Notes
-
[1]
Ministère ghanéen de l’information, Ghana’s New Town and Harbour: Tema. Londres, Newman Neame Ltd., 1961.
-
[2]
D. Hilling, « The Evolution of the Major Ports of West Africa », The Geographical Journal, vol. 35, 1969, p. 366.
-
[3]
E. R. Wolf, Europe and the People without History, Berkeley, University of California Press, 1982.
-
[4]
J. Parker, Making the Town: Ga State and Society in Early Colonial Accra, Portsmouth, Heinemann, 2000, p. 10.
-
[5]
D. Hilling, « The Evolution of… », art. cit., p. 372 ; C. C. Robertson, Sharing the Same Bowl? A Socioeconomic History of Women and Class in Accra, Ghana, Bloomington, Indiana University Press, 1984.
-
[6]
C. Leubuscher, The West African Shipping Trade, 1909-1959, Leyden, A. W. Sythoff, 1963, p. 73.
-
[7]
D. Hilling, « The Evolution of… », art. cit., p. 375.
-
[8]
Ibid., p. 374 et 377.
-
[9]
Ministère ghanéen de l’information, Ghana’s New Town and Harbour: Tema. Londres, Newman Neame Ltd., 1961, p. 6.
-
[10]
J. C. Scott, Seeing like a State: How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998.
-
[11]
I. Agyeman-Duah, An Economic History of Ghana: Reflections on a Half Century of Progress, Oxfordshire, Ayebia Clark, 2008, p. 55 ; T. Makandawire, « Thinking about Developmental States in Africa », communication présentée au United Nations University Public Forum, « African Development in the 21st Century », Tokyo, 16 octobre 1998, p. 3, disponible sur http://www.unu.edu.
-
[12]
D. Tresselt, The West African Shipping Range, New York, United Nations, 1967, p. 52.
-
[13]
Du nom de la compagnie maritime créée en 1919 par Marcus Garvey, précurseur du panafricanisme.
-
[14]
D. Tresselt, The West African…, op. cit., p. 47 ; O. C. Iheduru, The Political Economy of International Shipping in Developing Countries, Cranbury, University of Delaware Press, 1996, p. 197-199.
-
[15]
O. C. Iheduru, The Political Economy…, op. cit., p. 197.
-
[16]
D. Hilling, « The Evolution of… », art. cit., p. 375.
-
[17]
L’équivalent vingt pieds ou EVP (en anglais, twenty-foot equivalent unit : TEU) est une unité de mesure de conteneur. Il désigne un conteneur de 20 pieds de long, soit d’environ 30 mètres cubes. Les classements varient dans la mesure où les chiffres de la Review of Maritime Transport changent d’une année à l’autre, même rétrospectivement. Dans le rapport 2008, le Ghana est au coude-à-coude avec ses principaux concurrents, la Côte d’Ivoire et le Kenya, qui ont chacun traité un peu plus d’un demi-million d’EVP en 2007.
-
[18]
Le commerce par conteneurs a par exemple connu une croissance annuelle de 10 % depuis 1990 et on prévoit un doublement du volume d’échange actuel d’ici 2016. Voir UNCTAD Secretariat, Review of Maritime Transport 2009, New York/Genève, United Nations, 2009, p. 25.
-
[19]
B. G. Soulé, « L’impact de la crise ivoirienne sur le commerce régional », Politique africaine, n° 89, mars 2003, p. 102-111.
-
[20]
En ce qui concerne le secteur agricole, voir B. Chalfin, « Market Reforms and the State: The Case of Shea in Ghana », Journal of Modern African Studies, vol. 34, n° 3, 1996, p. 421-439. Sur les autorités fiscales, consulter B. Chalfin, On the Borders of Sovereignty: Working the Neoliberal Frontier in West Africa, Chicago, University of Chicago Press, 2010 (à paraître) ; G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, Everyday Corruption and the State: Citizens and Public Officials in Africa, Londres, Zed Books, 2006. En évitant la tendance actuelle qui consiste à décrire les processus étatiques en Afrique comme intrinsèquement anormaux, ces travaux abordent les interactions entre les modèles de privatisation étatique imposés de l’extérieur et ceux qui sont motivés de l’intérieur, faisant ainsi écho au cas de Tema.
-
[21]
B. Hibou (dir.), Privatising the State, Londres/New York, Hurst/Columbia University Press, 2004.
-
[22]
Concernant les formes de gestion portuaire, on distingue les fonctions « industrielles et commerciales » (manutention, stockage, etc.) de celles d’« autorité portuaire », qui comprennent l’exercice de missions régaliennes (police, sécurité, etc.), de régulation et de propriétaire foncier ou d’infrastructure. Lorsque les fonctions assumées par l’autorité portuaire se limitent à ce deuxième ensemble, on parle de port propriétaire (par opposition aux ports opérateurs qui cumulent les deux types de fonctions). Voir Institut des Sciences et des Techniques de l’Équipement et de l’Environnement pour le Développement, Partenariats public-privé portuaires dans les pays en développement. Analyse, partage et gestion des risques, La Défense, ISTED, 2009, disponible sur http://www.isted.com.
-
[23]
« Ghana Ports & Harbours Authority (GPHA). Interview with K. D. Boateng », World Investment News, 3 septembre 1999, disponible sur http://www.winne.com.
-
[24]
L. M. van der Lugt et P. W. de Langen, « Port Authority Strategy: Beyond the Landlord. A Conceptual Approach », communication au meeting de l’International Association for Maritime Economists, Athènes, juillet 2007, p. 4, disponible sur http://www.porteconomics.nl.
-
[25]
P. Turnbull, Social Dialogue in the Process of Structural Adjustments and Private Sector Participation in Ports: A Practical Guidance Manual, Genève, Bureau international du travail, 2006, disponible sur http://www.ilo.org.
-
[26]
L. M. van der Lugt et P. W. de Langen, « Port Authority… », art. cit.
-
[27]
E. Donkor, « Port of Tema: Towards a Landlord Port Status », The Statesman Online, 31 mars 2007.
-
[28]
Voir A. Ong, Neoliberalism as Exception: Mutations in Citizenship and Sovereignty, Durham, Duke University Press, 2006.
-
[29]
Sur la question des fondements historiques des économies de concession en Afrique, voir B. Hibou, « From Privatising the Economy to Privatising the State », in B. Hibou (dir.), Privatising the State, op. cit., p. 1-46.
-
[30]
M. R. Brooks, « The Governance Structure of Ports », Review of Network Economics, vol. 3, n° 2, 2004, p. 168-183.
-
[31]
UNCTAD Secretariat, Review of Maritime…, op. cit., p. 99.
-
[32]
T. Callaghy, « Africa in the World Political Economy », in J. W. Harbeson et D. S. Rothchild (dir.), Africa in World Politics. Reforming Political Order, Boulder, Westview Press, 2009, p. 39-71.
-
[33]
UNCTAD Secretariat, Review of Maritime…, op. cit., p. 97-99.
-
[34]
T. Deltombe, « Les guerres africaines de Vincent Bolloré », Le Monde diplomatique, avril 2009, p. 1 et 16-17.
-
[35]
D. Lyon, Surveillance as Social Sorting. Privacy, Risk, and Digital Discrimination, Londres, Routledge, 2003.
-
[36]
D. Killingray, « Securing the British Empire. Policing and Colonial Order, 1920-1960 », in M. Mazower (dir.), The Policing of Politics in the Twentieth Century. Historical Perspectives, Oxford, Berghahn, 1997, p. 167-190.
-
[37]
B. Chalfin, On the Borders…, op. cit.
-
[38]
« GPHA Asks Court to Throw out GASCO’s Application », Ghanaweb.com, 28 octobre 2008.
-
[39]
TCT, qui manipule environ 40 000 EVP par an, calcule ses tarifs sur la base d’un prix par conteneur, et non d’un prix par tonne (plus élevé) comme le font ses concurrents.
-
[40]
« Ghana Opens Container Terminal at Tema Port », Jctrans.net, 11 avril 2007.
-
[41]
K. Polanyi, « Ports of Trade in Early Societies », The Journal of Economic History, vol. 23, n° 1, 1963, p. 30-45.
-
[42]
Ce constat illustre bien ce que Mbembe et Hibou appellent la privatisation de la souveraineté. Voir A. Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, notamment son chapitre « Du gouvernement privé indirect », p. 95-138. ; B. Hibou (dir.), Privatising the State, op. cit.
-
[43]
Comme on l’a montré dans le cas de la main-d’œuvre du port, et de même que d’autres formes de gouvernement privé indirect initiées par l’intervention internationale, ces arrangements donnent naissance à de nouveaux modes de coercition. Voir A. Mbembe, De la postcolonie…, op. cit.
-
[44]
Sur la première, voir A. Ong, Neoliberalism as Exception…, op. cit. Sur la seconde, voir W. Reno, Warlord Politics and African States, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 1998.
« Le port de Tema est bien plus qu’un projet de génie civil de grande ampleur : il forme la base d’une nouvelle ère de réussite pour le Ghana [1]. »
1L’interface entre terre et mer est un théâtre privilégié du pouvoir de régulation qui s’exerce sur les zones maritimes à travers le monde. De la même façon que les zones frontalières maritimes jouent un rôle décisif en matière d’intégration économique, elles constituent un moteur dans la construction de l’ordre politique. L’Afrique ne fait pas exception à cette règle, comme le montre l’histoire mouvementée du développement de ses ports.
2Depuis le début de l’ère mercantiliste, les ports et rades de la côte atlantique d’Afrique ont été des espaces d’interactions et d’échanges, mais aussi des zones d’endiguement et d’exclusion, fortifiées afin d’enrayer les incursions africaines et non-africaines [2]. Les colonies côtières occupèrent une place cruciale dans l’expansion coloniale, jouant le rôle de centres de l’autorité politique et de l’accumulation économique. On ne doit pas perdre de vue le fait que dans un grand nombre de ces ports, les principaux objets en circulation étaient liés à la traite esclavagiste. Plus tard, pendant la période coloniale, les zones maritimes continuèrent à être étroitement administrées, servant à l’extraction d’une grande variété de matières agricoles dont la vente permettait de remplir les caisses de l’État colonial tout en soutenant l’expansion industrielle de la métropole [3]. Au cours du processus de décolonisation qui suivit, les économies portuaires traduisirent la quête d’un équilibre entre le désir d’autonomie des nouveaux États-nations et la perpétuation de l’autorité coloniale. Comme d’autres types d’équipements publics qui témoignent des aspirations des classes dirigeantes, le port constitue une représentation à la fois réelle et symbolique de la nature du pouvoir politique.
3Le port ghanéen de Tema, situé à proximité de la capitale Accra et dont le développement fut initié en 1951, fournit une illustration éloquente de ces dynamiques. Dès le milieu du xxe siècle, la rade de Tema devint un site important de formation et de régénération de l’État. Aujourd’hui, cet enchevêtrement du port et de l’État, avec ses promesses, ses paradoxes et ses contentieux, est tout aussi évident, alors que les contours de l’ordre politique et économique sont radicalement différents de ceux de la période d’après-guerre et de création de l’État-nation. Cet article étudie le complexe portuaire de Tema en insistant sur sa contribution à la formation de l’ordre politique. Il montre que la vocation étatique du port de Tema, qui était, pendant la décolonisation, au fondement de l’État développementaliste, est aujourd’hui à nouveau mobilisée sous couvert de réformes néolibérales. Il en résulte un ordre politico?économique hybride que l’on peut qualifier de « néo-développementaliste ».
L’histoire du port de Tema
4À l’époque grisante des indépendances africaines, la ville et le port de Tema, tout comme le reste du pays, semblaient promis à un avenir prospère. Édifié par l’administration coloniale britannique puis considérablement revu par le chef du premier État indépendant africain, Kwame Nkrumah, le complexe industriel, commercial et résidentiel de Tema débuta effectivement ses activités en 1962. Le port consiste alors en une rade artificiellement fermée et une zone commerciale ultramoderne pour l’époque. Situé à une trentaine de kilomètres à l’est d’Accra, Tema a remplacé Roadstead Port, port colonial dominé par les Britanniques et les Hollandais du xviie au xixe siècle et situé au cœur d’Accra et des quartiers ga de James Town et Ussher Town [4]. Avec la transformation d’Accra en capitale, le port se révéla bien vite inadapté à l’accostage de grands navires, tandis que le centre historique densément peuplé limitait les possibilités d’agrandissement du port [5].
5Alors que le Ghana rivalisait avec la Côte d’Ivoire et le Nigeria pour se maintenir à la place de premier producteur mondial de cacao, le nouveau port de Tema devait accroître les capacités d’exportation de cacao et de matières premières, mais aussi d’importation de biens de consommation courante afin de satisfaire les besoins d’une classe moyenne en pleine expansion [6]. Tema devint aussi le centre national de l’industrie lourde ainsi que des usines textiles et agroalimentaires. Bien que l’installation du cœur industriel et commercial du port ait requis le déplacement de la communauté de pêcheurs ga qui vivait sur le site (ainsi que la déviation d’une lagune sacrée), ce fut un nouveau port de pêche accueillant pirogues locales et chalutiers étrangers qui fut construit à sa place. La zone portuaire devait être flanquée de kilomètres de nouvelles zones résidentielles venant supplanter l’ancien mode de vie local. Coupant à travers le paysage côtier, ces lotissements et immeubles devaient mêler les concepts des banlieues résidentielles américaines, des villes nouvelles britanniques et de la planification étatique à la soviétique. Comme l’a remarqué David Hilling, « en aucun autre endroit d’Afrique de l’Ouest la relation entre infrastructures portuaires et croissance économique n’a été aussi évidente. D’un village de pêcheurs de 3 000 habitants en 1954, Tema était devenu une ville de 80 000 habitants et la première région industrielle du Ghana au milieu des années 1960 [7] ». Sa croissance se poursuivit au même rythme effréné et, en 1980, sa population avait atteint 250 000 habitants.
6Projet le plus ambitieux de la région en termes de taille et de coût, la fondation de Tema surpassa les investissements de la France dans le port d’Abidjan et l’aide américaine au port libérien de Monrovia à la même époque [8]. Inspirés par bien plus que la simple exigence économique, le port de Tema, son complexe industriel et sa zone résidentielle traduisaient une vision totalisante de l’identité et de la prospérité nationales. Un manuel publié par le ministère de l’Information de l’époque rappelle l’envergure de ce projet de développement :
« Pour la première fois en Afrique de l’Ouest, une communauté pourrait se constituer, qui bénéficierait de tous les avantages de la civilisation moderne – des maisons bien conçues, un hôpital bien équipé et des services de santé, sociaux et culturels étendus, des systèmes de distribution d’eau et d’égouts souterrains, des rues structurées et éclairées, des magasins et marchés bien aménagés, des jardins et des espaces ouverts agréables, des écoles et des centres communautaires bien équipés. Il s’agirait d’une communauté équilibrée, dans laquelle une variété d’industries, indépendantes du port, seraient encouragées à fournir toutes sortes d’emplois aux habitants de la ville [9] ».
8Reflétant l’utopie d’un ordre social et d’un progrès fondés sur la technologie, Tema est un exemple clair de planification hautement moderniste, telle qu’observée par James Scott [10]. La conceptualisation et la rénovation de Tema étaient fondées sur les aspirations et capacités d’un État fort : celles d’un régime colonial désireux de marquer positivement le crépuscule de son pouvoir, puis celles de Nkrumah et du premier gouvernement indépendant du continent, conscients de façonner l’histoire nationale [11]. Tema redessinait le paysage politique, avec la création d’une zone maritime ultramoderne qui se voulait le reflet, sur les fronts idéologique, institutionnel et matériel, du processus de formation de la nation et, plus largement, de l’État. Le complexe portuaire de Tema symbolise ainsi le tournant du pays vers le nationalisme économique. Bien que favorisant l’extraversion économique du Ghana, la création de Tema incarnait une idéologie nationaliste de l’indépendance. Contrairement aux pratiques de l’ère coloniale et de la période d’expansion impériale qui l’a précédée, où le contrôle du commerce extérieur et des zones portuaires était confié à des compagnies privées,« avec l’avènement de l’indépendance, la manipulation du fret et les opérations portuaires furent reprises par les autorités gouvernementales dans la plupart des ports ouest-africains [12] ». La gestion étatique du port s’accompagna de la fondation en 1957 d’une compagnie nationale du fret, la Black Star Line du Ghana [13]. Défiant le monopole des compagnies de fret étrangères, la Black Star Line était considérée comme le « porte-drapeau des entreprises maritimes africaines [14] ». Une société étatique du fret maritime fut également créée, dont la charte disposait que les ouvriers ghanéens et les paquebots nationaux avaient le devoir de servir le commerce maritime de la nation. Supervisée par le président Nkrumah, elle devait devenir une formidable base politique.
9Témoignant de la croissance de ce que l’on a appelé le « nationalisme maritime [15] », le port combinait alors attention publique, monopole étatique et mainmise de la classe dirigeante. Les chiffres attestent du succès économique de Tema dans ce contexte : au cours des cinq premières années de son existence, de 1962 à 1967, le trafic à Tema fit plus que doubler, avec des importations passant de 622 035 à 1,4 million de tonnes et des exportations (auparavant domaine de prédilection de l’autre port commercial ghanéen, Takoradi) passant de 206 787 à 565 043 tonnes [16]. Après la chute de Nkrumah en 1966 et l’effondrement calamiteux des prix du cacao (et donc des recettes en devises), et en dépit de ces premiers succès, Tema déclina au cours des années 1970. Ses difficultés persistèrent au cours de la décennie suivante, celle des réformes d’ajustement structurel. Tandis que l’on pouvait voir des signes de reprise dans d’autres secteurs économiques, les industries portuaires stagnèrent jusque dans les années 1990. Le port lui-même, où régnait une corruption endémique, était le centre d’une vaste économie souterraine de travail intermittent et de commerce non-régulé. Les infrastructures du port, autrefois symboles de l’orgueil national, se délabrèrent.
La renaissance post-millénaire de Tema et l’État néo-développementaliste
10Dans la deuxième moitié des années 1990, après un long déclin commercial, Tema connut un boom du trafic portuaire. Avec un taux de croissance de 14 % en 2000, le port de Tema rétablit graduellement sa réputation de bastion de l’activité et de l’innovation commerciales en Afrique. Les flux commerciaux, en pleine expansion, incluaient un nouvel influx de chargements à destination des voisins du nord – le Niger, le Burkina Faso et le Mali – privés d’accès à la mer en raison, notamment, de la crise ivoirienne qui bloquait l’axe ferroviaire avec le port d’Abidjan. Signe manifeste de l’envergure et de la vitesse de la reprise commerciale de Tema, le Ghana pouvait revendiquer en 2007 le rang de troisième centre africain de transport maritime de conteneurs, après l’Égypte et l’Afrique du Sud. En concurrence étroite avec ses rivaux en Côte d’Ivoire et au Kenya, Tema atteignait un débit annuel dépassant le demi-million d’EVP [17].
11Comment expliquer le renversement apparemment spectaculaire qu’a connu la frontière maritime du Ghana ? Plus spécifiquement, quels sont les contentieux et revendications politiques en jeu dans le renouveau du port ? Que révèlent ces dynamiques de l’évolution des capacités des institutions étatiques dans le contexte de la mondialisation ?
12Le retour de Tema sur la scène maritime mondiale peut aisément s’expliquer par une série de facteurs qui ont façonné l’offre et la demande dans les ports d’Afrique de l’Ouest. En premier lieu, la croissance mondiale du commerce maritime au cours des deux dernières décennies est venue accroitre la vitesse, la fréquence et les volumes du trafic de marchandises [18]. Dans un contexte de réformes économiques néolibérales, l’Afrique participe à ce mouvement par la fourniture de denrées agricoles et de ressources naturelles (principalement minérales), et par la consommation croissante de biens de consommation en tout genre, des aliments de base aux articles de luxe neufs ou d’occasion, en passant par les composants industriels. L’accroissement du trafic maritime est alors à la fois cause et effet de la croissance des ports.
13Au Ghana, la demande en services portuaires a également été affectée par les particularités du contexte régional. En Côte d’Ivoire, près d’une décennie d’instabilité politique a entamé la viabilité du port d’Abidjan [19], longtemps resté le premier port de commerce ouest-africain. La vie commerciale du Togo, voisin de l’est, a également été compromise par un climat politique répressif, limitant l’usage du port autonome de Lomé. Ces éléments ont sans aucun doute accru l’attrait et l’utilisation des ports du Ghana. Mais le trafic, mis à part une brève interruption à Abidjan, a également continué à augmenter dans les ports voisins, ce qui montre bien que l’expansion de Tema ne provient pas seulement du détournement du trafic régional.
14Le jeu de l’offre et de la demande ne suffit pas à expliquer le retour sur la scène internationale de Tema, résolument marqué par son héritage nationaliste et par l’indéniable mainmise sur son fonctionnement exercée depuis sa fondation par des acteurs et institutions étatiques. Le caractère profondément étatique et nationaliste de la reprise de Tema représente une rupture claire avec les tendances actuelles de domination des sociétés multinationales et de consolidation économique maritime des ports et des services portuaires observables dans les régions plus développées comme dans les zones moins développées du monde.
15Comme le montrent les volumes d’échange croissants du Ghana, l’Afrique n’occupe pas une position marginale dans le mouvement actuel vers la domination, par les multinationales, des activités liées au fret, à la logistique et aux opérations portuaires. Le Ghana, tout comme le continent en général, représente un immense marché, très attrayant pour ce secteur économique. Mais au lieu d’être dominé par les firmes multinationales, le redéveloppement du port de Tema tend à faire renaître des programmes autrefois conçus par l’État, tout en étant associé à des entités fortement mondialisées. Le résultat est un port dominé par ce que l’on pourrait décrire comme un État néo-(libéral)-développementaliste qui maintient certaines caractéristiques de l’étatisme d’autrefois en les adaptant à l’ordre du jour néolibéral. Tema reste donc une frontière économique largement nationalisée tout en étant extravertie dans ses fonctions, fondations financières et projets. Comme pour d’autres entités gouvernementales converties à l’économie de marché (que ce soit dans le secteur agricole, au sein de l’appareil administratif fiscal ou dans les services publics [20]), la réforme de Tema est un exemple édifiant de la manière inattendue dont la pression en faveur d’une privatisation d’actifs et de services étatiques clés renforce et transforme l’appareil d’État [21]. Signe des paradoxes de l’appareil étatique dans l’Afrique d’aujourd’hui, cette situation n’est pas sans susciter contradictions et contentieux.
16À Tema, c’est l’Autorité des ports et rades du Ghana (Ghana Ports and Harbours Authority – GPHA) qui est le vecteur de la reproduction de l’État et qui joue le rôle d’arbitre dans les processus de privatisation néolibérale et d’investissements multinationaux. La GPHA fut officiellement établie comme entreprise d’État en 1986 ; elle est propriétaire et gestionnaire des ports de Tema et de Takoradi ainsi que du port de pêche de Tema. Les origines de la GPHA datent de bien avant sa fondation dans les années 1980, ses racines puisant dans la Gold Coast Railways and Harbours Administration fondée aux premières heures du pouvoir colonial. La création de la GPHA en 1986 entérinait la gestion étatique des services spécifiques au site, ce qui impliquait la fusion de l’autorité portuaire avec les principaux fournisseurs de services portuaires : la Compagnie de manutention portuaire de Takoradi (Takoradi Lightering Company), un vestige de la création du port de Takoradi en 1928, et la Compagnie de manutention du fret du Ghana (Ghana Cargo Handling Company), fondée sous Nkrumah pour assurer le monopole national de la manutention.
Tema, port propriétaire
17La fondation de la GPHA, liée à l’engagement précoce du tout jeune régime du capitaine Rawlings dans la revalorisation des ports, eut un impact qui fut longtemps plus virtuel que concret. C’est seulement lorsque le gouvernement eut élaboré, en 1995, son plan de développement Vision 2020, tourné vers le commerce, que la GPHA se montra à la hauteur de son nouveau mandat. L’un des piliers centraux de Vision 2020, qui abordait explicitement les opérations des autorités portuaires, était le Ghana Trade and Investment Gateway Project, tourné vers une croissance fondée sur le commerce, les investissements directs à l’étranger, l’industrialisation et les infrastructures nécessaires à la desserte économique de la sous-région. Avec ce projet vint un nouveau plan maître pour le port (financé par l’Union européenne), qui recommandait une restructuration plus poussée de la GPHA et, plus largement, de la gestion du port. La GPHA devait opérer comme autorité portuaire propriétaire [22], invitant, supervisant et générant des revenus grâce à la privatisation des activités portuaires [23].
18Tema n’est pas le seul port à avoir évolué vers un système de port propriétaire, une tendance croissante depuis les années 2000. Ce modèle du port propriétaire est commun dans les principaux ports du monde. La Banque mondiale et la Cnuced recommandent fortement ce modèle de gestion portuaire considéré comme un moyen de développer les économies, de suivre les dynamiques du système commercial mondial et d’assurer un service efficace. D’inspiration capitaliste mais n’appliquant pas toujours le modèle de l’économie de marché issu du moule néolibéral orthodoxe, les autorités portuaires propriétaires peuvent avoir un statut public ou privé, mais elles prennent typiquement la forme d’une entreprise et adoptent une conception toute commerciale de leur activité [24]. La GPHA, bien que située au sein du ministère des Ports et chemins de fer, opère comme une compagnie appartenant à 100 % à l’État tout en étant chargée de générer des revenus sans l’aide de subventions étatiques.
19Dans ce système, l’autorité portuaire supervise le territoire et le littoral portuaires et s’arroge la possession à perpétuité des biens immobiliers du port, depuis les chaussées et quais jusqu’aux digues et vannes. Plutôt que de fournir tous les services portuaires, l’autorité portuaire loue les infrastructures du port pour une durée (généralement longue) spécifique. Des fournisseurs de services sous contrat peuvent également investir dans les locaux du port [25]. Tandis que certains investissements restent la propriété de l’investisseur, d’autres sont transférés à l’autorité portuaire. Le propriétaire est responsable, en dernier lieu, de la coordination des multiples fonctions du port, de l’anticipation de ses besoins futurs et de la génération de revenus pour l’autorité portuaire et ses actionnaires [26]. C’est avec l’arrivée au pouvoir du parti libéral ghanéen, le National Patriotic Party (NPP), en 2001, que la nouvelle conception du port de Tema comme portail commercial en pleine expansion et port propriétaire gagna du terrain. Une proposition de loi (Landlord Port Bill) présentée au Parlement vint entériner ces changements [27]. On verra combien la gestion du port découlant de cette nouvelle loi combine innovation et reproduction de pratiques anciennes.
Le réseau de développement de la GPHA
20En assumant le rôle de propriétaire, la GPHA a accumulé une autorité considérable et augmenté ses capacités. La toute première conséquence en est la transformation concertée de l’autorité portuaire en une zone autonome en termes à la fois géographiques et opérationnels [28]. Le port est de plus en plus séparé de la zone qui l’entoure en termes d’accès et de gouvernance, et fonctionne indépendamment des autres secteurs de l’appareil étatique en ce qui concerne sa gestion, ses objectifs et son financement. Nous observons ici un parallèle intrigant avec les économies de concession ou de comptoir de l’ère impériale et du début de l’ère coloniale, puisque les zones portuaires opèrent comme des juridictions politiques séparées, avec des stratégies d’accumulation bien protégées [29]. Une différence de taille de nos jours, cependant, réside dans leur implication au sein de l’État.
21De ce point de vue, le nouvel essor de la GPHA dépend avant tout de son rôle en tant que développeur du port en charge d’élaborer son avenir – une tâche typiquement assignée aux autorités propriétaires [30]. Paradoxalement, les instruments du développement portuaire remontent à une phase antérieure (initiée dans les années 1980) de l’histoire politico-économique du Ghana, alors marquée par la dépendance des institutions étatiques vis-à-vis de l’aide au développement. Bien que la GPHA aspire à l’autonomie économique et gestionnaire au sein de l’appareil étatique et bien que ses orientations soient de plus en plus celles d’une entreprise commerciale, elle a en fait accru sa dépendance vis-à-vis des ressources et de l’expertise des bailleurs de fonds. Mais contrairement aux dispositions antérieures négociées par les gouvernements et ministères nationaux, la GPHA est maintenant en contact direct et seule face aux bailleurs de fonds, ce qui l’extrait de l’appareil étatique et lui confère une certaine autonomie dans la sphère du développement international. On le voit de manière frappante dans le cas du partenariat entre la GPHA et l’Agence japonaise de coopération internationale (Japanese International Cooperation Agency – Jica), longtemps l’un des premiers bailleurs de fonds du Ghana.
22Bien que mises en œuvre par la GPHA, la planification et l’expansion du port de Tema ont en grande partie été conçues par la Jica. Préférant une aide en nature efficace au paiement de frais de consultants privés ou à l’entretien d’une expertise interne, la Jica, en conjonction avec l’Institut japonais de développement des zones côtières étrangères (Overseas Coastal Area Development Institute of Japan), a élaboré une série de plans maîtres qui servent de modèles pour l’expansion actuelle du port. Contribuant ainsi à l’image d’autonomie de la GPHA, ce type de soutien conceptuel n’est généralement pas rendu public, ce qui offre peu d’occasions de discuter publiquement des intérêts et résultats animant ces plans. Tout en ayant un caractère profondément bureaucratique et gestionnaire, ceux-ci soulèvent pourtant des enjeux politiques importants : la GPHA est en effet d’orientation capitaliste et dirigée de l’extérieur – ce qui décuple son indépendance vis-à-vis de l’opinion publique et des autres institutions étatiques – en même temps qu’elle profite de son statut d’agence d’État.
23L’ascension de Tema et l’accession concomitante de la GPHA au statut de port propriétaire ne peuvent pas être entièrement comprises si on néglige de considérer les fondations financières du port et de l’autorité portuaire qui mettent au jour un mélange sans précédent d’anciennes formes de financement public et de nouvelles relations financières privées. Tema, comme d’autres ports autour du monde, sert ainsi de site d’innovation financière. Deux facteurs expliquent cette tendance générale. D’une part, l’expansion des infrastructures du port exige des capitaux. D’autre part, les deux dernières décennies de dérégulation financière ont rendu plus de capital disponible pour être investi dans les ports. Pour citer le rapport 2008 de la Cnuced (compilé avant l’implosion financière mondiale de 2008-2009), pendant cette période, « les ports [commencèrent à] susciter l’intérêt des investisseurs […]. Pour les économies en développement, la question principale [n’était] plus comment financer les nouveaux projets d’infrastructures mais quel partenaire choisir [31] ».
24Pour Tema, la solution de la GPHA incluait des financements multilatéraux traditionnels d’organismes tels que le FMI et la Banque mondiale. Mais, signe d’une évolution surprenante des intérêts financiers, la GPHA et le port de Tema attirent maintenant également un vaste éventail d’investisseurs commerciaux, incluant des banques nationales telles que l’Ecobank, la Banque de développement agricole (Agricultural Development Bank), Prudential, des banques internationales spécialisées telles que la Banque internationale du Ghana (Ghana International Bank) basée au Royaume-Uni, ainsi que des centrales financières internationales telles que HSBC.
25Dans la mesure où les flux conventionnels de l’aide multinationale sont généralement lents et plutôt maigres en comparaison de ceux provenant de la finance privée [32], ces nouvelles sources de fonds semblent de plus en plus attrayantes aux yeux de l’autorité portuaire. Il est à noter qu’elles créent des situations où l’aide au développement et le capital commercial se subventionnent l’un l’autre. De plus, toutes ces contributions permettent à la GPHA d’accéder aisément à l’autonomie financière, incitant la direction du port à se libérer des exigences de l’appareil étatique. La GPHA a par exemple proposé de récupérer une part de la taxe sur les sociétés qu’elle paie chaque année au gouvernement du Ghana afin de financer la suite de son expansion. Incorporant extraversion et étatisme dans la création d’une zone économique hybride, le succès de la GPHA dans le monde de la finance commerciale la distingue du reste des institutions étatiques, alors même qu’elle se met à jouer un rôle crucial dans le développement économique national.
La multinationalisation des opérations portuaires
26En dépit de l’ascension de la GPHA sur les fronts financiers et gestionnaires, l’expansion du port continue à dépendre de la participation de sociétés multinationales. Comme nous l’avons vu, dans les ports propriétaires, les services font généralement l’objet de concessions par lesquelles les services portuaires sont sous-traités à long terme à des fournisseurs privés. C’est souvent par le biais de ce secteur-clé que les multinationales s’introduisent dans les ports du monde entier [33]. Le Ghana ne fait pas exception à cette tendance. Lors de l’élaboration de la deuxième phase du redéveloppement du port de Tema, la GPHA a poursuivi cette stratégie avec vigueur, s’impliquant dans une série de collaborations avec des firmes multinationales. Mais, à l’inverse des situations bien plus communes de concessions totalement privées ou de gestion totale du port par des opérateurs privés, ces arrangements promeuvent et préservent l’intérêt national dans les opérations portuaires. Ils peuvent donc être caractérisés comme un vestige, certes remis au goût du jour, d’anciennes prétentions de l’État à participer aux activités commerciales et à la supervision de celles-ci. Mais plus qu’une simple reproduction d’anciennes normes, ces nouveaux arrangements sont également innovants, et créent un ensemble spécifique d’alliances et d’opportunités pour les sociétés multinationales, ainsi que des modalités de gouvernance que l’État ne pourrait pas mettre en œuvre seul.
27Le cas de Meridian Port Services (MPS), premier opérateur de terminaux à conteneurs et de services de manutention à Tema, fournit un exemple de ce type de configuration politico?économique. Propriétaire d’une concession de vingt ans acquise en 2004, MPS est une joint-venture à 70/30 % entre la Meridian Port Holdings Ltd enregistrée au Royaume-Uni et la GPHA. Il est à noter que la Meridian Port Holdings est elle-même un conglomérat appartenant à AP Møller Finance (46,75 %), Bolloré (46,75 %) et Sutton Investments (6,5 %). AP Møller (AP-M) est la maison-mère du très connu Maersk Group et le troisième opérateur de terminaux au monde (après Hutchinson Port Holdings et la Port of Singapore Authority). Puissance dominante du commerce et du transport maritimes pendant tout le xxe siècle, le groupe danois AP-M/Maersk occupe une place tout aussi importante dans les domaines du fret et de la logistique, où il figure à la première place mondiale comme constructeur, propriétaire et opérateur de navires à conteneurs.
28Bolloré, acteur économique agressif et membre de solides réseaux politiques sur la scène commerciale internationale, est un cas tout à fait différent. Firme française fondée au début du xixe siècle et longtemps leader dans la production de papier et de film plastique, Bolloré s’est, au cours de la dernière décennie, engagé dans un processus de diversification, investissant dans les secteurs de l’énergie et des médias tout en tentant d’occuper une place importante dans les domaines du transport et de la logistique grâce à une stratégie dynamique d’acquisition d’anciennes firmes et de biens immobiliers. Bolloré est donc devenu en très peu de temps le premier opérateur de transport et logistique en Afrique. Bien décidé à maintenir sa domination dans ce secteur, Bolloré propose toute la gamme des services dans les trente-huit pays africains où il opère – des opérations de manutention dans les terminaux jusqu’à l’entreposage, en passant par les mines, les chemins de fer, le transport par camions et la logistique militaire [34].
29La GPHA, qui permet un rachat facile si un partenaire vient à dénoncer ses engagements, préfère travailler avec un consortium plutôt qu’avec une seule firme, comme il est fréquent dans les concessions portuaires. Ces dispositions sont aussi clairement avantageuses pour les opérateurs de terminaux. Dans la mesure où le port de Tema accueillait déjà un terminal à conteneurs opérationnel, les retombées sont garanties, contrairement à d’autres ports où il faut partir de rien. D’autre part, dans la mesure où la GPHA avait accepté de construire la plupart des nouveaux quais et aires de mouillage et possédait déjà l’onéreux équipement nécessaire à la manipulation du fret, les firmes étaient dispensées d’un certain nombre d’investissements initiaux.
30Même s’il restait sans aucun doute un certain nombre d’infrastructures à construire et de machines à acheter, la plupart des efforts du consortium ont été tournés vers la formation et la gestion. Une caractéristique centrale de cette logique gestionnaire est la gestion du temps, à savoir la coordination et l’accélération du rythme des opérations du terminal. Partant du principe que « le temps et le mouvement sont de l’argent », les dirigeants de Meridian évaluent assidûment les opérations portuaires en termes de nombre de mouvements par heure, comparant les taux de Tema aux performances mondiales. Ils poussent les employés à améliorer leurs performances et à organiser les opérations de manière à ce que les conteneurs soient sans cesse en mouvement et passent le moins de temps possible immobiles sur le site.
31Cette situation a des implications politiques notables au niveau domestique : déléguer le pouvoir de l’État sur les opérations portuaires (y compris sur la main-d’œuvre) à une entreprise multinationale revient ici à transposer les normes internationales dans un projet national. De telles permutations politico-économiques sont évidentes dans les dispositions sécuritaires imposées par les dirigeants de Meridian. La mise en œuvre de ces dispositions, dérivées du code ISPS (International Ship and Port Facility Security) de l’Organisation maritime internationale conçue dans l’après-11 septembre pour combattre le terrorisme maritime, permet d’atteindre d’autres objectifs. Grâce à une série de mesures concernant la clôture du périmètre, l’identification des employés, l’évaluation des risques, la certification sécuritaire et la surveillance constante du site, l’application du code ISPS par Meridian restreint sévèrement l’accès à la zone du terminal. En mêlant impératifs sécuritaires et logique bureaucratique, le code est fondé sur le concept de tri social [35] et sert à distinguer les employés des visiteurs, les personnels ayant un accès temporaire de ceux ayant un accès permanent, et les civils du personnel de sécurité. Présenté comme non-négociable, le code ISPS confère aussi à MPS une autorité équivalente, si ce n’est supérieure, à celle, définie par décret étatique, exercée par la GPHA dans la zone du terminal.
32La mise en œuvre du code par Meridian, de plus, étend le domaine sécuritaire jusqu’à inclure plus généralement le domaine de la sûreté. Tout en incluant des dispositions aussi simples que le port permanent du casque et d’une veste réfléchissante, le code de sécurité de Meridian autorise aussi la direction à opérer des tests de dépistage de drogue sur ses employés. Le fait de créer une ambiance d’hyper-vigilance et le contrôle permanent des conventions d’opération des machines et véhicules, de la vitesse à laquelle un chauffeur de camion conduit, des lieux où le personnel marche, s’assoit ou socialise, fournissent aussi à la direction de multiples opportunités de surveiller les employés et d’infliger des sanctions. Dans ce contexte, l’impératif mondial de sécurité post-millénaire reprend la logique martiale de maintien de l’ordre autrefois si chère à l’État colonial [36]. Mises en place non pas par l’État mais par des organes de gouvernance privés, ces dispositions sécuritaires permettent à des acteurs extérieurs de s’affirmer vis?à?vis de l’État et des citoyens en même temps qu’elles légitiment les interventions des sociétés multinationales au niveau mondial.
33Le modus operandi hautement technocratique de Meridian a clairement redessiné les hiérarchies politiques établies, comme le soulignent les récits de conflits entre les fonctionnaires des douanes ghanéennes et les représentants de Meridian. Se fondant sur le mandat établi sous l’ère coloniale, le service des douanes ghanéennes a longtemps maintenu une présence active dans le port, même au temps où les capacités et le statut de l’autorité portuaire étaient en pleine déliquescence [37]. Bien que les douanes demeurent un acteur majeur à Tema, l’expansion du porta remis en cause l’ordre établi, faisant des douanes un simple acteur de l’« économie de services » du port et limitant leurs prétentions au pouvoir. Signe de l’exclusion des douanes hors de leurs domaines d’intervention traditionnels, elles n’ont, à leur grand dam, pas de bureau dans les nouveaux locaux de MPS, alors qu’elles pouvaient par le passé être à tout moment présentes en tout point du port. Dans la mesure où les opérations de débarquement et d’embarquement de conteneurs prennent toutes place dans le terminal de MPS, les douanes sont contraintes par les procédures de la firme, et jouissent de peu de liberté de manœuvre. Selon les rumeurs, MPS rejette habituellement les requêtes des douanes de déplacement des biens pour inspection par elles-mêmes ou par les autres organes étatiques qu’elles représentent. En n’accédant pas aux demandes et plaintes des douanes et en s’en remettant tacitement à MPS, la GPHA revendique indirectement la possession des locaux du port et affirme sa position dominante dans la hiérarchie des acteurs portuaires.
34La redistribution du pouvoir au sein du port de Tema induite par l’installation d’un nouveau terminal à conteneurs géré par un organe multinational et privatisé est plus frappante encore en ce qui concerne la main-d’œuvre, particulièrement dans le secteur de la manutention. Contrairement au conflit concernant les privilèges des douanes, où la GPHA est demeurée passive, le contentieux à propos des droits à la manutention a déclenché un conflit que la GPHA n’a pas pu esquiver. Alors que la situation devenait critique à l’automne 2008, puis de nouveau à l’été 2009, Meridian, avec le soutien de la GPHA, a tenté de faire appliquer ses droits contractuels à « prendre en charge la manutention des navires transportant plus de 50 conteneurs et accostant en tout point du port de Tema [38] ». Alors que Meridian n’avait appliqué cette règle qu’à son quai depuis le début de ses opérations en 2007, la décision récente de faire appliquer ses droits contractuels lui a donné un accès presque exclusif au reste du port.
35Parce que les porte-conteneurs qui accostent à Tema transportent en moyenne 2 000 à 3 000 EVP et que très peu transportent moins de 50 EVP, seule une quantité très limitée de fret non-conteneurisé est exempte du monopole de Meridian. D’autre part, cette portion du trafic de Tema devait être partagée entre les neuf autres compagnies de manutention du port, toutes tenues de payer 25 % de frais bruts de manipulation à la GPHA et qui, de façon ironique, ont été formellement reconnues et ont obtenu une licence de la GPHA dans le même élan de privatisation qui a permis la formation du consortium MPS. En accord avec ses membres fortement mobilisés contre une menace commune, l’Association ghanéenne des compagnies de manutention (Ghana Association of Stevedoring Companies) a violemment rejeté les prétentions de Meridian/GPHA et, s’appuyant sur son statut légal, a déposé une requête en injonction contre les deux firmes. Incapable d’apaiser les demandes des manutentionnaires, la GPHA a repoussé l’application des droits de Meridian au début de l’année suivante. Cette décision n’a fait qu’envenimer les choses et quelques mois plus tard, le conflit avec la direction se transformait en un conflit entre les employés et le syndicat des dockers, dont l’issue reste à déterminer.
Les paradoxes de la privatisation des ports
36La multinationalisation du commerce de conteneurs, si elle transforme le port de Tema de multiples manières (gestionnaire, spatiale, politique, idéologique et financière), est également source de paradoxes, comme le montre le nombre croissant de terminaux dits off-dock, c’est-à-dire installés hors du territoire officiel du port. Appliquant l’automatisation à grande vitesse, l’efficacité gestionnaire et la standardisation internationale, la gestion par Meridian du trafic de conteneurs est un modèle de modernisation portuaire à Tema. Mais le fonctionnement même du port à conteneurs de MPS est profondément dépendant du nombre croissant de terminaux off-dock, installés graduellement à Tema depuis 2001. Implantées en bordure des aménagements résidentiels et commerciaux de la commune de Tema, ces installations off-dock sont situées à la limite terrestre du port, sur une bande de territoire jusqu’alors non-utilisée. Tandis que la réforme du port intérieur est basée sur les notions de mobilité et de déplacement rapide et largement mécanisé des conteneurs, les zones off-dock fonctionnent comme d’immenses dépôts où les conteneurs peuvent être entreposés jusqu’à ce qu’ils soient dédouanés et transportés hors du port.
37La sortie du fret du port requiert une inspection des douanes, le paiement de droits et de toutes sortes de frais (des salaires des agents transitaires aux frais de transport, de transfert, de manutention et de sécurité), ainsi que la réunion des documents et permis nécessaires et l’organisation du transport hors du port. C’est généralement un processus long qui peut prendre des semaines voire des mois. Tandis que le trafic commercial du Ghana ne cesse de croître, il en est de même des besoins en dépôts de conteneurs, ce qui met au premier plan l’espace périphérique du port mais aussi les profits qui peuvent être tirés de la manutention et de l’entreposage des conteneurs. À l’inverse de la tendance à compresser le temps et les mouvements sur le quai à conteneurs de Meridian, l’extension du temps et l’occupation prolongée de l’espace sont des sources de valeur dans les zones off-dock. En dépit de la frustration engendrée auprès de la clientèle commerciale par ces conditions et délais, ces zones représentent une opportunité d’investissement lucratif qui n’a échappé ni aux investisseurs privés ni à l’autorité portuaire. Fournissant un terrain fertile pour toute une gamme de contrats et de concessions portuaires, les terminaux off-dock de Tema stimulent une interaction improbable entre les intérêts de l’État et ceux des multinationales, avec des résultats inattendus.
38Les cinq concessions de terminaux off-dock de Tema sont partagées entre trois entités principales : Golden Jubilee Terminal (GJT), Tema Container Terminal (TCT), et Safebond. TCT fut fondé en 2001 par la firme ghanéenne Antrak, conjointement avec Delmas, compagnie internationale de fret basée en Afrique depuis longtemps. TCT fut le premier dépôt off-dock de Tema et devait initialement être affecté à l’entreposage des conteneurs vides. En l’espace de quelques années, les opérations de TCT furent reprises par la maison-mère de Delmas, Bolloré, tandis qu’Antrak renonçait à ce marché pour se tourner vers le transport aérien. Quand Delmas fut vendue à la puissante compagnie de fret CMA-CGM en 2005, TCT resta sous le drapeau de Bolloré en prévision du développement par la firme du terminal MPS. Suivant le principe des services logistiques intermodaux « de porte à porte » promu par Bolloré et AP?M/Maersk, l’association étroite entre les deux firmes au sein du projet Meridian a créé une situation d’accès préférentiel de TCT au fret transporté par les navires et expéditeurs de Maersk. Cette division du travail entre multinationales partenaires fournit la base des activités du terminal TCT. De plus, grâce à son appartenance à un consortium multinational étendu, TCT peut proposer des droits de dédouanement et autres frais relativement bas par rapport à ceux pratiqués par les opérateurs voisins [39].
39Mettant à mal l’idée selon laquelle TCT est un acteur privilégié du port grâce à ses liens multinationaux, ses fondations financières et son statut de « premier venu », sa tentative d’ascension est largement compromise par les autres firmes de la place, dont aucune ne peut pourtant se prévaloir de la même dotation multinationale. TCT fait ainsi face à une concurrence sérieuse de la part du nouveau GJT de Tema, ouvert en mars 2007 au moment du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la nation. Filiale de GPHA, GJT est un terminal étatique sous des dehors de terminal privé : bien qu’appartenant à l’État, il est à cheval sur la division public/privé et présente les mêmes caractéristiques que beaucoup de firmes privées du même type. GJT fut par exemple l’objet d’un investissement de Barclays de 15 millions de dollars [40]. Un certain nombre de positions au sein de sa direction sont occupées par des expatriés qui ont une expérience considérable du fonctionnement des terminaux privés. Le personnel passe aisément de la GPHA à GJT. Comme le port de Tema à l’âge d’or de Nkrumah, GJT aspire à un mélange symbolique d’infrastructures et de nationalisme et son fondement étatique est indéniable. Non seulement son nom commémore un tournant dans l’histoire de la nation, mais la cérémonie d’inauguration de GJT fut présidée par le président de l’époque, John Kufuor, ajoutant ainsi à son lustre national. Signe encore plus important du privilège national de GJT sur le front des affaires, le service des douanes du Ghana (parfois rival, parfois allié de la GPHA dans la gouvernance du port) a, au grand dam de TCT, décrété que les conteneurs de véhicules arrivant au Ghana devaient être manipulés uniquement par GJT, en plus du fret habituellement géré par le terminal. Les conteneurs de voitures étant à la fois nombreux et de valeur et tonnage élevés, cette décision, parmi d’autres, a sérieusement réduit le trafic de TCT.
40Le port de Tema au Ghana fournit un exemple frappant de la persistance de l’État développementaliste dans le contexte du tournant néolibéral mondial. Promoteur de l’expansion et de l’accélération du commerce transfrontalier et transocéanique, de la consolidation des multinationales et de la popularisation du capital financier, le climat politico?économique néolibéral a des répercussions considérables sur la forme et la fonction des ports du monde entier. Au Ghana, étant donné le lien historique fort entre le port de Tema et la formation de la nation, ces mouvements contribuent directement à la revitalisation des ports et des couloirs maritimes et promeuvent l’ascension des autorités portuaires dans la hiérarchie de l’administration étatique. Tema est ici un exemple incontestable de la façon dont les contours instables du capital renouvellent les institutions étatiques et l’autorité régulatrice plutôt qu’ils ne les sapent.
41Du fait de l’importance du port de Tema pour l’économie régionale et de l’adoption par le Ghana de réformes pro-capitalistes, sans parler des origines historiques de Tema comme site d’innovation infrastructurelle et économique pendant la décolonisation, le gouvernement du Ghana, par le biais de la GPHA, s’est pleinement investi dans la réhabilitation du port. Sur cette frontière maritime, le marché et l’État sont plus en symbiose qu’en rivalité. Cela est dû au double impératif, important pour tout port de commerce [41], de maintenir l’ordre et de garantir les flux, ainsi qu’à la tendance des firmes multinationales à sous?traiter le risque tout en ne cessant d’étendre leur autorité.
42À Tema, la GPHA, institution étatique emblématique dans la zone maritime, s’autonomise plutôt qu’elle ne se privatise comme c’est communément le cas dans les ports du continent et du monde. Sur le devant de la scène portuaire, la GPHA a acquis une certaine indépendance vis-à-vis d’autres organes de gouvernance, à la fois dans ses opérations et dans l’élaboration de ses projets. En aucun cas isolée, la GPHA s’aligne étroitement sur les experts et les standards mondiaux, comme on l’a vu dans sa relation avec la Jica. À l’interface du national et de l’extranational, du public et du privé, l’autorité portuaire exprime un juste milieu historique, mixant les options développementalistes du passé et du futur. « Bras armé » de l’État développementaliste en lien avec ses soutiens financiers, la GPHA repose à la fois sur de nouvelles formes de finance privée et d’anciennes formes d’aide liées aux prêts multilatéraux. Bien que maintenant sa dépendance, la dotation diversifiée de Tema contribue paradoxalement à l’autonomisation de l’administration portuaire. Comme on l’a démontré pour les partenariats de la GPHA avec des multinationales telles que AP-Møller/Maersk et Bolloré, ces arrangements public/privé accroissent l’autorité des organes de gouvernance du port tout en améliorant les capacités et les infrastructures du secteur. En « disciplinant » la main-d’œuvre ou en contrôlant la valorisation du temps et de l’espace, les alliances multinationales complètent et accroissent en fait le pouvoir effectif de l’État [42].
43Dans le cadre du port, les privilèges d’institutions étatiques telles que la GPHA servent bien leurs intérêts en leur donnant une liberté de manœuvre régulatrice et la possibilité d’appliquer ou de changer les règles du jeu. Dans ces conditions, de nouvelles modalités de gouvernance sont mises au jour, comme le montre le remplacement de facto de la législation par des accords contractuels [43]. À l’inverse des accords de concession privée qui cèdent les ressources de l’État national, que ce soit par l’établissement formel de zones franches d’exportation ou par la cession de concessions d’exploitation de ressources naturelles (la première donnant la priorité aux intérêts des entreprises, la seconde à l’autorité politique privatisée [44]), au Ghana, le développement de la zone portuaire et les arrangements étatiques qui émergent en parallèle continuent à participer de la reproduction d’un appareil étatique nationalisé. Tandis que le port et son corps dirigeant sont à la fois intégrés à l’entité politique nationale et séparés de celle-ci, les configurations politico-économiques de la frontière maritime sont sur le point de suivre leur propre trajectoire de développement, tout en affectant d’autres sites et domaines de la gouvernance nationale.
Notes
-
[1]
Ministère ghanéen de l’information, Ghana’s New Town and Harbour: Tema. Londres, Newman Neame Ltd., 1961.
-
[2]
D. Hilling, « The Evolution of the Major Ports of West Africa », The Geographical Journal, vol. 35, 1969, p. 366.
-
[3]
E. R. Wolf, Europe and the People without History, Berkeley, University of California Press, 1982.
-
[4]
J. Parker, Making the Town: Ga State and Society in Early Colonial Accra, Portsmouth, Heinemann, 2000, p. 10.
-
[5]
D. Hilling, « The Evolution of… », art. cit., p. 372 ; C. C. Robertson, Sharing the Same Bowl? A Socioeconomic History of Women and Class in Accra, Ghana, Bloomington, Indiana University Press, 1984.
-
[6]
C. Leubuscher, The West African Shipping Trade, 1909-1959, Leyden, A. W. Sythoff, 1963, p. 73.
-
[7]
D. Hilling, « The Evolution of… », art. cit., p. 375.
-
[8]
Ibid., p. 374 et 377.
-
[9]
Ministère ghanéen de l’information, Ghana’s New Town and Harbour: Tema. Londres, Newman Neame Ltd., 1961, p. 6.
-
[10]
J. C. Scott, Seeing like a State: How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998.
-
[11]
I. Agyeman-Duah, An Economic History of Ghana: Reflections on a Half Century of Progress, Oxfordshire, Ayebia Clark, 2008, p. 55 ; T. Makandawire, « Thinking about Developmental States in Africa », communication présentée au United Nations University Public Forum, « African Development in the 21st Century », Tokyo, 16 octobre 1998, p. 3, disponible sur http://www.unu.edu.
-
[12]
D. Tresselt, The West African Shipping Range, New York, United Nations, 1967, p. 52.
-
[13]
Du nom de la compagnie maritime créée en 1919 par Marcus Garvey, précurseur du panafricanisme.
-
[14]
D. Tresselt, The West African…, op. cit., p. 47 ; O. C. Iheduru, The Political Economy of International Shipping in Developing Countries, Cranbury, University of Delaware Press, 1996, p. 197-199.
-
[15]
O. C. Iheduru, The Political Economy…, op. cit., p. 197.
-
[16]
D. Hilling, « The Evolution of… », art. cit., p. 375.
-
[17]
L’équivalent vingt pieds ou EVP (en anglais, twenty-foot equivalent unit : TEU) est une unité de mesure de conteneur. Il désigne un conteneur de 20 pieds de long, soit d’environ 30 mètres cubes. Les classements varient dans la mesure où les chiffres de la Review of Maritime Transport changent d’une année à l’autre, même rétrospectivement. Dans le rapport 2008, le Ghana est au coude-à-coude avec ses principaux concurrents, la Côte d’Ivoire et le Kenya, qui ont chacun traité un peu plus d’un demi-million d’EVP en 2007.
-
[18]
Le commerce par conteneurs a par exemple connu une croissance annuelle de 10 % depuis 1990 et on prévoit un doublement du volume d’échange actuel d’ici 2016. Voir UNCTAD Secretariat, Review of Maritime Transport 2009, New York/Genève, United Nations, 2009, p. 25.
-
[19]
B. G. Soulé, « L’impact de la crise ivoirienne sur le commerce régional », Politique africaine, n° 89, mars 2003, p. 102-111.
-
[20]
En ce qui concerne le secteur agricole, voir B. Chalfin, « Market Reforms and the State: The Case of Shea in Ghana », Journal of Modern African Studies, vol. 34, n° 3, 1996, p. 421-439. Sur les autorités fiscales, consulter B. Chalfin, On the Borders of Sovereignty: Working the Neoliberal Frontier in West Africa, Chicago, University of Chicago Press, 2010 (à paraître) ; G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan, Everyday Corruption and the State: Citizens and Public Officials in Africa, Londres, Zed Books, 2006. En évitant la tendance actuelle qui consiste à décrire les processus étatiques en Afrique comme intrinsèquement anormaux, ces travaux abordent les interactions entre les modèles de privatisation étatique imposés de l’extérieur et ceux qui sont motivés de l’intérieur, faisant ainsi écho au cas de Tema.
-
[21]
B. Hibou (dir.), Privatising the State, Londres/New York, Hurst/Columbia University Press, 2004.
-
[22]
Concernant les formes de gestion portuaire, on distingue les fonctions « industrielles et commerciales » (manutention, stockage, etc.) de celles d’« autorité portuaire », qui comprennent l’exercice de missions régaliennes (police, sécurité, etc.), de régulation et de propriétaire foncier ou d’infrastructure. Lorsque les fonctions assumées par l’autorité portuaire se limitent à ce deuxième ensemble, on parle de port propriétaire (par opposition aux ports opérateurs qui cumulent les deux types de fonctions). Voir Institut des Sciences et des Techniques de l’Équipement et de l’Environnement pour le Développement, Partenariats public-privé portuaires dans les pays en développement. Analyse, partage et gestion des risques, La Défense, ISTED, 2009, disponible sur http://www.isted.com.
-
[23]
« Ghana Ports & Harbours Authority (GPHA). Interview with K. D. Boateng », World Investment News, 3 septembre 1999, disponible sur http://www.winne.com.
-
[24]
L. M. van der Lugt et P. W. de Langen, « Port Authority Strategy: Beyond the Landlord. A Conceptual Approach », communication au meeting de l’International Association for Maritime Economists, Athènes, juillet 2007, p. 4, disponible sur http://www.porteconomics.nl.
-
[25]
P. Turnbull, Social Dialogue in the Process of Structural Adjustments and Private Sector Participation in Ports: A Practical Guidance Manual, Genève, Bureau international du travail, 2006, disponible sur http://www.ilo.org.
-
[26]
L. M. van der Lugt et P. W. de Langen, « Port Authority… », art. cit.
-
[27]
E. Donkor, « Port of Tema: Towards a Landlord Port Status », The Statesman Online, 31 mars 2007.
-
[28]
Voir A. Ong, Neoliberalism as Exception: Mutations in Citizenship and Sovereignty, Durham, Duke University Press, 2006.
-
[29]
Sur la question des fondements historiques des économies de concession en Afrique, voir B. Hibou, « From Privatising the Economy to Privatising the State », in B. Hibou (dir.), Privatising the State, op. cit., p. 1-46.
-
[30]
M. R. Brooks, « The Governance Structure of Ports », Review of Network Economics, vol. 3, n° 2, 2004, p. 168-183.
-
[31]
UNCTAD Secretariat, Review of Maritime…, op. cit., p. 99.
-
[32]
T. Callaghy, « Africa in the World Political Economy », in J. W. Harbeson et D. S. Rothchild (dir.), Africa in World Politics. Reforming Political Order, Boulder, Westview Press, 2009, p. 39-71.
-
[33]
UNCTAD Secretariat, Review of Maritime…, op. cit., p. 97-99.
-
[34]
T. Deltombe, « Les guerres africaines de Vincent Bolloré », Le Monde diplomatique, avril 2009, p. 1 et 16-17.
-
[35]
D. Lyon, Surveillance as Social Sorting. Privacy, Risk, and Digital Discrimination, Londres, Routledge, 2003.
-
[36]
D. Killingray, « Securing the British Empire. Policing and Colonial Order, 1920-1960 », in M. Mazower (dir.), The Policing of Politics in the Twentieth Century. Historical Perspectives, Oxford, Berghahn, 1997, p. 167-190.
-
[37]
B. Chalfin, On the Borders…, op. cit.
-
[38]
« GPHA Asks Court to Throw out GASCO’s Application », Ghanaweb.com, 28 octobre 2008.
-
[39]
TCT, qui manipule environ 40 000 EVP par an, calcule ses tarifs sur la base d’un prix par conteneur, et non d’un prix par tonne (plus élevé) comme le font ses concurrents.
-
[40]
« Ghana Opens Container Terminal at Tema Port », Jctrans.net, 11 avril 2007.
-
[41]
K. Polanyi, « Ports of Trade in Early Societies », The Journal of Economic History, vol. 23, n° 1, 1963, p. 30-45.
-
[42]
Ce constat illustre bien ce que Mbembe et Hibou appellent la privatisation de la souveraineté. Voir A. Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, notamment son chapitre « Du gouvernement privé indirect », p. 95-138. ; B. Hibou (dir.), Privatising the State, op. cit.
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[43]
Comme on l’a montré dans le cas de la main-d’œuvre du port, et de même que d’autres formes de gouvernement privé indirect initiées par l’intervention internationale, ces arrangements donnent naissance à de nouveaux modes de coercition. Voir A. Mbembe, De la postcolonie…, op. cit.
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[44]
Sur la première, voir A. Ong, Neoliberalism as Exception…, op. cit. Sur la seconde, voir W. Reno, Warlord Politics and African States, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 1998.