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Article de revue

La politique étrangère américaine, en dehors des sentiers battus : Les États-Unis au Sud Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie), de Bill Clinton à Barack Obama

Pages 69 à 92

Notes

  • [1]
    Julien Zarifian est maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise (UCP) et chercheur au CICC (Civilisations et identités culturelles comparées des sociétés européennes et occidentales), UCP.
  • [2]
    Dans cet article, nous entendons par « politique étrangère des États-Unis », l’ensemble des décisions et actions des autorités américaines à l’égard d’un État étranger. Les initiatives privées, d’entreprises ou d’ONG américaines, de même que le soft power américain (c’est-à-dire la capacité des États-Unis à persuader ou influencer un acteur international sans avoir recours à la coercition, en particulier par le biais de l’influence culturelle) ne seront donc pas abordés ici, à moins qu’ils ne soient impulsés ou soutenus par l’État fédéral.
  • [3]
    BRICS, acronyme pour « Brazil–Russia–India–China–South Africa », est une organisation politique internationale rassemblant les cinq principaux pays émergents.
  • [4]
    Notons que, en plus des raisons d’ordre essentiellement géostratégiques que nous abordons dans cette partie, des éléments de politique et de géopolitique interne aux États-Unis, et notamment le fait que plusieurs lobbies américains défendent des intérêts liés au Sud Caucase, accentuent encore l’importance de la région vu de Washington. Nous évoquerons notamment le lobby arméno-américain dans la seconde partie de cet article.
  • [5]
    Intellectuel américain né en Pologne en 1928, Zbigniew Brzezinski a été Conseiller à la sécurité nationale du président Carter et est toujours influent parmi les cercles démocrates.
  • [6]
    Z. Brzezinski, Le grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde, Hachette Littérature, Paris, 1997, 273 pages, p. 59.
  • [7]
    Voir entre autres : J. H. Mackinder, “The Geographical Pivot of History”, The Geographical Journal, Volume XXIII, N° 4, Avril 1904, pp. 422 à 444; et Z. Brzezinski, Le Grand Échiquier op. cit.
  • [8]
    C. S. Gray, “The Continued Primacy of Geography”, Orbis, N° 40, printemps 1996, p. 258. Notons que l’auteur de cet article, célèbre professeur de politique internationale et d’études stratégiques américano-britannique, a lui-même été conseiller du président Reagan.
  • [9]
    S. Chautard, L’indispensable de la géopolitique, Studyrama, Paris, 2006, 319 pages, p. 26.
  • [10]
    G. O. Tuathail, “Putting Mackinder in his place: Material transformations and myth”, Political Geography, Vol. 11, N° 1, January 1992, pp. 100-118, p. 101.
  • [11]
    À tel point que l’on fait souvent référence à un des programmes emblématiques de l’Union européenne dans la région, le programme TRACECA (Transport Corridor Europe Caucasus Asia) comme la « Nouvelle Route de la soie ».
  • [12]
    B. Shaffer, “Iran’s Role in the South Caucasus and Caspian Region: Diverging Views of the U.S. and Europe”, in Iran and Its Neighbors: Diverging Views on a Strategic Region, German Institute for International and Security Affairs, Berlin, 2003, pages 17 à 22, p. 17.
  • [13]
    D. Helly, « EU Policies in the South Caucasus », Conférence : L’Europe et le Caucase du sud, CERI/OTAN/Ambassade de France à Bakou, Bakou, 11 juin 2001, 6 pages, p. 5.
  • [14]
    Sur les relations irano-arméniennes et irano-azéries, voir notamment : J. Zarifian, “Christian Armenia, Islamic Iran: Two (Not So) Strange Companions”, Iran & the Caucasus, Vol. 12, N° 1, 2008, pp. 123 à 152, et J. Zarifian, « L’Azerbaïdjan post-soviétique, entre les États-Unis et la Russie », Défense Nationale, octobre 2008, pp. 57 à 65.
  • [15]
    « Les États-Unis doivent se ‘préparer à toute éventualité’ », Le Figaro, 18 janvier 2007.
  • [16]
    Même si, à ce jour, le problème du terrorisme islamiste demeure entier, notons que le président Obama a officiellement « banni » le terme et le concept de « Global War On Terror » en avril 2009. Cf. H. Maher, “The End of the War on Terror”, RFE/RL, 16 avril 2009.
  • [17]
    R. Mathey, « La stratégie américaine en Azerbaïdjan », Hérodote, N° 129, 2008, pp. 123 à 143, p. 124.
  • [18]
    S. Bagirov, “Azerbaijani Oil: Glimpse of a Long History”, Perception Journal of International Affairs, June-August 1996, Vol. 1, N° 2, en ligne : www.mfa.gov.tr/grupa/percept/i2/I2-3.htm.
  • [19]
    S. Tesson, « À Bakou, paradis de l’or noir », Le Figaro, 30 janvier 2007.
  • [20]
    Turab Gurbanov, Le pétrole de la Caspienne et la politique extérieure de l’Azerbaïdjan, Tome 1, Questions Économiques et Juridiques, L’Harmattan, Paris, 2008, 303 pages, p. 76.
  • [21]
    Cf., par exemple : F. Hill, « Une stratégie incertaine : la politique des États-Unis dans le Caucase et en Asie centrale depuis 1991 », Politique Étrangère, 2001/1, pp. 95 à 108, p. 101 ; “U.S. Says Aliyev, Kocharyan Must Show ‘Political Will’”, RFE/RL, 23 juin 2006; E. Tariverdiyeva, “U.S. and Azerbaijan connected by many interests, including security interests: Matthew Bryza”, Trend News, 12 août 2009.
  • [22]
    Pour une présentation détaillée de l’aide financière américaine à l’Arménie, Cf. : J. Zarifian, « L’aide financière américaine à l’Arménie : tenants, aboutissants, signification », in Revue arménienne des questions contemporaines, n° 5, septembre 2006, pp. 6 à 17.
  • [23]
    J. Nichol, “Armenia, Azerbaijan, and Georgia…”, op. cit., p. 25.
  • [24]
    J. Zarifian, « L’aide financière américaine à l’Arménie… », art. cit., p. 10.
  • [25]
    Les Arméniens des États-Unis représentent un à deux millions de personnes (dont un nombre non négligeable d’Arméniens d’Arménie, arrivés depuis la fin des années 1980) et sont notamment organisés en deux groupes de pression, l’Armenian National Committee of America (ANCA) et l’Armenian Assembly of America (AAA), actifs et bien implantés à Washington. Sur leur impulsion, s’est créé en 1995 au Congrès un Armenian Caucus, plus ou moins équivalent aux « groupes d’amitié » au parlement français. Il compte à ce jour environ 160 membres sur 435 Représentants (il n’y a pas de caucus arménien officiel au Sénat). Ces parlementaires se font le relais des requêtes arméniennes auprès de leurs collègues. Ils cherchent notamment à obtenir, tous les ans, des crédits importants pour l’Arménie. Ils se manifestent aussi régulièrement afin de voir les États-Unis reconnaître officiellement le génocide des Arméniens de 1915, de soutenir l’Arménie dans le conflit du Karabagh, ou encore d’inciter la Turquie à ouvrir sa frontière avec l’Arménie.
  • [26]
    “Armenian president receives coordinator of U.S. assistance to European and Eurasian countries”, Armenpress, 15 mai 2008.
  • [27]
    “U.S. Cuts Millennium Challenge Aid To Armenia Over Worsening Democratic Practices”, Asbarez, 11 juin 2009.
  • [28]
    Cf. par exemple : J. Vaïsse, « États-Unis: le temps de la diplomatie transformationnelle », Cahiers de Chaillot, Décembre 2006, n° 95, 122 pages.
  • [29]
    L. A. Mitchell, “Viewing Georgia, Without the Rose-Colored Glasses”, New York Times, 25 septembre 2008.
  • [30]
    G. Kessler, “Oil Wealth Colors the U.S. Push for Democracy”, Washington Post, 14 mai 2006.
  • [31]
    “Rice says Britain has plan for Georgia NATO bid”, Reuters, 26 novembre 2008.
  • [32]
    “Georgia to withdraw all of its troops from Iraq”, AFP, 9 août 2008.
  • [33]
    N. P. Walsh, “The U.S. and Azerbaijan”, The Hindu, 3 juillet 2004; “Iran is not Worried by US Radar Stations in Azerbaijan”, Today.az, 7 février 2006; “US Working to Boost Sea Forces in Oil-rich Caspian: Envoy”, caucaz.com, 22 septembre 2005.
  • [34]
    “Caspian Guard”, Globalsecurity.org, http://www.globalsecurity.org/military/ops/caspian-guard.htm.
  • [35]
    T. Gularidze, “U.S. Boosts Successful Military Cooperation with Georgia”, Civil Georgia, 5 août 2004.
  • [36]
    Entretien de l’auteur avec Henri Jacolin, co-président français du Groupe de Minsk de l’OSCE de 2002 à 2004, Paris, 12 février 2009.
  • [37]
    Th. Goltz, Azerbaijan Diary: A Rogue Reporter’s Adventures in an Oil-Rich, War-torn, Post-Soviet Republic, New York, 1999, 496 pages, p. 252.
  • [38]
    R. Mathey, « La stratégie américaine en Azerbaïdjan », art. cit. p. 128.
  • [39]
    M. Kuser, “US Flip-Flops on Caspian Gas”, BusinessWeek, 25 septembre 2007.
  • [40]
    F. Hill, « Une stratégie incertaine : la politique des États-Unis dans le Caucase et en Asie centrale depuis 1991 », Politique Étrangère, 2001/1, pp. 95 à 108, p. 95 ; et F. Encel et O. Guez, La Grande Alliance, De la Tchétchénie à l’Irak : un nouvel ordre mondial, Champs – Flammarion, Paris, 2003, 310 pages, pp. 25-26.
  • [41]
    Cf. notamment: M. Howard, “The Prudence Thing: George Bush’s Class Act”, Foreign Affairs, novembre/décembre 1998.
  • [42]
    « Washington tend la main au panturquisme », Bulletin d’information UGAB, Numéro 73, samedi 8 février 1992.
  • [43]
    Établie en 1993 notamment par Anthony Lake, proche conseiller du président Clinton, cette première doctrine post-monde bipolaire est fondée sur deux grands principes : élargir l’espace démocratique ainsi que l’espace du libre-échange et s’engager physiquement et diplomatiquement pour soutenir cet élargissement. D’inspiration idéaliste, la Doctrine Clinton a en commun avec les stratégies étrangères des administrations George W. Bush la promotion de la démocratie dans le monde. Thème traditionnel de la diplomatie des administrations démocrates, la promotion de la démocratie s’accompagne ici d’une volonté affirmée d’élargir l’OTAN et d’y intégrer les pays issus du bloc communiste.
  • [44]
    E. Sherwood-Rendall « US Policy and the Caucasus », Contemporary Caucasus Newsletter, The Berkeley Program in Soviet and Post-Soviet Studies, Issue 5, Spring 1998, pp. 3 and 4.
  • [45]
    M. T. Klare, Blood and oil, The dangers and consequences of America’s growing dependency on imported petroleum, Metropolitan Books, Henry Holt and company, New York, 2004, 265 pages, p. 133.
  • [46]
    Formule du vice-président Dick Cheney, de 2003.
  • [47]
    F. Hill, « Une stratégie incertaine…», art. cit., p. 101.
  • [48]
    “Caucasus: U.S. Says Aliev, Kocharyan Must Show ‘Political Will’”, RFE/RL, 23 juin 2006.
  • [49]
    “Bureau of European and Eurasian Affairs”, Site web du Département d’État, www.state.gov/p/eur/index.htm.
  • [50]
    “Philip Gordon: US Support EU Project Eastern Partnership”, Turan, 21 mars 2011.
  • [51]
    G. Minassian, « Caucase du sud : les enjeux de la coopération régionale », Politique Étrangère, N° 3, 2004, pp. 715-731, p. 727.
  • [52]
    “Weapons Deals With Iran Spur U.S. Sanctions”, Reuters, May 9, 2002.
  • [53]
    Voir par exemple: H. R. Clinton, “Remarks With Russian Foreign Minister Sergey Lavrov After Their Meeting”, US State Department, Europe and Eurasia, Washington, DC, 7 mai 2009.
  • [54]
    R. Gorgiladze, “The new silk road: energy, regional security and democratization in the Caucasus and Central Asia”, Contemporary Caucasus Newsletter, The Berkeley Program in Soviet and Post-Soviet Studies, Issue 5, Spring 1998, pp. 18-19.
  • [55]
    G. Libaridian, “Change and continuity in Armenia today”, Contemporary Caucasus Newsletter, The Berkeley Program in Soviet and Post-Soviet Studies, Issue 5, Spring 1998, pp. 8 to 12, p. 8.
  • [56]
    Z. Baran, “The Baku-Tbilisi-Ceyhan Pipeline: Implications for Turkey”, in S. F. Starr and S. E. Cornell (dir.), The Baku-Tbilisi-Ceyhan Pipeline: Oil Window to the West, Central Asia-Caucasus Institute and Silk Road Studies Program, Washington DC/Uppsala, 2005, 150 pages, pp. 103 à 118, p. 107.
  • [57]
    J. Cherian, “The Baku-Tbilisi-Ceyhan pipeline is part of a grand U.S. strategy to isolate Russia and secure guaranteed supplies of oil and gas from the Caspian region”, Frontline, Volume 22, N° 13, Jun 18 - Jul 01, 2005.
  • [58]
    M. K. Bhadrakumar, “Pipeline deal is sweet music for Iran”, Asia Times, 15 juillet 2009.

1La politique étrangère des États-Unis [2] au Sud Caucase, ensemble composé des républiques d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie indépendantes de l’URSS depuis 1991, fait partie de ces sujets qui interpellent en général assez peu les chercheurs, en particulier occidentaux. Le Sud Caucase est une zone géographique que l’on pourrait qualifier « d’intermédiaire » vu d’Europe ou des États-Unis, c’est-à-dire une zone que l’on sait d’importance géopolitique, au moins relative, mais pas assez sous le feu des projecteurs pour véritablement en faire un champ d’études qui compte dans le paysage académique et intellectuel. De même, la politique qu’y mènent les États-Unis est supposée active, mais manque sans doute d’« éclat », ou peut-être de « coups d’éclat », pour que les chercheurs, intellectuels ou journalistes, en dehors des pays sud caucasiens, s’y intéressent en profondeur.

2Pourtant, beaucoup de choses se passent au Sud Caucase, tant en matière de géopolitique interne (la région est parsemée de conflits qui l’agitent sporadiquement depuis la chute de l’URSS, les « transitions » démocratiques y sont difficiles, un des trois pays, l’Azerbaïdjan, est producteur de pétrole et de gaz, etc.), que s’agissant des relations entre les grandes puissances régionales ou mondiales et les trois républiques. Et la politique déployée dans la région par les États-Unis est dynamique, multi vectorielle et non dénuée d’intérêts stratégiques. Cette politique vise l’implantation géopolitique et, s’il demeure délicat de parler de « stratégie » américaine au Sud Caucase vu qu’elle n’est vraisemblablement pas pensée et construite à Washington par une personne ou un organe, ni scrupuleusement coordonnée par les différents pôles qui la façonnent, elle atteint un bon niveau de cohérence et même d’efficacité.

3Au final, le cas sud caucasien permet un regard original sur la politique extérieure des États-Unis, souvent évaluée, ces dernières années, uniquement à l’aune de quelques dossiers emblématiques comme l’Irak et l’Afghanistan (ou plus généralement la « Guerre globale contre la terreur » du président George W. Bush) ou les relations avec les BRICS [3].

4L’objectif principal de cet article sera donc de présenter la politique américaine au Sud Caucase, en insistant notamment sur ses raisons, c’est-à-dire l’intérêt géopolitique du Sud Caucase vu de Washington, ses principales manifestations depuis 1991, et ses évolutions ces vingt dernières années.

Le Sud Caucase vu de Washington et les enjeux de la politique américaine régionale

5Il est particulièrement difficile d’évaluer l’importance géopolitique d’un pays ou d’une région pour un autre État, dans la mesure où cette « importance » est difficilement mesurable, fait intervenir un nombre considérable de paramètres, est potentiellement évolutive, et dépend de l’appréciation et des sensibilités des autorités politiques ou intellectuelles qui l’évaluent. Toutefois, un certain nombre de caractéristiques, liées en particulier au Sud Caucase ainsi qu’à l’environnement géopolitique international [4], donnent d’emblée à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan et à la Géorgie une signification particulière vu de Washington. Non pas que le Sud Caucase soit d’une importance vitale dans la stratégie mondiale des États-Unis, mais l’importance « secondaire » ou « relative » de la région pour la superpuissance américaine est néanmoins bien réelle et la rend incontournable.

Le Sud Caucase : une position géostratégique et un parcours historique singuliers

6La première caractéristique qui fait du Sud Caucase une zone d’importance géopolitique non négligeable vu de Washington découle de l’ancrage géo-historique de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie en Eurasie. L’Eurasie, ce gigantesque territoire dont Zbigniew Brzezinski [5] expliquait en 1997 qu’il concentrait à lui seul 75% de la population du globe, 60% de son produit national brut et 75% de ses ressources énergétiques [6], est généralement considéré outre-Atlantique comme essentiel à l’équilibre et à la sécurité du monde. C’est notamment ce même Zbigniew Brzezinski, qui a remis au goût du jour les théories des géographes du début du XXe siècle, tels que S. Halford McKinder ou Nicholas Spykman qui, les premiers, ont présenté l’Eurasie et notamment certains de ses États « pivots » comme des zones stratégiquement importantes et qu’il faut contrôler [7]. Cette représentation géopolitique, dite « mackindérienne », du nom de son fondateur principal, est particulièrement répandue parmi les élites intellectuelles et politiques, qu’elles soient démocrates ou républicaines, et ce au moins depuis la présidence Truman [8]. Très présente pendant la Guerre froide, souvent considérée comme à l’origine intellectuelle de la Doctrine du containment (endiguement) [9], de celle du roll-back (refoulement) qui lui fait suite, ou de la stratégie de sécurité nationale reaganienne [10], la géopolitique mackindérienne résiste bien à la fin du monde bipolaire et prend même une nouvelle dimension. La chute de l’URSS laisse de nombreux territoires stratégiques vides ou quasiment vides de toute influence géopolitique et, suivant les principes mackindériens, il s’agit de zones où les grandes puissances, en particulier les États-Unis, doivent chercher à s’implanter ou, au moins, sur lesquelles elles doivent exercer un certain contrôle. Le Sud Caucase, dont la partie Est est traditionnellement intégrée au « pivot » de cet ensemble (le Heartland), y occupe une place relativement centrale et assez singulière.

7En effet, en plus d’être un espace eurasiatique, le Sud Caucase, la Transcaucasie des Russes, se trouve au point de rencontre des grands ensembles russo-slave, européen, turc-turcophone, arabo-musulman et iranien. Situés sur une des Routes historiques de la soie, les territoires au sud du Caucase ont ainsi joué, au fil de l’histoire, un rôle de corridor tant est-ouest que nord-sud, lieu de passage privilégié des échanges commerciaux et culturels entre l’Europe de Marco Polo et la Chine, la Russie tsariste et la Perse, l’Empire ottoman et les Indes, etc. [11] Depuis la chute de l’URSS, la région retrouve peu à peu sa caractéristique de zone de transit et est ouvertement envisagée comme telle par les grandes puissances qui cherchent à y jouer un rôle, en particulier les États-Unis [12], mais aussi l’Union européenne (UE) [13].

8En outre, les territoires sud caucasiens ont longtemps été un terrain d’affrontement armé de leurs grands voisins, en particulier iranien, turc et russe et continuent d’être une zone où ces derniers luttent pour l’influence. Toutefois, et bien que ces territoires ne sont, au fil de l’histoire, que très rarement indépendants des grandes puissances qui les entourent, on observe que le Sud Caucase n’est jamais vraiment pleinement ou durablement intégré à aucune d’entre elles, ces dernières peinant à s’y imposer de manière définitive. Aujourd’hui encore, l’« appartenance », notamment géopolitique mais aussi culturelle ou économique, de la région n’est pas clairement déterminée et les trois États ne font pleinement et uniquement partie d’aucun des grands ensembles sus-cités (à part l’Azerbaïdjan, qui occupe une place dans l’espace turcophone), mais sont proches et souvent liés à chacun d’entre eux.

Encercler ou affaiblir concurrents et ennemis

9D’ailleurs, c’est aussi, et peut-être surtout, dans le cadre de leurs rapports à leurs puissants voisins notamment russe, iranien et turc que les trois républiques sont envisagées à Washington. Tout rapprochement significatif avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie permet aux diplomates américains de disposer d’autant de « cartes sud caucasiennes », qu’ils peuvent abattre si nécessaire contre la Russie, l’Iran, ou dans toute recomposition de la donne géopolitique régionale.

10En effet, l’histoire et les conflits ont bâti des équilibres régionaux complexes, et les trois puissances historiques principales, la Russie, l’Iran et la Turquie, ont établi différents types de relations avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. La Russie et l’Iran, respectivement concurrente traditionnelle et ennemi affiché des États-Unis, ont notamment des intérêts significatifs dans cette région. Ils entretiennent des relations soutenues et fructueuses avec l’Arménie, aux plans politique, économique, sécuritaire et culturel, ainsi qu’avec l’Azerbaïdjan voire la Géorgie, de façon toutefois plus complexe et difficile. L’Arménie, abrite une base militaire russe sur son sol et la sécurité de ses frontières est en partie assurée par des gardes-frontières russes.

11Ainsi, tout rapprochement avec les trois républiques opéré par Washington peut être perçu comme un affaiblissement du pré-carré russe ou de l’influence régionale iranienne. Dans le cas de l’Iran, perçu aux États-Unis comme un ennemi majeur depuis plusieurs décennies et en particulier pendant la présidence de George W. Bush, il ne s’agit d’ailleurs pas uniquement de contrecarrer son influence. Prendre pied au Sud Caucase peut permettre à Washington d’isoler Téhéran de ses deux voisins du nord, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, avec lesquels l’Iran entretient des relations riches et anciennes [14]. Cela peut aussi permettre d’utiliser ces pays comme points d’ancrage dans l’éventualité –certes assez peu probable à ce stade– d’un conflit armé avec l’Iran, ou pour le surveiller (chose que les diplomates américains ne se cachent d’ailleurs pas de faire de l’Azerbaïdjan [15]).

La « Global War on Terror » et l’enjeu sécuritaire

12Cette position géo-historique et géopolitique du Sud Caucase laisse les responsables américains d’autant moins indifférents que les États-Unis mènent depuis les attentats du 11 septembre 2001 une grande offensive contre le terrorisme et les États « voyous ». Cette Global War on Terror (GWOT), chère aux administrations du président G. W. Bush [16], se déroule dans le monde entier mais en premier lieu dans le « Grand Moyen Orient », comme l’ancien secrétaire d’État Colin Powell avait labellisé cette immense région, s’étendant du Maroc au Pakistan. Les deux fronts principaux sont l’Afghanistan et l’Irak, et dans les deux cas, la situation demeure à ce jour difficile pour les États-Unis et leurs alliés qui ne sont parvenus ni à éradiquer le terrorisme, ni à stabiliser la zone. Les opérations qu’ils y mènent sont très lourdes en termes d’investissement financier et humain. Elles requièrent de pouvoir traverser, par voie terrestre ou aérienne, un certain nombre de territoires eurasiatiques afin d’acheminer à bon port matériels et troupes, de ravitailler ces dernières, de les stationner le cas échéant, etc. Les pays du Sud Caucase, qui se trouvent à quelques centaines de kilomètres de l’Irak et un peu plus de l’Afghanistan, peuvent apparaître dans ce contexte comme des bases arrière de premier plan. Ils pouvaient apparaître ainsi dans les premiers temps de la GWOT et dans les périodes de grande offensive, et peuvent toujours apparaître comme tel aujourd’hui, dans le contexte de retrait progressif des troupes américaines d’Afghanistan et de recherche de nouvelles routes de ravitaillement au nord de l’Afghanistan afin d’éviter le passage par le Pakistan, avec lequel les relations se sont considérablement dégradées ces dernières années. En outre, toujours en termes géographique et géostratégique, la capitale arménienne, Erevan, se situe à plus de 900 mètres d’altitude et constitue une sorte de « balcon » dominant le Moyen Orient, et que, en termes politiques, l’Azerbaïdjan, pays musulman majoritairement chiite, membre important de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), mais aussi laïque déclaré et proche de l’Occident, peut servir d’exemple, voire de point d’appui aux États-Unis. Le soutien azéri en Afghanistan et en Irak, que nous évoquerons plus loin, est ainsi très précieux pour les États-Unis. [17]

Pétrole et gaz caspiens

13Les hydrocarbures de la mer Caspienne et le caractère incontournable de la région pour acheminer ces ressources, mais aussi celles d’Asie centrale, vers les marchés occidentaux, sont une autre caractéristique qui la rend stratégique pour les États-Unis. La chute de l’URSS et l’indépendance des ex-républiques soviétiques, et notamment de l’Azerbaïdjan, a offert de nouvelles possibilités d’exploitation de cette richesse naturelle que l’on extrait, selon certains, aux alentours de la capitale azérie Bakou depuis avant l’ère chrétienne [18]. Lieu important d’industrialisation pétrolière à la période tsariste, sous l’impulsion de familles célèbres comme les Nobel, les Rothschild ou les Mantachev, Bakou pourvoit, au début du XXe siècle, à la moitié des besoins pétroliers mondiaux [19]. C’est l’âge d’or du pétrole lampant et les entrepreneurs de divers horizons y accumulent des fortunes considérables. La période soviétique limitera très nettement l’accès de l’Occident à cet or noir, mais Bakou restera néanmoins associée, notamment aux États-Unis, au pétrole et à l’abondance d’un or noir de bonne qualité qui permet des gains considérables à ceux qui l’exploitent. Ainsi, lorsque l’Azerbaïdjan devient indépendant de l’URSS et que quelques estimations donnent à la zone caspienne tout entière des ressources importantes prouvées et possibles [20] (depuis plusieurs fois revues à la baisse), l’enjeu devient de taille et multiforme pour les États-Unis. D’une part, il s’agit d’une source d’appoint que le plus gros consommateur de brut de la planète ne peut négliger. D’autre part, il s’agit de soutenir les compagnies pétrolières américaines, organisées en lobbies influents à Washington, et l’économie nationale. Enfin, et surtout, il s’agit de mettre à mal l’influence russe sur des dossiers qu’elle domine du fait des structures et réseaux hérités de la période soviétique.

Les politiques américaines au Sud Caucase, vecteurs de pénétration géopolitique

14Conscients de l’importance et de la place du Sud Caucase dans la politique eurasiatique de leur pays [21], les décideurs américains mettent ainsi en place, dès le début des années 1990, des politiques permettant une pénétration géopolitique de la région et des progrès assez rapides et importants en matière d’influence politique, économique et militaire s’en suivent. Le but apparent, bien que jamais officiellement avoué en ces termes par les autorités américaines, est d’affirmer peu à peu les positions des États-Unis dans la région et d’acquérir des leviers d’influence et de contrôle, qui pourraient être utilisés si besoin.

Implantation géopolitique et assistance financière

15Un des vecteurs principaux de la politique des États-Unis au Sud Caucase est l’aide financière octroyée en particulier à l’Arménie et la Géorgie. Elle s’est longtemps manifestée uniquement par l’aide annuelle directe allouée dans le cadre du Foreign Assistance Act, amendé par la Section 201 du Freedom Support Act[22] et distribuée dans sa majeure partie via l’agence USAID, rattachée au Département d’État. Depuis 2004, elle est doublée pour l’Arménie et la Géorgie du Millenium Challenge Program, programme d’aide mis en place sous l’autorité de Colin Powell, alors secrétaire d’État américain.

16Les États-Unis sont, selon les sources officielles américaines, les plus importants pourvoyeurs d’aide à l’Arménie et à la Géorgie. Ces deux pays font partie des cinq États d’Eurasie ayant reçu plus d’un milliard de dollars d’aide entre 1992 et 2005 [23] (tandis que leurs superficie et population respectives les classent parmi les plus petits pays de la région). À titre d’exemple, l’aide reçue par l’Arménie en 2003, de 89,7 millions de dollars, correspondait alors à 21,3% de son budget annuel [24]. Cette assistance soutenue témoigne sans aucun doute de l’intérêt géopolitique porté à ces deux pays par les États-Unis. Il faut néanmoins signaler le rôle significatif du lobby arménien [25] dans l’octroi de l’aide américaine à l’Arménie. Il faut aussi signaler que c’est ce même lobby qui a longtemps obtenu que l’Azerbaïdjan, en guerre avec l’Arménie pour le Haut Karabagh, conflit que nous aborderons plus loin, n’obtienne pas de crédits (hors aide humanitaire et aide aux programmes de non-prolifération et de désarmement), par la section 907 du Freedom Support Act, en vigueur de 1992 à 2002. Notons enfin que, sur l’impulsion de ce lobby, les États-Unis, prenant des libertés avec le droit international, allouent directement à la république non reconnue du Haut Karabagh une aide annuelle de plusieurs millions de dollars.

17Cette aide financière permet un rapprochement entre les États-Unis et les États concernés et donne une image positive de la superpuissance américaine auprès de ces États. Elle implique aussi une certaine dépendance de ces pays envers Washington et constitue un levier efficace pour les États-Unis qui peuvent brandir la menace, si nécessaire, de supprimer ou geler l’aide. C’est d’ailleurs ce qui a été fait après les troubles sérieux consécutifs à l’élection contestée du président arménien, Serge Sarkissan, début 2008 [26]. Une partie des avoirs du Millenium Challenge Program ont alors été définitivement gelés, alors que d’autres projets ont été maintenus et menés à bien [27].

Promotion de la démocratie et « révolutions de couleur »

18La promotion de la démocratie et du modèle politico-social américain, occupe une place importante dans la politique étrangère des États-Unis. C’est souvent un but affiché et qui semble justifier bon nombre d’actions entreprises par la diplomatie américaine. On retrouve notamment les traces de cette thématique idéaliste dans les politiques du président Bill Clinton, et les administrations du président George W. Bush, post-11 septembre 2001, en ont aussi fait un objectif majeur de leur politique étrangère [28]. Au Sud Caucase, les aides financières allouées aux trois pays, et notamment celles sous l’égide du Freedom Support Act, cherchent ainsi, pour une grande partie d’entre elles, à soutenir la démocratie, en favorisant, notamment, la réforme de l’État, la décentralisation et en impliquant la société civile. Ce soutien américain aux processus démocratiques s’est aussi manifesté lors de l’appui accordé aux « révolutions » de velours qui on eut lieu en Géorgie (2003) et en Ukraine (2005). Avec la bénédiction des autorités américaines, leur soutien au moins indirect, et l’aide d’ONG américaines, des soulèvements populaires ont abouti à la prise de pouvoir de nouveaux dirigeants politiques pro-occidentaux, marquant clairement leur volonté de s’éloigner de l’orbite de Moscou.

19Aujourd’hui, plusieurs années après ces changements de régimes, on observe, en particulier dans le cas de la Géorgie, que les États-Unis continuent de soutenir les autorités politiques qui en sont issues, et qui leur demeurent favorables, tandis que les progrès en matière démocratique n’y atteignent pas toujours leurs promesses. C’est ainsi que le moderniste et pro-américain Mikhail Saakachvili, qui est devenu président de la république en 2004 à la suite de la révolution dite des roses, continue de recevoir un soutien fort des États-Unis, bien qu’un certain nombre de pratiques ayant cours dans ce pays posent problème [29]. De même les États-Unis du président Bush n’ont pas fait grand cas des divers manquements à la démocratie constatés en Arménie et surtout en Azerbaïdjan, allié énergétique, où le pouvoir a été transféré par Heydar Alyiev à son fils Ilham en 2003 [30].

Assistance et coopération militaires

20La coopération militaire entre les États-Unis et les trois États sud caucasiens est une autre manifestation de la pénétration américaine de la région et du rapprochement progressif entre Washington et les trois républiques. Bilatérale ou via l’OTAN, elle est un des piliers des relations entre Washington et ces pays. L’Arménie envisage principalement sa sécurité dans le cadre de son alliance avec la Russie, du fait du conflit avec son voisin azéri et des relations traditionnellement difficiles avec la Turquie. Elle est ainsi membre de la « branche militaire » de la CEI, l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), qui rassemble Russie, Biélorussie, Arménie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan. Toutefois, Erevan coopère aussi avec l’OTAN et fait partie, tout comme l’Azerbaïdjan et la Géorgie, du Partenariat pour la paix (PpP) de l’OTAN et même du Plan d’action individuel pour le partenariat (IPAP), souvent considéré comme le niveau de coopération le plus poussé avant le MAP (Membership Action Plan) et l’intégration. Cependant, contrairement à leurs homologues géorgiens et azéris, les dirigeants arméniens ont toujours exprimé clairement qu’ils ne souhaitaient pas intégrer l’Organisation atlantique. La Géorgie, avant la Guerre des cinq jours d’août 2008 qui l’a opposée à la Russie, était même pressentie pour se voir octroyer un MAP, qui ouvre la porte à l’intégration totale à l’OTAN. La candidature géorgienne était jusqu’alors soutenue fortement par les États-Unis et certains pays européens. Pour les États-Unis, l’intégration à l’OTAN d’ex-satellites russes renforce leur contrôle sur ces régions et tend à limiter tout rayonnement géopolitique régional de la Russie. La Guerre des cinq jours a toutefois fait hésiter et même reculer les principaux membres de l’Alliance atlantique et a rendu l’intégration à court terme assez improbable. L’ancienne secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, a d’ailleurs affirmé fin novembre 2008 « qu’il n’y avait pas besoin, à ce stade, de discussion d’un MAP [31] » concernant la Géorgie et l’Ukraine.

21En matière de coopération militaire de terrain, les trois pays participent à la lutte contre le terrorisme menée par les États-Unis. Ils ont, dans les semaines qui ont suivi les attaques terroristes du 11 septembre 2001, ouvert leurs espaces aériens aux avions de l’armée américaine. La Géorgie et l’Azerbaïdjan ont aussi très vite envoyé des troupes en Irak et en Afghanistan (l’Arménie se contentant d’envoyer, après de longues tergiversations, 46 médecins et démineurs en Irak). Notons d’ailleurs que l’Azerbaïdjan est le premier pays à majorité musulmane à être présent sur le terrain irakien et que la Géorgie a été, un temps, le troisième plus important fournisseur de soldats à la coalition, avec environ 2 000 hommes, certes très loin derrière les États-Unis et la Grande Bretagne [32].

22Toujours au plan militaire et sécuritaire, bien que les informations sur le sujet soient très rares, des scénarios de coopération militaire poussée ont souvent été envisagés entre Washington et Bakou, en particulier concernant l’installation de radars. Selon plusieurs sources, les États-Unis contrôlent et utilisent plusieurs stations de radars en Azerbaïdjan [33], a priori dirigés prioritairement vers l’Iran. Du reste, les États-Unis sont présents en mer Caspienne, au grand dam de l’Iran, grâce à la « Garde caspienne », vraisemblablement composée de cinq patrouilleurs fournis par les États-Unis [34], et dont l’objectif officiel est d’assurer la sécurité des gisements caspiens azéris.

23Les trois républiques sud caucasiennes bénéficient aussi, bilatéralement, d’une aide financière militaire annuelle des États-Unis, qui s’élève en général à plusieurs millions de dollars, parfois plus, favorisant le rapprochement matérialisé, aussi par de nombreux échanges entre haut-gradés américains et arméniens, azéris et géorgiens, et des visites de travail. Dans ce domaine, la coopération est particulièrement développée avec la Géorgie, dont l’armée a été en partie financée et formée par les États-Unis. Le programme d’aide le plus significatif a été le Train and Equip Program de 2003-2004, poursuivi sous d’autres formes par la suite. Soixante-quatre millions de dollars ont alors été alloués sur dix-huit mois, permettant notamment la création de quatre bataillons d’infanterie légère [35].

L’engagement des États-Unis dans la résolution des conflits régionaux

24Dans le même temps, les autorités américaines ont souvent expliqué que la stabilité régionale était un des objectifs majeurs de leur politique sud caucasienne et, au plan diplomatique et politique, les États-Unis se sont aussi impliqués dans la résolution des conflits régionaux. Si leur rôle n’a pas été significatif s’agissant des conflits en Géorgie (Abkhazie et Ossétie du sud), où la Russie a du reste totalement imposé ses vues depuis la Guerre des cinq jours, en reconnaissant officiellement les deux régions sécessionnistes, Washington est directement impliquée dans la résolution du conflit du Haut-Karabagh.

25Le conflit du Haut Karabagh est un conflit ancien qui s’est réveillé à la toute fin de la période soviétique. Les Arméniens, largement majoritaires au Haut Karabagh n’ont jamais accepté que leur région soit intégrée, au tout début de la période soviétique, à la République Socialiste Soviétique (RSS) d’Azerbaïdjan et n’ont eu de cesse de réclamer leur rattachement à la RSS d’Arménie, de laquelle leur territoire était limitrophe. Moscou et l’Azerbaïdjan ont toujours refusé cette requête et ont rejeté sans équivoque les demandes des Arméniens effectuées à la faveur de la perestroïka. S’en est suivi, entre 1991 et 1994, un conflit armé entre l’Azerbaïdjan et la partie arménienne (Arméniens du Haut Karabagh soutenus par l’Arménie), qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts et environ un million de réfugiés (sans doute 700 000 côté azéri et 300 000 Arméniens).

26Depuis le cessez-le-feu de 1994, obtenu par la Russie, le conflit est dit « gelé » (bien que de nombreuses échauffourées aient régulièrement lieu sur la ligne de démarcation) et des négociations de paix sont en cours. Les pourparlers s’effectuent sous l’égide du Groupe de Minsk de l’OSCE, dont les co-présidents sont la Russie, les États-Unis et la France. Bien que les efforts du Groupe de Minsk n’aient, à ce jour, pas donné de réels résultats, les États-Unis y sont actifs et semblent y jouer un rôle constructif [36].

27De même, Washington, et en particulier l’administration Obama, se sont fortement impliqués dans le processus de normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie. Le Département d’État a notamment été très actif lors des discussions précédant la signature de protocoles entre les deux pays, à l’automne 2009. Depuis, le processus s’est considérablement ralenti, les textes n’ont pas été ratifiés et, au grand regret des États-Unis, sont devenus lettre morte. Au-delà, le dossier arméno-turc « encombre » la diplomatie américaine. Les États-Unis, pour ménager l’allié traditionnel turc ont choisi, jusqu’à ce jour, de ne pas reconnaître le génocide de 1915 commis à l’encontre des Arméniens de l’Empire ottoman, malgré les pressions du lobby arméno-américain, mais demandent régulièrement à la Turquie d’ouvrir sa frontière avec l’Arménie, qu’Ankara maintient unilatéralement fermée depuis 1993, essentiellement pour manifester son soutien à l’Azerbaïdjan au sujet du conflit du Haut Karabagh.

Le volet économique de la politique étrangère américaine au Sud Caucase

28Vu la petite taille des marchés arménien, azéri et géorgien (représentant à eux trois, selon les chiffres officiels, environ 16,5 millions d’habitants), l’intérêt économique majeur de la région réside dans ses richesses énergétiques, qu’il faut capter, produire et acheminer vers les marchés occidentaux. Les compagnies pétrolières américaines comme Amoco, UNOCAL ou Pennzoil le comprennent très vite et, à l’indépendance de 1991, elles envoient des émissaires à Bakou avant même l’ouverture de l’ambassade américaine dans cette ville [37]. L’enjeu du contrôle de l’exploitation et de l’acheminement de ces hydrocarbures est alors, pour les États-Unis, économique, mais aussi politico-diplomatique. Il s’agit pour Washington d’empêcher toute mainmise russe ou iranienne, sur ces ressources. C’est ainsi que les gouvernements Bill Clinton et George W. Bush soutiennent les entreprises américaines (et même, de manière plus générale, occidentales) dans leurs efforts pour contrôler l’exploitation des gisements caspiens et pour prendre en charge le transport des ressources produites vers l’ouest, en écartant la Russie et l’Iran. La victoire la plus significative de la diplomatie américaine dans ce domaine est, dans un premier temps, la signature du « contrat du siècle », en 1994, portant sur l’exploitation de gisements azéris. Les compagnies américaines prennent le contrôle de ces gisements à hauteur de 38%, tandis que la Russie, qui en était au départ exclue, parvient à en obtenir 10% via Lukoil, que cette dernière revendra par la suite [38]. Les pipelines hautement politiques BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) et BTE (Bakou-Tbilissi-Erzurum) mis en service au milieu des années 2000, constituent l’autre succès majeur des États-Unis. Bien que beaucoup aient longtemps été dubitatifs quant à leur rentabilité économique, ils brisent le monopole de Moscou et excluent aussi l’Iran. En outre, ils impliquent durablement les États-Unis dans la région et matérialisent les rapprochements avec l’Azerbaïdjan et la Géorgie, que ces pipelines traversent. Enfin, le projet Nabucco qui vise à bâtir un nouveau pipeline qui relierait directement le gaz caspien et d’Asie centrale à l’Europe occidentale est soutenu par les États-Unis, dont un des buts affichés est d’empêcher toute participation iranienne [39].

Origines et continuités de la politique américaine au Sud Caucase

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Origines et continuités de la politique américaine au Sud Caucase

29Ces différentes politiques menées au Sud Caucase par les États-Unis leur ont permis de nets rapprochements avec les trois États de cette région et en particulier avec la Géorgie, souvent considérée comme un allié important, voire indéfectible, de Washington. Toutefois, si les États-Unis ont véritablement pris pied dans la région, ce positionnement s’est effectué dans un climat de concurrence mais sans confrontations graves avec la Russie ni même l’Iran. Cette stratégie américaine, visant la pénétration géopolitique du Sud Caucase en évitant les à-coups et les soubresauts, a sans doute atteint sa pleine expression dans la première partie des années 2000. Elle n’est cependant pas apparue avec le président G. W. Bush et, bien que le 11 septembre n’en ait pas freiné la marche, elle n’est pas non plus une conséquence de la lutte contre le terrorisme. Ses grands traits ont été dessinés par les administrations du président Clinton et, pour l’instant, ils sont poursuivis par la présidence Obama.

L’importance des premières années suivant l’indépendance des trois républiques

30La chute de l’URSS a été un choc mondial qui a pris de cours les grandes chancelleries occidentales. Aux États-Unis, en 1991, c’est l’ensemble des relations extérieures qu’il faut repenser. Les principales interrogations portent alors sur les territoires de l’ex-Bloc de l’Est. Comment s’adapter à la nouvelle situation géopolitique eurasiatique qui voit 15 républiques indépendantes émerger de l’URSS ? Comment traiter dorénavant avec la Russie ? Comment prendre pied dans cette immense zone du globe, hautement stratégique ? Telles sont ainsi les questions qui animent les cercles politiques et intellectuels américains au début des années 1990. Alors que les relations avec l’URSS passaient systématiquement par Moscou, Washington doit maintenant établir des relations avec les nouveaux États indépendants (NEI), sur lesquels ils n’ont pas toujours une grande expertise ni d’expérience diplomatique. C’est notamment le cas pour les pays du Sud Caucase, dont les États-Unis n’ont qu’une connaissance très approximative [40].

31Pour l’administration George H. Bush, qui envisage la chute de l’URSS et l’émergence des républiques post-soviétiques avec la prudence qui la caractérise en matière de politique étrangère [41], il s’agit tout d’abord de reconnaître l’indépendance des trois républiques, d’établir des relations diplomatiques avec elles, et parfois de leur proposer des aides de type humanitaire. Vu que la zone est mal connue et déjà embrasée par des conflits durs (Haut Karabagh, Abkhazie, puis Ossétie du sud), le référent majeur demeure, dans un premier temps, la Fédération de Russie, héritière principale de l’URSS. Les États-Unis vont ainsi, d’emblée, envisager leurs rapports avec les trois républiques essentiellement dans le cadre de leurs relations avec Moscou, puis aussi, peu à peu, avec Ankara et avec Téhéran. Les objectifs importants deviennent alors de ne pas laisser la Russie prendre une importance régionale trop prédominante et de favoriser l’allié turc, pilier de l’OTAN, et qui apparaît notamment comme une tête de pont pour les États-Unis en Asie centrale turcophone [42]. Cette volonté de concurrencer la Russie dans ce qui allait être labellisé par les élites russes comme l’« Étranger proche », existe sans doute dès les premiers temps de la présidence Clinton début 1993, selon l’esprit de la Doctrine Clinton [43], mais se précise, toutefois, dans la seconde partie des années 1990 [44]. Puis, suivant cette logique, le gouvernement Clinton, en collaboration étroite avec les entreprises pétrolières américaines, va aussi envisager sa politique régionale au travers du prisme des hydrocarbures de la mer Caspienne et notamment de l’Azerbaïdjan [45].

« 9/11 changed everything[46] », mais pas vraiment la stratégie américaine au Sud Caucase

32La stratégie américaine qui se met alors en place envers le Sud Caucase est, dans son ensemble, celle appliquée à tous les NEI : les accompagner dans leur transition vers la démocratie et une économie de marché, tout en occupant l’espace géopolitique laissé vacant par la chute de l’URSS. Certes, elle devra s’adapter à certaines spécificités régionales (région pivot pour l’acheminement des hydrocarbures caspiens et centre-asiatiques, diaspora arméno-américaine très active, Géorgie en quasi-conflit permanent avec la Russie, etc.), et la lutte contre le terrorisme post-11 septembre, la feront évoluer quelque peu mais, dans les grandes lignes, cette stratégie de pénétration géopolitique reste la même jusqu’à aujourd’hui.

33Basés sur les grands principes de la Doctrine Clinton, les objectifs de l’administration Clinton pour le Caucase sont définis ainsi par Strobe Talbott, secrétaire d’État adjoint américaine de 1994 à 2001 : renforcer les réformes politiques et économiques, résoudre ou juguler les conflits régionaux, soutenir la sécurité énergétique et améliorer les possibilités commerciales pour les entreprises américaines [47]. Dix ans plus tard, en 2006, l’assistant au secrétaire d’État adjoint en charge de la région, Matthew Bryza, décrit les intérêts américains dans la région en des termes presque identiques. Il parle alors de trois séries ou types d’intérêts et place l’intérêt énergétique au premier rang suivi des questions sécuritaires (il met l’accent sur la lutte contre le terrorisme et contre la prolifération des armes, et sur la stabilité régionale) puis de la réforme démocratique et économique dans les trois républiques [48]. En 2011, le site internet du Département d’État insiste sur les mêmes points environ, en mettant en avant, toutefois, la volonté de collaborer de plus en plus avec l’UE sur le dossier sud caucasien [49]. Le secrétaire d’État adjoint Philipp Gordon résume pour sa part les intérêts américains dans la région en trois mots : démocratie, stabilité et sécurité [50].

Continuité des grands traits de la politique américaine régionale

34L’idée, certes nettement moins affichée publiquement, de pénétrer une sphère d’influence traditionnelle de la Russie et de l’Iran, et d’y affaiblir les positions de ces concurrents (voire ennemis) historiques, est aussi un objectif important pour toutes les administrations américaines, nonobstant leurs sensibilités politiques. Le Sud Caucase, dont les trois pays partagent des relations anciennes et parfois privilégiées avec ces deux acteurs régionaux, occupe une place significative, bien qu’assez peu médiatisée, dans ce « Grand jeu », place qui se maintient tout au long des années 1990 et 2000.

35Ainsi, afin de lutter contre la prolifération du nucléaire en Iran et d’éviter les échanges non-contrôlés en la matière entre la Russie et l’Iran, la dernière administration Clinton signe avec l’Arménie, en 2000, un accord de coopération afin que les États-Unis, par le biais d’inspecteurs postés aux frontières nord et sud de l’Arménie, puissent vérifier les transits de matériaux nucléaires [51]. Puis, en mai 2002, suivant cette ligne établie par son prédécesseur, mais accentuant la pression sur l’Arménie, l’administration Bush impose des sanctions à deux entreprises arméniennes accusées d’aider l’Iran à développer des armes de destruction massive, sans doute facilitant le transfert de matériaux vers l’Iran [52].

36De même, l’idée de soutenir coûte que coûte l’allié géorgien dans ses bras de fer avec la Russie ne date pas de la présidence G. W. Bush et se poursuit avec la présidence Obama. La Secrétaire d’État Hillary Clinton, a réaffirmé, en effet, à plusieurs reprises la position américaine établie par l’administration précédente sur ce dossier [53]. Toutefois, après la Guerre des cinq jours, il n’était plus question pour l’administration G. W. Bush de fournir de nouvelles armes à la Géorgie ni non plus de la soutenir dans son accession à l’OTAN, et l’équipe Obama ne se démarque pas, pour l’instant, de son prédécesseur sur ces deux points importants.

37Notons enfin que l’intérêt que recouvre le Sud Caucase dans la lutte contre le terrorisme, notamment islamiste, ne date pas de l’arrivée du président G. W. Bush au pouvoir, ni du 11 septembre 2001. Ces deux évènements l’ont certes accentué mais les États-Unis envisageaient déjà clairement le Sud Caucase comme une sorte de zone tampon pouvant contenir l’expansion de l’islam fondamentaliste avant les évènements du 11 septembre 2001 [54].

Les politiques américaines et les moyens mis en place pour les appliquer

38Si c’est bien la continuité qui caractérise les grands traits des politiques sud caucasiennes des présidents Clinton, G. W. Bush et Obama, il n’y a pas de changement structurel non plus concernant les méthodes utilisées pour les appliquer. Malgré quelques évolutions prévisibles, notamment en termes d’intensité, les grandes lignes demeurent, là encore, identiques.

39L’aide financière, par exemple, a été, on l’a vu, un outil majeur tant de la présidence Clinton que de son successeur, et le demeure aujourd’hui. S’il y a certes eu une baisse de l’aide annuelle distribuée par le Freedom Support Act et par l’USAID, cette réduction n’est pas vraiment consécutive de l’accession de G. W. Bush à la présidence (les sommes décidées par l’administration Clinton en 2000 sont sensiblement les mêmes que celles décidées l’année suivante par l’administration Bush). En outre, la création du programme d’aide Millenium Challenge par l’équipe Bush, dans lequel l’Arménie et la Géorgie ont été incluses, poursuit la logique d’aide financière accrue à ces pays, tandis que l’Azerbaïdjan en demeure exclu (officiellement du fait des problèmes démocratiques rencontrés dans ce pays).

40De même, si c’est l’administration Bush qui a supprimé la section 907 du Freedom Support Act, empêchant depuis 1992 quasiment toute aide américaine au gouvernement de l’Azerbaïdjan, à la faveur des bouleversements post-11 septembre, les administrations Clinton avaient déjà exprimé, à maintes reprises, leur volonté de le faire.

41Concernant la promotion de la démocratie et du modèle économique et social américain, force est aussi de constater que la première impulsion a été donnée par l’administration Clinton (elle trouve du reste ses racines dans l’histoire diplomatique américaine plus ancienne). Gérard Libaridian, haut fonctionnaire arménien jusqu’en 1997, explique que déjà « [p]endant [son] exercice, par exemple, les réformes démocratiques et économiques [en Arménie] étaient le souci principal de la communauté internationale, et en particulier des États-Unis. [55] » Toujours s’agissant de l’Arménie, on observe aussi que les administrations Clinton, G. W. Bush et Obama n’y ont pas favorisé de révolution de velours, alors qu’elles auraient pu, vraisemblablement le faire, notamment dans les années 2003-2005 et en 2008. De même, sans doute dans l’optique de ménager le partenaire azéri, les critiques officielles émanant des officiels américains à l’encontre des manquements en matière de démocratie du régime Aliev, ne sont traditionnellement pas virulentes.

42Enfin, la continuité prime aussi s’agissant du rapprochement OTAN-Sud Caucase ou de la politique énergétique américaine. Si, en matière de relations l’OTAN-Sud Caucase, l’impulsion principale a été donnée dans les années 1990 et en particulier dans la seconde partie de cette décennie, des étapes importantes ont été franchies sous la présidence G. W. Bush. Ainsi la Géorgie et l’Azerbaïdjan ont signé leur premier IPAP en 2005 (l’Arménie fera de même l’année suivante). Les mêmes projets énergétiques sont en général également soutenus, vraisemblablement indistinctement, par les différentes administrations qui se succèdent à Washington, de Bill Clinton à Barack Obama. Le BTC est un projet largement promu par le président Clinton lui-même, qui qualifie la signature des accords portant sur la construction du pipeline géant de « […] réussites les plus importantes de la politique étrangère américaine de l’année 1999 [56] », mais que l’administration G. W. Bush a aussi « sans cesse soutenu », pour reprendre les termes du président Bush [57]. De même, on ne note officiellement pas de divergences entre l’administration G. W. Bush et Obama sur le projet Nabucco, tant dans leur volonté que ce dernier voie le jour, que dans les termes principaux et notamment politiques du dossier. Par exemple, les deux présidences s’opposent fermement à la participation de l’Iran, en tant que producteur de gaz, au Nabucco, participation pourtant souhaitée par un certain nombre d’États parties prenantes du projet [58].

Conclusion

43La position géostratégique du Sud Caucase, ainsi que quelques autres de ses caractéristiques historiques et géopolitiques, lui donnent d’emblée, vu de Washington, une importance qui, sans être vitale, s’avère néanmoins significative. Dès l’indépendance des trois républiques de la région, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, les États-Unis vont ainsi mettre en place des politiques dynamiques et multi vectorielles afin d’y exercer de l’influence. Tout au long des années 1990 puis 2000, la politique américaine au Sud Caucase, qui vise la pénétration géopolitique de la région, a maintenu le rythme soutenu imprimé en premier par la présidence Clinton et a obtenu un certain nombre de résultats positifs, sans pour autant évincer totalement les « concurrents », russe et iranien notamment, de la scène régionale. L’aide financière américaine aux États de la région, le soutien –à géométrie variable– aux processus démocratiques, les rapprochements dans les domaines sécuritaire et énergétique, ou encore l’implication de la diplomatie américaine dans la résolution des conflits, ont permis aux États-Unis des réelles avancées sur l’échiquier sud caucasien. Ils y comptent aujourd’hui un allié dévoué, la Géorgie ; les entreprises occidentales contrôlent une part significative des hydrocarbures caspiens et des pipelines qui les transportent vers l’ouest ; et Washington a établi des partenariats forts et diversifiés avec les trois pays, et même l’Arménie, pourtant alliée stratégique de la Russie. Bien que cette dernière y conserve des leviers importants et que l’influence au Sud Caucase demeure partagée entre plusieurs grandes puissances, les États-Unis, nouveaux venus sur cette scène, s’y sont taillés en quelques années une part significative. Et ils l’ont fait de manière cohérente, sans à-coups, en se fixant des objectifs réalistes, et au moyen de politiques qui se sont inscrites dans la durée.

44Alors que la politique extérieure américaine post-11 septembre (et, un peu moins, post-monde bipolaire) est souvent évaluée à l’aune de ses échecs, réels ou perçus comme tels, en particulier en Irak, en Afghanistan, voire en Iran, envers certains des partenaires européens, sur le dossier israélo-palestinien, ou même face à la Chine, le cas sud caucasien la montre sous un jour meilleur. Si l’Irak et d’autres dossiers susmentionnés permettent de se pencher sur les raisons de l’échec d’un style de politique extérieure américaine, le Sud Caucase permet d’en explorer un autre, qui fonctionne ou, en tout cas, qui fonctionne mieux.

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  • P. Melandri et J. Vaïsse, L’Empire du Milieu, Les États-Unis et le monde depuis la fin de la guerre froide, Odile Jacob, Paris, 2001, 550 pages.
  • G. Minassian, Caucase du Sud, La nouvelle guerre froide, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Autrement, Paris, 2007, 188 pages.
  • G. Minassian, « Caucase du sud : les enjeux de la coopération régionale », Politique Étrangère, N° 3, 2004, pp. 715-731.
  • J. Nichol, “Armenia, Azerbaijan, and Georgia: Political Developments and Implications for U.S. Interests”, CRS Report for Congress, mis à jour le 19 décembre 2007, 33 pages.
  • O. Oliker et Th. Szayna, “Introduction”, in O. Oliker et Th. Szayna, Faultlines of Conflict in Central Asia and the South Caucasus: Implications for the US Army, Rand Corporation, Santa Monica, CA/ Airlington, VA/ Pittsburgh, PA, 2003, 379 pages, pp. 1 à 6.
  • A. Priego, “NATO cooperation towards South Caucasus”, Caucasian Review of International Affairs, Vol. 2, N° 1, hiver 2008, pp. 50 à 57.
  • S. Serrano, Géorgie, Sortie d’empire, CNRS Éditions : Paris, 2007, 342 pages.
  • B. Shaffer, “Iran’s Role in the South Caucasus and Caspian Region: Diverging Views of the U.S. and Europe”, in Iran and Its Neighbors: Diverging Views on a Strategic Region, German Institute for International and Security Affairs: Berlin, 2003, pages 17 à 22,
  • G. O. Tuathail, “Putting Mackinder in his place: Material transformations and myth”, Political Geography, Vol. 11, N° 1, January 1992, pp. 100-118.
  • J. Vaïsse, « États-Unis: le temps de la diplomatie transformationnelle », Cahiers de Chaillot, Décembre 2006, n° 95, 122 pages.
  • J. Zarifian, « L’aide financière américaine à l’Arménie : tenants, aboutissants, signification », in Revue arménienne des questions contemporaines, N° 5, septembre 2006, pp. 6 à 17.
  • J. Zarifian, “Christian Armenia, Islamic Iran: Two (Not So) Strange Companions”, Iran & the Caucasus, Vol. 12, N° 1, 2008, pp. 123 à 152.
  • J. Zarifian, « L’Azerbaïdjan post-soviétique, entre les États-Unis et la Russie », Défense Nationale, N° 10, octobre 2008, pp. 57 à 65.

Notes

  • [1]
    Julien Zarifian est maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise (UCP) et chercheur au CICC (Civilisations et identités culturelles comparées des sociétés européennes et occidentales), UCP.
  • [2]
    Dans cet article, nous entendons par « politique étrangère des États-Unis », l’ensemble des décisions et actions des autorités américaines à l’égard d’un État étranger. Les initiatives privées, d’entreprises ou d’ONG américaines, de même que le soft power américain (c’est-à-dire la capacité des États-Unis à persuader ou influencer un acteur international sans avoir recours à la coercition, en particulier par le biais de l’influence culturelle) ne seront donc pas abordés ici, à moins qu’ils ne soient impulsés ou soutenus par l’État fédéral.
  • [3]
    BRICS, acronyme pour « Brazil–Russia–India–China–South Africa », est une organisation politique internationale rassemblant les cinq principaux pays émergents.
  • [4]
    Notons que, en plus des raisons d’ordre essentiellement géostratégiques que nous abordons dans cette partie, des éléments de politique et de géopolitique interne aux États-Unis, et notamment le fait que plusieurs lobbies américains défendent des intérêts liés au Sud Caucase, accentuent encore l’importance de la région vu de Washington. Nous évoquerons notamment le lobby arméno-américain dans la seconde partie de cet article.
  • [5]
    Intellectuel américain né en Pologne en 1928, Zbigniew Brzezinski a été Conseiller à la sécurité nationale du président Carter et est toujours influent parmi les cercles démocrates.
  • [6]
    Z. Brzezinski, Le grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde, Hachette Littérature, Paris, 1997, 273 pages, p. 59.
  • [7]
    Voir entre autres : J. H. Mackinder, “The Geographical Pivot of History”, The Geographical Journal, Volume XXIII, N° 4, Avril 1904, pp. 422 à 444; et Z. Brzezinski, Le Grand Échiquier op. cit.
  • [8]
    C. S. Gray, “The Continued Primacy of Geography”, Orbis, N° 40, printemps 1996, p. 258. Notons que l’auteur de cet article, célèbre professeur de politique internationale et d’études stratégiques américano-britannique, a lui-même été conseiller du président Reagan.
  • [9]
    S. Chautard, L’indispensable de la géopolitique, Studyrama, Paris, 2006, 319 pages, p. 26.
  • [10]
    G. O. Tuathail, “Putting Mackinder in his place: Material transformations and myth”, Political Geography, Vol. 11, N° 1, January 1992, pp. 100-118, p. 101.
  • [11]
    À tel point que l’on fait souvent référence à un des programmes emblématiques de l’Union européenne dans la région, le programme TRACECA (Transport Corridor Europe Caucasus Asia) comme la « Nouvelle Route de la soie ».
  • [12]
    B. Shaffer, “Iran’s Role in the South Caucasus and Caspian Region: Diverging Views of the U.S. and Europe”, in Iran and Its Neighbors: Diverging Views on a Strategic Region, German Institute for International and Security Affairs, Berlin, 2003, pages 17 à 22, p. 17.
  • [13]
    D. Helly, « EU Policies in the South Caucasus », Conférence : L’Europe et le Caucase du sud, CERI/OTAN/Ambassade de France à Bakou, Bakou, 11 juin 2001, 6 pages, p. 5.
  • [14]
    Sur les relations irano-arméniennes et irano-azéries, voir notamment : J. Zarifian, “Christian Armenia, Islamic Iran: Two (Not So) Strange Companions”, Iran & the Caucasus, Vol. 12, N° 1, 2008, pp. 123 à 152, et J. Zarifian, « L’Azerbaïdjan post-soviétique, entre les États-Unis et la Russie », Défense Nationale, octobre 2008, pp. 57 à 65.
  • [15]
    « Les États-Unis doivent se ‘préparer à toute éventualité’ », Le Figaro, 18 janvier 2007.
  • [16]
    Même si, à ce jour, le problème du terrorisme islamiste demeure entier, notons que le président Obama a officiellement « banni » le terme et le concept de « Global War On Terror » en avril 2009. Cf. H. Maher, “The End of the War on Terror”, RFE/RL, 16 avril 2009.
  • [17]
    R. Mathey, « La stratégie américaine en Azerbaïdjan », Hérodote, N° 129, 2008, pp. 123 à 143, p. 124.
  • [18]
    S. Bagirov, “Azerbaijani Oil: Glimpse of a Long History”, Perception Journal of International Affairs, June-August 1996, Vol. 1, N° 2, en ligne : www.mfa.gov.tr/grupa/percept/i2/I2-3.htm.
  • [19]
    S. Tesson, « À Bakou, paradis de l’or noir », Le Figaro, 30 janvier 2007.
  • [20]
    Turab Gurbanov, Le pétrole de la Caspienne et la politique extérieure de l’Azerbaïdjan, Tome 1, Questions Économiques et Juridiques, L’Harmattan, Paris, 2008, 303 pages, p. 76.
  • [21]
    Cf., par exemple : F. Hill, « Une stratégie incertaine : la politique des États-Unis dans le Caucase et en Asie centrale depuis 1991 », Politique Étrangère, 2001/1, pp. 95 à 108, p. 101 ; “U.S. Says Aliyev, Kocharyan Must Show ‘Political Will’”, RFE/RL, 23 juin 2006; E. Tariverdiyeva, “U.S. and Azerbaijan connected by many interests, including security interests: Matthew Bryza”, Trend News, 12 août 2009.
  • [22]
    Pour une présentation détaillée de l’aide financière américaine à l’Arménie, Cf. : J. Zarifian, « L’aide financière américaine à l’Arménie : tenants, aboutissants, signification », in Revue arménienne des questions contemporaines, n° 5, septembre 2006, pp. 6 à 17.
  • [23]
    J. Nichol, “Armenia, Azerbaijan, and Georgia…”, op. cit., p. 25.
  • [24]
    J. Zarifian, « L’aide financière américaine à l’Arménie… », art. cit., p. 10.
  • [25]
    Les Arméniens des États-Unis représentent un à deux millions de personnes (dont un nombre non négligeable d’Arméniens d’Arménie, arrivés depuis la fin des années 1980) et sont notamment organisés en deux groupes de pression, l’Armenian National Committee of America (ANCA) et l’Armenian Assembly of America (AAA), actifs et bien implantés à Washington. Sur leur impulsion, s’est créé en 1995 au Congrès un Armenian Caucus, plus ou moins équivalent aux « groupes d’amitié » au parlement français. Il compte à ce jour environ 160 membres sur 435 Représentants (il n’y a pas de caucus arménien officiel au Sénat). Ces parlementaires se font le relais des requêtes arméniennes auprès de leurs collègues. Ils cherchent notamment à obtenir, tous les ans, des crédits importants pour l’Arménie. Ils se manifestent aussi régulièrement afin de voir les États-Unis reconnaître officiellement le génocide des Arméniens de 1915, de soutenir l’Arménie dans le conflit du Karabagh, ou encore d’inciter la Turquie à ouvrir sa frontière avec l’Arménie.
  • [26]
    “Armenian president receives coordinator of U.S. assistance to European and Eurasian countries”, Armenpress, 15 mai 2008.
  • [27]
    “U.S. Cuts Millennium Challenge Aid To Armenia Over Worsening Democratic Practices”, Asbarez, 11 juin 2009.
  • [28]
    Cf. par exemple : J. Vaïsse, « États-Unis: le temps de la diplomatie transformationnelle », Cahiers de Chaillot, Décembre 2006, n° 95, 122 pages.
  • [29]
    L. A. Mitchell, “Viewing Georgia, Without the Rose-Colored Glasses”, New York Times, 25 septembre 2008.
  • [30]
    G. Kessler, “Oil Wealth Colors the U.S. Push for Democracy”, Washington Post, 14 mai 2006.
  • [31]
    “Rice says Britain has plan for Georgia NATO bid”, Reuters, 26 novembre 2008.
  • [32]
    “Georgia to withdraw all of its troops from Iraq”, AFP, 9 août 2008.
  • [33]
    N. P. Walsh, “The U.S. and Azerbaijan”, The Hindu, 3 juillet 2004; “Iran is not Worried by US Radar Stations in Azerbaijan”, Today.az, 7 février 2006; “US Working to Boost Sea Forces in Oil-rich Caspian: Envoy”, caucaz.com, 22 septembre 2005.
  • [34]
    “Caspian Guard”, Globalsecurity.org, http://www.globalsecurity.org/military/ops/caspian-guard.htm.
  • [35]
    T. Gularidze, “U.S. Boosts Successful Military Cooperation with Georgia”, Civil Georgia, 5 août 2004.
  • [36]
    Entretien de l’auteur avec Henri Jacolin, co-président français du Groupe de Minsk de l’OSCE de 2002 à 2004, Paris, 12 février 2009.
  • [37]
    Th. Goltz, Azerbaijan Diary: A Rogue Reporter’s Adventures in an Oil-Rich, War-torn, Post-Soviet Republic, New York, 1999, 496 pages, p. 252.
  • [38]
    R. Mathey, « La stratégie américaine en Azerbaïdjan », art. cit. p. 128.
  • [39]
    M. Kuser, “US Flip-Flops on Caspian Gas”, BusinessWeek, 25 septembre 2007.
  • [40]
    F. Hill, « Une stratégie incertaine : la politique des États-Unis dans le Caucase et en Asie centrale depuis 1991 », Politique Étrangère, 2001/1, pp. 95 à 108, p. 95 ; et F. Encel et O. Guez, La Grande Alliance, De la Tchétchénie à l’Irak : un nouvel ordre mondial, Champs – Flammarion, Paris, 2003, 310 pages, pp. 25-26.
  • [41]
    Cf. notamment: M. Howard, “The Prudence Thing: George Bush’s Class Act”, Foreign Affairs, novembre/décembre 1998.
  • [42]
    « Washington tend la main au panturquisme », Bulletin d’information UGAB, Numéro 73, samedi 8 février 1992.
  • [43]
    Établie en 1993 notamment par Anthony Lake, proche conseiller du président Clinton, cette première doctrine post-monde bipolaire est fondée sur deux grands principes : élargir l’espace démocratique ainsi que l’espace du libre-échange et s’engager physiquement et diplomatiquement pour soutenir cet élargissement. D’inspiration idéaliste, la Doctrine Clinton a en commun avec les stratégies étrangères des administrations George W. Bush la promotion de la démocratie dans le monde. Thème traditionnel de la diplomatie des administrations démocrates, la promotion de la démocratie s’accompagne ici d’une volonté affirmée d’élargir l’OTAN et d’y intégrer les pays issus du bloc communiste.
  • [44]
    E. Sherwood-Rendall « US Policy and the Caucasus », Contemporary Caucasus Newsletter, The Berkeley Program in Soviet and Post-Soviet Studies, Issue 5, Spring 1998, pp. 3 and 4.
  • [45]
    M. T. Klare, Blood and oil, The dangers and consequences of America’s growing dependency on imported petroleum, Metropolitan Books, Henry Holt and company, New York, 2004, 265 pages, p. 133.
  • [46]
    Formule du vice-président Dick Cheney, de 2003.
  • [47]
    F. Hill, « Une stratégie incertaine…», art. cit., p. 101.
  • [48]
    “Caucasus: U.S. Says Aliev, Kocharyan Must Show ‘Political Will’”, RFE/RL, 23 juin 2006.
  • [49]
    “Bureau of European and Eurasian Affairs”, Site web du Département d’État, www.state.gov/p/eur/index.htm.
  • [50]
    “Philip Gordon: US Support EU Project Eastern Partnership”, Turan, 21 mars 2011.
  • [51]
    G. Minassian, « Caucase du sud : les enjeux de la coopération régionale », Politique Étrangère, N° 3, 2004, pp. 715-731, p. 727.
  • [52]
    “Weapons Deals With Iran Spur U.S. Sanctions”, Reuters, May 9, 2002.
  • [53]
    Voir par exemple: H. R. Clinton, “Remarks With Russian Foreign Minister Sergey Lavrov After Their Meeting”, US State Department, Europe and Eurasia, Washington, DC, 7 mai 2009.
  • [54]
    R. Gorgiladze, “The new silk road: energy, regional security and democratization in the Caucasus and Central Asia”, Contemporary Caucasus Newsletter, The Berkeley Program in Soviet and Post-Soviet Studies, Issue 5, Spring 1998, pp. 18-19.
  • [55]
    G. Libaridian, “Change and continuity in Armenia today”, Contemporary Caucasus Newsletter, The Berkeley Program in Soviet and Post-Soviet Studies, Issue 5, Spring 1998, pp. 8 to 12, p. 8.
  • [56]
    Z. Baran, “The Baku-Tbilisi-Ceyhan Pipeline: Implications for Turkey”, in S. F. Starr and S. E. Cornell (dir.), The Baku-Tbilisi-Ceyhan Pipeline: Oil Window to the West, Central Asia-Caucasus Institute and Silk Road Studies Program, Washington DC/Uppsala, 2005, 150 pages, pp. 103 à 118, p. 107.
  • [57]
    J. Cherian, “The Baku-Tbilisi-Ceyhan pipeline is part of a grand U.S. strategy to isolate Russia and secure guaranteed supplies of oil and gas from the Caspian region”, Frontline, Volume 22, N° 13, Jun 18 - Jul 01, 2005.
  • [58]
    M. K. Bhadrakumar, “Pipeline deal is sweet music for Iran”, Asia Times, 15 juillet 2009.
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