Couverture de POLAF_106

Article de revue

Violence urbaine et politique à Jos (Nigeria), de la période coloniale aux élections de 2007

Pages 69 à 91

Notes

  • [1]
    Cette recherche, menée en 2005 et 2006 sur des terrains urbains et ruraux de l’État du Plateau, a été financée par une bourse du Leverhulme Trust et par le Centre for Research on Inequality, Human Security and Ethnicity (Crise) de l’université d’Oxford. J’ai également bénéficié d’une affiliation au Département d’histoire de l’université de Jos. Je suis très reconnaissant à Henry Mang, Dan Manjang, Maren Milligan, Ike Okonta, Leena Hoffman, John Peel, Richard Fardon, Leonard Plotnicov, Tony Kirk-Greene, Frances Stewart et Carol Berger, ainsi qu’aux coordinateurs du numéro et aux membres du comité de lecture de la revue, pour leurs remarques sur les versions précédentes de l’article.
  • [2]
    En 1992, les Atyap (Kataf) ont affronté les Hausa à Zangon Kataf, dans l’État de Kaduna, et les ont chassés. Voir A. R. Mustapha, « Ethnicity and democratisation in Nigeria : a case study of Zangon Kataf », in J. Ibrahim, Expanding Democratic Space in Nigeria, Dakar, Codesria, 1997, p. 205-219.
  • [3]
    Voir T. Falola, Violence in Nigeria : The Crisis of Religious Politics and Secular Ideologies, Rochester, University of Rochester Press, 1998.
  • [4]
    Je remercie le Dr Ike Okonta de m’avoir suggéré ces questionnements.
  • [5]
    Le Plateau compte environ 40 langues, même si certaines sont moribondes et d’autres menacées par l’« hausaisation » et l’urbanisation. Voir R. Blench, « Recent research on the Plateau languages of Central Nigeria », à paraître, 2007. Disponible sur www.rogerblench.info/RBOP.htm.
  • [6]
    J. H. Morrison, « Plateau societies’ resistance to Jihadist penetration », in E. Isichei (ed.), Studies in the History of Plateau State, Nigeria, Londres, Macmillan, 1982, p. 136-150.
  • [7]
    Au Nigeria, tous les chiffres sont des données sensibles, et susceptibles d’être exploités à des fins politiques. Le recensement de 2006 ne mentionnait d’ailleurs pas les affiliations ethniques ou religieuses.
  • [8]
    Sur l’indigénéité au Nigeria, voir D. C. Bach, « Indigeneity, ethnicity, and federalism », in L. Diamond, A. Kirk-Greene et O. Oyediran (eds), Transition Without End : Nigerian Politics and Civil Society Under Babangida, Boulder, Lynne Rienner, 1997, p. 333-349 ; « “They do not own this place” : Government discrimination against “non-indigenes” in Nigeria », Human Rights Watch, vol. 18, n° 3 (A), avril 2006. Voir aussi le numéro spécial d’African Studies Review, vol. 49, n° 2, 2006.
  • [9]
    Il y a un glissement au plan religieux, qui crée des relations ethniques ambiguës, dans la mesure où certaines parties de l’État ont connu de nombreuses conversions à l’islam au cours de la période précoloniale et, dans une certaine mesure, au moment des campagnes de conversion menées par le Sardauna dans les années 1960.
  • [10]
    R. A. Joseph, Democracy and Prebendal Politics in Nigeria : The Rise and Fall of the Second Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
  • [11]
    L. Plotnicov, « An early Nigerian civil disturbance : the 1945 Hausa-Ibo riot in Jos », Journal of Modern African Studies, vol. 9, n° 2, 1971, p. 297-305.
  • [12]
    D. A. Anthony, Poison and Medicine : Ethnicity, Power, and Violence in a Nigerian City, 1966 to 1986, Oxford, James Currey, 2002 ; entretiens à Jos et Bukuru, 2006.
  • [13]
    L. Plotnicov, « Who owns Jos ? Ethnic ideology in Nigerian urban politics », Urban Anthropology, vol. 1, n° 1, 1972, p. 1-13.
  • [14]
    Ce constat vaut pour le Nigeria de manière plus générale, comme l’ont démontré les suites de l’affaire des caricatures de Mahomet en 2006, lorsque les Igbo se sont vengés contre les Nordistes de l’assassinat de leurs parents à Maiduguri, Bauchi et ailleurs.
  • [15]
    Sur l’indigénéité et la citoyenneté à Jos, voir S. Egwu, Ethnicity and Citizenship in Urban Nigeria : The Jos Case, 1960-2000, PhD, université de Jos, 2003 ; D. Pam Sha, « Ethnicity and political conflicts in Jos : emergence, dimensions and the way forward », in F. Okoye (ed.), Ethnic and Religious Rights in Nigeria, Kaduna, Human Rights Monitor, 1998.
  • [16]
    L. Plotnicov, Strangers to the City : Urban Man in Jos, Nigeria, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1967, p. 33 ; S. Diamond, « The Anaguta of Nigeria : suburban primitives », p. 403-404, in J. H. Steward (ed.), Contemporary Change in Traditional Societies. Vol. I : Introduction and African Tribes, Urbana, University of Illinois Press, 1967, p. 361-505 ; B. Freund, Capital and Labour in the Nigerian Tin Mines, Essex, Longman, 1981, p. 34-35 ; entretiens avec Hassan Toro, village de Toro, État de Bauchi, 22 et 25 novembre 2006.
  • [17]
    Entretien avec Alhaji Muhammadu Na’umma, Naraguta, 20 décembre 2006.
  • [18]
    Entretien avec Moses Nyam Rwang, Bukuru, 25 septembre 2006.
  • [19]
    B. Freund, Capital and Labour…, op. cit., p. 50.
  • [20]
    Sur les mines et la main-d’œuvre, voir B. Freund, Capital and Labourop. cit. ; du même auteur, « Labour migration to the Northern Nigerian tin mines, 1903-1945 », Journal of African History, vol. 22, n° 1, 1981, p. 73-84 ; C. K. Gonyok, A History of Labour in the Tin Mining Industry of the Jos Plateau, 1903-1960, PhD, Ahmadu Bello University, Zaria, 1986.
  • [21]
    L. Plotnicov, Strangers to the City…, op. cit., p. 62-63.
  • [22]
    Entretien avec Norma Perchenock, Jos, 26 septembre 2006. Sur l’histoire des émirats, voir S. J. Hogben et A. H. M. Kirk-Greene, The Emirates of Northern Nigeria : A Preliminary Survey of their Historical Traditions, Londres, Oxford University Press, 1966.
  • [23]
    L. Plotnicov, Strangers to the City…, op. cit., p. 41.
  • [24]
    L. Plotnicov, Strangers to the City…, op. cit., p. 47.
  • [25]
    L. Plotnicov, « An early Nigerian civil disturbance… », art. cit., p. 300.
  • [26]
    P. Chunun Logams, The Middle Belt Movement in Nigerian Political Development : A Study in Political Identity, 1949-1967, Abuja, Centre for Middle Belt Studies, 2004, p. 389.
  • [27]
    Le changement de nom était destiné à apaiser la communauté hausa et à désamorcer toute revendication ethnique de Jos.
  • [28]
    Entretien avec Ustaz Sani Ibn Salihu, Jos, 29 novembre 2005 ; S. D. Nyam et C. C. Jacobs, An Evaluation of the Gbong Gwom Institution from 1935 to 2003, A Berom Historical Publication, Jos, 2004.
  • [29]
    Entretien avec Ustaz Sani Ibn Salihu, 29 novembre 2005, Jos. Shedrak Best note que Tardy a également restreint l’accès des Berom à l’indigénéité à Jos Nord. S. G. Best, The Challenges and Prospects of Peace Building on the Plateau, Annual Guest Lecture, Centre for Peace Advancement in Nigeria, 7 septembre 2006.
  • [30]
    Sur la formation de l’élite politique du Plateau, voir M. Y. Mangvwat, A History of Class Formation in the Plateau Province, 1902-1960 : The Genesis of a Ruling Class, PhD, Ahmadu Bello University, Zaria, 1984.
  • [31]
    Entretiens avec Moses Nyam Rwang, Bukuru, 23 et 25 septembre 2006.
  • [32]
    K. W. J. Post, The Nigerian Federal Election of 1959 : Politics and Administration in a Developing Political System, Londres, Oxford University Press, 1963, p. 80-82.
  • [33]
    M. J. Dent, « A minority party – The UMBC », in J. P. Mackintosh (ed.), Nigerian Government and Politics, Londres, George Allen et Unwin, 1966, p. 461-507.
  • [34]
    K. W. J. Post, The Nigerian Federal Election of 1959…, op. cit.
  • [35]
    M. Y. Mangvwat, « Oral sources and the reconstruction of party politics on the Jos Plateau, 1950-1966 », in Y. B. Usman et G. A. Kwanashie (eds), Inside Nigerian History, 1950-1970 : Events, Issues and Sources, Ibadan, 1995, p. 303. Les partisans de la Nepu souhaitaient que ce soit un des leurs, plutôt qu’un homme du NPC, qui devienne chef, mais il s’agissait toujours de mettre des Hausa au pouvoir. Entretien avec John Mark Samci, Jos, 6 octobre 2006.
  • [36]
    L. Plotnicov, « Who owns Jos ?… », art. cit., p. 9.
  • [37]
    Voir A. Goyol, J. D. Gomwalk : A Man of Vision, Jos, Lecaps, 1996.
  • [38]
    Entretien avec Solomon D. Lar, Langtang, 12 août 2006.
  • [39]
    Voir The Report of the Commission of Inquiry into the Riots of 12th April, 1994 in Jos Metropolis. Vol. 1 [Main Report], Plateau State Government, 1994.
  • [40]
    « Plateau : Dariye versus the elders », This Day, 11 août 2002.
  • [41]
    « Dariye : how we shared N1.6bn loot », This Day, 8 février 2006 ; « How Dariye misused N1.6b Ecological Fund », The Guardian (Lagos), 12 novembre 2006 ; « How Dariye looted Plateau’s billions – EFCC », www.efccnigeria.org, 3 février 2006.
  • [42]
    S. Egwu, Ethnicity and Citizenship…, op. cit., p. 249.
  • [43]
    J. Harnischfeger, « Sharia and control over territory : conflicts between “settlers” and “indigenes” in Nigeria », African Affairs, vol. 103, n° 412, p. 431-452.
  • [44]
    Executive Summary of the Report of the Justice Niki Tobi Judicial Commission of Inquiry into the Crisis in Jos and Its Environs, État du Plateau, 2002, p. 3.
  • [45]
    Entretien avec Alh. Tijjani Abdullahi et sa femme, Jos, 2 octobre 2006. Des rumeurs l’accusent d’avoir planifié la crise, mais elles se sont avérées sans fondement et il a été totalement blanchi par la Commission Niki Tobi.
  • [46]
    La Commission Niki Tobi a recensé 915 assassinats intervenus au cours de la crise de 2001. Dans son rapport effectué peu après les événements, Human Rights Watch a estimé que plus de 1 000 personnes avaient été tuées. Voir « Jos : a city torn apart », Human Rights Watch, vol. 13, n° 9 (A), décembre 2001.
  • [47]
    Voir R. S. Dali, The Christian-Muslim Conflict in Northern Nigeria and Its Effects on Women : A Case Study of Jos, Plateau State, mémoire de Master en éthique et philosophie, Université de Jos, 2005-2006.
  • [48]
    Entretien collectif à Bukuru, octobre 2006.
  • [49]
    La Commission Niki Tobi a disculpé le gouvernement et pointé la responsabilité essentielle du commissaire de police, Alh. M. D. Abubakar, un musulman, accusé d’avoir contribué à la planification de la crise, en éloignant par exemple des lieux les unités de police ou en refusant d’armer les policiers. Il a aussi été mis en cause pour sa partialité dans le déploiement de la protection policière aux environs de la mosquée centrale.
  • [50]
    Cette information a été démentie par l’armée, mais reprise par la Commission Niki Tobi.
  • [51]
    Dans un entretien, on a affirmé que c’était la raison pour laquelle le commissaire de police musulman avait refusé d’armer les policiers.
  • [52]
    U. Danfulani et S. Fwatshak, « Briefing : the September 2001 events in Jos, Nigeria », African Affairs, vol. 101, n° 403, 2002, p. 243-255.
  • [53]
    Entretien collectif à Vwang, novembre 2006. L’assassinat de musulmans berom a été également mentionné dans d’autres entretiens.
  • [54]
    Sur des processus de violence collective semblables, observés sur un autre terrain, voir S. J. Tambiah, Leveling Crowds : Ethnonationalist Conflicts and Collective Violence in South Asia, Berkeley, University of California Press, 1996, p. 81.
  • [55]
    « Plateau : Dariye versus the elders », This Day, 11 août 2002.
  • [56]
    De nombreux indices laissent penser qu’il s’agit d’un incendie criminel.
  • [57]
    S. Egwu, Ethnicity and Citizenship…, op. cit., p. 282.
  • [58]
    Voir « Testing democracy : political violence in Nigeria », Human Rights Watch, vol. 15, n° 9 (A), avril 2003, p. 22-26.
  • [59]
    Lar et Dariye s’étaient brouillés au cours du mandat précédent, mais sur fond de rumeurs concernant un substantiel pot-de-vin, et au prix d’une bonne entaille à sa crédibilité, Lar lui a renouvelé son soutien au cours de l’état d’urgence.
  • [60]
    « Nigerian official in fraud probe », BBC news online, http://news.bbc.co.uk, 3 septembre 2004.
  • [61]
    « Revenge in the name of religion : the cycle of violence in Plateau and Kano States », Human Rights Watch, vol. 17, n° 8 (A), mai 2005.
  • [62]
    « Plateau : PDP elders move to restructure party », This Day, 16 novembre 2004.
  • [63]
    « PDP : a congress of conflicts and controversies », Vanguard, 12 novembre 2005. Akun est d’ethnie ron et originaire du même gouvernement local que Dariye ; ce choix était censé détourner certains des principaux soutiens du gouverneur, mais rien n’indique que le stratagème a fonctionné.
  • [64]
    « Dariye, 55 others decamp from PDP », www.thetimesofnigeria.com, 1er février 2006.
  • [65]
    « The fall of Mantu », Nigerian Tribune, 1er mai 2007 ; « As Mantu bids farewell to the upper chamber », Daily Independent, 12 mai 2007.
  • [66]
    « Wanted Nigeria governor wins case », BBC online news, http://news.bbc.co.uk, 27 avril 2007.

1Depuis le rétablissement du régime civil en 1999, l’État du Plateau, situé au centre du Nigeria, dans la Middle Belt, zone intermédiaire entre le nord et le sud du pays, a vécu l’une des périodes de violence collective les plus sanglantes de son histoire [1]. Les violences, qui ont débuté en septembre 2001 par des émeutes à Jos, capitale de l’État, se sont étendues à d’autres zones jusqu’à l’imposition de l’état d’urgence par le gouvernement fédéral pour une période de six mois, de mai à novembre 2004. Elles ont fait plusieurs milliers de victimes, ont provoqué des déplacements massifs de population et des destructions de biens et de maisons, et ont consolidé les clivages politiques, sociaux et spatiaux entre chrétiens et musulmans. Elles ont mis en lumière l’échec patent de l’État et des administrations civiles post-1999 dans la gestion des diversités ethniques et religieuses. Mais si le retour à un régime civil a eu des conséquences considérables, ces violences ne peuvent s’expliquer seulement par ce nouvel environnement politique. Les ferments de la discorde avaient été instillés bien plus tôt. Comme l’indiquent les incidents survenus ailleurs dans la Middle Belt, comme les émeutes de Zangon Kataf [2], des violences se sont produites à un rythme accéléré pendant les périodes de régime militaire. Il n’en demeure pas moins que la poussée de violence de 2001 est venue rompre la paix relative qui s’était établie dans le Plateau depuis les pogroms anti-igbo de 1966, alors que dans les États du nord, au cours des décennies 1980 et 1990, les violences religieuses ont été nombreuses [3]. Les terribles violences collectives de 2001-2004 sont-elles liées au retour à un pouvoir civil, en 1999 ? Peut-on mobiliser les explications forgées au cours des précédents épisodes de violence collective de 1945, 1966 et 1994 pour comprendre les émeutes de 2001 [4] ? Je m’attacherai ici à resituer les premières confrontations violentes dans leur contexte politique, avant de donner un aperçu des événements de 2001 et d’évoquer les processus politiques en cours dans l’État du Plateau.

2Il est important de souligner la singularité de l’État du Plateau dans le contexte nigérian, particulièrement du point de vue de l’histoire sociale et de l’environnement culturel. La région se caractérise par une très grande hétérogénéité ethnolinguistique [5], encore accentuée par les migrations du xxe siècle, en provenance de toutes les régions du Nigeria. Sur le plan historique, cette hétérogénéité a généré des clivages et des alliances variées et d’apparence parfois contradictoire entre les différents groupes religieux et ethniques. À l’époque précoloniale (et sous des formes altérées par la suite), les sociétés du Plateau étaient pour l’essentiel fondées sur des systèmes de parenté segmentés, basés sur le clan, avec des modes complexes d’intermariages. Le Plateau de Jos lui-même est resté largement à l’écart de l’autorité musulmane. Les tentatives des émirats de Bauchi et de Zaria au cours du xixe siècle pour étendre au Plateau le jihad initié par Usman ‘dan Fodio ont été repoussées, même si les raids esclavagistes se sont poursuivis [6]. Cette période historique a aujourd’hui une résonance particulière, comme l’indiquent les discours tenus par les chrétiens et les musulmans sur les préjudices du passé et leur rapport au pouvoir. L’histoire coloniale a elle été marquée par l’exploitation industrielle des mines d’étain et de colombite, par la création de la ville de Jos et par le développement de vastes courants migratoires. Pour les communautés originaires du Plateau (notamment les Berom), l’exploitation minière et la colonisation en général ont entraîné souvent une dépossession foncière et des bouleversements sociaux rapides. Jos abrite depuis longtemps une des plus fortes concentrations de chrétiens au nord du Nigeria, et est devenue un point central pour les mouvements évangélistes. La ville compte aussi une importante population musulmane, concentrée dans les quartiers centraux. On ne possède pas de données démographiques récentes fiables pour l’État du Plateau. D’après le recensement national de 2006, l’État du Plateau comptait 3,1 millions d’habitants (probablement un million à Jos), dont peut-être deux tiers de chrétiens et un tiers de musulmans [7]. Les premiers musulmans se sont installés dans les plaines du sud et de l’est avant de rejoindre le Plateau proprement dit, qui couvre le nord et certaines parties du centre de l’État. Cette zone des plaines a connu des violences prolongées de 2002 à 2004, plusieurs mois après les émeutes de Jos, et c’est dans cette zone qu’il y a eu le plus de morts. La violence ne s’est pas directement propagée depuis Jos, mais les émeutes urbaines ont constitué un précédent et ont généré des tensions qui ont contribué à aviver la violence dans ces zones en 2001 et en 2002.

3Dans la vie politique de l’État du Plateau aujourd’hui, l’ethnicité est un élément central dans la définition des identités politiques. Au niveau local, la légitimité est principalement définie en termes ethniques, ou à travers la notion connexe d’« indigénéité » (ou d’autochtonie), qui renvoie de manière plus spécifique au « lieu d’origine » – défini non par la naissance mais par l’ascendance [8]. Dans une région aussi hétérogène que l’État du Plateau, les « indigènes » cohabitent forcément avec des « étrangers » (settlers). Ces derniers sont définis comme tels aussi bien dans le langage courant – par une sorte de « discrimination informelle » – que sur le plan officiel, où ils se voient refuser les « certificats d’indigénéité » – un document émis par les autorités locales pour indiquer qui a des ancêtres dans la région. Ces certificats sont couramment requis pour bénéficier des ressources des États – les écoles et les institutions publiques, les bourses, les emplois dans les ministères et dans les entreprises parapubliques, y compris dans les médias. Les institutions fédérales sont supposées recruter sur des bases plus larges, mais on y rapporte aussi des discriminations à l’encontre des « non-indigènes ». La question de l’indigénéité est un problème pour l’ensemble du Nigeria – ainsi les « indigènes » du Plateau rencontrent-ils ailleurs des discriminations. Ce problème n’est en aucun cas nouveau : l’indigénéité est devenue un sujet politique majeur durant la IIe République, mais était déjà présente auparavant dans les discours. Le problème s’est probablement intensifié depuis 1999 et génère des formes d’exclusion à tous les niveaux, y compris parmi les « indigènes » du Plateau, puisque chaque gouvernement local peut exclure les « non-indigènes » de sa circonscription. Dans le Plateau, l’indigénéité est renforcée par son fréquent amalgame avec la religion. La plupart des musulmans sont en effet perçus ou formellement catégorisés comme « étrangers », quand la majeure partie des peuples du Plateau considérés comme « indigènes » sont chrétiens [9].

4Les tensions autour de la notion d’autochtonie sont symptomatiques de divisions et de contradictions plus profondes au sein du système politique et de la société locale. Celles-ci sont historiquement enracinées mais prennent forme dans le contexte des processus politiques actuels. Certaines de ces tensions étaient présentes dès la naissance des partis politiques dans les années 1950 et sous la Ire République, et reflètent des structures de conflit répandues à travers la Middle Belt. Les différends se sont exacerbés sous Babangida et Abacha (1985-1998), alors que les difficultés économiques s’accentuaient et que le poids croissant du néopatrimonialisme (ou du prebendalism) dans la société et le champ politique aiguisait les clivages [10]. L’idéologie semble aujourd’hui absente de la vie politique et celle-ci n’a fait qu’amplifier le néopatrimonialisme de la IIe République et de la période militaire. Mais les autorités civiles ont aussi généré des changements : les musulmans de Jos ont perdu de leur pouvoir. Ce phénomène est dû pour partie à l’atténuation du pouvoir du Nord à l’échelle du pays, mais s’explique surtout par le fait qu’une élite politique chrétienne dynamique s’affirme et profite de son avantage numérique pour s’imposer électoralement. Mais en dépit de l’émergence de cette élite nouvelle, les chrétiens du Plateau demeurent marginalisés au plan économique et, à l’échelle plus large du Nord et du pays, ils se perçoivent comme une minorité assiégée. Dans les turbulences politiques de la IVe République, ce contexte est explosif.

La violence urbaine : origines et épisodes précurseurs

5Les émeutes survenues à Jos entre le 7 et le 12 septembre 2001 s’inscrivent dans l’histoire particulière de la ville et de ses débuts en politique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elles marquent aussi l’échec du gouvernement actuel à gérer les demandes contradictoires des organisations ethniques et religieuses. L’appartenance religieuse a joué un rôle clé dans la mobilisation en 2001 et constituait alors le plus important marqueur de différenciation sociale. Il importe cependant de noter que, jusque dans les années 1990, la violence à Jos ne revêtait pas cette dimension religieuse. La première émeute urbaine recensée dans le nord du Nigeria, dite de la « pomme de terre », a opposé à Jos en 1945 les marchands hausa et igbo, faisant au moins deux morts [11]. Elle s’explique par un ensemble de facteurs : la croissance rapide de la population igbo durant la guerre, la concurrence commerciale entre les Igbo et les Hausa dans la période d’austérité économique de l’immédiat après-guerre, le sentiment d’insécurité des Hausa en raison des activités des nationalistes du parti National Council of Nigeria and Cameroon (NCNC). Hausa et Igbo se sont à nouveau affrontés en septembre et octobre 1966, avec une effroyable férocité. Comme dans les villes du Nord, c’est l’ensemble des gens de l’Est qui ont été la cible de pogroms, mais les Igbo ont été les premières victimes du fait de leur nombre. Jos, Bukuru et Barakin Ladi ont compté parmi les localités les plus touchées dans le Nord par ces massacres [12]. Des témoins racontent que des milices hausa ont été amenées dans d’autres villes, notamment de Bauchi, pour lancer la tuerie, laissant ensuite aux locaux le soin d’achever le travail. La dimension locale de ces événements est évidente, dans la mesure où des Berom ont aussi participé aux pogroms, apparemment parce qu’ils craignaient une domination igbo après le coup d’État de 1966, mais aussi parce que l’un des leurs, le lieutenant-colonel Pam, avait été assassiné, parmi d’autres leaders du Nord, par des officiers igbo [13]. Contrairement à l’opinion courante, la violence à Jos n’est donc pas sans précédent. Elle a certes évolué vers une interprétation en termes plus explicitement religieux, mais aujourd’hui encore les anciennes divisions régionales demeurent prédominantes [14].

6Si la violence à Jos en 2001 a opposé musulmans et chrétiens, le conflit n’était pas religieux en soi ; il renvoyait avant tout à un différend ancien autour de la question de l’indigénéité [15]. Les Berom, les Anaguta et les Afizere – reconnus par l’État comme des « indigènes » – se sont convertis en masse à partir des années 1950 sous l’influence des écoles et des hôpitaux missionnaires ; ils sont aujourd’hui presque tous chrétiens, au moins de nom. Ils revendiquent Jos comme étant leur terre ancestrale, mais la population musulmane du Nord, d’origine essentiellement hausa, fulani, kanuri et nupe, installée à Jos depuis la création de la ville au début du xxe siècle, s’estime elle aussi « indigène ». L’origine de ce conflit réside dans l’histoire des migrations à Jos et le mode de développement particulier de la ville. Le premier quartier hausa de Jos était situé à Naraguta, aux franges nord-est de la ville actuelle. Il s’agissait à l’origine d’un camp créé par des mineurs venus du village hausa-fulani de Tilden Fulani, dans l’actuel état de Bauchi [16]. Bunu, le premier chef hausa, est venu à Naraguta depuis Bauchi au tout début de la période coloniale [17]. Jos s’est développé à partir de 1910, grâce au réseau routier et ferroviaire construit pour l’industrie de l’étain. La ville a officiellement été fondée en 1915 et le quartier général de l’administration coloniale de Naraguta y a été transféré en 1921 ; à la création de la Province du Plateau, en 1926, Jos est devenu la capitale provinciale.

7À mesure que les mines d’étain s’étendaient sur le Plateau, les camps de mineurs se sont multipliés. Au départ, la participation des « indigènes » au travail de la mine était limitée. Les Berom n’ont ainsi pas travaillé dans les mines avant les années 1930, et encore uniquement au cours de la saison sèche [18] – de sorte que la main-d’œuvre extérieure était indispensable. La plupart des travailleurs étaient des paysans recrutés dans d’autres provinces du Nord – principalement « les zones centrales de langue hausa […], suivies des Kanouri de Borno [19] ». Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les autorités indigènes employèrent le travail forcé pour répondre à la demande croissante d’étain et de colombite, à travers un système de quotas [20]. Les migrations provenant du Sud, du Niger, du Cameroun et du Tchad s’accrurent. Les emplois de bureau et autres emplois qualifiés dans les mines (principalement à Bukuru) ont principalement été occupés par des populations du sud du Nigeria, de la Sierra Leone et du Ghana.

8Une classe de commerçants, distincte des mineurs, a migré à Jos depuis les centres urbains du Nord (Kano, Zaria et Bauchi), attirée par les nouvelles opportunités commerciales. Beaucoup de marchands sont aussi arrivés du Sud, notamment des Yoruba (en provenance d’Ogbomosho en particulier), des Igbo, des Urohobo, des Itsekiri [21]… Dans l’ensemble, ces populations n’ont pas revendiqué la « possession » de Jos. Les migrants en provenance du Nord étaient en général des talakawa, des hommes du peuple ou des classes dominées, et Jos était une cité d’autant plus attractive qu’elle leur permettait d’échapper au système des émirats [22]. Les musulmans de Jos n’ont pas maintenu de liens étroits avec leur lieu d’origine et ont affirmé un fort sentiment d’appartenance à la ville. Les clivages communautaires se sont aussi durcis sous l’impulsion de la politique coloniale d’organisation de l’espace urbain. Jos était une ville où la ségrégation était très marquée, le centre étant divisé en deux zones séparées – la ville indigène (native town), essentiellement peuplée de musulmans du Nord, et le township, où étaient situés les quartiers européen et asiatique, à l’écart d’un quartier séparé construit pour les Africains originaires du sud du Nigeria ou d’autres pays d’Afrique de l’Ouest [23]. La population autochtone était établie dans des zones rurales à l’extérieur de la ville – comme elle le demeure aujourd’hui, même si certains villages ont un caractère périurbain ou ont été absorbés par la ville. La participation des peuples du Plateau aux activités commerciales à Jos est toujours négligeable comparée à celle des Hausa, des Igbo et des Yoruba, qui contrôlent l’économie de la ville. Ils sont intégrés à l’économie informelle, par la vente de produits agricoles, en général menée par les femmes. L’industrie du bâtiment emploie également de la main-d’œuvre locale, les femmes constituant là aussi la principale force de travail.

9Ces disparités économiques ont eu un impact politique, les élites « indigènes » cherchant à y remédier en s’affirmant politiquement. Au début de la période coloniale, les autorités britanniques ont donné à des Hausa le titre de chef de Jos (Sarkin Jos), titre qui ne renvoyait cependant qu’à la ville indigène et non à la circonscription administrative de Jos, comme certains l’ont soutenu par la suite. Dix Hausa se sont succédé à ce poste entre 1914 et 1952, « pour gérer les affaires quotidiennes de la ville [24] ». Cette institution a renforcé ce que Plotnicov décrit comme « l’attitude possessive [des Hausa] à l’égard de la ville indigène de Jos [25] ». Fondée en 1945 par des anciens combattants et des évangélistes chrétiens [26], la Berom Progressive Union (BPU) a milité pour la reconnaissance d’un chef suprême des Berom et a obtenu en 1947 la création du poste de Gbong Gwom. Rwang Pam, responsable d’un établissement scolaire et greffier au tribunal, est devenu Chef de Jos en 1954, au moment où l’Autorité indigène berom a été renommée Autorité indigène de Jos [27]. La perte de la chefferie de la ville est l’un des griefs des Hausa, d’autant plus qu’ils ont par la suite été privés de leurs autres titres traditionnels. Da Fom Bot, le dernier Gbong Gwom entre 1970 et 2002, a essayé d’harmoniser les relations entre les différentes populations de Jos, proposant par exemple en 1996-1997 de créer le titre de Turakin Jos pour les Hausa. Ces derniers ont apprécié cette initiative, mais les Berom se sont opposés avec succès à cette proposition ainsi qu’à la création d’autres titres [28]. Il existe également des désaccords entre les « indigènes » de Jos sur le droit coutumier, dont témoignent plusieurs procès récents autour de l’institution de la chefferie. Les populations musulmanes sont confrontées à des difficultés dans l’octroi de leurs certificats d’indigénéité, surtout depuis que Frank Tardy, un chrétien anaguta, élu président du gouvernement local de Jos Nord en 1999, a abrogé la règle qui reconnaissait les Hausa et les autres musulmans issus du nord comme des « indigènes » de Jos [29].

10Les conflits entre les groupes à Jos sont aussi marqués par des tendances nationales, comme par exemple, sous la Ire République, la dimension régionale. La différence la plus frappante entre la période coloniale, la Ire République et l’époque actuelle réside dans le fait que la vie politique au niveau de l’État a ouvert des espaces politiques locaux, donnant ainsi du pouvoir aux élites de certaines minorités de la Région Nord, mais créant des divisions nouvelles. Dans les années 1950 et 1960, certains des leaders émergents de la Province du Plateau ont œuvré à la création d’une région de la Middle Belt, distincte de la région du Nord, quand d’autres ont cherché à gagner en influence auprès ou à l’intérieur du Northern People’s Congress (NPC), le parti du Sardauna de Sokoto [30]. Les leaders de la Middle Belt étaient bien enracinés dans la vie politique nationale et régionale, et le pouvoir n’était alors pas aussi centralisé, ce qui leur a ouvert des opportunités à l’échelon local et régional. Ils ont dû combiner intérêts locaux et régionaux et subir la discrimination et la coercition du NPC, ce qui explique largement le factionnalisme et les nombreux changements d’alliances au sein des partis de la Middle Belt dans les années 1950 et 1960. Mais ils étaient aussi conscients des problèmes sociaux et ont su conserver leur base populaire. En témoigne la trajectoire politique de la Berom Progressive Union. Moses Nyam Rwang (1914-2007) l’a intégrée en 1946, après avoir servi dans l’armée en Birmanie, et il en est devenu le secrétaire en 1947 ; selon lui, l’objectif principal de la BPU était de rassembler les Berom, dont les villages avaient toujours été indépendants les uns des autres. Le parti a commencé à militer en faveur de compensations pour l’implantation des mines et pour la restitution des terres, et il est devenu très actif dans le débat politique à Jos [31]. La BPU a remporté les élections fédérales dans la division de Jos en 1954, mais elle a été battue par le NPC aux élections de 1959 dans la circonscription de Jos Sud, pourtant majoritairement berom. Cette défaite est la conséquence de tensions entre dirigeants berom à propos des règles de succession du Gbong Gwom, tensions qui ont mené l’une des factions de la BPU à rallier le NPC [32]. Le NPC au pouvoir a utilisé la hiérarchie indigène tiv pour mettre en œuvre sa politique répressive, suscitant de fortes oppositions ; aussi, dans la province de Benue, des partisans de l’United Middle Belt Congress (UMBC) de Joseph Tarka se sont retournés contre ces mêmes autorités indigènes et leur chef suprême, le Tor Tiv (titre créé pendant la période coloniale) au cours de journées d’émeutes et d’incendies en 1960 et en 1964 [33].

11Dans les années 1950 et 1960, les musulmans de Jos étaient pour leur majorité très hostiles au système des émirats ainsi qu’au Sardauna et au NPC. Ils soutenaient la Northern Elements Progressive Union (Nepu), le parti radical d’Aminu Kano, qui a gagné les élections de 1959 à Jos Centre [34]. Mais le NPC était puissant grâce à ses liens avec l’administration, et la Nepu n’a pas défendu les droits des minorités, ni tenté une alliance avec la BPU ou l’UMBC. De fait, la Nepu militait pour le contrôle de Jos par les Hausa et, selon Mangvwat, elle se montrait « plus hostile que le NPC aux revendications des autochtones à diriger Jos [35] ». Plotnicov affirme néanmoins que sous la Ire République, les Hausa et les Berom ont progressivement passé des compromis :

12

« [Ils] ont abandonné des positions extrêmes pour une tendance ouverte au compromis et à la coopération […]. [Ceci] s’est exprimé par des marchandages politiques, de telle sorte que le président du Conseil municipal et le président de plusieurs assemblées importantes de la ville et de la division de Jos sont demeurés Hausa, pendant que les Berom ont obtenu un certain nombre de postes clés aux niveaux régional et fédéral. Ces arrangements éclairent pour partie les attaques conjointes des Hausa et des Berom contre les Igbo survenues à Jos en 1966 [36]. »

13Avec la création de l’État de Benue-Plateau en 1967, de nouvelles minorités et de nouvelles majorités sont apparues. Cette création a été perçue de manière ambivalente à Jos dans la mesure où les Tiv constituaient un groupe ethnique bien plus important sur le plan numérique que n’importe lequel des groupes indigènes du Plateau, de sorte que l’on a craint qu’ils ne dominent le nouvel État. La préférence des Berom allait à une capitale située à Makurdi, afin d’éviter la concurrence des Tiv à Jos, mais c’est finalement Jos qui est devenu le siège administratif ; J. D. Gomwalk, un chrétien ngas de Pankshin, en est devenu le gouverneur militaire (1967-1975). Il a offert des opportunités nouvelles aux groupes non hausa dans les sphères politique et économique de Jos, créant des entreprises paraétatiques ainsi qu’un appareil médiatique – journaux, radio et télévision [37]. Les initiatives de Gomwalk ont fortement contrasté avec la période antérieure, marquée par des années de marginalisation économique du fait de la forte opposition de Jos et de sa région au parti alors au pouvoir, le NPC (dominant dans la région Nord). Le découpage de 1976 a créé deux nouvelles entités administratives : l’État du Plateau et celui de la Benue, et en 1996, l’État de Nasarawa a été dissocié de l’État du Plateau. Dans le même temps, les gouvernements locaux se sont multipliés – on en compte aujourd’hui dix-sept au sein de l’État du Plateau (voir carte) – sans calmer pour autant les demandes de créations nouvelles.

14Les politiques identitaires dans l’État du Plateau sont revenues sur le devant de la scène au cours de la IIe République avec le gouverneur Solomon Lar (octobre 1979-décembre 1983) – un Tarok chrétien, élu pour la première fois à la Chambre des représentants en 1959 sous l’étiquette UMBC [38]. En 1979, Lar est devenu gouverneur en s’alliant au Nigerian People’s Party (NPP), alors dans l’opposition, en faisant campagne pour la création de nouvelles chefferies et divisions administratives et en prenant le surnom d’« Émancipateur ». L’indigénéité est devenue un moyen par lequel les élites et les entrepreneurs ethniques se ménageaient un accès aux ressources, soit en excluant les autres de l’accès aux institutions et aux privilèges étatiques, soit en créant des voies d’accès aux rentes fédérales. Lar a été envoyé en prison après le coup d’État de Buhari en 1983 ; mais il est revenu sur le devant de la scène en 1998, juste avant le rétablissement du régime civil, en devenant le président fondateur du People’s Democratic Party (PDP). L’économie de Jos, à l’image de celle du pays, fut particulièrement frappée par la mise en place en 1986 d’un plan d’ajustement structurel désastreux par le régime de Babangida. La dévaluation du naira, la libéralisation des importations et l’explosion de l’inflation avaient accru le niveau de pauvreté et laminé la classe moyenne, une situation qui n’a pas fondamentalement changé aujourd’hui. Dans ce contexte, l’État est devenu la principale source d’accumulation, sa conquête détermine le jeu politique. Les candidats aux élections ont besoin de sommes d’argent considérables pour conquérir le pouvoir aussi bien que pour se ménager des appuis politiques puissants.

15En 1991, le district de Jos (Local Government Area, LGA) a été découpé en deux : la circonscription de Jos Nord, qui couvre la zone centrale la plus peuplée de la ville, et celle de Jos Sud, qui s’étend à Bukuru, à Heipang et aux zones périphériques. Les groupes du Plateau ont vécu cette réforme comme une faveur du général Babangida aux musulmans de la ville. Le redécoupage les favorisait politiquement, dans la mesure où la part de leur population devenait plus importante à Jos Nord qu’elle ne l’était auparavant dans le district de Jos. Simultanément la réforme restreignait l’aire d’autorité du Gbong Gwom à la circonscription de Jos Sud. Un musulman, Samaila Mohammed, est devenu le premier président de Jos Nord en 1991. La nomination d’un autre musulman, Alhaji Aminu Mato, en tant qu’administrateur unique de Jos Nord le 6 avril 1994, fut l’élément catalyseur du déclenchement des émeutes d’avril. À cette époque, l’administrateur militaire de l’État du Plateau, le lieutenant-colonel Mohammed Mana (d’ethnie Marghi), était aussi musulman. La nomination de Mato a amplifié les tensions existantes, les chrétiens du Plateau l’ayant appréhendée comme une preuve supplémentaire des distorsions en faveur des musulmans. Des manifestations d’« indigènes » berom, anaguta et afizere ont mené à l’annulation de cette nomination et provoqué des tensions avec la communauté hausa [39]. En signe de protestation des bouchers hausa ont tué des animaux sur la route menant aux abattoirs et la Jasawa Development Association, qui représente les intérêts hausa à Jos, a organisé une manifestation le jour suivant, le 12 avril 1994. Ces événements ont finalement dégénéré en émeutes. La Commission d’enquête révèle que les musulmans en ont été les principales victimes : décès de quatre personnes, toutes de cette confession, destruction de nombreuses propriétés, du marché de Gada Biyu et du siège du groupe réformiste musulman Izala sur la route de Rukuba.

16Au cours des élections de transition en 1999, Joshua Dariye a remporté contre Jonah Jang, un chrétien berom, général à la retraite et ancien gouverneur militaire des États de Benue et de Gongola, la primaire du PDP, probablement truquée, avant de se faire élire gouverneur. Dariye est chrétien et mushere, un petit groupe ethnique concentré dans le district de Bokkos, dans la zone centrale de l’État du Plateau. Il avait auparavant été directeur financier du cimentier Benue Cement Company (BCC) [40], entreprise dans laquelle l’État du Plateau avait quelques parts, et il avait utilisé les fonds attachés à cette fonction pour financer sa campagne. Il avait aussi obtenu le soutien politique de plusieurs « parrains » du Plateau, dont Solomon Lar et Yahaya Kwande. Ce dernier, ancien fonctionnaire et ancien ambassadeur, est l’un des barons politiques du Nord. Il était président de la BCC et y avait recruté Dariye, alors employé au journal Nigeria Standard.

17Dariye a détourné des millions de dollars de l’État lorsqu’il était gouverneur – et notamment un fonds de 1,1 à 1,6 milliards de naira (9 à 12,5 millions de dollars américains), octroyé par le gouvernement fédéral lors de son premier mandat en vue de financer des projets comme la réhabilitation des zones minières [41]. Il a entretenu une coterie de clients politiques au gouvernement local comme à l’Assemblée locale. L’infrastructure et les prestations étatiques se sont pendant ce temps détériorées, et quand la crise a éclaté en 2001, sa réponse a été apathique et singulièrement inefficace.

18Quelque profonde qu’ait été l’ineptie de l’administration post-1999, ce n’est pourtant pas elle qui a déclenché la crise (même si elle eût pu en revanche parvenir à la juguler). La politique électorale menée à Jos pendant et après la transition de 1999 ne fut pas non plus décisive. L’appartenance religieuse en revanche a joué incontestablement un rôle important dans la mobilisation électorale. Aux élections pour la présidence de la LGA de Jos Nord en 1999, Tardy, candidat PDP, a été élu avec des voix chrétiennes alors que les voix musulmanes se sont partagées entre deux candidats (musulmans) principaux. Parmi les quatorze circonscriptions électorales de Jos Nord, cinq ont élu des conseillers musulmans et neuf des chrétiens (quatre Igbo, un Yoruba, un Afizere, un Anaguta, et deux membres de groupes du Plateau extérieurs à Jos) [42]. Au cours des élections de 1999 et 2003, des musulmans aussi bien que des chrétiens ont également été élus à l’Assemblée du Plateau et à la Chambre des représentants du Nigeria.

19Certains auteurs lient les aspirations à l’indigénéité des Hausa de Jos à l’islam et la propagation de la charia, qui serait un moyen de contrôler et d’étendre leur territoire [43]. Mais comme on l’a démontré précédemment, les revendications liées à l’indigénéité sont antérieures à l’introduction de la charia et reposent sur des divisions sociales anciennes dont l’appartenance religieuse n’est qu’une des composantes. Les opportunités d’accumulation dans l’exercice des fonctions gouvernementales ou étatiques se sont sûrement développées après 1999, mais la concurrence pour la conquête des positions dans les institutions de l’État était déjà forte, comme l’ont montré les émeutes de 1994. La controverse principale, semble-t-il, était la question de l’indigénéité, et l’annulation par Tardy des « certificats d’indigénéité » des musulmans de Jos.

La violence collective à Jos : les événements de septembre 2001 et leurs conséquences

20Les violences de 2001 ont débuté après la nomination d’un musulman, Alhaji Mukhtar Usman Mohammed, à la tête du Programme national de lutte contre la pauvreté (National Poverty Eradication Programme, Napep) pour Jos Nord. En cela, les événements de 2001 font écho à ceux de 1994 : des groupes « indigènes » minoritaires à Jos, mécontents d’une nomination, avaient obtenu son annulation. Des messages de haine et des menaces ont été échangés entre des jeunes qui prétendaient représenter les « indigènes » et des musulmans de Jos. Le premier incident est survenu le vendredi 7 septembre 2001, à Chwelnyap, dans le quartier à majorité chrétienne de Congo Russia, lors d’un barrage routier organisé par des musulmans, comme souvent les jours de prière. Ce jour-là, comme il a déjà dû se produire, une chrétienne du Plateau, Rhoda Haruna Nyam, a insisté pour passer. La commission d’enquête qui a analysé la crise a conclu que :

21

« [Rhoda Haruna Nyam] a été attaquée par des fidèles qui l’ont poursuivie jusque dans sa maison et y ont mis le feu, ainsi qu’à d’autres biens personnels, après avoir agressé son père ; ceci a installé un climat très lourd, qui n’a pas tardé à dégénérer en altercation généralisée entre chrétiens et musulmans à Congo Russia [44]. »

22Cette version des événements est contestée par les musulmans, qui affirment qu’après avoir empêché la femme de passer, de jeunes berom les ont attaqués avec des arcs et des flèches. Quoi qu’il en soit, les musulmans étaient en infériorité numérique et la mosquée a été incendiée, ainsi que six maisons et des automobiles appartenant au propriétaire de la mosquée, un homme d’affaire prospère. Ce dernier était alors à Abuja, mais ses femmes et ses enfants étaient en revanche à la maison et ne se sont échappés que de justesse [45].

23La violence s’est rapidement propagée à travers Jos et s’est poursuivie jusqu’au 9 septembre. Une nouvelle vague d’incidents est survenue le 12 septembre [46]. Des centaines de chrétiens, dont des étudiants et des membres du personnel de l’université, ont été tués dans les zones très majoritairement musulmanes des environs de l’établissement, Rogo et Angwan Rimi. D’autres ont également été assassinés à Nassarawa, sur la route de Bauchi et à Sarkin Mangu, secteurs à majorité musulmane eux aussi. Des musulmans ont été tués dans les zones à dominante chrétienne, à Jenta Adamu, Angwan Rukuba, sur la route de Bukuru, le long du boulevard périphérique vers Bauchi, et sur la route de Zaria. Des églises et des mosquées ont été incendiées et des bandes d’individus souvent ivres se sont déchaînées, pillant et tuant, et attaquant parfois au hasard. Des automobilistes de passage, qui ignoraient tout des émeutes, ont été arrêtés à des barrages routiers et tués s’ils n’étaient pas de la bonne confession. Les émeutiers établissaient l’identité religieuse des personnes par divers moyens, notamment leurs vêtements – une méthode peu propice, en particulier chez les hommes, dans la mesure où beaucoup de chrétiens du Nord portent aussi bien le kaftan et où certains musulmans s’habillent à l’occidentale – et leurs symboles religieux, tels que le chapelet pour les musulmans ou la croix pour les chrétiens. Le plus souvent, les émeutiers demandaient aux personnes arrêtées de réciter les prières chrétiennes ou musulmanes.

24Des deux côtés, les viols et autres violences sexuelles sur les femmes ont été nombreux [47]. On rapporte que des jeunes femmes ont rejoint des bandes berom ; ceci a dû également se produire, dans une moindre mesure, chez les musulmans. Beaucoup de gens se sont mobilisés pour se défendre et défendre leur entourage, en constituant des groupes de surveillance. Nombre de récits font état de musulmans et de chrétiens sauvant leurs voisins, leurs amis, ou de parfaits inconnus des assauts de la foule. On raconte comment les milliers de chrétiens et de musulmans refugiés dans l’enceinte du commissariat à Bukuru durant les événements ne se sont pas affrontés [48].

25L’armée a investi l’université très tôt le samedi, douze heures environ après le début des émeutes, mais de nombreux secteurs n’ont pas été sécurisés au cours des vingt-quatre premières heures de la crise, ce qui a permis à la violence de se répandre [49]. De manière frappante, les quartiers plus riches, comme Rayfield ou la Government Residential Area, où résident les élites, n’ont pas été touchés. Quand l’armée est enfin intervenue pour imposer un couvre-feu, les violences ont vite cessé, même si certains chrétiens rapportent que les musulmans ont été aidés par de « faux soldats » recrutés dans l’État de Bauchi, reconnaissables à leur uniforme incomplet ou non conforme, et au fait qu’ils ne s’en prenaient qu’aux chrétiens [50]. Des musulmans dénoncent le comportement inique de certains policiers, qu’ils qualifient de « policiers de la CAN [la Christian Association of Nigeria, qui regroupe les organisations chrétiennes du pays] [51] ». Quand les assassinats ont repris, le 12 septembre, peut-être en réaction aux attentats du 11 septembre aux États-Unis, des commerçants igbo ont été attaqués par des émeutiers musulmans aux environs de Dilimi, un quartier du centre de Jos. Les forces de sécurité ont cependant fait cesser les violences, tuant beaucoup de musulmans dans l’opération [52]. Il semble que les Igbo, compte tenu des antécédents de violence à leur égard dans les villes du Nord, sont bien préparés pour faire face aux émeutes et qu’ils étaient bien armés lorsqu’est survenue la crise de Jos. Mais ils n’en ont pas moins vu leurs commerces pillés et depuis les événements, beaucoup d’entre eux ont choisi de ne plus vivre là où ils exercent leur métier et de déménager à Apata, un quartier où ils sont majoritaires.

26Comme dans de nombreux conflits, la tournure prise par les manifestations de violence s’avère sans grand rapport avec la configuration des différends qui ont mené à la crise. La violence a pris un tournant religieux et a profondément segmenté une ville cosmopolite. Les Yoruba, les Igbo, les Urhobo et les autres groupes chrétiens du Sud, qui constituent la grande majorité des chrétiens de Jos, étaient étrangers aux premiers litiges, et n’ont pas non plus été impliqués dans les événements de la mosquée – il s’agissait avant tout d’un affrontement entre jeunes Berom et musulmans – mais ils n’en ont pas moins subi tous les effets de la crise. De même, les musulmans sont devenus de manière indistincte la cible des émeutiers, y compris les musulmans du Plateau (alors même qu’il existe des musulmans parmi les Berom, certes peu nombreux) ; six d’entre eux ont ainsi été tués par leur propre parentèle dans un village [53]. Le conflit initial, fondé sur l’indigénéité et la religion mais confiné aux musulmans du Nord et aux chrétiens du Plateau (essentiellement berom), s’est donc mué en un conflit religieux qui a emporté tout le monde [54].

27La violence a gagné les villes et les villages des environs, mais aussi, et jusqu’à la fin de l’année 2002, les zones rurales du Plateau. Au plan politique, la crise a entraîné le report du congrès national du PDP, report qui a permis à des dissidents de tenir leur propre congrès et de former un conseil exécutif distinct, marquant le début d’une scission dans le PDP du Plateau [55]. L’incendie, en février 2002, du « Marché ultra-moderne » de Jos a eu de sérieuses répercussions sur l’économie de l’agglomération [56] ; il a contraint de nombreux commerçants à quitter la ville, ainsi plongée dans la pénurie. Les marchands igbo, yoruba, hausa, ainsi que ceux du Plateau, qui étaient très présents [57], y ont tous beaucoup perdu. De graves violences communautaires se sont déroulées le 2 mai 2002 au cours des primaires du PDP à Eto-Baba, dans le secteur de Jos Nord [58] : un bureau de vote a été déplacé sans préavis d’une zone musulmane à la zone principalement chrétienne d’Eto-Baba, et des heurts ont eu lieu lorsque les musulmans sont venus voter. En conséquence, les élections pour le gouvernement local de Jos Nord en 2003 n’ont pas eu lieu. Le gouverneur a nommé l’un de ses alliés, Danladi Atu, un chrétien afizere, comme « administrateur unique » de Jos Nord, fonction qu’il a conservée jusqu’en 2007, sans avoir jamais été élu.

Le paysage politique du Plateau au cours du second mandat (2003-2007)

28Les élections de 2003 ont été très controversées – et presque certainement truquées afin de reconduire Dariye au pouvoir, fût-ce avec une faible majorité. C’est d’une courte tête que le candidat sortant a battu Jang, qui avait quitté le PDP et briguait les suffrages sous l’étiquette de l’All Nigeria People’s Party (ANPP). Dariye avait l’appui de plusieurs « parrains » politiques, parmi lesquels Yahaya Kwande, Ibrahim Mantu, vice-président du Sénat à Abuja, et Yakubu Hussaini, président de l’assemblée de l’État du Plateau au cours de la première législature [59]. De manière intéressante, ces soutiens éminents sont tous musulmans, mais en dépit de la crise, la religion ne semble pas avoir joué un grand rôle au niveau des élites – essentiellement parce que tous des « indigènes » du Plateau : Kwande est Goemai, du LGA de Qua’an Pan ; Mantu est Pyem, du LGA de Mangu, dans la même région que Dariye ; et Hussaini est Bogghom, du LGA de Kanam, également dans la région centrale.

29Le second mandat de Dariye comme gouverneur s’est avéré très difficile. Il est tombé en disgrâce auprès d’Obasanjo – en partie, semble-t-il, en raison de sa corruption éhontée, mais peut-être aussi du fait de son incapacité à endiguer les violences dans l’État. Poursuivi par la Commission sur les délits économiques et financiers (Economic and Financial Crimes Commission, EFCC), il a été arrêté à Londres pour blanchiment d’argent en septembre 2004, puis libéré sous caution [60]. La poussée de violence qui a touché la zone des plaines les 2 et 3 mai 2004, avec l’assassinat d’au moins 680 musulmans à Yelwa (Nshar) [61], une ville à dominante musulmane et un nœud commercial majeur du LGA de Shendam, a constitué un tournant décisif et a poussé Obasanjo et ses partisans du Plateau à tenter d’évincer Dariye. La pression des musulmans du Nord, eux-mêmes mobilisés par les dirigeants musulmans du Plateau, a été très forte en ce sens. Ibrahim Mantu a œuvré en faveur de l’instauration d’un état d’urgence. Dariye et Mantu s’étaient mutuellement soutenus lors des élections de 2003, mais Mantu était l’un des alliés les plus fidèles d’Obasanjo – il a par la suite dirigé la préparation du programme pour son troisième mandat – et il s’est rangé aux côtés du président. La rupture a aussi été due à la rivalité entre Dariye et Mantu pour le siège sénatorial du Plateau central, à pourvoir en 2007. L’état d’urgence a été imposé du 18 mai au 18 novembre 2004, et le gouverneur et l’Assemblée de l’État du Plateau ont été suspendus de leurs fonctions au profit d’un administrateur unique, le général de division à la retraite Chris Alli.

30L’état d’urgence a provoqué une véritable scission dans le PDP du Plateau, scission qui perdure encore, et chaque faction dispose de son propre secrétariat général. Le clan Dariye était conduit par le président des instances nationales du PDP, Maichibi Vwarji, un Mupun originaire du LGA de Pankshin, et comptait parmi ses rangs Kwande, Lar, les hommes de Dariye dans les conseils de gouvernement locaux ainsi qu’une majorité de l’assemblée de l’État du Plateau ; au niveau national, ce groupe s’est allié au vice-président Atiku Abubakar. Le clan opposé à Dariye était initialement mené par Habu Shindai (un musulman « indigène » d’ethnie pan, originaire de Namu), prédécesseur de Vwarji à la présidence des instances nationales du PDP, que Dariye avait évincé [62]. Il avait le soutien des aînés (hormis Lar et Kwande), dont beaucoup avaient quitté le parti pour l’Alliance for Democracy (AD) et l’ANPP, mais avaient regagné les rangs du PDP à la suite de l’état d’urgence. Mantu a donc œuvré pour prendre la tête du clan Shindai (ce dernier finissant, lui, par regagner le camp de Dariye) et – non sans susciter certaines divisions – à l’inscrire dans le sillage du clan Obasanjo dans les instances nationales du PDP. Les efforts de Mantu pour destituer Dariye ont d’abord échoué, et ce dernier a repris ses fonctions en novembre 2004.

31L’état d’urgence était contraire aux règles démocratiques, mais il a permis, à court terme, de prévenir toute nouvelle violence. Il a été contesté par les chrétiens de l’État du Plateau, qui souhaitaient savoir pourquoi les violences antérieures contre les chrétiens n’avaient pas suscité la même réaction. Une conférence de paix a été réunie en août 2004, qui a reçu l’adhésion de chefs de communauté de l’ensemble de l’État, mais son principal résultat semble avoir été de confirmer le statu quo. Les chefs de la communauté hausa de Jos ont refusé de signer le document. Depuis l’institution de l’état d’urgence, la région a connu une accalmie, à l’exception notable de Namu, une ville de la zone des plaines, dans la LGA de Qua’an Pan. Un conflit ethnique, lié à un différend autour de la création d’une nouvelle aire de développement, a éclaté entre les Goemai et les Pan (une identité politique d’invention récente) en novembre 2005, et a dégénéré en avril 2006, entraînant la mort de 120 Goemai.

32Au niveau de l’État, et non plus au niveau local, le processus politique a été fortement marqué par les tendances nationales. Alors que montait la controverse autour du projet de troisième mandat d’Obasanjo, et que la rupture entre Obasanjo et Atiku était consommée, et avec la perspective des primaires qui se profilait pour 2006, une conjoncture favorable à la destitution de Dariye était de nouveau en place. Mantu a saisi l’occasion de l’application au Plateau d’une directive nationale du PDP relative à la « revalidation » de l’appartenance des membres au parti et, faisant fi d’une décision de justice, il a fait tenir un congrès au cours duquel Jethro Akun est devenu le nouveau président du PDP pour le Plateau [63]. À la fin de l’exercice, la majorité des membres du clan Dariye-Vwarji ne faisait plus officiellement partie du PDP. Quand l’Advance Congress of Democrats (ACD) a été créé en 2006, Dariye a demandé à ses partisans – le clan Vwarji – de quitter le PDP [64], bien qu’il n’ait pu lui-même le faire, étant encore gouverneur. Quand l’ACD a fusionné avec l’AD pour former l’Action Congress (AC), ses partisans ont naturellement rejoint l’AC. Les crises et les manœuvres ont dominé le champ politique à l’échelle de l’État, et ont finalement débouché sur la destitution du gouverneur Dariye, le 12 novembre 2006, juste avant les primaires de 2007. Un nouveau gouvernement, dirigé par le vice-gouverneur Michael Bot-Mang, un chrétien berom, a été mis en place.

33Le PDP a remporté un succès éclatant au Plateau lors des élections fédérales et étatiques de 2007. Son candidat pour le poste de gouverneur, Jonah Jang, a obtenu la majorité dans tous les gouvernements locaux à l’exception de Bokkos, la patrie de Dariye, face à un candidat de l’AC, Pam Dung Gyang, lui aussi berom. Mantu a perdu son siège au Sénat dans la circonscription du Plateau central. Cette défaite s’explique par plusieurs éléments : Mantu avait perdu le soutien du camp de Jang en se prononçant en faveur de la candidature de Bot-Mang aux fonctions de gouverneur, avant que celui-ci ne se retire ; la zone de Bokkos ne l’a pas soutenu en raison de son rôle dans la destitution de Dariye ; les Ngas, groupe majoritaire du Plateau central, voulaient voir élire leur propre sénateur (ce à quoi ils sont parvenus, puisque c’est le candidat ngas de l’AC, Sati Gokwim, qui a été élu) [65] ; on peut également penser que ses adversaires ont joué la carte de la religion. Mais la destitution de Dariye a été cassée par la Cour suprême, qui a jugé la procédure inconstitutionnelle et l’ancien gouverneur a été rétabli dans ses fonctions le 27 avril 2007 pour le mois qui lui restait à servir [66]. Quant aux élections locales, prévues pour le 19 mai, le PDP a craint que Dariye ne puisse bénéficier de son retour au poste de gouverneur pour avantager l’AC. L’Independent National Electoral Commission (Inec) a donc sollicité davantage de temps pour procéder à l’enregistrement sur les listes électorales – alors même qu’elle avait déjà procédé aux élections fédérales et étatiques ! Les élections locales auront donc désormais lieu sous le mandat de Jang et des nouveaux membres de l’assemblée, qui ont prêté serment le 29 mai 2007.

34On a ici mis en évidence les déterminants systémiques du conflit qui s’est déroulé à Jos, la capitale de l’État du Plateau, et on a montré comment la crise devait être reliée de manière plus large au contexte politique de l’État, de la région et de la nation. L’histoire sociale de la ville fournit une clé pour l’analyse des relations urbaines contemporaines. Les violences qui ont opposé chrétiens et musulmans en 2001 ont eu pour fondement l’indigénéité et la religion. L’articulation de la vie politique à des enjeux identitaires a accentué les clivages et en a généré de nouveaux au détriment de la cohésion sociale et de la coopération ethnique. L’indigénéité constitue une question importante pour les chrétiens du Plateau, comme par exemple les Berom, minoritaires dans le Nord, et même à Jos : le principe selon lequel des privilèges devraient leur échoir du fait de droits coutumiers leur a ménagé un point d’accès à la structure du pouvoir. Symétriquement, les musulmans de Jos, dont beaucoup sont aujourd’hui coupés de leur lieu d’origine, ont tenté d’obtenir des droits exclusifs sur Jos et de contrôler la vie politique de la cité. Cette attitude est liée à une conjonction de facteurs, dont deux apparaissent peut-être les plus importants : d’une part, du fait de l’« administration indirecte », ce groupe contrôlait la ville indigène de Jos à l’époque coloniale, et d’autre part, le fait que Jos a fait partie de l’ancienne Région Nord a facilité l’engagement des musulmans dans la vie politique régionale aux côtés de la Nepu et du NPC et a contribué à leur conférer une identité politique forte fondée sur leur appartenance à la ville. Les musulmans de Jos ont davantage bénéficié que les chrétiens des régimes militaires qui se sont succédé entre 1984 et 1998, mais le jeu électoral qui s’est mis en place depuis 1999 a entamé leur pouvoir politique. Les Yoruba et certains des autres groupes du Sud se sont installés à Jos à peu de chose près en même temps que les musulmans du Nord, mais ils ont été moins actifs politiquement.

35La vie politique régionale a aussi été formatrice pour les peuples du Plateau. Elle a renforcé leur conscience politique locale et leurs liens à plus vaste échelle. La création et la multiplication progressive des États ont contribué à renforcer le pouvoir des élites politiques du Plateau au détriment des Hausa et ont sans doute accru l’autonomie locale, mais elles ont aussi restreint les horizons politiques et avivé les divisions ethniques et religieuses. L’économie pétrolière a fait de l’État le lieu stratégique de l’accumulation de capital et l’indigénéité est désormais un instrument entre les mains des élites, instrument à l’aide duquel elles peuvent mobiliser leurs bases pour accéder aux ressources de l’État. L’indigénéité était un des traits caractéristiques de la vie politique du Plateau sous la IIe République, et elle a fait un retour en force sous la IVe République post-1999.

36Cet article, toutefois, a tenté de montrer que les relations urbaines à Jos et les ressorts discursifs particuliers de la politique religieuse et ethnique gagnent à être replacés dans leur contexte historique. Les violences de la période coloniale et de la Ire République ne présentent que peu de ressemblance avec celles de 2001, qui ont davantage en commun, en revanche, avec les événements de 1994. Ce fait s’explique par les changements politiques intervenus depuis la création des États, qui ont contribué à redistribuer les équilibres majorité-minorité dans le Plateau, phénomène qui s’est reproduit à Jos quand les nouveaux gouvernements locaux ont été créés en 1991. Ce sont les élites locales « indigènes » qui ont tiré bénéfice de la vie politique telle qu’elle a pris place au Plateau depuis 1999, et au niveau de l’État, contrairement au niveau du gouvernement local, les musulmans « non indigènes » ont plutôt fait figure d’exclus. Des alliances et des coopérations se sont toutefois mises en place entre élites musulmanes et chrétiennes « indigènes » – même si la violence collective dans l’État du Plateau a pris un tour d’abord religieux et si, dans certains secteurs, les musulmans et les chrétiens « indigènes » du Plateau se sont affrontés. Le paysage politique sous le second mandat Obasanjo s’est avant tout caractérisé par des luttes de partis et de factions, avec une scission au sein du PDP, qui ne s’est pas faite autour de l’indigénéité, dans la mesure où toutes les parties étaient reconnues comme « indigènes ». Mais au niveau du gouvernement local, y compris à Jos Nord, l’indigénéité demeure un enjeu central. Les élections pour la présidence de la LGA de Jos Nord n’ont pas eu lieu depuis le scrutin de transition de décembre 1998, à la grande frustration des dirigeants musulmans. Il est encore difficile de savoir si des élections auront lieu en 2007 à Jos Nord, mais si c’était le cas, il est très probable que la dimension religieuse serait utilisée pour déclencher un afflux d’électeurs aux urnes. Le passé a montré que les lignes politiques évoluent en réponse aux changements régionaux et nationaux, et il existe des exemples de coopération interethnique et interreligieuse à Jos. Mais pour le moment, la ville – et le Plateau de manière plus générale – est toujours dangereusement divisée.

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Notes

  • [1]
    Cette recherche, menée en 2005 et 2006 sur des terrains urbains et ruraux de l’État du Plateau, a été financée par une bourse du Leverhulme Trust et par le Centre for Research on Inequality, Human Security and Ethnicity (Crise) de l’université d’Oxford. J’ai également bénéficié d’une affiliation au Département d’histoire de l’université de Jos. Je suis très reconnaissant à Henry Mang, Dan Manjang, Maren Milligan, Ike Okonta, Leena Hoffman, John Peel, Richard Fardon, Leonard Plotnicov, Tony Kirk-Greene, Frances Stewart et Carol Berger, ainsi qu’aux coordinateurs du numéro et aux membres du comité de lecture de la revue, pour leurs remarques sur les versions précédentes de l’article.
  • [2]
    En 1992, les Atyap (Kataf) ont affronté les Hausa à Zangon Kataf, dans l’État de Kaduna, et les ont chassés. Voir A. R. Mustapha, « Ethnicity and democratisation in Nigeria : a case study of Zangon Kataf », in J. Ibrahim, Expanding Democratic Space in Nigeria, Dakar, Codesria, 1997, p. 205-219.
  • [3]
    Voir T. Falola, Violence in Nigeria : The Crisis of Religious Politics and Secular Ideologies, Rochester, University of Rochester Press, 1998.
  • [4]
    Je remercie le Dr Ike Okonta de m’avoir suggéré ces questionnements.
  • [5]
    Le Plateau compte environ 40 langues, même si certaines sont moribondes et d’autres menacées par l’« hausaisation » et l’urbanisation. Voir R. Blench, « Recent research on the Plateau languages of Central Nigeria », à paraître, 2007. Disponible sur www.rogerblench.info/RBOP.htm.
  • [6]
    J. H. Morrison, « Plateau societies’ resistance to Jihadist penetration », in E. Isichei (ed.), Studies in the History of Plateau State, Nigeria, Londres, Macmillan, 1982, p. 136-150.
  • [7]
    Au Nigeria, tous les chiffres sont des données sensibles, et susceptibles d’être exploités à des fins politiques. Le recensement de 2006 ne mentionnait d’ailleurs pas les affiliations ethniques ou religieuses.
  • [8]
    Sur l’indigénéité au Nigeria, voir D. C. Bach, « Indigeneity, ethnicity, and federalism », in L. Diamond, A. Kirk-Greene et O. Oyediran (eds), Transition Without End : Nigerian Politics and Civil Society Under Babangida, Boulder, Lynne Rienner, 1997, p. 333-349 ; « “They do not own this place” : Government discrimination against “non-indigenes” in Nigeria », Human Rights Watch, vol. 18, n° 3 (A), avril 2006. Voir aussi le numéro spécial d’African Studies Review, vol. 49, n° 2, 2006.
  • [9]
    Il y a un glissement au plan religieux, qui crée des relations ethniques ambiguës, dans la mesure où certaines parties de l’État ont connu de nombreuses conversions à l’islam au cours de la période précoloniale et, dans une certaine mesure, au moment des campagnes de conversion menées par le Sardauna dans les années 1960.
  • [10]
    R. A. Joseph, Democracy and Prebendal Politics in Nigeria : The Rise and Fall of the Second Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
  • [11]
    L. Plotnicov, « An early Nigerian civil disturbance : the 1945 Hausa-Ibo riot in Jos », Journal of Modern African Studies, vol. 9, n° 2, 1971, p. 297-305.
  • [12]
    D. A. Anthony, Poison and Medicine : Ethnicity, Power, and Violence in a Nigerian City, 1966 to 1986, Oxford, James Currey, 2002 ; entretiens à Jos et Bukuru, 2006.
  • [13]
    L. Plotnicov, « Who owns Jos ? Ethnic ideology in Nigerian urban politics », Urban Anthropology, vol. 1, n° 1, 1972, p. 1-13.
  • [14]
    Ce constat vaut pour le Nigeria de manière plus générale, comme l’ont démontré les suites de l’affaire des caricatures de Mahomet en 2006, lorsque les Igbo se sont vengés contre les Nordistes de l’assassinat de leurs parents à Maiduguri, Bauchi et ailleurs.
  • [15]
    Sur l’indigénéité et la citoyenneté à Jos, voir S. Egwu, Ethnicity and Citizenship in Urban Nigeria : The Jos Case, 1960-2000, PhD, université de Jos, 2003 ; D. Pam Sha, « Ethnicity and political conflicts in Jos : emergence, dimensions and the way forward », in F. Okoye (ed.), Ethnic and Religious Rights in Nigeria, Kaduna, Human Rights Monitor, 1998.
  • [16]
    L. Plotnicov, Strangers to the City : Urban Man in Jos, Nigeria, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1967, p. 33 ; S. Diamond, « The Anaguta of Nigeria : suburban primitives », p. 403-404, in J. H. Steward (ed.), Contemporary Change in Traditional Societies. Vol. I : Introduction and African Tribes, Urbana, University of Illinois Press, 1967, p. 361-505 ; B. Freund, Capital and Labour in the Nigerian Tin Mines, Essex, Longman, 1981, p. 34-35 ; entretiens avec Hassan Toro, village de Toro, État de Bauchi, 22 et 25 novembre 2006.
  • [17]
    Entretien avec Alhaji Muhammadu Na’umma, Naraguta, 20 décembre 2006.
  • [18]
    Entretien avec Moses Nyam Rwang, Bukuru, 25 septembre 2006.
  • [19]
    B. Freund, Capital and Labour…, op. cit., p. 50.
  • [20]
    Sur les mines et la main-d’œuvre, voir B. Freund, Capital and Labourop. cit. ; du même auteur, « Labour migration to the Northern Nigerian tin mines, 1903-1945 », Journal of African History, vol. 22, n° 1, 1981, p. 73-84 ; C. K. Gonyok, A History of Labour in the Tin Mining Industry of the Jos Plateau, 1903-1960, PhD, Ahmadu Bello University, Zaria, 1986.
  • [21]
    L. Plotnicov, Strangers to the City…, op. cit., p. 62-63.
  • [22]
    Entretien avec Norma Perchenock, Jos, 26 septembre 2006. Sur l’histoire des émirats, voir S. J. Hogben et A. H. M. Kirk-Greene, The Emirates of Northern Nigeria : A Preliminary Survey of their Historical Traditions, Londres, Oxford University Press, 1966.
  • [23]
    L. Plotnicov, Strangers to the City…, op. cit., p. 41.
  • [24]
    L. Plotnicov, Strangers to the City…, op. cit., p. 47.
  • [25]
    L. Plotnicov, « An early Nigerian civil disturbance… », art. cit., p. 300.
  • [26]
    P. Chunun Logams, The Middle Belt Movement in Nigerian Political Development : A Study in Political Identity, 1949-1967, Abuja, Centre for Middle Belt Studies, 2004, p. 389.
  • [27]
    Le changement de nom était destiné à apaiser la communauté hausa et à désamorcer toute revendication ethnique de Jos.
  • [28]
    Entretien avec Ustaz Sani Ibn Salihu, Jos, 29 novembre 2005 ; S. D. Nyam et C. C. Jacobs, An Evaluation of the Gbong Gwom Institution from 1935 to 2003, A Berom Historical Publication, Jos, 2004.
  • [29]
    Entretien avec Ustaz Sani Ibn Salihu, 29 novembre 2005, Jos. Shedrak Best note que Tardy a également restreint l’accès des Berom à l’indigénéité à Jos Nord. S. G. Best, The Challenges and Prospects of Peace Building on the Plateau, Annual Guest Lecture, Centre for Peace Advancement in Nigeria, 7 septembre 2006.
  • [30]
    Sur la formation de l’élite politique du Plateau, voir M. Y. Mangvwat, A History of Class Formation in the Plateau Province, 1902-1960 : The Genesis of a Ruling Class, PhD, Ahmadu Bello University, Zaria, 1984.
  • [31]
    Entretiens avec Moses Nyam Rwang, Bukuru, 23 et 25 septembre 2006.
  • [32]
    K. W. J. Post, The Nigerian Federal Election of 1959 : Politics and Administration in a Developing Political System, Londres, Oxford University Press, 1963, p. 80-82.
  • [33]
    M. J. Dent, « A minority party – The UMBC », in J. P. Mackintosh (ed.), Nigerian Government and Politics, Londres, George Allen et Unwin, 1966, p. 461-507.
  • [34]
    K. W. J. Post, The Nigerian Federal Election of 1959…, op. cit.
  • [35]
    M. Y. Mangvwat, « Oral sources and the reconstruction of party politics on the Jos Plateau, 1950-1966 », in Y. B. Usman et G. A. Kwanashie (eds), Inside Nigerian History, 1950-1970 : Events, Issues and Sources, Ibadan, 1995, p. 303. Les partisans de la Nepu souhaitaient que ce soit un des leurs, plutôt qu’un homme du NPC, qui devienne chef, mais il s’agissait toujours de mettre des Hausa au pouvoir. Entretien avec John Mark Samci, Jos, 6 octobre 2006.
  • [36]
    L. Plotnicov, « Who owns Jos ?… », art. cit., p. 9.
  • [37]
    Voir A. Goyol, J. D. Gomwalk : A Man of Vision, Jos, Lecaps, 1996.
  • [38]
    Entretien avec Solomon D. Lar, Langtang, 12 août 2006.
  • [39]
    Voir The Report of the Commission of Inquiry into the Riots of 12th April, 1994 in Jos Metropolis. Vol. 1 [Main Report], Plateau State Government, 1994.
  • [40]
    « Plateau : Dariye versus the elders », This Day, 11 août 2002.
  • [41]
    « Dariye : how we shared N1.6bn loot », This Day, 8 février 2006 ; « How Dariye misused N1.6b Ecological Fund », The Guardian (Lagos), 12 novembre 2006 ; « How Dariye looted Plateau’s billions – EFCC », www.efccnigeria.org, 3 février 2006.
  • [42]
    S. Egwu, Ethnicity and Citizenship…, op. cit., p. 249.
  • [43]
    J. Harnischfeger, « Sharia and control over territory : conflicts between “settlers” and “indigenes” in Nigeria », African Affairs, vol. 103, n° 412, p. 431-452.
  • [44]
    Executive Summary of the Report of the Justice Niki Tobi Judicial Commission of Inquiry into the Crisis in Jos and Its Environs, État du Plateau, 2002, p. 3.
  • [45]
    Entretien avec Alh. Tijjani Abdullahi et sa femme, Jos, 2 octobre 2006. Des rumeurs l’accusent d’avoir planifié la crise, mais elles se sont avérées sans fondement et il a été totalement blanchi par la Commission Niki Tobi.
  • [46]
    La Commission Niki Tobi a recensé 915 assassinats intervenus au cours de la crise de 2001. Dans son rapport effectué peu après les événements, Human Rights Watch a estimé que plus de 1 000 personnes avaient été tuées. Voir « Jos : a city torn apart », Human Rights Watch, vol. 13, n° 9 (A), décembre 2001.
  • [47]
    Voir R. S. Dali, The Christian-Muslim Conflict in Northern Nigeria and Its Effects on Women : A Case Study of Jos, Plateau State, mémoire de Master en éthique et philosophie, Université de Jos, 2005-2006.
  • [48]
    Entretien collectif à Bukuru, octobre 2006.
  • [49]
    La Commission Niki Tobi a disculpé le gouvernement et pointé la responsabilité essentielle du commissaire de police, Alh. M. D. Abubakar, un musulman, accusé d’avoir contribué à la planification de la crise, en éloignant par exemple des lieux les unités de police ou en refusant d’armer les policiers. Il a aussi été mis en cause pour sa partialité dans le déploiement de la protection policière aux environs de la mosquée centrale.
  • [50]
    Cette information a été démentie par l’armée, mais reprise par la Commission Niki Tobi.
  • [51]
    Dans un entretien, on a affirmé que c’était la raison pour laquelle le commissaire de police musulman avait refusé d’armer les policiers.
  • [52]
    U. Danfulani et S. Fwatshak, « Briefing : the September 2001 events in Jos, Nigeria », African Affairs, vol. 101, n° 403, 2002, p. 243-255.
  • [53]
    Entretien collectif à Vwang, novembre 2006. L’assassinat de musulmans berom a été également mentionné dans d’autres entretiens.
  • [54]
    Sur des processus de violence collective semblables, observés sur un autre terrain, voir S. J. Tambiah, Leveling Crowds : Ethnonationalist Conflicts and Collective Violence in South Asia, Berkeley, University of California Press, 1996, p. 81.
  • [55]
    « Plateau : Dariye versus the elders », This Day, 11 août 2002.
  • [56]
    De nombreux indices laissent penser qu’il s’agit d’un incendie criminel.
  • [57]
    S. Egwu, Ethnicity and Citizenship…, op. cit., p. 282.
  • [58]
    Voir « Testing democracy : political violence in Nigeria », Human Rights Watch, vol. 15, n° 9 (A), avril 2003, p. 22-26.
  • [59]
    Lar et Dariye s’étaient brouillés au cours du mandat précédent, mais sur fond de rumeurs concernant un substantiel pot-de-vin, et au prix d’une bonne entaille à sa crédibilité, Lar lui a renouvelé son soutien au cours de l’état d’urgence.
  • [60]
    « Nigerian official in fraud probe », BBC news online, http://news.bbc.co.uk, 3 septembre 2004.
  • [61]
    « Revenge in the name of religion : the cycle of violence in Plateau and Kano States », Human Rights Watch, vol. 17, n° 8 (A), mai 2005.
  • [62]
    « Plateau : PDP elders move to restructure party », This Day, 16 novembre 2004.
  • [63]
    « PDP : a congress of conflicts and controversies », Vanguard, 12 novembre 2005. Akun est d’ethnie ron et originaire du même gouvernement local que Dariye ; ce choix était censé détourner certains des principaux soutiens du gouverneur, mais rien n’indique que le stratagème a fonctionné.
  • [64]
    « Dariye, 55 others decamp from PDP », www.thetimesofnigeria.com, 1er février 2006.
  • [65]
    « The fall of Mantu », Nigerian Tribune, 1er mai 2007 ; « As Mantu bids farewell to the upper chamber », Daily Independent, 12 mai 2007.
  • [66]
    « Wanted Nigeria governor wins case », BBC online news, http://news.bbc.co.uk, 27 avril 2007.
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