dans le cadre du dispositif national. Mais en fait il n’y a pas d’évaluation véritable. A côté de ce mécanisme avorté, la plupart des universités ont mis en place un système d’enquête auprès des étudiants. Les étudiants donnent tous les ans une appréciation sur chaque professeur et sur chaque cours. Les résultats d’ensemble en sont rendus publics, mais seuls les enseignants concernés et l’université elle-même ont accès aux résultats individuels. Le recours aux enquêtes reste controversé, car l’interprétation des résultats soulève de nombreux problèmes méthodologiques. Il n’en a pas moins deux effets positifs : 1) il permet aux universités de détecter l’existence de difficultés liées soit au manque d’aptitudes pédagogiques de l’enseignant, soit à un conflit entre enseignant et étudiants ; 2) il influe sur l’attitude des enseignants en les incitant à tout le moins à s’acquitter de leurs obligations de base en matière d’enseignement ; et dans bien des cas sur la manière dont les enseignants se comportent vis-à-vis de ces obligations. L’absence d’effets visibles n’en donne pas moins à la plupart des acteurs (étudiants et enseignants) le sentiment d’une inefficacité totale du processus. Ce scepticisme est préjudiciable, car les étudiants ont tendance à ne plus prendre ces enquêtes au sérieux si bien que les résultats n’ont plus la fiabilité souhaitable.
Évaluation pour l’avancement
26Outre ce dispositif spécifique, il existe une autre très bonne occasion d’évaluer le corps enseignant universitaire, celle du recrutement. La structure du corps enseignant est conçue en Espagne de manière à répondre aux besoins des universités en matière d’enseignement. En témoigne le taux d’encadrement de 17-19 étudiants par enseignant, qui n’a pas varié au cours des 15 dernières années. On peut dire que toute création de poste correspond à un cours ou à une filière spécifiques. Mais le processus de sélection valorise davantage la qualité des travaux de recherche que les qualifications pédagogiques, et ce point figure explicitement dans la réglementation relative à cet examen. Il existe ici semble-t-il un certain hiatus entre les besoins et les critères d’évaluation.
Conclusions
27La question posée : faut-il coordonner la politique de l’éducation et la politique scientifique au niveau des universités ? n’est pas une question facile. Comment concilier l’objectif d’universalité et la nécessaire prise en compte des besoins socio-économiques de l’environnement local ? Toutefois, ces questions se posent dans un contexte universitaire – le contexte espagnol – qui est très dynamique. La croissance du système au cours des deux dernières décennies a engendré l’apparition de certains déséquilibres. C’est le cas en particulier pour l’enseignement et la recherche.
28Au cours des deux décennies écoulées, les universités espagnoles ont été confrontées à deux grandes demandes : une demande sociale de formation supérieure et une demande d’intensification de la recherche universitaire, émanant des politiques pour la science. 1) Nous disposons des éléments suffisants pour dire que des réponses sont apportées à ces deux demandes. 2) Nous disposons par ailleurs d’éléments attestant d’une amélioration de la qualité de la recherche. Mais 3) ce qui nous fait défaut, ce sont les preuves d’une amélioration de la qualité de l’enseignement.
29Même si l’évaluation systématique des enseignants, aussi bien pour l’enseignement que pour la recherche, peut être considérée comme positive, le fait que ses critères privilégient l’activité de recherche introduit une distorsion car elle accorde davantage d’importance à la recherche qu’à l’enseignement dans la carrière universitaire, comme on le voit fréquemment dans d’autres systèmes universitaires.
30Il n’existe pas de moyen facile pour garantir à la fois la qualité de l’enseignement et celle de la recherche. Mais parmi les conditions qui pourraient permettre au système espagnol de trouver l’équilibre, on peut citer :
- Sous une forme ou sous une autre, la reconnaissance des mérites pédagogiques.
- La définition du rôle de l’Université au sein du système scientifique, technologique et industriel espagnol, caractérisé par la petite et moyenne entreprise. Si notamment la recherche universitaire est indispensable à la politique scientifique, possibilité devrait être donnée aux universités de recruter un personnel spécialisé affecté exclusivement à la recherche.
- Une conciliation entre l’autonomie des universités et des régions et la nécessité de coordonner l’ensemble du système.
31En résumé, le dispositif d’évaluation individuelle de l’enseignement et de la recherche tend de fait à privilégier l’activité de recherche et par conséquent à pénaliser l’enseignement, ce qui n’est pas souhaitable. Mais le phénomène se manifeste au sein d’un système d’enseignement supérieur qui, comme on l’a vu, enregistre une croissance spectaculaire, notamment en ce qui concerne la demande d’enseignement.
Bibliographie
Références
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Date de mise en ligne : 01/01/2006.