Couverture de POLAF_148

Article de revue

« On ne mange pas les ponts et le goudron » : les sentiers sinueux d’une sortie de crise en Côte d’Ivoire

Pages 5 à 26

Notes

  • [1]
    S. Straus, « “It’s Sheer Horror Here” : Patterns of Violence During the First Four Months of Côte d’Ivoire Post-Electoral Crise », African Affairs, vol. 110, n° 440, 2011, p. 481-489.
  • [2]
    Cérémonie d’investiture, Discours du président de la République SEM Alassane Ouattara [en ligne], 21 mai 2011, <http://www.gouv.ci/doc/Discours_Investiture.pdf>, consulté le 9 mars 2018.
  • [3]
    Sur l’histoire du conflit armé en Côte d’Ivoire, voir R. Banégas et R. Marshall-Fratanie (dir.), « La Côte d’Ivoire en guerre : dynamiques du dedans et du dehors », Politique africaine, n° 89, 2003 ; F. Akindès, Les racines de la crise militaro-politique en Côte d’Ivoire, Dakar, Codesria, 2004 ; C. Bouquet, Géopolitique de la Côte d’Ivoire, Paris, Armand Colin, 2005 ; F. Akindès, « Côte d’Ivoire since 1993 : The Risky Reinvention of a Nation », in A. Raufu Mustapha et L. Whitfield (dir.), Turning Points in African Democracy, Londres, James Currey, 2009, p. 31-49 ; M. McGovern, Making War in Côte d’Ivoire, Chicago, The University of Chicago Press, 2011 ; T. Bassett, « Winnnig Coalition, Sore Loser : Côte d’Ivoire’s 2010 Presidential Elections », African Affairs, vol. 110, n° 440, 2011, p. 469-479.
  • [4]
    J.-P. Chauveau et K. S. Bobo, « La situation de guerre dans l’arène villageoise. Un exemple dans le Centre-Ouest ivoirien », Politique africaine, n° 89, 2003, p. 12-32 ; R. Banégas, « La politique du “gbonhi”. Mobilisations patriotiques, violence milicienne et carrières militantes en Côte-d’Ivoire », Genèses, n° 81, 2010, p. 25-44 ; G. Koné, « Logiques sociales et politiques des pillages et barrages dans la crise post-électorale en Côte d’Ivoire », Politique africaine, n° 122, 2011, p. 145-160 ; G. Koné, Les « Jeunes patriotes » ou la revanche des « porteurs de chaises » en Côte d’Ivoire, Abidjan, Les classiques ivoiriens, 2014.
  • [5]
    Il faut entendre ici par faiblesse de l’État une situation dans laquelle celui-ci a perdu une partie de sa souveraineté, dépend des accords de paix négociés, ne peut imposer son autorité sur toute l’étendue du territoire du fait de la présence d’une rébellion dans le Nord et de milices pro-Gbagbo dans la partie ouest du pays, et dépend essentiellement des ressources extérieures et de l’assistance humanitaire pour la couverture des besoins sociaux, particulièrement dans les anciennes zones CNO (Centre, Nord, Ouest). En même temps, tous les éléments évoqués ici constituent des dynamiques historiques par lesquelles l’État se réinvente et se forme, dans le sens où l’entendent John Lonsdale et Bruce Berman (Unhappy Valley, Londres, James Currey, 1994, p. 5).
  • [6]
    F. Akindès et V. Troit, « Introduction. La transition humanitaire en Côte d’Ivoire, éléments de cadrage », in T. Fouquet et V. Troit (dir.), Transition humanitaire en Côte d’Ivoire, Paris, Karthala, 2017, p. 9-24.
  • [7]
    Financé sur « Fonds présidentiel spécial », le Programme présidentiel d’urgence PPU est doté d’un montant initial de 45 milliards de francs CFA. Ce fonds était destiné à des investissements ciblés dans cinq secteurs considérés comme prioritaires : l’eau potable, la santé, l’éducation, l’électricité et la salubrité urbaine. Par la suite, la gestion de ce fonds a été dénoncée pour son « opacité ». Voir « Côte-d’Ivoire “opacité” la BM et le FMI veulent la fin du PPU programme présidentiel d’urgence » [en ligne], Connection ivoirienne.net, <https://www.connectionivoirienne.net/93402/cote-divoire-opacite-la-bm-et-le-fmi-veulent-la-fin-du-programme-presidentiel-durgence>, consulté le 13 mars 2018.
  • [8]
    Voir, à ce sujet, O. Zina, « L’autonomie dans la transition humanitaire ivoirienne », in T. Fouquet et V. Troit (dir.), Transition humanitaire en Côte d’Ivoire, op. cit., p. 45-60.
  • [9]
    République de Côte d’Ivoire, Revue du plan national de développement. PND 2012-2015. Tome 1 : Rapport de la revue globale, Abidjan, Ministère du Plan et du Développement, 2015, p. 16.
  • [10]
    B. Samuel, « Planifier en Afrique », Politique africaine, n °145, 2017, p. 5-27.
  • [11]
    République de Côte d’Ivoire, Plan national de développement. PND 2016-2020. Orientations stratégiques, Tome 2, Abidjan, Ministère du Plan et du Développement. p. 9.
  • [12]
    Voir la lettre d’intention adressée le 17 novembre 2017 par le ministre ivoirien de l’Économie et des finances au directeur général du Fonds monétaire international, <https://www.imf.org/external/np/loi/2017/civ/fra/111717f.pdf>, consulté le 13 mars 2018.
  • [13]
    « Côte d’Ivoire : un séminaire gouvernement-opposition annoncé pour un climat politique apaisé » [en ligne], @bij@n.net, 21 septembre 2013, <http://news.abidjan.net/h/473479.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [14]
    « Les partis du CPD aux forces vives de la Nation : “Ne vous laissez pas distraire” » [en ligne], @bij@n.net, 5 octobre 2013, <http://news.abidjan.net/h/475805.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [15]
    Il s’agissait à l’époque de la date et des conditions de déroulement des élections locales, de la clarification du statut de l’opposition et du recensement général de la population.
  • [16]
    « Côte d’Ivoire : un dialogue politique nécessaire malgré des désaccords persistants » [en ligne], @bij@n.net, 1er février 2013, <http://news.abidjan.net/h/450586.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [17]
    International Crisis Group, Côte d’Ivoire : faire baisser la pression. Rapport Afrique n° 193 [en ligne], 26 novembre 2012, <https://d2071andvip0wj.cloudfront.net/193-cote-d-ivoire-defusing-tensions-french.pdf>, consulté le 9 mars 2018.
  • [18]
    Au moins 128 militaires et civils pro-gbagbo ont été inculpés pour 22 chefs d’accusation, et 10 mandats d’arrêt internationaux ont été émis. Du côté des pro-Ouattara, seulement deux Comzones, Chérif Ousmane et Losséni Fofana, des hauts placés dans la hiérarchie des FRCI, ont été inculpés, essentiellement pour leur responsabilité dans l’offensive qui a eu lieu à l’Ouest du pays en mars-avril 2011 et probablement pour leur implication dans ce qu’on a appelé le massacre de Duékoué. Voir « Justice des vainqueurs sous Ouattara : 128 militaires et civils pro-Gbagbo inculpés pour 22 chefs d’inculpation » [en ligne], La Dépêche d’Abidjan, 23 août 2011, <https://www.ladepechedabidjan.info/Justice-des-vainqueurs-sous-Ouattara-128-militaires-et-civils-pro-Gbagbo-inculpes-pour-22-chefs-d-inculpation_a4113.html>, consulté le 9 mars 2018 ; « Inculpation des FRCI/Frédéric Geel (FIDH) : “Il faut un procès transparent” » [en ligne], <http://news.educarriere.ci/news-15103-proces-des-pro-gbagbo-inculpation-des-frci-frederic-geel-fidh-il-faut-un-proces-transparent.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [19]
    M. Bovcon, « The Progress in Establishing the Rule of Law in Côte d’Ivoire under Ouattara’s Presidency », Canadian Journal of African Studies/Revue canadienne des études africaines, vol. 48, n° 2, 2014, p. 185-202.
  • [20]
    Communauté d’appartenance d’Alassane Ouattara, originaire de Kong, qui estime avoir été brimée sous la présidence de Laurent Gbagbo ; c’est également celle de Robert Guéï et d’Henri Konan Bédié.
  • [21]
    Région d’origine de Laurent Gbagbo, l’ex-président déchu, et en même temps l’un de ses fiefs électoraux.
  • [22]
    International Crisis Group, Côte d’Ivoire : faire baisser la pression …, op. cit.
  • [23]
    Amnesty International, Côte d’Ivoire : la loi des vainqueurs. La situation des droits de l’homme deux ans après la crise post-électorale, Londres, Amnesty International, 2013.
  • [24]
    Human Rights Watch, « Transformer les discours en réalité. L’heure de réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves perpétrés en Côte d’Ivoire » [en ligne], <https://www.hrw.org/fr/report/2013/04/03/transformer-les-discours-en-realite/lheure-de-reclamer-des-comptes-pour-les-crimes>, consulté le 9 mars 2018.
  • [25]
    G. Koné, Les « Jeunes patriotes » …, op. cit.
  • [26]
    Voir à ce sujet Human Rights Watch, « Transformer les discours en réalité … », art. cité.
  • [27]
    Rinaldo Depagne (International Crisis Group), « En Côte d’Ivoire “l’arrestation de Gbagbo n’a pas réglé la crise” » [en ligne], <https://www.a53news.com/En-Cote-d-Ivoire-l-arrestation-de-Gbagbo-n-a-pas-regle-la-crise_a20150.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [28]
    Le terme « rattrapage ethnique », une formulation ironique, est sorti du contexte d’une interview accordée à un journaliste français par le président Alassane Ouattara pour caractériser un mode de gestion de l’État qui lui est imputé et surtout pour exprimer le sentiment que les faveurs de l’État (nominations à des hautes fonctions de l’administration, attribution de marchés publics, etc.) sont accordées, sous son régime, de préférence aux ressortissants du Nord.
  • [29]
    K. Andrieu, La justice transitionnelle, Paris, Gallimard, 2012 ; P. Hazan, Juger la guerre, juger l’histoire. Du bon usage des commissions Vérité et de la justice internationale, Paris, PUF, 2007.
  • [30]
    P. Hazan, Juger la guerre, juger l’histoire …, op. cit., p. 16.
  • [31]
    Le Programme national de cohésion sociale (PNCS) a été initié, selon le gouvernement, pour contribuer au renforcement de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire par le biais de la réconciliation nationale, et de la consolidation de la paix et de la sécurité. Son cœur d’activité est le programme d’indemnisation des victimes. Voir <http://www.pncs.ci>, consulté le 11 mars 2018.
  • [32]
    B. Charbonneau, « Côte d’Ivoire : possibilités et limites d’une réconciliation », Afrique contemporaine, n° 245, 2013, p. 121.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Cité par Ibid.
  • [35]
    O. Abel, « Pardon, histoire, oubli », Revue internationale et stratégique, n° 88, 2012, p. 60.
  • [36]
    F. Hartmann, « Juger et pardonner des violences d’État : deux pratiques opposées ou complémentaires ? », Revue internationale et stratégique, n° 88, 2012, p. 67-80.
  • [37]
    O. Abel, « Pardon, histoire, oubli », art. cité, p. 60.
  • [38]
    Voir l’analyse offerte sur les politiques de ressentiment en Côte d’ivoire dans M. McGovern, Making War in Côte d’Ivoire, op. cit.
  • [39]
    G.-A. Kieffer, « Armée ivoirienne : le refus du déclassement », Politique africaine, n° 78, 2000, p. 26-44 ; H. Yebouet, « La Côte d’Ivoire au lendemain de la crise post-électorale : entre sortie de crise politique et défis sécuritaires », Sécurité et stratégie, n° 7, 2011, p. 22-32.
  • [40]
    M. Fofana, « Des Forces nouvelles aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Comment une rébellion devient républicaine », Politique africaine, n° 122, 2011, p. 161-178.
  • [41]
    H. Yebouet, « La Côte d’Ivoire au lendemain de la crise post-électorale … », art. cité.
  • [42]
    K. Heitz, « Power-Sharing in the Local Arena : Man – a Rebel-Held Town in Western Côte d’Ivoire », Africa Spectrum, vol. 44, n° 3, 2009, p. 109-131 ; J. Speight, « Rebel Organisation and Local Politics : Evidence from Bouna (Northern Côte d’Ivoire) », Civil Wars, vol. 15, n° 2, 2013, p. 219-241.
  • [43]
    B. Mieu, « Côte d’Ivoire : les comzones, maîtres d’Abidjan » [en ligne], Jeune Afrique, 22 juil let 2011, <http://www.jeuneafrique.com/190851/politique/c-te-d-ivoire-les-comzones-ma-tres-d-abidjan/>, consulté le 10 mars 2018.
  • [44]
    H. Yebouet, « La Côte d’Ivoire au lendemain de la crise post-électorale … », art. cité.
  • [45]
    A. Sylvestre-Trener, « Côte d’Ivoire : comment l’état-major tente de gérer la crise interne des forces armées » [en ligne], Jeune Afrique, 13 février 2018, <http://www.jeuneafrique.com/mag/526831/politique/cote-divoire-comment-lÉtat-major-tente-de-gerer-la-crise-interne-dans-les-forces-armees/>, consulté le 10 mars 2018.
  • [46]
    Pour ramener la paix et la stabilité et mettre fin aux mutineries, les accords trouvés avec les soldats auraient coûté au gouvernement environ 0,5 % du PIB.
  • [47]
    Il est composé de gendarmes, de policiers et de militaires, dépend du Conseil national de sécurité, présidé par le chef de l’État, échappant ainsi totalement au contrôle de l’état-major.
  • [48]
    A. Sylvestre-Trener, « Côte d’Ivoire : comment l’état-major … », art. cité.
  • [49]
    Amnesty International, Côte d’Ivoire : « Ils ont regardé sa carte d’identité et l’ont abattu ». Retour sur six mois de violences post-électorales, Londres, Amnesty International, 2011, p. 84 ; Amnesty International, Côte d’Ivoire : la loi des vainqueurs …, op. cit. ; Amnesty International et Human Rigthts Watch, Terrorisés et abandonnés. L’anarchie, le viol et l’impunité dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, New York, Human Rights Watch, 2011 ; Interpeace, Dynamiques et capacités de gestion des conflits à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Le cas des régions du Cavally et du Guémon, Abidjan, Interpeace, 2013.
  • [50]
    Les allochtones sont les Ivoiriens en provenance d’autres régions que l’Ouest tandis que les allogènes sont les ressortissants des pays voisins qui ont passé les frontières ivoiriennes pour s’adonner à l’agriculture dans leurs zones d’installation.
  • [51]
    P. E. Peters, « Challenges in Land Tenure and Land Reform in Africa : Anthropological Contributions », World Development, vol. 37, n° 8, 2009, p. 1317-1325
  • [52]
    J. Unruh, « Land Rights and Peacebuilding : Challenges and Responses for the International Community », International Journal of Peace Studies, vol. 15, n° 2, 2010, p. 89-125.
  • [53]
    M. I. Mitchell, « Land Tenure Reform and Politics in Post-Conflict Côte d’Ivoire : A Precarious Peace in the Western Cocoa Regions », Canadian Journal of African Studies/Revue canadienne des études africaines, vol. 48, n° 2, 2014, p. 203-221 ; K. Klaus et M. I. Mitchell, « Land Grievances and the Mobilization of Electoral Violence : Evidence from Côte d’Ivoire and Kenya », Journal of Peace Research, vol. 52, n° 5, 2015, p. 622-635.
  • [54]
    J.-P. Chauveau, « Question foncière et construction nationale en Côte d’Ivoire », Politique africaine, n° 78, 2000, p. 94-125 ; J.-P. Chauveau, « Crise foncière, crise de la ruralité et relations entre autochtones et migrants sahéliens en Côte d’Ivoire forestière », Outre-terre, n° 11, 2005, p. 247-264 ; J.-P. Chauveau, « La loi de 1998 sur le domaine rural dans l’histoire des politiques foncières en Côte d’Ivoire. La politique de transferts de droits entre “autochtones” et “étrangers” en zone forestière », in J.-P. Colin, P.-Y. Le Meur et É. Léonard (dir.), Les politiques d’enregistrement des droits fonciers. Du cadre légal aux pratiques locales, Paris, Karthala, 2009, p. 105-140 ; J.-P. Chauveau et K. S. Bobo, « La crise de la ruralité en Côte d’Ivoire forestière. Ethnicisation des tensions foncières, conflits entre générations et politique de libéralisation », in J.-B. Ouédraogo et E. Sall (dir.), Frontières de la citoyenneté et violence politique en Côte d’Ivoire, Dakar, Codesria, 2008, p. 105-123 ; V. Konan, Robert et les Catapila, Abidjan, NEI, 2005.
  • [55]
    M. F. Pritchard, « Contesting Land Rights in a Post-Conflict Environment : Tenure Reform and Dispute Resolution in the Centre-West Region of Côte d’Ivoire », Land Use Policy, vol. 54, 2016, p. 264-275.
  • [56]
    Communiqué du conseil des ministres du jeudi 13 juin 2013.
  • [57]
    La loi n° 2013-655 du 13 septembre 2013 accorde un nouveau délai de dix ans, qui court à compter de sa publication, pour faire constater l’exercice de façon paisible et continue des droits coutumiers sur les terres du domaine coutumier, et de cinq ans pour les terres concédées sur lesquelles les droits du concessionnaire n’ont pu être consolidés. Passé ce nouveau délai, les terres du domaine coutumier sur lesquelles des droits coutumiers exercés de façon paisible et continue n’ont pas été constatés seront considérées comme sans maître.
  • [58]
    K. Klaus et M. I. Mitchell, « Land Grievances and the Mobilization of Electoral Violence … », art. cité.
  • [59]
    Voir le tableau « Évolution des dépenses pro-pauvres 2014-2017 » produit par le gouvernement pour prouver ses efforts en termes d’investissement. Ministère de l’Économie et des Finances, Côte d’Ivoire : Lettre d’intention, Mémorandum de politiques économique et financière et Protocole d’accord technique, 1er juin 2017, p. 48, <https://www.imf.org/external/np/loi/2017/civ/fra/060117f.pdf>, consulté le 13 mars 2018.
  • [60]
    Lors de son discours du 1er mai 2016, il annonce des mesures pour faire baisser le coût de la vie en général et en particulier les tarifs de l’électricité. Après avoir admis que la hausse des prix de l’électricité de 16 % décidée en janvier 2016 « n’avait pas été correctement appliquée » et que certains abonnés avaient connu une augmentation « beaucoup plus élevée que celle initialement prévue », Alassane Ouattara exige la baisse des tarifs de l’électricité et le remboursement du trop-perçu des tarifs à partir de janvier 2016.
  • [61]
    F. Akindès, M. Fofana et S. Y. Kouamé, « Pourquoi et comment se mobilise-t-on en Côte d’Ivoire ? », in N. S. Sylla (dir.), Les mouvements sociaux en Afrique de l’Ouest. Entre les ravages du libéralisme économique et la promesse du libéralisme politique, Paris, Fondation Rosa Luxembourg/ L’Harmattan, 2014, p. 211-235.
  • [62]
    Dans le langage populaire, cette expression signifie : « On ne gagne pas ou plus d’argent, on en gagne plus assez. »
  • [63]
    Y.-A. Fauré, « Le complexe politico-économique », in Y.-A. Fauré et J.-F. Médard (dir.), État et bourgeoisie en Côte d’Ivoire, Paris, Karthala, 1982, p. 39.
  • [64]
    Voir l’historique de cette politique sociale à travers les dépenses publiques et les charges de l’État dans G. Duruflé, L’ajustement structurel en Afrique (Sénégal, Côte d’Ivoire, Madagascar), Paris, Karthala, 1988, p. 107-112 ; K. Diomandé, « Finances publiques et poids des interventions de l’État dans l’économie ivoirienne », in B. Contamin et H. Memel-Fotê (dir.), Le modèle ivoirien en questions : crises, ajustements, recompositions, Paris, Karthala, 1997, p. 109-122.
  • [65]
    Voir l’analyse que font Y.-A. Fauré et J.-F. Médard du système de régulation socio-politique auquel participe cette politique sociale : J.-F. Médard, « La régulation socio-politique », in Y.-A. Fauré et J.-F. Médard (dir.), État et bourgeoisie en Côte d’Ivoire, op. cit., p. 61-88 ; Y.-A. Fauré, « Le complexe politico-économique », art. cité.
  • [66]
    Voir Fondation Félix Houphouët-Boigny, Discours, citations, messages [en ligne], <http://www.fondation-fhb.org/discours-citations-messages/>, consulté le 10 mars 2018.
  • [67]
    J. Ferguson, Anti-Politics Machine : Development, Depoliticization, and Bureaucratic Power in Lesotho, Minneapolis, University of Minneapolis Press, 1994.
  • [68]
    Le travail préparatoire de ce dossier a bénéficié du soutien du Fonds national suisse pour la recherche scientifique au travers du projet « The Developmental State Strikes Back » (n° IZ07Z0_160929).
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1Les élections de 2010 en Côte d’Ivoire et les violences électorales [1] qui leur ont succédé ont engendré une profonde crise socio-politique et engagé le pays dans un nouvel épisode de son histoire politique. Comme les deux faces d’une même monnaie, les ressorts de ce nouvel épisode sont : la victoire au forceps d’Alassane Ouattara sur fond de confrontation militaire et l’éviction du champ politique de Laurent Gbagbo à la suite de son arrestation, puis de son transfèrement le 19 novembre 2011 à La Haye pour répondre des chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pendant la crise post-électorale. Cette situation politique a contribué à cliver davantage la société ivoirienne. C’est dans ce contexte que le nouveau président ivoirien, dans son discours d’investiture, dit vouloir « faire définitivement le deuil de nos rancœurs, […] nos plaies, […] expier les fautes individuelles et collectives » et promet « d’écrire une nouvelle page de l’histoire de notre pays [2] ».

2Cette histoire est effectivement en cours d’écriture puisqu’à partir de 2011 Alassane Ouattara a exercé un mandat présidentiel, renouvelé sans grande difficulté en 2015. Quels sont les défis auxquels a été confronté son régime ? Comment écrit-il cette nouvelle page de l’histoire d’une société ivoirienne transformée par la guerre ? Quels liens faut-il établir entre sa politique de croissance économique, les contre-performances des piliers de sa stratégie de réconciliation que sont le dialogue politique et la justice transitionnelle, et le sentiment dominant d’une normalisation politique sans réconciliation au sein de la société ivoirienne ?

3C’est à ces questions que ce dossier tente de répondre à partir de matériaux issus de travaux de recherches menés sous des angles d’approche divers. Les différentes contributions apportent un éclairage sur la manière dont l’État et la société ivoirienne se réinventent après huit années de tensions socio-politiques, de 2002 à 2010 [3]. Les contributions rassemblées ici mettent surtout en exergue les tensions qui, dans un processus de sortie de crise, apparaissent entre une croissance économique – portée par un libéralisme d’État – qui se révèle nécessaire mais insuffisante, une politique de réconciliation impulsée par le haut et un projet de retour à la paix.

La croissance économique comme panacée ?

4L’investiture d’Alassane Ouattara à la magistrature suprême marque la fin de ce qu’il est convenu d’appeler la « crise post-électorale de 2010-2011 » et le début de la transition politique vers la paix. Elle signifie aussi une volonté de reconstruire la légitimité de l’État profondément affectée par deux décennies de crise. Les signes de fragilité conjoncturelle sont de plusieurs ordres. Au plan politique, en 2011, le premier défi est l’acceptation de la légitimité de l’autorité du nouveau président de la République dans une société politiquement clivée (48 % de l’électorat était pro-Gbagbo, selon les chiffres de la commission électorale indépendante) et traversée par des fractures sociales de tous ordres. Au plan économique, il faut relancer l’appareil économique alors fortement affecté par la crise socio-politique et, pour ce faire, redéployer une administration publique déstructurée et pillée. Au plan sécuritaire, il s’agit de rassurer les populations des villes du Sud et de l’Ouest encore habitées par un sentiment d’insécurité du fait de la présence menaçante de forces armées non étatiques (miliciens, dozos) et des attaques sporadiques dans la partie occidentale du pays. À cela, il convient d’ajouter les incertitudes planant autour du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion des ex-combattants amorcée depuis 2007 sans résultats probants. Ces défis politiques, économiques et sécuritaires sont à mettre en relation avec un autre défi, plus diffus : le besoin de réconciliation dans une société ivoirienne encore traversée par des logiques de peur et de haine. Alors que le nouveau pouvoir met l’accent sur la nécessité de juger les criminels de guerre, il est confronté à des défaillances graves de l’appareil judiciaire. Il éprouve également de ce fait des difficultés à mettre en place une justice transitionnelle, d’autant que des auteurs présumés d’exactions et de violation des droits humains se retrouvent dans ses rangs et occupent de hauts postes de responsabilité.

5À ces contraintes conjoncturelles s’ajoutent des défis plus structurels : les conflits fonciers dans le Sud-Ouest, exacerbés dans certaines localités par le renversement des rapports de force entre propriétaires terriens et usufruitiers allogènes et allochtones ; la crispation des tensions au niveau local et national autour des répertoires identitaires construits sur la base d’une définition mouvante et souvent renégociée par la violence entre autochtones et allochtones ; les accaparements des terres appartenant aux populations déplacées ; l’épineuse question du manque d’emploi pour les jeunes, certains d’entre eux ayant trouvé dans la violence politique une fenêtre d’opportunité et une situation de rente [4]. Les opportunités liées à la situation de guerre n’ont pas été perçues de la même manière par tous les jeunes. Même si l’État a été attaqué en raison des pratiques jugées discriminantes de ceux qui le géraient, il était aussi convoité, et il n’a jamais cessé d’être une référence dans l’imaginaire des jeunes, particulièrement de ceux du Nord, comme le montre Camille Popineau dans ce dossier. Fruit d’une recherche sur les enseignants volontaires recrutés parmi les étudiants de la zone sous contrôle rebelle, son article illustre la façon dont, aux yeux de ces jeunes, « prendre la craie » constituait, dans une zone de conflit abandonnée par l’État, une rare opportunité d’intégration de la fonction publique afin d’y acquérir un statut et en même temps démontrer la capacité gestionnaire des jeunes du Nord. Ils y sont parvenus grâce au soutien des ex-Fescistes rebelles dans la période post-crise.

6Deux autres signes majeurs de la faiblesse de l’État [5] durant la crise ivoirienne étaient, d’une part, en matière d’actions sociales, l’occupation du terrain par les acteurs du dispositif humanitaire traditionnel et, d’autre part, la dépendance de l’État vis-à-vis d’un afflux massif de financements extérieurs. Les politiques sociales avaient progressivement laissé place à des initiatives humanitaires dont le contrôle était le plus souvent assuré par les agences des Nations unies avec des financements bilatéraux et multilatéraux. Une fois en place, l’une des préoccupations majeures du régime Ouattara est de réaffirmer le retour de l’État en se démarquant des dix années de dépendance vis-à-vis de l’assistance humanitaire [6]. Pour ce faire, il met en place deux instruments, le PPU (Programme présidentiel d’urgence) [7], substitut de l’action humanitaire, et le PND (Plan national de développement), adopté en mars 2012 pour la période 2012-2015 en remplacement du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) 2009-2013 [8]. Le PND propose une stratégie de relance du développement économique de la Côte d’Ivoire prenant ses distances avec les plans d’urgence humanitaire et la multitude de projets à impacts rapides. Il se veut ainsi un instrument politique de reconquête de la souveraineté décisionnelle de l’État. Mais, bien que revendiquant un diagnostic approfondi de la crise, de la situation politique, économique, sociale et culturelle du pays [9], le PND 2012-2015 fait peu cas de questions brûlantes telles que les questions identitaires liées ou non au foncier ou encore des problématiques de la paix et de la réconciliation.

7Si le PPU et le PND sont importants pour les mesures concrètes de relance économique mises en œuvre en leur nom, c’est bien par ce qu’ils nous disent des choix stratégiques et symboliques faits par le régime Ouattara pour guider la Côte d’Ivoire de l’après-guerre qu’ils importent ici. Ils témoignent en effet de la vision « dépolitisante » qu’a le nouveau président de la sortie de crise. Cette vision repose, d’une part, sur une croissance économique mesurée à l’aune de l’amélioration des indicateurs macroéconomiques et traduite par de grands projets d’infrastructure et, de l’autre, sur une foi en apparence indéfectible dans le pouvoir transformateur de cette croissance et du « ruissellement vers le bas » qui est censé l’accompagner. Le PND 2012-2015, critiqué par les bailleurs pour son manque de cohérence et l’absence de mécanismes de suivi des initiatives, est aménagé et reconduit dans sa philosophie sur la période 2016-2020. En y insistant à nouveau sur la croissance économique et en reléguant les questions politiques au second plan, cette nouvelle version du plan met plus encore en exergue la volonté d’Alassane Ouattara de proposer une réponse économique à la sortie de crise qui est d’abord et avant tout d’essence politique : l’objectif posé dès le premier chapitre du nouveau plan est de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 en faisant reposer la stratégie volontariste du gouvernement sur une transformation structurelle de l’économie, notamment à travers des réformes portées par l’État et le développement d’infrastructures économiques. Reprenant le nouveau langage de la planification néolibérale [10], le plan prévoit donc « d’accélérer la marche de la Côte d’Ivoire à travers une croissance rapide et soutenue sur la durée, pour permettre d’atteindre un revenu intermédiaire élevé, une réduction significative de la pauvreté et une montée concomitante de la classe moyenne pour soutenir durablement le processus de croissance [11] ».

8Entre 2012 et 2017, la Côte d’Ivoire, profitant notamment d’une conjoncture extérieure favorable, a, il est vrai, pu faire état de résultats quantitatifs appréciables, que le régime Ouattara s’est empressé de mettre au crédit des réformes structurelles qu’il avait mises en œuvre : une augmentation moyenne du PIB réel de 9 % pendant la période 2012-2016, et une croissance économique qui, de moins de 3 % en 2005, a fait un bond pour passer la barre des 8 % après 2011. Une telle performance a redoré l’image du pays dans les médias. L’environnement des affaires en Côte d’Ivoire a également connu une amélioration, ce qui lui a valu d’être classée parmi les dix meilleurs pays réformateurs dans le rapport Doing Business 2015. Ainsi, l’économie ivoirienne est passée de la 177e à la 167e place sur les 189 pays dont les économies ont été évaluées. De telles performances en matière de politique économique ont progressivement permis de ramener la confiance des investisseurs et des partenaires techniques et financiers dans l’économie ivoirienne, comme l’attestent des indicateurs tels que : le succès de l’émission de l’Eurobond en juin 2017 ; le maintien de la notation financière « B+ » de l’agence de notation Fitch Ratings, le fait de bénéficier de l’enveloppe 2017 de l’initiative « Compact with Africa » en faisant partie des sept pays éligibles ; l’érection de la Côte d’Ivoire en modèle dans le processus d’éligibilité au programme d’aide au développement du gouvernement américain, Millenium Challenge Corporation (MCC), sur la base du respect de quatorze indicateurs en 2017 contre cinq en 2011 et l’appartenance à l’Open Government Partnership (OGP) [12]. Différents éléments que le gouvernement ivoirien considère comme des indicateurs de performance de sa politique économique censée contribuer à l’atteinte des objectifs du PND 2016-2020. Par ailleurs, cette croissance essentiellement tirée jusqu’en 2017 par la consommation intérieure et les investissements, que le gouvernement Ouattara projette de maintenir en moyenne à plus de 8 % sur la période 2018-2020, a su résister à la chute des cours mondiaux du cacao, au resserrement de la politique monétaire régionale et aux troubles socio-politiques qui ont ponctué sporadiquement la vie socio-politique depuis 2012.

9Cependant, ce contexte post-conflit, la rhétorique de l’État sur ses performances économiques et le retour de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale entrent en contradiction avec le sentiment, dominant dans le pays, d’une absence de réconciliation qui alimente les conversations sur la stabilité politique du pays.

L’oubli comme stratégie de réconciliation ?

10Encouragés par la communauté internationale, le gouvernement Ouattara et les partis d’opposition créent un espace politique dit « Cadre permanent de dialogue » (CPD). Celui-ci se veut « une plate-forme d’échanges, de réflexions, de propositions et d’actions en vue de l’amélioration des relations et de la consolidation de la confiance entre le gouvernement et l’opposition politique [13] ». Dans ce cadre, les camps politiques adverses conviennent dès le mois d’avril 2012 de se rencontrer en vue « de renforcer la démocratie, raffermir la réconciliation et mettre fin à la belligérance [14] ». Maintenue sur le qui-vive par des actes de violence sporadiques, la population a dans un premier temps accordé du crédit à cette initiative avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un dialogue de sourds qui, à peine amorcé, s’est essoufflé. L’opposition met comme condition à la réconciliation des décisions consensuelles sur des questions à enjeux politiques dont le pouvoir entend faire une chasse gardée [15]. Le FPI (Front populaire ivoirien), parti de l’ex-président Gbagbo, alors parti majoritaire et dominant au sein de cette opposition politique, ajoute quant à lui aux conditions de sa participation la libération de tous les « prisonniers pro-Gbagbo » détenus à la suite de la crise post-électorale, le retour « apaisé » des exilés et l’adoption d’une loi d’amnistie générale. À cette demande, le gouvernement répond invariablement par la formule suivante : « Réconciliation d’accord, justice d’abord », comme pour marquer sa préférence pour la justice dans le processus de réconciliation.

11Le gouvernement soutient par ailleurs qu’une amnistie ne saurait être générale mais individuelle et qu’il faut « laisser la justice faire son travail et aller jusqu’au bout pour faire éclater la vérité, satisfaire les victimes et permettre à leurs bourreaux de leur demander pardon ». Hamed Bakayoko, alors ministre de l’Intérieur, a également précisé qu’« une loi d’amnistie est au bout d’un processus de réconciliation qui ne peut faire l’économie de la justice, du pardon et de la repentance [16] ». Aussi, en réponse aux exigences politiques du FPI, le gouvernement estime-t-il que les exilés pro-Gbagbo qui ne se reprochent rien peuvent rentrer au pays et que ceux qui font l’objet d’un mandat d’arrêt international doivent obligatoirement affronter la justice. Des positions aussi tranchées ont bloqué le dialogue pour la réconciliation, dont le bilan se révèle d’ailleurs bien insignifiant.

12Cette situation de « dialogue politique gelé [17] » a culminé dans le refus du FPI de participer aux élections législatives en 2012 et ensuite aux élections communales et régionales en 2013. Toutes choses qui alimentent les ressentiments et entretiennent le sentiment d’une exclusion de la participation à la vie politique nationale pour certains, ce qui est plutôt perçu dans le camp d’en face comme une auto-exclusion.

13Le dialogue politique s’est arrêté alors que, parallèlement, prospère un sentiment de partialité dans les poursuites judiciaires. Le régime Ouattara a promis à son arrivée « une justice impartiale et exemplaire » afin de mettre fin à l’impunité des graves violations des droits humains qui jalonnent la vie politique ivoirienne depuis 2002. Mais le bilan des interpellations, qui ne concernent dans leur grande majorité que les présumés coupables du camp Gbagbo [18], alimente l’idée, partagée au sein de l’opinion nationale, qu’il y a une « justice des vainqueurs », surtout du point de vue de la frange anti-Ouattara et de l’opinion internationale [19]. La grille de lecture essentiellement communautariste servant au décompte ethnique et politique des personnes poursuivies perçoit, derrière cette justice, la revanche des nouveaux occupants du palais présidentiel – catalogués comme étant issus dans leur majorité de la communauté Malinké [20] – sur d’autres, particulièrement celles de l’Ouest ivoirien [21]. Les mêmes griefs de partialité sont adressés à la Cour pénale internationale (CPI) dans différents rapports d’organisations de défense des droits de l’homme telles qu’International Crisis Group [22], Amnesty International [23] et Human Rights Watch [24]. La Cour n’aurait délivré des mandats d’arrêt qu’à l’encontre de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, de son épouse Simone, accusés de crimes contre l’humanité, et de Blé Goudé, l’ex-leader du mouvement des Jeunes patriotes [25]. Alors que plusieurs rapports d’organisations non gouvernementales humanitaires, dont celui de Human Rights Watch [26], confirment que des forces pro-Ouattara auraient également commis des exactions durant la crise post-électorale, surtout dans la phase finale de la crise, aucun membre des forces pro-Ouattara ne figure parmi les personnes inculpées pour des crimes commis durant ces violences post-électorales.

14En Côte d’Ivoire, la dialectique de l’humiliation et de la vengeance a structuré une culture politique d’instrumentalisation des identités (ethnie, religion) peu intégratrice mais productrice de sentiments d’inégalités horizontales générateurs de conflits. Le changement de régime en 2011 semble avoir donné lieu à une « inversion de l’exclusion [27] » et à ce que les cercles opposés à Ouattara considèrent comme étant la mainmise du groupe malinké sur l’appareil d’État depuis son arrivée au pouvoir, résumé par le terme de « rattrapage ethnique [28] ».

15Tandis que le dialogue politique est bloqué par le haut, par le bas, la « Commission dialogue vérité et réconciliation » n’a guère pu donner de réponse politique aux attentes sociales en matière de réconciliation à l’échelle nationale.

16En complément aux procédures politiques et judiciaires faisant déjà l’objet de contestation, et comme le recommande l’approche libérale pour une sortie de crise [29], pour amorcer la réconciliation, Alassane Ouattara prend l’initiative de créer, par l’ordonnance n° 2011-167 du 13 juillet 2011, un mécanisme extrajudiciaire : la « Commission dialogue vérité et réconciliation », censée mener à « la restauration du lien social et à la refondation d’une communauté politique [30] » profondément affectée par les violences politiques. Deux ans plus tard, il lance également le Programme national de cohésion sociale (PNCS) [31]. Les deux structures étaient supposées mener des actions en synergie en vue de « conduire les Ivoiriens vers la réconciliation ». Malgré la volonté politique ainsi exprimée, le projet de réconciliation semble « en panne » car le sentiment d’une absence de réconciliation reste dominant dans les discours en Côte d’Ivoire. L’on parle même de « match retour » dans le camp politique opposé au pouvoir, masquant ainsi à peine la logique de revanche encore présente dans les esprits de ceux qui estiment « avoir perdu la guerre et non les élections ». Dans ce dossier, à partir de données d’enquêtes de terrain conduites à Abidjan et dans l’Ouest du pays, Giulia Piccolino confronte, au niveau local, les modalités concrètes d’engagement du gouvernement de Côte d’Ivoire et de la communauté internationale à travers des actions de soutien à la paix, d’une part, aux ressentis des populations à la base, de l’autre. Son analyse montre, notamment à travers le glissement conceptuel de la réconciliation à la cohésion sociale, comment la recherche de la paix souffre d’un choix implicite de l’oubli comme stratégie de réconciliation. Une telle option laisse un vide que n’arrive pas à combler la prédominance donnée explicitement à la croissance économique partagée comme instrument politique de sortie de crise. Ceci favorise, en amont, l’interruption du dialogue politique et, en aval, l’absence de définition d’une ligne politique de ce qui doit tenir lieu d’approche ivoirienne de la réconciliation que devait mettre en œuvre la CDVR.

17Les effets d’un tel décalage sont perceptibles dans la façon dont la CDVR a exécuté sa mission. Selon Bruno Charbonneau, son « mandat ne consiste pas à réconcilier les Ivoiriens, mais à encourager et à travailler à cette réconciliation [32] ». Elle aurait été créée « pour envoyer un signe d’apaisement [33] » après les violences post-électorales. Ce manque d’horizon politique semble avoir fortement influencé la manière dont les commissaires ont assumé leurs missions et que l’un d’entre eux restitue en affirmant que la CDVR n’aurait « qu’une obligation de moyens, la responsabilité de la réconciliation revenant in fine au président de la République, destinataire du rapport de la CDVR et de ses recommandations [34] ».

18Avec un tel état d’esprit, la CDVR n’a guère été en mesure de dégager un cadre véritable ment opérationnel de dialogue social et politique, et encore moins un cadre permettant de « rompre le silence de l’amnésie et du ressentiment [35] ». Elle n’a pas non plus engagé un véritable processus de quête de vérité censé aider la société ivoirienne à comprendre ce qui lui est arrivé. C’est sur un tel vide conceptuel de la réconciliation dans la Côte d’Ivoire post-conflit que la guerre par l’usage des armes s’est tue depuis 2011. Mais la guerre semble se poursuivre dans les esprits. Le projet de réconciliation bute sur une guerre des imaginaires conflictuels de la crise. Il faut entendre ici, par imaginaires de la crise, le condensé psycho-sociologique des frustrations et des rancœurs historiques et/ou contextuelles qui, stabilisées et transformées en certitudes, continuent d’irriguer en arrière-plan les logiques d’actions sociales (les attaques, les relations intercommunautaires), ainsi que les modes de perception et de pensée (divergences dans l’interprétation des événements, posture d’engagement dans le dialogue politique, façons d’envisager la réconciliation), lesquels finissent par fragiliser la réconciliation.

19Huit années après la crise, la sortie de crise continue d’être envisagée aussi confusément et avec une lecture politique aussi antagoniste du passé récent et du présent, sans qu’il y ait la moindre réflexion sur l’horizon de la réconciliation elle-même, si tant est que, comme le souligne Florence Hartmann, « la réconciliation est bien une histoire de mémoire qui aurait été apaisée, une histoire donc de pages qu’il faut tourner à condition de les avoir lues, pour s’en souvenir, pour que nul ne puisse les oublier [36] ». La sortie de crise reste ainsi envisagée sans le moindre retour sur le passé.

20Le dialogue, qui devait être sociétal et donc plus élargi, a très vite été réduit à un dialogue politique, qui s’est d’ailleurs rapidement révélé impossible, donnant le sentiment que la classe politique travaillait consciemment ou inconsciemment à confisquer les contours d’un véritable dialogue, comme pour empêcher l’émergence d’un espace public permettant une quête de vérité sur tout ce qui a dérangé et continue de perturber le corps social. Une telle omerta sur les causes profondes du malaise sociétal autorise chacun à vivre dans ses certitudes et avec ses ressentiments dans une société écartelée entre « trop de mémoire ici » et « trop d’oubli ailleurs ». Le résultat de ces empilements de frustrations et de rancœurs, sur fond de « compétition des récits [37] » et de rivalités en sourdine des mémoires antagonistes, finit par produire une société ivoirienne faite de méfiance et de défiance.

21Alors que le dialogue politique se trouve bloqué et que la politique de croissance tente de soutenir le processus de normalisation politique, le sentiment d’absence de réconciliation s’accroît, nourri par les transformations sociales et le recyclage de l’héritage de la guerre. Aux politiques de ressentiment à la source de la guerre civile [38] se superposent de nouveaux ressentiments nés dans les interstices de cette transformation sociétale par la guerre civile.

Une société transformée par la guerre

22Dans le contexte ivoirien, la sortie de crise est rendue particulièrement complexe par le fait que, contrairement à ce qui a pu se passer dans le Rwanda post-génocide, au Soudan du Sud ou encore en Angola, où la guerre s’est terminée par une victoire militaire claire, le camp Gbagbo a, certes, perdu la guerre sur le plan militaire, mais la victoire de Ouattara a été ambiguë puisque, non seulement il n’a pas accédé au pouvoir par les urnes seules, mais il a fallu, pour l’installer au pouvoir, le secours des forces militaires françaises, onusiennes mais aussi des rebelles. Le paradoxe de cette victoire ambiguë est que Ouattara arrive au pouvoir mais reste redevable vis-à-vis des ex-rebelles. Cette dette morale et politique met le président dans une posture équivoque vis-à-vis de ceux-ci et limite sa marge de manœuvre par rapport à ses engagements en matière de justice, mais aussi par rapport à la restructuration d’une armée déjà désorganisée [39] et encore plus défigurée depuis l’intégration au forceps des deux armées – l’ex-armée régulière et la branche armée de la rébellion, les FAFN (Forces armées des forces nouvelles) – en période de pré-guerre civile [40].

23La période post-électorale de 2010-2011 a été fortement marquée par l’indiscipline et le désordre au sein de la « nouvelle armée [41] ». Depuis 1999, date du premier coup d’État réussi contre Henri Konan Bédié, outre l’ivoirité, le soulèvement contre les injustices et la tribalisation de la promotion au sein de l’armée avaient légitimé la remise en question de l’ordre et de la discipline qui structurent traditionnellement une armée. En 2002, lors du coup d’État raté et transformé en une rébellion, ce sont les mêmes griefs qui ont justifié la fragilisation du régime de l’ex-président Laurent Gbagbo. Pendant dix ans, au sein de la branche militaire de la rébellion, des habitudes de prédation se sont développées [42]. La gouvernance rebelle a instauré et renforcé une logique de milicianisation de ses hommes placés sous les ordres de commandants de zone (Com’zones). Au profit de la guerre, des soldats de troupe devenus Com’zones se sont enrichis par le biais du pillage des ressources naturelles, soit, pendant la rébellion, par l’économie de guerre instituée sur la part du territoire qu’elle contrôle pour, arguent-ils, le besoin d’entretien des troupes insurgées, soit, pendant la crise post-électorale de 2010-2011, lors de l’assaut contre le palais présidentiel. Les habitudes de prédation se sont transposées à Abidjan. En effet, le quadrillage de la ville par les rebelles, au prétexte d’y assurer la sécurité des biens et des personnes, a très vite tourné en actes de vandalisme, de pillages et de rackets organisés [43]. Avec le processus de DDR, de nouveaux défis s’ajoutent à ceux que l’ex-armée régulière connaissait déjà. Elle est minée par des clivages ethniques et régionaux et rongée par un climat de méfiance et de suspicion généralisées qui ne laisse quasiment pas de place à une action de sécurisation coordonnée [44]. L’enrôlement des hommes de troupe issus de la rébellion, sans formation militaire et sans culture de discipline, et la réintégration de déserteurs qui avaient rejoint la rébellion viennent donc ajouter une couche supplémentaire de malaise.

24Ayant fait le choix de la réconciliation par la justice et sous la pression de critiques d’origines diverses évoquant une « justice des vainqueurs », Ouattara annonce, le 13 avril 2011, son intention de « demander au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’engager des investigations » sur les massacres perpétrés dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire attribués à ses partisans. Mais il ne perd pas de vue que l’interpellation des ex-rebelles qui ont aidé à l’organisation de l’assaut final contre Laurent Gbagbo pourrait vite se transformer en une source de déstabilisation des bases encore fragiles de son régime. En lieu et place des poursuites judiciaires, sur le court terme, Alassane Ouattara mise donc sur l’apprivoisement des forces détenant encore une capacité de nuisance par le recyclage des ex-rebelles en nommant certains commandants de zone (Com’zone) dans l’appareil d’État ou en envoyant d’autres en formation pour leur confier ensuite des fonctions dans l’appareil sécuritaire. Ces dispositions, présentées par certains comme étant la condition du retour à la paix, sont plutôt perçues par d’autres comme une récompense de l’effort de guerre et une prime à l’impunité. Qu’ils soient réintégrés et promus, ou enrôlés par le truchement des programmes DDR, la greffe des ex-rebelles dans l’ex-armée régulière a du mal à prendre. Car le traitement politique réservé à cette frange alimente, chez les soldats des ex-forces armées régulières, le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures, ce qui tend à complexifier les défis liés à la réunification de l’armée. De plus, certains de ces promus, à travers leurs comportements de consommation ostentatoire de biens de luxe, la fréquentation des espaces qui comptent et leur train de vie, s’affichent comme de nouvelles figures de la réussite par la prise d’arme. Pour certains gradés ou moins gradés de la nouvelle armée unifiée, les promotions accordées aux ex-Com’zones sont perçues comme un traitement injustifié et, de ce fait, produisent des ressentiments. À cela s’ajoutent d’autres facteurs de mécontentement : les rancœurs de militaires loyalistes contraints de devoir vivre avec ceux qui les ont combattus hier ; la présence au sein des Faci, l’armée unifiée, de soldats restés affectivement fidèles à Laurent Gbagbo, ne rêvant que de ce qu’ils appellent « un match retour » ; la présence aux frontières ivoiriennes de militaires exilés encore hostiles au pouvoir de Ouattara ; la circulation massive d’armes légères.

25C’est dans ce terreau que poussent les insubordinations militaires, le plus souvent sur fond de rumeurs de coup d’État. Le régime de Ouattara continue de donner des gages de sécurité, mais, à intervalles réguliers, des mutineries jettent le discrédit sur la bonne tenue du processus de DDR. Elles remettent au goût du jour l’idée de crise interne au sein des forces armées [45] et de relations troubles entre l’État et les ex-rebelles intégrés à l’armée. Cela a été le cas avec la mutinerie des mois de janvier et de mai 2017, qui s’est traduite par des sorties de casernes de soldats issus de l’ex-rébellion réclamant le paiement d’une prime à l’effort de guerre non réglée d’un montant de 12 millions de francs CFA [46]. Elle sera suivie, environ un an après, le 5 et le 9 janvier 2018, de nouveaux affrontements entre factions au sein des « corps habillés ». Il s’agit cette fois-ci non pas de revendications pécuniaires, mais de règlements de compte entre les éléments du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO) [47] et les militaires du troisième bataillon d’infanterie de Bouaké, les seconds manifestant leur mécontentement du fait de l’existence d’une « mission d’espionnage [48] » confiée aux premiers par leur tutelle. Ces insubordinations militaires font suite à une série d’attaques qui ponctuent la vie sociale et politique depuis la deuxième moitié de 2012, et contribuent à nourrir un sentiment de fragilité du processus de normalisation politique.

26Ces tensions internes à l’armée, symptomatiques des clivages au sein de la société ivoirienne, rendent la situation du pays imprévisible et remettent sur le devant de la scène la question de la capacité de l’État à aller jusqu’au bout de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) engagée en 2012. Réforme qui, malgré ses imperfections et l’allure administrative et bureaucratique qu’elle a prise dès le départ, a permis d’améliorer le climat sécuritaire, de favoriser la relance de l’économie et la reprise de la vie sociale perturbée par la crise post-électorale. Confronté aux agitations dans les casernes, le régime Ouattara est également interpellé par les conflits intercommunautaires dont l’objet est le plus souvent la terre.

La résurgence des conflits fonciers

27Dans la nuit du 19 au 20 juillet 2012, le camp de réfugiés de Nahibly, dans l’Ouest du pays, est attaqué. Quelques mois plus tard, un charnier dénommé « charnier de Toguéi » et contenant six corps était découvert. Cet épisode qui a marqué les esprits est symptomatique des tensions aiguës qui persistent autour de la gestion du foncier. Les conflits fonciers qui en résultent se déploient sur le terreau des tensions inter-ethniques opposant depuis plusieurs années déjà, les « autochtones Guérés » aux « allochtones Malinkés [49] ». Toujours dans l’Ouest ivoirien, en mars 2013, trois attaques meurtrières ont été enregistrées en dix jours et ont provoqué des déplacements de populations. Et plus récemment, en octobre 2017, ressurgit une flambée de violence à Guiglo entre populations dites « autochtones Guéré » et « allogènes Baoulé ». Le bilan de cette vague de violence, née de la dispute autour du droit d’exploiter ou non les terres agricoles réputées riches de la forêt classée de Goin-débé, est lourd : 2 morts enregistrés sur place, 5 morts trois semaines plus tard, 11 personnes blessées, 4 campements incendiés et pillés, 18 écoles fermées et pillées, 5 483 personnes déplacées dans les sous-préfectures voisines de Zéagbo, dans le département de Bloléquin, et de Taably, dans le département de Guiglo.

28Ce cycle de violence intercommunautaire n’est pas fortuit. Il est le plus souvent nourri par des rancœurs entre populations dont les identités sont associées à des camps politiques : l’autochtonie renvoie à la figure du natif de l’Ouest, vivant le temps de la gouvernance d’Alassane Ouattara comme le temps des résignés, convaincu tout au fond de lui-même que, jusque dans la défaite, c’est lui qui a raison et qui subit de ce fait les « envahisseurs historiques » que sont les allogènes et allochotones [50] protégés par le pouvoir en place qui leur serait favorable. Ce sont ces rancœurs qui se transforment très rapidement en actes de violence lorsque se présentent des occasions de conflit, favorisées le plus souvent par l’impunité des auteurs des crimes. De tels dynamiques [51] rappellent combien les réformes foncières [52] constituent un défi pour les processus de paix après des conflits violents [53].

29La littérature relative à la crise ivoirienne a largement montré en quoi la problématique foncière reste centrale [54]. En avril 2012 à Man, dans l’Ouest du pays, le président de la République promettait de s’occuper de la question du foncier rural. Une question qu’il qualifiait de « brûlante » et qui, en réalité, n’aurait pas été réglée dans cette région. Suite à cette déclaration, l’on s’attendait à ce que les défis [55] de l’application de la Loi foncière de 1998 reconduite en 2013 [56] – notamment dans ses dispositions de l’article 6 [57] qui n’ont pu être appliquées depuis son adoption – fassent l’objet d’un traitement politique spécifique. Entre-temps, toujours dans l’Ouest ivoirien, les relations entre les « autochtones » et les migrants économiques se sont trouvées encore plus perturbées. Les multiples vagues de déplacement liées à la guerre civile de 2002 et à la crise électorale, et les accaparements de terre qu’elles ont occasionnés ont contribué à créer de nouvelles sources de tension.

30Le constat dressé dans ce dossier est que, dans le domaine du foncier rural, l’action des gouvernements successifs n’a pas permis de trouver une solution durable aux conflits fonciers. Si, entre 2002 et 2010, les partisans de Laurent Gbagbo ont tenté d’interpréter la loi foncière en leur faveur en laissant croire aux populations de l’Ouest qu’il était possible de leur restituer la terre de leurs ancêtres « spoliée » par les migrants venus du Nord de la Côte d’Ivoire et des pays de l’hinterland, Alassane Ouattara, quant à lui, recule devant l’idée de remettre sur le métier l’ouvrage inachevé de la réforme foncière, restée inappliquée à ce jour. Malgré les promesses faites lors de ses tournées, le gouvernement Ouattara évite d’affronter la question foncière et opte pour une simple adaptation technique visant à rendre applicable la même loi. Dans cette perspective, il a pris la décision politique de prolonger de dix ans le délai accordé pour la constatation des droits coutumiers et de cinq ans celui accordé pour la consolidation des terres concédées. Le nœud gordien de la problématique foncière reste entier. Or, en situation de retour à la démocratie, de contexte multi-ethnique et de droits de propriété foncière faibles et politisés, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire, les griefs autour de la terre fournissent toujours aux leaders politiques un puissant outil pour organiser la violence, surtout en période électorale [58]. Dans le présent dossier, la contribution de Koné, Ouattara et Akindès montre comment, dans une arène locale comme le département de Sassandra, les ingénieries politiques de la violence se reconstruisent et se mettent en place. Elle met également l’accent sur le rôle qu’y jouent les jeunes, notamment les Jeunes patriotes, qui se sont réinvestis politiquement dans les arènes locales.

31Porter un regard sur les transformations de la Côte d’Ivoire post-crise, c’est aussi s’autoriser un décentrage du regard. Au lieu de se concentrer uniquement sur les espaces de conflits, il nous est apparu tout aussi instructif de mettre en lumière des espaces sociaux qui lui ont échappé, ou qui ont été construits pour s’en extraire. C’est ce à quoi répond la contribution de Till Föster sur les « enclaves de paix » qui, constituées pendant la crise ivoirienne à la suite de dynamiques plus anciennes, ont échappé non seulement à la dynamique belliciste binaire à l’œuvre sur le territoire, mais aussi à la mainmise de l’État ou des pouvoirs rebelles. Dans cette contribution, deux formes d’enclaves de paix sont décrites et analysées : d’une part celles issues d’entités déjà existantes (principalement des villages), d’autre part les campements qui se constituent par le regroupement de populations dans des zones précédemment inoccupées. Il offre ainsi une autre fenêtre de réflexion sur les relations État/ société dans un contexte de crise.

32La guerre civile n’a pas eu un impact que sur l’armée et les relations intercommunautaires. Avec l’apparition du phénomène des enfants dits « microbes », elle a également contribué à complexifier la question sécuritaire dans les villes ivoiriennes en offrant une opportunité d’apprentissage de la violence criminelle à une nouvelle catégorie de jeunes. Selon Séverin Kouamé, certains d’entre eux estiment être des oubliés du DDR et revendiquent une reconnaissance en raison de leur implication active personnelle dans l’avènement du régime actuellement au pouvoir en Côte d’Ivoire. En reconstruisant la sociohistoire des gangs urbains en Côte d’Ivoire, depuis les nouchis en passant par les ziguéhis jusqu’aux microbes, Séverin Kouamé montre comment une part de la jeunesse déclassée ivoirienne se réinvente une existence sociale par la mobilisation de la violence.

33Si le sentiment d’absence de réconciliation est alimenté par l’essoufflement du dialogue politique, l’échec de la CDVR, les incertitudes qui entourent la réforme de l’armée et la résurgence des conflits fonciers, les promesses de développement non tenues par la croissance économique engendrent une surenchère dans la défiance vis-à-vis de l’État.

Quand la réalité des assiettes défie les statistiques économiques

34Les griefs contre l’État trouvent d’abord leurs sources dans le sentiment diffus que les fruits de la croissance sont inégalement répartis. Dès 2012, le gouvernement communique massivement sur les performances économiques d’une Côte d’Ivoire revenue de loin puisque, pendant la période critique, à la veille des élections de 2010, le taux de croissance était descendu en dessous de zéro. La communication gouvernementale a tablé sur une atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, dans le cadre du programme économique et financier 2012-2014, et sur un taux de croissance de 9 % enregistré. Sur la base de ces nouvelles donnes économiques, il laisse entendre que l’on s’achemine naturellement vers une réduction de la pauvreté et une amélioration des conditions de vie de la population, notamment grâce à sa politique d’investissements dans les infrastructures socio-économiques de base [59]. Mais, vu du bas, au fil des années, les populations estiment que cet enthousiasme politique sur les performances économiques tranche avec leur quotidien, puisqu’elles ne perçoivent guère les effets de cette croissance, ni sur leurs conditions de vie, ni en matière de création d’emplois. Ce dont le gouvernement se défend d’ailleurs en rappelant les deux millions d’emplois créés sous le mandat d’Alassane Ouattara, la croissance de 20 % du secteur agricole, le PIB par habitant qui aurait augmenté, le prix au kg passé à 800 000 francs CFA pour les producteurs de cacao de Côte d’Ivoire qui aurait aussi augmenté de près de 40 % depuis les réformes radicales du secteur en 2012. Les populations estiment quant à elles ne plus pouvoir parler de « panier de la ménagère », mais plutôt de « sachet de la ménagère », rappelant ainsi de façon très imagée et humoristique la baisse de leurs revenus et donc de leurs pouvoirs d’achat. Leur ras-le-bol économique a souvent été exprimé à travers des mouvements sociaux violents. La hausse des prix de l’électricité de 16 % décidée en janvier 2016 a ainsi fait monter la surenchère politique et a tendu les relations entre l’État et la société. Le chef de l’État en a perçu les enjeux politiques et s’est saisi de la question [60]. La grogne sociale a pourtant perduré après les décisions prises pour calmer le mécontentement car, pour l’opinion publique, les tarifs de l’électricité restaient toujours élevés. Aussi, après l’émission de deux factures à moins d’un mois d’intervalle, des manifestations de colère ont-elles éclaté à Yamoussoukro, Daloa, Bassam et Tiassalé. Les locaux de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) ont été saccagés, pillés et incendiés. Dans le courant de la même semaine, le 22 juillet 2016, des manifestations similaires de colère contre les factures d’électricité se produisent à Bouaké, suivies de pillages de commerces, de banques et d’administrations ainsi que de l’incendie de deux commissariats. On dénombre un mort par balle et plusieurs arrestations. « La vie chère » est devenue une thématique centrale de l’expression de la colère chez toutes les catégories socioprofessionnelles.

35Au cours des manifestations contre la vie chère, les symboles de l’autorité de l’État tels que les préfectures et les commissariats sont attaqués, et les autorités politiques également prises à partie. Ces mouvements sociaux auraient pu être considérés comme des manifestations ordinaires de colère si l’on ne prêtait attention aux interprétations politiques dont ils font l’objet. En effet, prenant très au sérieux ces remous sociaux, le gouvernement a déployé dans plusieurs villes, dont Abidjan et Bouaké, plus de 6 000 soldats. Il réagit ainsi pour parer à toute éventualité de déstabilisation, car l’opposition appelle à l’intensification des mouvements de colère et espère même le début d’une insurrection populaire contre le régime. Toujours en 2016, les coordinations et les faîtières d’associations et de syndicats, à travers des grèves et des préavis de grèves, réclament de meilleures conditions salariales au gouvernement (déblocage indiciaire des salaires, paiement d’arriérés de solde, primes de logement, profil de carrière, etc.) [61]. En conséquence, les efforts d’investissement du gouvernement dans les infrastructures destinées à booster la croissance, que le président prétend inclusive, sont déniés et dénoncés dans un jargon populaire : « L’argent ne circule pas [62] », « On ne mange pas les ponts et le goudron ». Ces manifestations de colère contre la vie chère et cette disqualification de la croissance économique entrent en résonance avec les statistiques de la pauvreté qui indiquent que, malgré l’effort de création de richesse, la réduction du nombre de ménages pauvres en Côte d’Ivoire n’aurait été que de 5 points, passant de 51 % en 2011 à 46 % en 2015. Ces données statistiques sont diversement interprétées. Le gouvernement en tire une satisfaction tandis que les ménages estiment ne pas ressentir de signes d’amélioration de leur condition de vie.

36Ces lectures contradictoires des efforts en matière de politique économique trouvent leurs sources dans un profond malentendu entre Alassane Ouattara et les Ivoiriens. Le président ne fait pas mystère de son option résolument néolibérale et, en la matière, il s’inscrit dans une tradition. Félix Houphouët-Boigny, comme Henri Konan Bédié sont de la même école de pensée. Avant d’entrer dans le cycle des ajustements structurels, la politique économique volontariste de Félix Houphouët-Boigny en avait témoigné. Il avait, comme le notait Yves-André Fauré, la même « obsession dans la recherche de la croissance [63] » qu’Alassane Ouattara. Cependant, la mémoire collective retient de Félix Houphouët-Boigny que son approche libérale était doublée d’un effort de compensation de la faiblesse du pouvoir d’achat des couches défavorisées par des politiques implicites ou explicites de subventions à l’éducation, à la santé et à la consommation au travers de la dépense publique [64]. Sa politique sociale était adossée à un patronage politique [65] qui s’est lentement effondré pour constituer les ressorts de la crise socio-politique. Ceci l’amenait souvent à rappeler qu’il n’était pas socialiste mais qu’il savait tempérer son libéralisme par une « politique sociale des plus hardies [66] ». Ouattara revendique un héritage houphouëtiste dont les piliers se sont depuis longtemps effondrés, sans expliquer aux Ivoiriens en quoi son option libérale, différente de celle de Félix Houphouët-Boigny, se veut plus tournée vers l’offre de service par le marché et le secteur privé. Il en a résulté une incompréhension profonde qui a progressivement évolué vers une défiance croissante vis-à-vis de l’État. En 2011, l’arrivée de Ouattara et son discours sur le retour de l’État développementaliste assorti d’une revendication de l’héritage houphouëtiste laissaient espérer, au sein de la population, le retour à un État social connu dans les années 1980. En clair, la population s’attendait de la part du régime de Ouattara à plus d’investissement dans le social. Les discours des manifestants lors des poussées de colère contre la vie chère sont révélateurs de la déception des Ivoiriens qui font l’amer constat de l’exposition du consommateur à la brutalité de la « vérité des prix » des services de base comme l’électricité délivrés par le secteur privé. Au travers de la colère exprimée contre cette hausse des prix, ils donnent l’impression de prendre subitement conscience des risques sociaux liés au retrait de l’État dans le traitement des questions liées à l’accès aux services sociaux de base.

37L’absence de perception des effets de la croissance économique dans les assiettes et le sentiment de ne plus être protégé par l’État se doublent d’un sentiment d’inégalité dans l’accès aux opportunités de la croissance et des faveurs de l’État. Ce dernier sentiment s’exprime lui aussi en référence à une autre dimension du « rattrapage ethnique », dont le recours vise ici à dénoncer l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie d’État, une minorité qui serait en train de capturer les fruits de la croissance sur fond de fracture Nord-Sud et au détriment du plus grand nombre. La capacité d’inclusion de la politique de croissance sous le régime de Ouattara est donc sérieusement mise en cause par la perception que les gens ordinaires en ont et par la manière dont ils vivent l’ère du libéralisme économique dans la Côte d’Ivoire post-crise.

38Après une décennie de conflits armés, la Côte d’Ivoire reste confrontée à un défi principal : comment sortir de l’engrenage de la violence politique ? Le régime de Ouattara a tenté d’y répondre en conjuguant approche libérale de sortie de crise et politique économique favorable à la croissance. À l’analyse, la croissance économique se révèle être autant de l’ordre de la croyance qu’un outil ou un objectif à atteindre. Fidèle à sa formation d’économiste et à son parcours professionnel au sein des institutions de Bretton Woods, Alassane Ouattara a construit sa stratégie de sortie de crise sur le socle d’une croyance quasi-mystique dans le pouvoir transformateur de l’économie libérale par l’effet magique de « ruissellement vers le bas » et de sa capacité à produire une croissance inclusive. Une croyance certes profondément ancrée, mais dont les tensions et les contradictions observées et relatées dans ce dossier montrent les limites. Elles laissent songeur sur l’efficacité dans la durée de l’ingénierie mise en œuvre par les gouvernements successifs de Ouattara, qui se révèle fonctionner plutôt comme une « machine anti-politique [67] », dont l’effet principal est la dépolitisation des stratégies de sortie de crise. Le discours triomphaliste sur les performances économiques, dont le troisième pont d’Abidjan se veut le symbole, contraste avec la résurgence des problèmes non résolus et la dénonciation de la corruption de la classe politique. Dans le même temps, la grogne sociale contre la baisse du pouvoir d’achat et la montée des inégalités questionnent la réalité du développement induit par de tels efforts de croissance. En clair, le processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire comporte des zones de fortes incertitudes qui rendent compte de sa fragilité. À ces incertitudes viennent s’ajouter les ambiguïtés des jeux et des calculs politiques qui s’expliquent par la perspective des élections en 2020, aussi bien dans le clan Ouattara qu’au sein d’une opposition affaiblie par des divisions internes. Face à toutes ces incertitudes, la question politique cruciale reste celle-ci : dans un tel imbroglio politique et dans un pays où l’on sent monter la fièvre d’une aspiration collective à un changement qualitatif des conditions de vie, combien de temps encore pourra durer la tolérance à l’augmentation des inégalités sociales, politiques et économiques [68] ?


Date de mise en ligne : 30/03/2018

https://doi.org/10.3917/polaf.148.0005

Notes

  • [1]
    S. Straus, « “It’s Sheer Horror Here” : Patterns of Violence During the First Four Months of Côte d’Ivoire Post-Electoral Crise », African Affairs, vol. 110, n° 440, 2011, p. 481-489.
  • [2]
    Cérémonie d’investiture, Discours du président de la République SEM Alassane Ouattara [en ligne], 21 mai 2011, <http://www.gouv.ci/doc/Discours_Investiture.pdf>, consulté le 9 mars 2018.
  • [3]
    Sur l’histoire du conflit armé en Côte d’Ivoire, voir R. Banégas et R. Marshall-Fratanie (dir.), « La Côte d’Ivoire en guerre : dynamiques du dedans et du dehors », Politique africaine, n° 89, 2003 ; F. Akindès, Les racines de la crise militaro-politique en Côte d’Ivoire, Dakar, Codesria, 2004 ; C. Bouquet, Géopolitique de la Côte d’Ivoire, Paris, Armand Colin, 2005 ; F. Akindès, « Côte d’Ivoire since 1993 : The Risky Reinvention of a Nation », in A. Raufu Mustapha et L. Whitfield (dir.), Turning Points in African Democracy, Londres, James Currey, 2009, p. 31-49 ; M. McGovern, Making War in Côte d’Ivoire, Chicago, The University of Chicago Press, 2011 ; T. Bassett, « Winnnig Coalition, Sore Loser : Côte d’Ivoire’s 2010 Presidential Elections », African Affairs, vol. 110, n° 440, 2011, p. 469-479.
  • [4]
    J.-P. Chauveau et K. S. Bobo, « La situation de guerre dans l’arène villageoise. Un exemple dans le Centre-Ouest ivoirien », Politique africaine, n° 89, 2003, p. 12-32 ; R. Banégas, « La politique du “gbonhi”. Mobilisations patriotiques, violence milicienne et carrières militantes en Côte-d’Ivoire », Genèses, n° 81, 2010, p. 25-44 ; G. Koné, « Logiques sociales et politiques des pillages et barrages dans la crise post-électorale en Côte d’Ivoire », Politique africaine, n° 122, 2011, p. 145-160 ; G. Koné, Les « Jeunes patriotes » ou la revanche des « porteurs de chaises » en Côte d’Ivoire, Abidjan, Les classiques ivoiriens, 2014.
  • [5]
    Il faut entendre ici par faiblesse de l’État une situation dans laquelle celui-ci a perdu une partie de sa souveraineté, dépend des accords de paix négociés, ne peut imposer son autorité sur toute l’étendue du territoire du fait de la présence d’une rébellion dans le Nord et de milices pro-Gbagbo dans la partie ouest du pays, et dépend essentiellement des ressources extérieures et de l’assistance humanitaire pour la couverture des besoins sociaux, particulièrement dans les anciennes zones CNO (Centre, Nord, Ouest). En même temps, tous les éléments évoqués ici constituent des dynamiques historiques par lesquelles l’État se réinvente et se forme, dans le sens où l’entendent John Lonsdale et Bruce Berman (Unhappy Valley, Londres, James Currey, 1994, p. 5).
  • [6]
    F. Akindès et V. Troit, « Introduction. La transition humanitaire en Côte d’Ivoire, éléments de cadrage », in T. Fouquet et V. Troit (dir.), Transition humanitaire en Côte d’Ivoire, Paris, Karthala, 2017, p. 9-24.
  • [7]
    Financé sur « Fonds présidentiel spécial », le Programme présidentiel d’urgence PPU est doté d’un montant initial de 45 milliards de francs CFA. Ce fonds était destiné à des investissements ciblés dans cinq secteurs considérés comme prioritaires : l’eau potable, la santé, l’éducation, l’électricité et la salubrité urbaine. Par la suite, la gestion de ce fonds a été dénoncée pour son « opacité ». Voir « Côte-d’Ivoire “opacité” la BM et le FMI veulent la fin du PPU programme présidentiel d’urgence » [en ligne], Connection ivoirienne.net, <https://www.connectionivoirienne.net/93402/cote-divoire-opacite-la-bm-et-le-fmi-veulent-la-fin-du-programme-presidentiel-durgence>, consulté le 13 mars 2018.
  • [8]
    Voir, à ce sujet, O. Zina, « L’autonomie dans la transition humanitaire ivoirienne », in T. Fouquet et V. Troit (dir.), Transition humanitaire en Côte d’Ivoire, op. cit., p. 45-60.
  • [9]
    République de Côte d’Ivoire, Revue du plan national de développement. PND 2012-2015. Tome 1 : Rapport de la revue globale, Abidjan, Ministère du Plan et du Développement, 2015, p. 16.
  • [10]
    B. Samuel, « Planifier en Afrique », Politique africaine, n °145, 2017, p. 5-27.
  • [11]
    République de Côte d’Ivoire, Plan national de développement. PND 2016-2020. Orientations stratégiques, Tome 2, Abidjan, Ministère du Plan et du Développement. p. 9.
  • [12]
    Voir la lettre d’intention adressée le 17 novembre 2017 par le ministre ivoirien de l’Économie et des finances au directeur général du Fonds monétaire international, <https://www.imf.org/external/np/loi/2017/civ/fra/111717f.pdf>, consulté le 13 mars 2018.
  • [13]
    « Côte d’Ivoire : un séminaire gouvernement-opposition annoncé pour un climat politique apaisé » [en ligne], @bij@n.net, 21 septembre 2013, <http://news.abidjan.net/h/473479.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [14]
    « Les partis du CPD aux forces vives de la Nation : “Ne vous laissez pas distraire” » [en ligne], @bij@n.net, 5 octobre 2013, <http://news.abidjan.net/h/475805.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [15]
    Il s’agissait à l’époque de la date et des conditions de déroulement des élections locales, de la clarification du statut de l’opposition et du recensement général de la population.
  • [16]
    « Côte d’Ivoire : un dialogue politique nécessaire malgré des désaccords persistants » [en ligne], @bij@n.net, 1er février 2013, <http://news.abidjan.net/h/450586.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [17]
    International Crisis Group, Côte d’Ivoire : faire baisser la pression. Rapport Afrique n° 193 [en ligne], 26 novembre 2012, <https://d2071andvip0wj.cloudfront.net/193-cote-d-ivoire-defusing-tensions-french.pdf>, consulté le 9 mars 2018.
  • [18]
    Au moins 128 militaires et civils pro-gbagbo ont été inculpés pour 22 chefs d’accusation, et 10 mandats d’arrêt internationaux ont été émis. Du côté des pro-Ouattara, seulement deux Comzones, Chérif Ousmane et Losséni Fofana, des hauts placés dans la hiérarchie des FRCI, ont été inculpés, essentiellement pour leur responsabilité dans l’offensive qui a eu lieu à l’Ouest du pays en mars-avril 2011 et probablement pour leur implication dans ce qu’on a appelé le massacre de Duékoué. Voir « Justice des vainqueurs sous Ouattara : 128 militaires et civils pro-Gbagbo inculpés pour 22 chefs d’inculpation » [en ligne], La Dépêche d’Abidjan, 23 août 2011, <https://www.ladepechedabidjan.info/Justice-des-vainqueurs-sous-Ouattara-128-militaires-et-civils-pro-Gbagbo-inculpes-pour-22-chefs-d-inculpation_a4113.html>, consulté le 9 mars 2018 ; « Inculpation des FRCI/Frédéric Geel (FIDH) : “Il faut un procès transparent” » [en ligne], <http://news.educarriere.ci/news-15103-proces-des-pro-gbagbo-inculpation-des-frci-frederic-geel-fidh-il-faut-un-proces-transparent.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [19]
    M. Bovcon, « The Progress in Establishing the Rule of Law in Côte d’Ivoire under Ouattara’s Presidency », Canadian Journal of African Studies/Revue canadienne des études africaines, vol. 48, n° 2, 2014, p. 185-202.
  • [20]
    Communauté d’appartenance d’Alassane Ouattara, originaire de Kong, qui estime avoir été brimée sous la présidence de Laurent Gbagbo ; c’est également celle de Robert Guéï et d’Henri Konan Bédié.
  • [21]
    Région d’origine de Laurent Gbagbo, l’ex-président déchu, et en même temps l’un de ses fiefs électoraux.
  • [22]
    International Crisis Group, Côte d’Ivoire : faire baisser la pression …, op. cit.
  • [23]
    Amnesty International, Côte d’Ivoire : la loi des vainqueurs. La situation des droits de l’homme deux ans après la crise post-électorale, Londres, Amnesty International, 2013.
  • [24]
    Human Rights Watch, « Transformer les discours en réalité. L’heure de réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves perpétrés en Côte d’Ivoire » [en ligne], <https://www.hrw.org/fr/report/2013/04/03/transformer-les-discours-en-realite/lheure-de-reclamer-des-comptes-pour-les-crimes>, consulté le 9 mars 2018.
  • [25]
    G. Koné, Les « Jeunes patriotes » …, op. cit.
  • [26]
    Voir à ce sujet Human Rights Watch, « Transformer les discours en réalité … », art. cité.
  • [27]
    Rinaldo Depagne (International Crisis Group), « En Côte d’Ivoire “l’arrestation de Gbagbo n’a pas réglé la crise” » [en ligne], <https://www.a53news.com/En-Cote-d-Ivoire-l-arrestation-de-Gbagbo-n-a-pas-regle-la-crise_a20150.html>, consulté le 9 mars 2018.
  • [28]
    Le terme « rattrapage ethnique », une formulation ironique, est sorti du contexte d’une interview accordée à un journaliste français par le président Alassane Ouattara pour caractériser un mode de gestion de l’État qui lui est imputé et surtout pour exprimer le sentiment que les faveurs de l’État (nominations à des hautes fonctions de l’administration, attribution de marchés publics, etc.) sont accordées, sous son régime, de préférence aux ressortissants du Nord.
  • [29]
    K. Andrieu, La justice transitionnelle, Paris, Gallimard, 2012 ; P. Hazan, Juger la guerre, juger l’histoire. Du bon usage des commissions Vérité et de la justice internationale, Paris, PUF, 2007.
  • [30]
    P. Hazan, Juger la guerre, juger l’histoire …, op. cit., p. 16.
  • [31]
    Le Programme national de cohésion sociale (PNCS) a été initié, selon le gouvernement, pour contribuer au renforcement de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire par le biais de la réconciliation nationale, et de la consolidation de la paix et de la sécurité. Son cœur d’activité est le programme d’indemnisation des victimes. Voir <http://www.pncs.ci>, consulté le 11 mars 2018.
  • [32]
    B. Charbonneau, « Côte d’Ivoire : possibilités et limites d’une réconciliation », Afrique contemporaine, n° 245, 2013, p. 121.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Cité par Ibid.
  • [35]
    O. Abel, « Pardon, histoire, oubli », Revue internationale et stratégique, n° 88, 2012, p. 60.
  • [36]
    F. Hartmann, « Juger et pardonner des violences d’État : deux pratiques opposées ou complémentaires ? », Revue internationale et stratégique, n° 88, 2012, p. 67-80.
  • [37]
    O. Abel, « Pardon, histoire, oubli », art. cité, p. 60.
  • [38]
    Voir l’analyse offerte sur les politiques de ressentiment en Côte d’ivoire dans M. McGovern, Making War in Côte d’Ivoire, op. cit.
  • [39]
    G.-A. Kieffer, « Armée ivoirienne : le refus du déclassement », Politique africaine, n° 78, 2000, p. 26-44 ; H. Yebouet, « La Côte d’Ivoire au lendemain de la crise post-électorale : entre sortie de crise politique et défis sécuritaires », Sécurité et stratégie, n° 7, 2011, p. 22-32.
  • [40]
    M. Fofana, « Des Forces nouvelles aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Comment une rébellion devient républicaine », Politique africaine, n° 122, 2011, p. 161-178.
  • [41]
    H. Yebouet, « La Côte d’Ivoire au lendemain de la crise post-électorale … », art. cité.
  • [42]
    K. Heitz, « Power-Sharing in the Local Arena : Man – a Rebel-Held Town in Western Côte d’Ivoire », Africa Spectrum, vol. 44, n° 3, 2009, p. 109-131 ; J. Speight, « Rebel Organisation and Local Politics : Evidence from Bouna (Northern Côte d’Ivoire) », Civil Wars, vol. 15, n° 2, 2013, p. 219-241.
  • [43]
    B. Mieu, « Côte d’Ivoire : les comzones, maîtres d’Abidjan » [en ligne], Jeune Afrique, 22 juil let 2011, <http://www.jeuneafrique.com/190851/politique/c-te-d-ivoire-les-comzones-ma-tres-d-abidjan/>, consulté le 10 mars 2018.
  • [44]
    H. Yebouet, « La Côte d’Ivoire au lendemain de la crise post-électorale … », art. cité.
  • [45]
    A. Sylvestre-Trener, « Côte d’Ivoire : comment l’état-major tente de gérer la crise interne des forces armées » [en ligne], Jeune Afrique, 13 février 2018, <http://www.jeuneafrique.com/mag/526831/politique/cote-divoire-comment-lÉtat-major-tente-de-gerer-la-crise-interne-dans-les-forces-armees/>, consulté le 10 mars 2018.
  • [46]
    Pour ramener la paix et la stabilité et mettre fin aux mutineries, les accords trouvés avec les soldats auraient coûté au gouvernement environ 0,5 % du PIB.
  • [47]
    Il est composé de gendarmes, de policiers et de militaires, dépend du Conseil national de sécurité, présidé par le chef de l’État, échappant ainsi totalement au contrôle de l’état-major.
  • [48]
    A. Sylvestre-Trener, « Côte d’Ivoire : comment l’état-major … », art. cité.
  • [49]
    Amnesty International, Côte d’Ivoire : « Ils ont regardé sa carte d’identité et l’ont abattu ». Retour sur six mois de violences post-électorales, Londres, Amnesty International, 2011, p. 84 ; Amnesty International, Côte d’Ivoire : la loi des vainqueurs …, op. cit. ; Amnesty International et Human Rigthts Watch, Terrorisés et abandonnés. L’anarchie, le viol et l’impunité dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, New York, Human Rights Watch, 2011 ; Interpeace, Dynamiques et capacités de gestion des conflits à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Le cas des régions du Cavally et du Guémon, Abidjan, Interpeace, 2013.
  • [50]
    Les allochtones sont les Ivoiriens en provenance d’autres régions que l’Ouest tandis que les allogènes sont les ressortissants des pays voisins qui ont passé les frontières ivoiriennes pour s’adonner à l’agriculture dans leurs zones d’installation.
  • [51]
    P. E. Peters, « Challenges in Land Tenure and Land Reform in Africa : Anthropological Contributions », World Development, vol. 37, n° 8, 2009, p. 1317-1325
  • [52]
    J. Unruh, « Land Rights and Peacebuilding : Challenges and Responses for the International Community », International Journal of Peace Studies, vol. 15, n° 2, 2010, p. 89-125.
  • [53]
    M. I. Mitchell, « Land Tenure Reform and Politics in Post-Conflict Côte d’Ivoire : A Precarious Peace in the Western Cocoa Regions », Canadian Journal of African Studies/Revue canadienne des études africaines, vol. 48, n° 2, 2014, p. 203-221 ; K. Klaus et M. I. Mitchell, « Land Grievances and the Mobilization of Electoral Violence : Evidence from Côte d’Ivoire and Kenya », Journal of Peace Research, vol. 52, n° 5, 2015, p. 622-635.
  • [54]
    J.-P. Chauveau, « Question foncière et construction nationale en Côte d’Ivoire », Politique africaine, n° 78, 2000, p. 94-125 ; J.-P. Chauveau, « Crise foncière, crise de la ruralité et relations entre autochtones et migrants sahéliens en Côte d’Ivoire forestière », Outre-terre, n° 11, 2005, p. 247-264 ; J.-P. Chauveau, « La loi de 1998 sur le domaine rural dans l’histoire des politiques foncières en Côte d’Ivoire. La politique de transferts de droits entre “autochtones” et “étrangers” en zone forestière », in J.-P. Colin, P.-Y. Le Meur et É. Léonard (dir.), Les politiques d’enregistrement des droits fonciers. Du cadre légal aux pratiques locales, Paris, Karthala, 2009, p. 105-140 ; J.-P. Chauveau et K. S. Bobo, « La crise de la ruralité en Côte d’Ivoire forestière. Ethnicisation des tensions foncières, conflits entre générations et politique de libéralisation », in J.-B. Ouédraogo et E. Sall (dir.), Frontières de la citoyenneté et violence politique en Côte d’Ivoire, Dakar, Codesria, 2008, p. 105-123 ; V. Konan, Robert et les Catapila, Abidjan, NEI, 2005.
  • [55]
    M. F. Pritchard, « Contesting Land Rights in a Post-Conflict Environment : Tenure Reform and Dispute Resolution in the Centre-West Region of Côte d’Ivoire », Land Use Policy, vol. 54, 2016, p. 264-275.
  • [56]
    Communiqué du conseil des ministres du jeudi 13 juin 2013.
  • [57]
    La loi n° 2013-655 du 13 septembre 2013 accorde un nouveau délai de dix ans, qui court à compter de sa publication, pour faire constater l’exercice de façon paisible et continue des droits coutumiers sur les terres du domaine coutumier, et de cinq ans pour les terres concédées sur lesquelles les droits du concessionnaire n’ont pu être consolidés. Passé ce nouveau délai, les terres du domaine coutumier sur lesquelles des droits coutumiers exercés de façon paisible et continue n’ont pas été constatés seront considérées comme sans maître.
  • [58]
    K. Klaus et M. I. Mitchell, « Land Grievances and the Mobilization of Electoral Violence … », art. cité.
  • [59]
    Voir le tableau « Évolution des dépenses pro-pauvres 2014-2017 » produit par le gouvernement pour prouver ses efforts en termes d’investissement. Ministère de l’Économie et des Finances, Côte d’Ivoire : Lettre d’intention, Mémorandum de politiques économique et financière et Protocole d’accord technique, 1er juin 2017, p. 48, <https://www.imf.org/external/np/loi/2017/civ/fra/060117f.pdf>, consulté le 13 mars 2018.
  • [60]
    Lors de son discours du 1er mai 2016, il annonce des mesures pour faire baisser le coût de la vie en général et en particulier les tarifs de l’électricité. Après avoir admis que la hausse des prix de l’électricité de 16 % décidée en janvier 2016 « n’avait pas été correctement appliquée » et que certains abonnés avaient connu une augmentation « beaucoup plus élevée que celle initialement prévue », Alassane Ouattara exige la baisse des tarifs de l’électricité et le remboursement du trop-perçu des tarifs à partir de janvier 2016.
  • [61]
    F. Akindès, M. Fofana et S. Y. Kouamé, « Pourquoi et comment se mobilise-t-on en Côte d’Ivoire ? », in N. S. Sylla (dir.), Les mouvements sociaux en Afrique de l’Ouest. Entre les ravages du libéralisme économique et la promesse du libéralisme politique, Paris, Fondation Rosa Luxembourg/ L’Harmattan, 2014, p. 211-235.
  • [62]
    Dans le langage populaire, cette expression signifie : « On ne gagne pas ou plus d’argent, on en gagne plus assez. »
  • [63]
    Y.-A. Fauré, « Le complexe politico-économique », in Y.-A. Fauré et J.-F. Médard (dir.), État et bourgeoisie en Côte d’Ivoire, Paris, Karthala, 1982, p. 39.
  • [64]
    Voir l’historique de cette politique sociale à travers les dépenses publiques et les charges de l’État dans G. Duruflé, L’ajustement structurel en Afrique (Sénégal, Côte d’Ivoire, Madagascar), Paris, Karthala, 1988, p. 107-112 ; K. Diomandé, « Finances publiques et poids des interventions de l’État dans l’économie ivoirienne », in B. Contamin et H. Memel-Fotê (dir.), Le modèle ivoirien en questions : crises, ajustements, recompositions, Paris, Karthala, 1997, p. 109-122.
  • [65]
    Voir l’analyse que font Y.-A. Fauré et J.-F. Médard du système de régulation socio-politique auquel participe cette politique sociale : J.-F. Médard, « La régulation socio-politique », in Y.-A. Fauré et J.-F. Médard (dir.), État et bourgeoisie en Côte d’Ivoire, op. cit., p. 61-88 ; Y.-A. Fauré, « Le complexe politico-économique », art. cité.
  • [66]
    Voir Fondation Félix Houphouët-Boigny, Discours, citations, messages [en ligne], <http://www.fondation-fhb.org/discours-citations-messages/>, consulté le 10 mars 2018.
  • [67]
    J. Ferguson, Anti-Politics Machine : Development, Depoliticization, and Bureaucratic Power in Lesotho, Minneapolis, University of Minneapolis Press, 1994.
  • [68]
    Le travail préparatoire de ce dossier a bénéficié du soutien du Fonds national suisse pour la recherche scientifique au travers du projet « The Developmental State Strikes Back » (n° IZ07Z0_160929).

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