Couverture de POLAF_112

Article de revue

L'aspect foncier dans les conflits entre autochtones et migrants au sud-ouest du Burkina Faso

Pages 52 à 66

Notes

  • [1]
    Les Tiefo sont entre 12 000 et 15 000 individus et sont autochtones dans les régions sud et ouest de Bobo-Dioulasso, notamment dans les départements de Péni, Tiéfora et Sidéradougou. Voir S. Hagberg, « Amoro et Guimbé. Histoire et religion dans la construction de l’identité tiefo », in R. Kuba, C. Lentz et C. N. Somda (dir.), Histoire du peuplement et relations interethniques au Burkina Faso, Paris, Karthala, 2003, p. 237-258.
  • [2]
    Les données présentées ici ont été collectées lors de trois séjours sur le terrain entre 2002 et 2005 (six mois). L’auteur a eu recours à l’observation participante (avec d’intéressants résultats sur le contexte des conflits fonciers et leur résolution, ainsi que sur l’approche contractuelle), à une cinquantaine d’entretiens semi-structurés avec des villageois représentant diverses catégories sociales (sur le foncier, le droit coutumier, les relations entre autochtones et migrants), à des méthodes actives en recherche participative telles que les « classements en matrices » et les « arbres à problèmes » (pour l’utilisation des arbres et des terres) et à un questionnaire concernant 104 ménages (20 % des ménages de Péni, sélectionnés de manière systématique) portant sur leur composition, la propriété foncière, la production agricole et sylvicole et les sources de revenus. Ces recherches se sont déroulées dans le cadre du programme People, Trees and Agriculture in Africa (Petrea), financé par la Coopération danoise et mené en partenariat avec le Centre national de semences forestières basé à Ouagadougou. Voir I. Nathan, « People, trees and agriculture in Africa (Petrea) research programme: the case of Burkina Faso », in A. Wardell, A. Reenberg et R. Harpøth (dir.), Serein (The Sahel-Sudan Environmental Research Initiative) Occasional Paper (Copenhague, Institut de géographie), n° 13, 2002, p. 19-39.
  • [3]
    Voir L. C. Gray, « Investing in soil quality. Farmer responses to land scarcity in Southwestern Burkina Faso », in T. J. Bassett et D. Crummey (dir.), African Savannas. Global Narratives and Local Knowledge of Environmental Change, Oxford, James Currey, 2003, p. 72-90 ; et M. Saul, « Money and land tenure as factors in farm size differentiation in Burkina Faso », in R. E. Downs et S. P. Reyna (dir.), Land and Society in Contemporary Africa, Hanover, University Press of New England, 1988, p. 243-79.
  • [4]
    P. McAuslan, « Only the name of the country changes : the diaspora of “European” land law in Commonwealth Africa », in C. Toulmin et J. Quan (dir.), Evolving Land Rights, Policy and Tenure in Africa, Londres, International Institute for Environment and Development (IIED), 2000, p. 75-95 ; P. Lavigne-Delville, « Harmonising formal law and customary rights in french-speaking West Africa », in C. Toulmin et J. Quan (dir.), Evolving Land Rights…, op. cit., p. 97-121.
  • [5]
    S. Hagberg, « In search of nyo : Lyela farmers’perceptions of the forest in Burkina Faso », Africa, vol. 71, n° 3, 2001, p. 481-501.
  • [6]
    Une étude de photos aériennes montre qu’en 1952 seulement 44 % des terres étaient cultivées à Péni. Voir M. Saul, J.-M. Ouadba et O. Bognounou, « The wild vegetation cover of Western Burkina Faso. Colonial policy and post-colonial development », in T. J. Bassett et D. Crummey (dir.), African Savannas…, op. cit., p. 121-160.
  • [7]
    C. Lentz, « First comers and late comers : indigenous theories of landownership in West Africa », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging in West Africa, Leiden, Brill, 2006, p. 35-56 ; C. Meillassoux, Anthropologie de l’esclavage, Paris, PUF, 1998, p. 28-33.
  • [8]
    Il s’agit d’une règle fort répandue dans la région. Voir, entre autres, L. C. Gray, « Investing in soil quality… », art. cit., p. 80 ; M. Zongo, Les nouveaux acteurs et le foncier. L’exemple de la province du Ziro, Ouagadougou, Groupe de recherche et d’action sur le foncier, 2006, p. 7.
  • [9]
    Entre 1952 et 1981, la surface de terres cultivées à Péni a diminué de 35 %, principalement en raison de la plantation de manguiers. Voir M. Saul, J.-M. Ouadba et O. Bognounou, « The wild vegetation cover… », art. cit., p. 142. Notre enquête quantitative suggère qu’il y a aujourd’hui à peu près autant d’anacardiers que de manguiers à Péni.
  • [10]
    Voir L. C. Gray, « Investing in soil quality… », art. cit., p. 82.
  • [11]
    Ibid., p. 80.
  • [12]
    M. Saul, « Land custom in bare : agnatic corporation and rural capitalism in Western Burkina », in T. J. Bassett et D. E. Crummey (dir.), Land in African Agrarian Systems, Madison, University of Wisconsin Press, 1993, p. 85.
  • [13]
    Voir L. Paré, Negotiating Rights : Access to Land in the Cotton Zone, Burkina Faso. Land Tenure and Resource Access in West Africa, Londres, IIED, 2001.
  • [14]
    Sur les conflits concernant la gestion sylvicole, voir Q. Gausset et al., « Opportunities and constraints of traditional and new agroforestry in South-Western Burkina Faso », Paideusis-Journal for Interdisciplinary and Cross-Cultural Studies, vol. 3, 2003, p. 1-26 ; Q. Gausset, E. L. Yago-Ouattara et B. Belem, « Gender and trees in Péni, South-Western Burkina Faso. Women’s needs, strategies and challenges », Danish Journal of Geography, vol. 105, n° 1, 2005, p. 67-76 ; Q. Gausset, A. Ræbild, B. Belem et J. Dartell, « Land tenure, forest policies and forestry practices in Burkina Faso. Some preliminary findings », Serein Occasional Papers, n° 15, 2003, p. 133-153.
  • [15]
    Voir L. C. Gray, « Investing in soil quality… », art. cit., p. 79-80.
  • [16]
    Voir M. Zongo, Les nouveaux acteurs…, op. cit., ainsi que S. Zougouri et P. Mathieu, « Nouvelles transactions et formalisation des transactions foncières dans l’ouest du Burkina Faso : le cas d’un village de la province du Houët », in P.-Y. Le Meur et C. Lund (dir.), Gouvernance foncière au quotidien en Afrique, Münster, LIT Verlag, 2003, p. 95-116.
  • [17]
    Il existe toute une théorie économique, longtemps promue par des institutions comme la Banque mondiale, qui lie l’accès au crédit, l’investissement et l’amélioration des pratiques agricoles aux réformes foncières sécurisant la propriété privée. Voir entre autres M. Adams, Breaking Ground : Development Aid for Land Reform, Londres, Overseas Development Institute, 2000.
  • [18]
    Voir T. A. Benjaminsen et C. Lund, « Formalisation and informalisation of land and water rights in Africa : an introduction », European Journal of Development Research, vol. 14, n° 2, 2002, p. 1-10 ; J. W. Bruce et S. E. Mighot-Adholla, Searching for Land Tenure Security in Africa, Dubugue, Kendall/Hunt, 1994 ; R. Marshall-Fratani, « The war of “who is who” : autochthony, nationalism, and citizenship in the Ivoirian crisis », African Studies Review, vol. 42, n° 2, 2006, p. 9-43 ; L. C. Gray, « Environmental policy, land rights and conflict : rethinking community natural resource management in Burkina Faso », Environment and Planning D : Society and Space, vol. 20, 2002, p. 167-182.
  • [19]
    Voir par exemple P. Geschiere et F. Nyamnjoh, « Capitalism and autochthony : the seesaw of mobility and belonging », Public Culture, vol. 12, n° 2, 2000, p. 423-452 ; J.-F. Bayart, P. Geschiere et F. Nyamnjoh, « Autochtonie, démocratie et citoyenneté en Afrique », Critique internationale, n° 10, 2001, p. 177-194 ; B. Ceuppens et P. Geschiere, « Autochthony : local or global ? New modes in the struggle over citizenship and belonging in Africa and Europe », Annual Review of Anthropology, vol. 34, 2005, p. 385-407 ; L. Cotula, C. Toulmin et C. Hesse, Land Tenure and Administration in Africa : Lessons of Experience and Emerging Issues, Londres, IIED, 2004.
  • [20]
    Lavigne-Delville utilise les termes de « système d’autorité » et de « système d’enregistrement », tandis que Lund parle « d’intégration » et « d’autodétermination » à propos des deux approches dont il est ici question. Voir P. Lavigne-Delville, « Harmonising formal law… », art. cit. p. 114 ; C. Lund, « Les réformes foncières dans un contexte de pluralisme juridique et institutionnel : Burkina Faso et Niger », in G. Winter (dir.), Inégalités et politiques publiques en Afrique. Pluralité des normes et jeux d’acteurs, Paris, IRD, Karthala, 2001, p. 195-207.
  • [21]
    J. C. Scott, Seeing Like a State. How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 35.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    S. P. J. Batterbury, « Local environmental management, land degradation and the “Gestion des Terroirs” approach in West Africa ; policies and pitfalls », Journal of International Development, vol. 10, 1998, p. 871-898 ; J.-P. Chauveau, « Plans fonciers ruraux : conditions de pertinence des systèmes d’identification et d’enregistrement des droits coutumiers », Dryland Issue Paper (Londres), n° 122, 2002 ; L. C. Gray, « Environmental policy… », art. cit. ; E. Le Roy, A. Karsenty et A. Bertrand, La sécurisation foncière en Afrique. Pour une gestion viable des ressources renouvelables, Paris, Karthala, 1996, p. 344-345 ; J.-P. Platteau, « Does Africa need land reform ? » et C. Toulmin et J. Quan, « Registering customary rights », in C. Toulmin et J. Quan (dir.), Evolving Land Rights. Policy and Tenure in Africa, Londres, IIED, 2000, respectivement p. 51-73 et 207-228.
  • [24]
    Pour un exemple concret de projet pilote d’approche contractuelle à Péni, voir Q. Gausset, « Le foncier et les arbres dans le sud-ouest du Burkina Faso », Serein, Occasional papers, n° 18, 2004, p. 37-60.
  • [25]
    P. Lavigne-Delville, « Harmonising formal law… », art. cit., p. 119.
  • [26]
    Voir P. Lavigne-Delville, Foncier rural, ressources renouvelables et développement en Afrique, Paris, Ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie, 1998 ; P. Lavigne-Delville, « When farmers use “pieces of paper” to record their land transactions in francophone rural africa : insights into the dynamics of institutional innovation », European Journal of Development Research, vol. 14, n° 2, 2002, p. 89-108 ; P. Mathieu, M. Zongo et L. Paré, « Monetary land transactions in Western Burkina Faso : commoditisation, papers and ambiguities », European Journal of Development Research, vol. 14, n° 2, 2002, p. 109-128.
  • [27]
    Voir C. Lund, « Les réformes foncières… », art. cit., p. 199.
  • [28]
    Voir aussi R. Kuba, « Spiritual hierarchies and unholy alliances : competing earth priests in a context of migration in Southwestern Burkina Faso », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging…, op. cit., p. 51-75.
  • [29]
    Voir C. Lund, « Les réformes foncières… », art. cit. p. 205.
  • [30]
    Cette commercialisation ne se fait pas encore au grand jour à Péni, mais il y a déjà eu quelques cas de vente de terre faite en catimini dans les villages tiefo voisins, et la vente de terre va bon train dans d’autres villages de la province ainsi qu’ailleurs au Burkina Faso. Voir S. Hagberg, « Money, ritual, and the politics of belonging in land transactions in Western Burkina Faso », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging…, op. cit, p. 99-118 ; P. Mathieu, « Transactions informelles et marchés fonciers émergents en Afrique », in T. A. Benjaminsen et C. Lund (dir.), Politics, Property and Production in the West African Sahel. Understanding Natural Resource Management, Uppsala, Nordic Africa Institute, 2001, p. 22-39 ; M. Saul, « Money and land tenure… », art. cit ; S. Zougouri et P. Mathieu, « Nouvelles transactions… », art. cit.
  • [31]
    Pour une discussion de l’exemple du Niger, voir C. Lund, « Les réformes foncières… », art. cit.
  • [32]
    La procédure administrative actuelle est tellement longue et coûteuse qu’elle empêche en pratique les villageois d’en bénéficier, voir S. Ouédraogo, « Accès à la terre et sécurisation des nouveaux acteurs autour du lac Bazèga (Burkina Faso) », Dossiers IIED (Londres), n° 138, 2006.
  • [33]
    Cela ressort bien de certains projets pilotes de sécurisation des contrats montrant qu’une reconnaissance au niveau de la seule sous-préfecture ne suffit pas lorsque les sous-préfets sont régulièrement mutés et que les nouveaux acteurs gardent la possibilité d’utiliser la RAF à leur avantage. Voir P. Lavigne-Delville, C. Toulmin, J.-P. Colin et J.-P. Chauveau, Negotiating Access to Land in West Africa : A Synthesis of Findings from Research on Derived Rights to Land, Londres, IIED, 2002, p. 110.
  • [34]
    Voir M. Saul, « Land custom in bare… », art. cit., p. 81 et 97.
  • [35]
    J.-P. Platteau, « Does Africa need land reform ? », art. cit. ; C. Toulmin et J. Quan, « Registering customary rights », art. cit.
  • [36]
    C. Lentz, « Land rights and the politics of belonging in Africa : an introduction », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging…, op. cit., p. 1-34.

1Le sud-ouest du Burkina Faso, relativement fertile et peu peuplé, attire depuis quelques décennies un grand nombre de migrants internes cherchant à améliorer leurs conditions de vie. Ce phénomène a pris une telle ampleur que, dans plusieurs localités, les « migrants » sont aujourd’hui plus nombreux que les « autochtones ». Un tel flux migratoire en milieu rural ne va pas sans poser des problèmes de cohabitation entre différents groupes, particulièrement au niveau de la gestion du pouvoir et des terroirs. Le présent article prend comme cas d’étude le village de Péni, contrôlé par les Tiefo autochtones, mais peuplé aux deux tiers de migrants venus de zones voisines ou du plateau central [1]. Il entend démontrer que les réformes agraires mises en œuvre par l’État burkinabè, notamment via l’approche « gestion de terroir », remettent en question les pratiques coutumières locales, exacerbent les conflits fonciers et peuvent susciter des discours xénophobes. En l’absence d’un État fort capable de faire respecter ses propres lois, la sécurisation du foncier ne peut se faire que par la reconnaissance du droit coutumier et des rapports de pouvoirs existants au niveau local [2].

Le contrôle et l’accès aux terres

2En théorie, la loi sur la Réorganisation agraire et foncière (RAF) adoptée en 1984 au Burkina Faso établit que la terre appartient à l’État. Celui-ci peut transférer la propriété des terres à des personnes physiques ou morales et délivrer un titre de propriété. Les paysans qui ne possèdent pas de titre foncier et qui cultivent les terres d’État n’en ont, par conséquent, que l’usufruit, en théorie reconnu par la délivrance d’un permis d’exploiter, encore que la plupart des exploitants en soient dépourvus. La RAF permet à tout citoyen de cultiver les terres d’État qui ne sont pas exploitées par un tiers ou protégées en tant que parc national ou réserve forestière, par exemple. En outre, elle garantit à tout citoyen le droit de récolter les fruits de son travail.

3En pratique, cependant, les choses sont fort différentes. La terre est le plus souvent contrôlée par les descendants des premiers occupants qui l’ont défrichée et cultivée en premier. Il n’existe plus, aujourd’hui, de sol n’ayant jamais été cultivé, et tout lopin de terre, exploité ou laissé en jachère, a donc un « propriétaire » coutumier. C’est ce propriétaire qui décide de facto du transfert éventuel de l’usage des terres à des tiers, que ce soit de manière permanente (dons) ou temporaire (prêts) [3]. Habituellement, le contrôle des terres s’accompagne du contrôle des esprits tutélaires qui en garantissent la fertilité. C’est pourquoi les nouveaux arrivants désireux d’avoir accès à des terres en jachère doivent impérativement en demander la permission aux premiers occupants. Bien que la RAF donne le droit à l’État de disposer de n’importe quelle portion de terre non titularisée, en réalité celui-ci demande aux chefs de terre de choisir l’endroit approprié pour la construction d’un bâtiment public, par exemple. On le voit, le fossé est grand entre le droit qui confère à l’État un monopole sur le domaine foncier et la pratique qui permet aux populations autochtones d’assurer la gestion quotidienne des terres. La RAF est, au Burkina Faso comme ailleurs en Afrique, un texte de loi « européen » qui n’a que peu de choses en commun avec les pratiques coutumières locales et qui finit par les criminaliser en les rendant illégales [4].

4La prééminence des autochtones pose pourtant peu de problèmes ; elle contribue même à en résoudre. Si l’on possède suffisamment de terrains, il est généralement considéré comme inacceptable et honteux de refuser d’en prêter à une personne dans le besoin [5], et les populations du sud-ouest du Burkina Faso ont montré une grande hospitalité et générosité en accueillant les migrants et en leur prêtant de vastes superficies de terres pour de longues périodes. Les prêts de terres ont été consentis à titre gratuit, si l’on exclut les dons en nature après les récoltes et le coût des sacrifices nécessaires pour s’assurer la bienveillance des esprits tutélaires.

5Ce processus de migration et de prêt de terres faisait l’affaire des migrants qui ont eu les terres dont ils avaient besoin pour aussi longtemps qu’ils habitaient le village et qu’ils en respectaient les us et coutumes. Aujourd’hui encore, les terres ne sont pas reprises aux emprunteurs tant que ces derniers les cultivent, qu’ils résident au village, s’abstiennent d’y commettre des crimes (vol, adultère, violence, etc.) et ne remettent pas en cause la propriété foncière du prêteur. L’immigration a également fait l’affaire des chefs locaux qui ont vu leur population s’agrandir et leurs villages se développer. En situation d’abondance foncière (comme c’était le cas à Péni pendant les périodes précoloniale et coloniale [6]), la denrée la plus rare n’était pas la terre mais bien les hommes. Les chefs coutumiers rivalisaient pour attirer et garder les migrants qui étaient peu à peu intégrés à la société locale par diverses stratégies [7].

6Aujourd’hui, alors que les terres sont de plus en plus rares et les hommes de plus en plus nombreux, la perception des migrants change. Ces derniers ne sont plus aussi bienvenus qu’auparavant, surtout que les pratiques agricoles de la région se réorientent vers les plantations d’arbres fruitiers, ce qui engendre de sérieux conflits entre migrants et autochtones. En effet, le prêt de terre est, par nature, temporaire, même si la durée du prêt peut s’étaler sur un très long terme (plusieurs générations). Dès lors, tout établissement ayant un caractère permanent, comme la construction d’une maison en dur, le creusement d’un puits ou la création d’une plantation d’arbres, peut menacer le caractère provisoire du prêt de terres. De tels investissements ont un coût élevé, et ceux qui les ont consentis ne peuvent accepter d’abandonner les terres empruntées et ces investissements sans recevoir une compensation. Outre la remise en cause de la propriété du prêteur, cela ouvre la voie à la commercialisation des terres, un sujet qui reste tabou pour la plupart des Tiefo. Par ailleurs, il est beaucoup plus facile pour les emprunteurs ayant réalisé de lourds investissements de faire appel à l’administration ou à la justice afin de se voir reconnaître un droit d’usufruit permanent sur les terres cultivées, puisque la RAF reconnaît à chacun le droit de récolter les fruits de son labeur. Enfin, ce transfert de « propriété » du prêteur vers l’emprunteur, bien qu’exempt de compensation financière pour l’emprunteur, donne à ce dernier la possibilité de revendre sa plantation (et par conséquent de gagner de l’argent sur une terre acquise gratuitement). Les autochtones ne manquent pas de voir dans un tel processus un abus de confiance, un vol, une spoliation des terres en complète contradiction avec deux règles coutumières fondamentales voulant que les terres prêtées restent sous le contrôle des descendants des premiers occupants et qu’elles ne puissent pas être vendues. Par sa remise en question de l’éthique locale et du droit coutumier, ce processus est donc inacceptable pour les populations autochtones qui interdisent spécifiquement la plantation d’arbres lorsqu’ils prêtent des terres à des migrants dans le besoin [8].

Plantations d’arbres et conflits fonciers

7L’interdiction faite aux migrants de planter des arbres pose problème pour plusieurs raisons. La région, située au sud-ouest du Burkina Faso, jouit d’un climat favorable et elle est connue pour ses grandes plantations de manguiers [9]. Plus récemment, les plantations d’anacardiers (donnant les noix de cajou) ont connu un essor rapide. Ces cultures ont pour avantage de procurer des revenus relativement significatifs bien que fort dépendants des fluctuations des prix mondiaux et de la situation géopolitique (le conflit qu’a connu la Côte d’Ivoire voisine a été catastrophique pour l’exportation de mangues vers les pays occidentaux). Pour éviter les feux de brousse, les exploitations doivent être entretenues régulièrement et en période de récolte, elles requièrent un supplément de main-d’œuvre. Cependant, le travail nécessaire reste bien inférieur à celui requis pour les cultures annuelles. La décision de planter des arbres est souvent une réponse au déclin de la fertilité des sols : lorsqu’une agriculture intensive et prolongée les a épuisés, il arrive un moment où l’agriculteur ne retire plus qu’un bénéfice marginal de son labeur. Par le passé, les agriculteurs décidaient généralement de laisser leurs terres en jachère, mais ils choisissent souvent aujourd’hui de faire pousser des manguiers ou anacardiers.

8La création de plantations est une stratégie peu coûteuse, fort rémunératrice, et complémentaire de l’agriculture. C’est donc une stratégie attrayante pour tous les agriculteurs de la région, autochtones comme migrants. Mais seuls les autochtones peuvent la mettre en pratique, les choix offerts aux migrants étant beaucoup plus restreints. Non seulement il ne leur est pas permis d’établir des plantations lorsque la fertilité des sols décline, mais il leur est aussi interdit de laisser les terres empruntées en jachère, sous peine de voir celles-ci reprises par le propriétaire [10]. Cela les pousse à investir davantage dans la régénération des terres en y répandant du fumier ou de l’engrais tout en courant le risque qu’une trop grande amélioration des terres entraîne le retrait de celles-ci par leur propriétaire autochtone qui voudrait profiter des investissements de ses « invités ». Bien sûr, certains migrants bravent les interdictions et plantent des arbres à l’insu du prêteur : leurs champs se trouvant en brousse, ils espèrent que leurs actes passeront inaperçus le temps que les arbres atteignent une taille adulte, ce qui leur permettrait de mettre le prêteur devant le fait accompli [11]. En plus de profiter de la rentabilité des arbres, ces migrants tentent ainsi d’augmenter leur contrôle sur les terres empruntées : tous les conflits de ce type présentés devant le préfet sont arbitrés à l’avantage de l’emprunteur.

9Le problème est que, « pour que l’emprunt des terres soit viable, le groupe de prêteurs doit avoir l’assurance que ses droits permanents ne seront pas perdus [12]. » Cette assurance étant remise en question, les autochtones réagissent en restreignant le prêt de terres, en durcissant les conditions et en surveillant étroitement les pratiques agricoles des nouveaux arrivants. Puisqu’un propriétaire reste moralement obligé de prêter des sols libres aux personnes dans le besoin, plusieurs propriétaires ont développé leurs plantations, parfois même jusque dans des zones dont l’isolement géographique menace la rentabilité, de façon à ne plus avoir de terrains disponibles pour d’éventuelles demandes de migrants. Par ailleurs, les propriétaires qui acceptent encore de prêter des terres ont tendance à limiter la durée du prêt à quelques années seulement, afin que l’emprunteur n’ait pas le temps de créer une plantation. Au bout de deux ou trois ans, l’emprunteur peut éventuellement recevoir une nouvelle parcelle, mais l’obligation de déménager régulièrement l’empêche de facto de planter des arbres [13]. Une autre stratégie consiste aussi à prêter des terres sur lesquelles le prêteur a établi une jeune plantation. L’emprunteur doit alors cultiver entre les jeunes arbres. Ceci profite au prêteur qui évite ainsi l’entretien contre les feux de brousse et le système force l’emprunteur à quitter les lieux lorsque l’ombrage des arbres empêche toute culture annuelle. Enfin, les prêteurs surveillent mieux l’usage à long terme des terres prêtées. Aujourd’hui, lorsqu’un migrant est surpris en train d’établir une plantation, il est soit contraint à déraciner tous les arbres, soit, le plus souvent, chassé des terres qu’il occupait. Enfin, les autochtones peuvent jouer des menaces spirituelles : ils contrôlent la fertilité des terres grâce aux sacrifices qu’ils organisent régulièrement et un emprunteur qui refuse de libérer les terres s’expose à la colère des esprits tutélaires et, par conséquent, à la ruine de ses récoltes [14].

10Certains migrants empruntent des terres depuis plus de trente ans. Ils sont intégrés à la communauté et leurs enfants sont souvent mariés dans le village. Plus l’ancrage dans le village est ancien et les liens sociaux tissés forts, plus il est difficile au prêteur ou à ses descendants de retirer les terres prêtées à un migrant ou ses descendants [15]. Dans le cas de migrants ayant vécu dans le village depuis plusieurs décennies, les prêteurs peuvent décider de transférer la propriété des terres de manière définitive, laissant aux migrants la liberté de cultiver et de planter des arbres comme ils l’entendent. Mais cela ne se passe pas toujours ainsi, et il arrive, souvent à la mort de l’un ou l’autre des contractants, qu’un conflit naisse au sujet des termes originels du contrat oral établi entre prêteur et emprunteur: les descendants des contractants en profitent alors pour remettre en question le statu quo. Les héritiers du prêteur peuvent soutenir que les terres avaient été prêtées au seul emprunteur originel et non à ses descendants, lesquels ne peuvent alors hériter de l’usage des terres en question. Les descendants de l’emprunteur, de leur côté, peuvent arguer que les terres avaient été définitivement transférées à leur père, ce qui leur permet non seulement d’en hériter mais aussi d’y créer des plantations. La disparition des contractants initiaux rend ce genre de litige difficile à trancher. En général, les descendants de l’emprunteur continuent à occuper les terres utilisées par leur père, mais cela se fait dans un climat plus conflictuel, empreint d’insécurité.

11Comme on peut le constater, les conflits fonciers tiennent au sentiment d’insécurité de chaque partie. D’un côté, le prêteur a peur de perdre le contrôle des terres qu’il prête ; il craint que les terres prêtées gracieusement ne finissent par faire l’objet d’une spéculation foncière et enrichissent l’emprunteur. Son contrôle sur ses terres étant remis en question à la fois par l’administration et par les emprunteurs qui créent des plantations en cachette, il réagit en durcissant les conditions d’accès aux terres. De l’autre côté, l’emprunteur a peur de se voir retirer l’usage des terres qu’on lui a confiées. Il peut s’abstenir d’investir trop dans les champs ou au contraire tenter de créer un verger en cachette. Cette insécurité est exacerbée à la fois par la croissance démographique et par la crise en Côte d’Ivoire qui a vu des centaines de milliers de migrants burkinabè et d’Ivoiriens d’origine burkinabè revenir au Burkina Faso pour y chercher des terres. Les jeunes autochtones commencent donc à craindre de ne pas avoir assez de terres pour leur propre famille et descendance. Mais la plus grande menace vient sans doute des « nouveaux acteurs » – des agents de l’État et des hommes d’affaires qui investissent d’importantes sommes d’argent dans l’agrobusiness, créant des fermes, des plantations ou des ranchs pouvant atteindre plusieurs centaines d’hectares, trahissant la confiance que les chefs de terre ont pu leur accorder [16]. Ces nouveaux développements sont devenus le véritable cauchemar de la jeune génération d’autochtones qui voit les dernières portions de terres lui échapper au bénéfice d’agents puissants contre lesquels personne ne peut rien.

Sécuriser le foncier via l’approche « gestion des terroirs » ou l’approche contractuelle ?

12Alors que tous les acteurs en milieu rural ressentent une insécurité grandissante, que la durabilité des pratiques agricoles est remise en question [17], que les conflits fonciers sont en recrudescence [18], de même que les conflits entre populations « autochtones » et « allochtones » [19], tout le monde s’accorde sur la nécessité de sécuriser le foncier en milieu rural, mais les avis divergent sur la meilleure manière d’y parvenir. On peut globalement distinguer deux approches de la sécurisation foncière [20]. La première tente de régler les problèmes au sein d’une loi nationale, unique, la même pour tous, imposée (par la force, s’il le faut) à tous les citoyens considérés sur un pied d’égalité. C’est l’approche préférée de l’État et de ses agents. La seconde encourage une gestion foncière décentralisée au niveau local, enregistrant et sécurisant la multitude de pratiques existant sur le terrain, quitte à entériner les inégalités existant entre les différentes catégories sociales en milieu rural. C’est l’approche favorite de la plupart des acteurs de terrain, y compris de ceux qui ont peu de pouvoir de décision.

13La loi portant sur la réorganisation agraire et foncière, édictée par Thomas Sankara en 1984 et revue plusieurs fois depuis (en 1991, en 1996, et toujours en cours de révision) a échoué à éradiquer la prééminence des chefs de terre et des pratiques coutumières, et n’a pas réussi à empêcher les conflits fonciers de proliférer en milieu rural. Pour pallier ce problème, l’État a adopté l’approche « gestion des terroirs ». Les « plans fonciers ruraux » qu’elle tente de mettre en place dans ce cadre sont fondés sur la participation et la responsabilisation des populations locales dans la sécurisation et la gestion durable de leur terroir. Cette approche « gestion des terroirs » est souvent adoptée dans le cadre de projets de développement financés par des bailleurs de fonds internationaux mais, au Burkina Faso, elle est surtout connue au travers des actions du Programme national de gestion des terroirs (PNGT), dont le budget se compte en milliards de francs CFA par an. Bien qu’il y ait autant de manières différentes d’aborder la sécurisation foncière qu’il existe de projets, on peut néanmoins observer que l’approche « gestion des terroirs » essaye en général de rationaliser l’usage des terres en fonction de la distribution géographique des ressources naturelles (et non en fonction de la distribution des populations et des droits préexistants au projet). Le résultat est souvent un zonage du terroir et une redistribution des ressources parmi les différents utilisateurs, ce qui simplifie grandement la « cacophonie des régimes de propriété locaux » et constitue un instrument de contrôle de la terre et des hommes par l’État [21]. L’expérience montre que cette approche typiquement moderniste mène souvent à un fiasco social [22]. Même lorsque le terroir n’est pas quadrillé et que les ressources ne sont pas redistribuées géographiquement, elles le sont juridiquement. L’approche de terroir tente en général de réunir la participation de tous les acteurs locaux. Hommes et femmes, jeunes et vieux, agriculteurs et pasteurs, autochtones et allochtones, tous sont invités aux débats et mis sur un pied d’égalité afin de prendre les décisions de manière consensuelle, le but étant, en général, de délivrer un titre foncier à tout utilisateur afin de sécuriser son accès aux ressources. Tenter de mettre tous les acteurs sur un pied d’égalité et conférer à chacun un pouvoir égal revient, en pratique, à confisquer le pouvoir de certains pour le transférer à d’autres. Lorsqu’un projet de sécurisation foncière fait ainsi table rase des différences entre prêteur et emprunteur ainsi que des contrats qui existent entre eux, il prive les uns de leur contrôle et de leur droit sur les terres pour les transférer aux autres, sans contrepartie. Une telle approche ne peut pas être consensuelle et finit souvent par créer plus de conflits qu’elle n’en résout [23]. Elle crée plus d’insécurité que de sécurité et entraîne soit un retour chaotique à la situation prévalant avant le projet, soit l’intervention de la police pour faire accepter une réforme agraire imposée d’en haut, malgré l’application d’une approche soi-disant « participative » censée éviter ce genre de problème. De plus, une telle réforme foncière revient à prendre aux pauvres pour redistribuer aux pauvres et n’empêche en rien la véritable source d’inégalités foncières qui vient aujourd’hui des nouveaux acteurs économiques comme on l’a observé plus haut.

14Une autre approche de prévention des conflits fonciers est possible, qui prend le droit coutumier comme point de départ. Elle vise à garantir l’accès aux terres à travers la sécurisation des contrats oraux qui existent entre prêteurs et emprunteurs. Au lieu de délivrer des titres fonciers à tout le monde sur un soi-disant « pied d’égalité », elle tient compte des différences sociales entre prêteurs et emprunteurs et des accords contractés entre ces catégories d’acteurs. À la place d’un grand contrat collectif unique (comme dans l’approche « gestion des terroirs »), elle repose sur l’enregistrement de centaines ou de milliers de contrats oraux interpersonnels qui sont couchés par écrit et avalisés (sécurisés) par l’administration [24]. Elle se focalise moins sur l’enregistrement exhaustif et l’encadrement légal de tous les droits existants (une tentative hybride de concilier les deux approches discutées ici et qui est quasi impossible vu la multiplicité des droits primaires, secondaires, tertiaires qui se chevauchent et changent en fonction d’un contexte fluctuant) que sur l’enregistrement de la transmission de droits spécifiques, puisque c’est cet aspect précis qui pose problème [25].

15Cette approche a de nombreux avantages. Premièrement, en ayant comme base une multitude de contrats locaux, elle ne change quasiment rien à la situation existante, sauf à lui conférer un cadre légal et une sécurisation accrue. Elle ne crée ni problème, ni conflit, car elle découle d’un véritable consensus entre les acteurs. Même si le rapport de force entre contractants est inégal, les différentes parties s’accordent sur les règles du jeu et s’entendent pour y gagner quelque chose, qui un accès à la terre, qui une position de patron ainsi qu’une certaine bonne conscience. Deuxièmement, elle a le grand avantage d’être progressivement créée de la propre initiative des acteurs locaux puisque l’insécurité foncière des prêteurs et des emprunteurs les pousse à rédiger des « petits papiers », des sortes de brouillons de contrats écrits dans un français approximatif sur des feuilles de cahier d’école, signés par les contractants et souvent contresignés par le préfet en qualité de témoin [26]. Troisièmement, elle a l’avantage supplémentaire de s’inscrire parfaitement dans la gestion des conflits, telle qu’elle existe actuellement au niveau local, et de l’améliorer de manière significative. Aujourd’hui, lorsque deux personnes sont en discorde au sujet de l’usage de terres, elles évitent le plus souvent tout recours à la justice (compliqué, onéreux, et à l’issue des plus incertaines) et elles préfèrent demander au préfet d’arbitrer le conflit, en dehors de tout cadre légal. Cela ouvre la porte à des dérives arbitraires puisque la carrière des fonctionnaires peut être influencée par les élus et les hommes d’affaires locaux [27]. Mais ces derniers peuvent aussi influencer les juges et, à choisir entre les deux options, les villageois préfèrent porter leurs différends devant l’arbitre qui leur est le plus proche et qui connaît le mieux les réalités locales. Le préfet part généralement du contrat oral établi à l’origine entre les personnes en conflits et rend son verdict en essayant de le faire respecter au mieux [28]. Le problème vient souvent de ce qu’étant de nature orale, les termes des contrats sont parfois flous ou oubliés. Les expliciter et les coucher par écrit faciliterait la tâche des préfets. Quatrièmement, cette approche rend tous les acteurs gagnants et ouvre la porte à une gestion plus durable des ressources naturelles. Voyant leurs droits de contrôle reconnus et garantis par l’État, les prêteurs ne craindraient plus de prêter leurs terres ; ils n’auraient même plus besoin d’interdire la création de plantations pour empêcher un transfert foncier. Les emprunteurs, quant à eux, gagneraient un accès plus facile aux prêts et seraient ravis de voir la durée de validité des contrats précisée. Cela leur permettrait de planifier en conséquence leurs investissements, y compris au niveau de la création de plantations. Cinquièmement, la sécurisation contractuelle ouvrirait sans doute la porte à de nouvelles formes d’arrangements entre prêteurs et emprunteurs comme, par exemple, le métayage, ce qui encouragerait d’autant plus la création de plantations. Sur le long terme, un enregistrement des contrats au niveau de l’administration permettrait à l’État d’établir progressivement un registre cadastral pouvant servir de base à une véritable réforme agraire et foncière, mûrement réfléchie, dont les conséquences pratiques seraient contrôlées avec précision grâce à une base de données de première main. Enfin, une telle prévention consensuelle des conflits fonciers atténuerait de manière significative les sentiments xénophobes qui sont en train de se développer dans la région.

16L’approche contractuelle n’est cependant pas exempte de difficultés. Tout d’abord, sécuriser les contrats revient à entériner les différences sociales et à maintenir la mainmise des autochtones, des hommes et des vieux sur le foncier [29], même si les chefs de terre ne gèrent pas le terroir à titre privé mais bien au nom de la collectivité et si cela n’empêche pas les migrants, les femmes et les jeunes d’avoir accès aux terres. Ensuite, sécuriser les contrats par écrit risque de les figer et de les empêcher de s’adapter au contexte changeant. De plus, l’approche contractuelle vise à prévenir les conflits futurs et contribue peu à résoudre ceux qui existent déjà. Qui dit conflit dit absence de consensus, et sans consensus, pas de contrat ni de sécurité foncière. Cet inconvénient peut cependant se transformer en avantage, puisque la sécurisation est un enjeu tellement important qu’elle encourage les parties opposées à trouver un arrangement à l’amiable afin que tout le monde puisse en sortir gagnant. Par ailleurs, la sécurisation contractuelle, en ouvrant la porte à de nouveaux types de contrats tel le métayage, pourrait encadrer la commercialisation rampante des terres [30], ce qui engendrerait à terme sans doute plus d’inégalités. Ceci dit, lorsqu’on constate la manière dont la terre est aujourd’hui vendue en cachette, ainsi que les dommages qui découlent de l’opacité des pratiques actuelles, on peut se demander s’il ne vaudrait pas mieux qu’une telle commercialisation, difficile à empêcher complètement, se fasse de manière plus transparente. Enfin, quels garde-fous établir pour éviter que le renforcement de l’autorité des chefs de terre ne crée une clique de despotes corrompus [31] ? Comment s’assurer que les personnes cédant des droits à d’autres sont bien habilitées à le faire et comment définir les limites des parcelles en évitant une procédure trop lourde ou coûteuse [32] ? Les modalités pratiques posent problème et doivent être bien analysées.

Citoyenneté et pluralisme juridique

17Malgré leurs différences dans la finalité et la manière de gouverner, l’État et les chefs de terre sont mutuellement dépendants. Étant relativement faible et incapable de faire respecter ses propres lois, l’État burkinabè ne peut fonctionner correctement sans la collaboration d’une multitude de chefs locaux administrant au quotidien l’usage des terres. D’un autre côté, le droit coutumier, l’autorité des chefs autochtones, de même que l’approche contractuelle, ne peuvent pas fonctionner sans le soutien de l’État [33]. En principe, les contrats existants sont compatibles avec la loi RAF, puisque l’article 153 déclare que « [l]e titulaire d’un droit de propriété, d’un droit de bail de longue durée, d’un usufruit ou le bénéficiaire d’un droit de superficie peut en transférer l’usage ou la jouissance par tout autre contrat ». Le principal point d’achoppement est que, dans la pratique, les droits usufruitiers des premiers occupants et les contrats qu’ils lient avec les occupants suivants ne sont pas reconnus, ce qui empêche l’application de l’article 153. Bien que la RAF ne le précise nulle part, l’usufruit est considéré comme revenant à tout utilisateur des terres, qu’il soit prêteur ou emprunteur, au lieu de revenir aux premiers occupants ayant mis la terre en valeur. Bref, l’approche contractuelle n’exige aucun amendement de la loi, mais requiert un changement dans son application pratique.

18La réticence vis-à-vis de ce changement s’explique notamment par la volonté de l’État de traiter tous ses citoyens sur un pied d’égalité. Reconnaître que les premiers occupants sont titulaires de droits usufruitiers reviendrait à admettre les revendications autochtones sur les terres, ce qui est interprété comme une pratique discriminatoire. La nécessité de créer une législation nationale unique garantissant l’égalité et la libre circulation de tous les citoyens entraîne la négation des processus historiques à l’origine du fait multiculturel et du pluralisme juridique. Pourtant, le recours à ces principes universalistes est très peu courant en milieu rural, même parmi les personnes susceptibles d’en profiter le plus. Tout individu est autochtone quelque part et reconnaît par conséquent la primauté des autochtones lorsqu’il migre ailleurs – ce qu’il remet parfois en question, c’est l’équité du traitement dont il fait l’objet. Personne n’oserait cultiver des terres laissées en jachères sans demander au préalable la permission au « propriétaire » coutumier. Même les gens exclus du contrôle des terres soutiennent le droit coutumier qui leur est défavorable au lieu de s’y opposer [34]. De plus, bien qu’ils soient les mieux placés pour connaître les travers d’une telle attitude, il est étonnant de constater que les réfugiés burkinabè rapatriés de Côte d’Ivoire deviennent souvent d’ardents défenseurs de la primauté des autochtones dans la gestion des terres, au point qu’ils veulent parfois chasser des migrants installés depuis longtemps pour reprendre leurs terres. Par ailleurs, en s’adressant directement aux chefs de terre en leur demandant de céder un terrain chaque fois qu’il faut construire un bâtiment administratif, même l’État reconnaît la primauté des autochtones sur la RAF. Enfin, il est important de constater que les seuls vrais bénéficiaires de la législation nationale sont les agents de l’État et les hommes d’affaires qui la connaissent et ont les moyens de l’utiliser à leur profit. La RAF fait le bonheur de ces « nouveaux acteurs » qui l’utilisent pour déposséder les populations locales de leurs dernières réserves foncières afin d’établir de gigantesques exploitations agricoles ou sylvicoles.

19Paradoxalement, malgré son intention de sécuriser le foncier, l’État, y compris dans ses tentatives de garantir l’accès aux terres, constitue une des sources les plus importantes d’insécurité [35]. Il affaiblit les chefs de terres et le droit coutumier en refusant de reconnaître leur importance dans la résolution des conflits fonciers et en couvrant les « nouveaux acteurs » ou certains migrants lorsqu’ils spolient les terres empruntées. Alors même que l’État n’en avait pas les capacités, les chefs de terre et le droit coutumier ont fait leurs preuves en offrant l’hospitalité à des centaines de milliers de migrants et en gérant pacifiquement les nombreux conflits fonciers qui en ont découlé. Détruire ce système qui fonctionne sans avoir les moyens de le remplacer par un autre pourrait se révéler une lourde erreur.

20En dernière analyse, défendre le droit de tout citoyen à s’établir sur la propriété d’un autre sans y attacher aucun devoir, c’est remettre en question la notion de propriété telle qu’elle est comprise localement. Cela ne peut qu’entraîner une polarisation croissante entre migrants colons et autochtones dépossédés, pouvant aisément se transformer en racisme institutionnalisé. La situation pourrait devenir explosive et les conflits pourraient alors tourner à l’épuration ethnique, localement ou même, en cas d’instrumentalisation politique, à grande échelle. La défense d’une égalité de principe et de façade (au vu des inégalités sociales existantes) entre citoyens engendre donc paradoxalement une polarisation et une discrimination le long d’une fracture ethnique entre autochtones et migrants. En conséquence, la reconnaissance des notions locales de propriété et de la primauté des chefs de terres peut aider à lutter contre les pratiques xénophobes et discriminatoires qui se développent au Burkina Faso. Le rapport physique, juridique, religieux et sentimental à la terre est indissociable de l’identité lignagère et ethnique des différents acteurs [36], et ce n’est pas en niant ce fait à coup de textes de lois universalistes que l’on abolira les différences et que l’on établira la concorde entre citoyens autochtones et migrants.

Notes

  • [1]
    Les Tiefo sont entre 12 000 et 15 000 individus et sont autochtones dans les régions sud et ouest de Bobo-Dioulasso, notamment dans les départements de Péni, Tiéfora et Sidéradougou. Voir S. Hagberg, « Amoro et Guimbé. Histoire et religion dans la construction de l’identité tiefo », in R. Kuba, C. Lentz et C. N. Somda (dir.), Histoire du peuplement et relations interethniques au Burkina Faso, Paris, Karthala, 2003, p. 237-258.
  • [2]
    Les données présentées ici ont été collectées lors de trois séjours sur le terrain entre 2002 et 2005 (six mois). L’auteur a eu recours à l’observation participante (avec d’intéressants résultats sur le contexte des conflits fonciers et leur résolution, ainsi que sur l’approche contractuelle), à une cinquantaine d’entretiens semi-structurés avec des villageois représentant diverses catégories sociales (sur le foncier, le droit coutumier, les relations entre autochtones et migrants), à des méthodes actives en recherche participative telles que les « classements en matrices » et les « arbres à problèmes » (pour l’utilisation des arbres et des terres) et à un questionnaire concernant 104 ménages (20 % des ménages de Péni, sélectionnés de manière systématique) portant sur leur composition, la propriété foncière, la production agricole et sylvicole et les sources de revenus. Ces recherches se sont déroulées dans le cadre du programme People, Trees and Agriculture in Africa (Petrea), financé par la Coopération danoise et mené en partenariat avec le Centre national de semences forestières basé à Ouagadougou. Voir I. Nathan, « People, trees and agriculture in Africa (Petrea) research programme: the case of Burkina Faso », in A. Wardell, A. Reenberg et R. Harpøth (dir.), Serein (The Sahel-Sudan Environmental Research Initiative) Occasional Paper (Copenhague, Institut de géographie), n° 13, 2002, p. 19-39.
  • [3]
    Voir L. C. Gray, « Investing in soil quality. Farmer responses to land scarcity in Southwestern Burkina Faso », in T. J. Bassett et D. Crummey (dir.), African Savannas. Global Narratives and Local Knowledge of Environmental Change, Oxford, James Currey, 2003, p. 72-90 ; et M. Saul, « Money and land tenure as factors in farm size differentiation in Burkina Faso », in R. E. Downs et S. P. Reyna (dir.), Land and Society in Contemporary Africa, Hanover, University Press of New England, 1988, p. 243-79.
  • [4]
    P. McAuslan, « Only the name of the country changes : the diaspora of “European” land law in Commonwealth Africa », in C. Toulmin et J. Quan (dir.), Evolving Land Rights, Policy and Tenure in Africa, Londres, International Institute for Environment and Development (IIED), 2000, p. 75-95 ; P. Lavigne-Delville, « Harmonising formal law and customary rights in french-speaking West Africa », in C. Toulmin et J. Quan (dir.), Evolving Land Rights…, op. cit., p. 97-121.
  • [5]
    S. Hagberg, « In search of nyo : Lyela farmers’perceptions of the forest in Burkina Faso », Africa, vol. 71, n° 3, 2001, p. 481-501.
  • [6]
    Une étude de photos aériennes montre qu’en 1952 seulement 44 % des terres étaient cultivées à Péni. Voir M. Saul, J.-M. Ouadba et O. Bognounou, « The wild vegetation cover of Western Burkina Faso. Colonial policy and post-colonial development », in T. J. Bassett et D. Crummey (dir.), African Savannas…, op. cit., p. 121-160.
  • [7]
    C. Lentz, « First comers and late comers : indigenous theories of landownership in West Africa », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging in West Africa, Leiden, Brill, 2006, p. 35-56 ; C. Meillassoux, Anthropologie de l’esclavage, Paris, PUF, 1998, p. 28-33.
  • [8]
    Il s’agit d’une règle fort répandue dans la région. Voir, entre autres, L. C. Gray, « Investing in soil quality… », art. cit., p. 80 ; M. Zongo, Les nouveaux acteurs et le foncier. L’exemple de la province du Ziro, Ouagadougou, Groupe de recherche et d’action sur le foncier, 2006, p. 7.
  • [9]
    Entre 1952 et 1981, la surface de terres cultivées à Péni a diminué de 35 %, principalement en raison de la plantation de manguiers. Voir M. Saul, J.-M. Ouadba et O. Bognounou, « The wild vegetation cover… », art. cit., p. 142. Notre enquête quantitative suggère qu’il y a aujourd’hui à peu près autant d’anacardiers que de manguiers à Péni.
  • [10]
    Voir L. C. Gray, « Investing in soil quality… », art. cit., p. 82.
  • [11]
    Ibid., p. 80.
  • [12]
    M. Saul, « Land custom in bare : agnatic corporation and rural capitalism in Western Burkina », in T. J. Bassett et D. E. Crummey (dir.), Land in African Agrarian Systems, Madison, University of Wisconsin Press, 1993, p. 85.
  • [13]
    Voir L. Paré, Negotiating Rights : Access to Land in the Cotton Zone, Burkina Faso. Land Tenure and Resource Access in West Africa, Londres, IIED, 2001.
  • [14]
    Sur les conflits concernant la gestion sylvicole, voir Q. Gausset et al., « Opportunities and constraints of traditional and new agroforestry in South-Western Burkina Faso », Paideusis-Journal for Interdisciplinary and Cross-Cultural Studies, vol. 3, 2003, p. 1-26 ; Q. Gausset, E. L. Yago-Ouattara et B. Belem, « Gender and trees in Péni, South-Western Burkina Faso. Women’s needs, strategies and challenges », Danish Journal of Geography, vol. 105, n° 1, 2005, p. 67-76 ; Q. Gausset, A. Ræbild, B. Belem et J. Dartell, « Land tenure, forest policies and forestry practices in Burkina Faso. Some preliminary findings », Serein Occasional Papers, n° 15, 2003, p. 133-153.
  • [15]
    Voir L. C. Gray, « Investing in soil quality… », art. cit., p. 79-80.
  • [16]
    Voir M. Zongo, Les nouveaux acteurs…, op. cit., ainsi que S. Zougouri et P. Mathieu, « Nouvelles transactions et formalisation des transactions foncières dans l’ouest du Burkina Faso : le cas d’un village de la province du Houët », in P.-Y. Le Meur et C. Lund (dir.), Gouvernance foncière au quotidien en Afrique, Münster, LIT Verlag, 2003, p. 95-116.
  • [17]
    Il existe toute une théorie économique, longtemps promue par des institutions comme la Banque mondiale, qui lie l’accès au crédit, l’investissement et l’amélioration des pratiques agricoles aux réformes foncières sécurisant la propriété privée. Voir entre autres M. Adams, Breaking Ground : Development Aid for Land Reform, Londres, Overseas Development Institute, 2000.
  • [18]
    Voir T. A. Benjaminsen et C. Lund, « Formalisation and informalisation of land and water rights in Africa : an introduction », European Journal of Development Research, vol. 14, n° 2, 2002, p. 1-10 ; J. W. Bruce et S. E. Mighot-Adholla, Searching for Land Tenure Security in Africa, Dubugue, Kendall/Hunt, 1994 ; R. Marshall-Fratani, « The war of “who is who” : autochthony, nationalism, and citizenship in the Ivoirian crisis », African Studies Review, vol. 42, n° 2, 2006, p. 9-43 ; L. C. Gray, « Environmental policy, land rights and conflict : rethinking community natural resource management in Burkina Faso », Environment and Planning D : Society and Space, vol. 20, 2002, p. 167-182.
  • [19]
    Voir par exemple P. Geschiere et F. Nyamnjoh, « Capitalism and autochthony : the seesaw of mobility and belonging », Public Culture, vol. 12, n° 2, 2000, p. 423-452 ; J.-F. Bayart, P. Geschiere et F. Nyamnjoh, « Autochtonie, démocratie et citoyenneté en Afrique », Critique internationale, n° 10, 2001, p. 177-194 ; B. Ceuppens et P. Geschiere, « Autochthony : local or global ? New modes in the struggle over citizenship and belonging in Africa and Europe », Annual Review of Anthropology, vol. 34, 2005, p. 385-407 ; L. Cotula, C. Toulmin et C. Hesse, Land Tenure and Administration in Africa : Lessons of Experience and Emerging Issues, Londres, IIED, 2004.
  • [20]
    Lavigne-Delville utilise les termes de « système d’autorité » et de « système d’enregistrement », tandis que Lund parle « d’intégration » et « d’autodétermination » à propos des deux approches dont il est ici question. Voir P. Lavigne-Delville, « Harmonising formal law… », art. cit. p. 114 ; C. Lund, « Les réformes foncières dans un contexte de pluralisme juridique et institutionnel : Burkina Faso et Niger », in G. Winter (dir.), Inégalités et politiques publiques en Afrique. Pluralité des normes et jeux d’acteurs, Paris, IRD, Karthala, 2001, p. 195-207.
  • [21]
    J. C. Scott, Seeing Like a State. How Certain Schemes to Improve the Human Condition Have Failed, New Haven, Yale University Press, 1998, p. 35.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    S. P. J. Batterbury, « Local environmental management, land degradation and the “Gestion des Terroirs” approach in West Africa ; policies and pitfalls », Journal of International Development, vol. 10, 1998, p. 871-898 ; J.-P. Chauveau, « Plans fonciers ruraux : conditions de pertinence des systèmes d’identification et d’enregistrement des droits coutumiers », Dryland Issue Paper (Londres), n° 122, 2002 ; L. C. Gray, « Environmental policy… », art. cit. ; E. Le Roy, A. Karsenty et A. Bertrand, La sécurisation foncière en Afrique. Pour une gestion viable des ressources renouvelables, Paris, Karthala, 1996, p. 344-345 ; J.-P. Platteau, « Does Africa need land reform ? » et C. Toulmin et J. Quan, « Registering customary rights », in C. Toulmin et J. Quan (dir.), Evolving Land Rights. Policy and Tenure in Africa, Londres, IIED, 2000, respectivement p. 51-73 et 207-228.
  • [24]
    Pour un exemple concret de projet pilote d’approche contractuelle à Péni, voir Q. Gausset, « Le foncier et les arbres dans le sud-ouest du Burkina Faso », Serein, Occasional papers, n° 18, 2004, p. 37-60.
  • [25]
    P. Lavigne-Delville, « Harmonising formal law… », art. cit., p. 119.
  • [26]
    Voir P. Lavigne-Delville, Foncier rural, ressources renouvelables et développement en Afrique, Paris, Ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie, 1998 ; P. Lavigne-Delville, « When farmers use “pieces of paper” to record their land transactions in francophone rural africa : insights into the dynamics of institutional innovation », European Journal of Development Research, vol. 14, n° 2, 2002, p. 89-108 ; P. Mathieu, M. Zongo et L. Paré, « Monetary land transactions in Western Burkina Faso : commoditisation, papers and ambiguities », European Journal of Development Research, vol. 14, n° 2, 2002, p. 109-128.
  • [27]
    Voir C. Lund, « Les réformes foncières… », art. cit., p. 199.
  • [28]
    Voir aussi R. Kuba, « Spiritual hierarchies and unholy alliances : competing earth priests in a context of migration in Southwestern Burkina Faso », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging…, op. cit., p. 51-75.
  • [29]
    Voir C. Lund, « Les réformes foncières… », art. cit. p. 205.
  • [30]
    Cette commercialisation ne se fait pas encore au grand jour à Péni, mais il y a déjà eu quelques cas de vente de terre faite en catimini dans les villages tiefo voisins, et la vente de terre va bon train dans d’autres villages de la province ainsi qu’ailleurs au Burkina Faso. Voir S. Hagberg, « Money, ritual, and the politics of belonging in land transactions in Western Burkina Faso », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging…, op. cit, p. 99-118 ; P. Mathieu, « Transactions informelles et marchés fonciers émergents en Afrique », in T. A. Benjaminsen et C. Lund (dir.), Politics, Property and Production in the West African Sahel. Understanding Natural Resource Management, Uppsala, Nordic Africa Institute, 2001, p. 22-39 ; M. Saul, « Money and land tenure… », art. cit ; S. Zougouri et P. Mathieu, « Nouvelles transactions… », art. cit.
  • [31]
    Pour une discussion de l’exemple du Niger, voir C. Lund, « Les réformes foncières… », art. cit.
  • [32]
    La procédure administrative actuelle est tellement longue et coûteuse qu’elle empêche en pratique les villageois d’en bénéficier, voir S. Ouédraogo, « Accès à la terre et sécurisation des nouveaux acteurs autour du lac Bazèga (Burkina Faso) », Dossiers IIED (Londres), n° 138, 2006.
  • [33]
    Cela ressort bien de certains projets pilotes de sécurisation des contrats montrant qu’une reconnaissance au niveau de la seule sous-préfecture ne suffit pas lorsque les sous-préfets sont régulièrement mutés et que les nouveaux acteurs gardent la possibilité d’utiliser la RAF à leur avantage. Voir P. Lavigne-Delville, C. Toulmin, J.-P. Colin et J.-P. Chauveau, Negotiating Access to Land in West Africa : A Synthesis of Findings from Research on Derived Rights to Land, Londres, IIED, 2002, p. 110.
  • [34]
    Voir M. Saul, « Land custom in bare… », art. cit., p. 81 et 97.
  • [35]
    J.-P. Platteau, « Does Africa need land reform ? », art. cit. ; C. Toulmin et J. Quan, « Registering customary rights », art. cit.
  • [36]
    C. Lentz, « Land rights and the politics of belonging in Africa : an introduction », in R. Kuba et C. Lentz (dir.), Land and the Politics of Belonging…, op. cit., p. 1-34.
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