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Article de revue

Les élections de 2009 au Malawi

L'emprise partisane au défi des candidatures indépendantes

Pages 197 à 210

Notes

  • [1]
    Pays d’Afrique australe peu étendu (environ 118000 km2) et densément peuplé (près de 13,5 millions d’habitants), le Malawi est classé parmi les « pays les moins avancés » et dépend encore largement de son agriculture. Ce secteur représente 40 % du produit intérieur brut et plus de 90 % des recettes d’exportation.
  • [2]
    Les premières élections multipartistes se sont déroulées en juin 1994. Elles sont alors remportées par Bakili Muluzi, de l’United Democratic Front (UDF), face au Président sortant, en place depuis l’Indépendance en 1964, Hastings K. Banda, du Malawi Congress Party (MCP). Bakili Muluzi fut réélu en 1999. En 2004, sa succession est assurée par Bingu wa Mutharika, élu sous la bannière de l’UDF.
  • [3]
    Le MCP est l’ancien parti unique, conduit par Hastings K. Banda. John Tembo a été l’homme fort des vingt dernières années de la présidence Banda. Il fut notamment le gouverneur de la Banque Centrale du Malawi pendant treize ans.
  • [4]
    L’UDF est créé en 1993, après l’ouverture au multipartisme, par Bakili Muluzi, un ancien membre du parti unique.
  • [5]
    Plusieurs organisations internationales ont dénoncé la partialité des médias, notamment gouvernementaux, en faveur du parti au pouvoir, le DPP, et de son candidat, le Président Bingu wa Mutharika. Voir EU EOM Malawi 2009, Preliminary Statement, Blantyre, 21 mai 2009, http://www.eueommalawi.org/PDF/EU%20EOM%20Malawi%20statement.pdf.
  • [6]
    E. H. O. Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire, Paris, Publibook, 2006, p. 91.
  • [7]
    Voir notamment M. Basedau, G. Erdmann et A. Mehler (dir.), Votes, Money and Violence. Political Parties and Elections in Sub-Saharan Africa, Uppsala/Scottsville, Nordiska Afrikainstitutet/KwaZulu-Natal Press, 2007 ; K. Smiddy et N. van de Walle, « Partis politiques et systèmes de partis dans les démocraties non libérales africaines », L’Afrique politique 2000, Paris, Karthala, 2000, p. 41-57.
  • [8]
    Gouvernement du Malawi, Registrar of Political Parties, Lilongwe, Malawi Electoral Commission, juin 2008.
  • [9]
    Sur l’intérêt d’une analyse des partis politiques en Afrique, voir M. Gazibo, « Pour une réhabilitation de l’analyse des partis en Afrique », Politique africaine, n° 104, 2006, p. 5-17 ; M. Mérino, « L’emprise partisane au Kenya : regard sur deux campagnes électorales locales (novembre 2001 et décembre 2002) », Critique internationale, n° 30, 2006, p. 177-189.
  • [10]
    Ce terrain a été réalisé dans le cadre d’une participation, en tant qu’observateur en région Centre, à la Mission d’observation électorale de l’Union européenne au Malawi en avril-mai 2009, et avec le soutien de l’Institut français d’Afrique du Sud.
  • [11]
    Le scrutin présidentiel comptait initialement huit candidats. Cependant, Bakili Muluzi, candidat de l’UDF qui avait été Président du pays durant deux mandats, de 1994 à 2004, a été interdit de se présenter aux élections le 20 mars 2009 par la Commission électorale. Cette décision a été motivée par le texte de la Constitution qui limite à deux mandats l’exercice de la présidence. Son appel a été rejeté par la Cour constitutionnelle le 7 avril, l’obligeant à un rapprochement historique avec le leader de l’ancien parti unique, John Tembo (du MCP).
  • [12]
    La Commission électorale a inscrit 5,9 millions d’électeurs pour ce scrutin.
  • [13]
    La lutte contre la corruption qu’il a engagée après son accession au pouvoir et qui a touché de hauts dignitaires, notamment de l’UDF, a été présentée par les médias comme l’un des motifs de cette tentative d’assassinat.
  • [14]
    Depuis lors, les tensions entre le DPP et l’UDF sont telles que le président Mutharika a été confronté à deux procédures d’impeachment. Il se retrouve dans une réelle incapacité à gouverner, ce qui l’a conduit à ne convoquer le Parlement qu’une seule fois par an au cours des deux dernières années, pour le vote du budget.
  • [15]
    Entretiens avec Bofina Makina, candidate de la Narc, Lilongwe, 21 avril 2009 et Anderson M. Mwale, candidat du DPP, Lilongwe, 29 avril 2009.
  • [16]
    Perdant des primaires du MCP en janvier 2009. Entretien avec Zombolana K. Chakhwantha, Lilongwe, 5 mai 2009.
  • [17]
    Entretien avec Joe Magowa, Lilongwe, le 5 mai 2009.
  • [18]
    La nomination a été accordée à Hector D. Mlomo, député sortant, après des primaires houleuses. Fort du soutien d’une partie des militants de la section locale du MCP, Batson B. Mwambakulu a décidé de se présenter aux élections législatives. Entretien avec Batson B. Mwambakulu, Lilongwe, le 23 avril 2009.
  • [19]
    Entretien avec Elias W. Kamanga, directeur national de campagne du DPP, Lilongwe, 27 avril 2009.
  • [20]
    Entretien avec Rosemary Lapukeni, Mchinji, 22 avril 2009.
  • [21]
    M. Ott, B. Immink, B. Mhango et C. Peters-Berries, The Power of the Vote. Malawi’s 2004 Parliamentary and Presidential Elections, Zomba, Kachere Series, 2005, p. 307.
  • [22]
    Plusieurs figures de l’UDF, parmi lesquelles George N. Mtafu (Likoma Islands), Berson Lijenda (Zomba Ntonya), Clement Stambuli (Nkhotakota Central) et Leonard Mangulama (Zomba Chingale), ont ainsi perdu leur siège au Parlement,
  • [23]
    Entretien avec Elizabeth Lamba, Lilongwe, 27 avril 2009.
  • [24]
    Entretiens avec A. Y. et A. D., membres de la Commission électorale en région Centre, Lilongwe, 20 avril 2009.
  • [25]
    « CZ independent MP joins DPP », The Daily Times, 25 mai 2009.
  • [26]
    Entretien avec Dick D. Msola, Mchinji, le 6 mai 2009.
  • [27]
    « Independents cling to party colours, symbols », The Nation, 16 avril 2009.
  • [28]
    Observations personnelles réalisées fin avril 2009.
  • [29]
    Dans chaque district du pays, un Multiparty Liaison Committee est habilité à recevoir les plaintes des candidats. Ce comité est composé de représentants des partis politiques, de membres de la commission électorale, de la police et des autorités traditionnelles.
  • [30]
    Plusieurs candidats indépendants reconnaissent utiliser cette technique électorale comme Chikondi Nkhoma à Lilongwe City Centre et Madalitso Kapalamula-Banda à Lilongwe North East. Entretiens réalisés à Lilongwe, 25 et 28 avril 2009.
  • [31]
    Communication personnelle d’observateurs de l’Union européenne en région Sud en mai 2009.
  • [32]
    Observations réalisées lors des meetings d’Elizabeth Lamba et de Lyson Milazi à Lilongwe City West, d’Emmanuel E. Mwale à Lilongwe East, de Chikondi Nkhoma à Lilongwe City Centre, Philip Kadwa à Mchinji South West et Wickford Kingsley Sulamoyo à Mchinji North.
  • [33]
    La modernisation agricole et le développement de l’exploitation minière, notamment de l’uranium, ont permis une croissance économique soutenue (8 points en 2008). Surtout, les exportations vers la Chine, de produits miniers principalement, ont rapporté plus de 70 millions de dollars en devises et ont permis au pays de se lancer dans un vaste programme de modernisation de ses infrastructures.
  • [34]
    Dans le cadre du système de l’Indirect Rule mis en place dans les années 1930 par la puissance coloniale britannique, des tribunaux traditionnels, conduits par des chefs traditionnels, ont été autorisés à appliquer la loi coutumière dans certains domaines lorsque les parties à l’affaire étaient strictement africaines. Maintenues après l’Indépendance, ces autorités ont pu être instrumentalisées par le pouvoir du président Banda, tandis que leur domaine de compétence a été progressivement réduit. Voir à ce sujet, B. Preston, Traditional Authority and Democratic Governance in Malawi, National Democratic Institute for International Affairs, Washington, 1995. Ces autorités correspondent désormais à des circonscriptions administratives, tandis que leur compétence judiciaire est limitée à certaines affaires foncières.
  • [35]
    « Should traditional leaders campaign? », The Nation, 13 mai 2009.
  • [36]
    Le district de Lilongwe compte 22 autorités traditionnelles réparties sur une quinzaine de circonscriptions administratives.
  • [37]
    Entretien avec Ndala Chimuntu, Balang’ombe village, 28 avril 2009.
  • [38]
    Observations personnelles, 29 avril 2009.
  • [39]
    Entretien avec les autorités traditionnelles de Msozi North, 25 avril 2009.
  • [40]
    F. Sawicki, « La marge de manœuvre des candidats par rapport aux partis dans les campagnes électorales », Pouvoirs, n° 63, 1992, p. 16.
  • [41]
    Entretien avec James M. Nyondo, Lilongwe, 27 avril 2009.
  • [42]
    Billy Kaunda a été nommé vice-ministre des Sports et de la Jeunesse le 15 juin 2009.
  • [43]
    « Mutharika welcomes Independents », The Nation, 28 mai 2009.
  • [44]
    « MPs’ exodus to DPP bad for Malawi », The Daily Times, 28 mai 2009.
  • [45]
    « Independents flock to DPP », The Nation, 25 mai 2009.
  • [46]
    « Blantyre independent MP joins DPP », The Daily Times, 25 mai 2009.
  • [47]
    J. Lagroye, avec B. François et F. Sawicki, Sociologie politique, Paris, Presses de Science Po, 2002, p. 231.
  • [48]
    M. Gazibo, « Pour une réhabilitation de l’analyse des partis en Afrique », art. cit., p. 10.

1Le 19 mai 2009, le Malawi, l’un des pays les plus pauvres d’Afrique [1], a connu ses quatrièmes élections multipartistes depuis 1994 [2]. Le président de la République, Bingu wa Mutharika, du Democratic People’s Party (DPP), a été réélu pour un deuxième mandat avec 66,2 % des suffrages, contre 30,5 % pour John Tembo, soutenu par le Malawi Congress Party (MCP) [3] et l’United Democratic Front (UDF) conduit par Bakili Muluzi [4]. Si les observateurs nationaux et internationaux ont souligné un taux de participation élevé (78%) et le bon déroulement du scrutin malgré « quelques imperfections » [5], ces élections présidentielle et parlementaires traduisent une évolution de l’offre politique et du système partisan dans le Malawi d’aujourd’hui. La multiplication des candidatures indépendantes, c’est-à-dire sans étiquette partisane, constatée lors de ces scrutins remet en effet en cause le monopole censément détenu par les partis politiques sur l’accès aux fonctions électives comme sur la sélection et la promotion des candidats. Cette dynamique interroge dès lors l’emprise partisane qui aurait rendu les partis « incontournables dans l’organisation de la contestation du pouvoir et dans la conquête des postes politiques [6] ».

2Sur la base d’une approche exclusivement stratégiste, cette fragilité de l’emprise partisane en Afrique ne serait pas nouvelle. Les systèmes de partis africains souffriraient en effet d’une série de maux et d’insuffisances par rapport aux idéaux-type occidentaux [7]. L’observateur profane reproche ainsi souvent aux partis africains leur profusion, qui serait expliquée par la nature prédominante de ces partis, celle de machine électorale au service d’une personnalité fondatrice. L’absence supposée de distinctions idéologiques et programmatiques entre partis, ainsi que la transhumance partisane du personnel politique au gré de leurs intérêts personnels, en seraient autant de manifestations. À partir de cette grille de lecture, le système de partis malawien ne ferait pas exception. La multiplication du nombre de partis politiques au Malawi – le pays en compte 40 officiellement inscrits [8] – s’accompagne d’une volatilité importante du personnel politique, voyant de nombreux élus et leaders politiques issus de l’UDF et du MCP rejoindre le parti présidentiel, le DPP, depuis sa création en 2005. Par ailleurs, la défaite de l’alliance MCP-UDF face au parti au pouvoir en 2009 a été interprétée comme résultant de son incapacité à offrir un programme politique national réellement distinct du DPP. Surtout, le nombre important de candidats indépendants présents pour le scrutin parlementaire (41 % des candidats contre seulement 2 % en 1994), témoignerait de la contestation du monopole des partis sur la compétition électorale.

3Sans revenir sur les limites d’une telle analyse, dont la référence est un modèle occidental idéalisé [9], il semble qu’une approche davantage circonstanciée, fondée notamment sur un premier travail de terrain au Malawi réalisé au printemps 2009 lors de la campagne électorale [10], permette de mieux saisir les modalités évolutives de l’emprise partisane au Malawi. L’objectif de ce travail réside dès lors dans la présentation de premiers éléments de réflexion, sans prétention exhaustive, sur la capacité des partis malawiens à clore le champ électoral, alors que d’autres acteurs ébranlent ce monopole. Plus que de la faillite de l’emprise partisane, c’est bien de son renouvellement dont il est question.

4L’oligarchie partisane et le faible renouvellement des élites depuis 1994 peuvent en effet encourager les candidats à contourner temporairement le système partisan pour accéder aux fonctions électives et à se présenter sans étiquette. Pour autant, ces candidatures indépendantes ne semblent pas en mesure de fragiliser l’emprise partisane : leur genèse reste étroitement liée aux partis, et leur carrière déterminée par leur capacité à se référer au modèle partisan.

Une emprise partisane fragilisée ?

5La densification de la scène partisane, qui se traduit par la multiplication du nombre de partis et de candidatures aux fonctions électives, et l’automne électoral subi par les partis historiques au profit de nouvelles formations politiques, dans un contexte de participation électorale soutenue, sont autant de phénomènes qui attestent de la vitalité de la scène politique malawienne quinze ans après le passage au multipartisme. Pour autant, les dynamiques à l’œuvre interrogent fortement l’emprise partisane. En effet, la domination électorale acquise par les personnalités historiques et les formations qu’elles conduisent semblerait encourager le développement de candidatures aux fonctions électives en dehors du système de partis.

Nouveaux partis, « vieux » candidats

6Jusqu’en 2005, la scène partisane et électorale malawienne est monopolisée par trois groupes : le MCP, l’UDF et l’Alliance For Democracy (Aford). L’emprise partisane est alors aisément quantifiable : en l’absence d’appartenance à l’une de ces structures, aucun accès aux fonctions électives n’est envisageable. Ainsi, en 1999, 98% des députés de l’Assemblée nationale sont affiliés à l’une de ces trois formations. Décidant en dernier ressort des investitures, ces partis « historiques » ont développé une emprise forte sur leurs membres. Des luttes internes, aboutissant dans certains cas à une factionnalisation des partis, sont une conséquence de cette concentration.

7Pour autant, cette dynamique oligarchique ne doit pas conduire à occulter le processus à l’œuvre de densification de la scène partisane, qui interroge la domination électorale acquise par les partis historiques. Cette densification se traduit par la multiplication des choix partisans offerts aux citoyens lors des compétitions électorales. Si huit partis étaient en compétition en 1994, on en comptait dix-neuf lors du dernier scrutin législatif. Concernant l’élection présidentielle, l’électeur avait le choix entre sept candidats, contre quatre candidats seulement en 1994. Au-delà des candidats des partis historiques, à l’image de John Tembo pour l’Alliance MCP/UDF [11] et de Dindi G. Nyasulu de l’Aford, on comptait quatre autres candidats soutenus par des partis plus récents : Bingu wa Mutharika pour le DPP, Kamuzu Chibambo du People’s Transformation Party (Petra), Stanley Masauli du Republican Party (RP) et Loveness Gondwe du New Rainbow Coalition Party (Narc). L’offre électorale a été complétée par la candidature de James Nyondo comme indépendant. Le phénomène est similaire pour le scrutin parlementaire: la commission électorale a enregistré 1166 candidatures pour 193 circonscriptions, contre 613 quinze ans auparavant.

8S’agissant du scrutin présidentiel de 2009, l’importante victoire de Bingu wa Mutharika et de son parti, le DPP, avec 66% des voix environ dans un contexte de forte participation (plus de 4,4 millions de votants [12]), marque le déclin des trois grandes formations historiques (MCP, UDF et Aford) qui comptabilisent moins de 31% des suffrages, contre 98% en 1999.

Résultats de l’élection présidentielle du 19 mai 2009

tableau im1
?Candidats Nombre de suffrages Pourcentage Bingu wa Mutharika (DPP) 2 963 820 66,17 % John Tembo (MCP/UDF) 1 365 672 30,49 % Kamuzu Chibambo (Petra) 35 358 0,79 % Stanley Masauli (RP) 33 982 0,76 % Loveness Gondwe (Narc) 32 432 0,73 % James Mbowe Nyondo (Indépendant) 27 460 0,61 % Dindi Gowa Nyasulu (Aford) 20 150 0,45 % Total 4 478 874 100 %

Résultats de l’élection présidentielle du 19 mai 2009

Source : Malawi Electoral Commission, 2009.

9Ce renouvellement de la scène politique, marqué notamment par l’entrée en force du parti présidentiel à l’Assemblée (113 sièges sur 193), est le prolongement d’un changement initié en 2004. En effet, les trois grands partis du Malawi, nés avec le multipartisme, ont vu leur nombre d’élus au Parlement baisser depuis dix ans. Ainsi, le MCP qui comptait 66 députés en 1999, n’en rallie plus que 57 en 2004. Durant la même période, l’UDF, alors au pouvoir, a vu le nombre de ses élus se réduire considérablement, passant de 93 à 50 ; de même pour le parti Aford qui obtient 6 élus en 2004, contre 29 en 1999. Les résultats électoraux de 2009 confirment cette tendance: les partis traditionnels comptabilisent moins de 45 députés, tandis que le DPP est consacré comme la première force politique avec une majorité absolue de 113 députés (soit environ 59% des sièges à l’Assemblée).

10Pour autant, le renouvellement de la scène partisane reste limité. Sans devoir être réduites à des machines électorales au service d’un leader, les nouvelles formations partisanes sont, au départ, une réponse formulée par un leader et/ou une faction rencontrant des difficultés au sein de son parti d’origine. Ainsi, la plupart des nouveaux partis sont mis en place par des personnalités ayant appartenu à l’oligarchie partisane : la National Democratic Alliance (NDA) est menée par un membre fondateur de l’UDF, Brown Mpinganjira; le People’s Progressive Movement (PPM) est conduit par un ancien premier vice-président de l’UDF, Aleke Banda; le Republican Party (RP) a été créé par l’ancien président du MCP, Gwanda Chakuamba ; enfin le New Congress for Democracy (NCD) et le Movement for Genuine Democracy (Mgode) ont été créés par d’anciens membres de l’Aford. La naissance en mars 2005 du DPP, parti du président Bingu wa Mutharika, correspond à cette genèse. Élu en 2004 sous l’étiquette de l’UDF, Mutharika est contraint de quitter ce parti début 2005 à la suite d’oppositions répétées avec Bakili Muluzi, ancien président du Malawi et fondateur historique du mouvement, et d’une tentative d’assassinat fomentée contre lui début 2005 par les membres de ce parti [13]. Suite à cette fracture au sein de l’UDF, Mutharika fonde le DPP, qui remporte six sièges au Parlement lors des élections partielles de 2005 et obtient le ralliement d’une cinquantaine de parlementaires issus d’autres formations partisanes [14].

Résultats des élections législatives du 19 mai 2009(*),(**),(***)

tableau im2
?Partis politiques Nombre de siège(s) Pourcentage DPP 113 58,6 % Indépendants 32 16,5 % MCP 27 14 % UDF 17 8,9 % Aford 1 0,5 % Mafunde* 1 0,5 % MPP** 1 0,5 % Total 192*** 99,5 %***

Résultats des élections législatives du 19 mai 2009(*),(**),(***)

(*) Malawi Forum for Unity and Development
(**) Maravi People’s Party.
(***) Le Parlement compte 192 élus sur 193 sièges. Le scrutin dans la circonscription de Blantyre City Centre a été repoussé en raison du décès d’un des candidats.
Source : Malawi Electoral Commission, 2009.

La frénésie des candidatures indépendantes

11Les formations politiques procèdent à la sélection des candidats aux élections par un système de primaires. Celles-ci se sont déroulées en janvier 2009 s’agissant du dernier scrutin. Cette sélection, parfois opaque, engendre des tentatives plus ou moins fructueuses de nomadisme partisan, l’aspirant déchu recherchant alors l’investiture d’un autre parti. Cette tendance est accentuée par le fait que la période a été caractérisée par une organisation logistique défaillante des partis, qui a jeté le doute sur l’impartialité des primaires, encourageant ainsi la transhumance partisane. Les jeunes aspirants à la députation, qui peuvent rencontrer des difficultés à s’imposer face aux figures locales, sont particulièrement concernés par cette mobilité. Bofina Makina, candidate âgée d’une trentaine d’années et propriétaire d’un hôtel-restaurant à Lilongwe, rencontrée lors d’un meeting à Lilongwe City West, explique ainsi que sa candidature sous la bannière de la Narc est d’abord liée à l’impossibilité à laquelle elle s’est heurtée, de s’imposer au sein de l’UDF. Des figures établies sont également contraintes à ce changement, à l’instar d’Anderson M. Mwale, homme d’affaires connu à Lilongwe, qui n’a pas réussi à obtenir l’investiture de l’UDF. Après avoir envisagé d’arrêter sa carrière politique, mais « sollicité par de nombreux électeurs [lui] demandant de [s]e présenter quand même », il est investi par le DPP [15]. Lorsque l’investiture par un autre parti se révèle impossible, l’aspirant aux fonctions électives privilégie dès lors une candidature indépendante.

12Ce dernier phénomène prend des proportions inédites depuis les deux derniers scrutins parlementaires, les candidats sans étiquette représentant respectivement 29 % et 41 % du nombre total des aspirants en 2004 et 2009. Or admettre les candidatures indépendantes revient finalement à laisser pénétrer dans le champ électoral des individus qui peuvent se passer d’une investiture partisane pour exister en tant que candidats. Cette possibilité est d’ailleurs exclue dans certains pays, notamment au Kenya : les candidatures indépendantes fragiliseraient en effet l’emprise partisane, celle par laquelle les partis revendiquent avec succès un monopole sur la sélection et la victoire des candidatures, et accentueraient la personnalisation des candidatures au détriment des idéologies et programmes partisans.

13Lors du dernier scrutin, la dynamique des candidatures indépendantes a particulièrement touché les deux partis historiques, l’UDF et le MCP, très implantés respectivement dans les régions Sud et Centre. Ainsi, la plupart des 34 candidats indépendants du district de Lilongwe (22 circonscriptions), place forte du MCP, sont des perdants des primaires du parti de John Tembo. Parmi les primaires les plus médiatiques, on retrouve notamment celle de Lilongwe North, suite à laquelle Zombolana K. Chakhwantha [16], pourtant député sortant, et Joe Magowa [17], tous deux défaits par Titus Malipa, ont décidé de se présenter en indépendants au scrutin législatif. De même à Lilongwe East, où Emmanuel E. Mwale, également député sortant, a rejeté le résultat des primaires et s’est enregistré sans étiquette pour la compétition. L’ancien parti unique a également dû faire face à de nombreux candidats indépendants de poids comme Batson B. Mwambakulu, ancien du MCP, dans la circonscription de Mapuyu North [18]. Ce phénomène a également touché, mais dans une moindre mesure, les autres formations politiques en région Centre, plus particulièrement le DPP dont la position de pouvoir attisait la concurrence. Aussi, dans une dizaine de circonscriptions de la région, des perdants des primaires du parti présidentiel ont finalement déposé une candidature [19] à l’image de Rosemary Lapukeni à Mchinji South West [20].

Évolution du nombre de candidats indépendants aux élections législatives entre 1994 et 2009

tableau im3
?Élections Nombre de candidats dont indépendants 1994 613 13 1999 630 118 2004 1267 372 2009 1166 480

Évolution du nombre de candidats indépendants aux élections législatives entre 1994 et 2009

Source : Electoral Institute of Southern Africa (EISA), 2009.

14Surtout, ces candidatures sont parvenues à séduire les électeurs lors du scrutin parlementaire: avec plus de 32 élus en 2009, les indépendants représentent le deuxième « groupe » après le DPP, ce succès étant pour partie issu du mode du scrutin (uninominal de circonscription à un tour).

15Paradoxalement, la victoire de ces candidatures indépendantes au scrutin parlementaire révèle la capacité des partis à clore le champ électoral. L’analyse du terrain révèle que les carrières des candidatures indépendantes sont étroitement imbriquées dans le système partisan. Plus que la manifestation d’une emprise partisane en faillite, ces candidatures indépendantes traduisent donc bien la force du système de partis malawien.

Le rôle déterminant des partis

16Bien que les candidatures indépendantes paraissent écorner le monopole des partis sur la scène électorale, les partis politiques demeurent les acteurs centraux dans la désignation, la promotion et la victoire des candidatures au Parlement, y compris celles sans étiquette. Les partis réussissent incontestablement à verrouiller le champ électoral, au prix d’un travail qui peut sembler contradictoire. Les partis ont ainsi pu encourager les candidatures indépendantes car ils restent en mesure, par la suite, de déterminer leur carrière.

Évolution du nombre de candidats indépendants élus entre 1994 et 2009

tableau im4
?Élections Nombre de candidats indépendants élus au scrutin parlementaire 1994 0 1999 4 2004 41 2009 32

Évolution du nombre de candidats indépendants élus entre 1994 et 2009

Source : Malawi Electoral Commission, 2009.

Les candidatures indépendantes, une ressource politique pour les partis

17La multiplication des candidatures indépendantes répond en partie à une stratégie politique des partis. Le pouvoir en place, qui s’appuie sur le DPP, a trouvé un intérêt immédiat à la multiplication des candidatures, particulièrement dans la région-clef du Sud. L’objectif du DPP est ici la dispersion des voix afin d’affaiblir son principal adversaire, l’UDF, dont cette région constitue le fief (plus des trois-quarts des élus UDF de 2004 en étaient originaires) [21]. Les résultats de l’UDF, avec seulement 17 élus [22], confirment la stratégie payante du DPP qui réalise quant à lui ses meilleurs scores dans le Sud. Cette stratégie a également été appliquée, dans une moindre mesure, aux deux autres régions, notamment dans la région Centre. Pour ce faire, à l’issue des primaires troubles du mois de janvier, le DPP y a encouragé les candidatures sans étiquette de plusieurs aspirants déchus. Si ces pratiques ne se donnent pas facilement à voir, certains candidats ont mentionné l’amitié témoignée, lors de leur campagne, par des « soutiens » qui se révèlent proches du parti au pouvoir. À Lilongwe City West, Elizabeth Lamba, candidate indépendante après son échec aux primaires de l’UDF, mentionne le soutien financier apporté par un proche du candidat du DPP finalement élu, Edwin Bhagwanji [23]. La candidate a reconnu avoir reçu un don lui ayant permis de payer une partie des droits d’inscription au scrutin législatif (environ 480 euros). En fait, plusieurs candidats indépendants semblent avoir reçu des appuis financiers ou logistiques de la part de partis politiques, notamment du plus opulent d’entre eux, le DPP. On connaît mal l’ampleur des ressources tirées, par le parti du Président, de certaines fonctions publiques ou des entreprises commerciales et des mécènes liés à l’organisation. Cependant, l’emploi de moyens publics semble avoir été fréquent tout au long de la campagne. À Mchinji South, Gervazio Waluza, indépendant (perdant des primaires de l’UDF), explique que le véhicule utilisé lors de la campagne appartient à l’administration régionale, mais que ce « prêt » était très ponctuel. Au-delà, plusieurs membres de la Commission électorale ont rapporté l’utilisation de véhicules gouvernementaux pour la campagne de candidats du DPP mais aussi pour celle de certains indépendants « proches » du parti au pouvoir [24].

18L’émergence de candidatures sans étiquette sert également d’instrument de lutte interne aux partis, après des primaires qui laissent certaines sections locales exsangues. Dans la circonscription de Chiradzulu Central par exemple, Philomena Kasambwe, bien que perdante des primaires du DPP, a remporté le scrutin sans aucune bannière partisane grâce au concours de membres de la section locale du DPP qui ont soutenu sa campagne [25]. De même pour la candidate indépendante Anita Thundu, à Likoma, dont la promotion a été assurée par des sympathisants du DPP opposés à la prétendante désignée par le parti, Edith Mzoma. En région Centre, plusieurs sections du MCP, connaissant de nombreux conflits, ont vu le représentant d’un clan se présenter au scrutin parlementaire malgré sa défaite aux primaires. Ainsi, après avoir perdu les primaires du MCP à Mchinji East, Dick D. Msola s’est présenté sans étiquette. Resté membre du parti, il a fait campagne en utilisant les sigles et couleurs de son organisation politique. Il annonçait même qu’en cas de victoire, il rejoindrait le groupe de l’ancien parti unique au Parlement [26].

19Cette multiplication des candidatures indépendantes est d’autant plus tolérée par les partis que la carrière de ces candidatures est extrêmement dépendante du système partisan.

La dépendance des candidatures indépendantes envers les partis

20Les candidats indépendants sont contraints, dans le cadre de leur campagne électorale, à un recours systématique aux symboles et répertoires d’action des partis s’ils souhaitent remporter la victoire. En effet, l’emprise partisane sur l’offre électorale se traduit par une valorisation croissante de l’étiquette partisane, notamment celle du « bon parti ». Ainsi, le pourcentage d’élus indépendants au regard du nombre initial de candidats reste bien inférieur à celui des grands partis. Sur les 480 candidats indépendants, moins de 7%ont été élus, proportion significativement inférieure à celle du DPP (59 %) et du MCP (20 %).

Pourcentage du nombre d’élus par rapport au nombre initial de candidats selon leur affiliation partisane

tableau im5
?Partis politiques Nombre de Nombre de Pourcentage candidat(s) siège(s) obtenu(s) DPP 190 113 59,5 % MCP 133 27 20,3 % UDF 172 17 9,8 % Indépendants 480 32 6,6 % Aford 29 1 3,4 % MPP 11 1 9 % Mafunde 1 1 100 %

Pourcentage du nombre d’élus par rapport au nombre initial de candidats selon leur affiliation partisane

Source : Malawi Electoral Commission, 2009.

21Au-delà des résultats statistiques, l’observation de la campagne en région Centre a révélé que la possession d’une étiquette partisane, notamment celle du MCP ou du DPP, semble être un avantage certain pour la victoire. En effet, les grandes étiquettes nationales sont encore un puissant vecteur d’orientation des votes. Certains candidats indépendants ont ainsi cherché à utiliser celle des partis les plus populaires. Compte tenu de la faiblesse des moyens de certains candidats, ce sont le plus souvent les drapeaux des gros partis qui sont utilisés [27]. Ainsi, lors de rassemblements organisés fin avril, on pouvait voir Joyce A. Banda et Batson B. Mwambakulu, respectivement candidats indépendants à Mpenu Nkhoma et Mapuyu North, brandir les couleurs et symboles du MCP, à savoir un drapeau vert, noir et rouge orné d’un coq [28]. Lorsque les ressources disponibles sont plus importantes, les candidats utilisent les représentations et répertoires d’action associés aux grands partis (calendriers de campagne, emblèmes, présence de groupes musicaux, distribution de billets et de nourriture). Ces pratiques ont d’ailleurs généré le mécontentement de certains candidats : plus d’une dizaine de plaintes ont été déposées auprès du Multiparty Liaison Committee de Lilongwe [29], notamment par des candidats du DPP, à l’encontre de candidats indépendants utilisant la couleur bleu clair du parti présidentiel [30]. De même dans la région Sud, où l’emploi par les candidats indépendants de matériel de campagne aux couleurs de l’UDF a été quasiment systématique [31].

22Par ailleurs, les affiches et références politiques des candidats indépendants se sont adaptées à la forte personnalisation de la vie politique autour de l’élection présidentielle. Ainsi, dans plusieurs meetings, des candidats indépendants se sont réclamés du soutien de John Tembo, notamment en affichant des posters du candidat, ou bien du président Bingu wa Mutharika [32], afin notamment de se prévaloir du bilan économique de sa mandature [33].

23En outre, des candidats indépendants ont mobilisé les réseaux sociaux des partis politiques. Dans ce pays quasi-exclusivement rural, le système de gouvernement local, fondé essentiellement sur les traditional authorities, autorités coutumières reconnues dans l’organisation administrative et judiciaire, permet de toucher un grand nombre d’électeurs [34]. Ainsi, les 160 chefs traditionnels assistés des quelques 2400 group village headmen (chefs de canton) et d’environ 18500 village headmen (chefs de village) représentent un pouvoir de pénétration considérable de la société. Surtout, ils restent très influents et les consignes de vote qu’ils peuvent prodiguer sont écoutées [35]. En général inféodées au gouvernement en place, les autorités traditionnelles deviennent donc en période électorale l’objet de toutes les attentions. Du fait de leur domination politique passée, les grands partis politiques, notamment le MCP et l’UDF, conservent des canaux privilégiés d’accès à ces réseaux. Dans ce contexte, plusieurs candidats sans étiquette, lors de leurs traditionnelles présentations aux autorités locales, se désignent comme affiliés à tel ou tel parti. Être reconnu auprès de ces autorités comme représentant du DPP ou du MCP, dans le district de Lilongwe par exemple [36], revient en effet à être investi d’une parcelle d’autorité, du droit de parler au nom d’un collectif. Dans la circonscription de Lilongwe North East, Ndala Chimuntu, chief de Balang’ombe, a reçu les visites respectives de Ronald J. Kamatenda et Madalitsa Kapalamula-Banda, candidats indépendants, qui se sont tous deux réclamés du DPP [37]. Lors d’un rassemblement à Kazangwa (circonscription de Lilongwe East), l’indépendant Mackovie Zilirakhasu s’est présenté comme candidat MCP auprès de l’assemblée du village et des autorités traditionnelles présentes [38]. Jowell B. Nyanda, candidat sans étiquette, faisait de même en se réclamant du MCP auprès des chefs de village dans la division électorale de Msozi North [39].

24Ainsi, le recours aux références partisanes apparaît difficilement contournable pour celui qui espère la victoire. La carrière électorale de James M. Nyondo, candidat indépendant aux élections présidentielle et législatives (pour la circonscription de Lilongwe City West), illustre que le « droit d’user du capital collectif accumulé par le parti reste en effet indispensable à tout prétendant politique [40] ». James M. Nyondo, membre de la diaspora malawienne ayant d’importantes ressources financières, reconnaît avoir mené campagne sans emprunter les symboles des grands partis [41]. Ses faibles résultats lors des scrutins présidentiel (0,6 % des voix) et législatif (3 % des voix) témoignent de fait, en creux, de l’emprise partisane sur les candidaturesindépendantes.

25Cette emprise est d’autant plus prégnante qu’à l’issue de la victoire, nombre de candidats indépendants réintègrent le système partisan. L’étude de la période post-électorale montre ainsi qu’une fois élus, les candidats indépendants approchent les grands partis, en« monnayant » leur ralliement. Billy Kaunda, ancien viceministre du Tourisme et élu sans étiquette à Mzimba West, a ainsi rejoint le DPP quelques jours après les résultats officiels [42]. Nicholas Dausi, ancien porte-parole du DPP et élu indépendant à Mwanza Central, où il est très implanté, a de nouveau adhéré au parti du président Bingu wa Mutharika peu après les résultats [43].Au total, près d’une quinzaine de cas similaires sont répertoriés [44], dont Lifred Nawena, député « indépendant » de la circonscription de Thyolo Thava qui a déclaré « n’avoir jamais quitté le DPP » [45], ou encore la plupart des élus indépendants de la région Sud [46]. Au demeurant, cette réintégration dans le système partisan s’opère essentiellement au profit du parti au pouvoir. Les contraintes institutionnelles et politiques, notamment celles liées au renforcement du pouvoir exécutif, les incitent à se rapprocher du DPP afin, d’une part, d’envisager l’accès à des fonctions gouvernementales ou administratives et, d’autre part, d’assurer la longévité de leur carrière politique. Au total, seule une dizaine d’élus indépendants siège au Parlement, contre une trentaine potentielle à l’issue du scrutin.

26Quinze ans après l’instauration du multipartisme au Malawi, les structures partisanes « revendiquent avec un succès croissant un rôle dominant dans la sélection et la formation des dirigeants politiques » [47].Au prix d’un travail parfois contradictoire, les partis politiques malawiens réussissent à verrouiller le champ électoral. Ils parviennent ainsi à opérer une régulation des nombreuses candidatures indépendantes. En ayant fait de l’étiquette et de la logistique partisanes des éléments de structuration du vote, le système de partis contraint les acteurs indépendants à s’y référer. Ces derniers, lorsqu’ils sont jugés intéressants, sont ensuite réintégrés au sein du système partisan (dont ils sont en général issus). Ainsi, les partis malawiens apparaissent bien comme des « organisations centrales […] car c’est par leur intermédiaire que se font le recrutement des leaders, la structuration des choix électoraux et la formation des gouvernements [48] ». Au total, peu d’élus indépendants siègent hors des groupes politiques à l’Assemblée et la force politique du DPP se trouve consacrée. La fin de l’alliance entre le MCP et l’UDF puis le rapprochement entre le parti de Bakili Muluzi et le DPP fragilisent fortement l’opposition qui ne compte plus qu’une trentaine de députés, le groupe parlementaire des indépendants rassemblant pour sa part une dizaine de représentants

Notes

  • [1]
    Pays d’Afrique australe peu étendu (environ 118000 km2) et densément peuplé (près de 13,5 millions d’habitants), le Malawi est classé parmi les « pays les moins avancés » et dépend encore largement de son agriculture. Ce secteur représente 40 % du produit intérieur brut et plus de 90 % des recettes d’exportation.
  • [2]
    Les premières élections multipartistes se sont déroulées en juin 1994. Elles sont alors remportées par Bakili Muluzi, de l’United Democratic Front (UDF), face au Président sortant, en place depuis l’Indépendance en 1964, Hastings K. Banda, du Malawi Congress Party (MCP). Bakili Muluzi fut réélu en 1999. En 2004, sa succession est assurée par Bingu wa Mutharika, élu sous la bannière de l’UDF.
  • [3]
    Le MCP est l’ancien parti unique, conduit par Hastings K. Banda. John Tembo a été l’homme fort des vingt dernières années de la présidence Banda. Il fut notamment le gouverneur de la Banque Centrale du Malawi pendant treize ans.
  • [4]
    L’UDF est créé en 1993, après l’ouverture au multipartisme, par Bakili Muluzi, un ancien membre du parti unique.
  • [5]
    Plusieurs organisations internationales ont dénoncé la partialité des médias, notamment gouvernementaux, en faveur du parti au pouvoir, le DPP, et de son candidat, le Président Bingu wa Mutharika. Voir EU EOM Malawi 2009, Preliminary Statement, Blantyre, 21 mai 2009, http://www.eueommalawi.org/PDF/EU%20EOM%20Malawi%20statement.pdf.
  • [6]
    E. H. O. Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire, Paris, Publibook, 2006, p. 91.
  • [7]
    Voir notamment M. Basedau, G. Erdmann et A. Mehler (dir.), Votes, Money and Violence. Political Parties and Elections in Sub-Saharan Africa, Uppsala/Scottsville, Nordiska Afrikainstitutet/KwaZulu-Natal Press, 2007 ; K. Smiddy et N. van de Walle, « Partis politiques et systèmes de partis dans les démocraties non libérales africaines », L’Afrique politique 2000, Paris, Karthala, 2000, p. 41-57.
  • [8]
    Gouvernement du Malawi, Registrar of Political Parties, Lilongwe, Malawi Electoral Commission, juin 2008.
  • [9]
    Sur l’intérêt d’une analyse des partis politiques en Afrique, voir M. Gazibo, « Pour une réhabilitation de l’analyse des partis en Afrique », Politique africaine, n° 104, 2006, p. 5-17 ; M. Mérino, « L’emprise partisane au Kenya : regard sur deux campagnes électorales locales (novembre 2001 et décembre 2002) », Critique internationale, n° 30, 2006, p. 177-189.
  • [10]
    Ce terrain a été réalisé dans le cadre d’une participation, en tant qu’observateur en région Centre, à la Mission d’observation électorale de l’Union européenne au Malawi en avril-mai 2009, et avec le soutien de l’Institut français d’Afrique du Sud.
  • [11]
    Le scrutin présidentiel comptait initialement huit candidats. Cependant, Bakili Muluzi, candidat de l’UDF qui avait été Président du pays durant deux mandats, de 1994 à 2004, a été interdit de se présenter aux élections le 20 mars 2009 par la Commission électorale. Cette décision a été motivée par le texte de la Constitution qui limite à deux mandats l’exercice de la présidence. Son appel a été rejeté par la Cour constitutionnelle le 7 avril, l’obligeant à un rapprochement historique avec le leader de l’ancien parti unique, John Tembo (du MCP).
  • [12]
    La Commission électorale a inscrit 5,9 millions d’électeurs pour ce scrutin.
  • [13]
    La lutte contre la corruption qu’il a engagée après son accession au pouvoir et qui a touché de hauts dignitaires, notamment de l’UDF, a été présentée par les médias comme l’un des motifs de cette tentative d’assassinat.
  • [14]
    Depuis lors, les tensions entre le DPP et l’UDF sont telles que le président Mutharika a été confronté à deux procédures d’impeachment. Il se retrouve dans une réelle incapacité à gouverner, ce qui l’a conduit à ne convoquer le Parlement qu’une seule fois par an au cours des deux dernières années, pour le vote du budget.
  • [15]
    Entretiens avec Bofina Makina, candidate de la Narc, Lilongwe, 21 avril 2009 et Anderson M. Mwale, candidat du DPP, Lilongwe, 29 avril 2009.
  • [16]
    Perdant des primaires du MCP en janvier 2009. Entretien avec Zombolana K. Chakhwantha, Lilongwe, 5 mai 2009.
  • [17]
    Entretien avec Joe Magowa, Lilongwe, le 5 mai 2009.
  • [18]
    La nomination a été accordée à Hector D. Mlomo, député sortant, après des primaires houleuses. Fort du soutien d’une partie des militants de la section locale du MCP, Batson B. Mwambakulu a décidé de se présenter aux élections législatives. Entretien avec Batson B. Mwambakulu, Lilongwe, le 23 avril 2009.
  • [19]
    Entretien avec Elias W. Kamanga, directeur national de campagne du DPP, Lilongwe, 27 avril 2009.
  • [20]
    Entretien avec Rosemary Lapukeni, Mchinji, 22 avril 2009.
  • [21]
    M. Ott, B. Immink, B. Mhango et C. Peters-Berries, The Power of the Vote. Malawi’s 2004 Parliamentary and Presidential Elections, Zomba, Kachere Series, 2005, p. 307.
  • [22]
    Plusieurs figures de l’UDF, parmi lesquelles George N. Mtafu (Likoma Islands), Berson Lijenda (Zomba Ntonya), Clement Stambuli (Nkhotakota Central) et Leonard Mangulama (Zomba Chingale), ont ainsi perdu leur siège au Parlement,
  • [23]
    Entretien avec Elizabeth Lamba, Lilongwe, 27 avril 2009.
  • [24]
    Entretiens avec A. Y. et A. D., membres de la Commission électorale en région Centre, Lilongwe, 20 avril 2009.
  • [25]
    « CZ independent MP joins DPP », The Daily Times, 25 mai 2009.
  • [26]
    Entretien avec Dick D. Msola, Mchinji, le 6 mai 2009.
  • [27]
    « Independents cling to party colours, symbols », The Nation, 16 avril 2009.
  • [28]
    Observations personnelles réalisées fin avril 2009.
  • [29]
    Dans chaque district du pays, un Multiparty Liaison Committee est habilité à recevoir les plaintes des candidats. Ce comité est composé de représentants des partis politiques, de membres de la commission électorale, de la police et des autorités traditionnelles.
  • [30]
    Plusieurs candidats indépendants reconnaissent utiliser cette technique électorale comme Chikondi Nkhoma à Lilongwe City Centre et Madalitso Kapalamula-Banda à Lilongwe North East. Entretiens réalisés à Lilongwe, 25 et 28 avril 2009.
  • [31]
    Communication personnelle d’observateurs de l’Union européenne en région Sud en mai 2009.
  • [32]
    Observations réalisées lors des meetings d’Elizabeth Lamba et de Lyson Milazi à Lilongwe City West, d’Emmanuel E. Mwale à Lilongwe East, de Chikondi Nkhoma à Lilongwe City Centre, Philip Kadwa à Mchinji South West et Wickford Kingsley Sulamoyo à Mchinji North.
  • [33]
    La modernisation agricole et le développement de l’exploitation minière, notamment de l’uranium, ont permis une croissance économique soutenue (8 points en 2008). Surtout, les exportations vers la Chine, de produits miniers principalement, ont rapporté plus de 70 millions de dollars en devises et ont permis au pays de se lancer dans un vaste programme de modernisation de ses infrastructures.
  • [34]
    Dans le cadre du système de l’Indirect Rule mis en place dans les années 1930 par la puissance coloniale britannique, des tribunaux traditionnels, conduits par des chefs traditionnels, ont été autorisés à appliquer la loi coutumière dans certains domaines lorsque les parties à l’affaire étaient strictement africaines. Maintenues après l’Indépendance, ces autorités ont pu être instrumentalisées par le pouvoir du président Banda, tandis que leur domaine de compétence a été progressivement réduit. Voir à ce sujet, B. Preston, Traditional Authority and Democratic Governance in Malawi, National Democratic Institute for International Affairs, Washington, 1995. Ces autorités correspondent désormais à des circonscriptions administratives, tandis que leur compétence judiciaire est limitée à certaines affaires foncières.
  • [35]
    « Should traditional leaders campaign? », The Nation, 13 mai 2009.
  • [36]
    Le district de Lilongwe compte 22 autorités traditionnelles réparties sur une quinzaine de circonscriptions administratives.
  • [37]
    Entretien avec Ndala Chimuntu, Balang’ombe village, 28 avril 2009.
  • [38]
    Observations personnelles, 29 avril 2009.
  • [39]
    Entretien avec les autorités traditionnelles de Msozi North, 25 avril 2009.
  • [40]
    F. Sawicki, « La marge de manœuvre des candidats par rapport aux partis dans les campagnes électorales », Pouvoirs, n° 63, 1992, p. 16.
  • [41]
    Entretien avec James M. Nyondo, Lilongwe, 27 avril 2009.
  • [42]
    Billy Kaunda a été nommé vice-ministre des Sports et de la Jeunesse le 15 juin 2009.
  • [43]
    « Mutharika welcomes Independents », The Nation, 28 mai 2009.
  • [44]
    « MPs’ exodus to DPP bad for Malawi », The Daily Times, 28 mai 2009.
  • [45]
    « Independents flock to DPP », The Nation, 25 mai 2009.
  • [46]
    « Blantyre independent MP joins DPP », The Daily Times, 25 mai 2009.
  • [47]
    J. Lagroye, avec B. François et F. Sawicki, Sociologie politique, Paris, Presses de Science Po, 2002, p. 231.
  • [48]
    M. Gazibo, « Pour une réhabilitation de l’analyse des partis en Afrique », art. cit., p. 10.
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