Notes
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[1]
Ayreh Neier utilise la terminologie « deniability, deniable forms of repression » (capacité à nier, formes de répression consistant à nier les faits) pour indiquer la différence de nature de la violence attribuée à l’État. Voir sa conférence « Human rights and accountability », Berkeley, université de Californie, Center for Human Rights, avril 1994.
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[2]
I. Martín-Baró, « Political violence and war as causes of psychosocial trauma in El Salvador », International Journal of Mental Health, n° 18, pp. 3-30.
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[3]
Voir P. Hayner, « Fifteen Truth commissions : 1974-1994, a comparative study », Human Rights Quarterly, vol. 16, 1994, pp. 597-655.
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[4]
Cité dans J. Correa Sutil, « “No victorious army has ever been prosecuted”. The unsettled story of transitional justice in Chile », in A. James McAdams (ed.), Transitional Justice and the Rule of Law in New Democracies, Notre Dame, Ind., Londres, Université de Notre-Dame Press, 1997, pp. 123-154.
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[5]
Le rapport final comprend l’histoire de chacun des 2 279 cas examinés par la commission. Celle-ci n’a pas réussi à déterminer ce qui s’est réellement passé dans un grand nombre de cas. Elle n’a entendu que ceux où il y a eu mort ou disparition, excluant ainsi les cas de torture, estimés à 20 000 environ.
-
[6]
La Haute Cour britannique confirma la légalité de la demande d’extradition de l’Espagne, mais Pinochet fut relâché au motif d’une mauvaise santé – et déclaré inapte à être présenté devant un tribunal.
-
[7]
On peut aussi imaginer des situations dans lesquelles la « vérité » du passé est contestée même lorsqu’il y a clairement un vainqueur.
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[8]
Interview, mai 1997.
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[9]
Interview de Sheila Camerer, député du Parti national au Parlement et représentante du comité Justice, juin 1997.
-
[10]
Déposition du Parti national devant la TRC, mai 1997.
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[11]
Ronnie Kasrils, de l’ANC, dans sa présentation au forum de la commission sur « Le débat sur la guerre juste », mai 1997.
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[12]
Témoignage de Thabo Mbeki, alors vice-président d’Afrique du Sud, au nom de l’ANC : audition spéciale de la commission sur le rôle des partis politiques.
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[13]
Affiche de la TRC.
-
[14]
Rapport de la TRC, vol. 1, 1999, p. 2.
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[15]
Rapport de la TRC, vol. 5.
-
[16]
Après avoir sollicité et collecté des témoignages, le personnel sélectionnait les plus représentatifs. Des membres du personnel ont raconté que les réactions variaient énormément d’une personne à l’autre pour décider de porter un témoignage public.
-
[17]
Un de ceux qui sollicitaient l’amnistie à l’audience sur le meurtre de Chris Hani, Janus Walus, déposa une partie de son témoignage en polonais, sa langue natale.
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[18]
Antjie Krog, poète et journaliste, prenant la parole dans une réunion de travail organisée au Cap sur le sujet « Media, truth and reconciliation », extraits repris in Rhodes Journalism Review, 1997.
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[19]
Voir A. Ross, The Body of the Truth : Truth Commissions in Guatemala and South Africa, thèse de doctorat, Berkeley, université de Californie, 1999. Bien qu’il soit très difficile (peut-être impossible) de savoir pourquoi les gens se sont rendus à la commission Vérité, je pense que les catégories utilisées ici sont utiles. J’étaye mon argument sur des centaines d’entretiens réalisés pendant les trois ans de mon travail de terrain en Afrique du Sud, Guatemala, Chili et El Salvador avec ceux qui ont eu affaire aux commissions Vérité en tant que « victimes », ainsi que sur des interviews complémentaires avec des gens qui ont étudié le cas de « victimes » avec lesquelles elles ont travaillé.
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[20]
Alors que les deux autres comités (les comités Violation des droits de l’homme et Amnistie) avaient certains pouvoirs (celui d’amnistier et de mener des auditions), le comité Réparation et Réhabilitation n’avait d’autres compétences que celui de faire des recommandations.
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[21]
En 1990, l’Azapo (Azanian People Organization) et les familles Biko, Mxenge et Ribeiro déposèrent une plainte devant la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud déclarant inconstitutionnelles les dispositions de la commission Vérité et Réconciliation qui privaient les victimes de leur droit à réparation. La Cour constitutionnelle confirma la légalité de l’amnistie, argumentant que la Constitution intérimaire n’avait statué que sur cette seule amnistie. En bref, la Cour jugea que les bénéfices de l’amnistie au plan national (en relation avec la réconciliation et donc la paix et la sécurité) étaient supérieurs aux droits des individus demandant réparation devant la justice civile.
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[22]
Interview, juillet 1997.
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[23]
Interview, juillet 1997.
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[24]
Interview, juillet 1997.
-
[25]
Interview, juillet 1997.
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[26]
Affiche de la TRC.
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[27]
Chris Hani était un haut commandant de la branche armée de l’ANC, Umkhonto we Sizwe (MK), et fut nommé plus tard secrétaire général du Parti communiste (1992). On pense qu’il aurait été choisi par Mandela comme vice-président, mais il fut assassiné en 1993.
-
[28]
Vlaakplass, une ferme non loin de Pretoria, était le siège d’un escadron de la mort des services secrets.
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[29]
Interview, juin 1997.
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[30]
Cité dans J. Perlman, « Apartheid’s abandoned stormtroopers find themselves out in the cold », Sunday Independant, 18 mai 1997.
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[31]
Ibid.
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[32]
Dans le rapport final de la TRC, les pages consacrées à la déposition de F. W. De Klerk ont été rayées de noir.
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[33]
A. Krog, Country of My Skull : Guilt, Sorrow and the Limits of Forgiveness in the New South Africa, New York, Random House, 1998.
-
[34]
Interview, novembre 1996.
1Les commissions Vérité sont dernièrement apparues un peu partout, notamment au Nigeria, en Bosnie-Herzégovine, au Timor oriental et au Pérou. Discussions et débats se sont multipliés sur leurs origines, leurs stratégies et méthodes, leurs résultats et impact et, plus particulièrement, leur rôle dans les transitions démocratiques. Deux éléments décisifs les caractérisent. Tout d’abord, elles surgissent dans des lieux qui ont connu une violence extrême et la violation systématique des droits de l’homme ; le fait que celles-ci aient été niées, ignorées ou marginalisées est à l’origine de pressions pour que cette réalité fasse l’objet d’investigations, de discussions et soit enfin reconnue. Ensuite, elles surviennent le plus souvent dans un contexte de transition politique, où les protagonistes chargés de négocier la résolution d’un conflit armé interne s’engagent dans des compromis et des arrangements. Les commissions sont alors justifiées par deux nécessités pressantes (et parfois contradictoires) : d’une part, un grand nombre de personnes demandent réparation pour les maux infligés ; de l’autre, ceux qui négocient la transition voient dans l’établissement d’une commission Vérité le moyen d’éviter les poursuites en justice pour les crimes commis, c’est-à-dire une possibilité de se faire amnistier.
2Le degré de transformation politique interne au pays et le niveau des pressions internationales (i. e. les facteurs géopolitiques) influencent les pouvoirs et les méthodes de chaque commission Vérité. Malgré cela, une fois mise en place, celle-ci acquiert son indépendance, quelles que soient les conditions politiques ayant concouru à sa naissance. Les commissions Vérité sont donc des lieux d’affrontements, où la vérité du passé recoupe les politiques de l’avenir. Si les premiers organismes d’investigation latino-américains sont à l’origine des commissions Vérité, c’est incontestablement la commission Vérité et Réconciliation (Truth and Reconciliation Commission – TCR) d’Afrique du Sud qui est considérée comme l’emblème du genre. Les architectes sud-africains de la « vérité » de l’apartheid (et de la résistance à celui-ci) se sont fortement inspirés des expériences latino-américaines. Pourtant, la commission sud-africaine a fonctionné dans un tout autre contexte et mis en place des méthodes radicalement différentes. Cet article se propose d’expliquer comment et pourquoi de telles différences se sont produites.
Les premières commissions : disparitions, dénégations et « droit à la vérité » en Amérique latine (1980-1992)
3En Amérique latine, le principe du « droit à la vérité » a surgi en réaction à des pratiques répressives telles que les disparitions, les assassinats extrajudiciaires et autres formes de violence dites « de répression du fait de dénégations [1] ». Faire disparaître les gens y était devenu une pratique courante, le Guatemala et l’Argentine se signalant particulièrement dans ce domaine. La force de cette forme de terreur consistait pour l’État à nier toute responsabilité dans ces crimes, tout en faisant comprendre à la société qu’il pouvait tuer en toute impunité [2].
4Parce qu’un régime était capable d’instaurer sa terreur par le mensonge, en déformant la vérité ou en camouflant des informations importantes, établir la vérité devint essentiel. Face à la violence exercée sous couvert du secret d’État, les revendications pour le « droit à la vérité » se basaient sur la logique suivante : si l’on pouvait faire de la vérité une affaire ouverte et publique, la nécessité de rendre des comptes remplacerait l’impunité et dissuaderait les violations à l’avenir. La recherche du « droit à la vérité » en Amérique latine favorisa l’essor de mouvements organisés autour de l’exigence d’un habeas corpus, acte judiciaire par lequel une personne détenue doit être traduite devant un tribunal en un temps et un lieu stipulés afin qu’il soit décidé de la légalité de sa détention. Des mouvements sociaux, tel celui des mères de la place de Mai en Argentine, attirèrent l’attention internationale sur les faits et l’ampleur des atrocités commises. Ces mouvements prirent de l’importance avec la répression. Le mouvement pour le « droit à la vérité » se heurta au manque d’empressement évident du pouvoir à reconnaître les atrocités passées. Si les revendications se limitaient officiellement à obtenir des informations sur le corps d’un être cher disparu, les objectifs politiques implicites entendaient obliger la sphère politique à rendre des comptes devant la justice et, dans certains cas, visaient au remplacement du pouvoir militaire impliqué dans les actes de violence par un gouvernement civil démocratiquement élu (théoriquement) plus responsable.
5Outre la valeur présumée de la vérité en tant que contribution à la protection future des droits de l’homme, celle-ci était également considérée comme une réponse thérapeutique pour les victimes de la répression : les spécialistes s’accordent en effet à reconnaître qu’une vérité historique doit être rétablie « dans sa réalité » pour que l’individu, la communauté ou le corps social puissent guérir. Le « droit à la vérité » apparaissait donc comme une attaque contre les structures du pouvoir, jugées responsables de la répression, et comme une moyen de surmonter les « dénégations » pratiquées (à des degrés divers) dans toute l’Amérique latine. En Bolivie, quelques jours seulement après la transition du pouvoir militaire au pouvoir civil en 1982, le président Hernan Siles Zuazo nomma une commission nationale d’enquête sur les disparitions, dont le mandat était cependant limité à l’enquête sur quelque 155 cas de personnes disparues [3]. Si la commission ne put produire un rapport complet ni mener une enquête approfondie sur les violations des droits de l’homme pendant le pouvoir militaire, ce processus contribua à réaffirmer le devoir de l’État de répondre aux exigences de vérité et de justice des victimes.
6Dans le cas mieux connu de l’Argentine, la « Commission nationale sur les disparus » fut mise en place en 1983 par le président Raul Alfonsín, avec à sa tête Ernesto Sabato, un écrivain respecté de tous. Elle fut chargée d’enquêter sur le sort des disparus et de produire un rapport pour le président. Ce rapport, dit « rapport Sabato », riche de plus de 50 000 pages de documentation sur les disparus, décrit en détail les méthodes employées lors des disparitions, les « promesses d’impunité » faites par l’État, la souffrance des victimes et l’ensemble des mesures répressives de la dictature militaire. Publié en 1985 sous le titre Nunca mas, il devint un best-seller dans le pays.
7À la suite des expériences bolivienne et argentine, le Parlement uruguayen mit en place en 1985, après onze ans de pouvoir militaire, la « Commission d’enquête sur la situation des disparus et sur ses causes ». L’Uruguay, dont le mouvement des droits de l’homme était bien moins important qu’en Argentine et au Chili, ne bénéficia pas de la même attention internationale. Comme dans le cas bolivien, la commission ne put enquêter que sur les disparitions et non sur la torture et les détentions illégales, ces dernières représentant pourtant la majorité des violations des droits de l’homme dans le pays. Elle fut sérieusement limitée dans son action par l’incapacité des partis d’opposition à s’entendre sur une stratégie, par la répugnance de l’administration Sanguinetti à s’engager pleinement dans la recherche de la vérité et de la justice et par la persistance du pouvoir militaire en dépit de la transition démocratique. L’impact de cette commission fut donc minime, mais d’autres organisations prirent le relais et rendirent publiques les atrocités commises sous le régime militaire.
8Cette volonté d’établir officiellement la vérité est née des pressions exercées par les défenseurs des droits de l’homme aux niveaux national et international en réponse aux besoins des victimes. On l’a vu, les buts fixés pour répondre aux besoins des victimes (la guérison individuelle et/ou sociale de traumatismes anciens) sont généralement stipulés dans le mandat des commissions Vérité. S’y trouvent moins souvent énoncés en revanche les motifs des parties belligérantes : négocier un accord pour protéger les membres des organisations en cause de poursuites judiciaires. Négocier une amnistie est souvent extrêmement délicat, aussi les commissions Vérité sont-elles le fruit de compromis entre deux extrêmes : la justice institutionnelle contre le silence d’un côté, la sacrosainte impunité de l’autre.
9Au Chili, la commission Vérité et Réconciliation (aussi connue sous le nom de commission Rettig) fut mise en place en mai 1990 au lendemain de l’élection du président Aylwin et du retour formel à la démocratie. Cette commission fut présentée comme le moindre de deux maux pour les deux parties: pour la droite et les militaires, elle était préférable à des procès et, pour les organisations des droits de l’homme et les victimes, compte tenu des limites du paysage politique, elle valait mieux que l’absence de toute investigation. Appuyée par une équipe de 60 personnes (essentiellement des avocats, mais aussi des travailleurs sociaux, des sociologues et des psychologues), la commission travailla durant neuf mois et traita près de 3 000 cas. Des membres de l’équipe racontent que le président Aylwin se montra particulièrement soucieux que les familles des « victimes » fussent traitées avec dignité. Certaines des personnes venues déposer diront plus tard que le président leur avait paru personnellement concerné par leur détresse. La demande de pardon officielle adressée aux victimes par le président à la télévision, ainsi que la reconnaissance de la culpabilité de l’État après la publication du rapport de la commission Rettig, en mars 1991, passent en effet pour les aspects les plus positifs de cette expérience.
10Le rapport de la commission fut contesté par les partis politiques de droite, la Cour suprême (les juges y étaient sévèrement critiqués) et par l’armée, qui considérait qu’elle était sortie des casernes en 1973 pour sauver la nation menacée par une guerre interne. Le général Pinochet exprima le désaccord profond des militaires : « L’armée du Chili déclare solennellement qu’elle ne sera pas mise en procès devant les citoyens pour avoir sauvé la liberté et la souveraineté de la mère patrie. » Des officiers haut gradés soutinrent que le rapport n’avait pas de validité historique et « que les armées victorieuses n’étaient jamais poursuivies en justice [4] ». Plus symptomatique que le rejet du rapport par l’armée chilienne est le fait que celle-ci ne fut pratiquement pas obligée d’en tenir compte. Bien que le rapport de la commission chilienne ait cherché à faire la vérité sur la violence, il évitait les faits explicites de responsabilité individuelle et omettait de nommer les individus ou institutions responsables, se centrant sur les seules victimes [5] : les auteurs des atrocités en étaient étrangement absents. Aussi y eut-il peu d’accusations à réfuter. De l’avis des parents de tués ou de disparus, l’incapacité de la commission à expliquer ce qui était véritablement arrivé aux victimes venait de ce que les criminels avaient refusé de divulguer ce qu’ils savaient.
11Cette commission joua néanmoins un rôle important dans la transition démocratique du Chili en permettant au pays de reconnaître officiellement son passé, et notamment en ouvrant la voie aux excuses officielles du président Aylwin. Néanmoins, les administrations civiles subséquentes purent reléguer « aux oubliettes » les violations des droits de l’homme, les militaires échapper à la punition et/ou aux poursuites et maintenir largement leur pouvoir (certes en l’exerçant différemment), et le sort de nombreux disparus demeure toujours un mystère. L’arrestation du général Augusto Pinochet le 16 octobre 1998 à Londres, sur mandat d’arrêt d’un juge espagnol, semble avoir eu plus d’impact sur la poursuite en justice des membre des forces armées chiliennes que la « vérité » présentée dans le rapport Rettig. À son retour au Chili en 2000 [6], Pinochet devait répondre de plusieurs douzaines d’accusations de violation des droits de l’homme : le militantisme international avait mieux su se saisir de la question de l’impunité que les initiatives locales et nationales.
12Le cas de la commission Vérité au Salvador (1992-1993) est particulièrement pertinent pour l’action des commissions qui suivirent. Au Salvador, la paix négociée entre le FMLN (Front Farabundo Marti de libération nationale) et le gouvernement incluait la création d’une commission Vérité « chargée d’enquêter sur les graves actes de violence commis depuis 1980 et dont l’impact sur la société nécessitait de toute urgence que la vérité soit portée à la connaissance du public ». La décision de mettre en place une telle commission fut prise pendant les négociations de l’accord sur les droits de l’homme, au cours desquelles les accusations et contre-accusations de violations attribuées à chacun des camps menacèrent de réduire à néant les pourparlers de paix. De plus, l’organisation insurgée (le FMNL) exprima sa méfiance à l’égard de la capacité du système judiciaire salvadorien à traiter effectivement le cas des accusés. De part et d’autre, la nécessité d’un organisme spécial pour mener à bien les enquêtes se fit sentir.
13La commission Vérité du Salvador est le premier exemple d’une commission d’investigation établie dans le cadre de négociations visant à résoudre un conflit armé intérieur. Elle est également unique en son genre dans la mesure où les parties en conflit choisirent de conférer à des étrangers (nommés par les Nations unies) le pouvoir d’enquêter et de présenter des recommandations ayant (en principe) force de loi. Son mandat était de mener des investigations sur « les actes de violence les plus graves… ». La commission salvadorienne diffère en ce sens de la commission Rettig au Chili et d’autres commissions d’enquête en Amérique latine. Au lieu de chercher à dire un peu sur un grand nombre d’atrocités, elle décida d’enquêter en profondeur sur les violations considérées comme ayant eu des répercussions importantes sur la société. Elle fit également le choix de « citer des noms », en dépit des fortes pressions du gouvernement salvadorien. La commission, qui travailla pendant huit mois, entendit plus de 7 000 plaintes de première main, mais concentra son rapport sur les cas les plus représentatifs de la nature et de l’ampleur de la violence, tel le meurtre des six Jésuites en novembre 1989. En donnant des noms, elle allait plus loin que n’importe quelle autre commission d’enquête car elle établissait la responsabilité d’individus dans des crimes contre les droits de l’homme. Il est néanmoins difficile de prendre la mesure de l’impact relatif de cette commission dans le démantèlement de l’impunité. Si le rapport a sans doute eu un effet cathartique sur les victimes en particulier et sur la société en général, quelques jours seulement après sa publication le gouvernement décrétait une amnistie générale pour tous les individus accusés d’actes graves de violence.
14Ces cas illustrent le dilemme existant lorsque l’on veut prendre en compte la demande des victimes dans le contexte précaire d’une transition en cours de négociation. Les deux présupposés sous-jacents – la vérité sur la violence apportera un soulagement aux victimes et permettra à la société d’éviter de futures violations – sont souvent clairement exposés dans le mandat des commissions Vérité. En revanche, en sont souvent absents les détails du compromis à la base de leur création. Et pourtant ce sont ces arrangements, compromis et ajustements qui créent les pouvoirs et limites à l’intérieur desquels devront opérer ces commissions. Qu’un conflit aboutisse à une solution négociée (où aucune des parties ne figure comme vrai vainqueur) signifie qu’il reste beaucoup de problèmes à régler. C’est ce qui explique que les commissions Vérité d’Amérique latine se soient transformées en terrains de bataille, même après que la paix formelle a pacifié d’autres terrains d’affrontements. Les commissions Vérité sont des lieux de conflits, des espaces où se déroulent des luttes pour le sens à donner à la violence [7].
L’internationalisation d’une idée : la commission Vérité en Afrique du Sud
15Comme dans les cas précédents, la création d’une commission Vérité en Afrique du Sud répondait à deux besoins différents. Les victimes de l’apartheid réclamaient de « connaître » (le sort d’êtres chers morts ou disparus) et d’« être reconnues » (reconnaissance/compensation pour les pertes encourues). Pour ceux qui négociaient la transition, une amnistie sans poursuites judiciaires était de toute première importance.
16Depuis le début, le processus de négociation qui devait conduire au démantèlement de l’apartheid et à l’instauration d’une démocratie électorale s’était penché sur le sort des personnes chargées de mener les négociations. Dès 1990, les discussions préliminaires avaient soulevé les questions d’amnistie politique. Pour le Congrès national africain (African National Congress – ANC), il s’agissait d’obtenir un accord d’amnistie garantissant un minimum de sécurité à ses militants, dont beaucoup se trouvaient en exil ou en prison. Quant au Parti national (National Party), il craignait de toute évidence que la règle de la majorité n’entraîne des procédures civiles et pénales contre ses membres ; l’argument de ses dirigeants était que les membres des forces de sécurité menaceraient le processus s’ils avaient l’impression que la transition impliquerait pour eux des peines de prison. En 1992, l’ANC adopta finalement une position reconnaissant la valeur d’une amnistie qui permettrait de se concilier les membres des forces de sécurité risquant, sinon, de faire obstruction à la transition. Ce point est important pour deux raisons : d’une part, si l’on voulait que les négociations aboutissent, les leaders des parties en conflit étaient très attentifs à ce qui pourrait leur arriver ; d’autre part, des compromis dans d’autres secteurs, au cours de la rédaction de la nouvelle Constitution, pouvaient être « achetés » par les promesses d’amnistie.
17Les Sud-Africains connaissaient les expériences des commissions Vérité en Amérique latine. En février 1994, l’Institut pour une alternative démocratique en Afrique du Sud (Idasa) patronna une conférence intitulée « Justice en transition : que faire du passé ? », au cours de laquelle Sud-Africains et spécialistes internationaux étudièrent la façon dont d’autres nations avaient été confrontées à un passé de violations des droits de l’homme pendant une transition politique problématique. Une deuxième conférence, tenue en juillet 1994, rassembla un éventail encore plus large de spécialistes, dont nombre des figures publiques qui allaient devenir les principaux acteurs de la TRC. Au cours de ces deux conférences, Jose Zalaquett, un avocat chilien des droits de l’homme qui avait fait partie de la commission dans son pays, joua un rôle important en attirant notamment l’attention sur les avantages d’une telle commission si l’on voulait éviter les ruptures d’une transition difficile en cas de poursuite des officiers de l’armée. Johnny de Lange, député de l’ANC et président du comité Justice, se souvient de la réunion où fut discutée la commission Vérité : « Nous étions très conscients de ses possibilités. Nous avions étudié le modèle chilien, qui donnait aux victimes l’occasion d’être entendues mais sans avoir de réels moyens. Nous voulions cette approche qui prend en compte l’intérêt des victimes, mais qu’elle soit musclée [8] ». De Lange explique aussi que l’ANC recherchait un moyen de régler les violations des droits de l’homme du régime précédent en dehors du système judiciaire existant : « Le système judiciaire était un vrai problème… C’était tout le système, la police, la justice… Nous n’allions pas remettre l’ensemble du processus [d’investigation des violations] aux mains de cette mauvaise structure. Ces institutions étaient les mêmes qu’avant… » De plus, conditionner l’amnistie à l’obligation de dire la vérité obligerait les membres des forces de sécurité à dévoiler leurs délits réciproques, brisant ainsi leur solidarité – ce que les responsables de l’ANC jugeaient plus important que d’en envoyer quelques-uns en prison.
18Peu après sa prise de fonction, l’administration Mandela présenta au Parlement un projet de loi sur la « Promotion de l’unité nationale et de la réconciliation » (une législation appelée à mettre en place la commission Vérité). Conformément aux discussions préalables, les conditions d’octroi de l’amnistie donnèrent lieu à d’âpres échanges. Une coalition d’organisations de la société civile obtint par la pression que toutes les auditions, y compris celles impliquant les demandeurs d’amnistie, soient accessibles au public. Pour les secteurs de la société qui craignaient des poursuites pénales, la TRC offrait l’avantage de l’amnistie. Elle créait également un forum offrant la possibilité à l’administration sortante de dire sa façon de voir l’histoire et de lancer, ainsi, le « Nouveau parti national [9] ». Le Parti national avait en effet besoin de changer son image s’il voulait gagner des voix aux prochaines élections. Pour cela, il chercha à présenter l’histoire de l’apartheid comme un projet idéaliste, conçu pour développer et moderniser la nation ; un projet rempli de bonnes intentions qui avait finalement échoué. Dans cette version, le « vieux » Parti national était composé de Sud-Africains blancs civilisés et bien intentionnés qui n’étaient que le produit de leur époque. Après tout, c’était son « nouveau » Parti national, transformé et progressiste, qui, selon F. W. De Klerk, mettait fin à l’apartheid [10]. La TRC allait fournir le cadre où faire passer ce message. Pour l’ANC, l’enjeu était peut-être encore plus grand. Il y trouvait également l’occasion de dire sa façon de voir l’histoire : l’apartheid, enraciné dans la violence de la colonisation et de la ségrégation, avait pour base le racisme des Blancs, la lutte menée par l’ANC contre l’apartheid était une « guerre juste » et il n’y avait absolument « aucune équivalence morale entre les deux côtés [11] » ; les violations commises par l’ANC l’avaient été du fait « des difficultés à mener une révolution depuis l’exil [12] ». L’ANC avait besoin de ce forum pour convaincre la population blanche que ses militants étaient des combattants nobles, assoiffés de justice sociale. Tout aussi important, l’organisation devait montrer à ceux qui avaient souffert sous le régime de l’apartheid et votaient pour elle que le nouveau gouvernement ANC redresserait les maux de l’apartheid.
19L’ANC remporta les élections de 1994 mais perdit la révolution. Le parti avait certes obtenu le contrôle sur le gouvernement, mais la richesse et le pouvoir demeuraient entre les mains de la minorité blanche. Les élections avait fait naître d’immenses espérances au sein de la population noire : eau potable, assainissement, électricité, routes pavées, maîtres d’école, postes de santé, etc. Répondre à toutes ces attentes, et dans les meilleurs délais, s’avérerait difficile. Si le gouvernement de l’ANC risquait de décevoir dans le domaine des services sociaux, au moins pouvait-il offrir un espace où la majorité des Sud-Africains verrait les leurs aux commandes, et les figures de l’apartheid sur la sellette. Les changements matériels nécessitaient du temps et de l’argent: avec la TRC, l’ANC pourrait rapidement imposer une image de la lutte qui validerait l’expérience de la majorité.
20Comme les autres commissions Vérité, la commission sud-africaine était modelée par deux éléments centraux. En tant qu’organisme mandaté pour enquêter sur l’histoire du conflit et les graves violations des droits de l’homme, il lui fallait s’occuper du vécu des victimes et fournir à celles-ci reconnaissance officielle et catharsis personnelle. Mais, en tant qu’institution issue de négociations ayant formellement mis fin à un conflit armé, elle se devait d’être un mécanisme permettant simultanément la réintégration des insurgés et la protection des membres du régime précédent contre des poursuites judiciaires – i. e. un accord d’amnistie. En dehors de ces deux éléments, la TRC présente peu de points communs avec ses précurseurs. Deux aspects en particulier diffèrent totalement des commissions Vérité antérieures: la possibilité pour le public d’assister aux séances, soit en personne lors d’auditions ouvertes, soit par le biais d’une couverture médiatique régulière ; la façon de lier la poursuite de la vérité sur les atrocités avec le droit d’amnistie pour ces crimes, i. e. le « mariage » entre amnistie et honnêteté. Ce sont ces deux caractéristiques uniques du modèle sud-africain qui ont conféré à la TRC ses compétences et ses méthodes.
« Révéler, c’est guérir [13]. » La TRC rend public le passé
21La commission avait pour but de « créer un espace à l’intérieur duquel les victimes pourraient partager l’histoire de leur traumatisme avec la nation [14]… ». D’autres commissions Vérité avait sollicité et enregistré des déclarations de victimes, mais ce que la TRC fit de ces déclarations est sans précédent. Au-delà des faits analysés du point de vue des violations des droits de l’homme [15], une partie (environ 10 % [16]) de ces témoignages était présentée lors de séances publiques dans tout le pays. Ces séances ouvertes marquaient une rupture avec les autres commissions connues, dont les normes de fonctionnement étaient basées sur la préservation de la séparation privé/secret. En Afrique du Sud, n’importe qui avait le droit d’entrer dans la salle, de prendre une paire d’écouteurs, de s’asseoir et d’écouter un témoignage traduit d’une des onze langues du pays (et même, une fois, du polonais [17]). Ce droit s’avérait toutefois difficile à exercer: pour de nombreux Sud-Africains, s’absenter de son travail était simplement trop compliqué, un autre problème étant de se rendre sur le lieu des auditions.
22La TRC a tenu plus de cent auditions entre avril 1996 et juin 1997. Ses auditions donnèrent la parole à des milliers de voix. Beaucoup de souffrance s’exprima dans les témoignages. Ceux qui déposaient étaient bouleversés, s’embrouillaient et avaient du mal à construire un récit cohérent. Les commissaires cherchaient un équilibre entre réconforter le témoin et tenter de tirer au clair une histoire recélant des preuves détaillées de brutalité. En général, les victimes demandaient qu’on les aide, d’une façon ou d’une autre… et exprimaient leur frustration de ne pouvoir rien faire de plus que raconter leur histoire. Les auditions étaient publiques, l’événement retransmis en direct à la radio, une équipe de journalistes motivés présentait un cas aux journaux télévisés du soir et dans les journaux du matin ; de plus, le site Internet de la TRC reproduisait chaque jour la transcription complète des auditions. Les témoignages de douleur et de traumatisme furent diffusés à travers tout le pays [18].
23La « nouvelle Afrique du Sud » eut à faire face, jour après jour, à des récits très choquants. Et pourtant, en dépit de l’importante couverture médiatique, une partie de la population sud-africaine choisit de tout ignorer. Certains évoquaient le processus de façon méprisante, l’appelant la « commission Larmes et Revanche » (« Tears and Revenge Commission –TRC ») en raison de l’échos important accordé par les médias à la retransmission d’images des auditions, décrivant en détail la misère, la douleur, la perte et le chagrin occasionnés par la réalité de l’apartheid. Les Sud-Africains étaient entraînés à fermer les yeux aux réalités des souffrances et des peines de l’apartheid, comme le fit remarquer un observateur bien placé.
24Les différentes communautés nourrissaient des projets divergents à propos de la commission. Politiquement, elle fut établie selon le désir des deux camps de trouver un accord et de mettre en place une amnistie. Ceux qui avaient souffert de l’apartheid se virent proposer un lieu où leur histoire pourrait être racontée. Mais ceux qui témoignèrent, ceux qui fournirent à ce grand drame national le récit de leurs histoires, ceux-là en attendaient davantage qu’une occasion de raconter leur expérience : ils voulaient qu’on prenne leur histoire en considération. Si les gens se rendirent à la TRC pour une multitude de raison, on repère deux grandes catégories de motifs sous les quelque 20 000 témoignages entendus par la commission [19] : la recherche d’informations au sujet d’un parent disparu et/ou de ses restes, et l’espoir d’une aide matérielle pour améliorer une situation dramatique. Dans certains cas, leur participation était liée à une action menée par ailleurs (par exemple pour obtenir justice dans un procès). Selon un membre du personnel de la commission, les gens avaient placé des attentes matérielles considérables dans celle-ci : « En public, à la télévision, les gens sont très humbles, ils demandent qu’on leur fasse des excuses. Mais ensuite, dans les sessions de clôture, tous, sans exception, demandent une maison ! » Trudy de Ridder, l’unique thérapeute désigné par la commission, confirme: « J’entends dire par les commissaires que les victimes viennent témoigner et disent qu’elles ne réclament que des excuses, mais, en petit comité, elles disent toutes qu’elle veulent une maison… La plupart des gens veulent des compensations matérielles. C’est pour cela que la majorité des personnes vient à la TRC. »
25Parmi les nombreuses personnes ayant subi la violence et la violation systématique des droits de l’homme en Afrique du Sud, une petite partie seulement était à la recherche du corps d’un être cher. Mais c’est dans cette sous catégorie de victimes que se retrouvaient le plus de gens susceptibles d’aller chercher de l’aide auprès de la commission. La TRC était la seule institution menant des exhumations (l’ANC avait aussi un bureau chargé d’aider les familles). En règle générale, ce sont des gens des classes socio-économiques plutôt défavorisées qui allèrent témoigner devant la commission, ceux des classes moyennes ou supérieures, comme la famille Biko, disposant de ressources et d’un autre niveau d’éducation pour réclamer justice devant un tribunal. La relative faiblesse économique des « victimes » qui furent entendues par la commission explique qu’elles aient essentiellement demandé une aide de type économique.
26La TRC fut loin de garantir les réparations attendues. Elle devait déterminer les personnes éligibles pour de telles réparations et formuler des recommandations pour une politique gouvernementale de compensation individuelle et communautaire. C’est incontestablement sur ce terrain qu’elle se montra le moins efficace, même si son discours soulignait bien que le but de l’institution était de servir les victimes de l’apartheid [20]. Cette insuffisance de la commission à garantir un soutien matériel aux victimes était d’autant plus gênante que la loi bloquait toute possibilité pour les requérants de chercher à obtenir une réparation légale auprès des fautifs ; l’amnistie accordée les privait en effet du droit à déposer plainte devant un tribunal civil [21]. Mme Dlomo-Jele, de Khulumani, exprima sa frustration de ce que la TRC lui avait « ôté » son droit de soulever son cas devant un tribunal de justice [22]. Michael Simpson, psychologue et militant, regretta que la commission ait « retiré aux victimes le droit de mener des poursuites en justice… et qu’aucune victime n’ait jamais été consultée sur ce point. Nous [les victimes] avons dû payer le prix fort. On nous a promis une enquête complète et la vérité. Mais ce n’est pas ce que nous recevons [23] ». D’autres requérants durent suspendre des procès en cours contre des criminels tandis que se déroulaient les procès en amnistie ; ce fut le cas de Shirley Gunn contre Adrian Flok, et de la famille Mxenge contre Dirk Coetzee.
27Le plus souvent, la victime de la violence est pauvre. Peut-être l’était-elle à l’origine, mais sa situation a généralement empiré à la suite de la violence subie: la perte d’un membre de la famille, la perte d’un bien, la perte de la santé physique, et donc d’un potentiel en termes de gain, tous ces éléments combinés ont un impact économique négatif. Par contraste, le criminel peut (parfois) être très à l’aise. Quelques-uns des membres les plus connus du régime d’apartheid étaient en effet très riches. Au fur et à mesure que la TRC avançait dans son travail, il devenait de plus en plus clair que, s’il y avait réparations, celles-ci seraient malheureusement minimes et longues à venir. Les commissaires ne cessèrent de déclarer que leur rôle se limitait à faire des recommandations. Ainsi, lorsqu’il devint évident que beaucoup de victimes nourrissaient des attentes démesurées, la commission s’efforça de décourager tout ce qui pouvait favoriser ces attentes et mit en avant des réparations « symboliques », telles que l’érection de monuments, le baptême de rues, la construction d’écoles et de bâtiments gouvernementaux.
28Selon le Centre d’étude de la violence et de la réconciliation (Center for the Study of Violence and Reconciliation) de Johannesburg, une ONG travaillant avec les victimes de la violence en général et les participants à la TRC en particulier, la majorité de ceux qui avaient été entendus par la commission étaient mécontents du manque de suites données à leur audition. Un membre de ce centre, Tchoki Mofokeni, qui organisa une série d’ateliers pour les victimes ayant témoigné devant la commission, rapporte que 80 % des personnes interrogées étaient déçues de l’institution et de son processus. Voici comment il résume leurs plaintes: « On s’est servi de nous » (nous avons donné nos histoires et n’avons rien reçu en retour) ; « On veut les ossements/on a besoin d’une maison » (nous sommes allés à la commission parce qu’on croyait qu’elle pourrait nous aider… Nous avons raconté nos histoires dans l’espoir de trouver les restes d’un parent disparu, ou de recevoir une aide financière) ; « Nous voulons parler de réparations plus que de réconciliation » (la commission tenta de contrôler le récit de ce que les victimes souhaitaient recevoir, en insistant sur le dialogue du pardon) [24]. Khulumani (« Parlons franchement »), un groupe de soutien aux victimes de l’apartheid, exprima également sa déception : Sylvia Dlomo-Jele, une de ses co-fondatrices, raconte que les relations ont d’abord été bonnes entre son organisation et la commission. « Au début, ils ont pris nos déclarations et nous sommes allés aux auditions. On nous a dit qu’on allait enquêter sur nos cas. Mais ensuite, ils ne nous ont pas recontactés. Les gens étaient furieux. » Mme Dlomo-Jele a témoigné elle-même en audition publique : « Ça a fait remonter la douleur, mais les commissaires m’ont dit que mon histoire était importante et je me suis sentie mieux. Mais après, au fur et à mesure, j’ai commencé à me sentir de plus en plus mal, tout remontait à la surface [25]. »
29En Afrique du Sud, la commission a recueilli un peu plus de 20 000 témoignages de victimes ayant quelque chance d’être éligibles à une aide minime de l’État. Compte tenu de l’extraordinaire niveau de violence de la période examinée par la commission, on peut se demander pourquoi si peu de gens sont venus témoigner. Une explication plausible est qu’il n’y avait aucune garantie de bénéfices en retour – même si, comme on l’a vu, les personnes se trouvant dans des situations dramatiques avaient quelque raison de penser que la commission pourrait leur fournir une aide matérielle.
« Amnistie contre honnêteté [26]. » La TRC accorde le pardon aux auteurs de crimes
30Partie prenante du processus de négociations, l’ANC avait accepté la réalité de l’amnistie, mais refusé que le pardon soit automatique ; il fallait en faire la demande. Ce que les critères écrits ne disaient pas, c’est que le requérant pouvait être amnistié sans avoir jamais exprimé de repentir. Ce fait provoqua d’ailleurs un grand nombre de plaintes de la part des victimes, dont beaucoup se rendaient aux auditions d’amnistie dans l’espoir d’y voir les auteurs de crimes se repentir, s’amender, regretter et demander qu’on leur pardonne. Cela s’est rarement produit.
31Une personne requérant l’amnistie devait toutefois reconnaître avoir commis un crime. En septembre 1997, au cours de l’audition, qui fit beaucoup de bruit, sur la mort en détention de Steve Biko, les cinq officiers de police qui demandaient à bénéficier de l’amnistie « ressortirent » l’histoire qu’ils avaient fournie vingt ans auparavant : Biko avait glissé, sa tête avait cogné et il était mort en route vers l’hôpital. Les membres du comité d’amnistie eurent beau leur expliquer qu’en l’absence de crime leur demande d’amnistie n’était pas recevable, les officiers de police maintinrent leurs alibis et se virent ainsi refuser l’amnistie.
32L’amnistie avait été une réalité politique (la condition nécessaire à l’avancement du processus de négociation) et une stratégie pour obtenir des informations afin de réformer les forces de sécurité. Le comité d’amnistie reçut plus de 7 000 demandes, parmi lesquelles seulement quelques centaines émanaient d’anciens membres des forces de sécurité ou du gouvernement, et quelque dizaines venant de « gros poissons », c’est-à-dire de personnes de rang élevé ou au pouvoir et, en fin de compte, d’une petite poignée de personnes réellement haut placées dans la hiérarchie. Comme pour le gros des requérants, plusieurs de ces personnalités étaient des hommes déjà accusés ou emprisonnés, ou encore lourdement impliqués dans des crimes. Ces quelques cas de personnes haut placées firent l’objet de beaucoup d’attention. À l’audition de Clive Derby-Lewis et Janus Walus, qui purgeaient des peines de prison pour le meurtre de Chris Hani [27], une foule nombreuse manifesta à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôtel de ville de Pretoria (où se tenait l’audition); George Bizos, le meilleur avocat du pays, argumenta en faveur de la famille Hani pour que leur soit refusée l’amnistie. (Tous deux virent leur demande rejetée.) Eugène de Kock, ancien colonel des forces de police, était commandant de la Vlakplaas [28], ce qui lui valut deux condamnations à vie et plus de deux cent dix ans d’emprisonnement; il présenta une demande d’amnistie de 4 000 pages, la plus longue jamais enregistrée. Les activités de Mr de Kock, largement divulguées dans un documentaire sur la Vlakplaas (« Prime Evil »), ont consommé des mois de travail du comité d’amnistie. « Mr. de Kock reconnaît lui-même, en passant, que ses méfaits sont si nombreux qu’il a du mal à s’en souvenir. “J’ai passé dix ans à la tête d’une unité incroyablement active, dit-il à la commission, c’est difficile de garder trace de chaque détail”. » Dirk Coetzee, accusé et reconnu coupable du meurtre de Griffith Mxenge (un avocat des droits de l’homme assassiné en 1981), a fourni des informations très complètes sur les opérations de la Vlaakplaas. Il fut amnistié, et le procès intenté contre lui abandonné au moment de la sentence.
33Le gros du travail du comité d’amnistie était très différent de celui qui concernait les quelques cas impliquant des membres des forces de sécurité. Des membres de la commission ont confirmé que la majorité des 7 000 personnes sollicitant l’amnistie se déclaraient liées à l’ANC, les autres aux forces armées sud-africaines et/ou au gouvernement, au Congrès panafricain et à l’Inkhata Freedom Party. La plupart de ces demandes (approximativement 80 %) provenaient de personnes déjà accusées, reconnues coupables ou condamnées pour crime – ce sont elles qui avaient le plus à gagner du processus d’amnistie, et très peu à perdre. Ainsi, l’analyse statistique des demandes d’amnistie reflète les individus poursuivis en justice et accusés de crimes sous le régime d’apartheid plutôt que les auteurs des actes les plus abominables. Dans la majorité des auditions, les requérants étaient noirs, pauvres et surtout prêts à tout pour sortir de prison. Dans de telles situations, où les requérants semblaient autant des victimes de l’apartheid que des criminels/violeurs de droits de l’homme, les mesures d’amnistie semblent avoir servi d’autres buts que d’accorder l’impunité à des personnages importants afin qu’ils abdiquent leur pouvoir. Dans les expériences latino-américaines, l’accord d’amnistie fut adopté dans le cadre d’une transition politique négociée comme équivalence à l’impunité et par crainte de la poursuite des violations des droits de l’homme; la méthode sud-africaine (dans la majorité des cas) est tout autre : lors des auditions d’amnistie où les requérants avaient commis des crimes dans le cadre d’une lutte de libération, la possibilité de les amnistier apparut davantage liée à la résolution du conflit armé qu’à la mise en place d’un système d’impunité.
34L’expérience consistant à lier l’amnistie au processus de recherche de la vérité a connu des réussites et des échecs. Du côté des succès, « faire publiquement honte » aux individus coupables et discuter ouvertement de la nature de la répression et de la violence ont sans doute été plus utiles socialement que d’envoyer quelques personnes en prison. L’amnistie a également permis de faire remonter quantité d’informations qui, dans certains cas, ont aidé à clarifier le sort de personnes disparues. En revanche, le refus de nombreuses figures clés de l’apartheid de saisir cette occasion pour demander l’amnistie constitue sans nul doute un échec. Constand Viljoen, commandant de l’armée sud-africaine (South African Defence Force – SADF) entre 1980 et 1985, actuellement député au Parlement et leader du Front de la liberté (Freedom Front), a ainsi déclaré : « Je ne ressens nul besoin de demander l’amnistie pour le temps que j’ai passé dans la SADF. Nous ne sommes pas des criminels de guerre [29]. » La majorité des officiers de rang inférieur refusèrent également de participer. « André », un ancien membre des forces de sécurité, proteste : « Il faudrait que je rampe maintenant devant l’ennemi et que je m’excuse d’être un soldat ? Jamais. Dîtes-moi, quelqu’un en Amérique a-t-il jamais été accusé d’avoir fait la guerre au Vietnam ? Leur gouvernement les a envoyés là-bas pour combattre et notre fucking gouvernement nous a aussi envoyés pour combattre [30]. »
35Des critiques ont quant à eux regretté que la définition du « mal » qui a été adoptée en vue d’établir les responsabilités se soit bornée à la torture, présentée comme une « bavure » perpétrée dans des arrière-cours par des agents rebelles mal inspirés, des exceptions à la règle. La TRC donna ainsi à penser aux Sud-Africains blancs ordinaires que les maux de l’apartheid avaient été commis par d’autres. En voyant ici ou là un policier blanc identifié comme criminel, les autres Sud-Africains blancs ont pu croire qu’ils étaient innocents. Les « criminels » sur la sellette aux audiences d’amnistie sont ainsi passés pour une poignée de « fruits blets ». Même F. W. De Klerk, lorsqu’il s’adressa à la commission, put soutenir qu’il était « aussi choqué que quiconque » devant les histoires de torture, de meurtre et de mutilation révélées à la nation. Lorsqu’on lui demanda comment il expliquait les témoignages des membres des forces de sécurité confessant avoir utilisé la terreur comme tactique habituelle, il rétorqua que « lorsque quelqu’un commettait un crime, c’était son problème et non celui de la ligne du Parti national ».
36Pour être amnistié, le requérant devait établir qu’il avait obéi aux ordres/directives du mouvement politique dont il se réclamait. Face à un ancien chef d’État soutenant que les requérants n’étaient qu’une poignée de « fruits blets », le comité d’amnistie se retrouvait dans une étrange position. Le refus de De Klerk de reconnaître une quelconque responsabilité laissait ces requérants en rade. Un article de journal mit le doigt sur ce point après la comparution de De Klerk devant la commission. Le journaliste avait interrogé d’anciens membres de la SADF à propos de l’affirmation de De Klerk selon laquelle les atrocités commises auraient été le fait de quelques « brebis galeuses » et non celui d’agents exécutant des ordres : le soldat identifié sous le nom d’« André », qui avait servi en Angola (à une époque où le gouvernement sud-africain niait y avoir envoyé des troupes), s’esclaffa : « Où aurais-je trouvé la liberté d’action, en tant que simple soldat, pour aller mener des opérations à l’extérieur du pays ? » Les ordres devaient bien venir d’en haut [31].
37De Klerk démissionna de son poste de leader du parti peu de temps après sa comparution devant la TRC [32]. Cette démission apparut comme un signe à la fois de la force et de la faiblesse de la commission. D’un côté, F. W. De Klerk était publiquement déshonoré par son témoignage : soit il mentait, soit il était un fort mauvais chef qui ignorait les multiples atrocités commises dans les rangs de ses troupes – y compris qu’elles faisaient la guerre dans un pays voisin. Les dénégations de F. W. De Klerk signifiaient également que la commission avait échoué à engranger la masse d’informations que celui-ci aurait pu fournir. À l’instar du Parti nationaliste, l’ANC nia que les violations des droits de l’homme aient été une ligne politique, mais sa direction accepta de reconnaître que sa responsabilité était engagée dans les actes commis par n’importe quel individu au nom du mouvement politique.
38Les commissions Vérité sont des expériences relativement récentes. De plus en plus, des parties en guerre choisissent une sortie négociée plutôt que la poursuite du combat jusqu’à la victoire totale d’un combattant sur l’autre. Avec la fin de la guerre froide et la perte des soutiens accordés par l’une ou l’autre des superpuissances, les ennemis à l’intérieur d’un même pays ont été obligés d’accepter une révision partielle de leurs objectifs. Les commissions Vérité sont de plus en plus souvent conçues comme un mécanisme négocié permettant de régler un passé de violations des droits de l’homme commises par des parties en conflit. De fait, en tant qu’invention récente, chaque commission Vérité peut définir ses propres méthodes et compétences : les règles en sont bien moins figées que les règlements qui régissent un tribunal. La mise en place d’une commission est donc une sorte de pari, dans la mesure où l’espace créé autorise différents secteurs de la société à converger et à exercer des pressions pour qu’elle réponde à leurs demandes. C’est le drame qui se joue dans l’expérience de chacune de ces commissions et qui les rend si intéressantes à observer et à étudier à l’avenir. Qui contrôlera le récit du passé d’une nation ? Quel impact cette « vérité » sur le passé aura sur les futures relations de pouvoir ? La commission Vérité démontrera-t-elle le pouvoir de la vérité ou la vérité du pouvoir ?
39Comme le montrent les expériences sud-africaine ou latino-américaines, les circonstances qui donnent naissance à une commission Vérité ont une influence déterminante sur les conditions de son fonctionnement. Beaucoup ont cru que le fait de contenir les discussions sur le passé à l’intérieur d’un tel espace neutraliserait cette connaissance ou tout au moins l’amputerait de ses conséquences légales. Mais, une fois en place, les commissions Vérité existent aussi dans le contexte social élargi de la nation après qu’un changement politique particulier a eu lieu. En Afrique du Sud, la transition de l’apartheid à la démocratie électorale a créé les conditions d’une commission Vérité publique, capable d’accorder l’amnistie aux auteurs de crimes odieux.
40Les témoignages publics de victimes ont eu un effet considérable sur la nouvelle Afrique du Sud. Des histoires enfouies dans le cœur d’individus sont entrées dans l’histoire de la nation; et des éléments de cette histoire se sont trouvés intimement mêlés au récit de ces personnes. Mais la frustration des victimes devant l’absence de changements concrets dans leurs conditions de vie (exprimée le plus souvent comme le désir de retrouver les ossements de parents et/ou de recevoir une aide matérielle) invite à réfléchir au type de connaissance produite au cours de ces auditions. À quoi sert de raconter son histoire si ceux qui l’entendent n’en tirent pas les conséquences ? En quoi cette connaissance contribue-t-elle à dissuader de commettre d’autres crimes si les auteurs de ces crimes s’en tirent à bon compte ? Comme un critique l’a souligné : « Ce qui ressort de la connaissance produite ici [à la TRC], c’est que le crime contre les droits de l’homme paie, et que l’impunité demeure. » Ce qu’il importe de savoir, c’est comment cette connaissance des faits, dans le cas de l’histoire des victimes, se traduit en termes de procédures judiciaires, de responsabilité politique et de redistribution économique.
41Les jurés se demandent encore quelle est la valeur de l’information recueillie au cours du processus d’amnistie. Les informations disponibles dans les archives de la commission seront-elles utilisées pour promouvoir la justice ? Si les auteurs de la législation d’amnistie ont insisté « pour qu’ils soient tous poursuivis en justice » (c’est-à-dire ceux qui refuseraient de demander l’amnistie), engager des poursuites à propos d’événements vieux de vingt ans ne revêt certes pas un caractère hautement prioritaire. Les administrations de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki ont dû faire face à des pressions continuelles pour régler la crise supposée du système de sécurité publique.
42Mais même si la TRC apparaît incroyablement faible et si la situation intérieure du pays semble exclure un projet d’envergure à propos des « récits-vérité », la mise en marche d’une commission peut amener beaucoup de surprises. L’Afrique du Sud a démontré qu’une fois en place les commissions Vérité pouvaient prendre des chemins qui leurs sont propres, indépendamment des conditions politiques où elles étaient nées. Pour le Sud-Africain Antjie Krog, « le vocabulaire autour de la commission Vérité a changé d’une étape à l’autre, mais le mot qui revient le plus souvent est “sous-estimé” [33] ». En Afrique du Sud, la commission a surpris y compris les membres de la communauté qui avaient le plus poussé à ce qu’elle dispose de compétences (relativement) importantes. De fait, les parties qui négocièrent l’accord sur la mise en place d’une commission (l’ANC et le Parti national) pensaient probablement qu’elle serait plus réduite et plus contrôlée.
43La TRC a tiré les leçons des expériences latino-américaines, mais elle a conduit l’exercice dans de nouvelles directions. Sous certains aspects, les ruptures de style avec ses précurseurs font penser à des idées qui se seraient perdues au cours d’une traduction. Par exemple, l’Afrique du Sud a emprunté le nom à la commission chilienne, mais elle en a changé le sens. Selon Mr Zalaquett [34], le Chili avait choisi la « vérité » et la « réconciliation » comme les deux côtés du spectre : la gauche voulait la « vérité », la droite voulait la « réconciliation ». La combinaison de ces deux mots indique que c’est le compromis qui a prévalu. En Afrique du Sud, les affiches proclamaient : « La Vérité : le chemin vers la Réconciliation », ce qui s’est avéré une problématique risquée.
44D’une importance capitale fut le style des auditions publiques adopté par le TRC: à leur suite, une commission Vérité au Pérou put conduire les premières auditions publiques jamais entendues sur le continent latino-américain. L’autre aspect de la commission sud-africaine rendant possible l’octroi d’une amnistie a également accru les chances d’utiliser celle-ci autrement que comme une extension de l’impunité, i. e. « un moindre mal » par rapport à ce qui se pratiquait jusque-là en Amérique latine.
45Bien que la TRC ait revendiqué une position marquée en faveur des victimes, les besoins des communautés les plus touchées par la violence de l’apartheid sont restés non satisfaits. En ce sens, elle est malheureusement comparable aux expériences latino-américaines. À ce jour, les commissions Vérité marquent des points lorsqu’elles sont utilisées comme des instruments de négociation pour mettre fin à un conflit se trouvant dans une impasse militaire. Mais leur capacité à apporter assistance et réparation aux victimes de la violence reste à démontrer.
Notes
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[1]
Ayreh Neier utilise la terminologie « deniability, deniable forms of repression » (capacité à nier, formes de répression consistant à nier les faits) pour indiquer la différence de nature de la violence attribuée à l’État. Voir sa conférence « Human rights and accountability », Berkeley, université de Californie, Center for Human Rights, avril 1994.
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[2]
I. Martín-Baró, « Political violence and war as causes of psychosocial trauma in El Salvador », International Journal of Mental Health, n° 18, pp. 3-30.
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[3]
Voir P. Hayner, « Fifteen Truth commissions : 1974-1994, a comparative study », Human Rights Quarterly, vol. 16, 1994, pp. 597-655.
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[4]
Cité dans J. Correa Sutil, « “No victorious army has ever been prosecuted”. The unsettled story of transitional justice in Chile », in A. James McAdams (ed.), Transitional Justice and the Rule of Law in New Democracies, Notre Dame, Ind., Londres, Université de Notre-Dame Press, 1997, pp. 123-154.
-
[5]
Le rapport final comprend l’histoire de chacun des 2 279 cas examinés par la commission. Celle-ci n’a pas réussi à déterminer ce qui s’est réellement passé dans un grand nombre de cas. Elle n’a entendu que ceux où il y a eu mort ou disparition, excluant ainsi les cas de torture, estimés à 20 000 environ.
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[6]
La Haute Cour britannique confirma la légalité de la demande d’extradition de l’Espagne, mais Pinochet fut relâché au motif d’une mauvaise santé – et déclaré inapte à être présenté devant un tribunal.
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[7]
On peut aussi imaginer des situations dans lesquelles la « vérité » du passé est contestée même lorsqu’il y a clairement un vainqueur.
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[8]
Interview, mai 1997.
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[9]
Interview de Sheila Camerer, député du Parti national au Parlement et représentante du comité Justice, juin 1997.
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[10]
Déposition du Parti national devant la TRC, mai 1997.
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[11]
Ronnie Kasrils, de l’ANC, dans sa présentation au forum de la commission sur « Le débat sur la guerre juste », mai 1997.
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[12]
Témoignage de Thabo Mbeki, alors vice-président d’Afrique du Sud, au nom de l’ANC : audition spéciale de la commission sur le rôle des partis politiques.
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[13]
Affiche de la TRC.
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[14]
Rapport de la TRC, vol. 1, 1999, p. 2.
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[15]
Rapport de la TRC, vol. 5.
-
[16]
Après avoir sollicité et collecté des témoignages, le personnel sélectionnait les plus représentatifs. Des membres du personnel ont raconté que les réactions variaient énormément d’une personne à l’autre pour décider de porter un témoignage public.
-
[17]
Un de ceux qui sollicitaient l’amnistie à l’audience sur le meurtre de Chris Hani, Janus Walus, déposa une partie de son témoignage en polonais, sa langue natale.
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[18]
Antjie Krog, poète et journaliste, prenant la parole dans une réunion de travail organisée au Cap sur le sujet « Media, truth and reconciliation », extraits repris in Rhodes Journalism Review, 1997.
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[19]
Voir A. Ross, The Body of the Truth : Truth Commissions in Guatemala and South Africa, thèse de doctorat, Berkeley, université de Californie, 1999. Bien qu’il soit très difficile (peut-être impossible) de savoir pourquoi les gens se sont rendus à la commission Vérité, je pense que les catégories utilisées ici sont utiles. J’étaye mon argument sur des centaines d’entretiens réalisés pendant les trois ans de mon travail de terrain en Afrique du Sud, Guatemala, Chili et El Salvador avec ceux qui ont eu affaire aux commissions Vérité en tant que « victimes », ainsi que sur des interviews complémentaires avec des gens qui ont étudié le cas de « victimes » avec lesquelles elles ont travaillé.
-
[20]
Alors que les deux autres comités (les comités Violation des droits de l’homme et Amnistie) avaient certains pouvoirs (celui d’amnistier et de mener des auditions), le comité Réparation et Réhabilitation n’avait d’autres compétences que celui de faire des recommandations.
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[21]
En 1990, l’Azapo (Azanian People Organization) et les familles Biko, Mxenge et Ribeiro déposèrent une plainte devant la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud déclarant inconstitutionnelles les dispositions de la commission Vérité et Réconciliation qui privaient les victimes de leur droit à réparation. La Cour constitutionnelle confirma la légalité de l’amnistie, argumentant que la Constitution intérimaire n’avait statué que sur cette seule amnistie. En bref, la Cour jugea que les bénéfices de l’amnistie au plan national (en relation avec la réconciliation et donc la paix et la sécurité) étaient supérieurs aux droits des individus demandant réparation devant la justice civile.
-
[22]
Interview, juillet 1997.
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[23]
Interview, juillet 1997.
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[24]
Interview, juillet 1997.
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[25]
Interview, juillet 1997.
-
[26]
Affiche de la TRC.
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[27]
Chris Hani était un haut commandant de la branche armée de l’ANC, Umkhonto we Sizwe (MK), et fut nommé plus tard secrétaire général du Parti communiste (1992). On pense qu’il aurait été choisi par Mandela comme vice-président, mais il fut assassiné en 1993.
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[28]
Vlaakplass, une ferme non loin de Pretoria, était le siège d’un escadron de la mort des services secrets.
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[29]
Interview, juin 1997.
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[30]
Cité dans J. Perlman, « Apartheid’s abandoned stormtroopers find themselves out in the cold », Sunday Independant, 18 mai 1997.
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[31]
Ibid.
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[32]
Dans le rapport final de la TRC, les pages consacrées à la déposition de F. W. De Klerk ont été rayées de noir.
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[33]
A. Krog, Country of My Skull : Guilt, Sorrow and the Limits of Forgiveness in the New South Africa, New York, Random House, 1998.
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[34]
Interview, novembre 1996.