Couverture de POLAF_150

Article de revue

Utopie et dystopie ambazoniennes : Dieu, les dieux et la crise anglophone au Cameroun

Pages 115 à 138

Notes

  • [1]
    « Apostle Johson Suleman says God told him that Cameroon has been sold to the devil by a group of people, and the Anglophone problem is spiritual », 31 mars 2018. Voir la vidéo sur : <http://www.betatinz.com/2018/03/apostle-johnson-suleman-says-god-told-prophecy-southern-cameroonanglophone-crisis.html?m=0>, consulté le 11 octobre 2018.
  • [2]
    M. Gauchet, La révolution moderne. L’avènement de la démocratie I, Paris, Gallimard, 2007, p. 145-146. Voir également du même auteur Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.
  • [3]
    P. Norris et R. Inglehart, Sacred and Secular. Religion and Politics Worldwide, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2004. Voir aussi J. Neusner (dir.), God’s Rule. The Politics of World Religion, Washington, Georgetown University Press, 2003.
  • [4]
    F. Engels, « Contribution à l’histoire du christianisme primitif », Le Devenir social (organe théorique de la deuxième internationale), 1894, p. 311-312, cité par M. Löwy, « Opium du peuple ? Marxisme critique et religion » [en ligne], Contretemps, n° 12, 2005, <https://www.contretemps.eu/opium-peuple-marxisme-critique-religion/>, consulté le 11 octobre 2018.
  • [5]
    Voir P. Bourdieu, « Genèse et structure du champ religieux », Revue française de sociologie, vol. 12, n° 3, 1971, p. 295-334.
  • [6]
    Voir notamment J.-F. Bayart (dir.), Religion et modernité politique en Afrique noire. Dieu pour tous et chacun pour soi, Paris, Karthala, 1993 ; A. Mbembe, Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale, Paris, Karthala, 1988.
  • [7]
    M. Gauchet, Le désenchantement du monde, op. cit., p. 9.
  • [8]
    R. Trigg, « Under God ? », in R. Trigg, Religion in Public Life : Must Faith Be Privatized ?, Oxford/New York, Oxford University Press, 2007, p. 209-229.
  • [9]
    M.Weber, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959, cité par M.Milot, « Religion et intégrisme, ou les paradoxes du désenchantement du monde », Cahiers de recherche sociologique, n° 30, 1998, p. 159.
  • [10]
    Ici, le sacré est un ordre de choses mises à part, entourées de prohibitions et consacrées à un usage spécifique : « les croyances, les mythes, les dogmes, les légendes sont ou des représentations ou des systèmes de représentations qui expriment la nature des choses sacrées, les vertus et les pouvoirs qui leur sont attribués… leurs rapports avec les choses profanes ». É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Alcan, 1912, p. 51.
  • [11]
    J.-F. Bayart, État et religion en Afrique, Paris, Karthala, 2018 ; « Religion et politique en Afrique. Le paradigme de la cité cultuelle », Études africaines comparées, n° 1, 2015, p. 1-23.
  • [12]
    Voir R.Marshall-Fratani et D. Péclard (dir.), « Les sujets de Dieu », Politique africaine, n° 87, 2002.
  • [13]
    Entre octobre 2016 et septembre 2018, des entretiens ont été réalisés avec des dizaines d’anglophones et de francophones, y compris certains des principaux protagonistes de la lutte à Yaoundé, Bamenda et Douala. Ces données sont complétées de notes d’observations directes d’événements et de l’exploitation de données documentaires, notamment numériques, relatives au religieux dans la lutte (transcriptions de révélations spirituelles, appels à la prière et au jeûne, tribunes diverses à connotation religieuse, rapports et communiqués d’organisations confessionnelles, etc.).
  • [14]
    M. Foucault, Dits et écrits II, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, p. 693.
  • [15]
    M. Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France 1977-1978, Paris, EHESS/ Gallimard/Seuil, 2004.
  • [16]
    Voir P. Konings et F. B. Nyamnjoh, « The Anglophone Problem in Cameroon », The Journal of Modern African Studies, vol. 35, n° 2, 1997, p. 207-229 ; Negotiating an Anglophone Identity : A Study of the Politics of Recognition and Representation in Cameroon, Leiden, Brill, 2003.
  • [17]
    Jusqu’à ce jour, la grève se poursuit dans de nombreux établissements de la partie anglophone du pays.
  • [18]
    Il s’agit de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, traité du 24 mars 2000.
  • [19]
    Le mouvement estudiantin donne lieu à une irruption de la police sur le campus et à des dizaines d’arrestations selon certains journalistes. Voir M. Mouendé Ngamo, « Cameroun : la police saute sur les étudiants à Buea » [en ligne], 237online.com, <https://www.237online.com/cameroun-la-police-saute-sur-les-etudiants-a-buea/>, consulté le 12 octobre 2018. Des enseignants et des avocats sont également arrêtés, les plus emblématiques sont l’avocat Felix Agbor Balla, l’universitaire Dr Fontem Aforteka’a Neba, respectivement président et secrétaire général du Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (CACSC), arrêtés le 17 janvier 2017 tandis que le ministre de l’Administration territoriale publie un arrêté portant interdiction de ces organisations. L’animateur radio Mancho Bibixy, qui a lancé la « révolution du cercueil » à Bamenda, est également arrêté.
  • [20]
    L’Ambazonie est le nom de la région revendiquée par les indépendantistes, en référence à la baie d’Ambas traversant la partie anglophone du Cameroun. D’une superficie de 43 700 km2, l’Ambazonie est généralement préférée à la terminologie Southern Cameroons qui désigne le bloc formé par les régions anglophones.
  • [21]
    Les victimes sont une dizaine selon le gouvernement et une centaine selon le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale. Voir « Cameroun : “À Bamenda, le 1er octobre, les balles pleuvaient sur nous comme si nous étions des criminels” » [en ligne], Le Monde, 17 octobre 2017, <https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/10/17/cameroun-a-bamenda-le-1er-octobre-les-balles-pleuvaient-sur-nous-comme-si-nous-etions-des-criminels_5202065_3212.html>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [22]
    Selon le bilan gouvernemental, il y a eu 123 attaques contre l’armée faisant 84 victimes parmi les forces de sécurité et de défense, 74 994 déplacées, 21 291 réfugiés au Nigeria, 120 établissements incendiés, des arrêts de projets gouvernementaux, un ralentissement des activités agricoles et commerciales. Voir « Communication relative au plan spécial d’urgence humanitaire » [en ligne], Camer.be, 20 juin 2018, <http://www.camer.be/68984/11:1/cameroun-communique-portant-sur-le-plan-daassistance-humanitaire-daurgence-pour-les-ragions-du-nord-a-ouest-et-du-sud-a-ouest-2018-a-2019-et-sur-la-prorogation-des-mandats-des-daputas-cameroon.html>, consulté en août 2018. Le rapport d’International Crisis Group évoquait au moins 100 civils tués, plus de 1 000 arrestations et 300000 déplacés. Voir International Crisis Group, « Élection présidentielle au Cameroun : les fractures se multiplient » [en ligne], Africa Briefing, n° 142, 3 octobre 2018, <https://www.crisisgroup.org/fr/africa/central-africa/cameroon/b142-election-presidentielle-au-cameroun-les-fractures-se-multiplient>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [23]
    République du Cameroun, Vision 2035. Le Cameroun : un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité, Yaoundé, République du Cameroun, 2009.
  • [24]
    « Conference to seek lasting solution to anglophone crisis », 25 juillet 2018, <https://cameroonpostline.com/cardinal-tumi-other-clerics-convene-stormy-aac-iii/>, consulté le 25 octobre 2018.
  • [25]
    O. Bokale, « La Conférence générale anglophone se tiendra après la présidentielle » [en ligne], Cameroon-report.com, 14 août 2018, <https://cameroon-report.com/societe/tentative-de-dialogue-la-conference-generale-anglophone-se-tiendra-apres-la-presidentielle/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [26]
    Germinal, n° 92, 16 septembre 2016.
  • [27]
    Le 4 août 2015, dignitaires religieux et autorités administratives se retrouvent à Ngaoundéré pour « barrer la voie à la barbarie de Boko Haram ». Le cheikh Oustaz Mahmoud, imam de la mosquée centrale du Lamidat, insiste sur le fait que « les prières sont les armes redoutables pour nous défendre de tout mal » tandis que l’évêque du diocèse de Yagoua recommande aux croyants « un appui inconditionnel aux hautes autorités ». Voir A. Ousmanou, « Le Cameroun inondé de prières pour la paix » [en ligne], Aurore Plus, 26 août 2018, <http://www.camer.be/44817/10:1/le-cameroun-inonde-de-prieres-pour-la-paix-cameroon.html>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Importé des États-Unis en 2009, où il existe depuis 67 ans, par le révérend Libom Li Likeng de l’Église presbytérienne du Cameroun, c’est un espace multidénominationnel chrétien impliquant les élites et dédié à la prière.
  • [30]
    S. Guebediang, « Préservation de la paix au Cameroun : une matinée de prière spéciale à Yaoundé », Cameroon Tribune, 22 novembre 2017.
  • [31]
    La diaspora anglophone est en effet accusée de soutenir l’insurrection armée. Dans une communication spéciale le 20 juin 2018, le Premier ministre Philémon Yang dénoncera « des extrémistes de la diaspora et leurs relais locaux [qui] s’emploient à substituer aux revendications corporatistes un projet sécessionniste ».
  • [32]
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Entre autres, Nico Halle, membre de la Commission nationale pour le bilinguisme et le multiculturalisme, prie et le fait savoir, en couverture des journaux depuis des mois. Voir « Ntumfor Nico Hale Prays for Nation », plusieurs fois en couverture du journal Eden entre mai et juin 2018.
  • [35]
    L. Ngongo, Histoire des forces religieuses au Cameroun, Paris, Karthala, 1982.
  • [36]
    J.-F. Bayart, « La fonction politique des Églises au Cameroun », Revue française de science politique, vol. 23, n° 3, 1973, p. 514-536.
  • [37]
    Cette affaire est retentissante du fait de sa gravité : 57 détenus politiques, dont huit femmes et un enfant de la prison de New Bell, avaient été parqués dans le wagon n° 31-047, généralement dédié au transport de marchandises. Scellé au départ, le wagon sera ouvert à Yaoundé sur des voyageurs dont 25 sont morts par asphyxie. Le Père Fertin, directeur de publication qui fait un éditorial sur la catastrophe pour le compte du journal catholique L’Effort camerounais, est expulsé sans autre forme de procès. Voir P. Fertin, « Le train de la mort », L’Effort camerounais, n° 327, 18 février 1962. Ce numéro sera le premier journal largement saisi sous la République fédérale du Cameroun. Mgr Jean Zoa avait dans le même numéro fait une déclaration interpellant les autorités publiques d’une formule restée célèbre : « Que notre patrie soit une terre respectueuse de la vie et des droits de ses enfants ».
  • [38]
    Dès 1977, les évêques de la province épiscopale de Bamenda publient une lettre dénonçant les actes de corruption. Elle est suivie, en 1980, de celle de la province ecclésiastique de Garoua, puis de la lettre pastorale de la Conférence épiscopale nationale en 1990. La conférence chargera d’ailleurs les Commission Justice et paix de lutter à l’échelle diocésaine contre ce fléau. Voir J. F. Channon, « Succession de Paul Biya : voici pourquoi Mgr Bala a été sacrifié » [en ligne], 4 juin 2018, <https://www.cameroonweb.com/CameroonHomePage/features/Succession-de-Paul-Biya-voici-pourquoi-Mgr-Bala-a-t-sacrifi-0440752>, consulté le 25 octobre 2018
  • [39]
    International Crisis Group, « La crise anglophone au Cameroun : comment l’Église catholique peut encourager le dialogue » [en ligne], Briefing Afrique, n° 138, 25 avril 2018, <https://www.crisisgroup.org/fr/africa/central-africa/cameroon/b138-cameroons-anglophone-crisis-how-catholic-church-can-promote-dialogue>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [40]
    « Communiqué final de la 42e assemblée plénière de la Conférence épiscopale nationale du 23 au 29 avril 2017 » [en ligne], <http://www.cameroun24.net/actualite-cameroun-Les__C3_A9v_C3_AAques_appellent_au_renforcement_de_l_E2_80_99uni-4-4-38905.html?pr=55858&lang=fr>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [41]
    L. Sarr, « Crise anglophone au Cameroun, l’Église réclame une décentralisation effective » [en ligne], La Croix Africa, 2 octobre 2017, <https://africa.la-croix.com/crise-anglophone-cameroun-leglise-reclame-decentralisation-effective/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [42]
    M. Bareta, « Southern Cameroonians Must Reject Peace Prayer Points, Pray For Justice Instead » [en ligne], 24 décembre 2017, <https://www.bareta.news/southern-cameroonians-must-reject-peace-prayer-points-pray-justice-instead/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Bamenda Provincial Episcopal Conference (Bapec), Memorandum Presented to the Head of State, His Excellency President Paul Biya by the Bishops of the Ecclesiastical Province of Bamenda on the Current Situation in the Northwest and the Southwest Regions of Cameroon [en ligne], Bamenda, Bapec, 22 décembre 2016, <https://mission-universelle.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/7/2017/01/BAMENDA-PROVINCIAL-EPISCOPAL-CONFERENCE.pdf>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [45]
    Bamenda Provincial Episcopal Conference (Bapec), Declaration of the Bishops of the Bamenda Provincial Episcopal Conference (Bapec) following the massive demonstrations and the curfew imposed on the North West and South West regions from friday, 29th September to monday, 2nd October 2017 [en ligne], Bamenda, Bapec, 4 octobre 2017, <http://brennpunktkamerun.org/wp-content/uploads/2018/07/EPISCOPAL-CONFERENCE-LETTER-ON-1-OCTOBER-2017-EVENTS.pdf>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [46]
    RFI, « Cameroun anglophone : trois évêques comparaissent devant un tribunal de Bamenda » [en ligne], RFI, 17 avril 2017, <www.rfi.fr/afrique/20170417-cameroun-anglophone-trois-eveques-comparaissent-devant-tribunal-bamenda>, consulté le 25 octobre 2018.
  • [47]
    Y. Bene, « Crise anglophone : la commission diocésaine Justice et paix se penche sur la question » [en ligne], Yaoundé, Archidiocèse de Yaoundé, 18 décembre 2017, <https://archidiocesedeyaounde.org/crise-anglophone-commission-diocesaine-justice-paix-se-penche-question/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [48]
    Ibid.
  • [49]
    RFI, « Cameroun : la Conférence épiscopale condamne la violence et appelle au dialogue » [en ligne], RFI, 8 octobre 2017, <www.rfi.fr/afrique/20171008-cameroun-cenc-conference-episcopale-regions-anglophones-violence-dialogue>, consulté le 10 octobre 2018.
  • [50]
    M. Malzac, « Au Cameroun, la crise anglophone divise les évêques », La Croix, 12 octobre 2017.
  • [51]
    Formule employée par Georges Dougueli, « Cameroun : Paul Biya peut-il encore compter sur l’Église ? », Jeune Afrique, 7 mai 2018.
  • [52]
    B. Kala, « Crise anglophone. Les évêques appellent au renforcement de l’unité nationale » [en ligne], Cameroun24.net, 29 avril 2017, <http://www.cameroun24.net/actualite-cameroun-Les__C3_A9v_C3_AAques_appellent_au_renforcement_de_l_E2_80_99uni-4-4-38905.html?pr=55858&lang=fr>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [53]
    M.Malzac, « Au Cameroun, enquête sur les relations entre le pouvoir et les évêques », La Croix Africa, 27 avril 2018.
  • [54]
    Voir notamment G. Séraphin (dir.), L’effervescence religieuse en Afrique. La diversité locale des implantations religieuses chrétiennes au Cameroun et au Kenya, Paris, Karthala, 2004 ; C. Mayrargue, Les dynamiques paradoxales du pentecôtisme en Afrique subsaharienne, Paris, Ifri, 2008 ; S. Batibonak, « Les pentecôtismes africains, socle de métamorphose. Le cas du Cameroun », Sphères, n° 1, 2013, p. 63-79, <http://blogs-old.univ-avignon.fr/ictt/spheres/>, consulté le 12 septembre 2018.
  • [55]
    L’orchestration de cette rivalité a été flagrante lorsqu’il a fallu pourvoir des postes dans les commissions électorales, aussi bien au sein de l’Observatoire national des élections que par la suite, d’Elections Cameroon. Tantôt l’on promouvait un pasteur, tel le révérend Joseph Azombo Ebo’o, tantôt le régime nommait un prélat catholique, comme l’évêque de Bafoussam, Dieudonné Watio.
  • [56]
    Interview accordée à Christophe Boisbouvier pour RFI, C. Boisbouvier, « Présidentielle au Cameroun : parole du candidat Ndifor Afanwi Franklin » [en ligne], RFI, 21 septembre 2018, <http://www.rfi.fr/afrique/20180920-presidentielle-cameroun-parole-candidat-ndifor-afanwi>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [57]
    M. E. Pommerolle et H. Heungoup, « The “Anglophone Crisis” : A Tale of the Cameroonian Postcolony », African Affairs, vol. 116, n° 464, 2017, p. 526-538.
  • [58]
    Voir à ce propos A. Marie, R. Vuarin, F. Leimdorfer, J.-F. Werner, E. Gérard, O. Tiékoura, L’Afrique des individus, Paris, Karthala, 1997.
  • [59]
    R. Marshall-Fratani et D. Péclard, « La religion du sujet en Afrique », Politique africaine, n° 87, 2002, p. 6.
  • [60]
    M. Gauchet, Le désenchantement du monde, op. cit., p. 36.
  • [61]
    M. Gauchet, La condition politique, Paris, Gallimard, 2005, p. 21 et suivantes.
  • [62]
    P. Konings, « Le “problème anglophone” au Cameroun dans les années 1990 », Politique africaine, n° 62, 1996, p. 25-34.
  • [63]
    W. Tassang, « Comment vivre dans un pays où vous êtes considérés comme des étrangers ? », Lettre ouverte, 19 septembre 2017, <http://www.icicemac.com/2017/09/19/tassang-wilfried-comment-vivre-dans-un-pays-ou-vous-etes-consideres-comme-des-etrangers/>, consulté en août 2018.
  • [64]
    « Tassang Wilfred, SG of Scacuf, Outlines 4 Evidence why 2017 Shall Be Southern Cameroons Liberation Year » [en ligne], Cameroon Concord, 28 mai 2017, <http://cameroon-concord.com/boko-haram/8486-tassang-wilfred-sg-of-scacuf-outlines-4-evidence-why-2017-shall-be-southern-cameroons-liberation-year>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [65]
    Ibid.
  • [66]
    Ibid.
  • [67]
    Ibid. Ces propos sont repris lors d’un entretien avec le leader.
  • [68]
    Entretiens conduits par l’auteur entre décembre 2016 et septembre 2018.
  • [69]
    P. Konings, « Le “problème anglophone” au Cameroun… », art. cité.
  • [70]
    A. Kouvouama, « Penser la politique en Afrique », Politique africaine, n° 77, 2000, p. 11.
  • [71]
    W. Tassang, « The Blood Speaks and Shall Always Speak », <https://www.bareta.news/blood-speaks-shall-always-speak-tassang/>, consulté le 10 octobre 2018.
  • [72]
    Ibid.
  • [73]
    W. Tassang, « Comment vivre dans un pays… », art. cité.
  • [74]
    Entre modèle désiré et futur totalitaire et menaçant, voir E. Després (dir.), « Utopie/dystopie : entre imaginaire et réalité », Postures, hors série n° 2, 2010 ; A. Huxley, Le Meilleur des mondes, Paris, Pocket, 2002.
  • [75]
    Elle évoque l’île imaginaire plus souhaitée qu’espérée de Thomas More, L’Utopie, Paris, Librio, coll. « Philosophie », 2003.
  • [76]
    On peut le voir sur les pages Facebook de nombreux leaders de la mobilisation.
  • [77]
    Chris Anu, le secrétaire à la communication et aux TIC (technologies de l’information et de la communication) du gouvernement intérimaire d’Ambazonie, signe ses messages publics précédés de la mention « Ambozonians will “Live Free or Die” ».
  • [78]
    W. Tassang, « Comment vivre dans un pays… », art. cité.
  • [79]
    Ibid.
  • [80]
    Entretiens à Yaoundé, janvier 2018.
  • [81]
    A. Welchman (dir.), Politics of Religion/Religions of Politics, Dordrecht, Springer, 2015.
  • [82]
    Il se présente aussi comme conseiller chrétien, ministre de culte ordonné, auteur, conférencier, un défenseur de la politique chrétienne, acteur humanitaire et président de Powerhouse Foundation dans le Maryland aux États-Unis, <https://www.linkedin.com/in/samuel-ikome-sako-thd-b7b94126>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [83]
    « Cameroun : Samuel Sako Ikome, nouveau président de la république fédérale d’Ambazonie », Camer24, 11 février 2018, <https://camer24.de/cameroun-samuel-sako-ikome-nouveau-president-de-la-republique-federale-dambazonie/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [84]
    J. Agbor, « Southern Cameroonians Begin Day of Fasting And Prayers » [en ligne], Baretanews, <https://www.bareta.news/southern-cameroonians-begin-day-fasting-prayers/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [85]
    B. Neba, « Acting President Sako Calls 2-Week Long Fasting & Prayer Session » [en ligne], <https://www.bareta.news/acting-president-sako-calls-2-week-long-fasting-prayer-session/>, consulté le 24 octobre 2018.
  • [86]
    Marc-Antoine Pérouse de Montclos évoque notamment le recours à des pratiques préislamiques pour assurer aux combattants des protections surnaturelles et leur garantir une invincibilité. La découverte de nombreuses amulettes sur les combattants tués ou arrêtés, tout comme d’organes et de sang humains dans les camps démantelés en atteste. Voir M.-A. Pérouse de Montclos, « Boko Haram, une exception dans la mouvance djihadiste ? », Politique étrangère, n° 2, 2015, p. 147-158.
  • [87]
    J. E. Anegbode et L. M. Igbafen, « Ethnic Militia Violence in Nigeria : The Case of the O’odua Peoples’ Congress (OPC) », Journal of Social, Political and Economic Studies, vol. 32, n° 2, 2007, p. 131-151. L’écriture du mot change parfois et, dans certains documents, l’on retrouve « odey chi, odeshie » ou encore « odeyshie ». Le recours à cette pratique vaudou est une diversification des références religieuses avec un dieu principal entouré et opérant avec d’autres dieux de moindre envergure en soutien de la cause. Voir P. Borgeaud, « Dieu(x) et divinités », in P. Borgeaud et D. Hervieu-Léger (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, PUF, 2010, p. 257-259.
  • [88]
    L’un des dieux invoqués est l’Obasinjon. Voir J. Fon in Mamfe, « Southern Cameroons Crisis : Understanding the Manyu Resistance and the Return of Odeshi » [en ligne], Cameroon Concord News, 27 décembre 2017, <http://www.cameroonconcordnews.com/southern-cameroons-crisis-understanding-the-manyu-resistance-and-the-return-of-odeshi/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [89]
    F. S. Bayen « The Manyu Mystic War : How Ambazonia “Odeshi” Fighters Kill but Can’t Be Killed », Cameroon Intelligence Report, 31 décembre 2017.
  • [90]
    Entretien avec un officier supérieur de l’armée, Yaoundé, juin 2018.
  • [91]
    C’est le cas d’un témoin direct, habitant de Muyuka dans le Sud-Ouest (entretien, juillet 2018).
  • [92]
    F. S. Bayen « The Manyu Mystic War… », art. cité.
  • [93]
    Entretien avec un chrétien originaire de Bombe (Sud-Ouest), Yaoundé, mai 2018.
  • [94]
    Formule employée par un enquêté de la zone de Ndop dans le Nord-Ouest, juillet 2018.
  • [95]
    J. Fon in Mamfe, « Southern Cameroons Crisis… », art. cité.
  • [96]
    « Military now Uses Witchcraft (Odeshi) to Fight Amba Boys », Betatinz.com, 28 juillet 2018, <http://www.betatinz.com/2018/07/military-now-uses-witchcraft-odeshi-to-fight-amba-boys.html>, consulté le 12 octobre 2018
  • [97]
    F. S. Bayen « The Manyu Mystic War… », art. cité.
  • [98]
  • [99]
    V. G. Fanso, « The Latent Struggle for Identity and Autonomy in the Southern Cameroons, 1916-1946 », in I. Fowler et V. G. Fanso (dir.), Encounter Transformation, and Identity. People of the Western Cameroon Borderlands, 1891-2000, New York/Oxford, Berghahn Books, 2009.
  • [100]
    La journaliste Judith Fon soutient que, dans le département de la Manyu, certains chefs traditionnels, qui avaient acquis le pouvoir de manière peu légitime et dont les populations contestaient la présence à la tête de la chefferie, ont enrôlé des jeunes qu’ils ont initiés à l’Odeshi. En échange, ces derniers leur assurent une protection. Voir J. Fon in Mamfe, « Southern Cameroons Crisis… », art. cité.
  • [101]
    Ojong Steven Ayukogem, « Acting too Little too Late. Manyu Chiefs Wake up from Slumber, Condemn Killings : Populations now Swimming in Blood, Tears and Fire », The Median Newspaper, 28 décembre 2017.
  • [102]
    Ici se pose le problème épistémologique de la valeur des sources orales rapportée à la question de la vérité. Nous avons choisi de prendre au sérieux exagérations et rumeurs orales en tant qu’expressions d’une rhétorique symbolique.
  • [103]
    L. White, « Histoire africaine, histoire orale et vampires. Procès et palabres à Kampala dans les années 50 », Politique africaine, n° 79, 2000, p. 100.
  • [104]
    M. Gauchet, La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard 2002, p. 32.
  • [105]
    W. S. Green, « Introduction. Religion and Politics : A Volatile Mix », in J. Neusner (dir.), God’s Rule…, op. cit., p. 1-10.

1« La nation camerounaise a été vendue au diable il y a longtemps par un groupe de personnes. Le véritable problème n’est pas la crise anglophone mais une forteresse satanique qui veut boire du sang [1] ». Ce diagnostic du très populaire pasteur pentecôtiste nigérian Johnson Suleiman, fait dans une vidéo devenue virale, signe de manière remarquable le rapport de la crise anglophone au religieux depuis la fin de l’année 2016, tant dans sa dimension actorielle que rhétorique. Bien au-delà d’une mise en forme religieuse d’une revendication portant sur l’asymétrie sociopolitique de deux régions du Cameroun par rapport à d’autres, elle est la matérialisation d’une des dimensions les plus globales de la déliquescence du contrat social camerounais. Témoignant de l’incapacité d’un bloc hégémonique à garantir durablement sécurité et prospérité dans un équilibre territorialisé, la crise constitue aussi un révélateur puissant des mobilisations symboliques dans un espace protestataire.

2Dans une société camerounaise religieusement bigarrée, la vitalité de l’État stationnaire (voir l’introduction de ce dossier) tient au fait que s’est progressivement opéré un déplacement du terrain de l’action vers les cieux. Appréhendée comme « définition de l’ordre d’ici-bas au travers de sa suspension à une réalité d’un autre ordre, à la fois antérieure et supérieure [2] », elle s’ancre dans l’idée du salut et de la perdition qui sont corrélées à des forces rédemptrices ou destructrices. Imprudemment promis par les théories de la sécularisation à une disparition certaine [3], le phénomène religieux se porte et se vend bien en tant que réalité sociale et espace pratique et symbolique, enjeu de forces sociopolitiques antagonistes. La foi devient une bannière dans les luttes sociales. Dans la crise anglophone, le christianisme, « religion des pauvres, exclus, damnés, persécutés et opprimés [4] », semble avoir un temps d’avance sur les autres. Sur le marché des biens de salut [5], il n’a pas de position monopolistique, comme la variété des techniques et des pratiques soutenant les luttes sociales en atteste [6].

3Lire cette crise au travers de sa grammaire religieuse et de l’intensité du commerce avec l’au-delà permet de reconstituer l’efficacité de son potentiel contestataire et subversif. Dans la crise anglophone, c’est entre subjectivation et gouvernementalité que se construit un lieu biopolitique articulant l’action sur les pensées, mais aussi sur les corps et les esprits (prophéties, prières, jeûnes, etc.), dans une revitalisation du pouvoir pastoral de conduite des conduites et une mobilisation de forces spirituelles pour transformer le réel. En effet, la connexion au divin et le « détour par l’invisible [7] » jouent un rôle vital dans la société camerounaise, et la crise anglophone en devient le révélateur inattendu. Elle ne l’est pas simplement parce que les deux régions anglophones ont fait une bonne place à la socialisation religieuse dans l’organisation de leur système éducatif, notamment avec les Religious Studies. Ces régions sont surtout des « faith-based communities » où les biens de salut se vendent bien, où les invocations de Dieu, des dieux, des esprits (âmes des morts, génies, anges, démons, etc.) abondent, et où les églises et les organisations confessionnelles investissent largement dans des politiques publiques éducatives et sanitaires pour compenser les failles étatiques. Les références bibliques ou aux ancêtres, le recours aux pratiques de combats spirituels, entre les jeûnes, neuvaines et autres, sont nombreux, et ont largement contribué à modeler la réalité et à fabriquer le récit sécessionniste qui, dès le début, a voulu se placer « sous Dieu » pour reprendre la formule rhétorique de Roger Trigg [8].

4Dans une société qui n’est pas « indifférente aux dieux et aux prophètes », selon la formule wébérienne [9], les appels à prier et à observer des rituels religieux dans la protestation se sont multipliés autour de thèmes majeurs tels que la paix, la justice, le salut, la délivrance, le combat, la victoire, la trahison, etc. L’adversaire, dans une inversion schmittienne, devient « l’ennemi » ou le « diable » qu’il faut combattre et, derrière les invocations religieuses, se fabrique une théorie de la conquête et de l’exercice du pouvoir, profondément ancrée dans un imaginaire saturé de surnaturel qui sacralise la lutte [10]. Cette dimension de la crise est impensée, même si les propositions de Jean-François Bayart sont assez stimulantes et mettent bien en relief le fait que le religieux, dans un rapport essentiellement contingent au politique, fournit un emblème identitaire complémentaire aux porteurs d’une cause [11]. Comment se met-il en place et quelle en est la portée en matière d’institution de la réalité ? Telle est l’interrogation au cœur de cette contribution qui suggère que les formes symboliques se sont constituées en un appareil de capture de l’attention, d’homogénéisation transcendantale des publics, et de sacralisation et de structuration des luttes, faisant des citoyens non plus des « sujets de l’État » mais des « sujets de Dieu [12] ». Ces logiques, révélatrices d’un cadre idéologiquement rudimentaire de la cause, sont reconstituées à partir d’un matériau ethnographique [13], et donnent à voir la structuration d’une configuration actorielle faite d’autorités politico-administratives (le trône) et religieuses (l’autel), autour d’invocations du divin éclatées entre un « Dieu de paix » et un « Dieu de justice » (première partie). Elle révèle ensuite les termes de la formation d’une rhétorique protestataire qui, pour se légitimer, s’ancre dans les cieux à travers des prophéties, des appels à prier et à observer des rituels religieux autour de thèmes majeurs tels que la paix, la justice, le salut, la délivrance, le combat, etc. (deuxième partie).

Une mobilisation symbolique comme révélateur de l’alliance fragile entre l’autel et le trône

5Le religieux a été, dès l’origine de la formation de la cause anglophone en 2016, le repère de structuration de la grammaire protestataire, mais aussi son réceptacle, son occasion et son ferment [14]. Il est devenu un référentiel décisif dans la détermination des frontières internes de la cause anglophone qui, tout en se politisant, renforce son ancrage dans l’au-delà. L’entrée en scène des acteurs cléricaux depuis le début de la crise en 2016 doit être envisagée comme une « dégouvernementalisation » du réel et une revitalisation d’un pouvoir pastoral au sens foucaldien [15]. Or, loin de contenir la violence existant au cœur de ce mouvement, le détour par le religieux a eu tendance à décupler le risque de violence. Après en avoir retracé la chronologie du mouvement, l’on verra comment, au cœur de la crise, les figures du divin ont éclaté en amenant les parties opposées à mobiliser des invocations symboliques qui se référaient soit à la paix, soit à la justice dans un contexte où celles-ci étaient désormais placées dans des positions antagonistes.

Du « problème » à la « crise » anglophone : chronique d’une dramatisation des enjeux

6Reconstituer les chemins de la question anglophone au Cameroun requerrait de retracer l’histoire de la décolonisation des deux territoires anciennement sous tutelles française et britannique, puis celle de la recentralisation de l’État camerounais. Controversées, cette histoire, et celle des mobilisations « anglophones », qui ont connu des moments d’intensité diverse, ont été décrites précédemment [16]. Pour s’en tenir à la genèse de la crise actuelle, il faut revenir aux revendications corporatistes d’avocats et d’enseignants à la fin de l’année 2016 autour de deux enjeux structurants : un système juridique de Common Law et un système éducatif anglo-saxon, progressivement abandonnés dans les deux régions anglophones du pays qui ont vu l’affectation de magistrats et d’enseignants francophones. Le 5 octobre 2016, les enseignants, notamment par l’intermédiaire de la Cameroon Teachers Trade Union (Cattu), lancent, avec d’autres, un mot d’ordre de grève illimitée massivement suivi [17]. Ce mouvement sera suivi de la grève des avocats anglophones dès le 11 octobre 2016 qui réclament la traduction du traité Ohada visant la sécurisation de l’environnement juridique des affaires en Afrique [18] et d’autres instruments juridiques. Un mois plus tard, le 21 novembre 2016, des enseignants anglophones des deux régions descendent dans la rue pour demander que cesse l’affectation d’enseignants francophones dans les établissements anglophones. Ils sont suivis par les étudiants de l’université de Buea le 28 novembre qui réclament diverses primes. À cette étape, l’on est dans une configuration où l’on peut parler d’un « problème anglophone », une revendication, déjà entendue dans les années 1990, autour de la « spécificité » de ces régions. Vigoureusement réprimés, les différents mouvements de grève donnent lieu à de nombreuses arrestations [19] et à des départs en exil.

7Devant la mobilisation qui s’étend et le rôle important joué par la diaspora camerounaise (basée notamment aux États-Unis) dans celle-ci, le gouvernement ordonne la suspension d’Internet dans les deux régions. Les quelques réponses sectorielles apportées par l’État ne suffisent plus à répondre aux revendications désormais politiques des manifestants, ce qui marque le point de départ de l’évocation d’une « crise anglophone ». Les émeutes se multiplient, les mots d’ordre de « Country Sunday » adressés à toute la population des régions anglophones (appel aux « villes mortes » en anglais pidgin) sont lancés, donnant souvent lieu à des incendies d’établissements scolaires et de magasins, et durcissant la réponse étatique. Le pic de cette confrontation radicale est la déclaration d’indépendance de « l’État d’Ambazonie [20] », le 1er octobre 2017, avec des centaines d’anglophones qui défilent dans les rues des grandes villes de la région. Progressivement, des milices formées d’« Amba Boys », comme ils se désignent eux-mêmes, investissent les zones rurales puis les grandes villes de la région, s’attaquant au personnel et aux symboles de l’État. Des dizaines de morts sont recensés [21], ainsi que de nombreuses arrestations et le déploiement toujours plus important de forces de sécurité et de défense, dont le très redouté Bataillon d’intervention rapide (BIR). En octobre 2018, à quelques jours de l’élection présidentielle, on compterait 200 000 déplacés internes et autant de réfugiés au Nigeria. Le bilan humain s’élèverait à 400 morts civils et à une centaine pour les forces de l’ordre, même si les bilans sont difficiles à établir [22]. C’est ainsi que se fissure profondément le vieux récit d’un Cameroun pacifique et « uni dans la diversité [23] ».

8Outre le lourd bilan dans les régions anglophones, la crise anglophone frappe par l’intensité de la mobilisation d’une grammaire religieuse par de nombreux protagonistes, mais aussi par l’engagement de forces religieuses constituées. Le clou de ce phénomène est la convocation de l’Anglophone General Conference (AGC) à Buéa les 28 et 29 août 2018, reportée ensuite au mois de novembre, à l’issue d’une concertation le 25 juillet 2018 à Douala entre l’imam Tukur Mohammed Adamu et l’imam Alhadji Mohammed Aboubakar, respectivement des mosquées centrales de Bamenda dans le Nord-Ouest et de Buea dans le Sud-Ouest d’une part, le révérend Babila George Fochang, chef de l’Église presbytérienne au Cameroun, et le cardinal Christian Tumi. L’objectif affiché est « la recherche commune d’une paix définitive et durable au problème anglophone, et à la crise anglophone au Cameroun ». Fraîchement accueillie par les autorités publiques, cette initiative vise à donner la parole à « ceux dont les ancêtres sont issus des 13 départements qui composent les deux régions anglophones du Cameroun […] et ceux dont les ancêtres s’y sont installés de façon permanente avant 1961 », cette année étant celle de la fédération des Cameroun français et britannique [24]. L’organisation est confiée à l’avocat Simon Munzu, qui avait déjà été, en avril 1993, avec son confrère Sam Ekontang Elad, l’universitaire Carlson Anyangwe et le magistrat Benjamin Itoe, au cœur de l’animation de la première All Anglophone Conference à Buea. Rassemblant plus de 5 000 participants – dont les deux anciens vice-présidents de la République fédérale, John Ngu Foncha et Solomon Tandeng Muna –, elle s’était achevée sur la revendication d’un retour au fédéralisme. Le profil de son principal initiateur en 2018, le cardinal Tumi, principal contrepoids religieux au pouvoir de Yaoundé, a beaucoup joué dans le report de la conférence au 21 et 22 novembre 2018 [25]. De fortes pressions auraient été exercées sur le prélat retraité qui a souvent rappelé la responsabilité des gouvernants :

9

« Pour ceux qui ont le pouvoir, qu’ils sachent qu’ils rendront compte à Dieu, car ils gouvernent le peuple créé par Dieu. Pour le Cameroun, que le chef de l’État sache qu’il rendra compte de sa gouvernance devant Dieu. Par exemple, Dieu lui demandera, “comment avez-vous gouverné les Camerounais que je vous ai confiés ?” [26] ».

Un éclatement entre un « Dieu de paix » et un « Dieu de justice » : confrontation entre unionistes et fédéralistes/sécessionnistes

10Confronté à des crises, il est fréquent au Cameroun d’invoquer unanimement les cieux, comme l’attestent les mobilisations interreligieuses pour défaire la secte terroriste Boko Haram [27]. Cependant, la crise anglophone a fait éclater le consensus sur les sujets de prière. En l’occurrence, le détour par le divin structure les controverses entre unionistes et sécessionnistes (moins au sein de la minorité anglophone qu’au sein de la société camerounaise). Celles-ci peuvent être repérées à travers la divergence des invocations symboliques se référant soit à un « Dieu de paix », soit à un « Dieu de justice », et révèlent des rapports complexes entre l’autel clérical et le trône politique. Face aux crises sécuritaires, l’investissement du clergé est d’abord une invite à prier pour la paix, empreinte d’une injonction à peine voilée à la loyauté vis-à-vis des autorités. À la mosquée centrale de Yaoundé, l’imam Oumarou Issa appelle à la prière car « la paix est attaquée… Chacun d’entre nous doit appliquer le commandement du Dieu tout-puissant pour vivre en paix [28] ». En écho, la 8e édition de la « Matinée nationale de prière pour le Cameroun [29] », le 22 novembre 2017, porte sur « la préservation la paix au Cameroun ». Outre d’éminents membres du clergé, l’élite politico-administrative est invitée à invoquer les cieux. Lors de la prière d’ouverture, le gouverneur du Centre, Naseri Paul Béa, exprime sa reconnaissance envers Dieu qui, « malgré les apparences, aime le Cameroun et ses habitants par ce temps de réelles incertitudes, de peur et d’angoisse [30] ». S’inspirant de textes liturgiques, l’archevêque métropolitain de Yaoundé, Monseigneur Mbarga, invite l’élite, tant au Cameroun que dans la diaspora, à influencer positivement le destin de leur communauté [31]. Sur une base multidénominationnelle, d’autres religieux appellent, un mois plus tard, à une croisade de jeûne et de prière intitulée « 40 jours d’intercession pour le Cameroun », qui s’achève le 31 janvier 2018 par une grande nuit de prière à Yaoundé au siège d’une organisation évangéliste, Campus pour Christ [32]. Sur l’affiche on peut lire, sur fond d’un brillant coucher de soleil et d’une nuit déjà étoilée où flotte le drapeau national : « Cameroun. Que l’Éternel te bénisse et te garde. Nombres 6.24 ». L’objectif est des plus explicites : « Lever une grande armée au Cameroun, en Afrique, en Europe, en Amérique… en faveur de ce pays, dont l’année 2018 s’annonce être probablement la plus délicate de son histoire [33] ».

11La crise a aussi ravivé les confessions de foi des autorités publiques, ainsi que l’attestent de nombreux actes publics de foi [34]. Une illustration en est le culte œcuménique qui s’est tenu en l’église presbytérienne de Mbengwi, ville du Nord-Ouest, le 7 juin 2018 : un sous-préfet et un général d’armée, tous deux en tenues de travail ont, à la suite des hommes de Dieu, pris la parole pour prêcher la bonne nouvelle de la paix en entonnant des cantiques à la gloire de Dieu. Cette rencontre entre le temporel et le spirituel est parfois plus houleuse mais, en réalité, les relations entre l’Église et l’État sont passées d’une « collusion généralisée et permanente [35] » à des tensions liées à la constitution du religieux comme espace d’expression de divers intérêts catégoriels dans un contexte d’autoritarisme assumé. C’est à ce titre, montre Jean-François Bayart, que les prélats se sont constitués en intercesseurs des opprimés faisant des interventions personnelles pour mettre un terme à des situations d’arbitraires. L’Église catholique a pu être un véritable contre-pouvoir en l’absence de forces oppositionnelles [36]. On peut notamment mentionner : l’affaire du « train de la mort » le 1er février 1962, catastrophe au cours de laquelle des dizaines de prisonniers politiques sont morts asphyxiés [37], l’affaire Mgr Albert Ndongmo qui a été condamné à mort pour « atteinte à la sécurité publique et complicité de rébellion avec l’Union des populations du Cameroun » alors qu’il avait souvent pris fait et cause pour des nationalistes, dont Ernest Ouandie ; la dénonciation de la corruption dès le début des années 1970 [38], les positions du cardinal Tumi, qui affiche son attachement au fédéralisme en fustigeant le non-respect des exigences liées à la réunification, ou de l’archevêque de Douala, Samuel Kleda, qui émet un avis défavorable à une nouvelle candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle de 2018, en invoquant sa longévité au pouvoir. La crise anglophone a constitué le clergé catholique comme « quasiment le seul acteur en mesure d’intervenir et de promouvoir le dialogue entre le gouvernement et les activistes des régions anglophones [39] », soutient International Crisis Group qui retient essentiellement l’argument de son investissement dans la cause. Après un premier message en avril 2017 où ils appelaient à la paix, les évêques camerounais avaient invité pouvoir central et séparatistes à prendre en compte le « bien commun ». L’appel lancé à l’unité nationale est assorti de l’intervention de deux universitaires, Paul Messina et Paul Nkwi [40]. Dans le communiqué signé par Mgr Abraham Komè, président de la commission épiscopale Justice et paix, les évêques demandent au gouvernement de « reconnaître formellement les limites et erreurs dans la mise en application du processus de construction de l’unité nationale » et exhortent les régions séparatistes à la patience en encourageant tous les croyants à prier « pour que le vivre ensemble devienne un acquis consolidé par la recherche du “vivre-bien” de tous les Camerounais [41] ». Ici et là, des séances de prière œcuménique se multiplient sous le regard bienveillant de l’État. Plus récemment, lors d’une ultime conférence inter-religieuse pour la paix dans les régions anglophones le 23 août 2018 à Yaoundé sur le thème « Religion et jeunesse : une solution face à la crise anglophone », sous le regard bienveillant du ministre de la Jeunesse et de l’éducation civique, les prélats réitèrent leur loyauté à des autorités que la crise anglophone a largement effritée.

12En face, d’autres (religieux et leaders anglophones) invoquent le « Dieu de justice », notamment quelques semaines après la répression de la proclamation d’indépendance de l’Ambazonie le 1er octobre 2017. Alors que les prières pour la paix se multiplient, le 24 décembre, Mark Bareta, l’un des leaders sécessionnistes radicaux, invite à rejeter « les prières politiques » pour la paix au profit d’intercessions « sincères et authentiques » pour la justice sur sa page Internet :

13

« De tout point de vue, le peuple du Southern Cameroons n’a aucun Noël à célébrer. Nous ne pouvons pas sincèrement célébrer Noël alors que des milliers de réfugiés se trouvent au Nigeria, que la guerre sévit dans la Manyu et que toutes les autres localités du Southern Cameroons sont en état d’urgence […]. Demain, nos sujets de prière doivent être des prières pour la justice. Il faut refuser de prier pour la paix […]. Une société juste est naturellement une société paisible. La paix est un reflet de la justice, la paix ne vient pas sur la base de rien du tout […]. Par conséquent, nous devons prier et prier pour la justice [42] ».

14Pour finir, dans une puissante invocation de figures du pentateuque, il ajoute : « Que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Joseph apporte au peuple du Southern Cameroons la justice pour que nous puissions avoir la paix [43] ».

15Les responsables ecclésiastiques des provinces anglophones en appellent également au Dieu de justice afin de mettre un terme à une profonde marginalisation dans un mémorandum en décembre 2016 [44]. Moins d’une année plus tard, à l’issue de la déclaration d’indépendance du 1er octobre fortement réprimée, ils accusent les forces de sécurité d’avoir fait un « usage irresponsable des armes à feu contre des civils désarmés », dénonçant « génocide » et « épuration ethnique [45] ». Ceci n’est qu’un épisode dans les rapports tendus qu’ils entretiennent avec l’État depuis le début de la protestation. Le 21 avril 2017, six prélats anglophones avaient été mis en examen et sommés de comparaître en citation directe par un consortium de parents d’élèves devant le Tribunal de première instance de Bamenda pour leur supposé laxisme face à la grève des enseignants de leurs établissements. Malgré leur relaxe, certains y ont vu la main harceleuse du gouvernement : Richard Nde, avocat de la défense, affirme sur les ondes de Radio France internationale le 17 avril 2017 : « Le procès pour moi est un peu politique parce qu’au fond on a rien dans nos dossiers. Il n’y a rien de concret. Il n’y a que l’intérêt de l’argent et l’aspect politique [46] ».

16Cette confrontation entre paix et justice est révélatrice de dissensions profondes au sein du clergé. Alors que les prélats anglophones interpellent leurs collègues francophones sur la gravité de la situation, une commission diocésaine pour les fidèles anglophones voit le jour pour « lire cette crise à la lumière de l’Évangile car Dieu ne veut perdre aucun de ses enfants. Par conséquent il s’agit d’engager un dialogue franc et sincère avec un langage évangélique avec tous ceux qui se réclament du peuple de Dieu [47] » dans une « pleine intégration ecclésiale et sociale » (ajoutera l’archevêque Jean Mbarga lors de la rencontre [48]). Ils sont pourtant ultérieurement contredits par Mgr Samuel Kleda sur les ondes de RFI, le 8 octobre 2018, qui opte pour la voie de la réprobation : « Personne n’a le droit de tuer. Quand nous disons que nous dénonçons la violence, c’est parce qu’il y a eu des morts. Nous dénonçons cela avec la dernière énergie. C’est sûr que les conditions se radicalisent mais il faut voir l’intérêt du pays ! Dans notre lettre, nous avons appelé à l’unité [49] » et… à la décentralisation et au pardon. Cette posture considérée comme trop modérée est critiquée par les prélats anglophones qui estiment qu’un équilibre est impossible à trouver entre paix et justice [50]. En avril 2018, ces fissures cléricales réapparaissent lors de la 43e Assemblée plénière des évêques dont le communiqué final parvient à peine à gommer les fractures internes à l’épiscopat entre « opposants » et « favorables au pouvoir [51] ». Alors qu’il paie un lourd tribut à travers les incendies d’établissements scolaires confessionnels voire l’assassinat par les séparatistes le 20 juillet 2018 d’un prêtre du diocèse de Buea, le Père Alexandre Nougi Sob, le clergé catholique finit par trouver une voie médiane entre les deux conférences épiscopales : « Les évêques ont donné un message au peuple de Dieu l’invitant à prier pour la justice, la réconciliation, la paix et l’unité de la nation [52] ». La crise anglophone devient ainsi un facteur de décomposition du champ religieux dans son rapport au politique, et exacerbe les rapports tendus avec l’élite gouvernementale comme l’illustrent les propos d’un responsable de la présidence de la République interrogé par La Croix Africa :

17

« Il faut absolument que les évêques du Cameroun clarifient leur position. Comment peut-on dialoguer avec des gens qui refusent la République du Cameroun, et s’attaquent aux éléments des forces de défense et de sécurité qu’ils égorgent ? Les évêques doivent commencer par condamner ceux qui prônent la division du Cameroun et qui prennent les armes contre leur pays. Sinon, ils seront considérés comme des complices des sécessionnistes et, certainement à l’avenir, traités comme tels [53] ».

18Les Églises protestantes et pentecôtistes (marquées par une forte inclinaison expressive et démonstrative [54]) se sont pour leur part montrées sinon loyales vis-à-vis du pouvoir, du moins relativement discrètes dans le cadre de la mobilisation autour de la crise, sur fond de rivalité historique entre clergés catholique et protestant [55]. L’une des exceptions récentes est celle d’un pasteur pentecôtiste, fondateur de la Kinship International Ministries, Franklin Afanwi Ndifor, candidat à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Choisissant la voie de la détente, il explique :

19

« Nous sommes pour un dialogue inclusif entre Camerounais d’une part, et entre Camerounais anglophones d’autre part. Pour faire cesser les violences et les tueries enregistrées de part et d’autre, il faut absolument que tous les acteurs de cette crise se parlent en se mettant sur une même table. Il faut donc libérer tous ceux qui sont dans les prisons. Le cardinal Tumi a effectivement raison d’insister sur ce préalable [56] ».

20Pour le prophète originaire d’une région anglophone, il faut « délivrer le pays » à partir d’un projet fédéraliste.

21Au-delà de la structuration du champ des acteurs autour des questions de la paix et de la justice, le religieux apparaît comme un puissant espace de construction de la grammaire protestataire et du récit victimaire anglophone. De fait, il a largement contribué à la mise en forme de la revendication elle-même qui s’ancre dans une crise avant tout postcoloniale [57]. C’est bien la crise de l’État qui accentue et facilite la résurgence violente de loyautés infraétatiques mise à mal par l’échec d’une politique du bien commun. Le religieux fournit un puissant répertoire pour lui donner un sens.

Une mobilisation symbolique en appui à la rhétorique protestataire

22Dans un Cameroun des individus [58], où le sens de l’en-commun est en crise, la société grouille de prophètes, de marabouts et de guérisseurs en tous genres, à la faveur de conjonctures socio-politiques et économiques peu favorables. Cependant, l’irruption du religieux dans la crise anglophone, entre désir d’intégration et aspiration à l’autonomie, va bien au-delà de « modes d’accumulation, de socialisation, de combat politique, ou encore des langages qui traduisent le réel et permettent de le comprendre [59] » ; elle est subjectivation politique et espace de formation aléatoire et plurielle d’un imaginaire de la protestation et de la lutte, entre utopie et dystopie. Ici, les formes symboliques ont une fonction politique manifeste, celle d’instituer la société à travers une liaison entre le visible et l’invisible sous le prisme d’une supériorité de l’au-delà. Le récit victimaire se construit dans un double déplacement, d’abord vers le passé où tout s’est joué, vers le présent, puis vers le futur de la délivrance finale [60]. La rhétorique protestataire est largement marquée par une mise en écho de dates au cœur d’un mouvement liant, selon la formule de Marcel Gauchet, « autorité d’un passé » et « appel du futur [61] ». Cette première dimension de la grammaire protestataire sera complétée d’une analyse de la diversification des ressorts religieux mobilisés à travers un tournant hénothéiste.

Autorité du passé et appel du futur : de sujets de « la République » à sujets de Dieu

23La conversion sécessionniste semble s’être partiellement construite sur l’affirmation de vérités politiques. Elle part d’une invocation du symbolique permettant de construire l’unification « du peuple de Southern Cameroons », soustrait à l’autorité de l’État camerounais et placé sous le regard d’une autorité de l’au-delà (Dieu), tout en instaurant un rejet de l’histoire marquée par la marginalisation des Camerounais anglophones. Cette dynamique s’appuie sur la récusation d’un fil historique fait de dates centrales, 1961 et 1972, respectivement années d’adjonction des parties anglophone et francophone dans le cadre d’une fédération et d’instauration d’un État unitaire. Contrairement aux attentes des anglophones, le fédéralisme n’a pas permis une parité stricte pour ce qui concerne leur héritage culturel et ce qu’ils considèrent comme leur identité d’anglophone. Il s’est révélé n’être qu’une phase transitoire de l’intégration totale de la région anglophone dans un État unitaire fortement centralisé [62]. Depuis le début des années 1990, le malaise, la crise et l’incertitude identitaires des Camerounais anglophones les ont amenés à entreprendre des mobilisations. Jusque-là, elles ont engendré des dividendes qui ne profitent ni aux entrepreneurs politiques activistes, qui sont souvent violemment réprimés et partent en exil, ni au “peuple anglophone” proprement dit, mais à une élite gouvernementale originaire des deux régions qui est sans cesse rétribuée au gré des revendications anglophones. Cette rente fonde une loyauté sans faille de ces derniers au pouvoir. En appelant à un nouvel ordre de réalité par une action historique de transformation du présent et de production du futur, les leaders du mouvement sécessionniste s’appuient sur des révélations divines affirmant que 2017 serait le curseur de l’ordre voulu de séparation du Cameroun : les cieux auraient décidé de mettre un terme aux souffrances des anglophones en les libérant du carcan de « la République ». Chrétien pentecôtiste avec un engagement assumé, le diacre Wilfried Tassang en est un des principaux protagonistes. Il analyse la crise à l’aune de l’ancien Testament :

24

« Ce qui se passe dans le Southern Cameroons, c’est la révolte de l’esclave ! Si vous vous accommodez de ce régime, nous pas. Vous pouvez demeurer avec votre pharaon. Quant à nous, nous avons déjà traversé la mer Rouge. Gare au régime occulte de Yaoundé avec ses BIR, vous serez engloutis dans la mer Rouge [63] ».

25Son engagement se déplace du terrain strictement politique pour s’affirmer dans un répertoire d’action religieuse lorsqu’il proclame 21 jours de prière et de jeûne sur le thème : « Engager les salles d’audience du ciel [64] ». Il prophétise pour 2017 la libération du Southern Cameroons, parce qu’« il y a un temps pour toute chose […] un temps pour vivre dans l’esclavage et un temps pour être libéré [65] ». Affirmant que, depuis 2013, « Dieu a parlé de ses plans glorieux pour détruire les œuvres de Satan dans les Cameroun en 2017 », il invite « les enfants de Dieu » à entrer dans l’allégresse en présentant des signes reçus de la main « de serviteurs de Dieu » depuis 2014. L’idée d’« Amba Land », parfois évoquée comme une terre promise, est basée sur diverses révélations. Wilfried Tassang dira :

26

« Ce dimanche, j’ai assisté au service […] et quel est le message de l’année pour cette église en 2017 ? “Mon année de délivrance totale”. Mon pasteur et homme de Dieu a déclaré l’année 2017 comme “année de délivrance complète” [66] ».

27Ce contexte étant introduit, le leader déclare aux « chers enfants de Dieu » que « le Seigneur lui-même va corriger les erreurs du passé. Il va corriger 1961 en 2017 et il va également corriger 1972 en 2017 [67] ». La formulation de ces idées va entraîner une popularisation de l’ancrage religieux grâce à des prêches largement repris, comme l’illustrent les propos recueillis auprès d’anglophones tant à Bamenda qu’à Yaoundé ou à Douala [68]. L’aspiration est de sortir du statut de « sujet de la “République” », de la « LRC » (pour La République du Cameroun, terme consacré pour désigner l’oppresseur), et de s’affirmer comme « enfants de Dieu ». Ce déplacement de « sujet de la République » à « sujet de Dieu » se construit sur la revitalisation d’une relation verticale avec « l’absolu-refuge » qui confère des ressources pour se soustraire à une relation du même type avec l’État du Cameroun tout en conférant une identité de substitution à des identités politiques mise à mal. L’érosion du principal parti d’opposition, le Social Democratic Front (SDF), né à Bamenda dans le Nord-Ouest en 1990 et souvent assimilé à un parti d’anglophones, y est pour beaucoup. Il avait constitué un espace de formation de la cause anglophone comme l’analyse Piet Konings [69]. Constitué par le parti comme un foyer de rébellion ouverte en 1990, Bamenda est encore aujourd’hui la ville où la contestation du pouvoir central est la plus violente. En se positionnant comme un parti national et non anglophone, le SDF a progressivement perdu son aura qui tenait largement à sa position de principal catalyseur de la conscience politique anglophone.

28Pour quitter « La République », il faut passer de vérités politiques soumises, pour reprendre Abel Kouvouama, « à des combinatoires de normes et de valeurs politiques relatives à la recherche de justice, à la fondation de l’État de droit, au respect des libertés et de l’expression démocratique individuelle [70] ». Le mode de véridiction à l’œuvre est ancré à des « révélations » et s’articule à un régime du miraculeux où « Dieu lui-même » apportera la délivrance au peuple ambazonien. Après avoir fondé la protestation sur le sang « qui parle et qui parlera toujours [71] ». Dans un message non daté posté sur le site de Mark Bareta, Wilfried Tassang affirme que :

29

« Le sang est nécessaire aujourd’hui même pour l’avancement de notre schéma contre l’ennemi du peuple de Dieu. Cependant, le sang de l’innocent pleure dans le ventre de la terre. Le sang d’Abel a crié et Dieu est descendu des cieux. Il entend toujours notre Dieu, et il descend encore. Il a entendu les lamentations de son peuple qui pleure depuis plus de 56 ans. Dans le psaume 75.2, le Seigneur dit : “Au moment que j’aurai fixé, je jugerai avec droiture”, mais pour que Dieu se batte pour nous et juge pour nous, nous devons lui appartenir. C’est le moment fixé pour la libération des élus de Dieu, et nous sommes ses élus. C’est pourquoi toutes les arrestations, les intimidations, les menaces et les meurtres n’ont pas d’effet sur le peuple de Dieu […] Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? [72] ».

30Il promet, le 28 mai 2017, que « le Seigneur lui-même va corriger les erreurs du passé… [73] ». Ce régime de vérité fait émerger un puissant espace associant utopie et dystopie [74] d’une république ambazonienne imaginaire, terre promise et rêvée où toute discrimination envers les anglophones serait abolie [75]. Avec son cortège de commentaires obliques sur le réel souhaité, sans qu’il y ait nécessairement de voie indiquée pour le faire advenir concrètement [76], la part de la dystopie tient de l’imposition d’un ordre nouveau dans une volonté de mobilisation générale. La menace que représente un maintien dans le giron de « La République » incite à un rejet radical du présent et explique la proclamation de Chris Anu : « L’Ambazonie vivra libre ou mourra [77] ». Wilfried Tassang assurera pour sa part, que « nous résisterons jusqu’au dernier, et le dernier résistera jusqu’à sa dernière goutte de sang ! ! ! 57 ans de servitude c’est trop ! Enough is enough ! ! ![78] ». Les retards dans l’accomplissement de la prophétie s’expliquent selon lui par le fait que les leaders veulent se libérer par leur propre pouvoir :

31

« Nous voulons toujours être considérés comme des libérateurs ? Nous crions très fort pour que le monde nous glorifie pour ce que Dieu a décidé de faire. Mais les preuves de notre libération cette année sont convaincantes […]. Tout ce dont nous avons besoin pour vaincre l’ennemi déjà vaincu. Louez Dieu et gloire à son nom [79] ».

32La foi devient un enjeu d’appartenance et un marqueur stable de résistance où la figure de l’adversaire, incarnée par la personne de Paul Biya, le président camerounais, est assimilée à celle de l’« oppresseur diabolique » qui « ne vient que pour voler, tuer et détruire » selon la formule biblique utilisée par des enquêtés [80]. Ce récit s’est construit au cœur d’une forme rudimentaire de messianisme. La croyance religieuse, reléguée voire neutralisée par son usage politique [81], fournit un socle puissant à la mobilisation parce qu’elle est constituée autour d’une fonction politique claire : elle rend possible la production de l’Un. L’accession à la présidence intérimaire du gouvernement ambazonien du révérend Ikome Samuel Sako [82], un mois après l’arrestation de Sissiku Julius Ayuk Tabe, est placée sous le signe de « l’autodéfense : une autodéfense qui se veut efficace conformément au plan légitime de protection de la communauté d’Ambazonie. Cela nous permettra de stopper la destruction aveugle des vies et des biens dans l’Ambazonie [83] ». Il accompagne cette annonce de l’adoption d’une journée nationale ambazonienne de jeûne et de prière pour « la restauration des forces spirituelles positives et négatives dans la révolution indépendantiste [84] ». L’appel au jeûne est réitéré le 9 avril 2018 pour une période de deux semaines. Les Ambazoniens sont invités à cette longue mortification pour accélérer l’intervention divine : « Nous devons prier parce que chaque genou doit fléchir et chaque langue doit confesser que l’Ambazonie est notre héritage, à la gloire de notre Dieu Très-Haut qui, comme nous le chantons dans notre hymne national, est le gardien de notre nation [85] ». Depuis, sur fond de boycott de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, le mouvement s’unifie en rassemblant le visible sous un seul horizon, celui de la terre promise ambazonienne, en médiatisant l’invisible sous une forme visible et en tenant les leaders entre eux selon une hiérarchie hétéronome déterminée par le divin. La radicalisation du mouvement de protestation, dénoté par la proclamation d’indépendance du 1er octobre 2017, élargit les répertoires de l’invisible, en partant de la référence prédominante au christianisme, à des schémas hénothéistes.

Un élargissement des répertoires symboliques à travers un tournant hénothéiste

33La crise anglophone et, avant elle, l’insurrection de Boko Haram ont montré à quel point le recours à des pratiques de sorcellerie a un effet important sur la lutte [86]. Certains affirment que les combattants sécessionnistes sont rendus invisibles par l’Odeshi [87], un culte vaudou originaire du Nigeria procurant une protection surnaturelle contre les balles. Ce rituel témoigne d’un basculement hénothéiste dans la mesure où, tout en se référant au christianisme dans ses discours, la lutte intègre des pratiques animistes [88] dans une démarche de pluralisme religieux. Comme l’analyse le journaliste Franklin Bayen :

34

« Ceci n’est pas une guerre normale […] cette guerre paraît unilatérale avec des combattants sans visage […] qui tuent les troupes du gouvernement, mais ne sont pas tués même dans des confrontations directes. C’est une guerre qui témoigne de signes de mysticisme difficiles à expliquer sans paraître superstitieux [89] ».

35Des soldats présents dans les zones de conflit relatent peu ou prou la même idée : « Vous tirez sur quelqu’un et il ne meurt pas », ou encore : « Vous voyez la moto qui roule et il n’y a personne qui la conduit [90] ». Beaucoup croient fermement à un avantage mystique dont disposeraient les adversaires [91]. C’est pour cette raison que certains soldats ont attaché une fine étoffe rouge protectrice sur leurs armes, qui aurait le pouvoir de neutraliser les sortilèges de l’Odeshi mettant à l’abri les « Amba Boys ». Croire que l’Odeshi procure un gilet pare-balles surnaturel est d’une redoutable efficacité puisqu’il se véhicule un mythe d’invincibilité tant auprès des sécessionnistes que des soldats dont le moral peut en être affecté. Pour lutter contre ces effets psychologiques, les dépouilles d’assaillants ambazoniens, tués par les forces de défense camerounaises lors de l’attaque du 8 décembre 2017 à Mamfé, sont laissées près de la gendarmerie pour, selon des témoins, montrer à tous que la ficelle, le ruban ou le bandeau rouges, signes distinctifs de la pratique du culte Odeshi, ne sont pas une police d’assurance contre les balles de l’armée [92].

36Devant le lourd bilan humain, un fidèle pentecôtiste s’écrie, « les fantômes luttent contre les militaires, il faut prier [93] », appelant à plus d’ardeur dans les supplications. Des témoignages faisant état d’apparitions de fantômes se multiplient, dans une région où beaucoup sont convaincus que, lors de combats mystiques, les esprits des défunts tués par l’armée reviennent se venger. Outre de nombreux appels à la prière et au jeûne pour contrer ces coups asymétriques, les autorités seraient allées rechercher en territoire Pygmée, au sud du Cameroun, un antidote, selon des rumeurs reprises par quelques enquêtés originaires des localités concernées. Cette entreprise aurait été infructueuse parce que, sur le marché de la concurrence magique, « les dieux des anglophones [94] » seraient les plus forts :

37

« Ils ont perdu de vue que Dieu dans son image infinie a donné aux ressortissants de la Manyu l’Obasinjom. Aucun médicament traditionnel ou gris-gris provenant de tout le monde entier ne peut fonctionner dans la Manyu en présence de l’Obasinjom[95] ».

38Pour l’illustrer et perpétuer le mythe, face à des victoires militaires des soldats du très redouté Bataillon d’intervention rapide (BIR), Mark Bareta soutient, le 5 juillet 2018, que :

39

« Les forces de la République du Cameroun ont formé une unité spéciale du BIR qui vient de quitter le Nigeria avec ce qu’ils appellent “Odeshi”. À l’heure où j’écris, leur première cible est Les Dragons rouges de Lebialem [96] ».

40Quelques semaines plus tard, les bonnes recettes servant d’antidote contre l’Odeshi semblent maîtrisées comme le relate un journaliste. Les gendarmes ont appréhendé un « Odeshi Boy » : après lui avoir cassé un œuf sur la tête, il est entré dans une sorte de transe, et s’est mis à faire des aveux et à donner des indications sur les plans de ses compagnons [97]. Critiques, des chrétiens dénoncent ce recours au vaudou comme une grave compromission puisque « The Lord will fight for us [Dieu va combattre pour nous] », à quoi rétorque le leader radical Mark Bareta : « Quand ta cause est juste, Dieu est avec toi [98] ». Ces histoires surnaturelles s’inscrivent dans le cadre d’une mémoire en résistance, déjà présentes dans la lutte contre la colonisation allemande. Le village d’Agborkem German tire son nom et sa réputation macabre de l’étendue des dégâts infligés à l’envahisseur [99]. Déjà à l’époque, étaient mentionnés des cas d’enterrements accompagnés de rituels spécifiques considérés comme une stratégie de résistance : la victime des Allemands était soumise à des rituels et enterrée avec une hache et une machette. Ce sont ces armes qui lui permettaient de revenir en esprit pour se faire justice. Aujourd’hui, selon les témoins, les mutilations macabres de corps parfois observées sont le résultat de l’usage de ces armes par des fantômes. Devant la gravité de la situation, les chefs traditionnels de la région, parfois pointés du doigt par les autorités publiques à cause de leur supposé laxisme vis-à-vis forces contraires ambazonienne [100], mais pourtant cibles des « Amba Boys » comme en témoigne le kidnapping d’un grand nombre d’entre eux, sont amenés à faire une déclaration condamnant les meurtres et les exactions diverses orchestrées, quels qu’en soient les auteurs. Cette déclaration est accompagnée d’une marche rituelle pour invoquer les dieux [101].

41Par-delà la question de la véracité de ces témoignages [102], ce qui est frappant, dans la mise en récit et en scène du poids des esprits sur le cours de la lutte, c’est la construction d’un imaginaire social en lien avec cette irruption de fantômes et d’esprits. Objet de récits éclairant sur les relations entre pouvoir et autorité et construisant socialement des strates de sens, les éléments narratifs (fantômes, ficelles ou bandeaux de couleur rouge, fil rouges attachés aux armes, et autres cris « Odeshi », etc.) sont d’une grande efficacité symbolique. Comme le fait remarquer Luise White au sujet de l’Ouganda :

42

« Les histoires de vampires, en l’occurrence, étaient faites d’images, d’idiomes, de stratégies et de peurs qui utilisaient plusieurs moyens d’expression à la fois, et qui servirent aux Africains à commenter les aléas de leur monde politique. Les registres dont jouent ces récits révèlent, derrière un apparent embrouillamini, une peinture aussi nette que captivante du pouvoir et de l’autorité [103] ».

43Or la sorcellerie et la magie, bien ancrées dans l’imaginaire du pouvoir en général et dans l’histoire des conflits de la région, semblent dans le cas d’espèce procurer une explication commode à l’ampleur et au caractère inédit de la crise anglophone.

44Au total, alors que pendant longtemps le détour par le divin fondait « le report ailleurs, dans l’invisible, des raisons présidant à l’organisation de la communauté des vivants-visibles [104] », le tournant dramatique que prend la crise anglophone en 2018, avec une radicalisation des positions en présence et la militarisation de la revendication sécessionniste à laquelle répond une stratégie contre-insurrectionnelle vigoureuse, montre que le religieux n’a pas dit son dernier mot, tant s’en faut, comme l’illustrent, du reste, les nombreuses invocations sacrificielles. Le marché des biens de délivrance reste prospère, et un vivier de référence de la victoire et de la punition, voire du pardon. Crédité d’un capital spécifique pour la négociation en faveur du retour à la paix, les acteurs religieux n’ont pas fini de structurer l’espace de l’agir au Cameroun, même si leur connexion avec le politique relève du « volatile mix » pour reprendre la formule de William Scott Green [105].

Notes

  • [1]
    « Apostle Johson Suleman says God told him that Cameroon has been sold to the devil by a group of people, and the Anglophone problem is spiritual », 31 mars 2018. Voir la vidéo sur : <http://www.betatinz.com/2018/03/apostle-johnson-suleman-says-god-told-prophecy-southern-cameroonanglophone-crisis.html?m=0>, consulté le 11 octobre 2018.
  • [2]
    M. Gauchet, La révolution moderne. L’avènement de la démocratie I, Paris, Gallimard, 2007, p. 145-146. Voir également du même auteur Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.
  • [3]
    P. Norris et R. Inglehart, Sacred and Secular. Religion and Politics Worldwide, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2004. Voir aussi J. Neusner (dir.), God’s Rule. The Politics of World Religion, Washington, Georgetown University Press, 2003.
  • [4]
    F. Engels, « Contribution à l’histoire du christianisme primitif », Le Devenir social (organe théorique de la deuxième internationale), 1894, p. 311-312, cité par M. Löwy, « Opium du peuple ? Marxisme critique et religion » [en ligne], Contretemps, n° 12, 2005, <https://www.contretemps.eu/opium-peuple-marxisme-critique-religion/>, consulté le 11 octobre 2018.
  • [5]
    Voir P. Bourdieu, « Genèse et structure du champ religieux », Revue française de sociologie, vol. 12, n° 3, 1971, p. 295-334.
  • [6]
    Voir notamment J.-F. Bayart (dir.), Religion et modernité politique en Afrique noire. Dieu pour tous et chacun pour soi, Paris, Karthala, 1993 ; A. Mbembe, Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale, Paris, Karthala, 1988.
  • [7]
    M. Gauchet, Le désenchantement du monde, op. cit., p. 9.
  • [8]
    R. Trigg, « Under God ? », in R. Trigg, Religion in Public Life : Must Faith Be Privatized ?, Oxford/New York, Oxford University Press, 2007, p. 209-229.
  • [9]
    M.Weber, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959, cité par M.Milot, « Religion et intégrisme, ou les paradoxes du désenchantement du monde », Cahiers de recherche sociologique, n° 30, 1998, p. 159.
  • [10]
    Ici, le sacré est un ordre de choses mises à part, entourées de prohibitions et consacrées à un usage spécifique : « les croyances, les mythes, les dogmes, les légendes sont ou des représentations ou des systèmes de représentations qui expriment la nature des choses sacrées, les vertus et les pouvoirs qui leur sont attribués… leurs rapports avec les choses profanes ». É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Alcan, 1912, p. 51.
  • [11]
    J.-F. Bayart, État et religion en Afrique, Paris, Karthala, 2018 ; « Religion et politique en Afrique. Le paradigme de la cité cultuelle », Études africaines comparées, n° 1, 2015, p. 1-23.
  • [12]
    Voir R.Marshall-Fratani et D. Péclard (dir.), « Les sujets de Dieu », Politique africaine, n° 87, 2002.
  • [13]
    Entre octobre 2016 et septembre 2018, des entretiens ont été réalisés avec des dizaines d’anglophones et de francophones, y compris certains des principaux protagonistes de la lutte à Yaoundé, Bamenda et Douala. Ces données sont complétées de notes d’observations directes d’événements et de l’exploitation de données documentaires, notamment numériques, relatives au religieux dans la lutte (transcriptions de révélations spirituelles, appels à la prière et au jeûne, tribunes diverses à connotation religieuse, rapports et communiqués d’organisations confessionnelles, etc.).
  • [14]
    M. Foucault, Dits et écrits II, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, p. 693.
  • [15]
    M. Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France 1977-1978, Paris, EHESS/ Gallimard/Seuil, 2004.
  • [16]
    Voir P. Konings et F. B. Nyamnjoh, « The Anglophone Problem in Cameroon », The Journal of Modern African Studies, vol. 35, n° 2, 1997, p. 207-229 ; Negotiating an Anglophone Identity : A Study of the Politics of Recognition and Representation in Cameroon, Leiden, Brill, 2003.
  • [17]
    Jusqu’à ce jour, la grève se poursuit dans de nombreux établissements de la partie anglophone du pays.
  • [18]
    Il s’agit de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, traité du 24 mars 2000.
  • [19]
    Le mouvement estudiantin donne lieu à une irruption de la police sur le campus et à des dizaines d’arrestations selon certains journalistes. Voir M. Mouendé Ngamo, « Cameroun : la police saute sur les étudiants à Buea » [en ligne], 237online.com, <https://www.237online.com/cameroun-la-police-saute-sur-les-etudiants-a-buea/>, consulté le 12 octobre 2018. Des enseignants et des avocats sont également arrêtés, les plus emblématiques sont l’avocat Felix Agbor Balla, l’universitaire Dr Fontem Aforteka’a Neba, respectivement président et secrétaire général du Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (CACSC), arrêtés le 17 janvier 2017 tandis que le ministre de l’Administration territoriale publie un arrêté portant interdiction de ces organisations. L’animateur radio Mancho Bibixy, qui a lancé la « révolution du cercueil » à Bamenda, est également arrêté.
  • [20]
    L’Ambazonie est le nom de la région revendiquée par les indépendantistes, en référence à la baie d’Ambas traversant la partie anglophone du Cameroun. D’une superficie de 43 700 km2, l’Ambazonie est généralement préférée à la terminologie Southern Cameroons qui désigne le bloc formé par les régions anglophones.
  • [21]
    Les victimes sont une dizaine selon le gouvernement et une centaine selon le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale. Voir « Cameroun : “À Bamenda, le 1er octobre, les balles pleuvaient sur nous comme si nous étions des criminels” » [en ligne], Le Monde, 17 octobre 2017, <https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/10/17/cameroun-a-bamenda-le-1er-octobre-les-balles-pleuvaient-sur-nous-comme-si-nous-etions-des-criminels_5202065_3212.html>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [22]
    Selon le bilan gouvernemental, il y a eu 123 attaques contre l’armée faisant 84 victimes parmi les forces de sécurité et de défense, 74 994 déplacées, 21 291 réfugiés au Nigeria, 120 établissements incendiés, des arrêts de projets gouvernementaux, un ralentissement des activités agricoles et commerciales. Voir « Communication relative au plan spécial d’urgence humanitaire » [en ligne], Camer.be, 20 juin 2018, <http://www.camer.be/68984/11:1/cameroun-communique-portant-sur-le-plan-daassistance-humanitaire-daurgence-pour-les-ragions-du-nord-a-ouest-et-du-sud-a-ouest-2018-a-2019-et-sur-la-prorogation-des-mandats-des-daputas-cameroon.html>, consulté en août 2018. Le rapport d’International Crisis Group évoquait au moins 100 civils tués, plus de 1 000 arrestations et 300000 déplacés. Voir International Crisis Group, « Élection présidentielle au Cameroun : les fractures se multiplient » [en ligne], Africa Briefing, n° 142, 3 octobre 2018, <https://www.crisisgroup.org/fr/africa/central-africa/cameroon/b142-election-presidentielle-au-cameroun-les-fractures-se-multiplient>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [23]
    République du Cameroun, Vision 2035. Le Cameroun : un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité, Yaoundé, République du Cameroun, 2009.
  • [24]
    « Conference to seek lasting solution to anglophone crisis », 25 juillet 2018, <https://cameroonpostline.com/cardinal-tumi-other-clerics-convene-stormy-aac-iii/>, consulté le 25 octobre 2018.
  • [25]
    O. Bokale, « La Conférence générale anglophone se tiendra après la présidentielle » [en ligne], Cameroon-report.com, 14 août 2018, <https://cameroon-report.com/societe/tentative-de-dialogue-la-conference-generale-anglophone-se-tiendra-apres-la-presidentielle/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [26]
    Germinal, n° 92, 16 septembre 2016.
  • [27]
    Le 4 août 2015, dignitaires religieux et autorités administratives se retrouvent à Ngaoundéré pour « barrer la voie à la barbarie de Boko Haram ». Le cheikh Oustaz Mahmoud, imam de la mosquée centrale du Lamidat, insiste sur le fait que « les prières sont les armes redoutables pour nous défendre de tout mal » tandis que l’évêque du diocèse de Yagoua recommande aux croyants « un appui inconditionnel aux hautes autorités ». Voir A. Ousmanou, « Le Cameroun inondé de prières pour la paix » [en ligne], Aurore Plus, 26 août 2018, <http://www.camer.be/44817/10:1/le-cameroun-inonde-de-prieres-pour-la-paix-cameroon.html>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Importé des États-Unis en 2009, où il existe depuis 67 ans, par le révérend Libom Li Likeng de l’Église presbytérienne du Cameroun, c’est un espace multidénominationnel chrétien impliquant les élites et dédié à la prière.
  • [30]
    S. Guebediang, « Préservation de la paix au Cameroun : une matinée de prière spéciale à Yaoundé », Cameroon Tribune, 22 novembre 2017.
  • [31]
    La diaspora anglophone est en effet accusée de soutenir l’insurrection armée. Dans une communication spéciale le 20 juin 2018, le Premier ministre Philémon Yang dénoncera « des extrémistes de la diaspora et leurs relais locaux [qui] s’emploient à substituer aux revendications corporatistes un projet sécessionniste ».
  • [32]
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Entre autres, Nico Halle, membre de la Commission nationale pour le bilinguisme et le multiculturalisme, prie et le fait savoir, en couverture des journaux depuis des mois. Voir « Ntumfor Nico Hale Prays for Nation », plusieurs fois en couverture du journal Eden entre mai et juin 2018.
  • [35]
    L. Ngongo, Histoire des forces religieuses au Cameroun, Paris, Karthala, 1982.
  • [36]
    J.-F. Bayart, « La fonction politique des Églises au Cameroun », Revue française de science politique, vol. 23, n° 3, 1973, p. 514-536.
  • [37]
    Cette affaire est retentissante du fait de sa gravité : 57 détenus politiques, dont huit femmes et un enfant de la prison de New Bell, avaient été parqués dans le wagon n° 31-047, généralement dédié au transport de marchandises. Scellé au départ, le wagon sera ouvert à Yaoundé sur des voyageurs dont 25 sont morts par asphyxie. Le Père Fertin, directeur de publication qui fait un éditorial sur la catastrophe pour le compte du journal catholique L’Effort camerounais, est expulsé sans autre forme de procès. Voir P. Fertin, « Le train de la mort », L’Effort camerounais, n° 327, 18 février 1962. Ce numéro sera le premier journal largement saisi sous la République fédérale du Cameroun. Mgr Jean Zoa avait dans le même numéro fait une déclaration interpellant les autorités publiques d’une formule restée célèbre : « Que notre patrie soit une terre respectueuse de la vie et des droits de ses enfants ».
  • [38]
    Dès 1977, les évêques de la province épiscopale de Bamenda publient une lettre dénonçant les actes de corruption. Elle est suivie, en 1980, de celle de la province ecclésiastique de Garoua, puis de la lettre pastorale de la Conférence épiscopale nationale en 1990. La conférence chargera d’ailleurs les Commission Justice et paix de lutter à l’échelle diocésaine contre ce fléau. Voir J. F. Channon, « Succession de Paul Biya : voici pourquoi Mgr Bala a été sacrifié » [en ligne], 4 juin 2018, <https://www.cameroonweb.com/CameroonHomePage/features/Succession-de-Paul-Biya-voici-pourquoi-Mgr-Bala-a-t-sacrifi-0440752>, consulté le 25 octobre 2018
  • [39]
    International Crisis Group, « La crise anglophone au Cameroun : comment l’Église catholique peut encourager le dialogue » [en ligne], Briefing Afrique, n° 138, 25 avril 2018, <https://www.crisisgroup.org/fr/africa/central-africa/cameroon/b138-cameroons-anglophone-crisis-how-catholic-church-can-promote-dialogue>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [40]
    « Communiqué final de la 42e assemblée plénière de la Conférence épiscopale nationale du 23 au 29 avril 2017 » [en ligne], <http://www.cameroun24.net/actualite-cameroun-Les__C3_A9v_C3_AAques_appellent_au_renforcement_de_l_E2_80_99uni-4-4-38905.html?pr=55858&lang=fr>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [41]
    L. Sarr, « Crise anglophone au Cameroun, l’Église réclame une décentralisation effective » [en ligne], La Croix Africa, 2 octobre 2017, <https://africa.la-croix.com/crise-anglophone-cameroun-leglise-reclame-decentralisation-effective/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [42]
    M. Bareta, « Southern Cameroonians Must Reject Peace Prayer Points, Pray For Justice Instead » [en ligne], 24 décembre 2017, <https://www.bareta.news/southern-cameroonians-must-reject-peace-prayer-points-pray-justice-instead/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Bamenda Provincial Episcopal Conference (Bapec), Memorandum Presented to the Head of State, His Excellency President Paul Biya by the Bishops of the Ecclesiastical Province of Bamenda on the Current Situation in the Northwest and the Southwest Regions of Cameroon [en ligne], Bamenda, Bapec, 22 décembre 2016, <https://mission-universelle.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/7/2017/01/BAMENDA-PROVINCIAL-EPISCOPAL-CONFERENCE.pdf>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [45]
    Bamenda Provincial Episcopal Conference (Bapec), Declaration of the Bishops of the Bamenda Provincial Episcopal Conference (Bapec) following the massive demonstrations and the curfew imposed on the North West and South West regions from friday, 29th September to monday, 2nd October 2017 [en ligne], Bamenda, Bapec, 4 octobre 2017, <http://brennpunktkamerun.org/wp-content/uploads/2018/07/EPISCOPAL-CONFERENCE-LETTER-ON-1-OCTOBER-2017-EVENTS.pdf>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [46]
    RFI, « Cameroun anglophone : trois évêques comparaissent devant un tribunal de Bamenda » [en ligne], RFI, 17 avril 2017, <www.rfi.fr/afrique/20170417-cameroun-anglophone-trois-eveques-comparaissent-devant-tribunal-bamenda>, consulté le 25 octobre 2018.
  • [47]
    Y. Bene, « Crise anglophone : la commission diocésaine Justice et paix se penche sur la question » [en ligne], Yaoundé, Archidiocèse de Yaoundé, 18 décembre 2017, <https://archidiocesedeyaounde.org/crise-anglophone-commission-diocesaine-justice-paix-se-penche-question/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [48]
    Ibid.
  • [49]
    RFI, « Cameroun : la Conférence épiscopale condamne la violence et appelle au dialogue » [en ligne], RFI, 8 octobre 2017, <www.rfi.fr/afrique/20171008-cameroun-cenc-conference-episcopale-regions-anglophones-violence-dialogue>, consulté le 10 octobre 2018.
  • [50]
    M. Malzac, « Au Cameroun, la crise anglophone divise les évêques », La Croix, 12 octobre 2017.
  • [51]
    Formule employée par Georges Dougueli, « Cameroun : Paul Biya peut-il encore compter sur l’Église ? », Jeune Afrique, 7 mai 2018.
  • [52]
    B. Kala, « Crise anglophone. Les évêques appellent au renforcement de l’unité nationale » [en ligne], Cameroun24.net, 29 avril 2017, <http://www.cameroun24.net/actualite-cameroun-Les__C3_A9v_C3_AAques_appellent_au_renforcement_de_l_E2_80_99uni-4-4-38905.html?pr=55858&lang=fr>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [53]
    M.Malzac, « Au Cameroun, enquête sur les relations entre le pouvoir et les évêques », La Croix Africa, 27 avril 2018.
  • [54]
    Voir notamment G. Séraphin (dir.), L’effervescence religieuse en Afrique. La diversité locale des implantations religieuses chrétiennes au Cameroun et au Kenya, Paris, Karthala, 2004 ; C. Mayrargue, Les dynamiques paradoxales du pentecôtisme en Afrique subsaharienne, Paris, Ifri, 2008 ; S. Batibonak, « Les pentecôtismes africains, socle de métamorphose. Le cas du Cameroun », Sphères, n° 1, 2013, p. 63-79, <http://blogs-old.univ-avignon.fr/ictt/spheres/>, consulté le 12 septembre 2018.
  • [55]
    L’orchestration de cette rivalité a été flagrante lorsqu’il a fallu pourvoir des postes dans les commissions électorales, aussi bien au sein de l’Observatoire national des élections que par la suite, d’Elections Cameroon. Tantôt l’on promouvait un pasteur, tel le révérend Joseph Azombo Ebo’o, tantôt le régime nommait un prélat catholique, comme l’évêque de Bafoussam, Dieudonné Watio.
  • [56]
    Interview accordée à Christophe Boisbouvier pour RFI, C. Boisbouvier, « Présidentielle au Cameroun : parole du candidat Ndifor Afanwi Franklin » [en ligne], RFI, 21 septembre 2018, <http://www.rfi.fr/afrique/20180920-presidentielle-cameroun-parole-candidat-ndifor-afanwi>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [57]
    M. E. Pommerolle et H. Heungoup, « The “Anglophone Crisis” : A Tale of the Cameroonian Postcolony », African Affairs, vol. 116, n° 464, 2017, p. 526-538.
  • [58]
    Voir à ce propos A. Marie, R. Vuarin, F. Leimdorfer, J.-F. Werner, E. Gérard, O. Tiékoura, L’Afrique des individus, Paris, Karthala, 1997.
  • [59]
    R. Marshall-Fratani et D. Péclard, « La religion du sujet en Afrique », Politique africaine, n° 87, 2002, p. 6.
  • [60]
    M. Gauchet, Le désenchantement du monde, op. cit., p. 36.
  • [61]
    M. Gauchet, La condition politique, Paris, Gallimard, 2005, p. 21 et suivantes.
  • [62]
    P. Konings, « Le “problème anglophone” au Cameroun dans les années 1990 », Politique africaine, n° 62, 1996, p. 25-34.
  • [63]
    W. Tassang, « Comment vivre dans un pays où vous êtes considérés comme des étrangers ? », Lettre ouverte, 19 septembre 2017, <http://www.icicemac.com/2017/09/19/tassang-wilfried-comment-vivre-dans-un-pays-ou-vous-etes-consideres-comme-des-etrangers/>, consulté en août 2018.
  • [64]
    « Tassang Wilfred, SG of Scacuf, Outlines 4 Evidence why 2017 Shall Be Southern Cameroons Liberation Year » [en ligne], Cameroon Concord, 28 mai 2017, <http://cameroon-concord.com/boko-haram/8486-tassang-wilfred-sg-of-scacuf-outlines-4-evidence-why-2017-shall-be-southern-cameroons-liberation-year>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [65]
    Ibid.
  • [66]
    Ibid.
  • [67]
    Ibid. Ces propos sont repris lors d’un entretien avec le leader.
  • [68]
    Entretiens conduits par l’auteur entre décembre 2016 et septembre 2018.
  • [69]
    P. Konings, « Le “problème anglophone” au Cameroun… », art. cité.
  • [70]
    A. Kouvouama, « Penser la politique en Afrique », Politique africaine, n° 77, 2000, p. 11.
  • [71]
    W. Tassang, « The Blood Speaks and Shall Always Speak », <https://www.bareta.news/blood-speaks-shall-always-speak-tassang/>, consulté le 10 octobre 2018.
  • [72]
    Ibid.
  • [73]
    W. Tassang, « Comment vivre dans un pays… », art. cité.
  • [74]
    Entre modèle désiré et futur totalitaire et menaçant, voir E. Després (dir.), « Utopie/dystopie : entre imaginaire et réalité », Postures, hors série n° 2, 2010 ; A. Huxley, Le Meilleur des mondes, Paris, Pocket, 2002.
  • [75]
    Elle évoque l’île imaginaire plus souhaitée qu’espérée de Thomas More, L’Utopie, Paris, Librio, coll. « Philosophie », 2003.
  • [76]
    On peut le voir sur les pages Facebook de nombreux leaders de la mobilisation.
  • [77]
    Chris Anu, le secrétaire à la communication et aux TIC (technologies de l’information et de la communication) du gouvernement intérimaire d’Ambazonie, signe ses messages publics précédés de la mention « Ambozonians will “Live Free or Die” ».
  • [78]
    W. Tassang, « Comment vivre dans un pays… », art. cité.
  • [79]
    Ibid.
  • [80]
    Entretiens à Yaoundé, janvier 2018.
  • [81]
    A. Welchman (dir.), Politics of Religion/Religions of Politics, Dordrecht, Springer, 2015.
  • [82]
    Il se présente aussi comme conseiller chrétien, ministre de culte ordonné, auteur, conférencier, un défenseur de la politique chrétienne, acteur humanitaire et président de Powerhouse Foundation dans le Maryland aux États-Unis, <https://www.linkedin.com/in/samuel-ikome-sako-thd-b7b94126>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [83]
    « Cameroun : Samuel Sako Ikome, nouveau président de la république fédérale d’Ambazonie », Camer24, 11 février 2018, <https://camer24.de/cameroun-samuel-sako-ikome-nouveau-president-de-la-republique-federale-dambazonie/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [84]
    J. Agbor, « Southern Cameroonians Begin Day of Fasting And Prayers » [en ligne], Baretanews, <https://www.bareta.news/southern-cameroonians-begin-day-fasting-prayers/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [85]
    B. Neba, « Acting President Sako Calls 2-Week Long Fasting & Prayer Session » [en ligne], <https://www.bareta.news/acting-president-sako-calls-2-week-long-fasting-prayer-session/>, consulté le 24 octobre 2018.
  • [86]
    Marc-Antoine Pérouse de Montclos évoque notamment le recours à des pratiques préislamiques pour assurer aux combattants des protections surnaturelles et leur garantir une invincibilité. La découverte de nombreuses amulettes sur les combattants tués ou arrêtés, tout comme d’organes et de sang humains dans les camps démantelés en atteste. Voir M.-A. Pérouse de Montclos, « Boko Haram, une exception dans la mouvance djihadiste ? », Politique étrangère, n° 2, 2015, p. 147-158.
  • [87]
    J. E. Anegbode et L. M. Igbafen, « Ethnic Militia Violence in Nigeria : The Case of the O’odua Peoples’ Congress (OPC) », Journal of Social, Political and Economic Studies, vol. 32, n° 2, 2007, p. 131-151. L’écriture du mot change parfois et, dans certains documents, l’on retrouve « odey chi, odeshie » ou encore « odeyshie ». Le recours à cette pratique vaudou est une diversification des références religieuses avec un dieu principal entouré et opérant avec d’autres dieux de moindre envergure en soutien de la cause. Voir P. Borgeaud, « Dieu(x) et divinités », in P. Borgeaud et D. Hervieu-Léger (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, PUF, 2010, p. 257-259.
  • [88]
    L’un des dieux invoqués est l’Obasinjon. Voir J. Fon in Mamfe, « Southern Cameroons Crisis : Understanding the Manyu Resistance and the Return of Odeshi » [en ligne], Cameroon Concord News, 27 décembre 2017, <http://www.cameroonconcordnews.com/southern-cameroons-crisis-understanding-the-manyu-resistance-and-the-return-of-odeshi/>, consulté le 12 octobre 2018.
  • [89]
    F. S. Bayen « The Manyu Mystic War : How Ambazonia “Odeshi” Fighters Kill but Can’t Be Killed », Cameroon Intelligence Report, 31 décembre 2017.
  • [90]
    Entretien avec un officier supérieur de l’armée, Yaoundé, juin 2018.
  • [91]
    C’est le cas d’un témoin direct, habitant de Muyuka dans le Sud-Ouest (entretien, juillet 2018).
  • [92]
    F. S. Bayen « The Manyu Mystic War… », art. cité.
  • [93]
    Entretien avec un chrétien originaire de Bombe (Sud-Ouest), Yaoundé, mai 2018.
  • [94]
    Formule employée par un enquêté de la zone de Ndop dans le Nord-Ouest, juillet 2018.
  • [95]
    J. Fon in Mamfe, « Southern Cameroons Crisis… », art. cité.
  • [96]
    « Military now Uses Witchcraft (Odeshi) to Fight Amba Boys », Betatinz.com, 28 juillet 2018, <http://www.betatinz.com/2018/07/military-now-uses-witchcraft-odeshi-to-fight-amba-boys.html>, consulté le 12 octobre 2018
  • [97]
    F. S. Bayen « The Manyu Mystic War… », art. cité.
  • [98]
  • [99]
    V. G. Fanso, « The Latent Struggle for Identity and Autonomy in the Southern Cameroons, 1916-1946 », in I. Fowler et V. G. Fanso (dir.), Encounter Transformation, and Identity. People of the Western Cameroon Borderlands, 1891-2000, New York/Oxford, Berghahn Books, 2009.
  • [100]
    La journaliste Judith Fon soutient que, dans le département de la Manyu, certains chefs traditionnels, qui avaient acquis le pouvoir de manière peu légitime et dont les populations contestaient la présence à la tête de la chefferie, ont enrôlé des jeunes qu’ils ont initiés à l’Odeshi. En échange, ces derniers leur assurent une protection. Voir J. Fon in Mamfe, « Southern Cameroons Crisis… », art. cité.
  • [101]
    Ojong Steven Ayukogem, « Acting too Little too Late. Manyu Chiefs Wake up from Slumber, Condemn Killings : Populations now Swimming in Blood, Tears and Fire », The Median Newspaper, 28 décembre 2017.
  • [102]
    Ici se pose le problème épistémologique de la valeur des sources orales rapportée à la question de la vérité. Nous avons choisi de prendre au sérieux exagérations et rumeurs orales en tant qu’expressions d’une rhétorique symbolique.
  • [103]
    L. White, « Histoire africaine, histoire orale et vampires. Procès et palabres à Kampala dans les années 50 », Politique africaine, n° 79, 2000, p. 100.
  • [104]
    M. Gauchet, La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard 2002, p. 32.
  • [105]
    W. S. Green, « Introduction. Religion and Politics : A Volatile Mix », in J. Neusner (dir.), God’s Rule…, op. cit., p. 1-10.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.171

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions