Couverture de POLAF_122

Article de revue

Les dynamiques locales de la construction étatique à Juba, Sud-Soudan (2005-2008)

Pages 21 à 39

Notes

  • [1]
    Cette recherche a bénéficié des conseils des professeurs Jocelyn Alexander et Abdul Raufu Mustapha, ainsi que des Drs Christian Lund et Ricardo Soares de Oliveira, envers lesquels je suis extrêmement reconnaissante. Je tiens également à remercier Laurent Fourchard, David Ambrosetti et les deux relecteurs anonymes pour leurs commentaires utiles.
  • [2]
    Le référendum était prévu par le Comprehensive Peace Agreement (CPA). 98,8 % des votants se sont prononcés pour l’indépendance, avec un taux de participation de 97,58 %. Voir, pour des résultats complets, le site de la South Sudan Referendum Commission : <ssrc.sd/SSRC2>.
  • [3]
    CPA, chapitre 3, article 2, et Interim Constitution of Southern Sudan, article 180, sections 5-6.
  • [4]
    Voir par exemple D. H. Johnson, « Why Abyei Matters : The Break ing Point of Sudan’s Comprehensive Peace Agreement ? », African Affairs, vol. 107, n° 426, 2007, p. 1-19 ; L. Patey,« Crude Days Ahead ? Oil and the Resource Curse in Sudan », African Affairs, vol. 109, n° 437, 2010, p. 617-636 ; International Crisis Group,« Sudan’s Comprehensive Peace Agreement : The Long Road Ahead », Africa Report, n° 106, 31 mars 2006 ; International Crisis Group, « Sudan : Breaking the Abyei Deadlock », Africa Briefing, n° 47, Nairobi/Bruxelles, 12 octobre 2007.
  • [5]
    Voir, parmi une abondante littérature, R. Paris, At War’s End : Building Peace after Civil Conf lict, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 ; P. Collier et al., Aid, Policy, and Growth in Post-conflict Societies, Washington, World Bank Development Research Group, 2002 ; R. Caplan, « A New Trusteeship ? The International Administration of War-Torn Territories », Adelphi Paper, n° 341, Oxford, International Institute for Strategic Studies, 2002 ; C. Call et V. Wyeth, Building States to Build Peace, Boulder, Lynne Rienner, 2008.
  • [6]
    J. Heathershaw et D. Lambach, « Introduction : Post-Conflict Spaces and Approaches to Statebuilding », Journal of Intervention and Statebuilding, vol. 2, n° 3, 2008, p. 269-289 ; C. Lund, Local Politics and the Dynamics of Property in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 6.
  • [7]
    A. Sharma et A. Gupta, The Anthropology of the State : A Reader, Malden, Blackwell, 2006.
  • [8]
    A. Gupta, « Blurred Boundaries : The Discourse of Corruption, the Culture of Politics, and the Imagined State », American Ethnologist, vol. 22, n° 2, 1995, p. 375-402.
  • [9]
    C. Lund, Local Politics and…, op. cit., p. 4.
  • [10]
    T. Hagmann et D. Péclard, « Negotiating Statehood : Dynamics of Power and Domination in Africa », Development and Change, vol. 41, n° 4, 2010, p. 539-562.
  • [11]
    K. Vlassenroot et K. Büscher,« The City as Frontier : Urban Development and Identity Processes in Goma », Crisis States Research Centre (LSE) Working Paper, n° 6, 2009.
  • [12]
    E. Martin et I. Mosel, City Limits. Urbanisation and Vulnerability in Sudan : Juba Case Study, Londres, Humanitarian Policy Group, Overseas Development Institute, 2011.
  • [13]
    Pour une analyse du premier gouvernement régional sudiste, voir R. Badal,« Political Cleavages within the Southern Sudan : An Empirical Analysis of the Re-division Debate », in S. Harir et T. Tvedt (dir.) Short-cut to Decay : The Case of Sudan, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, 1995 ; N. Kasfir, « Southern Sudanese Politics since the Addis Ababa Agreement », African Affairs, vol. 76, n° 303, 1977, p. 61-75 ; D. H. Johnson, The Southern Sudan, Londres, The Minority Rights Group, 1988.
  • [14]
    La région de l’Equatoria au Sud-Soudan compte de nombreux groupes ethniques, dont les Bari, Mundari, Kakwa, Lokoya, Kuku, Pojulu, et les Makaraka.
  • [15]
    Le CPA et la Constitution intérimaire du Sud-Soudan établissaient tous deux Juba comme capitale du Sud-Soudan. Voir Interim Constitution of Southern Sudan, 4e partie, article 53(4).
  • [16]
    Entretien avec un haut représentant de l’Office des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Unocha), Juba, juillet 2006.
  • [17]
    Discours de John Garang à l’occasion de la signature de la Déclaration de Nairobi ouvrant la phase finale de la paix au Soudan,5 juin 2004 ; discours de John Garang à l’occasion de la signature du CPA, 9 janvier 2005.
  • [18]
    Il s’agissait d’une disposition inhabituelle, puisque le CPA permettait au PCN d’avoir un seul gouvernorat au Sud-Soudan et qu’il avait déjà choisi celui du Haut-Nil. Vétéran de l’Anya Nya ayant intégré les SAF après l’Accord d’Addis-Abeba, Clement Wani était aussi le chef de la milice mundari, basée à Terakeka. Lui permettre de conserver son poste indiquait que sécuriser la ville nécessitait pour le GoSS d’avoir le soutien de sa milice mundari. Clement Wani demeura membre du PCN durant la première année qui suivit la signature du CPA. Il rejoignit ensuite le MPLS mi-2006. Entretien avec Clement Wani, gouverneur de l’État de l’Equatoria central, Juba,6 septembre 2006.
  • [19]
    Le Juba est un dialecte arabe parlé en Equatoria, composé d’une grammaire arabe simplifiée et d’éléments de vocabulaire empruntés à la langue bari.
  • [20]
    Ces points de vue furent exprimés au cours de conversations avec plusieurs membres du MPLS, dont la plupart étaient aussi d’anciens combattants, entre juillet et septembre 2008.
  • [21]
    Entretien avec un directeur général n° 1, gouvernement du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008 ; entretien avec un directeur général n° 3, gouvernement du CES, Juba, 15 septembre 2008.
  • [22]
    N. Kasfir, « Southern Sudanese Politics… », art. cit., p. 158.
  • [23]
    Entretien avec un dirigeant du MPLS n° 1, Khartoum, 31 juillet 2006.
  • [24]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008.
  • [25]
    Entretien avec un directeur général n° 1, gouvernement du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec un membre du Parlement du CES n° 1, Juba, juillet 2008 ; entretien avec un membre du Parlement du CES n° 2, Juba, 25 août 2008 ; entretien avec un directeur général n° 3, gouvernement du CES, Juba, 15 septembre 2008 ; entretien avec Emmanuel Waga Elia, ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 22 juillet 2008 ; entretien avec le commissioner du comté de Juba, Juba, 16 juillet 2008.
  • [26]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008.
  • [27]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008 ; entretien avec Wani Buyu Dyori, directeur général, ministère des Finances, de l’économie et de la main-d’œuvre du CES, Juba, 15 septembre 2008 ; État de l’Equatoria central, State Taxes and Fees Act 2008.
  • [28]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008.
  • [29]
    « South Sudan Targets Costly “Ghost Jobs », Sudan Tribune, 20 mars 2008 ; entretien avec un responsable du MPLS, Juba, 17 août 2008.
  • [30]
    Entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [31]
    « GoSS Pushes for State Capital to Relocate », Juba Post, 27 juillet 2006 ; « The Governor Rejects the Detention of the State Constitution over the Insistence by the GOSS that the State Capital be Re-located to Yei », Juba Post, 10 août 2006 ; « Minister Refutes Holding State Constitution Hostage », Juba Post, 12 octobre 2006 ; « The Land Question in Juba : GoSS Motives against the Bari », South Sudan Nation, 2 septembre 2006.
  • [32]
    Comité ministériel du GoSS,« Report on the Status of Juba as the Capital City of Southern Sudan and the Seat of Government of Southern Sudan », réunion ordinaire n° 9 du 4 mai 2006.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [35]
    Entretien avec Alikaya Aligo Samson, ancien ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 11 août 2008.
  • [36]
    Comité ministériel du GoSS, « Report on the Status of Juba… », doc. cit.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Le Juba Assessment Report de 2005 évalue la population de la ville à environ 250 000 habitants. En 2006, le groupe d’étude de la Japanese International Cooperation Agency (Jica) l’estimait quant à lui dans une fourchette allant de 417 800 à 520 000.
  • [39]
    Joint Assessment Mission (JAM) Sudan, A Framework for Sustained Peace, Development and Poverty Eradication, 18 mars 2005.
  • [40]
    Voir ibid. ; P. Wakely, T. Carter et K. Clifford, Southern Sudan Urban Appraisal Study, Londres, UNDP, 2005 ; Creative Associates International, Juba Assessment : Town Planning and Administration, Washington, CAI, 2005.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    Jica, Scope of Work for Emergency Study on the Planning and Support for Basic Physical and Social Infrastructure in Juba Town and Surrounding Areas, Juba, 24 novembre 2005.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Entretien avec Cornelious Goja Lado Kulang, directeur général du foncier, ministère des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec Emmanuel Waga Elia, ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 22 juillet 2008 ; entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [45]
    Entretien avec Tongun Ladu Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008 ; entretien avec Cornelious Goja Lado Kulang, directeur général du foncier, ministère des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 27 août 2008.
  • [46]
    Work Plan and Strategic Policy of the Ministry of Physical Infrastructure Central Equatoria State (CES), présenté par le ministre Alikaya Aligo Samson, novembre 2007.
  • [47]
    Entretien avec un prêtre bari, Juba,5 août 2008 ; entretien avec Tongun Ladu Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008 ; entretien avec Riek Machar, vice-président du GoSS et ancien ministre du Logement du GoSS, Juba, 28 août 2008 ; entretien avec un habitant de Juba n° 10, Juba, août 2008.
  • [48]
    Entretien avec Tongun Ladu Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008.
  • [49]
    Voir Jica, « JICA President Visits Africa’s Fastest Growing City to Study Its Problems », 19 février 2008, disponible sur <jica.go.jp>.
  • [50]
    Voir J. G. Nyuot Yoh, « Who is Responsible for the Delays of Service Delivery and Infrastructure Development in Post-conflict New Sudan Regions ? », Sudan Tribune, 16 mars 2007.
  • [51]
    Le Paramount Chief des Bari est le plus ancien chef parmi les Bari. À ce titre, il préside la cour KatorBà Juba et remplit diverses autres fonctions en tant que représentant des Bari. Historiquement, le Paramount Chief des Bari descendait d’une importante lignée de chefs. Actuellement, il n’appartient ni à un clan bari prééminent et n’est pas non plus le plus âgé des chefs bari. Certains affirment qu’il a obtenu cette position en raison de sa maîtrise de l’anglais et de l’arabe, ainsi que de sa relation étroite avec le précédent gouvernement.
  • [52]
    Entretien avec Denis Daramalo, chef des Tok iman Bari, chef suprême de Juba, Juba, septembre 2008.
  • [53]
    Entretien avec Tongung Lado Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008.
  • [54]
    S. Berry, « Debating the Land Question in Africa », Comparative Studies in Society and History, vol. 44, n° 4, 2002, p. 638-668. Voir aussi P. Peters, Dividing the Commons : Politics, Policy, and Culture in Botswana, Charlottesville, University Press of Virginia, 1994 ; J. Alexander, The Unsettled Land : State-making and the Politics of Land in Zimbabwe, 1893-2003, Athens, Ohio University Press, 2006.
  • [55]
    T. Hagmann et D. Péclard, « Negotiating Statehood… », art. cit, p. 554.
  • [56]
    T. Sikor et C. Lund, « Access and Property :A Question of Power and Authority », Development and Change, vol. 40, n° 1, 2009, p. 2.
  • [57]
    N. Kasfir. « Southern Sudanese Politics… », art. cit.
  • [58]
    Entretien avec un administrateur du Payam de Juba, Juba, 2 septembre 2006.
  • [59]
    Entretien avec Cornelious Goja Lado Kulang, directeur général du foncier, ministère des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec Emmanuel Waga Elia, ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 22 juillet 2008 ; entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [60]
    Work Plan and Strategic Policy…, doc. cit.
  • [61]
    Le CPA et la Constitution intérimaire qui en découle abordent explicitement les questions de la propriété foncière et des ressources naturelles, prévoyant cependant un processus par lequel les droits découlant des « lois et pratiques coutumières » peuvent être négociés. Voir CPA, chapitre 3, article 2.1 et 2.5 ; Interim Constitution of Southern Sudan, article 180, sections 5-6.
  • [62]
    Entretien avec John Luk Jok, ministre de l’Énergie et des mines du GoSS, Juba, 10 septembre 2008 ; Work Plan and Strategic Policy…, doc. cit.
  • [63]
    Discours du président de l’Assemblée du GoSS, James Wani Igga, à l’occasion de l’ouverture de sa seconde session, Juba, 6 septembre 2006.
  • [64]
    Entretien avec un responsable du MPLS, Juba, 7 août 2008.
  • [65]
    D. H. Johnson, The Southern Sudan…, op. cit.
  • [66]
    Le MPLS appartenait à l’Alliance démocratique nationale (National Democratic Alliance, NDA), groupe de treize partis nordistes d’opposition et de milices régionales constitué en 1989.
  • [67]
    Cette rivalité a perduré pendant la période intérimaire au cours de laquelle la rivalité entre Bari et Mundari provoqua des conflits autour de la fonction de gouverneur, ainsi que des combats dans le Terakeka au nord de Juba. Voir « Bari, Mundari Groups Reportedly Clashed North of S. Sudan Capital », Sudan Tribune, 27 avril 2009 ; « Paramount Chiefs Make Peace Initiative between Bari and Mundari », New Sudan Vision, 7 juillet 2009.
  • [68]
    C. Cramer, Civil War is nota Stupid Thing : Accounting for Violence in Developing Countries, Londres, Hurst& Co, 2006, p. 282 ; D. Keen, The Economic Functions of Violence in Civil Wars, Oxford, Oxford University Press, 1988.
  • [69]
    L. Biong Deng,« Social Capital and Civil War : The Dinka Communities in Sudan’s Civil War », African Affairs, vol. 109, n° 435, 2010, p. 231-250.
  • [70]
    L’utilisation du terme « tribu » reflète ici l’usage populaire qui en est fait à Juba et au Sud-Soudan.
  • [71]
    « South Sudan to Establish a New Capital City and Relocate from Juba after Independence », Sudan Tribune, 6 février 2011.
  • [72]
    Ibid.
  • [73]
    Les trois niveaux de gouvernement local au Sud-Soudan sont le comté, le payam (équivalent du district) et le boma (équivalant du village ou de la communauté).
  • [74]
    Le commissioner du comté de Juba conservera la responsabilité des treize payams« ruraux » du comté de Juba : « CES Governor Appoints Mayor for Juba City Council », Gurtong Trust, 3 avril 2011.

1Le 9 janvier 2011 [1], au terme d’un référendum sous supervision internationale, la population de la région semi-autonome du Sud-Soudan a choisi, à une écrasante majorité, de devenir le dernier pays africain en date à accéder à l’indépendance [2]. Le référendum a donc finalement tranché entre les programmes concurrents de construction étatique défendus par le Parti du Congrès national (PCN) et le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS). Depuis 2005, ces deux organisations se partageaient le pouvoir au sein du Gouvernement d’union nationale (GoNU), instauré par l’Accord de paix global (CPA) et qui avait mis fin à vingt-deux années de guerre civile. Le CPA créait la région semi-autonome du Sud-Soudan, dotée d’un gouvernement régional basé sur un système décentralisé de dix nouveaux États sudistes. Il reconnaissait également les autorités « traditionnelles » et les droits des « communautés » sud-soudanaises à la terre en vertu du droit coutumier [3].

2Depuis le CPA, la question de la construction étatique au Sud-Soudan a largement été formulée comme dépendant des relations entre le Nord et le Sud. Dans le contexte de la méfiance persistante entre dirigeants du PCN et du MPLS, de combats sporadiques opposant l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et les milices assimilées aux Forces armées soudanaises (Sudan Armed Forces, SAF), de retards dans la mise en œuvre du CPA et d’inquiétudes internationales sur le conflit dans la province du Darfour, à l’Ouest, l’attention s’est concentrée sur la question de savoir si les accords passés entre dirigeants du Gouvernement soudanais et ceux du nouveau Gouvernement du Sud-Soudan (GoSS) seraient à même de créer l’environnement nécessaire à la construction d’un État indépendant, sûr et viable au Sud-Soudan [4]. Il est évident que l’établissement de relations constructives entre le Nord et le Sud est crucial pour la construction d’un tel État. En effet, les accords post-CPA sur le tracé des frontières, la citoyenneté et la nationalité, le partage du pétrole et les dispositions concernant la sécurité seront essentiels pour garantir un futur pacifique au Sud-Soudan. Pourtant, si des relations Nord-Sud constructives sont importantes, elles sont insuffisantes à la construction d’un État sud-soudanais.

3Contrairement aux représentations ne prenant en compte que les dimensions Nord-Sud de la guerre civile, il faut mentionner que non seulement des partis d’opposition nordistes se sont alliés au MPLS et à son programme de transformation de l’État soudanais en un « Nouveau Soudan » unifié, laïque et démocratique, mais une pléthore de milices sudistes a aussi combattu aux côtés des SAF contre le MPLS. Durant la guerre, le contrôle du territoire sud-soudanais était divisé entre le MPLS, qui gouvernait ses territoires dans le cadre de l’Autorité civile du Nouveau Soudan (Civil Authority for New Sudan), les milices sudistes sous la tutelle de Khartoum, les autorités traditionnelles– chefs, rois et autres leaders – et le Gouvernement du Soudan, qui contrôlait plusieurs villes-garnisons isolées. Le CPA prévoyait l’inclusion du PCN nordiste comme principal parti d’opposition au Sud, et offrait à ses membres sudistes un rôle dans le gouvernement du Sud. Il ne prenait cependant pas en compte la fragmentation politique et institutionnelle à l’intérieur même du Sud. Arrivé au pouvoir au terme d’un règlement négocié, résultat d’intenses pressions internationales, le MPLS se trouvait donc dans une situation précaire en tant que bâtisseur de l’État.

4La négligence vis-à-vis des dynamiques locales de la construction étatique est omniprésente dans la littérature en relations internationales. Celle-ci est empreinte du paradigme dominant de la « reconstruction post-conflit » qui embrasse une approche wébérienne de l’État – un ensemble distinct, neutre et unifié de structures, une entité régulatrice qui peut être construite ou reconstruite à travers l’accumulation de politiques, programmes et lois fondés sur les expériences occidentales dans d’autres contextes post-conflictuels [5]. La vision unitaire de l’État et l’approche top-down et téléologique de la reconstruction post-conflit qui découlent d’une telle conception méconnaissent la nature intrinsèquement contestée de la construction étatique. Dans certains pays africains, des groupes rebelles armés contrôlent des bandes de territoire et les combats internes se poursuivent après la signature d’accords de paix. Dans de telles situations comme dans bien d’autres qui ressemblent de façon moins évidente à celle des « État faillis », le pouvoir et l’autorité ne sont pas détenus par une entité unique, « l’État », mais sont diffus et contestés, présents à une pluralité de niveaux, et peuvent perturber les institutions et les politiques de l’État, les contraindre ou encore collaborer avec elles [6].

5Les approches anthropologiques ont recours à une acception plus subtile de l’État, conçu comme une série de pratiques situées et de constructions discursives [7]. Dans son examen de la corruption à l’échelon politique local en Inde, Akhil Gupta montre comment l’État peut être abordé par une pluralité de sources, depuis les prétentions de bureaucrates locaux jusqu’aux conversations quotidiennes des habitants des campagnes sur la corruption des fonctionnaires [8]. Une telle conception suggère que l’État est bien plus qu’une sphère de pouvoir institutionnel, une entité neutre et distincte qui peut prendre forme de telle sorte qu’elle assure une mise en œuvre efficace des politiques et programmes de reconstruction ; il s’agit d’un processus social recouvrant toutes les interactions, les discussions et autres détours qui forgent les situations politiques. De cette approche découle un intérêt pour les déclinaisons locales de l’autorité publique et de l’État, et pour leurs rôles dans la construction étatique. Christian Lund explique ainsi qu’« aucune politique gouvernementale n’est entièrement exempte de la contingence des circonstances locales et des négociations politiques [9] ». C’est aussi ce que concluent Tobias Hagmann et Didier Péclard lorsqu’ils proposent d’explorer les arènes de négociation à travers lesquelles des acteurs non étatiques et sub-nationaux façonnent l’État [10]. Goma illustre cette idée, une ville que Koen Vlassenroot et Karen Büsche imaginent comme un « espace autonome et un laboratoire du changement ». Ils expliquent en effet que son histoire unique de fief du mouvement rebelle du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) en a fait un lieu de contestation dans la période post-conflit, impliquant la lutte pour le contrôle économique et politique de l’espace sociopolitique, ce quia façonné l’identité de la ville et de ses habitants, mais aussi sa relation à l’État central congolais [11].

6L’argument central avancé dans cet article est que le type d’État en cours de construction au Sud-Soudan et les obstacles qu’il rencontre ne sont pas qu’une question d’accords légaux négociés à Khartoum, mais plutôt que les initiatives du niveau national sont interprétées, contestées et adaptées localement ; elles sont subordonnées aux dynamiques locales. L’argument est illustré par un examen des croisements entre les questions de la terre, du développement urbain et de l’identité à Juba durant les trois premières années de la période intérimaire (2005-2008).

Juba, Sud-Soudan

7Nichés dans une vallée entre la montagne du Jaral Marata et la rive ouest du Nil blanc, dans ce qui est désormais l’État de l’Equatoria central, Juba et ses alentours sont considérés comme la terre ancestrale du peuple bari. La ville a aussi été un centre administratif et commercial depuis sa formation dans la période du condominium anglo-égyptien. Au fil des années, divers groupes ethniques ont migré vers la ville, fuyant les combats et en quête d’opportunités économiques [12]. Ceci a donné naissance à la cité multiethnique d’aujourd’hui, bien qu’elle demeure largement équatorienne.

8Malgré son caractère régional clairement ancré dans l’Equatoria, Juba a aussi joué un rôle important dans la politique régionale du Sud-Soudan, qui a souvent été influencée par la politique locale originale de la ville. Elle a été capitale de la Région du Sud suite à l’accord d’Addis-Abeba qui mit fin en 1972 à la première guerre civile [13]. Durant les onze années d’autonomie sudiste, la ville fut le lieu d’une rivalité entre politiciens équatoriens et dinka dans le cadre du Gouvernement régional du Sud. Les élites équatoriennes pensaient alors que les dirigeants dinka cherchaient à « dominer » la scène politique du Sud-Soudan en surreprésentant les Dinka dans le secteur public [14]. Elles firent pression pour mettre en œuvre la « décentralisation » – le redécoupage du Sud le long des anciennes frontières coloniales – de façon à améliorer leur positionnement politique vis-à-vis de groupes ethniques sudistes s’étendant au-delà de la région de l’Equatoria, et particulièrement à l’égard des Dinka. Bien que la proposition « Kokora », comme on l’appela alors, ait été rejetée par l’Assemblée régionale sudiste, le président soudanais Jaafar Nimeiri divisa unilatéralement en 1983 la région en trois nouveaux États : Bahr el-Ghazal, Haut-Nil et Equatoria. La destruction successive de l’autonomie du Sud fit partie des griefs contre le gouvernement Nimeiri, qui contribuèrent à la seconde guerre civile, et parmi lesquels figuraient la redéfinition du tracé des frontières destinée à intégrer les champs pétroliers nouvellement découverts au Sud dans la partie nord, ainsi que l’imposition de la charia à tout le pays.

9Pendant les deux décennies de guerre qui suivirent, Juba devint une ville-garnison contrôlée par le gouvernement, un avant-poste isolé au milieu d’un territoire aux mains des rebelles. Durant cette période, de nombreux membres des élites équatoriennes locales intégrèrent le PCN et travaillèrent dans la fonction publique des institutions du Nord ou pour les SAF cantonnées dans la ville. À l’approche des dernières étapes des négociations de paix, il fut décidé que Juba deviendrait la capitale du Sud-Soudan [15]. La ville possédait en effet les infrastructures les plus développées et le plus grand nombre de fonctionnaires qualifiés de la région. Les dirigeants du MPLS avaient aussi à cœur de démontrer que le GoSS était bien le gouvernement de tout le Sud-Soudan et pas seulement des régions ayant été sous contrôle de l’A/MPLS pendant la guerre. Cependant, des réserves furent émises quant au choix de Juba à cause de l’histoire conflictuelle de la ville ; aussi les leaders du MPLS étudièrent-ils la possibilité de construire une nouvelle capitale à Ramciel, au centre géographique du Sud-Soudan. Finalement, et sous la pression des partenaires internationaux, il fut décidé que Juba était le meilleur choix pour établir la capitale du Sud [16].

10Suite au CPA, le MPLS prit le contrôle de la ville et se lança dans la tâche d’intégrer les institutions et le personnel des services publics existants dans le nouveau cadre du GoSS. Pourtant, la construction étatique ne se réduit pas à la mise en œuvre du CPA. Dans les trois premières années de la période intérimaire, des débats sur le foncier, le développement urbain et le partage de l’autorité politique entre dirigeants du MPLS membres du GoSS, ceux du Gouvernement de l’État de l’Equatoria central (Central Equatoria State Government, CESG), et la communauté bari en général, entravèrent le processus de reconstruction et soulevèrent des questions sur les compétences et le pouvoir du nouveau gouvernement sudiste.

11Dans l’analyse suivante des dynamiques locales de la construction étatique à Juba, je me fonde sur des entretiens réalisés au cours de deux périodes sur le terrain, à Juba, en 2006 et 2008. J’examine d’abord les défis du processus d’intégration du CESG dans les structures du GoSS. J’analyse les conflits sur l’autorité politique et la répartition des compétences entre les deux niveaux de gouvernements. Je présente ensuite une vue d’ensemble des initiatives de planification urbaine soutenues par le GoSS, avec à sa tête le MPLS, qui tentèrent de transformer la ville en une véritable capitale. Je m’intéresse enfin au manque de progrès enregistrés dans la reconstruction urbaine à travers les débats sur les droits à la terre. J’analyse les discours sur la « communauté » et les interprétations concurrentes du CPA. Mon argument est ici que les luttes autour du développement urbain, notamment sur la détermination du niveau de gouvernement ayant compétence sur la ville et ayant autorité pour gérer l’allocation des terres dans celle-ci, reflétaient en fait un processus de négociation de l’État – un processus qui devait avoir un impact important sur le type d’État qui émergerait au terme de la reconstruction post-conflit au Sud-Soudan.

« Rebelles» et « Jellaba»: les défis de la décentralisation et de l’intégration à Juba

12Le CPA posait le cadre institutionnel d’une nouvelle structure étatique décentralisée au Sud-Soudan, fondée sur dix nouveaux États. Le système de décentralisation instauré divisait en effet la Province du Grand Equatoria en trois nouveaux États : Equatoria occidental, Equatoria central et Equatoria oriental. Le CESG remplaça l’ancien gouvernement de la Province de l’Equatoria et prit possession d’un grand nombre de ses bâtiments de Juba. Le défi pour le GoSS, dirigé par le MPLS, était de transformer les institutions décentralisées existantes du gouvernement de la Province de l’Equatoria, pour les incorporer dans le cadre du nouveau GoSS en les alignant sur son programme de reconstruction. Dans l’esprit de la « réconciliation Sud-Sud », il intégra ces institutions au sein du nouveau GoSS sans changement significatif [17]. Les noms des ministères furent modifiés et certains fonctionnaires quittèrent leurs postes pour de nouvelles fonctions dans les gouvernements nouvellement constitués des États de l’Equatoria oriental et de l’Equatoria occidental, mais la plupart, des bureaucrates lambda aux directeurs généraux des ministères, conservèrent leurs postes au sein du nouveau CESG. Ceci concerna aussi le Gouverneur de la Province de l’Equatoria, Clement Wani, qui s’entendit en 2005 avec le président du MPLS, John Garang, pour rester gouverneur du CESG tout en demeurant membre du PCN [18].

13En dépit de la rhétorique conciliante du MPLS, l’intégration de deux systèmes institutionnels, dotés de cultures bureaucratiques fort différentes, n’alla pas sans tensions. Des différences de formation et d’expérience conduisirent à différents niveaux de compétences et à plusieurs types d’approches managériales, ce qui créa une forte compétition sur les nominations. Les membres entrants du MPLS avaient reçu un entraînement militaire et étaient habitués à un système hiérarchique strict fonctionnant par grades. La plupart des hommes du rang parlaient uniquement l’anglais en plus de leur langue maternelle. La plupart des fonctionnaires de Juba étaient quant à eux d’anciens membres du PCN. Nombre d’entre eux avaient été formés dans le système du Nord et parlaient uniquement leur propre langue et l’arabe ou l’arabe de Juba [19]. Les responsables du MPLS pensaient que leur contribution à la libération du Sud-Soudan leur donnait droit à des positions dirigeantes dans le nouvel État [20]. Les bureaucrates de l’État de l’Equatoria central (Central Equatoria State, CES) voyaient les « rebelles » du MPLS comme dépourvus d’expérience et des diplômes nécessaires à la conduite d’une bureaucratie efficace, et ils rechignaient à la perspective de travailler sous leurs ordres [21].

14Les conflits entre fonctionnaires des deux systèmes se transformèrent en tensions entre« insiders » et« outsiders » qui rappelaient la période du premier gouvernement régional sudiste [22]. Les membres du MPLS considéraient ceux qui avaient vécu à l’« intérieur » de Juba durant la guerre soit comme des collaborateurs complices des politiques du gouvernement du Nord, soit comme des victimes qui s’étaient dérobées devant la lutte. Un ministre MPLS du GoNU m’expliqua ainsi que « les combattants de la liberté n’acceptent jamais les gens qui n’ont pas rejoint la lutte. Même si vous appartenez au MPLS, si vous n’avez pas pris les armes, les gens ne vous reconnaissent pas [23] ». À l’inverse, les bureaucrates du CESG estimaient qu’ils avaient été emprisonnés dans la ville par les forces de sécurité du gouvernement du Nord :

15

« Nous sommes ceux qui avons souffert le plus, parce c’est nous qui étions à l’intérieur. La plupart d’entre nous ont été emprisonnés. Alors que nous croupissions ici, la majorité d’entre eux n’a jamais ne serait-ce qu’entendu le bruit d’une balle ; ils vivaient dans les autres capitales, en Afrique de l’Est ou à l’étranger. Aujourd’hui ils sont rentrés simplement parce qu’un accorda été signé, mais les gens de l’intérieur ont souffert [24] ».

16Des rapports de dirigeants du MPLS parlant des bureaucrates du CESG comme de « Jellaba », un terme péjoratif désignant les Nordistes, ont ravivé de mauvais souvenirs liés à la période d’Addis-Abeba et généré des craintes quant à la marginalisation des équatoriens locaux sous le GoSS dirigé par le MPLS [25]. Un directeur général du CESG rappelait ainsi :

17

« Lorsque le gouvernement du Sud-Soudan a été [mis en place], ses débuts ne furent pas très bons parce qu’à peine arrivés ils nous cataloguaient. Nous qui avions été à l’intérieur étions marqués comme “jellabas”, c’est-à-dire collaborateurs. Et ceux qui étaient venus de l’extérieur étaient au contraire considérés comme de bonnes personnes… Au début ils disaient même [jellaba] au bureau ! L’APLS avait coutume de dire à ceux de l’intérieur, “vous êtes des collaborateurs et maintenant que nous sommes là nous allons vous donner une leçon !” [26] ».

18Le processus tendu d’intégration évolua vers un différend plus large sur la question de la compétence politique, opposant le GoSS, dirigé par le MPLS, et le CESG. Les dirigeants de ce dernier se plaignaient de ce que les décaissements du GoSS, qui complétaient la base fiscale limitée du CESG, étaient insuffisants [27]. Le GoSS usurpait selon eux certaines responsabilités du CESG génératrices d’importants revenus, à l’instar de l’émission des plaques d’immatriculation des véhicules [28]. Les représentants du MPLS estimaient à leur tour que le personnel du CESG avait crû de façon excessive et comptait nombre d’« employés fantômes » [29]. Le gouverneur Clement Wani fit référence à l’histoire conflictuelle du premier Gouvernement régional du Sud en affirmant l’autorité du CESG :

19

« Le GoSSa une tendance à usurper les pouvoirs des États… Le gouvernement du Sud est un système décentralisé. Il y a certains ministres [du GoSS] qui tendent à centraliser le système et c’est pourquoi nous rencontrons des problèmes. Ils veulent que le gouvernement soit comme Addis-Abeba en 1972. Laissons-les consulter le CPA [30] ».

20La compétition sur les compétences politiques culmina dans la concurrence des projets concernant la localisation de la future capitale [31]. Certains dirigeants du MPLS suggérèrent que le CESG déplace sa capitale à Yei ou dans une autre ville de l’État de l’Equatoria central, afin d’éviter les conflits de compétence avec le GoSS et de libérer des bâtiments pour sa bureaucratie croissante à Juba [32]. Les leaders du MPLS offrirent de financer la construction d’une nouvelle capitale pour le CES, indiquant que cela développerait deux villes sudistes et stimulerait deux économies locales plutôt qu’une seule [33].

21Le CESG résista fermement au déplacement de son siège, affirmant que dans le contexte de communications médiocres et incertaines, déplacer la capitale loin du GoSS laisserait les communautés locales sans protection et les exposerait à des conséquences potentiellement néfastes en termes d’urbanisme et même d’« accaparement des terres ». Le gouverneur Wani expliquait ainsi :

22

« [Si la capitale du CES est déplacée], les Bari seront soumis au bon vouloir du GoSS sur le foncier… Le GoSS pourra prendre des terres aux Bari et le gouvernement de l’État sera loin de ces derniers. L’État protège les intérêts des habitants de Juba. Nous devons être là pour protéger les Bari contre le GoSS [34] ».

23Le CESG offrit à son tour 25 km² de terres bari, deux kilomètres à l’ouest de Juba, pour reloger le siège du GoSS. Les dirigeants du GoSS refusèrent cette offre au motif que l’emplacement était trop éloigné de la ville et qu’en l’absence d’eau et d’électricité il serait trop coûteux d’y construire le siège du gouvernement [35]. Les leaders du MPLS ajoutèrent que toute décision de déplacer le GoSS aurait de « graves implications politiques » et « pourrait signifier pour les gens ordinaires que le Gouvernement du Sud-Soudan a été chassé de Juba par le [CESG] et la communauté bari [36] ». Diverses options de cohabitation furent proposées et rejetées. La question de transformer Juba en une municipalité dirigée par un conseil municipal achoppa sur la question de savoir de quel niveau de gouvernement (GoSS ou CESG) celui-ci dépendrait [37].

Les impasses de la planification urbaine

24Ces conflits de compétence eurent un impact négatif sur la reconstruction urbaine. En 2006, Juba était prête pour le changement. Les derniers soldats des SAF avaient quitté la ville, le couvre-feu était levé et les routes vers l’Ouganda et le Kenya rouvertes, permettant pour la première fois depuis des années l’entrée de nouveaux produits manufacturés meilleur marché. L’afflux de travailleurs humanitaires, de bureaucrates du GoSS, de personnel de l’ALPS, de travailleurs migrants et de rapatriés des pays voisins avait commencé. Mais les infrastructures de la ville peinaient à supporter la population en pleine croissance, estimée entre 250 000 et 500 000 habitants [38]. Les infrastructures, les outils de traitement des eaux usées, les canalisations avaient été endommagés par deux décennies de guerre et les habitants n’avaient pas accès à l’eau courante, à l’électricité ou à un système sanitaire [39]. Les centres de santé existants, soutenus par des Églises ou des ONG, ne permettaient pas de couvrir toute la population de la ville. L’unique route en dur était parsemée de nids-de-poule. Les rares structures permanentes dataient de l’époque coloniale et se trouvaient dans un grave état de délabrement. En raison de l’indisponibilité et du prix élevé des matériaux de construction, la plupart des habitants vivaient dans des tukuls faits de briques en boue et de toits de chaume.

25Le sous-développement extrême de la ville motiva un ambitieux programme de reconstruction qui visait à la transformer en une cité « moderne » capable de propulser le développement économique de la région tout entière [40]. Suite au CPA, plusieurs opérations d’urbanisme financées par des donateurs furent lancées pour soutenir le MPLS dans son entreprise de construction d’une nouvelle capitale à Juba. En 2005, Creative Associates International, une ONG américaine financée par l’USAID, lança un projet de planification urbaine destiné à gérer la rapide croissance de la ville [41]. En novembre 2005, la Japanese International Cooperation Agency (Jica) commença à travailler sur un plan directeur pour Juba à l’horizon de 2015 [42]. En plus des initiatives financées par les donateurs apparaissaient des projets du MPLS, notamment un vaste projet de développement de l’habitat dans la zone périurbaine de Wolyang, planifié par le ministre MPLS des Infrastructures physiques du CESG, Alikaya Samson Aligo, ainsi que les projets de pôle industriel sur l’île de Gondokoro lancés par le vice-président du GoSS, Riek Machar.

26Ces divers plans reposaient tous sur l’idée implicite de privilégier les droits des citoyens par rapport à ceux des groupes ethniques dans le nouvel État sud-soudanais. Juba devait se transformer en une capitale multiethnique qui représenterait l’ensemble de la population du Sud-Soudan et accueillerait les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les réfugiés. Le plan de la Jica, par exemple, accroissait de 15 km² la superficie de la ville et permettait de créer plus de 40 000 parcelles [43]. Mais ce programme de reconstruction urbaine était aussi source d’inquiétudes pour les élites locales. Les dirigeants du CESG s’opposaient ainsi à la réinstallation des réfugiés non-bari et non-équatoriens, insistant pour qu’ils retournent dans leurs « villages d’origine » [44]. Les leaders de la communauté bari se plaignaient de n’avoir pas été consultés sur les projets de développement et revenaient sur leurs promesses de concéder des terres dans les villages de la périphérie de la ville. Le projet de Wolyuang échoua au milieu d’accusations de planification « top-down » et de manque de consultation de la communauté bari [45]. De jeunes bari chassèrent des ouvriers de leurs chantiers en juin 2007 [46]. De même, une forte opposition de la part des habitants de Gondokoro et de leurs représentants au sein des assemblées législatives du CES et du GoSS dissuada le vice-président Riek Machar de poursuivre plus avant son projet sur l’île [47]. Le président de la Bari Community Association expliqua que les Bari souhaitaient concéder des terres pour le développement urbain mais qu’ils avaient pour ce faire besoin d’assurances sur le fait que leurs intérêts seraient préservés [48].

27Malgré une expertise technique et des ressources abondantes, les initiatives d’urbanisme échouèrent à produire des effets tangibles. Dès 2008, les estimations de la population atteignaient le million [49]. Il y avait pourtant peu de signes d’un développement urbain. La plupart des habitants continuaient à utiliser le fleuve pour se laver, cuisiner ou boire. Dans l’ensemble, peu de progrès avaient été réalisés en vue de faire de Juba une capitale « moderne » [50].

« La terre appartient à la communauté » : identité locale et intérêts « communautaires »

28Derrière l’échec des projets d’urbanisme se posait la question de savoir qui détenait l’autorité pour allouer les terres dans la capitale. Les Bari voyaient dans la reconnaissance par le CPA des droits fonciers « communautaires » une justification de leur pratique ancienne du régime foncier communal. Pour Denis Daramolo, le Paramount Chief (chef suprême) des Bari [51] cela allait de soi : « cette terre qui entoure Juba est une terre bari. Elle appartient à la communauté bari [52] ». Le président de l’association communautaire bari expliquait à son tour que si le GoSS ou des investisseurs avaient besoin de terres en périphérie de la ville pour des projets de développement, la « communauté » déciderait d’abord de les leur allouer ou non, une allocation que le CESG validerait ensuite juridiquement [53].

29Mais le débat sur la terre n’était pas en premier lieu un problème d’accès à une ressource économique importante dans le cadre d’un environnement évoluant rapidement. Il se mêlait au discours sur la « communauté bari », utilisé dans deux sens. Le premier, translocal, fait référence à l’ensemble des membres du groupe bari – que ce soient ses membres qui habitent dans la région ancestrale du Bariland ou bien ceux vivant ailleurs où à l’étranger. C’est dans ce sens que les dirigeants municipaux bari et ceux du CESG prétendent représenter « la communauté ». Mais le terme « communauté » est aussi utilisé dans une acception plus restreinte pour faire référence aux membres d’un sous-groupe bari en particulier, par exemple la sous-chefferie tokiman. Cette interprétation de la « communauté » est utilisée en référence à un groupe revendiquant le droit à la terre dans un espace géographique spécifique. C’est ainsi que les dirigeants municipaux et traditionnels bari conçoivent le CPA comme une reconnaissance de leur pratique ancienne du régime foncier communal au Sud-Soudan.

30Les luttes autour de la terre concernent donc autant l’étendue du pouvoir et de l’autorité que l’accès aux ressources [54]. Les politiques d’inclusion ou d’exclusion et la définition de qui est un membre légitime de la « communauté » définissent bien les rapports à l’État [55]. Ainsi que le soutient Christian Lund :

31

« Enquêter sur la façon dont la compétition s’organise et se structure autour des ressources vitales de la société, c’est enquêter non seulement sur la manière dont la richesse est répartie […] mais c’est aussi enquêter sur la manière dont les entités politiques émergent, se consolident et reculent à travers des processus de légitimation, d’inclusion, d’exclusion et de violence [56] ».

32De plus, ainsi que l’explique Nelson Kasfir, l’ethnicité opère souvent comme une « couverture » pour d’autres types de motivations politiques [57]. Le CPA a réveillé des débats dormants à Juba sur les droits des communautés ethniques par rapport à la structure décentralisée de l’État. Les leaders bari ont revendiqué des droits ancestraux à la terre dans la ville et ses alentours comme une manière de préserver un privilège ethnique et de promouvoir des institutions « traditionnelles » telles que la coutume et la chefferie. Pour reprendre les mots d’un responsable local :

33

« Les gens à Juba savent que le CPA stipule que la terre appartient à la communauté. Désormais la communauté bari a décidé de garder des terres qui avaient été cédées [au gouvernement] il y a longtemps… Ils ne céderont pas de terres au GoSS. Il y a beaucoup de politique politicienne [58] ».

34De la même façon, le gouverneur mundari du CESG, Clement Wani, comme d’autres dirigeants non-bari du CESG dont les circonscriptions incluaient d’autres groupes ethniques de l’Equatoria central, invoquèrent les revendications foncières des Bari dans la ville et sa périphérie pour promouvoir la responsabilité du CESG dans la gestion foncière et, plus généralement, pour asseoir son autorité sur la ville [59]. Le contrôle de la terre constituait un outil important pour maintenir la pression à l’encontre du GoSS. Bien que nombre d’habitants de Juba aient célébré l’arrivée du MPLS et soutenu le CPA, ils restaient sceptiques sur ce qu’ils percevaient comme un GoSS « dominé par les Dinka » et sur leur statut au sein du nouvel État.

35Les notions de l’autochtonie contrastaient fortement avec le discours de la reconstruction, intégrateur et conciliant, tenus par les leaders du MPLS et par des acteurs internationaux cherchant à créer une capitale inclusive, capable d’absorber les migrants de toutes les régions du Sud-Soudan. Les dirigeants du MPLS se plaignaient de ce que la communauté bari et le CESG entravaient le développement urbain en ne libérant pas de terres pour les initiatives de développement dans la ville et ses alentours [60]. Ils affirmaient que le CPA ne prévoyait en fait pas l’attribution de droits fonciers aux communautés du Sud-Soudan [61], et estimaient que la propriété foncière serait au final déterminée par la loi et refléterait un équilibre entre les besoins des communautés ethniques et ceux de l’État sud-soudanais dans son ensemble [62]. Ils se plaignaient de ce que le manque de progrès dans l’urbanisme entravait le processus de construction étatique [63]. Pour eux, le lent progrès du développement urbain s’expliquait par l’esprit de clocher des Bari et par les mauvaises intentions des habitants de l’Equatoria. Certains responsables du MPLS suspectaient en effet les élites locales d’être secrètement alliées au PCN et de bloquer le processus de reconstruction urbaine pour saboter celui de la construction étatique [64].

36Il fait peu de doutes que l’ethnicité est un aspect important de la politique du Sud-Soudan. Les listes électorales présentées lors des élections de 2009 y ont démontré l’importance des équilibres ethniques et régionaux dans la composition du gouvernement. Cependant, les explications centrées principalement sur l’ethnicité ne rendent compte que d’une partie limitée du comportement des élites équatoriennes locales à Juba, en supposant que leurs intérêts politiques et économiques sont exclusivement déterminés par leurs identités ethniques et leurs liens avec le gouvernement nordiste. L’idée d’une rivalité entre Dinka et habitants de l’Equatoria est non seulement une simplification de l’histoire politique mais elle définit aussi la ville de Juba comme un ensemble ethnique unifié. Ce sont en premier lieu les affirmations sur une prétendue « domination dinka » qui doivent être considérées avec prudence et en rapport avec les réalités statistiques de la population : entre 2,5 et 3 millions dans la région, les Dinka sont le principal groupe ethnique du Sud-Soudan ; les Bari, qui forment eux le principal groupe ethnique de l’Equatoria, représentent entre 60 000 et 70 000 personnes. En raison de leur nombre important, mais aussi parce que les zones dinka du Bahr el-Ghazal ont été le théâtre des pires combats durant la guerre civile, la majorité des recrues du MPLS fut dinka [65]. En revanche il est inexact de dire que le MPLS épouse un programme politique dinka. En fait, nombre de ses hauts dirigeants recherchent un mandat plus large pour leur mouvement, qui n’intègre pas uniquement tous les groupes ethniques du Sud-Soudan, mais aussi les alliés du MPLS au Nord, à l’Est et au Darfour [66]. Ce qui est plus exact en revanche, c’est que la « domination » bari sur le CESG a été source d’oppositions durant la guerre et pendant la période intérimaire, de la part de membres de groupes ethnique équatoriens plus restreints comme les Mundari et les Kakwa par exemple, qui cherchaient un plus grand accès au pouvoir politique [67]. L’invocation des droits de la « communauté » par des dirigeants non-bari du CESG doit aussi être examinée à la lumière de cette histoire complexe.

37Dépasser le thème de l’ethnicité, c’est aussi se demander comment une troisième interprétation de la « communauté » est apparue durant la période de la transition en englobant celles qui existaient pendant la guerre. Une telle interprétation de la « communauté » était employée par les habitants – qu’ils soient bari ou non – non seulement pour revendiquer des droits fonciers légaux à Juba, mais également pour réclamer des droits en tant que communauté historique cherchant un accès privilégié aux bénéfices tirés du développement urbain, par rapport à des groupes arrivés plus récemment. La guerre n’est pas une absence de relations sociales et politiques, mais peut au contraire produire des relations socio-économiques et des identités politiques qui définissent des agendas dans la période post-conflictuelle [68]. De plus, d’expériences communes de guerre résulte parfois une augmentation de capital social [69]. Juba était le centre de la communauté politique quia survécu et, dans certains cas, prospéré, sous le précédent gouvernement. À cet égard, le discours sur la « communauté » peut être conçu comme une réponse aux angoisses produites par un changement démographique et politique rapide, un désir de contenir l’afflux d’« étrangers » afin de maintenir le caractère régional de la ville en tant que base politique équatorienne, en empêchant que ses habitants de longue date ne perdent leur statut politique et économique au profit de populations entrantes.

38Il est ainsi possible et nécessaire d’adopter à la fois une conception large de la communauté, qui prenne en compte tous les résidents de long terme de la ville, et des conceptions plus étroites, la restreignant aux groupes ethniques équatoriens, à la population bari, voire à certaines sous-tribus bari [70].

39Les plans du MPLS visant à transformer Juba en une capitale « moderne » et multiethnique durant les six années de la période intérimaire ont finalement été un échec. Le 4 février 2011, lors d’une réunion du Conseil des ministres présidée par Salva Kiir, le GoSS prit la décision de déplacer la capitale vers un site alternatif et Ramciel redevint alors une option [71]. Plusieurs éléments furent présentés comme étant à l’origine de cette décision : l’opposition de la communauté locale bari à l’expansion de la ville aux villages alentour, le manque d’accès aux terres pour les investisseurs, les projets du GoSS lui-même, la nécessité de développer l’habitat, et les conflits de compétence entre les différents échelons de gouvernement [72]. Le 31 mars 2011, le gouverneur Clement Wani signa cinq décrets créant un Conseil municipal à Juba, dirigé par le nouveau bureau du maire et doté d’une compétence s’étendant sur les trois payams[73] urbains de Kator, Munuki et Juba Town [74]. Il semblerait que le contrôle de la ville ait été décidé alors que le futur de la capitale du Sud-Soudan demeurait incertain.

40Le cas de Juba démontre que bien des défis auxquels le MPLS fit face dans son effort pour construire un nouvel État dans une région marquée par la fragmentation politique et institutionnelle avaient peu à voir avec les machinations politiques de niveau national, qu’il s’agisse de l’intransigeance de Khartoum ou des subtilités des politiques de l’aide internationale. Elles avaient en revanche à voir avec des questions fondamentales concernant l’État sudiste : quels intérêts représenterait-il ? Comment le pouvoir serait-il partagé entre les nombreux groupes ethniques du Sud ? Et comment le cadre de la décentralisation garantirait-il des droits et un accès équitables au pouvoir politique et aux ressources, principalement foncières ?

41Cette analyse des dynamiques locales de la reconstruction post-conflit à Juba a mis en lumière certaines des sources de tension qui existent à l’intérieur de l’État sudiste et elle donne un aperçu des défis auxquels les dirigeants du GoSS feront face dans les années à venir. Bien que les débats sur la terre et l’autorité à Juba puissent avoir été destructeurs pour ce qui est de la reconstruction urbaine, entravant même le processus de construction étatique, ils montrent combien les acteurs locaux au Sud-Soudan furent activement impliqués dans la négociation avec l’État, d’une manière qui reflète les histoires, les identités et les intérêts locaux. La construction d’un État stable au Sud-Soudan nécessite d’imaginer des approches et des solutions qui prennent en compte et intègrent les intérêts concurrents des divers acteurs politiques du Sud-Soudan.

Notes

  • [1]
    Cette recherche a bénéficié des conseils des professeurs Jocelyn Alexander et Abdul Raufu Mustapha, ainsi que des Drs Christian Lund et Ricardo Soares de Oliveira, envers lesquels je suis extrêmement reconnaissante. Je tiens également à remercier Laurent Fourchard, David Ambrosetti et les deux relecteurs anonymes pour leurs commentaires utiles.
  • [2]
    Le référendum était prévu par le Comprehensive Peace Agreement (CPA). 98,8 % des votants se sont prononcés pour l’indépendance, avec un taux de participation de 97,58 %. Voir, pour des résultats complets, le site de la South Sudan Referendum Commission : <ssrc.sd/SSRC2>.
  • [3]
    CPA, chapitre 3, article 2, et Interim Constitution of Southern Sudan, article 180, sections 5-6.
  • [4]
    Voir par exemple D. H. Johnson, « Why Abyei Matters : The Break ing Point of Sudan’s Comprehensive Peace Agreement ? », African Affairs, vol. 107, n° 426, 2007, p. 1-19 ; L. Patey,« Crude Days Ahead ? Oil and the Resource Curse in Sudan », African Affairs, vol. 109, n° 437, 2010, p. 617-636 ; International Crisis Group,« Sudan’s Comprehensive Peace Agreement : The Long Road Ahead », Africa Report, n° 106, 31 mars 2006 ; International Crisis Group, « Sudan : Breaking the Abyei Deadlock », Africa Briefing, n° 47, Nairobi/Bruxelles, 12 octobre 2007.
  • [5]
    Voir, parmi une abondante littérature, R. Paris, At War’s End : Building Peace after Civil Conf lict, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 ; P. Collier et al., Aid, Policy, and Growth in Post-conflict Societies, Washington, World Bank Development Research Group, 2002 ; R. Caplan, « A New Trusteeship ? The International Administration of War-Torn Territories », Adelphi Paper, n° 341, Oxford, International Institute for Strategic Studies, 2002 ; C. Call et V. Wyeth, Building States to Build Peace, Boulder, Lynne Rienner, 2008.
  • [6]
    J. Heathershaw et D. Lambach, « Introduction : Post-Conflict Spaces and Approaches to Statebuilding », Journal of Intervention and Statebuilding, vol. 2, n° 3, 2008, p. 269-289 ; C. Lund, Local Politics and the Dynamics of Property in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 6.
  • [7]
    A. Sharma et A. Gupta, The Anthropology of the State : A Reader, Malden, Blackwell, 2006.
  • [8]
    A. Gupta, « Blurred Boundaries : The Discourse of Corruption, the Culture of Politics, and the Imagined State », American Ethnologist, vol. 22, n° 2, 1995, p. 375-402.
  • [9]
    C. Lund, Local Politics and…, op. cit., p. 4.
  • [10]
    T. Hagmann et D. Péclard, « Negotiating Statehood : Dynamics of Power and Domination in Africa », Development and Change, vol. 41, n° 4, 2010, p. 539-562.
  • [11]
    K. Vlassenroot et K. Büscher,« The City as Frontier : Urban Development and Identity Processes in Goma », Crisis States Research Centre (LSE) Working Paper, n° 6, 2009.
  • [12]
    E. Martin et I. Mosel, City Limits. Urbanisation and Vulnerability in Sudan : Juba Case Study, Londres, Humanitarian Policy Group, Overseas Development Institute, 2011.
  • [13]
    Pour une analyse du premier gouvernement régional sudiste, voir R. Badal,« Political Cleavages within the Southern Sudan : An Empirical Analysis of the Re-division Debate », in S. Harir et T. Tvedt (dir.) Short-cut to Decay : The Case of Sudan, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, 1995 ; N. Kasfir, « Southern Sudanese Politics since the Addis Ababa Agreement », African Affairs, vol. 76, n° 303, 1977, p. 61-75 ; D. H. Johnson, The Southern Sudan, Londres, The Minority Rights Group, 1988.
  • [14]
    La région de l’Equatoria au Sud-Soudan compte de nombreux groupes ethniques, dont les Bari, Mundari, Kakwa, Lokoya, Kuku, Pojulu, et les Makaraka.
  • [15]
    Le CPA et la Constitution intérimaire du Sud-Soudan établissaient tous deux Juba comme capitale du Sud-Soudan. Voir Interim Constitution of Southern Sudan, 4e partie, article 53(4).
  • [16]
    Entretien avec un haut représentant de l’Office des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Unocha), Juba, juillet 2006.
  • [17]
    Discours de John Garang à l’occasion de la signature de la Déclaration de Nairobi ouvrant la phase finale de la paix au Soudan,5 juin 2004 ; discours de John Garang à l’occasion de la signature du CPA, 9 janvier 2005.
  • [18]
    Il s’agissait d’une disposition inhabituelle, puisque le CPA permettait au PCN d’avoir un seul gouvernorat au Sud-Soudan et qu’il avait déjà choisi celui du Haut-Nil. Vétéran de l’Anya Nya ayant intégré les SAF après l’Accord d’Addis-Abeba, Clement Wani était aussi le chef de la milice mundari, basée à Terakeka. Lui permettre de conserver son poste indiquait que sécuriser la ville nécessitait pour le GoSS d’avoir le soutien de sa milice mundari. Clement Wani demeura membre du PCN durant la première année qui suivit la signature du CPA. Il rejoignit ensuite le MPLS mi-2006. Entretien avec Clement Wani, gouverneur de l’État de l’Equatoria central, Juba,6 septembre 2006.
  • [19]
    Le Juba est un dialecte arabe parlé en Equatoria, composé d’une grammaire arabe simplifiée et d’éléments de vocabulaire empruntés à la langue bari.
  • [20]
    Ces points de vue furent exprimés au cours de conversations avec plusieurs membres du MPLS, dont la plupart étaient aussi d’anciens combattants, entre juillet et septembre 2008.
  • [21]
    Entretien avec un directeur général n° 1, gouvernement du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008 ; entretien avec un directeur général n° 3, gouvernement du CES, Juba, 15 septembre 2008.
  • [22]
    N. Kasfir, « Southern Sudanese Politics… », art. cit., p. 158.
  • [23]
    Entretien avec un dirigeant du MPLS n° 1, Khartoum, 31 juillet 2006.
  • [24]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008.
  • [25]
    Entretien avec un directeur général n° 1, gouvernement du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec un membre du Parlement du CES n° 1, Juba, juillet 2008 ; entretien avec un membre du Parlement du CES n° 2, Juba, 25 août 2008 ; entretien avec un directeur général n° 3, gouvernement du CES, Juba, 15 septembre 2008 ; entretien avec Emmanuel Waga Elia, ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 22 juillet 2008 ; entretien avec le commissioner du comté de Juba, Juba, 16 juillet 2008.
  • [26]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008.
  • [27]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008 ; entretien avec Wani Buyu Dyori, directeur général, ministère des Finances, de l’économie et de la main-d’œuvre du CES, Juba, 15 septembre 2008 ; État de l’Equatoria central, State Taxes and Fees Act 2008.
  • [28]
    Entretien avec un directeur général n° 2, gouvernement du CES, Juba, 21 juillet 2008.
  • [29]
    « South Sudan Targets Costly “Ghost Jobs », Sudan Tribune, 20 mars 2008 ; entretien avec un responsable du MPLS, Juba, 17 août 2008.
  • [30]
    Entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [31]
    « GoSS Pushes for State Capital to Relocate », Juba Post, 27 juillet 2006 ; « The Governor Rejects the Detention of the State Constitution over the Insistence by the GOSS that the State Capital be Re-located to Yei », Juba Post, 10 août 2006 ; « Minister Refutes Holding State Constitution Hostage », Juba Post, 12 octobre 2006 ; « The Land Question in Juba : GoSS Motives against the Bari », South Sudan Nation, 2 septembre 2006.
  • [32]
    Comité ministériel du GoSS,« Report on the Status of Juba as the Capital City of Southern Sudan and the Seat of Government of Southern Sudan », réunion ordinaire n° 9 du 4 mai 2006.
  • [33]
    Ibid.
  • [34]
    Entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [35]
    Entretien avec Alikaya Aligo Samson, ancien ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 11 août 2008.
  • [36]
    Comité ministériel du GoSS, « Report on the Status of Juba… », doc. cit.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Le Juba Assessment Report de 2005 évalue la population de la ville à environ 250 000 habitants. En 2006, le groupe d’étude de la Japanese International Cooperation Agency (Jica) l’estimait quant à lui dans une fourchette allant de 417 800 à 520 000.
  • [39]
    Joint Assessment Mission (JAM) Sudan, A Framework for Sustained Peace, Development and Poverty Eradication, 18 mars 2005.
  • [40]
    Voir ibid. ; P. Wakely, T. Carter et K. Clifford, Southern Sudan Urban Appraisal Study, Londres, UNDP, 2005 ; Creative Associates International, Juba Assessment : Town Planning and Administration, Washington, CAI, 2005.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    Jica, Scope of Work for Emergency Study on the Planning and Support for Basic Physical and Social Infrastructure in Juba Town and Surrounding Areas, Juba, 24 novembre 2005.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Entretien avec Cornelious Goja Lado Kulang, directeur général du foncier, ministère des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec Emmanuel Waga Elia, ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 22 juillet 2008 ; entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [45]
    Entretien avec Tongun Ladu Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008 ; entretien avec Cornelious Goja Lado Kulang, directeur général du foncier, ministère des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 27 août 2008.
  • [46]
    Work Plan and Strategic Policy of the Ministry of Physical Infrastructure Central Equatoria State (CES), présenté par le ministre Alikaya Aligo Samson, novembre 2007.
  • [47]
    Entretien avec un prêtre bari, Juba,5 août 2008 ; entretien avec Tongun Ladu Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008 ; entretien avec Riek Machar, vice-président du GoSS et ancien ministre du Logement du GoSS, Juba, 28 août 2008 ; entretien avec un habitant de Juba n° 10, Juba, août 2008.
  • [48]
    Entretien avec Tongun Ladu Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008.
  • [49]
    Voir Jica, « JICA President Visits Africa’s Fastest Growing City to Study Its Problems », 19 février 2008, disponible sur <jica.go.jp>.
  • [50]
    Voir J. G. Nyuot Yoh, « Who is Responsible for the Delays of Service Delivery and Infrastructure Development in Post-conflict New Sudan Regions ? », Sudan Tribune, 16 mars 2007.
  • [51]
    Le Paramount Chief des Bari est le plus ancien chef parmi les Bari. À ce titre, il préside la cour KatorBà Juba et remplit diverses autres fonctions en tant que représentant des Bari. Historiquement, le Paramount Chief des Bari descendait d’une importante lignée de chefs. Actuellement, il n’appartient ni à un clan bari prééminent et n’est pas non plus le plus âgé des chefs bari. Certains affirment qu’il a obtenu cette position en raison de sa maîtrise de l’anglais et de l’arabe, ainsi que de sa relation étroite avec le précédent gouvernement.
  • [52]
    Entretien avec Denis Daramalo, chef des Tok iman Bari, chef suprême de Juba, Juba, septembre 2008.
  • [53]
    Entretien avec Tongung Lado Rombe, président de la Bari Community Association, Juba, 25 août 2008.
  • [54]
    S. Berry, « Debating the Land Question in Africa », Comparative Studies in Society and History, vol. 44, n° 4, 2002, p. 638-668. Voir aussi P. Peters, Dividing the Commons : Politics, Policy, and Culture in Botswana, Charlottesville, University Press of Virginia, 1994 ; J. Alexander, The Unsettled Land : State-making and the Politics of Land in Zimbabwe, 1893-2003, Athens, Ohio University Press, 2006.
  • [55]
    T. Hagmann et D. Péclard, « Negotiating Statehood… », art. cit, p. 554.
  • [56]
    T. Sikor et C. Lund, « Access and Property :A Question of Power and Authority », Development and Change, vol. 40, n° 1, 2009, p. 2.
  • [57]
    N. Kasfir. « Southern Sudanese Politics… », art. cit.
  • [58]
    Entretien avec un administrateur du Payam de Juba, Juba, 2 septembre 2006.
  • [59]
    Entretien avec Cornelious Goja Lado Kulang, directeur général du foncier, ministère des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 27 août 2008 ; entretien avec Emmanuel Waga Elia, ministre des Infrastructures matérielles du CES, Juba, 22 juillet 2008 ; entretien avec Clement Wani, gouverneur du CES, Juba, 6 septembre 2006.
  • [60]
    Work Plan and Strategic Policy…, doc. cit.
  • [61]
    Le CPA et la Constitution intérimaire qui en découle abordent explicitement les questions de la propriété foncière et des ressources naturelles, prévoyant cependant un processus par lequel les droits découlant des « lois et pratiques coutumières » peuvent être négociés. Voir CPA, chapitre 3, article 2.1 et 2.5 ; Interim Constitution of Southern Sudan, article 180, sections 5-6.
  • [62]
    Entretien avec John Luk Jok, ministre de l’Énergie et des mines du GoSS, Juba, 10 septembre 2008 ; Work Plan and Strategic Policy…, doc. cit.
  • [63]
    Discours du président de l’Assemblée du GoSS, James Wani Igga, à l’occasion de l’ouverture de sa seconde session, Juba, 6 septembre 2006.
  • [64]
    Entretien avec un responsable du MPLS, Juba, 7 août 2008.
  • [65]
    D. H. Johnson, The Southern Sudan…, op. cit.
  • [66]
    Le MPLS appartenait à l’Alliance démocratique nationale (National Democratic Alliance, NDA), groupe de treize partis nordistes d’opposition et de milices régionales constitué en 1989.
  • [67]
    Cette rivalité a perduré pendant la période intérimaire au cours de laquelle la rivalité entre Bari et Mundari provoqua des conflits autour de la fonction de gouverneur, ainsi que des combats dans le Terakeka au nord de Juba. Voir « Bari, Mundari Groups Reportedly Clashed North of S. Sudan Capital », Sudan Tribune, 27 avril 2009 ; « Paramount Chiefs Make Peace Initiative between Bari and Mundari », New Sudan Vision, 7 juillet 2009.
  • [68]
    C. Cramer, Civil War is nota Stupid Thing : Accounting for Violence in Developing Countries, Londres, Hurst& Co, 2006, p. 282 ; D. Keen, The Economic Functions of Violence in Civil Wars, Oxford, Oxford University Press, 1988.
  • [69]
    L. Biong Deng,« Social Capital and Civil War : The Dinka Communities in Sudan’s Civil War », African Affairs, vol. 109, n° 435, 2010, p. 231-250.
  • [70]
    L’utilisation du terme « tribu » reflète ici l’usage populaire qui en est fait à Juba et au Sud-Soudan.
  • [71]
    « South Sudan to Establish a New Capital City and Relocate from Juba after Independence », Sudan Tribune, 6 février 2011.
  • [72]
    Ibid.
  • [73]
    Les trois niveaux de gouvernement local au Sud-Soudan sont le comté, le payam (équivalent du district) et le boma (équivalant du village ou de la communauté).
  • [74]
    Le commissioner du comté de Juba conservera la responsabilité des treize payams« ruraux » du comté de Juba : « CES Governor Appoints Mayor for Juba City Council », Gurtong Trust, 3 avril 2011.
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