Couverture de POLAF_128

Article de revue

Politique des corps habillés. État, pouvoir et métiers de l'ordre en Afrique

Pages 5 à 23

Notes

  • [1]
    Nous remercions, pour leurs commentaires ainsi que les informations sur les dénominations des hommes en uniforme, les auteur-e-s du dossier, ainsi que David Ambrosetti, Klaus Beyer, Lutz Diegner, Peter Lambertz, Shumirai Nyota, Andreas Wetter et le comité de rédaction de Politique africaine
  • [2]
    Selon l’Open Society Foundation, citée dans « Nigeria’s Crisis. A Threat to the Entire Country », The Economist, n°8804, 29 septembre 2012, p. 40.
  • [3]
    P. Collier, Wars Guns and Votes. Democracy in Dangerous Places, Londres, Bodley Head, 2009, p. 142.
  • [4]
    R. Marchal, « Surveillance et répression en post-colonie », Politique africaine, n° 42, juin 1991, p. 40-51.
  • [5]
    Nous renvoyons le lecteur, en dehors des études de cas présentées ici, à celles citées dans les notes, ainsi qu’aux discussions collectives menées dans différents espaces, notamment : le panel « Bureaucrats in Uniform: Historical and Anthropological Explorations of an African Professional Field » organisé par G. Blundo, I. Bierschenk et J. Glasman, European Conference on African Studies, Uppsala, juin 2011 ; les dossiers « Ordre colonial », Genèses, n° 86, 2012, et « Métiers de police en situation coloniale », Crime, Histoire & Sociétés, vol. 15, n° 2, 2011 coordonnés par E. Blanchard ; J.-P. Bat et N. Courtin (dir.), Le Maintien de l’ordre en situation coloniale. Afrique et Madagascar, Rennes, PUR, 2012. Voir aussi le projet en cours Boundary Work: Police in West Africa de l’Université de Mayence dirigé par Carola Lentz.
  • [6]
    OCDE-CAD, Lignes directrices et ouvrages de référence du CAD. Réforme des systèmes de sécurité et gouvernance. Principes et bonnes pratiques, Paris, OCDE, 2005, p. 85.
  • [7]
    Parmi de nombreux exemples : formation des policiers et soldats du Togo par l’UNREC (United Nations Regional Centre for Peace and Disarmament in Africa), formation des soldats nigérians par l’International Military Education and Training américain, recyclage des militaires du Zimbabwe par le British Military Assistance Training Team participation du Pnud à l’établissement du Code de conduite de la police du Mali, etc.
  • [8]
    J.-M. Châtaigner, « La réforme du secteur de sécurité dans les États et sociétés fragiles. Préalable indispensable au développement ou dernière des illusions néocoloniales ? », Afrique contemporaine, n° 218, 2006, p. 108.
  • [9]
    Pour l’OCDE, « la tâche qui consiste à renforcer le professionnalisme des forces de sécurité – armée, services de renseignement et police – a des aspects à la fois normatifs et techniques », OCDE-CAD, Lignes directrices…, op. cit., p. 49. Par « normes », il faut comprendre notamment le respect du droit international humanitaire, de l’égalité femmes-hommes, des codes déontologiques, etc. Par « techniques », c’est l’aptitude à « mener à bien des fonctions opérationnelles » qui est désignée. À ces deux composantes principales sont parfois ajoutés des aspects culturels (le respect des cultures particulières des populations policées) et politiques (la soumission à la hiérarchie politique). Voir CDD (Centre for Democracy and Development), Security Sector Governance in Africa: a Handbook, Lagos, CDD, 2005, p. 109.
  • [10]
    Parmi les documents fondateurs du concept de RSS, celui de l’agence britannique de développement : DFID, Poverty and the Security Sector, Londres, DFID, 1999. Pour une périodisation de la RSS, voir : A. Bryden, Des principes à la pratique : le rôle évolutif de l’OCDE dans la réforme des systèmes de sécurité, Genève, Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, document d’orientation, n° 22, 2007 ; N. Ball et D. Hendrickson, Trends in Security Sector Reform (SSR): Policy, Practice and Research, CSDG Papers, n° 20, Londres, King’s College, 2009 ; N. Ball, « The Evolution of the Security Sector Reform Agenda », in M. Sedra (dir.), The Future of Security Sector Reform, Waterloo, Centre for International Governance Innovation, 2010, p. 29-44.
  • [11]
    Voir E. Hutchful et K. Fayemi, « Réforme des systèmes de sécurité en Afrique », in OCDE, Lignes directrices…, op. cit., p. 85-86 ; J.-F. Bayart, « Le piège de la lutte anti-terroriste en Afrique de l’Ouest », Sociétés politiques comparées, n° 26, 2010, p. 1-5.
  • [12]
    D. Chuter, « Understanding Security Sector Reform », Journal of Security Sector Management, vol. 4, n° 2, 2006, p. 1-21.
  • [13]
    M. Duffield, Development, Security and Unending War: Governing the World of Peoples, Cambridge, Polity Press, 2007.
  • [14]
    A. Hill, « Learning the Hard Way: Implementing SSR in Africa’s Post-Authoritarian States », in M. Sedra (dir.), The Future of Security Sector Reform…, op. cit., p. 177.
  • [15]
    N. Ball, « The Evolution of the Security Sector Reform… », art. cit., p. 35.
  • [16]
    B. Baker, Multi-Choice Policing in Africa, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, 2008 ; J. Beek, Friend of the Police. Polizei in Nord-Ghana (Upper West Region), Mayence, Johannes Gutenberg Universität, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, Arbeitspapiere, n° 93, 2008 ; A. Hills, Policing Africa: Internal Security and the Limits of Liberalization, Boulder, Lynne Rienner, 2000 ; M. Göpfert, « Security in Niamey. An Anthropological Perspective on Policing and an Act of Terrorism in Niger », Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, mars 2012, p. 53-74.
  • [17]
    L. Fourchard et I. O. Albert (dir.), Sécurité, crime et ségrégation dans les villes d’Afrique de l’Ouest du xixe siècle à nos jours, Paris, Karthala, 2003.
  • [18]
    J. Beek, Friend of the Police…, op. cit.
  • [19]
    J. Poppe, « A History of Surveillance, Commodification and Participation in Nature Conservation. The Case of Park “W”, Burkina Faso », Afriche e Orienti, 2010, p. 103-146 ; G. Blundo, « “Comme un ballon de foot”. La gestion quotidienne des ressources humaines dans les services forestiers en Afrique de l’Ouest », in N. Schareika, E. Spies et P.-Y. Le Meur (dir.), Auf dem Boden der Tatsachen. Festschrift für Thomas Bierschenk, Cologne, Köppe Verlag, 2011, p. 377-394.
  • [20]
    T. Cantens, « Is it Possible to Reform a Customs Administration: The Role of Bureaucratic Elite in Cameroon », UNU WIDER Working Paper series, n° 118, 2010.
  • [21]
    L’analyse de Bruce Whitehouse sur les usages publics de l’uniforme par les auteurs du coup d’État au Mali est de ce point de vue remarquable. B. Whitehouse, « Captain Amadou Sanogo: Power is his Middle Name », Think Africa Press, 29 mars 2012.
  • [22]
    S. Michels, Schwarze deutsche Kolonialsoldaten. Mehrdeutige Repräsentationsräume und früher Kosmopolitismus in Afrika, Bielefeld, Transcript Verlag, 2009, p. 23.
  • [23]
    G. Mann, Native Sons: West African Veterans and France in the 20th Century, Durham (NC), Duke University Press, 2006.
  • [24]
    T. H. Parsons, The African Rank and File. Social Implications of Colonial Military Service in the King’s African Rifles, 1902-1964, Londres, James Currey, 1999. Voir aussi le projet en cours Reworking War and Society: Colonial Military Communities, Labor, and Generations in Africa, ca. 1890-1968 de Michelle Moyd.
  • [25]
    T. Stapleton, African Police and Soldiers in Colonial Zimbabwe, 1923-1980, Rochester, University of Rochester Press, 2011, p. 238.
  • [26]
    W. J. Berridge, Under the Shadow of the Regime: The Contradictions of Policing in Sudan, c. 1924-1989, thèse d’histoire, Université de Durham, 2011, p. 11.
  • [27]
    Ce modèle diffusionniste informe de façon implicite tout un pan de la littérature, mais il est parfois mis en avant de façon très explicite, par exemple par l’ancien directeur du programme de réforme du secteur de sécurité du think tank sud-africain Institute of Security Studies qui parle d’institutions de l’ordre « étrangères dans leur idée » (foreign in inspiration) aux cultures africaines : W. Rocklyn, « Africa and the Challenges of Security Sector Reform », in J. Cilliers et A. Hilding-Norberg (dir.), Building Stability in Africa: Challenges for the New Millennium, Pretoria, Institute for security Studies, 2000, p. 3-11. Dans d’autres rapports, la distance culturelle entre les populations cibles des réformes et les normes institutionnelles apparaît en fond d’argumentation, comme dans les « lignes directrices » de l’OCDE. Celles-ci imputent notamment les avancées plus rapides de la RSS en Europe centrale et orientale par rapport aux autres continents à « des divergences culturelles moins profondes avec les Occidentaux », et ramènent une partie des difficultés à une « perception africaine traditionnelle de la sécurité » trop « élastique » et donc peu opérationnelle : OCDE, Lignes directrices…, op. cit., p. 78 et 92.
  • [28]
    J. Glasman, Les corps habillés. Genèse des métiers de police au Togo, Paris, Karthala 2013.
  • [29]
    F. Fanon, Les Damnés de la terre, Paris, La Découverte, 2001 (1ère édition, 1961).
  • [30]
    S. P. Huntington, Political Order in Changing Societies, New York, New York University Press, 1968.
  • [31]
    P. T. Ahire, The Emergence and Role of the Police in Colonial Nigeria, 1860-1960, Buckingham, The Open University Press, 1991.
  • [32]
    W. Berridge, Under the Shadow of the Regime…, op. cit., p. 2.
  • [33]
    A. P. Oloukpona-Yinnon, La Révolte des esclaves mercenaires, Douala 1893, Bayreuth, Bayreuth African Studies, n° 10, 1987.
  • [34]
    J. Glasman, Les corps habillés…, op. cit.
  • [35]
    M. Echenberg, Colonial Conscripts: The Tirailleurs Sénégalais in French West Africa, 1857-1960, Londres/Portsmouth, James Currey/Heinemann, 1991.
  • [36]
    W. Berridge, Under the Shadow of the Regime…, op. cit., p. 101-140.
  • [37]
    T. H. Parsons, The 1964 Army Mutinies and the Making of Modern East Africa, Westport, Praeger, 2003.
  • [38]
    J. Tankebe, « Colonialism, Legitimation and Policing in Ghana », International Journal of Law, Crime and Justice, n° 36, 2008, p. 67-84.
  • [39]
    Sur le langage politique des Tirailleurs, voir G. Mann, Native Sons…, op. cit., p. 4.
  • [40]
    Ibid., p. 5
  • [41]
    Voir la thèse en anthropologie (en cours) de Martin Mourre, Comment on écrit la mémoire. Culture politique et narration des événements de Thiaroye 44, EHESS et université de Montréal.
  • [42]
    Entretien de Peter Lambertz avec le peintre Christian Bosoku Ekundé, Kinshasa, juin 2011.
  • [43]
    En shona, on utilise aussi l’expression de « frmungonjo om » pour désigner les policiers, une onomatopée rappelant le bruit des menottes.
  • [44]
    J. Glasman, « “Connaître papier”. Métiers de police et État colonial tardif au Togo », Genèses, n° 86, 2012, p. 37ï54.
  • [45]
    T. Bierschenk, States at Work in West Africa: Sedimentation, Fragmentation and Normative Double-Binds, Working Papers, n° 113, Mayence, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, 2010, p. 15.
  • [46]
    M. Eriksson Baaz et M. Stern, « Making Sense of Violence: Voices of Soldiers in the Congo (DRC) », Journal of Modern African Studies, vol. 46, n° 1, 2008, p. 57-86.
  • [47]
    M. Moyd, « Making the Household, Making the State: Colonial Military Communities and Labor in German East Africa », International Labor and Working-Class History, vol. 80, n° 1, 2011, p. 53-76 ; T. H. Parsons, « All Askaris are Family Men: Sex, Domesticity and Discipline in the King’s African Rifles, 1902-1964 », in D. Killingray et D. Omissi (dir.), Guardians of Empire, The Armed Forces of the Colonial Powers c. 1700-1964, Manchester, Manchester University Press 1999, p. 157-179 ; T. Stapleton, African Police and Soldiers… op. cit., p. 88-138 ; J. Beek, Friends of the Police…, op. cit. ; ainsi que le travail en cours d’Olly Owen sur les commissariats au Nigeria.
  • [48]
    K. Bennafla, Le Commerce frontalier en Afrique centrale. Acteurs, espaces, pratiques, Paris, Karthala, 2002.
  • [49]
    J. Brachet, Migrations transsahariennes. Vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger), Bellecombe en Bauges, Éditions du Croquant, 2009.
  • [50]
    Cette expression utilisée en Afrique de l’Ouest témoigne de la centralité de la figure du militaire ou du policier corrompu. Sur le langage de la corruption, voir G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, « Sémiologie populaire de la corruption », in G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan (dir.), État et corruption en Afrique, Paris, Karthala, 2007, p. 119-140.
  • [51]
    J. Roitman, Fiscal Disobedience. An Anthropology of Economic Regulation in Central Africa, Princeton, Princeton University Press, 2005.
  • [52]
    M. Debos, « Les limites de l’accumulation par les armes. Itinéraires d’ex-combattants au Tchad », Politique africaine, n° 109, mars 2008, p. 167-181.
  • [53]
    T. H. Parsons, The African Rank and File…, op. cit.
  • [54]
    J. Beek, Friends of the Police…, op. cit.
  • [55]
    Jeune Afrique, 28 mars 2011.
  • [56]
    Voir, cependant, à propos de l’Afrique du Sud, L. Heinecken et N. van der Waag, « The Politics of Race and Gender in the South African Armed Forces: Issues, Challenges and Lessons », Commonwealth & Comparative Politics, vol. 47, n° 4, 2009, p. 517-538.
  • [57]
    Pour un état des lieux de la place des femmes dans le secteur de la sécurité en Afrique de l’Ouest, voir M. Gaanderse et K. Valasek (dir.), Le Secteur de la sécurité et le genre en Afrique de l’Ouest. Une étude de la police, de la défense, de la justice et des services pénitentiaires dans les pays de la CEDEAO, Genève, DCAF (Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces), 2011.
  • [58]
    Voir par exemple, T. Lyons, Guns and Guerilla Girls: Women in the Zimbabwean Liberation Struggle, Trenton, Africa World Press, 2004 ; M. Terretta, « A Miscarriage of Nation: Cameroonian Women and Revolution, 1949-1971 », Stichproben, Vienna Journal of African Studies, n° 12, 2007, p. 61-90.
  • [59]
    Il ne s’agit évidemment pas d’une spécificité africaine. Voir J. Falquet, « Division sexuelle du travail révolutionnaire : réflexions à partir de l’expérience salvadorienne (1970-1994) », Cahiers des Amériques latines, n° 40, 2003, p. 109-128.
  • [60]
    S. Miescher, Making Men in Ghana, Indianapolis, Bloomington, 2005.
  • [61]
    Pour une revue critique de la littérature grise sur le genre dans les programmes RSS, voir C. Hendricks, Gender and Security in Africa. An Overview, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, 2011.
  • [62]
    M. Eriksson Baaz et M. Stern, « Whores, Men and Other Misfits: Undoing the “Feminization” of the Armed Forces in the DR Congo », African Affairs, vol. 110, n° 441, octobre 2011, p. 563-585.
  • [63]
    M. Eriksson Baaz et M. Utas (dir.), Beyond “Gender and Stir”. Reflections on Gender and SSR in the Aftermath of African Conflicts Policy Dialogue, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, n° 9, 2012.
  • [64]
    S. Decalo, Coups and Army Rule in Africa. Studies in Military Style, Londres, Yale University Press, 1976 ; P. McGowan et T. Johnson, « African Military Coup d’État and Underdevelopment: a Quantitative Historical Analysis », Journal of Modern African Studies, vol. 22, n° 4, 1984, p. 633-666.
  • [65]
    S. E. Finer., The Man on Horseback. The Role of the Military in Politics, Londres, Pall Mall Press, 1962.
  • [66]
    J. W. Harbeson, The Military in African politics, New York, Praeger, 1987.
  • [67]
    Michel Louis Martin a envisagé les trois phases du « cycle de vie » du militarisme en Afrique : une phase de prétorianisme modéré (de la seconde moitié des années 1960 au début des années 1970), suivie d’une période de radicalisation (années 1970), laissant la place à un mouvement de normalisation qu’il qualifie de « thermidorien » (à partir du début des années 1980). M. L. Martin, Le Soldat africain et le politique. Essais sur le militarisme et l’État prétorien au sud du Sahara, Toulouse, Presses de l’Institut d’Études Politiques, 1990.
  • [68]
    E. Hutchful et A. Bathily, The Military and Militarism in Africa, Dakar, Codesria, 1998.
  • [69]
    C. Thiriot, « La place des militaires dans les régimes post-transition d’Afrique subsaharienne : la difficile restructuration », Revue internationale de politique comparée, vol. 15, n° 1, 2008, p. 15-34.
  • [70]
    S. P. Huntington, The Soldier and the State: The Theory and Politics of Civil-Military Relations, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University, 1957.
  • [71]
    Pour une approche similaire dans un autre contexte, voir A. Loez, 14-18. Les Refus de la guerre. Une histoire des mutins, Paris, Gallimard, 2010.
  • [72]
    R. Marchal, « Terminer une guerre », in R. Marchal et C. Messiant, Les Chemins de la guerre et de la paix. Fins de conflit en Afrique orientale et australe, Paris, Karthala, 1997, p. 34.
  • [73]
    M. Debos, Le Métier des armes au Tchad, Paris, Karthala, à paraître en 2013. Voir en particulier le chap. 5, « La milicianisation décrétée des forces régulières ».
  • [74]
    A. Haggar, « The Origins and Organization of the Janjawiid un Darfur », in A. de Waal (dir.), War in Darfur and the Search for Peace, Harvard/Londres, Harvard University Press/Justice Africa, 2007, p. 113-139.
  • [75]
    Voir la thèse en science politique (en cours) de Mehdi Belaid, Guerillas et sortie de guerre en République Démocratique du Congo. La reconversion des mouvements armés en question, une approche comparative, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne.
  • [76]
    K. Arnaut, « Corps habillés, Nouchis and Subaltern Bigmanity in Côte d’Ivoire », in M. Utas (dir.), African Conflicts and Informal Power. Big Men and Networks, Londres, Zed Books, 2012, p. 78-100.
  • [77]
    M. Chelpi-den Hamer, « Militarized Youth in Western Côte d’Ivoire. Who are They? Why Did They Fight? », in Y. Guichaoua (dir.), Understanding Collective Political Violence, Londres, Palgrave Macmillan, 2011, p. 21-45.
  • [78]
    S. Perrot, « Entrepreneurs de l’insécurité : la face cachée de l’armée ougandaise », Politique africaine, n° 75, octobre 1999, p. 60-71.
  • [79]
    K. Vlassenroot et S. Perrot, « Ugandan Military Entrepreneurialism on the Congo Border », in M. Utas (dir.), African Conflicts and Informal Power op. cit., p. 35-59.
  • [80]
    R. Marchal, « Terminer une guerre… », art. cit., p. 2-48.
  • [81]
    J. Roitman, Fiscal Disobedience…, op. cit. ; I. Saïbou, Les coupeurs de route. Histoire du banditisme rural et transfrontalier dans le bassin du lac Tchad, Paris, Karthala, 2010.
  • [82]
    N. Fischer et A. Spire, « L’État face aux illégalismes », Politix, vol. 3, n° 87, 2009, p. 7-20 ; J.-L. Briquet et G. Favarel-Garrigues (dir.), Frontières de l’illicite. Milieux criminels et pouvoirs politiques, Paris, Karthala, 2008.
  • [83]
    Pour reprendre la distinction désormais classique entre « construction » et « formation » de l’État. J. Lonsdale, « The Conquest State of Kenya 1895-1905 », in B. Berman et J. Lonsdale, Unhappy Valley. Conflict in Kenya and Africa, vol. 1, State and Class, Londres/Nairobi/Athens, James Currey/Heinemann Kenya/Ohio University Press, 1992, p. 13-44.
English version

1L’année écoulée suffirait presque, à elle seule, à donner un aperçu complet des façons dont les professionnels en uniforme apparaissent sur la scène publique [1] : la défense pacifique de leurs intérêts de corps – manifestation du Syndicat des forces de sécurité intérieure à Tunis et sit-in des policiers dans le quartier du Plateau à Abidjan en juin, grève des policiers municipaux de Cotonou en septembre – ; la répression planifiée – contre l’opposition politique à Dakar en janvier-février, contre les étudiants du campus de Libreville en mai, contre les manifestations urbaines à Lomé en juin-juillet – ; les exécutions ciblées – assassinat du chef du village guinéen de Zogota en août – sans compter les « bavures » massives – fusillade contre les mineurs grévistes de Marikana en Afrique du Sud en août –, les mutineries sporadiques – par exemple celle du régiment des Forces d’intervention de la base aéronavale d’Ivato à Antanarivo en juillet – et la rébellion organisée – les militaires du M23 au Kivu en avril –, ni oublier le coup d’État militaire, comme celui de Bamako en mars. Ce ne fut en rien, on le sait, une année exceptionnelle. Les pratiques violentes sont monnaie courante – la police nigériane tue 2 500 personnes par an, davantage que la secte Boko Haram [2] – et les mutineries, voire même les coups d’État, ne sont pas rares puisqu’on en compte deux par an en Afrique depuis les Indépendances [3].

2La recherche sur les différents acteurs du maintien de l’ordre connaît un essor rapide. Elle s’est pourtant surtout intéressée aux acteurs (semi)privés ou informels : les polices néotraditionnelles (hisbah du nord Nigéria), les sociétés de gardiennage et de mercenariat international (Sandline, Aegis Defense Services), les milices et sociétés secrètes (dozo de Côte d’Ivoire, Kamajor de Sierra Leone) ou encore les multiples acteurs de l’ordre urbain (groupes d’auto-défense, homeguards et area boys de Lagos), etc. De façon surprenante, le cœur des métiers de l’ordre étatique reste mal connu. Ce dossier explore les rapports qu’entretiennent avec le pouvoir d’État en Afrique ces professionnels de l’ordre, tout à la fois instruments centraux de la surveillance et de la répression des populations [4] et de la contestation du pouvoir d’État. Le présent dossier est une invitation à repenser – avec d’autres [5] – de tels rapports en s’intéressant aux forces de l’ordre dans leur normalité, c’est-à-dire en ce qu’elles constituent d’abord un ensemble de métiers impliquant des conflits et des enjeux spécifiques. Étudier le fonctionnement routinier des forces de l’ordre suppose ainsi d’enquêter sur les politiques visant à les contrôler (par le clientélisme, la bureaucratisation ou au contraire la milicianisation) et sur les stratégies et tactiques des acteurs qui font valoir leurs intérêts.

3Depuis une dizaine d’années, les grandes organisations internationales ont déployé autour de la « réforme du système de la sécurité » (RSS) un discours influent sur les métiers de l’ordre en Afrique. Des réformes sont en effet mises en œuvre dans presque tous les pays africains [6], par l’intermédiaire de programmes bilatéraux ou multilatéraux [7]. Pour certains observateurs, la RSS serait en passe de constituer un nouveau « paradigme sécuritaire » remplaçant progressivement le « paradigme des équilibres financiers » qui prédominait du temps de l’ajustement structurel [8]. De façon paradoxale, les professionnels de l’ordre sont à la fois omniprésents (car ils en sont les principales cibles) et étrangement absents (car leurs intérêts propres sont peu explorés) des textes centraux de la RSS. L’axe principal par lequel cette dernière envisage les métiers de l’ordre est celui du « professionnalisme », entendu comme le renforcement des normes et des techniques professionnelles des agents [9]. Lorsque les aspects politiques sont évoqués, c’est toujours pour rappeler la stricte séparation entre la sphère politique et la sphère professionnelle, entre les organes de contrôle et les organes d’exécution. Lorsque la RSS s’intéresse aux « facteurs politiques » propres aux métiers de l’ordre, c’est pour identifier ceux qui « freinent » la réforme ; il s’agit alors de repérer la « résistance au changement ». Les métiers de l’ordre sont perçus à la fois comme déficitaires – manque de techniques et de normes – et comme excédentaires – en particularités culturelles et ambitions politiques.

4Pourtant, les métiers de l’ordre sont autant façonnés par les politiques étatiques qu’ils interviennent dans le champ politique. Le double regard de la norme et de la technique ne peut rendre compte du large éventail des manières dont la question politique est saisie par les professionnels de l’ordre [10]. La perspective orthodoxe de la RSS a d’ores et déjà fait l’objet de nombreuses critiques – y compris au sein des institutions internationales qui la promeuvent. Certains auteurs mettent en garde contre le risque de subordonner toute politique à la lutte contre le terrorisme et la sécurité du Nord [11], d’autres s’inquiètent du caractère idéologique [12] de cette politique, d’autres encore, comme Mark Duffield, insistent sur l’intrication toujours plus étroite entre les politiques de l’aide et les politiques de l’ordre [13]. Alice Hills, de son côté, insiste sur le fait que la RSS n’est pas le « projet technique ou idéologiquement neutre » qu’elle prétend être [14]. Notre propos est ici de mettre l’accent sur un point aveugle de tels discours sur les forces de l’ordre : le rapport des métiers de l’ordre au politique et à l’État. Si le « professionnalisme » des hommes en uniforme est un des piliers de la RSS [15], celle-ci ressemble à la recette du kedjénou – ce poulet à l’étouffé que l’on déguste dans le golfe de Guinée : charger le tout (nouvelles recrues, rebelles récemment intégrés aux forces régulières, matériel supplémentaire…), puis maintenir confiné au fond de la cocotte sous une couche hermétique de normes juridiques, de codes de bonnes conduites et de compétences techniques. Si malgré cela le jus politique s’échappe, si l’action des hommes en armes déborde, remettez-en une couche, ajouter des formations aux règles professionnelles, des séminaires pour officiers, des plaquettes informatives sur la conduite à tenir, etc.

5Il ne s’agit pas ici de s’étonner du caractère normatif des politiques de développement. C’est évidemment le rôle de toute politique publique, qu’elle soit internationale ou nationale, que de fixer des objectifs à atteindre. Il s’agit plutôt d’interroger la relation complexe des métiers de l’ordre au pouvoir d’État. La division entre ce qui est « professionnel » et ce qui est « politique » est justement l’un des enjeux centraux des conflits sur et au sein des métiers de l’ordre. Il n’existe dans aucun des pays observés une définition unique de ce qu’est un bon professionnel de l’ordre, mais bien plusieurs définitions en compétition : en choisir une s’avère alors nécessairement un choix politique. Car si le raccourci normatif est prompt à séparer la sphère professionnelle de la sphère politique, le partage des eaux est, en réalité, nettement moins marqué. Tout un ensemble de travaux menés ces dernières années l’a clairement montré. D’un côté, la sociologie politique des hommes en armes a remis en cause les ruptures canoniques entre forces officielles et forces rebelles, entre guerre et paix, etc. De l’autre, la sociologie du policing en Afrique a montré l’articulation des différents acteurs, publics comme privés, impliqués dans les questions de sécurité [16].

6Dans plusieurs pays, un terme unique permet de désigner d’un seul geste l’ensemble des hommes de l’ordre. Les « corps habillés », les sodja ou les askaris ce sont tout à la fois les policiers, les soldats, les gardes, les douaniers, les gardiens de prisons. Ces métiers participent ainsi de trajectoires intriquées, émergeant à la fois en complément et en opposition les uns par rapport aux autres. Olly Owen propose dans ce numéro une généalogie du policing au Nigeria depuis l’époque coloniale et souligne que les forces de police ont toujours entretenu des relations complexes associant cooptation, régulation et concurrence avec les acteurs non étatiques de la sécurité. Les processus de différenciation, de partage des responsabilités et de définition des problèmes sont en effet centraux. Gernot Klantschnig montre également dans ce dossier comment la politique de lutte contre la drogue au Nigeria a donné naissance à un domaine spécialisé du policing étatique. La définition des tâches et des compétences nécessaires pour les effectuer sont au cœur des conflits qui structurent le champ de la sécurité. Céline Ségalini montre, quant à elle, comment au Sénégal le développement des interventions publiques pour la protection de la nature a permis l’émergence d’un nouveau groupe professionnel spécialisé, celui des agents des parcs nationaux. Chaque nouvelle façon d’énoncer la question de la sécurité, chaque problématisation de l’ordre étatique retravaille ainsi les cultures professionnelles des hommes en armes. L’intégrité territoriale, le contrôle de la rue [17], la lutte contre la criminalité urbaine [18], la protection de la nature [19], la gestion des flux [20] – pour ne citer que quelques-uns des principaux discours qui organisent ces métiers – ont ainsi tour à tour contribué à redéployer les priorités, attributions et savoir-faire, permettant à certains corps d’étendre leurs prérogatives, rendant obsolètes certaines unités et qualifications.

7L’attention portée dans ce dossier aux contradictions qui traversent les métiers de l’ordre permet ainsi d’aller au-delà de l’étude du « professionnalisme ». Les analyses partent de ce que les agents de l’ordre font et de ce qu’ils disent, y compris lorsque ces pratiques, ces gestes, ces paroles rompent avec la division canonique entre « professionnel » et « politique ». Cela suppose de s’émanciper de la vision instrumentale et mécaniste qui a marqué toute une littérature sur les institutions de l’ordre et d’aller vers l’étude des procédures routinières des forces de sécurité. En étudiant de la même façon le fonctionnement ordinaire, les expressions les plus spectaculaires de l’action politique (mutineries, rebellions, coups d’État) et les modes détournés de l’action (rumeurs, chuchotements, dérision [21]), on se donne les moyens de rendre compte de la complexité des métiers de l’ordre.

L’historicité des métiers de l’ordre

8Émergeant à l’ombre de l’État et en son sein, le champ des professionnels de l’ordre est tributaire de la trajectoire spécifique de l’État et de la concaténation des histoires anciennes, coloniales et postcoloniales. Les désignations vernaculaires gardent d’ailleurs souvent la marque de cette histoire. Les termes d’étymologie européenne ou coloniale sont nombreux : que l’on songe aux termes « police » (polisi en bambara et swahili, mupurisa en shona), « soldier » (sodja en ewe, soja en yoruba ou musoja en shona) ou « constabulary » (konstebo en swahili), ou encore à ceux émergeant de concaténations impériales (le terme askari utilisé en Tanzanie vient sans doute de l’arabe askar ou du perse lascar qui signifient armée [22]). Il serait vain de tracer a priori les contours d’un champ professionnel des hommes de l’ordre dont on pourrait ensuite chercher, ici et là, les déclinaisons nationales. L’histoire de chaque territoire engage à la fois les frontières et les logiques propres au champ, de sorte qu’il faut, à chaque enquête, identifier l’unité pertinente pour observer les enjeux professionnels.

9Dans les colonies françaises, les compagnies de tirailleurs ont pris une place centrale dans la genèse du champ de l’ordre. Au Mali par exemple, comme l’a montré Gregory Mann, l’histoire des soldats se comprend non seulement sur fond de recrutements massifs de tirailleurs conscrits mais aussi par rapport à la permanence des figures du travail forcé et du statut de woloso dans une société post-esclavagiste [23]. Au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie – étudiés par Timothy Parsons –, les King’s African Rifles ont été la matrice de formation d’un champ de l’ordre spécifique. Mais à l’inverse des pays de Tirailleurs, l’absence de conscription a ici profondément marqué la façon dont les askaris ont été perçus et ont articulé leur rapport à l’histoire précoloniale et coloniale [24]. Au Zimbabwe, Timothy Stapleton a mis en évidence les circulations entre les différentes institutions de l’ordre (Rhodesian African Rifles, British South Africa Native Police, African Camp Internment Corps, etc.) ainsi que leur insertion dans le champ plus vaste d’un security field comprenant les entreprises privées de sécurité et de gardiennage [25]. Enfin l’histoire des policiers du Soudan est à situer, selon William Berridge, dans le contexte de l’émergence d’un legal field rassemblant juges, district commissionners, officiers de police, chefs et Nazirs se partageant les fonctions de maintien de l’ordre tout en poursuivant chacun des stratégies propres [26]. Il va ainsi sans dire que le champ des professionnels de l’ordre n’est pas le même d’un pays à l’autre. Dans chaque contexte, les rapports de force, les principes de division et de distinction, les conflits et les modes de règlements de ces conflits sont l’aboutissement d’une trajectoire particulière.

10Pour saisir ces enjeux, il faut, en premier lieu, rompre avec le modèle diffusionniste véhiculé par une certaine littérature sur les forces de l’ordre. Selon cette approche, les problèmes contemporains des forces de maintien de l’ordre en Afrique tiendraient à l’extranéité des institutions d’origine européenne. Aux racines du mal, donc, se trouverait le malentendu entre des institutions militaires et policières calquées sur le modèle métropolitain et importées à l’époque coloniale, et des cultures locales peu empressées de s’adapter à la modernité étatique [27]. Les lecteurs de ces pages seront convaincus par avance de la naïveté de cette opposition entre État (exogène, moderne, européen) et culture (endogène, traditionnelle, africaine). Mais la fréquence à laquelle on retrouve cette vision, de façon implicite ou explicite, exige un rappel : les institutions de l’ordre colonial ne furent pas établies sur le modèle des forces de l’ordre européennes. Dès les premières heures de la conquête, les troupes coloniales se greffèrent sur les réseaux régionaux. Au xixe siècle, polices et armées recrutaient leurs hommes auprès de marchands d’esclaves – la Gold Coast Constabulary par exemple à Salaga [28]. Les hommes ainsi « libérés » par les troupes coloniales devaient rembourser la somme de leur rachat en renonçant à une partie de leur salaire. Les soldats de cette époque exerçaient leur activité dans des espaces en constante recomposition. Au moment même où, en Europe, l’idéologie de la « nation en armes » territorialisait le recrutement, les soldats africains pouvaient, dans certaines régions, vendre leurs compétences au plus offrant. Dans le golfe de Guinée par exemple, les grandes puissances régionales (Allemagne, Ashanti, Grande Bretagne, France, royaume de Samori) se disputaient la même main d’œuvre militaire. Certes, un demi-siècle plus tard, l’État colonial tardif revendiqua plus clairement un modèle policier et militaire européen – sous les mots d’ordre convergents de « territorialisation », « bureaucratisation » et autre « modernisation ». Mais le biais colonial (citoyenneté tronquée, permanence des catégories raciales, violence répressive, etc.) continuèrent de marquer profondément ces professions.

11La deuxième idée dont il faut se défaire est celle d’une vision strictement instrumentale des forces de l’ordre. Depuis cinquante ans, elles ont été décrites successivement comme des instruments de l’impérialisme [29], de la modernisation [30], de la bourgeoisie et du colonat européen [31], des gouvernements postcoloniaux [32]. L’analyse menée dans ce dossier par Olly Owen sur la police nigériane met bien en évidence la tension entre deux conceptions opposées : les forces de l’ordre sont censées protéger et servir à la fois les gouvernants et le bien public. Si les forces de l’ordre sont un instrument clé du pouvoir d’État et de ses dirigeants, il faut pourtant constater que, de la période coloniale à aujourd’hui, elles ont souvent fait preuve d’une certaine autonomie. En 1893 déjà, à Douala, les hommes de la Polizeitruppe se révoltaient contre leurs officiers et s’emparaient, pour quelques jours, de la capitale coloniale allemande [33]. En 1936, à Lomé, des agents de police dénonçaient les exactions du commissaire français et obtenaient sa mutation [34]. En 1944, au camp de Thiaroye, un demi-millier de tirailleurs refusant d’être démobilisés sans solde se mutinait [35]. En 1951, à Khartoum, 700 policiers se mettaient en grève pour dénoncer le licenciement de certains des leurs [36]. Les périodes de transition et de transmission du pouvoir furent particulièrement propices à rappeler aux gouvernants que les hommes en uniforme étaient à même de défendre leurs intérêts propres – que l’on songe à la mutinerie des hommes de la Force Publique à l’Indépendance du Congo en 1960 ou à la mutinerie du premier bataillon de la Tanganyikan Rifles en 1964 à Dar es Salaam [37]. Les mutineries et coups d’État récents, étudiés à partir du cas de la Sierra Leone par Maggie Dwyer dans le présent dossier, s’inscrivent ainsi dans une histoire longue de mobilisation politique des forces armées. Il convient d’étudier ensemble la formation de ce champ professionnel, ses rapports au pouvoir d’État, et les répertoires d’action qui lui sont propres.

12Une troisième question concerne les processus complexes de (dé)légitimation des forces de l’ordre. En constatant – tout à fait à propos – que le passé colonial combinait de façon paradigmatique confusion des pouvoirs politique et militaire, racisme institutionnalisé et brutalité extrême, d’aucuns ont tôt fait d’en conclure à l’absence d’entreprises de légitimation des forces de l’ordre coloniales et de celles qui furent leurs héritières [38]. C’est aller cependant un peu vite en besogne, tant les rapports entre les hommes en uniforme et le reste de la société furent complexes. Plusieurs travaux montrent ainsi que les forces de l’ordre n’incarnèrent pas seulement la coercition d’État. Elles furent aussi le site d’émergence de langages spécifiques, y compris politiques [39] qui irriguèrent à des degrés divers le reste du corps social. Les langages militaires – ceux de l’honneur, de la discipline, de la masculinité, de l’ethnicité, de l’uniforme, etc. – furent certes des outils de domination, mais aussi des ferments de solidarité. Ils offrirent simultanément des justifications au pouvoir en place, mais aussi à la contestation de ce pouvoir. Toute la question était, dès lors, de savoir dans quelle mesure et sous quelles formes l’idiome professionnel des hommes en armes pouvait être intégré au récit politique de la nation. Gregory Mann constate l’incapacité des élites anticolonialistes et indépendantistes ouest-africaines à maîtriser cette forme spécifique de langage politique [40]. À l’inverse, le discours de l’honneur associé à l’ethos des Tirailleurs sénégalais a pu être réapproprié tant par les élites au pouvoir que par les rappeurs dakarois [41]. Faire l’histoire du catalogue de mots, d’idées, d’images et d’émotions associés aux hommes en armes, c’est ainsi dépasser la dichotomie entre État et société et entrer dans le jeu de représentations collectives nées dans l’institution et à ses marges. Or, l’image des métiers de l’ordre n’est pas uniquement négative. C’est d’ailleurs le mérite du tableau du peintre kinois Ekundé (en couverture de ce numéro) de le montrer. « La fille kuluna » – du nom donné aux voleurs à Kinshasa – est appréhendée par des agents sous les acclamations des marchands et des passants [42]. Une police féminine, garante de l’ordre et acclamée, voilà une image qui rompt avec bien des clichés.

Être professionnel-le de l’ordre

13Comprendre ce que signifie être un-e professionnel-le de l’ordre suppose d’étudier les procédures routinières de recrutement, de formation et de fonctionnement des forces de sécurité. Comment entre-t-on dans l’armée, la police, la douane ? Comment y fait-on carrière ? Quels registres les acteurs mobilisent-ils pour rendre compte de leurs trajectoires professionnelles, activités, loyautés ? Les articles du présent dossier sont une invitation à étudier les métiers de l’ordre comme des espaces d’acquisition de ressources mais aussi de négociation de leurs valeurs. Il s’agit de déterminer à partir d’enquêtes fines les ressources que les différents corps, et au sein de ces corps les groupes et individus, mobilisent dans leurs luttes et leurs négociations. Ces ressources sont matérielles, relationnelles mais aussi symboliques (prestige associé aux galons, recours au registre de l’occulte, etc.).

14Les termes vernaculaires insistent souvent sur les artéfacts qui marquent la division entre les professionnels de l’ordre et les autres – les mots qui désignent un élément de l’uniforme ou de l’équipement sont ainsi légion : le gardien de l’ordre est « celui qui a de grosses bottes » (sàbàràbàtígí en bambara), l’« homme au petit bâton » (kpovito en ewe), « le fils du bâton » (dan sansa en hausa), un de « ceux qui portent la ceinture » (koulou siti en mandinka) ou de ces « garçons qui possèdent des fusils » (vakomana vezvivhorovho en shona) [43]. Pourtant, s’il existe des enjeux de distinction entre les membres de la profession et les non-initiés, ces distinctions sont nombreuses également au sein même du champ professionnel, entre les porteurs de fusils et les porteurs de matraques, entre les agents en « tenue » et les agents « en civil ». Il faut « connaître papier » [44] tandis que la « culture du diplôme » [45] joue un rôle structurant. Dans le cas de la National Drug Law Enforcement Agency au Nigeria, comme le note Gernot Klantschnig dans le présent dossier, les agents en uniforme sont dominés par les agents spécialisés et mieux formés. Au Sénégal, comme le montre Céline Ségalini, les tensions entre la culture militaire et les principes promus par l’approche participative sont vécues et pensées différemment par les agents en fonction de leur niveau hiérarchique et de la génération à laquelle ils appartiennent. Là où les guerres ont permis de rapides ascensions sociales par les armes, par exemple au Tchad, le capital guerrier entre en concurrence avec le capital scolaire, les porteurs d’armes dominant les bureaucrates. Les hommes en armes disposent de ressources spécifiques et organisent ainsi, selon les sous-champs auxquels ils appartiennent, la valeur respective des différents capitaux.

15Lorsque les professionnels de l’ordre rendent compte de leurs pratiques, ils se réfèrent ainsi à des répertoires de justification qui dépassent de très loin le champ de l’ordre. Même pour des militaires qui ont combattu et qui appartiennent à des groupes ayant commis des violences d’une grande brutalité, le travail administratif peut apparaître comme le « travail idéal ». Les éléments des Forces armées de République démocratique du Congo, pour qui le métier des armes est un pis-aller dans un contexte de pauvreté et de précarité, valorisent la figure du soldat éduqué effectuant un travail dans un bureau plutôt que celle du combattant envoyé sur le front [46]. Il faut prendre les acteurs aux mots, ceux qui les unissent comment ceux qui les distinguent, et rendre compte des différents registres d’argumentation par lesquels ils définissent leurs pratiques : le langage des normes formelles (hiérarchies, galons, rangs), des compétences militaires (expérience du maquis, de la guerre, du camp), du réseau social (réseau de fonctionnaires, fief régional, contrôle d’une proto-armée), de la réussite économique, de la réputation (visibilité, leadership), etc.

16L’observation des lieux des forces de l’ordre semble être une piste prometteuse pour la compréhension de ces métiers [47]. Les checkpoints, péages, barrières sont l’un des espaces de travail des corps habillés. Qui a voyagé en Afrique sait qu’ils sont autant de lieux où s’exercent la petite corruption et les grands trafics. Ces arrêts imposés sont anticipés et redoutés, y compris par les voyageurs en règle. Les commerçants [48] et les migrants [49] doivent en effet négocier avec les « mange mille » (comprenez : mange des billets de mille FCFA) [50]. Les zones frontalières en particulier sont des espaces de création de richesse et de redistribution économique où les activités illégales deviennent licites [51]. L’économie des péages et des postes frontières est cependant marquée par de fortes inégalités : tout le monde ne peut y faire de bonnes affaires. Une faction à un rond-point n’est pas équivalente au contrôle d’un poste de douane. Or, c’est l’État qui distribue bien souvent les positions de prédation et détermine donc les possibilités d’accumulation [52]. La compréhension de la corruption et des activités illégales au sein des corps habillés doit ainsi passer par une analyse du clientélisme d’État.

17Au camp, on est recruté, habillé, formé, on y acquiert les codes et les gestes du métier. C’est un lieu de travail, mais aussi un lieu de vie : on y mange, on y lave le linge, on y joue au football, on y reçoit des visiteurs, on y apprend à lire, à nettoyer une arme, à conduire un camion. On y a accès à des services rares (soins gratuits, école pour les enfants, ravitaillement privilégié, alimentation électrique autonome, etc.). Les lieux des hommes en armes sont parmi les plus surveillés des villes africaines – c’est-à-dire à la fois protégés et contrôlés. Pour certaines armées, comme les King’s African Rifles étudiées par Timothy Parsons, les camps ont pu correspondre à une tentative pour isoler les soldats de la population – sans toujours être couronnée de succès [53]. Mais ce n’est pas seulement le cas pour les casernes militaires. Au Nord Ghana, le Regional Headquarters de la police de Wa étudié par Jan Beek désigne un périmètre clos par des fils de fers barbelés et regroupant bureaux administratifs, baraques, cantines, véhicules et autres boutiques [54]. Pour autant, ces espaces ne sont pas hermétiques, ils restent articulés à leur environnement direct (centre ou bordure de ville, ancien « village » présidentiel…) ainsi qu’à l’archipel sécuritaire avec lequel s’organisent les va-et-vient (dépôts, postes, barrages, guérites, patrouilles, etc.). Ainsi le camp est-il un des lieux stratégiques du contrôle des hommes en uniforme par l’État – que l’on pense à Alassane Ouattara exigeant des familles de soldats qu’elles quittent les camps militaires ou à Alpha Condé voulant « encaserner les militaires » [55].

18Les enquêtes sur les espaces militaires et policiers débouchent sur une interrogation sur les rapports sociaux de sexe. Cette question est cruciale – et elle reste sous traitée [56], y compris dans les articles présentés ici. Les femmes sont largement sous-représentées [57] dans les métiers de l’ordre, même si elles ont été nombreuses dans les mouvements de libération au moment des Indépendances [58] et même si elles participent activement aux mouvements rebelles. Le recrutement de femmes représente un véritable enjeu pour les États africains. Certains d’entre eux, comme le Bénin, se prévalent de forces féminines de maintien de l’ordre associées à un passé précolonial idéalisé. Pour d’autres, comme la Guinée, les forces féminines sont perçues comme l’héritage d’un passé socialiste. Ailleurs, par exemple au Rwanda, la féminisation des forces de l’ordre est un enjeu politique de rupture avec le passé. D’autres pays, comme le Togo, tentent à échéance régulière, sous la pression des bailleurs de fonds, d’étendre aux femmes le recrutement policier et militaire – pour l’instant avec un succès mitigé.

19La sous-représentation des femmes dans le rang ne signifie cependant pas qu’elles soient absentes des métiers de l’ordre. Bien des tâches effectuées dépendent d’une main d’œuvre féminine présente dans les camps et les casernements (ravitaillement, cuisine, hygiène et santé, rapiéçage des uniformes, gestion du budget familial, etc.). Toute une partie des services logistiques, considérés comme subalternes – et, partant, peu ou pas rémunérés et peu valorisés – sont essentiellement féminins [59]. Au-delà de l’inclusion de femmes dans les métiers de l’ordre, il convient de s’interroger sur la construction genrée des rôles au sein de ces institutions [60] et sur l’invisibilisation du travail des femmes. La féminisation des métiers de l’ordre ne favorise pas mécaniquement l’égalité entre les sexes. En étudiant la construction d’une masculinité virile et militarisée, on peut saisir quels types de rôles (peu valorisés) sont attribués aux femmes.

20À la suite de l’adoption en 2000 de la résolution 1325 par le Conseil de sécurité de l’ONU sur le gender mainstreaming dans les politiques de défense et de sécurité, la question du genre a été prise en compte dans les programmes de RSS [61]. Dans la perspective des experts et praticiens de la RSS, le recrutement de femmes est à la fois un droit pour celles-ci, un moyen de promouvoir l’égalité femmes-hommes et une façon d’améliorer le fonctionnement des forces de l’ordre (les femmes étant considérées comme plus respectueuses des droits humains, plus proches des populations, etc.). Les programmes de RSS qui intègrent une perspective de genre visent enfin à lutter contre les violences sexuelles. La féminisation des forces armées s’avère cependant ne pas avoir les effets pacificateurs escomptés. La mise en œuvre de politiques visant à promouvoir les femmes dans les forces armées de RDC ont ainsi suscité de vives résistances. Le recrutement et la présence de femmes dans les forces armées sont perçus comme « une menace d’émasculation » qui se manifeste dans les tentatives de maintenir l’identité (impossible) de la masculinité militarisée [62]. Au-delà de la promotion des femmes militaires, l’enjeu est ainsi la construction des identités de genre dans les corps habillés [63].

Les métiers de l’ordre entre guerre et paix

21Si les corps habillés participent de la répression et du contrôle des populations, l’actualité – tout comme l’histoire coloniale et postcoloniale – nous rappelle qu’ils peuvent aussi être des acteurs centraux de la contestation du pouvoir. Une abondante littérature vise à décrire et à comprendre les interventions des militaires en politique. Dans les années 1970 et 1980, alors que les mutineries et les coups d’État se multipliaient en Afrique, des chercheurs se sont intéressés aux risques mais aussi au potentiel modernisateur de l’institution militaire et de ses dirigeants – certains des travaux de cette période étant marqués par les théories de la modernisation. Malgré la diversité des trajectoires historiques des pays étudiés, des hypothèses étaient avancées sur les principaux facteurs de l’activisme militaire : héritages de la colonisation, factionnalisme politique, rivalités ethniques et intérêts corporatistes [64]. À la suite des travaux de Samuel Finer s’interrogeant sur les facteurs et les modalités concrètes de l’intervention des militaires en politique (du coup d’État aux simples jeux d’influence sur le gouvernement civil) [65], des chercheurs sont allés au-delà de l’étude des coups d’État pour analyser le fonctionnement des régimes militaires [66] et leur « cycle de vie » [67], les formes multiples de militarisme dans l’Afrique des années 1990 [68], puis la difficile consolidation des relations civilo-militaires dans les « régimes post-transition » [69].

22Des pistes ont été ouvertes pour penser le rôle des corps habillés en politique en se démarquant des perspectives qui, dans la lignée des premiers travaux de Samuel P. Huntington [70], associent un peu rapidement le professionnalisme des militaires à leur supposée neutralité politique. Des analyses attentives au fonctionnement des forces armées et aux pratiques de leurs agents à tous les niveaux de la hiérarchie permettent de saisir les ressorts des loyautés. Les relations de clientèle et de parenté, les réseaux de solidarité forgés dans des expériences communes (en temps de guerre ou de paix) constituent des éléments centraux pour saisir comment des unités de l’armée se mutinent ou organisent un coup d’État. Il ne s’agit pas d’opposer les réseaux officiels aux réseaux officieux mais d’analyser in situ les relations de compétition et de collaboration qu’ils entretiennent. L’article de Maggie Dwyer dans le présent dossier étudie les dynamiques internes des deux unités qui se sont mutinées en 1992 en Sierra Leone, et insiste sur les relations personnelles fortes au sein du groupe. C’est parce qu’il existait une discipline au sein de ces unités qu’elles ont pu se lancer dans une entreprise aussi risquée et incertaine qu’un coup d’État. Il ne s’agit pas seulement d’étudier les sources des frustrations (rémunérations faibles et irrégulières, conditions de (sur)vie difficiles), mais aussi de suivre le processus de mobilisation. Aussi spectaculaire que soit une mutinerie ou un coup d’État, l’événement doit être resitué dans le temps plus long de la fabrique de l’obéissance et de la désobéissance dans l’armée [71].

23C’est également en adoptant une approche attentive à l’insertion des corps habillés dans la société que l’on peut saisir leurs modes d’engagement et leurs recompositions en conflit. On ne peut tout d’abord opposer l’armée aux autres acteurs du champ de la sécurité. Dans bien des contextes, les forces régulières ressemblent aux groupes armés non- ou para-étatiques (rebelles, milices, groupes d’auto-défense, mercenaires locaux et internationaux, etc.). Le fonctionnement des forces régulières n’est pas nécessairement bureaucratique. Ceci est particulièrement important dans les pays où, comme au Tchad, les forces régulières sont un rassemblement de factions armées (ré)intégrées à la faveur d’accords de paix. La « milicianisation » [72] des forces régulières n’est pas uniquement le produit des guerres : elle peut relever d’un véritable mode de gouvernement. Ainsi les forces armées tchadiennes étaient-elles marquées jusqu’en 2010 – date de lancement d’un ambitieux programme de restructuration dont les effets restent incertains – par une chaîne de commandement flexible, une discipline interne faible et des effectifs non maîtrisés. Cette gestion que l’on aurait tort d’assimiler à de l’incompétence ou à une préférence culturelle pour le désordre est loin d’être irrationnelle ou inefficace. Elle permet aux forces régulières de s’adapter aux loyautés fluides des rebelles comme de leurs propres troupes, de sanctionner les contestataires et de récompenser les officiers fidèles au régime, tandis que les pratiques de prédation offrent des opportunités d’enrichissement et irriguent le corps social [73]. Étudier les forces régulières en guerre suppose également de voir comment les processus endogènes aux conflits les transforment. Les armées régulières (comme les groupes armés non-étatiques) changent leurs modes de recrutement et de promotion, les façons de commander et de gérer les troupes en fonction des circonstances de la guerre. On ne peut ainsi opposer des forces régulières qui auraient un mode de fonctionnement institutionnalisé et stable à des groupes armés qui seraient par nature fluides.

24Les rapprochements entre les corps habillés, les milices et les groupes d’auto-défense passent ensuite par les relations de collaboration et de concurrence qu’ils entretiennent en temps de guerre comme de paix. Les professionnels de la sécurité peuvent être recrutés alternativement ou simultanément dans plusieurs de ces groupes. Au Soudan, une partie des miliciens djandjawid qui ont participé à la répression sanglante de la rébellion du Darfour ont été intégrés dans l’armée ou dans un corps paramilitaire, les Popular Defence Forces [74]. Des pratiques, des cultures matérielles et des représentations circulent entre les différents groupes porteurs d’uniforme et/ou d’armes. On peut observer des phénomènes de mimétisme : les rebelles reprennent souvent des codes et des références militaires, par exemple quand les chefs (qui peuvent d’ailleurs être d’anciens militaires) se font appeler « commandant », « colonel » ou « général ». En RDC, les anciens combattants Maï-Maï veulent être intégrés dans l’armée et sont à la recherche d’une forme de reconnaissance par l’État [75]. En Côte d’Ivoire, les jeunes miliciens, qui aspirent également à intégrer l’armée régulière, appartiennent à la clientèle de chefs militaires. Ces derniers font figure de « grands frères ». L’uniforme prend dans ce contexte une importance particulière : il devient un élément du jeu d’identification aux militaires, entretenant l’espoir (souvent déçu) que la complicité avec ces derniers débouchera sur une intégration formelle dans l’armée [76]. Les militaires et les rebelles ont souvent des profils proches, voire similaires. Les jeunes hommes mobilisés lors du conflit ivoirien dans les groupes insurgés et dans les mouvements contre-insurrectionnels se ressemblent ; ce sont les lieux de recrutement, plus que leurs trajectoires sociales, qui les distinguent [77]. En outre, qu’ils soient militaires, miliciens ou rebelles, nombre de porteurs d’armes se retrouvent en situation de conflit dans des conditions de (sur)vie proches. Dans certains contextes, les frontières entre les forces régulières et irrégulières sont proprement brouillées. En Sierra Leone, les civils parlaient des sobels pour qualifier ces individus qui étaient « soldats le jour, rebelles la nuit ».

25Enfin, il faut étudier les pratiques de prédation des forces régulières. De la petite corruption à l’extorsion et au banditisme de grand chemin, les militaires, policiers et douaniers saisissent les opportunités économiques qu’offrent les situations de guerre. Les « entrepreneurs de l’insécurité » [78] peuvent franchir des frontières pour exploiter les richesses des pays voisins. Profitant de l’intervention dans l’Est de la République Démocratique du Congo, des officiers supérieurs de l’armée ougandaise ont investi dans les richesses de la région, devenant des acteurs clés des réseaux commerciaux qui lient les zones locales de production aux marchés régionaux et internationaux [79]. L’économie de rapine et les pratiques violentes ne sont cependant pas limitées aux situations de conflits armés ; des formes d’économie de guerre peuvent se développer dans les zones épargnées par les combats [80]. Dans le bassin du lac Tchad, les coupeurs de route et les réseaux militaro-commerciaux travaillent en étroite collaboration avec les notables locaux qui appartiennent aux métiers de l’ordre ou à l’appareil administratif de l’État [81]. Les collaborations plus ou moins institutionnalisées entre les agents des forces de l’ordre et les acteurs de l’économie illégale ont un caractère éminemment politique. Les illégalismes d’État, dans les sociétés africaines comme ailleurs [82], ne relèvent pas de simples dysfonctionnements mais appartiennent aux outils de gouvernement. Les rapports d’extraction et de protection que ces réseaux entretiennent avec la population participent du renforcement de l’État et du contrôle des populations. Encouragées ou simplement tolérées, ces pratiques ne sont pas les symptômes d’une pathologie qui marquerait les forces armées, elles participent souvent des modes de gouvernement à l’œuvre en Afrique subsaharienne.

26Les pistes de recherche développées dans ce numéro sont finalement une invitation à retravailler la problématique de l’État en Afrique à partir des corps habillés. Qu’ils exercent leur métier en uniforme ou en civil, dans la rue ou dans un bureau, qu’ils soient perçus comme des agents de l’ordre ou de la brutalité du pouvoir, ils rendent l’État visible. Un contrôle d’identité à un checkpoint ou à un poste frontière, une vérification de la conformité d’un véhicule (qu’ils donnent lieu ou non à de la corruption) sont des manifestations de la présence et du pouvoir d’État. Les corps habillés « forment » l’État [83], non pas tel qu’il peut être souhaité, projeté et revendiqué par les populations, non pas tel qu’il est fantasmé par les développeurs et les experts internationaux soucieux de réformer le secteur de la sécurité et de « renforcer les capacités de l’État », mais tel qu’il est vécu au quotidien.

Notes

  • [1]
    Nous remercions, pour leurs commentaires ainsi que les informations sur les dénominations des hommes en uniforme, les auteur-e-s du dossier, ainsi que David Ambrosetti, Klaus Beyer, Lutz Diegner, Peter Lambertz, Shumirai Nyota, Andreas Wetter et le comité de rédaction de Politique africaine
  • [2]
    Selon l’Open Society Foundation, citée dans « Nigeria’s Crisis. A Threat to the Entire Country », The Economist, n°8804, 29 septembre 2012, p. 40.
  • [3]
    P. Collier, Wars Guns and Votes. Democracy in Dangerous Places, Londres, Bodley Head, 2009, p. 142.
  • [4]
    R. Marchal, « Surveillance et répression en post-colonie », Politique africaine, n° 42, juin 1991, p. 40-51.
  • [5]
    Nous renvoyons le lecteur, en dehors des études de cas présentées ici, à celles citées dans les notes, ainsi qu’aux discussions collectives menées dans différents espaces, notamment : le panel « Bureaucrats in Uniform: Historical and Anthropological Explorations of an African Professional Field » organisé par G. Blundo, I. Bierschenk et J. Glasman, European Conference on African Studies, Uppsala, juin 2011 ; les dossiers « Ordre colonial », Genèses, n° 86, 2012, et « Métiers de police en situation coloniale », Crime, Histoire & Sociétés, vol. 15, n° 2, 2011 coordonnés par E. Blanchard ; J.-P. Bat et N. Courtin (dir.), Le Maintien de l’ordre en situation coloniale. Afrique et Madagascar, Rennes, PUR, 2012. Voir aussi le projet en cours Boundary Work: Police in West Africa de l’Université de Mayence dirigé par Carola Lentz.
  • [6]
    OCDE-CAD, Lignes directrices et ouvrages de référence du CAD. Réforme des systèmes de sécurité et gouvernance. Principes et bonnes pratiques, Paris, OCDE, 2005, p. 85.
  • [7]
    Parmi de nombreux exemples : formation des policiers et soldats du Togo par l’UNREC (United Nations Regional Centre for Peace and Disarmament in Africa), formation des soldats nigérians par l’International Military Education and Training américain, recyclage des militaires du Zimbabwe par le British Military Assistance Training Team participation du Pnud à l’établissement du Code de conduite de la police du Mali, etc.
  • [8]
    J.-M. Châtaigner, « La réforme du secteur de sécurité dans les États et sociétés fragiles. Préalable indispensable au développement ou dernière des illusions néocoloniales ? », Afrique contemporaine, n° 218, 2006, p. 108.
  • [9]
    Pour l’OCDE, « la tâche qui consiste à renforcer le professionnalisme des forces de sécurité – armée, services de renseignement et police – a des aspects à la fois normatifs et techniques », OCDE-CAD, Lignes directrices…, op. cit., p. 49. Par « normes », il faut comprendre notamment le respect du droit international humanitaire, de l’égalité femmes-hommes, des codes déontologiques, etc. Par « techniques », c’est l’aptitude à « mener à bien des fonctions opérationnelles » qui est désignée. À ces deux composantes principales sont parfois ajoutés des aspects culturels (le respect des cultures particulières des populations policées) et politiques (la soumission à la hiérarchie politique). Voir CDD (Centre for Democracy and Development), Security Sector Governance in Africa: a Handbook, Lagos, CDD, 2005, p. 109.
  • [10]
    Parmi les documents fondateurs du concept de RSS, celui de l’agence britannique de développement : DFID, Poverty and the Security Sector, Londres, DFID, 1999. Pour une périodisation de la RSS, voir : A. Bryden, Des principes à la pratique : le rôle évolutif de l’OCDE dans la réforme des systèmes de sécurité, Genève, Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, document d’orientation, n° 22, 2007 ; N. Ball et D. Hendrickson, Trends in Security Sector Reform (SSR): Policy, Practice and Research, CSDG Papers, n° 20, Londres, King’s College, 2009 ; N. Ball, « The Evolution of the Security Sector Reform Agenda », in M. Sedra (dir.), The Future of Security Sector Reform, Waterloo, Centre for International Governance Innovation, 2010, p. 29-44.
  • [11]
    Voir E. Hutchful et K. Fayemi, « Réforme des systèmes de sécurité en Afrique », in OCDE, Lignes directrices…, op. cit., p. 85-86 ; J.-F. Bayart, « Le piège de la lutte anti-terroriste en Afrique de l’Ouest », Sociétés politiques comparées, n° 26, 2010, p. 1-5.
  • [12]
    D. Chuter, « Understanding Security Sector Reform », Journal of Security Sector Management, vol. 4, n° 2, 2006, p. 1-21.
  • [13]
    M. Duffield, Development, Security and Unending War: Governing the World of Peoples, Cambridge, Polity Press, 2007.
  • [14]
    A. Hill, « Learning the Hard Way: Implementing SSR in Africa’s Post-Authoritarian States », in M. Sedra (dir.), The Future of Security Sector Reform…, op. cit., p. 177.
  • [15]
    N. Ball, « The Evolution of the Security Sector Reform… », art. cit., p. 35.
  • [16]
    B. Baker, Multi-Choice Policing in Africa, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, 2008 ; J. Beek, Friend of the Police. Polizei in Nord-Ghana (Upper West Region), Mayence, Johannes Gutenberg Universität, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, Arbeitspapiere, n° 93, 2008 ; A. Hills, Policing Africa: Internal Security and the Limits of Liberalization, Boulder, Lynne Rienner, 2000 ; M. Göpfert, « Security in Niamey. An Anthropological Perspective on Policing and an Act of Terrorism in Niger », Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, mars 2012, p. 53-74.
  • [17]
    L. Fourchard et I. O. Albert (dir.), Sécurité, crime et ségrégation dans les villes d’Afrique de l’Ouest du xixe siècle à nos jours, Paris, Karthala, 2003.
  • [18]
    J. Beek, Friend of the Police…, op. cit.
  • [19]
    J. Poppe, « A History of Surveillance, Commodification and Participation in Nature Conservation. The Case of Park “W”, Burkina Faso », Afriche e Orienti, 2010, p. 103-146 ; G. Blundo, « “Comme un ballon de foot”. La gestion quotidienne des ressources humaines dans les services forestiers en Afrique de l’Ouest », in N. Schareika, E. Spies et P.-Y. Le Meur (dir.), Auf dem Boden der Tatsachen. Festschrift für Thomas Bierschenk, Cologne, Köppe Verlag, 2011, p. 377-394.
  • [20]
    T. Cantens, « Is it Possible to Reform a Customs Administration: The Role of Bureaucratic Elite in Cameroon », UNU WIDER Working Paper series, n° 118, 2010.
  • [21]
    L’analyse de Bruce Whitehouse sur les usages publics de l’uniforme par les auteurs du coup d’État au Mali est de ce point de vue remarquable. B. Whitehouse, « Captain Amadou Sanogo: Power is his Middle Name », Think Africa Press, 29 mars 2012.
  • [22]
    S. Michels, Schwarze deutsche Kolonialsoldaten. Mehrdeutige Repräsentationsräume und früher Kosmopolitismus in Afrika, Bielefeld, Transcript Verlag, 2009, p. 23.
  • [23]
    G. Mann, Native Sons: West African Veterans and France in the 20th Century, Durham (NC), Duke University Press, 2006.
  • [24]
    T. H. Parsons, The African Rank and File. Social Implications of Colonial Military Service in the King’s African Rifles, 1902-1964, Londres, James Currey, 1999. Voir aussi le projet en cours Reworking War and Society: Colonial Military Communities, Labor, and Generations in Africa, ca. 1890-1968 de Michelle Moyd.
  • [25]
    T. Stapleton, African Police and Soldiers in Colonial Zimbabwe, 1923-1980, Rochester, University of Rochester Press, 2011, p. 238.
  • [26]
    W. J. Berridge, Under the Shadow of the Regime: The Contradictions of Policing in Sudan, c. 1924-1989, thèse d’histoire, Université de Durham, 2011, p. 11.
  • [27]
    Ce modèle diffusionniste informe de façon implicite tout un pan de la littérature, mais il est parfois mis en avant de façon très explicite, par exemple par l’ancien directeur du programme de réforme du secteur de sécurité du think tank sud-africain Institute of Security Studies qui parle d’institutions de l’ordre « étrangères dans leur idée » (foreign in inspiration) aux cultures africaines : W. Rocklyn, « Africa and the Challenges of Security Sector Reform », in J. Cilliers et A. Hilding-Norberg (dir.), Building Stability in Africa: Challenges for the New Millennium, Pretoria, Institute for security Studies, 2000, p. 3-11. Dans d’autres rapports, la distance culturelle entre les populations cibles des réformes et les normes institutionnelles apparaît en fond d’argumentation, comme dans les « lignes directrices » de l’OCDE. Celles-ci imputent notamment les avancées plus rapides de la RSS en Europe centrale et orientale par rapport aux autres continents à « des divergences culturelles moins profondes avec les Occidentaux », et ramènent une partie des difficultés à une « perception africaine traditionnelle de la sécurité » trop « élastique » et donc peu opérationnelle : OCDE, Lignes directrices…, op. cit., p. 78 et 92.
  • [28]
    J. Glasman, Les corps habillés. Genèse des métiers de police au Togo, Paris, Karthala 2013.
  • [29]
    F. Fanon, Les Damnés de la terre, Paris, La Découverte, 2001 (1ère édition, 1961).
  • [30]
    S. P. Huntington, Political Order in Changing Societies, New York, New York University Press, 1968.
  • [31]
    P. T. Ahire, The Emergence and Role of the Police in Colonial Nigeria, 1860-1960, Buckingham, The Open University Press, 1991.
  • [32]
    W. Berridge, Under the Shadow of the Regime…, op. cit., p. 2.
  • [33]
    A. P. Oloukpona-Yinnon, La Révolte des esclaves mercenaires, Douala 1893, Bayreuth, Bayreuth African Studies, n° 10, 1987.
  • [34]
    J. Glasman, Les corps habillés…, op. cit.
  • [35]
    M. Echenberg, Colonial Conscripts: The Tirailleurs Sénégalais in French West Africa, 1857-1960, Londres/Portsmouth, James Currey/Heinemann, 1991.
  • [36]
    W. Berridge, Under the Shadow of the Regime…, op. cit., p. 101-140.
  • [37]
    T. H. Parsons, The 1964 Army Mutinies and the Making of Modern East Africa, Westport, Praeger, 2003.
  • [38]
    J. Tankebe, « Colonialism, Legitimation and Policing in Ghana », International Journal of Law, Crime and Justice, n° 36, 2008, p. 67-84.
  • [39]
    Sur le langage politique des Tirailleurs, voir G. Mann, Native Sons…, op. cit., p. 4.
  • [40]
    Ibid., p. 5
  • [41]
    Voir la thèse en anthropologie (en cours) de Martin Mourre, Comment on écrit la mémoire. Culture politique et narration des événements de Thiaroye 44, EHESS et université de Montréal.
  • [42]
    Entretien de Peter Lambertz avec le peintre Christian Bosoku Ekundé, Kinshasa, juin 2011.
  • [43]
    En shona, on utilise aussi l’expression de « frmungonjo om » pour désigner les policiers, une onomatopée rappelant le bruit des menottes.
  • [44]
    J. Glasman, « “Connaître papier”. Métiers de police et État colonial tardif au Togo », Genèses, n° 86, 2012, p. 37ï54.
  • [45]
    T. Bierschenk, States at Work in West Africa: Sedimentation, Fragmentation and Normative Double-Binds, Working Papers, n° 113, Mayence, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, 2010, p. 15.
  • [46]
    M. Eriksson Baaz et M. Stern, « Making Sense of Violence: Voices of Soldiers in the Congo (DRC) », Journal of Modern African Studies, vol. 46, n° 1, 2008, p. 57-86.
  • [47]
    M. Moyd, « Making the Household, Making the State: Colonial Military Communities and Labor in German East Africa », International Labor and Working-Class History, vol. 80, n° 1, 2011, p. 53-76 ; T. H. Parsons, « All Askaris are Family Men: Sex, Domesticity and Discipline in the King’s African Rifles, 1902-1964 », in D. Killingray et D. Omissi (dir.), Guardians of Empire, The Armed Forces of the Colonial Powers c. 1700-1964, Manchester, Manchester University Press 1999, p. 157-179 ; T. Stapleton, African Police and Soldiers… op. cit., p. 88-138 ; J. Beek, Friends of the Police…, op. cit. ; ainsi que le travail en cours d’Olly Owen sur les commissariats au Nigeria.
  • [48]
    K. Bennafla, Le Commerce frontalier en Afrique centrale. Acteurs, espaces, pratiques, Paris, Karthala, 2002.
  • [49]
    J. Brachet, Migrations transsahariennes. Vers un désert cosmopolite et morcelé (Niger), Bellecombe en Bauges, Éditions du Croquant, 2009.
  • [50]
    Cette expression utilisée en Afrique de l’Ouest témoigne de la centralité de la figure du militaire ou du policier corrompu. Sur le langage de la corruption, voir G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, « Sémiologie populaire de la corruption », in G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan (dir.), État et corruption en Afrique, Paris, Karthala, 2007, p. 119-140.
  • [51]
    J. Roitman, Fiscal Disobedience. An Anthropology of Economic Regulation in Central Africa, Princeton, Princeton University Press, 2005.
  • [52]
    M. Debos, « Les limites de l’accumulation par les armes. Itinéraires d’ex-combattants au Tchad », Politique africaine, n° 109, mars 2008, p. 167-181.
  • [53]
    T. H. Parsons, The African Rank and File…, op. cit.
  • [54]
    J. Beek, Friends of the Police…, op. cit.
  • [55]
    Jeune Afrique, 28 mars 2011.
  • [56]
    Voir, cependant, à propos de l’Afrique du Sud, L. Heinecken et N. van der Waag, « The Politics of Race and Gender in the South African Armed Forces: Issues, Challenges and Lessons », Commonwealth & Comparative Politics, vol. 47, n° 4, 2009, p. 517-538.
  • [57]
    Pour un état des lieux de la place des femmes dans le secteur de la sécurité en Afrique de l’Ouest, voir M. Gaanderse et K. Valasek (dir.), Le Secteur de la sécurité et le genre en Afrique de l’Ouest. Une étude de la police, de la défense, de la justice et des services pénitentiaires dans les pays de la CEDEAO, Genève, DCAF (Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces), 2011.
  • [58]
    Voir par exemple, T. Lyons, Guns and Guerilla Girls: Women in the Zimbabwean Liberation Struggle, Trenton, Africa World Press, 2004 ; M. Terretta, « A Miscarriage of Nation: Cameroonian Women and Revolution, 1949-1971 », Stichproben, Vienna Journal of African Studies, n° 12, 2007, p. 61-90.
  • [59]
    Il ne s’agit évidemment pas d’une spécificité africaine. Voir J. Falquet, « Division sexuelle du travail révolutionnaire : réflexions à partir de l’expérience salvadorienne (1970-1994) », Cahiers des Amériques latines, n° 40, 2003, p. 109-128.
  • [60]
    S. Miescher, Making Men in Ghana, Indianapolis, Bloomington, 2005.
  • [61]
    Pour une revue critique de la littérature grise sur le genre dans les programmes RSS, voir C. Hendricks, Gender and Security in Africa. An Overview, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, 2011.
  • [62]
    M. Eriksson Baaz et M. Stern, « Whores, Men and Other Misfits: Undoing the “Feminization” of the Armed Forces in the DR Congo », African Affairs, vol. 110, n° 441, octobre 2011, p. 563-585.
  • [63]
    M. Eriksson Baaz et M. Utas (dir.), Beyond “Gender and Stir”. Reflections on Gender and SSR in the Aftermath of African Conflicts Policy Dialogue, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, n° 9, 2012.
  • [64]
    S. Decalo, Coups and Army Rule in Africa. Studies in Military Style, Londres, Yale University Press, 1976 ; P. McGowan et T. Johnson, « African Military Coup d’État and Underdevelopment: a Quantitative Historical Analysis », Journal of Modern African Studies, vol. 22, n° 4, 1984, p. 633-666.
  • [65]
    S. E. Finer., The Man on Horseback. The Role of the Military in Politics, Londres, Pall Mall Press, 1962.
  • [66]
    J. W. Harbeson, The Military in African politics, New York, Praeger, 1987.
  • [67]
    Michel Louis Martin a envisagé les trois phases du « cycle de vie » du militarisme en Afrique : une phase de prétorianisme modéré (de la seconde moitié des années 1960 au début des années 1970), suivie d’une période de radicalisation (années 1970), laissant la place à un mouvement de normalisation qu’il qualifie de « thermidorien » (à partir du début des années 1980). M. L. Martin, Le Soldat africain et le politique. Essais sur le militarisme et l’État prétorien au sud du Sahara, Toulouse, Presses de l’Institut d’Études Politiques, 1990.
  • [68]
    E. Hutchful et A. Bathily, The Military and Militarism in Africa, Dakar, Codesria, 1998.
  • [69]
    C. Thiriot, « La place des militaires dans les régimes post-transition d’Afrique subsaharienne : la difficile restructuration », Revue internationale de politique comparée, vol. 15, n° 1, 2008, p. 15-34.
  • [70]
    S. P. Huntington, The Soldier and the State: The Theory and Politics of Civil-Military Relations, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University, 1957.
  • [71]
    Pour une approche similaire dans un autre contexte, voir A. Loez, 14-18. Les Refus de la guerre. Une histoire des mutins, Paris, Gallimard, 2010.
  • [72]
    R. Marchal, « Terminer une guerre », in R. Marchal et C. Messiant, Les Chemins de la guerre et de la paix. Fins de conflit en Afrique orientale et australe, Paris, Karthala, 1997, p. 34.
  • [73]
    M. Debos, Le Métier des armes au Tchad, Paris, Karthala, à paraître en 2013. Voir en particulier le chap. 5, « La milicianisation décrétée des forces régulières ».
  • [74]
    A. Haggar, « The Origins and Organization of the Janjawiid un Darfur », in A. de Waal (dir.), War in Darfur and the Search for Peace, Harvard/Londres, Harvard University Press/Justice Africa, 2007, p. 113-139.
  • [75]
    Voir la thèse en science politique (en cours) de Mehdi Belaid, Guerillas et sortie de guerre en République Démocratique du Congo. La reconversion des mouvements armés en question, une approche comparative, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne.
  • [76]
    K. Arnaut, « Corps habillés, Nouchis and Subaltern Bigmanity in Côte d’Ivoire », in M. Utas (dir.), African Conflicts and Informal Power. Big Men and Networks, Londres, Zed Books, 2012, p. 78-100.
  • [77]
    M. Chelpi-den Hamer, « Militarized Youth in Western Côte d’Ivoire. Who are They? Why Did They Fight? », in Y. Guichaoua (dir.), Understanding Collective Political Violence, Londres, Palgrave Macmillan, 2011, p. 21-45.
  • [78]
    S. Perrot, « Entrepreneurs de l’insécurité : la face cachée de l’armée ougandaise », Politique africaine, n° 75, octobre 1999, p. 60-71.
  • [79]
    K. Vlassenroot et S. Perrot, « Ugandan Military Entrepreneurialism on the Congo Border », in M. Utas (dir.), African Conflicts and Informal Power op. cit., p. 35-59.
  • [80]
    R. Marchal, « Terminer une guerre… », art. cit., p. 2-48.
  • [81]
    J. Roitman, Fiscal Disobedience…, op. cit. ; I. Saïbou, Les coupeurs de route. Histoire du banditisme rural et transfrontalier dans le bassin du lac Tchad, Paris, Karthala, 2010.
  • [82]
    N. Fischer et A. Spire, « L’État face aux illégalismes », Politix, vol. 3, n° 87, 2009, p. 7-20 ; J.-L. Briquet et G. Favarel-Garrigues (dir.), Frontières de l’illicite. Milieux criminels et pouvoirs politiques, Paris, Karthala, 2008.
  • [83]
    Pour reprendre la distinction désormais classique entre « construction » et « formation » de l’État. J. Lonsdale, « The Conquest State of Kenya 1895-1905 », in B. Berman et J. Lonsdale, Unhappy Valley. Conflict in Kenya and Africa, vol. 1, State and Class, Londres/Nairobi/Athens, James Currey/Heinemann Kenya/Ohio University Press, 1992, p. 13-44.
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