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Article de revue

De l'abstinence à l'homophobie : la « moralisation » de la société ougandaise, une ressource politique entre Ouganda et États-Unis

Pages 25 à 47

Notes

  • [1]
    L’auteure tient particulièrement à remercier les évaluateurs de cet article pour la richesse de leurs commentaires.
  • [2]
    Le New York Times, le Guardian, le Times Le Monde u Die Welt, parmi d’autres, ont tous à la fois relayé les débats autour du projet de loi et consacré des articles à la situation des homosexuels en Ouganda.
  • [3]
    « Lock up Gays, says Uganda President », BBC News, 29 septembre 1999.
  • [4]
    « 84% Reject Homosexuals », New Vision, 29 septembre 1999.
  • [5]
    « Gay’s Hide-outs Found », The Monitor, 4 octobre 1999 ; International Gay and Lesbian Human Rights Commission, « Roundups of Gays Reportedly Have Begun in Uganda », The Queer News Network, communiqué de presse, 1er novembre 1999.
  • [6]
    Voir S. Tamale, « Out of the Closet : Unveiling Sexuality Discourses in Uganda », Feminist Africa n° 2, 2003, p. 42-49.
  • [7]
    X. Rice, « Ugandan Paper Calls for Gay People to be Hanged », The Guardian, 21 octobre 2010.
  • [8]
    Pour une compréhension détaillée de la résonnance de la rhétorique homophobe dans la société ougandaise, voir J. Sadgrove, R. M. Vanderbeck, J. Andersson, G. Valentine et K. Ward, « Morality Plays and Money Matters : Towards a Situated Understanding of the Politics of Homosexuality in Uganda », Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, 2012, p. 103-129.
  • [9]
    « A Bill for an Act entitled The Anti Homosexuality Bill 2009 », memorandum, Parlement d’Ouganda, 2009, partie 2 section 3.
  • [10]
    Sur l’impact potentiel de la loi en termes juridiques et de droits humains, voir B. Sander, « A Nation at War with Itself : The Potential Impact of Uganda’s Anti-Homosexuality Bill », Center for Capital Punishment Studies Reports, 2010.
  • [11]
    Cet article repose sur plusieurs enquêtes de terrain conduites en Ouganda en 2005, 2006 et 2008, dont l’objet principal était la mise sur agenda de l’abstinence, la moralisation de la lutte contre le sida, le rôle des chrétiens évangéliques et les relations avec des acteurs états-uniens, notamment religieux. Plus d’une centaine d’entretiens semi-directifs ont été réalisés, ainsi que des observations auprès d’organisations religieuses évangéliques engagées dans la promotion de l’abstinence. Ce travail a été complété par une analyse systématique de la presse ougandaise sur la question de l’homosexualité, ainsi que par des discussions informelles avec des acteurs associatifs français engagés dans la défense des droits des homosexuels en Afrique.
  • [12]
    Martin Ssempa est un pasteur ougandais. Il se convertit au baptisme évangélique (il « naît à nouveau ») au cours des années 1990 puis fait des études de théologie aux États-Unis dans une université évangélique, la Philadelphia Biblical University. Il crée ensuite la Makerere Community Church, puis une structure associative qui lui est rattachée, la Campus Alliance to Wipe Out AIDS, qui ciblent toutes deux les étudiants. Martin Ssempa entretient des relations régulières avec plusieurs églises évangéliques aux États-Unis, où il passe plusieurs mois par an.
  • [13]
    Extraits du site internet de l’organisation : <familylife.ug/aboutis.htm>.
  • [14]
    Entretien avec F. Odiiri, ancien stagiaire du Programme sida du ministère de l’Éducation, Kampala, juin 2008 ; entretien avec E. Musigwa, gestionnaire de projet au sein de l’Uganda Youth Anti-AIDS Association, participant à l’élaboration des manuels du programme pour les écoles primaires et secondaires, Kampala, juin 2008.
  • [15]
    Ministère de l’Éducation et des Sports, PIASCY Stay Safe ! A Book for Students in O Level and Other Post-primary Institutions. Lower Post Primary Student Handbook on HIV/AIDS, Kampala, juillet 2006.
  • [16]
    E. Green, J. Kiwanuka, S. Kyomuhendo, S. Langa, L. Nakato et M. Ssempa, Uganda National Abstinence and Being Faithful Policy and Strategy on Prevention of Transmission of HIV. Draft Policy and Strategy, Uganda AIDS Commission, Kampala, novembre 2004.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Voir J. Sadgrove et al., « Morality plays… », art. cité.
  • [19]
    « Les faits parlent d’eux-mêmes. Sexualité non protégée ? Stupide. Préservatifs ? 80 %. Abstinence ? 100 %. Des questions ? ». Ce message s’inscrit dans un ensemble de discours et de messages présentant l’abstinence et la fidélité comme des comportements à l’efficacité « 100% garantie », par opposition au préservatif. Ces discours invoquent souvent à la fois le « bon sens » et la « preuve scientifique ».
  • [20]
    Edward Green est un acteur-clé du lien entre le programme états-unien Pepfar (« President’s Emergency Plan for AIDS Relief »), sur lequel nous revenons plus loin, et l’Ouganda. Docteur en anthropologie, ancien consultant pour l’Usaid sur le sida, il s’engage dans des collaborations de recherche à la fin des années 1990. En 2001, il bénéficie d’une bourse lui permettant d’obtenir un poste de chercheur à la Harvard School of Public Health. En 2002, il est nommé chercheur au Center for Population Studies de Harvard. Son poste à Harvard est financé successivement par plusieurs fondations conservatrices. En 2003, il est nommé conseiller au sein du Presidential Advisory Council on HIV/AIDS auprès de Georges W. Bush. En 2006, il est nommé directeur du Harvard AIDS Prevention Research Project, lequel n’existe plus aujourd’hui.
  • [21]
    Entretien avec S. Langa, directeur du Family Life Network, Kampala, juillet 2008 ; entretien avec L. Nakato, chargée de programme à la John Hopkins School of Public Health, Center for Communication Programs, co-rédactrice de la stratégie « Abstinence et fidélité », Kampala, juillet 2008 ; entretien avec S. Kyomuhendo, chercheur à la Makerere Faculty of Social Sciences, co-rédacteur de la stratégie « Abstinence et fidélité », Kampala, juillet 2008.
  • [22]
    Family Life Network, « Masturbation », document dactylographié, non daté, p. 2. En gras dans le texte.
  • [23]
    Cité dans R. Mutumba, « Government Comes Up with Draft Policy on Pornography », Daily Monitor, 7 juin 2005.
  • [24]
    J. Gettleman, « American’s Role Seen in Uganda Anti-Gay Push », The New York Times 3 janvier 2010.
  • [25]
    Voir J. Anderson, « Conservative Christianity, the Global South and the Battle over Sexual Orientation », Third World Quarterly, vol. 32, n° 9, 2011, p. 1594.
  • [26]
    R. Muhumuza, « Anti-gay Meeting Flops », Daily Monitor, 23 janvier 2010.
  • [27]
    A. Ssenkabirwa, « Muslims Join Pastors in Gay Fight », Daily Monitor, 10 juillet 2009.
  • [28]
    A. Mugisa, « First Lady Launches Fidelity Drive », New Vision, 13 février 2008.
  • [29]
    Il existe chez Howard S. Becker une connotation religieuse chez l’entrepreneur de morale et particulièrement chez le « créateur de norme » ou « réformateur ». Voir H. S. Becker, Social Problems : A Modern Approach, New York, John Wiley & Sons, 1966, p. 148.
  • [30]
    S. Fath, « La projection géopolitique des megachurches évangéliques américaines », Revue internationale de politique comparée, vol. 16, 2009, p. 107-108.
  • [31]
    YouthNet, Family Health International, HIV Prevention for Young People in Developing Countries: Report of a Technical Meeting, Washington, juillet 2003.
  • [32]
    « U.S. Senator Praises Janet Museveni Over HIV/AIDS Fight », All Africa, 22 février 2002.
  • [33]
    G. Archibald, « Diplomats Urged to Back Families, Teen Abstinence ; Uganda’s First Lady Says the United Nations Can Fight AIDS without Undermining Morality », Washington Times 5 mai 2002.
  • [34]
    L’Ouganda est présenté comme un « modèle » de lutte contre le sida au niveau international, notamment par l’Onusida, suite à la chute des taux de prévalence du VIH au cours des années 1990.
  • [35]
    Sénat des États-Unis, « Fighting AIDS in Uganda : What Went Right ? », audition devant le sous-comité aux Affaires africaines du comité des Affaires étrangères, 19 mai 2003.
  • [36]
    Chambre des représentants des États-Unis, « U.S. Response to Global AIDS Crisis : A Two-year Review », audition devant le comité des Affaires étrangères, 13 avril 2005.
  • [37]
    L’un des principaux leaders de la Fellowship Foundation n’est autre que Joseph Pitts, l’auteur de l’amendement pro-abstinence du Pepfar. Voir J. Anderson, « Conservative Christianity… », art. cité, p. 1595.
  • [38]
    K. Kaoma, Globalizing the Culture Wars. U.S. Conservatives, African Churches, and Homophobia Somerville, Political Research Associates, 2009, p. 16.
  • [39]
    Voir G. Carbone, No-Party Democracy ? Ugandan Politics in Comparative Perspective, Boulder, Lynne Rienner, 2008.
  • [40]
    Voir S. Perrot, « Deux femmes, de la guérilla à l’institutionnalisation du pouvoir en Ouganda : portrait croisé de Janet Museveni et Winnie Byanyima », Politique africaine, n° 95, octobre 2004, p. 37-54.
  • [41]
    J. Kiiza, S. Makara et L. Rakner, Electoral Democracy in Uganda. Understanding the Institutional Processes and Outcomes of the 2006 Multiparty Elections, Kampala, Fountain Publishers, 2008, p. 30.
  • [42]
    S. Perrot, Le Processus de reconstruction d’un ordre politique dans l’Ouganda de Y. Museveni (1986-2001). De la réversibilité du chaos ?, thèse de doctorat en science politique, Institut d’études politiques de Bordeaux, 2003, p. 425.
  • [43]
    L’effritement du soutien baganda est notamment lié à la contestation d’une réforme agraire proposée par le gouvernement. Voir R. Tangri et A. M. Mwenda, « President Museveni and the Politics of Presidential Tenure in Uganda », Journal of Contemporary African Studies, vol. 28, n° 1, 2010, p.31-49
  • [44]
    Tout au long des XIX et XX siècles, religion et politique étaient étroitement mêlées en Ouganda. Voir H. Médard, Le Royaume du Buganda au XIX siècle. Mutations politiques et religieuses d’un ancien État d’Afrique de l’Est, Paris/Nairobi, Karthala/ Ifra, 2007.
  • [45]
    Voir S. Perrot, « Deux femmes… », art. cité.
  • [46]
    A. Mugisha, « When Pastor Kayanja Took Kisanja to FDC’s Fort », Daily Monitor, 31 mars 2005.
  • [47]
    Voir « Ugandans Will Be Voting “For God and Country" in 2006 », East African, 20 décembre 2005.
  • [48]
    Pasteur N. Wafula, « Church has Stand on Politics, Society », New Vision, 9 novembre 2005.
  • [49]
    Voir « Museveni is Born-Again, Nadduli Insists », New Vision, 6 avril 2005.
  • [50]
    R. Mutumba et I. Mufumba, « Museveni Concludes Campaign in Busoga », Daily Monitor 24 janvier 2006.
  • [51]
    Voir J. Sadgrove et al., « Morality Plays… », art. cité.
  • [52]
    Plusieurs pays européens ont menacé de couper leur aide à l’Ouganda si la loi était adoptée. Barack Obama a qualifié cette loi d’odieuse ; 62 membres démocrates de la Chambre des représentants ont signé une résolution condamnant la proposition de loi. Voir J. Anderson, « Conservative Christianity… », art. cité, p. 1595-1596.
  • [53]
    F. Kagolo, « Museveni Warns on Dangers of Sodomy », New Vision, 3 juin 2010.
  • [54]
    A. Mugisha, « When Pastor Kayanja Took Kisanja to FDC’s Fort », Daily Monitor, 31 mars 2005.
  • [55]
    A. Nandut tu Namboole, « Balokole Want Third Term for Museveni », Daily Monito 17 octobre 2005.
  • [56]
    I. Imaka, « Wikileaks : Janet behind Gays Bill », Daily Monitor, 11 septembre 2011.
  • [57]
    Un des extraits de la Bible souvent cité pour appuyer la condamnation de l’homosexualité est Le Lévitique 20:13 : « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils commettent tous deux un acte abominable. Ils seront punis de mort, leur sang retombera ur eux »
  • [58]
    James Dobson est un des leaders évangéliques les plus influents aux États-Unis. Il a fondé le Family Research Council, groupe de pression influent de la droite chrétienne.
  • [59]
    Voir S. Fath, Dieu bénisse l’Amérique. La religion de la Maison-Blanche, Paris, Le Seuil, 2004.
  • [60]
    Voir « Uganda : “Anti-Homosexuality" Bill Threatens Liberties and Human Rights Defenders », Human Rights Watch, 15 octobre 2009. Human Rights Watch avait déjà largement dénoncé la promotion de l’abstinence en Ouganda.
  • [61]
    L’Ouganda est, depuis les années 1990, l’un des « bons élèves » des bailleurs, ce qui lui alloue encore aujourd’hui une marge de manœuvre plus importante que d’autres pays africains. Voir N. de Torrenté, « L’Ouganda et les bailleurs de fonds. Les ambiguïtés d’une lune de miel », Politique africaine, n° 75, octobre 1999, p. 72-90.
  • [62]
    Cité par J. Sadgrove et al., « Morality Plays… », art. cité, p. 104.
  • [63]
    Voir É. Demange, La Controverse « Abstain, Be Faithful, Use a Condom ». Transnationalisation de la politique de prévention du VIH/sida en Ouganda, Institut d’études politiques de Bordeaux, thèse de doctorat en science politique, 2010.
  • [64]
    Beatrice Anywar (FDC, représentante femme du district de Kitgum), extrait des débats parlementaires du 15 avril 2009, retranscrits en ligne sur <boxturtlebulletin.com>
  • [65]
    « Uganda : Internal Opposition to Anti-Homosexuality Bill Emerges, But Is Still Limited », câble Wikileaks, 21 décembre 2009.
  • [66]
    J. Nagenda, « Regarding Homosexuals and Lesbians », New Vision, 12 décembre 2009.
  • [67]
    J. Sadgrove et al., « Morality Plays… », art. cité, p. 113.
  • [68]
    Ibid. Les auteurs expliquent ainsi que les pressions des bailleurs font écho dans la société ougandaise à une opposition communément admise entre « avidité » (et plus largement tout rapport à l’argent) et « immoralité ».
  • [69]
    Un des principaux moyens du Family Life Network pour atteindre son objectif de moralisation de la société est d’organiser des réunions de plaidoyer destinées aux responsables politiques : entretien avec S. Langa, directeur du Family Life Network, Kampala, juillet 2008.

1La soumission au Parlement ougandais, en octobre 2009, d’un projet de loi renforçant la condamnation pénale de l’homosexualité a placé l’Ouganda au cœur d’une importante mobilisation internationale médiatique, militante et politique [1]. Les grands quotidiens internationaux [2], les associations de défense des droits humains, de lutte contre le sida, les associations gays et les dirigeants politiques ont, depuis 2009, dénoncé la situation des homosexuels en Ouganda et les comportements homophobes dont ils sont l’objet.

2La condamnation politique et sociale de l’homosexualité s’exprime pourtant en Ouganda depuis plus de dix ans. En septembre 1999, la question de l’homosexualité émerge avec vivacité dans l’espace public ougandais avec l’appel du président Yoweri Museveni à arrêter et condamner les homosexuels [3]. Ces déclarations répondaient alors à des allégations de mariage gay à Kampala. Au même moment, un sondage diffusé par le quotidien pro-gouvernement New Vision rapporte que 23 % des habitants de Kampala connaîtraient un homosexuel et que 84 % d’entre eux rejettent la légalisation de l’homosexualité [4]

3Il s’en suit des dénonciations et arrestations d’homosexuels [5], qui se poursuivent au début des années 2000 [6]. Les manifestations d’homophobie dans l’espace public se multiplient cependant à partir de 2006, et plus encore en 2008. Des militants de l’association Sexual Minorities Uganda (Smug), qui manifestaient lors d’une conférence sur le sida, sont arrêtés en juin 2008 pour « promotion de l’homosexualité ». En avril 2009, le journal ougandais à scandales Red Pepper publie une liste d’Ougandais supposément homosexuels, quand un autre quotidien donne des conseils pour identifier les homosexuels. En octobre 2010, le journal ougandais Rolling Stone publie une liste de 100 personnalités ougandaises « présumées » homosexuelles, avec leurs photos et adresses [7]. En janvier 2011, David Kato, un activiste des droits des minorités sexuelles, est assassiné.

4La virulence de la rhétorique homophobe trouve un écho dans la société ougandaise. En effet, l’homosexualité questionne des relations sociales complexes et cruciales – les relations entre la sexualité, la famille, la procréation et les échanges matériels entre groupes sociaux [8]. La prégnance des discours et comportements homophobes dans l’espace public ougandais ne suffit pourtant pas à comprendre le passage de l’homophobie de l’espace public à l’espace politique, consacré dans l’élaboration d’un projet de loi soutenu par plusieurs personnalités politiques ougandaises dont, dans un premier temps, le président Museveni.

5En octobre 2009, David Bahati, un député du parti au pouvoir (National Resistance Movement, NRM) dépose ainsi devant le parlement ougandais une proposition de loi qui prévoie la peine de mort pour certaines formes de relations homosexuelles, qualifiées d’« homosexualité aggravée ». Une personne serait reconnue coupable d’homosexualité aggravée si elle a des relations avec un mineur ou une personne atteinte d’un handicap, si elle est séropositive, est un parent ou tuteur de la personne avec qui elle a des relations, a drogué son partenaire pour avoir des relations sexuelles ou se trouve en situation de récidive [9]. Sont aussi passibles de prison toutes les personnes faisant la « promotion de l’homosexualité » ou ne reportant pas aux autorités les personnes ayant commis le « crime d’homosexualité » [10].

6Le passage de l’homophobie de l’espace public au politique, notamment aux politiques publiques et au domaine législatif peut être éclairé en le plaçant dans la continuité d’autres combats en vue de la moralisation de la société ougandaise. Depuis le début des années 2000, d’autres « causes » relatives à la morale ont trouvé une place importante sur l’agenda politique et se sont traduites dans des stratégies d’action publique ou dans des clauses législatives : l’abstinence et la lutte contre la pornographie. Dans les trois cas (abstinence, pornographie, homosexualité), les chrétiens évangéliques ont joué un rôle important non seulement dans la diffusion de ces « causes » dans l’espace public, mais aussi dans leur inscription sur l’agenda politique. Il ne s’agit pas d’affirmer ici que les chrétiens évangéliques sont les seuls acteurs anti-gays en Ouganda. Leur rôle est cependant crucial et cet article vise à l’éclairer.

7Il s’agira ici d’appréhender le rôle des chrétiens évangéliques dans le passage de l’homophobie de l’espace public à l’espace politique, en l’inscrivant dans le contexte plus large des actions menées par les chrétiens évangéliques pour « moraliser » la société ougandaise à travers l’accès au politique [11]. L’émergence du projet de loi peut ainsi être éclairée par la convergence de trois dynamiques, au sein desquelles les chrétiens évangéliques tiennent une place importante : le travail des chrétiens évangéliques ougandais pour s’ériger en entrepreneurs de morale et accéder à l’agenda politique ; des alliances transnationales qui se nouent entre chrétiens ougandais et états-uniens ; les logiques politiques internes d’un régime ougandais à la légitimité chancelante.

Militants ougandais de la morale : abstinence, pornographie et homosexualité

8On retrouve au cœur de la lutte contre l’homosexualité un groupe de quelques chrétiens évangéliques ougandais déjà présent sur la scène médiatique et politique depuis plusieurs années. Depuis le début des années 2000, ces quelques acteurs ont participé à orienter des stratégies d’action publique en faveur de la norme biblique d’une sexualité encadrée par le mariage monogame. Ce travail s’est traduit par la promotion de l’abstinence, puis la lutte contre la pornographie. Autour de ces deux causes, et particulièrement de l’abstinence, les chrétiens évangéliques ont su renforcer leurs soutiens politiques et influer sur l’action publique ougandaise contre le VIH, imposant à celle-ci un tournant « moralisateur ».

La moralisation des politiques en matière de sexualité en Ouganda

9La controverse autour de la pénalisation aggravée de l’homosexualité en Ouganda s’inscrit dans la continuité d’une controverse qui a émergé en Ouganda à partir de 2003, autour d’une opposition entre l’usage de préservatifs et l’abstinence. À travers cette controverse se sont construits des réseaux et coalitions de « militants de la morale » qui ont aussi gagné un accès à l’agenda politique.

10La controverse sur l’abstinence commence en juillet 2004, avec une prise de position du président Museveni contre les préservatifs. Elle enfle à l’automne avec la mise en place de nouvelles mesures et stratégies. La promotion des préservatifs est ainsi interdite dans les écoles primaires et secondaires. Au même moment, un programme d’éducation au VIH/sida est élaboré pour les élèves des écoles ougandaises. Il met l’accent sur les « valeurs morales » et l’abstinence. Un projet de stratégie d’action publique est enfin rédigé pour encadrer et faciliter les actions de promotion de l’abstinence et de la fidélité en Ouganda et promouvoir le mariage monogame comme cadre exclusif de la sexualité.

11Les chrétiens évangéliques sont, avec les catholiques, les principaux promoteurs de l’abstinence jusqu’au mariage en Ouganda. Depuis le milieu des années 1990, ils ont créé plusieurs organisations encourageant l’abstinence pour lutter contre le sida chez les jeunes, comme l’association baptiste True Love Waits, ou la Campus Alliance to Wipe Out AIDS. Celle-ci a été fondée par Martin Ssempa, l’une des figures ougandaises de la promotion de l’abstinence [12]. Pasteur évangélique, il dirige une église pentecôtiste proche du campus de la principale université de Kampala, la Makerere Community Church. D’autres associations sont impliquées dans cette cause, comme la branche locale de l’association internationale Scripture Union, ou l’association conservatrice ougandaise Family Life Network. Créée et dirigée par Stephen Langa, elle a pour objectif « la restauration de la morale et des valeurs familiales dans la société ougandaise », face aux « niveaux sans précédent de décadence morale [13] » connus par l’Ouganda aujourd’hui. L’organisation effectue un travail de plaidoyer et cherche à faire pression pour l’adoption de politiques « morales » en Ouganda.

12Avec le soutien des représentants du clergé catholique, mais aussi de Stephen Langa, Martin Ssempa participe à l’élaboration du programme d’éducation au VIH/Sida pour les écoles et contribue à l’enrichir d’un contenu pro-abstinence [14]. Les manuels du programme présentent ainsi le mariage monogame comme le seul cadre possible de la sexualité [15]. Stephen Langa et Martin Ssempa sont également les deux principaux rédacteurs de la stratégie pro-abstinence, l’« Uganda National Abstinence and Being Faithful Policy and Strategy on Prevention of Transmission of HIV [16] ». Celle-ci a soulevé de nombreuses contestations parmi les acteurs ougandais de la lutte contre le VIH. Elle est en effet imprégnée des idées chrétiennes évangéliques sur la morale et la famille : la famille est présentée comme « la composante fondamentale de la société », « le berceau de la civilisation » qui doit être à tout prix préservée – notamment de la menace que constitue la « promiscuité » [17]. Les « valeurs » familiales et la « tradition » constituent les justifications de la promotion de l’abstinence jusqu’au mariage et de la fidélité dans le mariage [18].

13Cet accès à l’action publique est en grande partie lié au soutien actif de la Première dame ougandaise, Janet Museveni. Cette dernière est une chrétienne évangélique, personnellement engagée dans la promotion de la « morale », et notamment de l’abstinence. Au milieu des années 1990, elle a participé à la création de deux organisations de promotion de l’abstinence jusqu’au mariage chez les jeunes, True Love Waits, dont elle s’est retirée depuis, et l’Uganda Youth Forum, dont elle reste la présidente. L’Uganda Youth Forum appréhende la prévention du VIH en mettant l’accent sur « l’intégrité morale », « la foi et l’espoir ». Au début des années 2000, en plein cœur de la controverse sur l’abstinence, Janet Museveni prend position à de nombreuses reprises pour le message moral dans la lutte contre le sida. Le bureau de la Première dame lance en 2005 une vaste campagne d’affichage en faveur de l’abstinence et de la fidélité, aux messages tels que « The facts are before you. Live sex ? Stupid. Condoms ? 80 %. Abstinence ? 100 %. Any questions ? [19] Plus encore, elle est à l’origine de la stratégie « Abstinence et fidélité » : c’est elle qui a demandé son élaboration et choisit ses principaux rédacteurs, l’américain Edward Green [20], Martin Ssempa et Stephen Langa [21]. Au-delà de l’abstinence, elle s’efforce plus largement de promouvoir la religion et la morale chrétienne dans l’espace public.

14Les chrétiens évangéliques et le discours sur la moralisation de la société ougandaise disposent également de soutiens au sein du gouvernement et de la présidence de la République. Plusieurs ministres et secrétaires d’Etat, au premier rang desquels James Nsama Buturo (ministre de l’Information puis de l’Éthique et de l’intégrité) prennent rapidement position pour l’abstinence, et plus largement pour la moralisation de la société ougandaise et la lutte contre la « dépravation des mœurs » comme moyen de lutte contre le VIH. Progressivement, les organisations chrétiennes conservatrices (et avant tout Stephen Langa et Martin Ssempa), mais aussi des membres du gouvernement et du parlement, élargissent le débat de l’abstinence à d’autres questions relatives à la sexualité, et notamment à la pornographie. Stephen Langa et Martin Ssempa, tout comme les volontaires de leurs organisations, dénoncent avec virulence la pornographie et toutes formes de « penchants sexuels ». Un fascicule du Family Life Network présente ainsi la pornographie et la masturbation comme « diaboliques (extrêmement mauvaises, vicieuses, malfaisantes et assez gênantes) pour votre conscience, insatiables (impossible d’être satisfait) et, à leur apogée, domin[a]nt et détruis[a]nt l’homme ou la femme et les réduis[a]nt à des êtres répugnants [22] ». Le glissement de la condamnation des relations hors mariage vers celle de la pornographie a lieu en juin 2005. Un projet de stratégie d’action publique propose l’interdiction des médias au contenu pornographique et affirme la nécessité d’une « action immédiate » au regard « du niveau de pornographie aujourd’hui en Ouganda, particulièrement le contenu de certains journaux et autres publications [23] ».

15En défendant l’abstinence, certains groupes chrétiens évangéliques ont ainsi développé un savoir-faire d’entrepreneurs de morale, des liens avec certaines personnalités politiques ougandaises et ont obtenu accès à la production de stratégies d’action publique. On retrouve ces mêmes acteurs au cœur de la controverse sur l’homosexualité et dans les mobilisations en soutien au projet de loi.

Les chrétiens évangéliques ougandais, acteurs centraux de la controverse sur l’homosexualité

16Une conférence organisée à Kampala en mars 2009 autour du thème « The Gay Agenda. The Whole Hidden and Dark Agenda » est souvent présentée comme l’une des « origines » du projet de loi contre l’homosexualité et comme un témoignage de l’influence américaine sur le mouvement homophobe en Ouganda [24]. Les trois intervenants étaient l’Ougandais Caleb Brundidge, se présentant comme « homosexuel repenti », l’Américain Don Schmierer, membre du conseil d’Exodus International (un réseau international de groupes anti-gays) et Scott Lively, directeur de l’organisation conservatrice américaine Defend the Family et auteur de plusieurs ouvrages contre l’homosexualité [25]. Cette conférence a été organisée par Stephen Langa et son association, le Family Life Network.

17Martin Ssempa est lui aussi au cœur de la lutte contre l’homosexualité. Il dénonce à plusieurs reprises la « déviance » des pratiques homosexuelles et montre des photographies pornographiques homosexuelles lors de rassemblements religieux [26]. Son « prêche » contre les relations homosexuelles fera le tour du monde sur You Tube. Martin Ssempa cherche également à organiser le mouvement religieux anti-gay en Ouganda, en participant à la création de l’Uganda National Pastors Task Force against Homosexuality et de la National Coalition against Homosexuality and Other Sexual Abuses, coalition qui rassemble acteurs religieux chrétiens et musulmans [27]. Avec la première, il défend la clause sur la peine de mort pour homosexualité aggravée. Avec la seconde, il participe à une campagne au nom très explicite, « Kick sodomy out of Uganda ».

18On compte également parmi les organisations engagées contre l’homosexualité le National Fellowship of Born Again Churches. Celle-ci associe plusieurs pasteurs évangéliques influents, tels Martin Ssempa, Alex Mitala, directeur de l’organisation Glory of the Virgin Movement et les pasteurs renommés Joseph Sserwadda et Robert Kayanja. Le National Fellowship a organisé plusieurs rassemblements de promotion du mariage et de dénonciation de l’homosexualité. Lors d’un de ces événements, Joseph Sserwadda demande au gouvernement l’instauration d’une journée nationale du mariage, pour contrer l’homosexualité [28].

19Parmi les principaux opposants à l’homosexualité en Ouganda, les chrétiens évangéliques apparaissent ici comme des entrepreneurs de cause, des « croisés de la morale » et créateurs de normes qu’ils cherchent à imposer [29]. La défense de cette cause s’effectue à travers une structuration et une institutionnalisation du mouvement homophobe, assez proche de l’institutionnalisation du mouvement pro-abstinence quelques années auparavant. Cette institutionnalisation a pour objectif de porter certaines causes sur l’agenda politique (c’est clairement l’objectif du Family Life Network), puis de les y maintenir (dans le cas des coalitions qui se créent après l’élaboration de la loi).

20La capacité des chrétiens évangéliques ougandais d’accéder à l’agenda politique est aussi liée à leur inscription dans des réseaux transnationaux, qui se sont renforcés lors de la controverse sur l’abstinence.

Des alliances transnationales : jeux de légitimation réciproques entre conservateurs ougandais et États-Uniens

21Les relations entre chrétiens évangéliques ougandais et américains sont étroites, tout comme les relations entre personnalités politiques conservatrices des deux pays. Les relations entre David Bahati, le député ougandais ayant déposé la proposition de loi anti-homosexualité, et des groupes religieux conservateurs américains comme Defend the Family de Scott Lively ou la Fellowship Foundation s’inscrivent dans cette continuité. La circulation d’idées et de pratiques, la définition d’objectifs communs sont d’autant plus importantes qu’acteurs ougandais et américains trouvent chacun un intérêt à ces alliances.

L’étroitesse des relations entre acteurs conservateurs ougandais et américains

22Martin Ssempa dispose de relations avec d’influents acteurs conservateurs, pro-abstinence et plus largement « pro-life » aux États-Unis. Ses relations sont assez étroites avec Rick Warren, pasteur évangélique très médiatique, fondateur d’une megachurch californienne et pionnier dans l’engagement évangélique américain contre le sida [30]. Martin Ssempa et Rick Warren ont collaboré à plusieurs reprises. Signe de leur dialogue et de leur communauté d’idées, Martin Ssempa a prononcé le discours d’introduction au premier sommet international sur les Églises et le sida organisé par Rick et Kay Warren, « Disturbing Voices : 2005 Global HIV/AIDS Summit ». M. Ssempa était aussi en 2003 l’un des acteurs-clés d’une réunion de travail co-organisée par l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid) et deux organisations « pro-famille » américaines, Family Health International et l’Institute for Youth Development [31]. La participation à des réunions de travail communes, les invitations officielles à d’importantes conférences sont l’occasion de partager des idées, des résultats ou des méthodes, mais témoignent aussi d’une coopération en amont et de conceptions partagées de la prévention du sida.

23Janet Museveni est elle aussi en étroite relation avec des personnalités conservatrices américaines, religieuses et politiques. Première dame d’Ouganda, elle est aussi une chrétienne évangélique militante. Son statut de Première dame autant que de born again militante contribue aux relations de proximité qu’elle entretient avec des pasteurs évangéliques, tels Franklin Graham ou Benny Hinn. En février 2002, elle intervient ainsi pour mettre en avant les succès de la politique ougandaise d’abstinence, à l’occasion de la conférence « Prescription for Hope » organisée par le Révérend Franklin Graham à Washington. À cette occasion, elle est aussi félicitée par le sénateur républicain conservateur Jesse Helms pour ses actions en faveur de l’abstinence [32]. Janet Museveni participe également en 2002 à une conférence du World Congress of Family à New York au cours de laquelle elle demande, avec des leaders pro-famille et certains membres de l’administration Bush, que les Nations unies traitent le problème du sida sans mettre à mal la morale et prônent l’abstinence [33]. Janet Museveni et les acteurs « pro-famille » américains partagent une même appartenance confessionnelle, une même interprétation morale du monde, un même engagement religieux traduit dans l’action contre le sida puis dans l’engagement contre l’homosexualité.

24Cette mise en réseau des acteurs contribue à la consolidation de leurs idées communes comme à l’augmentation de leur influence. Des ressources partagées se constituent à travers la mise en place d’alliances légitimantes.

Alliances légitimantes entre conservateurs ougandais et américains

25L’étroitesse de ces relations entre Ouganda et États-Unis est mobilisée par les acteurs conservateurs dans les deux pays. Elle permet à chacun de légitimer ses propres positions et in fine de gagner des ressources financières et politiques.

26Le premier exemple de recours à ces relations transnationales dans un travail de plaidoyer politique a eu lieu aux États-Unis. En janvier 2003, George W. Bush annonce la création d’un grand plan de lutte contre le sida dans les pays africains, qui deviendra le « President’s Emergency Plan for AIDS Relief » (Pepfar). Le processus législatif qui conduit au Pepfar est hautement controversé : plusieurs membres du Congrès cherchent en effet à introduire la promotion de l’abstinence et de la fidélité dans le projet de loi. Le représentant républicain Joseph R. Pitts dépose ainsi un amendement qui conduit à allouer 33 % des financements « prévention » du Pepfar à des programmes de promotion de l’abstinence. Pour permettre le passage de cet amendement, plusieurs témoignages sont sollicités, dont celui d’Edward Green, chercheur à Harvard et co-auteur de la stratégie « Abstinence et fidélité » en Ouganda. Il est intervenu à plusieurs reprises lors d’auditions au Congrès pour affirmer l’importance de la promotion de l’abstinence dans le succès de la politique ougandaise de prévention du VIH [34]. Janet Museveni elle-même est intervenue au cours du processus législatif : elle donne une conférence devant le Sénat américain et écrit une lettre lue lors d’une séance du Sénat. Elle y soutient « l’importance vitale de mettre l’accent sur l’abstinence dans la première ligne de défense » contre le VIH, particulièrement pour les jeunes [35]. Le succès ougandais, et le rôle que l’abstinence est censée y avoir tenu, sont mobilisés à de très nombreuses reprises lors des débats sur le Pepfar, au Congrès comme dans les médias. Cette interprétation du succès ougandais, prônée par les conservateurs américains avec la caution d’acteurs ougandais, est venue légitimer et aider l’adoption de l’abstinence comme une des stratégies de prévention centrales du Pepfar. Lors des auditions sur le Pepfar devant le Congrès, Martin Ssempa a également produit plusieurs témoignages attestant la pertinence de l’orientation pro-abstinence du Pepfar [36]. Au cours du processus législatif du Pepfar, les acteurs ougandais sont une ressource pour les conservateurs américains – une ressource d’autant plus nécessaire que les programmes d’abstinence commencent à être contestés aux États-Unis.

27Réciproquement, le Pepfar et les acteurs conservateurs américains représentent une ressource pour les acteurs ougandais dans leurs propres luttes de pouvoir. Les organisations pro-abstinence ougandaises tirent une partie de leurs financements de fondations et de coalitions religieuses aux États-Unis, qui leur permettent de multiplier leurs actions, de s’imposer dans l’espace public et dans le domaine de la prévention du VIH. Plus encore, la clause pro-abstinence du Pepfar, dont les Ougandais pro-abstinence ont facilité l’adoption, engendre une évolution de l’équilibre entre acteurs impliqués dans la prévention du VIH chez les jeunes en Ouganda. Le changement de position de l’administration américaine confère aux chrétiens évangéliques, jusque-là marginalisés sur la scène nationale de la lutte contre le sida, un allié de poids. Les chrétiens évangéliques vont très vite se saisir de cette opportunité pour se constituer des soutiens et investir les arènes décisionnelles ougandaises, avec le soutien indispensable de la Première dame.

28Ces alliances légitimantes ont été couronnées de succès dans le domaine de l’abstinence. En 2006 et 2007, le tournant de l’action ougandaise de prévention du VIH en faveur de l’abstinence est devenu une réalité. Capitalisant sur leur réseau d’influence et leur institutionnalisation, les chrétiens évangéliques, avec le soutien du gouvernement ougandais, cherchent à porter leur influence sur d’autres enjeux relatifs aux normes bibliques de la sexualité. Les prises de position contre l’homosexualité se situent donc dans la continuité directe de ces relations entre conservateurs américains et ougandais, et des alliances légitimantes qui se sont nouées entre eux.

29Les fondations et groupes politiques conservateurs américains renforcent ainsi leur présence sur la scène ougandaise en apportant leur soutien, notamment financier, aux acteurs conservateurs. La conservatrice Fellowship Foundation [37] a apporté en Ouganda un soutien financier mais aussi un soutien dans l’élaboration d’idées et d’actions à David Bahati, le député à l’origine du projet de loi anti-homosexualité, et a soutenu la création d’un groupe de jeunes défendant une position conservatrice en matière de sexualité. En investissant ainsi des ressources financières et humaines dans la lutte contre l’homosexualité en Ouganda, les chrétiens conservateurs américains espèrent se constituer des soutiens et des sources de légitimité extérieures pour livrer ce même combat aux États-Unis et notamment pour pousser un agenda conservateur au sein des principales églises protestantes américaines [38]. Les groupes ougandais gagnent quant à eux en ressources financières et en capacité d’influence sur la scène politique.

30Cette influence politique se matérialise du fait d’une conjonction entre l’agenda des conservateurs ougandais et américains et l’agenda politique du président Museveni, marqué par une fragilisation croissante du régime politique du NRM.

La moralisation de la société, levier politique et électoral en Ouganda

31La « moralisation » de la société ougandaise, particulièrement autour des questions de sexualité est, nous l’avons vu, un des chevaux de bataille des chrétiens évangéliques ougandais. Il est difficile de comprendre le soutien du gouvernement envers ces politiques morales sans analyser ce que représentent politiquement et électoralement les chrétiens évangéliques pour le pouvoir de Yoweri Museveni. Arrivé au pouvoir en 1986 à l’issue d’une guérilla, Yoweri Museveni jouit d’une importante légitimité politique tout au long des années 1990, tant internationalement que nationalement. À la fin des années 1990, son pouvoir se fragilise [39]. Les rapports de force au sein du parti hégémonique, le NRM, évoluent. Son unité et son soutien inconditionnel à Yoweri Museveni s’effritent. Lors de l’élection présidentielle de 2001, le principal rival de Yoweri Museveni, Kizza Besigye, est un ancien compagnon d’arme du président, et membre historique du NRM [40]. Après les élections de 2001, cette opposition venue du NRM grandit. La fragilisation du pouvoir de Yoweri Museveni s’exprime notamment au moment de l’adoption de la réforme constitutionnelle de 2005, qui doit supprimer la limite du nombre de mandats présidentiels et, en contrepartie, instaurer le multipartisme. Face au manque de soutiens, le gouvernement doit avoir recours à des incitations, notamment financières, afin de faire adopter la révision constitutionnelle [41]. Ces dissensions internes au NRM, la mise en cause de la durée et des modalités d’exercice du pouvoir par Yoweri Museveni confirment l’érosion de la légitimité du régime. Pour la contenir, le gouvernement de Museveni a eu de façon croissante recours au clientélisme [42]. Il s’engage également dans une ethnicisation progressive du gouvernement et de l’administration, accordant aux Baganda, ethnie et royaume ougandais le plus influent et le plus important démographiquement, un nombre croissant de postes. Mais à partir de 2004-2005, le soutien du royaume du Buganda s’effrite lui aussi, et renforce la concurrence de Kizza Besigye et de son parti [43]. Dans ce contexte politique, le conservatisme religieux constitue un ressort électoral que le régime peut activer à travers des politiques « morales ».

32La relation du régime mouvementiste aux Églises est ambiguë et s’est complexifiée au cours des années 2000. Après avoir imposé, aux débuts du régime, une séparation entre les religions et le politique [44], le régime de Museveni introduit une certaine confusion. Les relations du gouvernement Museveni avec les Églises évoluent, et particulièrement avec les églises chrétiennes évangéliques. Le recrutement de chrétiens évangéliques est notamment favorisé au sein de services étatiques, sous l’influence de la Première dame et dans un contexte de corruption croissante [45]. Le gouvernement refuse pourtant toujours officiellement l’engagement des acteurs religieux en politique, tout en mêlant religion et politique. Quelques semaines avant les élections de 2006, le Premier ministre met en garde les acteurs religieux contre leur implication dans la vie politique. Pourtant, les acteurs religieux ne restent pas entièrement indifférents aux changements politiques qui affectent le pays. Le conseil commun aux églises anglicane, catholique et orthodoxe s’oppose à la levée de la limitation du nombre de mandats présidentiels, tout comme certains pasteurs évangéliques renommés [46].

33Les chrétiens évangéliques ne représentent, d’après le recensement de 2002, qu’une faible partie de la population ougandaise (environ 6 %). Ce chiffre n’est cependant guère significatif, car nombre de croyants officiellement anglicans ou catholiques sont liés à des mouvements évangéliques, en partagent les valeurs et les positions. La population chrétienne évangélique pourrait donc représenter près de 25 % des Ougandais en âge de voter [47]. Si les églises ne sont probablement pas un acteur central de la vie politique ougandaise et de la campagne électorale de 2006, elles n’hésitent pas à intervenir et à s’emparer des questions électorales et des enjeux politiques. En novembre 2005, l’Evangelical Fellowship of Uganda intervient ainsi dans le débat politique à travers le quotidien New Vision. Dans un long article, l’organisation dénonce certains travers du gouvernement (essentiellement la corruption). Elle souligne également les points d’accord (la promotion de l’abstinence) et expose des revendications, essentiellement relatives aux mœurs – l’élimination de la pornographie, la consultation des églises sur les principaux enjeux nationaux, l’accès plus large aux ressources de la lutte contre le sida [48].

34En réponse à l’investissement croissant et aux pressions des acteurs évangéliques dans la vie politique ougandaise, Yoweri Museveni et le gouvernement du NRM mènent une campagne électorale active et leur donnent des gages de soutien sur les questions qui les mobilisent. Peu avant les élections, Yoweri Museveni multiplie les visites aux églises et pasteurs évangéliques renommés, dont les pasteurs Kayanja et Kakande. Yoweri Museveni et le NRM cherchent plus généralement à donner d’eux une image chrétienne. Depuis le début des années 2000, le président ougandais tient des discours dans des églises, en profitant pour faire passer des messages politiques, et citerait fréquemment la Bible [49].

35Yoweri Museveni envoie d’autres signaux aux églises, qui permettent de conforter leur soutien à sa candidature. Le dernier jour de sa campagne électorale, il promet aux églises born again un statut équivalent à celui des églises traditionnelles, répondant ainsi aux demandes exprimées quelque temps plus tôt par des leaders évangéliques [50].

36C’est dans ce contexte que le gouvernement ougandais et Yoweri Museveni multiplient les prises de position « moralisatrices » en matière de sexualité, et particulièrement sur l’homosexualité. Une clause (non adoptée) condamnant les mariages homosexuels est ainsi inscrite au sein de la loi de réforme constitutionnelle de 2005, et marque le renforcement du soutien politique aux mouvements homophobes. La proposition de stratégie sur la pornographie date également de juin 2005. La controverse ougandaise sur l’abstinence prend quant à elle de l’ampleur au cours de l’été 2005, alors que les élections se préparent. De même, en juin 2010, à l’approche de l’entrée en campagne électorale, Yoweri Museveni renouvelle son soutien aux églises sur l’opposition à l’homosexualité – opposition qui trouve de plus un large écho dans la société ougandaise [51]. S’il a officiellement dénoncé la proposition de loi en janvier 2010 suite à de nombreuses pressions internationales [52], quelques mois après, lors d’une célébration religieuse, il salue « l’église africaine » qui « est la seule à encore s’opposer à l’homosexualité. Les Européens ont renoncé. Si nous les suivons, nous finirons dans Sodome et Gomorrhe [53] »

37Il importe en effet d’entretenir les relations du NRM avec les églises, et notamment avec les évangéliques. Plusieurs pasteurs évangéliques influents participent à la campagne du NRM et de Museveni, et particulièrement le pasteur Robert Kayanja. En visite aux États-Unis, il participe ainsi à la campagne du NRM pour lever la limitation du nombre de mandats présidentiels [54].

38En octobre 2005, lors d’un grand rassemblement de chrétiens born again au stade Namboole (stade national d’une capacité de 50 000 personnes), de nombreux pasteurs apportent leur soutien à la candidature de Museveni, parmi lesquels Alex Mitala et Robert Kayanja, acteurs pro-abstinence et engagés contre l’homosexualité [55]. Le programme de moralisation de l’Ouganda mené par le NRM depuis 2004-2005 semble avoir agi ici comme un levier électoral permettant de conforter le soutien de ce groupe disposant déjà de relations privilégiées avec le gouvernement.

39À ces considérations électorales s’ajoute la place croissante que Janet Museveni prend dans la vie politique ougandaise à partir de 2005. Avec la fragilisation croissante des soutiens à Yoweri Museveni, Janet Museveni s’impose comme un acteur incontournable dans la mobilisation de soutiens, à travers ses réseaux personnels, familiaux et religieux. Cette importance accrue se traduit par sa nomination à un poste ministériel en février 2009, après son élection comme députée en 2006. Son influence confère un soutien incomparable aux entrepreneurs de morale et à leurs revendications. Pour certains, comme l’ambassadeur américain en Ouganda, Janet Museveni serait même directement impliquée dans l’élaboration de la proposition de loi anti-gay [56]. Elle constitue en tous les cas un relais politique de poids pour la coalition de cause « pro-famille ».

40C’est dans ce contexte que les mobilisations homophobes ont pris de l’ampleur en Ouganda. Forts de leur succès avec la promotion de l’abstinence chez les jeunes, d’un soutien politique opportun en période électorale, et d’alliances légitimantes solides, les chrétiens évangéliques et groupes conservateurs ougandais ont cherché à capitaliser sur leur succès. Ils cherchent à accroître leur pouvoir sur la scène nationale ougandaise en élargissant leur influence à d’autres enjeux s’inscrivant dans ce même idéal biblique de mariage monogame, au premier rang desquels l’homosexualité.

Les raisons de la non-adoption de la loi : l’évolution des rapports de force

41La loi anti-homosexualité proposée au parlement ougandais semble donc constituer l’aboutissement d’une mobilisation pour une moralisation de la société et des politiques, qui a bénéficié pendant plusieurs années d’un contexte national et international favorable. Les rapports de pouvoir évoluent cependant : un changement des rapports de force aux États-Unis, la mobilisation internationale qui se constitue autour de la défense des droits des homosexuels et les tensions internes au pouvoir politique ougandais créent un nouvel équilibre qui aboutit au statu quo, et qui permet de comprendre la non-adoption de la loi malgré les quelques tentatives de l’imposer.

La rupture des soutiens évangéliques américains à la loi anti-gay

42Entre 2005 et 2009, les relations entre chrétiens évangéliques ougandais et américains sont devenues de plus en plus étroites. Pourtant, en décembre 2009, Rick Warren dénonce la proposition de loi ougandaise anti-gay et rompt ses relations avec Martin Ssempa. Cette condamnation s’accompagne de celle d’autres organisations et médias conservateurs américains, qui s’accordent à dénoncer la demande de peine de mort pour les homosexuels. Scott Lively, dont l’influence sur l’élaboration de la loi avait été dénoncée, la condamne lui aussi en décembre 2009.

43Avec la fin de ces soutiens, le processus de co-légitimation entre Ouganda et États-Unis se brise. Le cercle « vertueux » transnational qui s’était mis en place avec la promotion de l’abstinence n’est pas réitéré. Une première explication, immédiate, réside dans les modalités de traduction concrète de la « cause » qui unit conservateurs américains et ougandais. Les modalités de promotion de l’abstinence en Ouganda, si elles étaient un peu plus virulentes qu’aux États-Unis (car accompagnées d’une condamnation assez franche des préservatifs), étaient néanmoins assez proches des modalités et de la rhétorique américaine de promotion de l’abstinence. Si celle-ci est largement contestée aux États-Unis, tant idéologiquement que pour son efficacité, elle n’en est pas moins acceptable et acceptée. Au contraire, l’expression de l’homophobie a pris dans les deux pays une forme différente. Les conservateurs, les chrétiens évangéliques et fondamentalistes américains considèrent l’homosexualité comme un comportement proscrit par la Bible [57]. Plusieurs leaders évangéliques américains, dont Rick Warren ou encore James Dobson [58], prônent la conversion des homosexuels en hétérosexuels. Pourtant, la cause qu’ils portent avant tout dans l’espace public et politique tient essentiellement à la condamnation du mariage homosexuel. Or, en demandant la peine de mort pour homosexualité aggravée, la proposition de loi ougandaise franchit trop allègrement la limite des positions socialement acceptables aux États-Unis, et rend difficile le soutien des chrétiens américains. La trop forte politisation de la loi ougandaise aux États-Unis met en péril les relations de ces chrétiens américains avec les pouvoirs politiques.

44Les prises de position des chrétiens évangéliques américains sur l’homosexualité ont en effet évolué avec la fin de l’administration Bush et la présidence d’Obama. Les chrétiens évangéliques constituent une part importante de l’électorat américain et sont incontournables tant pour les républicains que pour les démocrates. Lors de sa présidence, George W. Bush donne à la droite chrétienne des gages de son soutien, particulièrement en politique extérieure sur les questions de mœurs. Dès le premier jour de sa présidence, il restaure par exemple la « Mexico City Policy », qui interdit aux ONG étrangères pratiquant ou faisant la promotion de l’avortement de recevoir des financements publics américains. Les présidences de George W. Bush constituent donc une période favorable à la droite chrétienne, qui gagne en influence politique [59], et particulièrement en politique extérieure.

45Les rapports de force internes aux États-Unis évoluent avec la majorité démocrate au Congrès puis avec la présidence d’Obama. En matière de mœurs, des changements ont lieu : la clause pro-abstinence du Pepfar est annulée, tout comme la « Mexico City Policy ».

46Barack Obama tient pourtant à se concilier l’électorat évangélique. En août 2008, pendant la campagne électorale, il se rend ainsi dans l’église de Rick Warren. Il se montre aussi d’une grande prudence envers le mariage gay. Ces gages donnés par Barack Obama aux évangéliques se traduisent par le choix de Rick Warren pour prononcer la « prière d’invocation » lors de sa cérémonie d’investiture en janvier 2009. La reconfiguration des rapports de force politiques ne marginalise pas totalement les chrétiens évangéliques. Si certains, comme James Dobson ou Scott Lively, s’inscrivent clairement contre la politique d’Obama, d’autres, comme Rick Warren, conservent des relations avec le pouvoir malgré le changement d’administration.

47Or plusieurs membres de l’administration américaine prennent position sur la proposition de loi ougandaise et demandent son retrait, notamment la Secrétaire d’État Hillary Clinton. Certains évangéliques américains subissent alors des pressions politiques pour dénoncer la loi ougandaise, pressions auxquelles ils doivent se soumettre pour ne pas rompre leurs liens avec les pouvoirs politiques américains. Rick Warren s’efforce ainsi (difficilement) de montrer que son homophobie n’est pas trop virulente. Après avoir refusé plusieurs fois de la condamner, il dénonce finalement la proposition de loi ougandaise contre l’homosexualité et rompt officiellement ses relations avec Martin Ssempa.

Quand le gouvernement ougandais retire son soutien à la loi

48La position du gouvernement ougandais sur la loi, comme celle de Yoweri Museveni sur l’homosexualité, est changeante et peut parfois sembler contradictoire. Le projet de loi est d’abord soutenu par le gouvernement et très probablement, dans un régime politique de plus en plus personnalisé, par le président Museveni. Très rapidement pourtant, les discours de soutien résolu à la loi et d’apaisement coexistent. Le ministre de l’Éthique, James Nsaba Buturo, affirme ainsi la détermination du gouvernement sur ce projet de loi. Peu après, Yoweri Museveni appelle à « y aller doucement avec la loi ». Le projet de loi, qui a émergé dans un contexte politique favorable, met en effet rapidement le gouvernement et le régime ougandais aux prises avec leurs propres tensions.

49Les premières réactions internationales émergent le jour même du dépôt du projet de loi, le 15 octobre 2009, avec sa condamnation commune par dix-sept organisations de défense des droits humains [60]. Elle complète les condamnations des organisations ougandaises, de défense des droits des minorités sexuelles (Smug intervient dès le 15 octobre) ou de défense des droits humains. Celles-ci jouent ici un rôle de « lanceurs d’alerte » qui participe à déclencher une controverse internationale autour de la loi. Les premières dénonciations politiques de la loi anti-homosexualité ont lieu lors de la réunion des États du Commonwealth du 27 au 29 novembre 2009 : le 28 novembre, les Premiers ministres britannique et canadien dénoncent la loi. La Suède menace de réduire l’aide au développement allouée à l’Ouganda. Le 1er décembre 2009, la Secrétaire d’État Hillary Clinton s’oppose à la criminalisation et à la pénalisation des homosexuels. Dès lors, les condamnations officielles de la loi se succèdent : la présidence des États-Unis, l’Union européenne, etc. Le Secrétaire d’État assistant aux Affaires africaines rencontre ainsi Yoweri Museveni, auquel il demande personnellement de s’engager à bloquer l’adoption de la loi. Ces prises de positions en chaîne, et plus encore les menaces officielles de réduction de l’aide, placent le gouvernement ougandais et Yoweri Museveni dans une position délicate. La loi se transforme en un enjeu de politique extérieure sensible, et le gouvernement ne peut que prendre en compte la relation de dépendance, certes complexe, avec les bailleurs de fonds [61]. Cependant, sur le plan interne, ces pressions déclenchent des réactions de repli sur une rhétorique nationale. Face aux prises de position des États occidentaux, le ministre de l’Éthique rétorque que le projet de loi sera adopté, « même si cela impliqu[e] de se retirer des conventions et traités internationaux et de perdre les financements des bailleurs [62] ». Inversement, John Nagenda, conseiller spécial du président Museveni opposé à la loi, demande aux États-Unis et aux bailleurs de ne pas multiplier les condamnations publiques de la loi afin de ne pas alimenter la rhétorique anti-occidentale des opposants à la loi. La controverse internationale autour de la loi réveille en effet en Ouganda, comme dans nombre d’autres pays africains, des tensions autour de la relation du pays aux bailleurs, de la souveraineté nationale et de l’insertion du pays dans les relations internationales [63]. L’accusation d’imposition occidentale est ainsi à la fois mobilisée par les opposants à l’homosexualité, qui dénoncent l’exportation de l’identité gay, et par les défenseurs des droits humains, qui dénoncent l’impérialisme moral des conservateurs américains. Les positions sur la loi s’inscrivent de plus dans les tensions qui animent la compétition politique nationale.

50En Ouganda, membres du NRM et parlementaires d’opposition prennent ainsi d’abord parti pour la loi. En avril 2009, lors de débats parlementaires sur la question de l’homosexualité, une député du Forum for Democratic Change (FDC), principal parti d’opposition, demande au gouvernement d’intervenir contre « ce diable [64] ». Ce n’est qu’après un temps de concertation que le FDC s’oppose au projet de loi, alors que plusieurs de ses membres ont déjà exprimé leur soutien [65]. Progressivement, quelques membres du NRM font entendre leur voix contre la loi. C’est ainsi le cas de John Nagenda : à quelques jours d’intervalle, il dénonce la loi, qu’il assimile au maccarthysme, et le caractère de plus en plus autocratique du leadership présidentiel [66]. Inversement, le député ayant soumis la loi, David Bahati, ferait partie « d’une nouvelle génération de jeunes parlementaires qui tentent de remettre en cause le statu quo au sein du parti en présentant des projets de loi “radicaux" [67] ». En réaction à cette tentative de changement, le projet de loi est donc peu populaire auprès d’une large part du NRM.

51Au sein du jeu politique, les prises de position envers la loi semblent donc constituer un moyen de contester l’évolution des rapports de force politiques, que ce soit pour l’opposition ou à l’intérieur même du parti majoritaire, pour questionner le régime ou y renforcer sa place. Quand le gouvernement, et plus encore Yoweri Museveni prend position sur le projet de loi, appelle à « y aller doucement » ou dénonce « la promotion de l’homosexualité », il donne aussi des signaux, certes contradictoires, aux différents membres de son parti politique toujours plus fractionné.

52L’évolution du soutien du gouvernement à la loi, ses propositions de modification (suppression de la peine de mort), ses tentatives renouvelées et échouées d’adoption résultent donc à la fois de l’évolution des rapports de force et de ses soutiens politiques au niveau national et international, mais aussi des tensions liées aux modalités d’insertion de l’Ouganda sur la scène internationale et à leur écho dans la société ougandaise [68].

53Les mouvements homophobes ougandais sont portés par quelques entrepreneurs de morale, chrétiens évangéliques conservateurs, qui ont apporté à la proposition de loi sur l’homosexualité un soutien inconditionnel, au-delà de la controverse internationale que celle-ci a soulevée. La mobilisation contre l’homosexualité s’inscrit dans un enchaînement entre plusieurs causes portées par ces mêmes entrepreneurs de morale, la lutte contre la pornographie, mais surtout la promotion de l’abstinence. Au début des années 2000, à travers la promotion de l’abstinence, ces entrepreneurs de morale ont acquis un savoir-faire : ils ont appris à utiliser les médias, les rassemblements dans l’espace public, mais aussi les réunions destinées aux hommes politiques pour porter leur cause [69]. Ils sont parvenus à avoir accès aux stratégies d’action publique. Au cours des années 2000, les réseaux conservateurs se sont également resserrés, particulièrement entre chrétiens ougandais et américains, chacun trouvant dans ces échanges des ressources importantes pour développer leurs actions et leur légitimité. Les États-Unis apportent ainsi à l’Ouganda des ressources financières, mais aussi un capital humain et symbolique. L’Ouganda apporte aux États-Unis une caution de terrain, l’expérience ougandaise et son succès, doublée de la légitimité politique (fût-elle contestable) de Janet Museveni. Ces alliances légitimantes, couronnées de succès dans le cas de la promotion de l’abstinence, ont ouvert la voie à un autre combat porté par ces entrepreneurs de morale : la lutte contre l’homosexualité qui, comme la promotion de l’abstinence, vise à défendre l’idéal chrétien d’une sexualité encadrée dans un mariage monogame.

54Les équilibres politiques nationaux et internationaux ont cependant évolué entre les premières discussions sur le projet de loi, fin 2008-début 2009, et sa soumission au parlement. Les associations de défense des droits humains et de lutte contre le sida ont attiré l’attention des principaux États occidentaux et bailleurs de fonds. Au niveau international, la fin de la présidence de Georges W. Bush a privé les chrétiens conservateurs à la fois américains et ougandais d’un soutien de taille. Au niveau national, les contestations internes croissantes au sein du parti politique hégémonique, le NRM, se traduisent par des prises de positions contradictoires sur la loi. Ces tensions, entre relations aux bailleurs et souveraineté nationale et au sein du NRM, font du projet de loi sur l’homosexualité un objet politiquement très délicat pour le gouvernement et le président Museveni. Cette évolution des rapports de forces et les contradictions croissantes du régime permettent d’éclairer à la fois la résurgence régulière de la proposition de loi sur l’agenda politique et législatif, et sa non-adoption.


Date de mise en ligne : 27/12/2012

https://doi.org/10.3917/polaf.126.0025

Notes

  • [1]
    L’auteure tient particulièrement à remercier les évaluateurs de cet article pour la richesse de leurs commentaires.
  • [2]
    Le New York Times, le Guardian, le Times Le Monde u Die Welt, parmi d’autres, ont tous à la fois relayé les débats autour du projet de loi et consacré des articles à la situation des homosexuels en Ouganda.
  • [3]
    « Lock up Gays, says Uganda President », BBC News, 29 septembre 1999.
  • [4]
    « 84% Reject Homosexuals », New Vision, 29 septembre 1999.
  • [5]
    « Gay’s Hide-outs Found », The Monitor, 4 octobre 1999 ; International Gay and Lesbian Human Rights Commission, « Roundups of Gays Reportedly Have Begun in Uganda », The Queer News Network, communiqué de presse, 1er novembre 1999.
  • [6]
    Voir S. Tamale, « Out of the Closet : Unveiling Sexuality Discourses in Uganda », Feminist Africa n° 2, 2003, p. 42-49.
  • [7]
    X. Rice, « Ugandan Paper Calls for Gay People to be Hanged », The Guardian, 21 octobre 2010.
  • [8]
    Pour une compréhension détaillée de la résonnance de la rhétorique homophobe dans la société ougandaise, voir J. Sadgrove, R. M. Vanderbeck, J. Andersson, G. Valentine et K. Ward, « Morality Plays and Money Matters : Towards a Situated Understanding of the Politics of Homosexuality in Uganda », Journal of Modern African Studies, vol. 50, n° 1, 2012, p. 103-129.
  • [9]
    « A Bill for an Act entitled The Anti Homosexuality Bill 2009 », memorandum, Parlement d’Ouganda, 2009, partie 2 section 3.
  • [10]
    Sur l’impact potentiel de la loi en termes juridiques et de droits humains, voir B. Sander, « A Nation at War with Itself : The Potential Impact of Uganda’s Anti-Homosexuality Bill », Center for Capital Punishment Studies Reports, 2010.
  • [11]
    Cet article repose sur plusieurs enquêtes de terrain conduites en Ouganda en 2005, 2006 et 2008, dont l’objet principal était la mise sur agenda de l’abstinence, la moralisation de la lutte contre le sida, le rôle des chrétiens évangéliques et les relations avec des acteurs états-uniens, notamment religieux. Plus d’une centaine d’entretiens semi-directifs ont été réalisés, ainsi que des observations auprès d’organisations religieuses évangéliques engagées dans la promotion de l’abstinence. Ce travail a été complété par une analyse systématique de la presse ougandaise sur la question de l’homosexualité, ainsi que par des discussions informelles avec des acteurs associatifs français engagés dans la défense des droits des homosexuels en Afrique.
  • [12]
    Martin Ssempa est un pasteur ougandais. Il se convertit au baptisme évangélique (il « naît à nouveau ») au cours des années 1990 puis fait des études de théologie aux États-Unis dans une université évangélique, la Philadelphia Biblical University. Il crée ensuite la Makerere Community Church, puis une structure associative qui lui est rattachée, la Campus Alliance to Wipe Out AIDS, qui ciblent toutes deux les étudiants. Martin Ssempa entretient des relations régulières avec plusieurs églises évangéliques aux États-Unis, où il passe plusieurs mois par an.
  • [13]
    Extraits du site internet de l’organisation : <familylife.ug/aboutis.htm>.
  • [14]
    Entretien avec F. Odiiri, ancien stagiaire du Programme sida du ministère de l’Éducation, Kampala, juin 2008 ; entretien avec E. Musigwa, gestionnaire de projet au sein de l’Uganda Youth Anti-AIDS Association, participant à l’élaboration des manuels du programme pour les écoles primaires et secondaires, Kampala, juin 2008.
  • [15]
    Ministère de l’Éducation et des Sports, PIASCY Stay Safe ! A Book for Students in O Level and Other Post-primary Institutions. Lower Post Primary Student Handbook on HIV/AIDS, Kampala, juillet 2006.
  • [16]
    E. Green, J. Kiwanuka, S. Kyomuhendo, S. Langa, L. Nakato et M. Ssempa, Uganda National Abstinence and Being Faithful Policy and Strategy on Prevention of Transmission of HIV. Draft Policy and Strategy, Uganda AIDS Commission, Kampala, novembre 2004.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Voir J. Sadgrove et al., « Morality plays… », art. cité.
  • [19]
    « Les faits parlent d’eux-mêmes. Sexualité non protégée ? Stupide. Préservatifs ? 80 %. Abstinence ? 100 %. Des questions ? ». Ce message s’inscrit dans un ensemble de discours et de messages présentant l’abstinence et la fidélité comme des comportements à l’efficacité « 100% garantie », par opposition au préservatif. Ces discours invoquent souvent à la fois le « bon sens » et la « preuve scientifique ».
  • [20]
    Edward Green est un acteur-clé du lien entre le programme états-unien Pepfar (« President’s Emergency Plan for AIDS Relief »), sur lequel nous revenons plus loin, et l’Ouganda. Docteur en anthropologie, ancien consultant pour l’Usaid sur le sida, il s’engage dans des collaborations de recherche à la fin des années 1990. En 2001, il bénéficie d’une bourse lui permettant d’obtenir un poste de chercheur à la Harvard School of Public Health. En 2002, il est nommé chercheur au Center for Population Studies de Harvard. Son poste à Harvard est financé successivement par plusieurs fondations conservatrices. En 2003, il est nommé conseiller au sein du Presidential Advisory Council on HIV/AIDS auprès de Georges W. Bush. En 2006, il est nommé directeur du Harvard AIDS Prevention Research Project, lequel n’existe plus aujourd’hui.
  • [21]
    Entretien avec S. Langa, directeur du Family Life Network, Kampala, juillet 2008 ; entretien avec L. Nakato, chargée de programme à la John Hopkins School of Public Health, Center for Communication Programs, co-rédactrice de la stratégie « Abstinence et fidélité », Kampala, juillet 2008 ; entretien avec S. Kyomuhendo, chercheur à la Makerere Faculty of Social Sciences, co-rédacteur de la stratégie « Abstinence et fidélité », Kampala, juillet 2008.
  • [22]
    Family Life Network, « Masturbation », document dactylographié, non daté, p. 2. En gras dans le texte.
  • [23]
    Cité dans R. Mutumba, « Government Comes Up with Draft Policy on Pornography », Daily Monitor, 7 juin 2005.
  • [24]
    J. Gettleman, « American’s Role Seen in Uganda Anti-Gay Push », The New York Times 3 janvier 2010.
  • [25]
    Voir J. Anderson, « Conservative Christianity, the Global South and the Battle over Sexual Orientation », Third World Quarterly, vol. 32, n° 9, 2011, p. 1594.
  • [26]
    R. Muhumuza, « Anti-gay Meeting Flops », Daily Monitor, 23 janvier 2010.
  • [27]
    A. Ssenkabirwa, « Muslims Join Pastors in Gay Fight », Daily Monitor, 10 juillet 2009.
  • [28]
    A. Mugisa, « First Lady Launches Fidelity Drive », New Vision, 13 février 2008.
  • [29]
    Il existe chez Howard S. Becker une connotation religieuse chez l’entrepreneur de morale et particulièrement chez le « créateur de norme » ou « réformateur ». Voir H. S. Becker, Social Problems : A Modern Approach, New York, John Wiley & Sons, 1966, p. 148.
  • [30]
    S. Fath, « La projection géopolitique des megachurches évangéliques américaines », Revue internationale de politique comparée, vol. 16, 2009, p. 107-108.
  • [31]
    YouthNet, Family Health International, HIV Prevention for Young People in Developing Countries: Report of a Technical Meeting, Washington, juillet 2003.
  • [32]
    « U.S. Senator Praises Janet Museveni Over HIV/AIDS Fight », All Africa, 22 février 2002.
  • [33]
    G. Archibald, « Diplomats Urged to Back Families, Teen Abstinence ; Uganda’s First Lady Says the United Nations Can Fight AIDS without Undermining Morality », Washington Times 5 mai 2002.
  • [34]
    L’Ouganda est présenté comme un « modèle » de lutte contre le sida au niveau international, notamment par l’Onusida, suite à la chute des taux de prévalence du VIH au cours des années 1990.
  • [35]
    Sénat des États-Unis, « Fighting AIDS in Uganda : What Went Right ? », audition devant le sous-comité aux Affaires africaines du comité des Affaires étrangères, 19 mai 2003.
  • [36]
    Chambre des représentants des États-Unis, « U.S. Response to Global AIDS Crisis : A Two-year Review », audition devant le comité des Affaires étrangères, 13 avril 2005.
  • [37]
    L’un des principaux leaders de la Fellowship Foundation n’est autre que Joseph Pitts, l’auteur de l’amendement pro-abstinence du Pepfar. Voir J. Anderson, « Conservative Christianity… », art. cité, p. 1595.
  • [38]
    K. Kaoma, Globalizing the Culture Wars. U.S. Conservatives, African Churches, and Homophobia Somerville, Political Research Associates, 2009, p. 16.
  • [39]
    Voir G. Carbone, No-Party Democracy ? Ugandan Politics in Comparative Perspective, Boulder, Lynne Rienner, 2008.
  • [40]
    Voir S. Perrot, « Deux femmes, de la guérilla à l’institutionnalisation du pouvoir en Ouganda : portrait croisé de Janet Museveni et Winnie Byanyima », Politique africaine, n° 95, octobre 2004, p. 37-54.
  • [41]
    J. Kiiza, S. Makara et L. Rakner, Electoral Democracy in Uganda. Understanding the Institutional Processes and Outcomes of the 2006 Multiparty Elections, Kampala, Fountain Publishers, 2008, p. 30.
  • [42]
    S. Perrot, Le Processus de reconstruction d’un ordre politique dans l’Ouganda de Y. Museveni (1986-2001). De la réversibilité du chaos ?, thèse de doctorat en science politique, Institut d’études politiques de Bordeaux, 2003, p. 425.
  • [43]
    L’effritement du soutien baganda est notamment lié à la contestation d’une réforme agraire proposée par le gouvernement. Voir R. Tangri et A. M. Mwenda, « President Museveni and the Politics of Presidential Tenure in Uganda », Journal of Contemporary African Studies, vol. 28, n° 1, 2010, p.31-49
  • [44]
    Tout au long des XIX et XX siècles, religion et politique étaient étroitement mêlées en Ouganda. Voir H. Médard, Le Royaume du Buganda au XIX siècle. Mutations politiques et religieuses d’un ancien État d’Afrique de l’Est, Paris/Nairobi, Karthala/ Ifra, 2007.
  • [45]
    Voir S. Perrot, « Deux femmes… », art. cité.
  • [46]
    A. Mugisha, « When Pastor Kayanja Took Kisanja to FDC’s Fort », Daily Monitor, 31 mars 2005.
  • [47]
    Voir « Ugandans Will Be Voting “For God and Country" in 2006 », East African, 20 décembre 2005.
  • [48]
    Pasteur N. Wafula, « Church has Stand on Politics, Society », New Vision, 9 novembre 2005.
  • [49]
    Voir « Museveni is Born-Again, Nadduli Insists », New Vision, 6 avril 2005.
  • [50]
    R. Mutumba et I. Mufumba, « Museveni Concludes Campaign in Busoga », Daily Monitor 24 janvier 2006.
  • [51]
    Voir J. Sadgrove et al., « Morality Plays… », art. cité.
  • [52]
    Plusieurs pays européens ont menacé de couper leur aide à l’Ouganda si la loi était adoptée. Barack Obama a qualifié cette loi d’odieuse ; 62 membres démocrates de la Chambre des représentants ont signé une résolution condamnant la proposition de loi. Voir J. Anderson, « Conservative Christianity… », art. cité, p. 1595-1596.
  • [53]
    F. Kagolo, « Museveni Warns on Dangers of Sodomy », New Vision, 3 juin 2010.
  • [54]
    A. Mugisha, « When Pastor Kayanja Took Kisanja to FDC’s Fort », Daily Monitor, 31 mars 2005.
  • [55]
    A. Nandut tu Namboole, « Balokole Want Third Term for Museveni », Daily Monito 17 octobre 2005.
  • [56]
    I. Imaka, « Wikileaks : Janet behind Gays Bill », Daily Monitor, 11 septembre 2011.
  • [57]
    Un des extraits de la Bible souvent cité pour appuyer la condamnation de l’homosexualité est Le Lévitique 20:13 : « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils commettent tous deux un acte abominable. Ils seront punis de mort, leur sang retombera ur eux »
  • [58]
    James Dobson est un des leaders évangéliques les plus influents aux États-Unis. Il a fondé le Family Research Council, groupe de pression influent de la droite chrétienne.
  • [59]
    Voir S. Fath, Dieu bénisse l’Amérique. La religion de la Maison-Blanche, Paris, Le Seuil, 2004.
  • [60]
    Voir « Uganda : “Anti-Homosexuality" Bill Threatens Liberties and Human Rights Defenders », Human Rights Watch, 15 octobre 2009. Human Rights Watch avait déjà largement dénoncé la promotion de l’abstinence en Ouganda.
  • [61]
    L’Ouganda est, depuis les années 1990, l’un des « bons élèves » des bailleurs, ce qui lui alloue encore aujourd’hui une marge de manœuvre plus importante que d’autres pays africains. Voir N. de Torrenté, « L’Ouganda et les bailleurs de fonds. Les ambiguïtés d’une lune de miel », Politique africaine, n° 75, octobre 1999, p. 72-90.
  • [62]
    Cité par J. Sadgrove et al., « Morality Plays… », art. cité, p. 104.
  • [63]
    Voir É. Demange, La Controverse « Abstain, Be Faithful, Use a Condom ». Transnationalisation de la politique de prévention du VIH/sida en Ouganda, Institut d’études politiques de Bordeaux, thèse de doctorat en science politique, 2010.
  • [64]
    Beatrice Anywar (FDC, représentante femme du district de Kitgum), extrait des débats parlementaires du 15 avril 2009, retranscrits en ligne sur <boxturtlebulletin.com>
  • [65]
    « Uganda : Internal Opposition to Anti-Homosexuality Bill Emerges, But Is Still Limited », câble Wikileaks, 21 décembre 2009.
  • [66]
    J. Nagenda, « Regarding Homosexuals and Lesbians », New Vision, 12 décembre 2009.
  • [67]
    J. Sadgrove et al., « Morality Plays… », art. cité, p. 113.
  • [68]
    Ibid. Les auteurs expliquent ainsi que les pressions des bailleurs font écho dans la société ougandaise à une opposition communément admise entre « avidité » (et plus largement tout rapport à l’argent) et « immoralité ».
  • [69]
    Un des principaux moyens du Family Life Network pour atteindre son objectif de moralisation de la société est d’organiser des réunions de plaidoyer destinées aux responsables politiques : entretien avec S. Langa, directeur du Family Life Network, Kampala, juillet 2008.

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