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Article de revue

Démocratie, renouveau des chefferies et luttes sociales à Kaédi (Mauritanie)

Pages 167 à 180

Notes

  • [1]
    Voir J.-F. Bayart, A. Mbembe et C. Toulabor, Le Politique par le bas en Afrique noire, Paris, Karthala, 1992. Pour des études traitant des effets locaux des processus de démocratisation, voir notamment R. Banégas, La Démocratie à pas de caméléon. Transition et imaginaires politiques au Bénin, Paris, Karthala, à paraître en 2003.
  • [2]
    Sur l’évolution politique du pays, voir P. Marchesin, Tribus, ethnies et pouvoir en Mauritanie, Paris, Karthala, 1992. Pour la période plus récente, voir A. Wedoud ould Cheikh, « Des voix dans le désert. Sur les élections de l’ “ère pluraliste” », Politique africaine, n° 55, octobre 1994, pp. 31-39.
  • [3]
    Cet article est le résultat de plusieurs missions de recherche menées dans la ville de Kaédi et sa région, dont la dernière remonte à avril-mai 2002.
  • [4]
    C’est l’occasion de regretter, avec Roger Botte, le manque d’études consacrées à la situation contemporaine des groupes d’origine servile. Voir le dossier dirigé par R. Botte, « L’ombre portée de l’esclavage. Avatars contemporains de l’oppression sociale », Journal des africanistes, 70 (1-2), 2000.
  • [5]
    Ce quartier était à l’origine habité par les esclaves des Haalpulaar’en. Si, aujourd’hui, des personnes de statut noble ont leur maison dans le quartier, celui-ci est toujours identifié comme regroupant la population d’origine servile. Les Maures de Kaédi le surnomment « ksar abîd », le quartier des esclaves.
  • [6]
    T. Bierschenk et J.-P. Olivier de Sardan, Les Pouvoirs au village, Paris, Karthala, 1998.
  • [7]
    Avant l’apparition du quartier de Tulde, différents sites constituaient ce que l’on appelait déjà Kaédi. Voir O. Leservoisier, La Question foncière en Mauritanie. Terres et pouvoirs dans la région du Gorgol, Paris, L’Harmattan, 1994.
  • [8]
    Ces trois ordres sont désignés respectivement chez les Soninké par les termes : hore, nyaxamala et kome. Malgré l’abolition officielle de l’esclavage en 1981 en Mauritanie, les catégories de nobles et d’esclaves continuent dans bon nombre de situations à être des référents pour penser les rapports sociaux et situer les individus dans l’ordre social. L’utilisation des termes « nobles » et « esclaves », dans le texte, renvoie à cet usage local.
  • [9]
    Le Farmbaal est l’un des chefs qui dominaient dans la vallée du fleuve Sénégal avant l’arrivée, au début du xvie siècle, du Peul Koli Tenguela, fondateur de la dynastie des Satigi Deenyankooße.
  • [10]
    Entité politique haalpulaar, située dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal. Kaédi est localisé au Fuuta central dans le Booseya, l’une des huit provinces que compte le Fuuta Tooro.
  • [11]
    Voir J. Schmitz, « Cités noires: les républiques villageoises du Fuuta Tooro (vallée du fleuve Sénégal) », Cahiers d’études africaines, 133-135, XXXIV (1-3), 1994, pp. 419-460.
  • [12]
    Leurs craintes ont été confirmées à la suite de l’ordonnance foncière de 1983, abolissant officiellement le système de tenure traditionnelle du sol (article 3).
  • [13]
    Ces événements, liés en partie au problème de l’aménagement des terres de la vallée du fleuve Sénégal, se sont soldés par l’exode de plusieurs milliers de personnes de part et d’autre du fleuve et par l’accentuation des tensions interethniques entre les Maures et les Négro-Africains terme consacré localement). Voir O. Leservoisier, La Question foncière en Mauritanie…, op. cit.
  • [14]
    Voir C. Fay, « La décentralisation dans un cercle (Tenenkou, Mali) », et J. Bouju, « Clientélisme, corruption et gouvernance locale à Mopti (Mali) », Autrepart, n° 14, 2000, pp. 121-142 et 143-163.
  • [15]
    Voir B. Ba, La Chefferie traditionnelle en Mauritanie. Place et dynamique actuelle. Le cas du Farmbaal à Kaédi, mémoire de maîtrise, université de Nouakchott, 1995, p. 52.
  • [16]
    J. Bouju, « Clientélisme, corruption et gouvernance locale à Mopti », art. cit., p. 153.
  • [17]
    Entretien avec Farba Habibou, Nouakchott, avril 2002.
  • [18]
    Entretien avec B. Ly, Nouakchott, avril 2002.
  • [19]
    De même n’est-ce pas un hasard si l’actuel président du comité des exploitants du PPG2 n’est autre que le fils du Jaagaraf.
  • [20]
    Le Teen est issu des Gueye. Il est en principe élu par les doyens des familles Sem et Niang.
  • [21]
    Entretien avec Niang Mamadou Malal, Kaédi, avril 2002.
  • [22]
    Voir le numéro dirigé par R. Banégas et J.-P. Warnier, « Figures de la réussite et imaginaires politiques », Politique africaine, n° 82, juin 2001. Pour la Mauritanie, lire dans ce même numéro l’article de Zekeria Ould Ahmed Salem, « “Tcheb-tchib” et compagnie. Lexique de la survie et figures de la réussite en Mauritanie », pp. 78-100.
  • [23]
    Entretien avec Farba Habibou, Nouakchott, avril 2002.
  • [24]
    C’est le même phénomène qui s’est produit lors de la création du comité des exploitants du PPG, qui fut contrôlé principalement par des fonctionnaires et des commerçants, liés aux intérêts des chefferies.
  • [25]
    Entretien avec B. L., Nouakchott, avril 2002.
  • [26]
    Entretien avec Farba Habibou, op. cit.
  • [27]
    Les premières élections ayant eu après le coup d’État militaire de 1978 ont été les municipales de 1986, qui ne concernaient, à l’époque, que les capitales régionales. En 1986, les partis n’ayant pas encore été créés, une seule liste fut présentée. Diagana Cheibou fut élu maire sur la liste bleue, soutien au pouvoir en place.
  • [28]
    Cette crispation n’est sans doute pas étrangère aux exactions que les Haalpulaar’en ont dû subir lors des événements de 1989, les conduisant à se replier sur eux-mêmes.
  • [29]
    Tijane Koita est un des fondateurs de l’UFD. Il a créé son parti UNDD après son départ en dissidence de l’UFD. Battu en 1999, il l’a été de nouveau lors des élections municipales de 2001.
  • [30]
    R. Bastide, « Mémoire collective et sociologie du bricolage », L’Année sociologique, vol. 21, 1970, p. 106.
  • [31]
    Association créée par les esclaves soninké dès la fin du xixe siècle. Elle compte aujourd’hui environ 70 personnes. Le mot « Balagoss » viendrait d’une déformation de l’expression « bras gauche » qui servirait à désigner localement ceux qui sont opposés aux nobles soninké. Entretien avec N. B., Kaédi, mai 2002.
  • [32]
    Les jeunes de Gurel Sane ont d’ailleurs adressé, après les élections de 1999, une lettre de doléances au gouverneur de la région du Gorgol, dans laquelle ils déploraient la perte de leurs biens fonciers.
  • [33]
    Baila Ndiaye, chef de file de ce mouvement de contestation des jeunes de Gurel Sane, a été placé, en 1999, deuxième sur la liste UFD, derrière Ndongo Harouna, lui-même d’origine servile et syndicaliste actif à Kaédi.
  • [34]
    Entretien avec N. N., Kaédi, avril 2002. La liste UFD soutenue par les jeunes de Gurel a fait moins de 5 % des suffrages.
  • [35]
    Selon plusieurs témoignages, Soh Oumar aurait incité les jeunes à le rejoindre au RDU, en échange de la promesse de donner satisfaction à leurs revendications foncières.
  • [36]
    L’UFP est issue d’une des tendances politiques (Mouvement national démocratique, MND) de l’ancienne UFD.
  • [37]
    Il existe deux grandes familles de forgerons chez les Soninké: les Ndiaye et les Kante. Les premiers, attachés aux Bacily, sont les plus contestataires. Les seconds, liés aux Koita, sont plutôt restés fidèles à Tijane Koita.
  • [38]
    Entretien avec D. B., Nouakchott, mai 2002.
  • [39]
    Entretien avec B. N., Kaédi, mai 2002.
  • [40]
    C’est le cas des maccuße qui se revendiquent aujourd’hui hratîn ou Safaalbe Hormankoobe. Voir O. Kamara, « Les divisions statutaires des descendants d’esclaves au Fuuta Tooro mauritanien », Journal des africanistes, 70 (1-2) 2000, pp. 265-289. Voir également O. Leservoisier, « Les hrâtîn et le Fuuta Toro, xixe-xxe siècle : entre émancipation et dépendance », in M. Villasante-de Beauvais (dir.), Groupes serviles au Sahara. Approche comparative à partir du cas des arabophones de Mauritanie, Paris, éd. du CNRS, 2000, pp. 147-167.
  • [41]
    Entretien avec N. B., Nouakchott, mai 2002.
  • [42]
    Entretien avec A. N., Kaédi, avril 2002.
  • [43]
    Entretien avec N. N., Kaédi, avril 2002.
  • [44]
    Voir T. Dahou, « Entre engagement et allégeance. Historicisation du politique au Sénégal », Cahiers d’études africaines, 167, XLII (3), 2002, pp. 499-520.
  • [45]
    Il serait en effet erroné de vouloir réduire leurs relations à la simple dimension conflictuelle.
  • [46]
    Des hratîn ont ainsi créé, à la fin des années 1970, le mouvement d’émancipation El Hor (Libre), dont l’action se voulait nationale. On peut émettre l’hypothèse que la situation minoritaire dans laquelle se trouvent les populations négro-africaines dans le pays pousse les groupes subordonnés à faire bloc derrière leur société de rattachement.
  • [47]
    Voir C. Neveu, « Anthropologie de la citoyenneté », in M. Abélès et H.-P. Jeudy (dir.), Anthropologie du politique, Paris, Armand Colin, 1997, pp. 69-89.
  • [48]
    Sur ce thème, voir notamment Z. Ould Ahmed Salem, Retour sur le politique par le bas. De quelques modes populaires d’énonciation du politique en Mauritanie, thèse de doctorat en science politique, Institut d’études politiques de Lyon, 1996.

1Comme l’a souligné Jean-François Bayart, le processus démocratique enclenché au début des années 1990 en Afrique doit être appréhendé comme un « processus d’hybridation et d’innovation culturelles [1] ». En Mauritanie, l’ouverture démocratique mise en place avec l’adoption d’une nouvelle Constitution approuvée par référendum le 12 juillet 1991, suivie la même année par une ordonnance relative à l’instauration du multipartisme, a ainsi favorisé l’émergence de nouveaux acteurs et créé de nouvelles lignes de partage sur la base de références tribales, ethniques ou régionales qui étaient inscrites depuis longtemps dans les trajectoires locales du politique [2]. Loin d’être la marque d’une simple reproduction de pouvoirs « traditionnels », encore moins d’un archaïsme, le dynamisme de ces références apparaît, au contraire, comme le résultat d’un jeu complexe de pouvoirs aux prises avec plusieurs échelles. C’est ce jeu complexe de nouvelles combinatoires du politique que je me propose d’analyser à partir de l’exemple des dernières élections municipales qui se sont déroulées en 1999 et 2001 à Kaédi, la capitale de la région du Gorgol [3].

2Mon intention n’est pas ici de retracer la situation politique nationale en Mauritanie, ni de prétendre analyser de façon détaillée la vie électorale de cette commune de la moyenne vallée du fleuve Sénégal. Plus modestement, il s’agit d’illustrer quelques enjeux démocratiques en partant de l’étude du renouveau des chefferies et de leurs relations avec les nouveaux pouvoirs de la municipalité, mais aussi de l’examen des luttes politiques des catégories sociales dominées qui, trop souvent, sont reléguées au second plan des analyses, quand elles ne sont pas tout simplement oubliées [4]. Le retour des chefferies auquel on assiste aujourd’hui ne saurait pourtant occulter les revendications de ces groupes subordonnés qui, au fil des consultations électorales, sont de plus en plus fortes. Il importe donc de compléter l’analyse du jeu complexe des rapports de pouvoir entre les chefferies, l’administration et les nouveaux élus, en s’interrogeant sur la capacité de ces groupes à négocier leur participation à la vie politique. Comment vivent-ils ce processus démocratique ? Comment y prennent-ils part ? L’examen des mouvements de contestation, lors des dernières élections municipales, des jeunes Haalpulaar’en de statut servile (maccuße) du quartier de Gurel Sane [5] et des forgerons (tæge) soninké me permettra ainsi de montrer que, si ces groupes entretiennent une relation ambivalente avec les pouvoirs dominants, ils ont néanmoins leur propre vision du jeu démocratique, leurs propres stratégies qui contribuent à l’apparition de nouvelles configurations politiques.

Chefferies et municipalité à Kaédi

3Le renouveau des chefferies à Kaédi dans le contexte électoral est une bonne illustration du dynamisme des pouvoirs locaux. Certes, les chefferies ne recouvrent pas à elles seules la diversité des « pouvoirs au village [6] », mais elles constituent cependant une entrée privilégiée pour apprécier les transformations en cours et juger des nouvelles formes de légitimité politique. C’est ce que nous allons vérifier à partir de l’étude des communautés haalpulaar’en de Tulde, le quartier le plus ancien de Kaédi [7]. Bien que la ville regroupe également des populations soninké, maure et une minorité bambara, notre attention se portera sur les Haalpulaar’en, majoritaires et unanimement reconnus comme étant les premiers habitants du site. La présentation rapide des règles de désignation des chefs de Tulde et l’évocation des principaux bouleversements auxquels ils ont été confrontés ces dernières années nous permettront, par la suite, de mieux mesurer la portée politique du processus de démocratisation.

Les chefferies de Tulde

4La stratification sociale haalpulaar, à l’instar de la société soninké et de nombreuses autres sociétés en Afrique de l’Ouest, se divise en trois grands ordres se subdivisant à leur tour en plusieurs catégories. On distingue ainsi les gens libres nobles (rimße), les membres des « castes » professionnelles (ñeenyße) – libres de seconde catégorie, regroupant notamment les forgerons – et les captifs (maccuße)[8]. L’ordre des rimße est composé des torooße (marabouts), des fulße (éleveurs), des jaawamße (courtisans), des seßße (guerriers) et des subalße (pêcheurs). À Kaédi, ce sont ces deux dernières catégories qui sont à l’origine de la ville et qui occupent une position dominante. Les seßße y sont représentés par les Mbaalnaaße (lignage principal Joop) et les Njuufnaaße (Niang), tandis que les subalße sont répartis entre les Kayhaydinaaße (Gueye) et les Canfielnaaße (Ndiaye). Chacun de ces groupes a un chef qui porte respectivement le titre de Farmbaal, Jaagaraf, Teen et Farba. En vertu du principe de l’antériorité de l’occupation du sol [9], le Farmbaal jouit de droits de préséance sur les autres groupes, qui conservent néanmoins une autonomie certaine dans le contrôle de leurs terres ainsi que dans la désignation de leurs chefs.

5Sur le plan politique, les chefs de Kaédi sont désignés soit par voie d’élection, soit par droit de séniorité. Le système électif est de rigueur chez les Mbaalnaaße, les Kayhaydinaaße et les Canfielnaaße, tandis que, chez les Njuufnaaße, il revient au plus âgé de diriger les affaires du groupe. Le système d’élection repose sur les mêmes principes que ceux observés à l’échelle du Fuuta Tooro [10] : la distinction entre les électeurs (fiilooße) et les éligibles (fiiliteebee) est parfaitement définie et en aucun cas les rôles ne peuvent être intervertis. Tout prétendant au titre se doit ainsi de courtiser les représentants des familles électrices afin d’obtenir leur accord, indispensable au couronnement. Ces derniers ont à tout moment le pouvoir de destituer le nouvel élu qui ne se montrerait pas à la hauteur de ses fonctions. Ainsi, pour ne prendre que l’exemple des Mbaalnaaße, le farmbaal est toujours issu du lignage des Jooßße et est élu par les doyens des Ac et des Sal. Le jour de l’intronisation, il incombe aux Ac de disposer le turban (lefol) autour de la tête du farmbaal, tandis que les Sal se chargent d’étaler le tapis (nguru) sur lequel il s’assied. Le nouvel élu a pour principales responsabilités de veiller à la sécurité de son groupe, d’assurer la répartition des terres, et de régler les éventuels conflits.

6Si ces règles d’élection ont pu dans l’ensemble se maintenir jusqu’à nos jours, les chefferies ont cependant subi des bouleversements importants au cours des trente dernières années. Les effets de la crise climatique de la fin des années 1960 au Sahel sur les activités traditionnelles de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche ont ainsi touché de plein fouet le pouvoir de ces chefs, fondé pour l’essentiel sur la gestion écologique des terroirs [11]. De même, l’arrivée massive à Kaédi de milliers de personnes, essentiellement hratîn (affranchis) et abîd (esclaves) de la société maure, venues de l’intérieur du pays pour fuir la sécheresse, a entraîné des transformations importantes dans le paysage urbain et démographique. L’accroissement de la population urbaine et l’apparition de nouveaux quartiers (Kebbe, Jedida) ont ainsi redéfini la place et le pouvoir sur la ville des quartiers les plus anciens. L’importance de plus en plus grande prise par l’administration dans la gestion des affaires de la cité (attribution de lotissements, état civil, impôts, santé, scolarisation), l’arrivée de nouveaux acteurs (fonctionnaires, commerçants, associations de ressortissants, etc.), la diversification des activités, l’exode rural des jeunes des milieux soninké et haalpulaar vers Nouakchott ou l’étranger sont autant de facteurs supplémentaires qui ont contribué au rétrécissement du champ d’intervention des chefferies. Mais le défi majeur auquel ces dernières ont été confrontées reste sans nul doute l’introduction de l’irrigation, au milieu des années 1970, avec la création du Périmètre pilote du Gorgol (PPG), d’une superficie de 700 hectares. L’option nouvelle pour la riziculture et les nouvelles règles préconisées par l’administration en matière de distribution et d’exploitation des terres (interdiction du faire-valoir indirect) ont en effet porté atteinte à leur pouvoir foncier [12]. Même si les chefferies ont su défendre leurs intérêts en s’assurant le contrôle d’un comité des exploitants, créé en 1981 pour servir d’interlocuteur à l’administration, l’implantation du PPG et son extension de 2 000 hectares en 1997 (PPG2) ont entraîné, de fait, des transformations majeures dans la gestion de leurs terres. Un groupe comme celui des Njuufnaaße voit désormais la quasi-totalité de ses terres incluses sur les périmètres, ce qui n’est pas sans incidence pour le Jaagaraf, dont le rôle dans l’attribution des terrains et la perception des redevances est devenu secondaire.

7Mais les chefferies de Tulde ont également dû faire face à un autre problème, celui de l’affaiblissement de leur pouvoir de négociation auprès d’une administration qui leur a été moins favorable, à la suite de l’aggravation de la position minoritaire des populations négro-africaines lors des événements de 1989 entre la Mauritanie et le Sénégal [13]. Dans ce contexte, un observateur non averti de la chose politique en Mauritanie aurait pu penser que l’ouverture démocratique porterait un coup fatal au pouvoir des chefferies. En réalité, les compétitions électorales et la création de nouveaux partis ont ravivé les pouvoirs locaux susceptibles de mobiliser un électorat.

L’imbrication des pouvoirs

8Comme ailleurs en Afrique, les nouveaux partis en quête de légitimité sur le plan local se sont appuyés sur les réseaux d’alliances existants, et tout spécialement sur les chefferies, perçues comme des réservoirs de voix potentielles [14]. Il est ainsi significatif que les cérémonies de couronnement sont l’objet, depuis ces dernières années, de toutes les attentions de la part des partis politiques. La cérémonie d’intronisation, en 1993, de l’actuel Farmbaal a ainsi été marquée par la présence des dirigeants locaux de l’opposition (à l’époque, l’UFD, Union des forces démocratiques) et ceux du parti au pouvoir (le PRDS, Parti républicain démocratique et social) qui espéraient chacun en faire un partenaire politique [15].

9Dans ce regain d’intérêt pour les chefferies, l’administration n’est pas en reste. Elle est en effet partie prenante de leur renouveau dans la mesure où c’est elle qui accorde les autorisations et fournit les forces de sécurité nécessaires à l’accomplissement des cérémonies de couronnement (qui peuvent, pour certaines, réunir plusieurs milliers de personnes). Lors de ces manifestations, elle veille en outre à être représentée par ses plus hauts représentants (wali, gouverneur, et hakem, préfet). Reconnaître ces chefs est pour l’administration locale le plus sûr moyen de pouvoir compter sur des relais qu’elle sollicitera, le cas échéant, pour mobiliser les populations, à l’occasion de visites officielles de représentants gouvernementaux ou lors des consultations électorales.

10Sans surestimer leur rôle politique, force est de reconnaître que les chefs sont aujourd’hui incontournables, au point qu’il est inconcevable qu’un candidat à la mairie fasse campagne sans se rendre chez eux dans l’espoir d’obtenir leur soutien. Ce parcours obligé n’est pas sans rappeler les démarches entreprises par les prétendants à la chefferie pour courtiser leurs électeurs. Les chefs apparaissent ainsi, dans le contexte des élections municipales, comme de « grands électeurs informels », pour reprendre la formule de J. Bouju [16]. Mais la comparaison avec le système d’élection des chefs de Tulde peut être poussée plus avant tant il apparaît que la distinction entre électeurs et éligibles est reconduite tacitement dans le contexte des élections municipales ; il est en effet improbable de voir un chef devenir maire, en raison de leurs intérêts partagés.

11

« Tu ne peux pas être maire parce que, en tant que chef, tu ne peux pas être dans un parti. Tu dois être au-dessus de cela. Toi, tu entretiens des rapports avec le pouvoir, mais tu ne peux pas ouvertement prendre partie [17]. »

12Les deux fonctions de chef et de maire sont donc difficilement cumulables. Pour un chef coutumier, prétendre à la mairie consiste en effet à renoncer aux avantages symboliques et matériels qu’il tire de ses relations clientélaires avec les candidats. Mais être maire suppose également de disposer de moyens financiers autrement plus importants que ceux détenus par les chefs coutumiers.

13

« Pour être maire, il faut avoir de grandes richesses et s’intéresser à la politique. L’actuel maire était un ancien fonctionnaire internationnal du BIT. Il a les moyens. Il faut de l’argent pour être chef, mais il faut encore plus d’argent pour être à la mairie [18]. »

14Pour devenir maire, l’argent ne saurait cependant suffire. Encore faut-il être bien né, compter sur des alliances avec les grandes familles, être instruit et entretenir des liens politiques extérieurs avec le pouvoir central. Il reste que, si les chefs ne sont pas, en principe, intéressés par le poste de maire, leur objectif est néanmoins d’entretenir les meilleures relations avec les pouvoirs de la municipalité. La complicité avec les élus locaux est en effet la condition principale de leur retour en force, mais aussi le moyen privilégié de défendre leur terre et de préserver les hiérarchies sociales, deux enjeux politiques majeurs au niveau local. Il leur est donc essentiel de placer des gens qui leur sont proches aux postes de conseillers municipaux ou de maire. Ainsi n’est-il pas anodin, face aux enjeux de l’extension du PPG, que l’actuel maire Soh Musa Demba (dit Tchombé) soit issu du groupe des Njuunaaße possédant le plus de terres à Kaédi [19].

15On le voit, les relations entre les chefferies et la municipalité ne sont pas à sens unique. Si les premières sont convoitées par les candidats, l’inverse est également vrai. Ces intérêts mutuels montrent que la vie politique à Kaédi se présente comme un enchevêtrement de différentes chaînes de responsabilité, ce que confirme l’influence croissante de l’administration sur les règles de désignation des chefs.

Compétitions politiques et nouveau profil des chefs

16La résurgence des chefferies dans le contexte électoral explique les compétitions de plus en plus vives auxquelles on assiste aujourd’hui au sujet de la désignation de leur représentant. À Kaédi, cette compétition s’est traduite par la nomination de deux chefs au sein de la même chefferie. Les Kayhaydinaaße ont ainsi à leur tête deux Teen, qui ont chacun été reconnus par l’administration. L’influence de celle-ci prend une telle importance qu’elle peut permettre aujourd’hui à certains individus de jouer un rôle dans l’investiture des chefs alors que, jusqu’à présent, ils n’en avaient pas le pouvoir. Ainsi en est-il de ce Niang qui, grâce à ses liens avec l’administration, s’est vu consacré dans son rôle d’électeur d’un des deux Teen, sans être pourtant le doyen de son groupe [20].

« C’est moi, Niang, qui donne le nguru [tapis sur lequel s’assied l’élu lors du couronnement] pour le Teen. Moi, je connais l’administration, je connais le gouverneur et le préfet. C’est important aujourd’hui d’avoir ces liens d’autant plus que, dans le cas de la chefferie du Teen, il y avait deux prétendants. Il fallait donc le soutien et l’accord de l’administration pour l’intronisation, et c’est moi qui ait joué un rôle auprès d’elle, car j’ai des rapports étroits avec le PRDS. J’ai ainsi facilité l’intronisation. Et, comme j’ai ces liens privilégiés, les gens [la famille du Teen] m’ont donné le pouvoir, désormais à moi et à ma descendance, d’intervenir dans l’intronisation du Teen comme responsable du nguru[21]. »
On voit donc que les modalités d’investiture changent, à l’image de ce Teen élu par un individu qui n’est pas le doyen de son lignage, ou comme l’atteste le besoin d’avoir, aujourd’hui, des liens étroits avec l’administration. Mais les changements sont surtout manifestes dans le nouveau profil des chefs coutumiers qui s’est dessiné à la suite des transformations subies par la société.

Réinvention des chefferies

17Les chefs actuels, à Kaédi, sont un parfait exemple de ces nouvelles figures du politique décrites par R. Banégas et J.-P. Warnier [22]. Jeunes, ne dépassant pas la quarantaine, ils se recrutent essentiellement parmi les commerçants et les hommes d’affaires. C’est le cas du Farmbaal et du Farba, qui commercent respectivement à Nouakchott et à Las Palmas, ou de l’un des deux Teen, travaillant dans le secteur de la pêche à Nouadhibou. Signe que ces nouveaux chefs sont bien à l’heure de la globalisation, ils parviennent à concilier leur fonction avec leur activité commerciale, confiant leurs responsabilités locales à un parent resté au village et utilisant les nouvelles techniques de télécommunication.

18

« Moi je suis un commerçant, je sillonne le monde, je vais aux États-Unis, en France. Mais c’est comme si j’étais là-bas, à Kaédi, car mon frère est sur place, et il y a aussi aujourd’hui le fax et le portable [23] ! »

19Ces chefs disposent tous de moyens financiers importants, car l’argent semble être devenu un critère déterminant de leur nomination. Leur rôle, aujourd’hui, consiste moins à redistribuer les terres ou à percevoir des redevances, encore moins à organiser la pêche (qui a pratiquement disparu), qu’à répondre aux nouveaux besoins de la société (soins, emplois pour les jeunes, rapports avec l’administration, etc.), nécessitant des revenus importants. Il est ainsi intéressant de constater que les stratégies de désignation de ces chefs sont les mêmes que celles mises en place pour élire les représentants politiques. Dans les deux cas, il s’agit en effet de choisir les personnes les mieux insérées dans les circuits économiques et politiques – tant au niveau local que national, voire international –, pouvant ainsi défendre de la meilleure façon les intérêts de leur collectivité [24].

20Si la légitimité de ces chefs se mesure largement par leur capacité à capter et à redistribuer les ressources venues de l’extérieur, le critère monétaire ne suffit cependant pas pour être choisi comme représentant de son groupe. Il faut également, pour le prétendant, descendre de la famille éligible et présenter certains traits de caractère. Le chef sera ainsi choisi parce qu’il est « sérieux, tolérant, patient. Il doit attirer la confiance et rester à l’écoute de la population [25] ». De leur côté, les prétendants à la chefferie recherchent le prestige que procure un titre coutumier : « C’est une fierté d’avoir un titre. C’est une écriture à mettre dans le livre de l’histoire [26]. » Mais c’est aussi, de façon non avouée, un moyen qui peut s’avérer utile dans les affaires, pour attirer des capitaux.

21On voit ainsi que, tout en conservant leur forme, les chefferies se recomposent tant dans leur fonctionnement que dans leur rôle ou le profil de leurs représentants. Il reste, répétons-le, qu’il ne faut pas surestimer le pouvoir de ces chefs. La clé des élections politiques est plus compliquée que la simple addition de leurs voix. L’électorat ne se limite pas aux Haalpulaar’en ni, a fortiori, aux communautés de Tulde, même s’il est vrai que l’opposition d’un des chefs à une candidature constituera un sérieux handicap pour tout prétendant. Par ailleurs, les membres d’une chefferie ne votent pas « comme un seul homme ». Si la multiplication des partis conduit à la constitution de réseaux d’alliances sur des bases anciennes, elle favorise également les dissidences. Des personnalités appartenant aux clans de Kaédi peuvent être ainsi réparties sur différentes listes politiques, dont la composition varie selon les enjeux locaux et l’histoire des familles. Les partis reposent en effet moins sur des programmes que sur des coalitions d’intérêts localement constituées, ce qui explique les revirements d’alliances parfois spectaculaires. C’est ainsi que Kaédi, qui était considérée comme une ville d’opposition depuis les élections municipales de 1990 [27], est devenue PRDS en 1999. Ce revirement traduit en réalité la détérioration des relations entre les Soninké et les Haalpulaar’en qui, jusqu’aux derniers scrutins, s’étaient entendus pour diriger la ville, sous l’étiquette des partis d’opposition de l’UFD (Union des forces démocratiques), puis de l’UNDD (Union nationale pour la démocratie et le développement). C’est au nom de l’autochtonie et de l’ethnicité que les Haalpulaar’en ont remis en cause le contrôle de la mairie, détenue depuis l’indépendance par les Soninké, en raison de leur meilleure scolarisation sous la colonisation. Cette rupture, qui vient rappeler dangereusement les anciens conflits entre les deux groupes (collusion des Soninké avec le colonisateur, incidents de 1929 et 1930 avec les disciples soninké du hamaalisme), s’est traduite par le passage massif des Haalpulaar’en sur la liste du PRDS [28].

22Dans ce jeu complexe des alliances politiques, les groupes dominés des sociétés haalpulaar et soninké ont compris qu’ils avaient un rôle à jouer pour faire avancer leurs revendications. S’il est vrai que ces groupes jouent encore le plus souvent le rôle de clientèle politique et continuent dans leur ensemble à voter selon les injonctions des chefs de lignage, on constate cependant chez eux une volonté de plus en plus affirmée de faire entendre leur voix, au point que la défaite du candidat de l’UNDD, Tijane Koita, aux élections de 2001 est due en partie à la contestation des forgerons soninké [29].

L’action politique des catégories sociales subordonnées

23Comme l’a remarqué R. Bastide, il peut se produire « une crise du sentiment d’identité chez des individus soumis à une double pression contradictoire, celle d’intégration dans une unité nationale et celle d’un mouvement de marginalisation à l’intérieur de cette unité [30] ». Cette crise est particulièrement aiguë chez les catégories sociales subordonnées depuis la mise en place d’élections municipales et législatives. Pour ces catégories qui se voient reléguées au second plan, ou plus simplement exclues de la constitution des listes politiques, l’instauration d’un droit de vote, censé marquer l’intégration nationale, est en effet le plus souvent accompagnée d’un mouvement de marginalisation. C’est précisément pour protester contre la mainmise des nobles sur les deux principaux partis en compétition à Kaédi (le PRDS et l’UNDD) que des Haalpulaar’en et des Soninké de statut servile se sont organisés, les premiers en créant l’association « Fedde pinal » (la classe de l’éveil), les seconds en faisant valoir leur revendication dans le cadre de leur organisation, déjà ancienne, « Balagoss [31] ». Dans les deux cas, le mouvement de contestation concerne essentiellement les jeunes et dépasse le simple motif politique pour s’étendre à la condamnation des diverses discriminations dont ils sont encore victimes, qu’elles soient matrimoniales, religieuses, éducatives ou foncières. La perte d’une partie de leurs terres sur le PPG2, liée à la décision de nombreux propriétaires soninké et haalpulaar’en de ne pas déclarer comme ayants droit leurs anciens esclaves lors des campagnes de recensement, s’est ainsi avérée décisive dans leur engagement [32]. Dans ce contexte, l’éviction ou le déclassement des candidats d’origine servile sur les listes politiques en compétition a précipité le déclenchement d’une révolte sociale. C’est ainsi que, lors des élections municipales de 1999, les esclaves soninké se sont mobilisés contre la décision du maire sortant Tijane Koita de déclasser, à la veille du scrutin, l’un des leurs au profit d’un noble sur la liste de l’UNDD. Il est vrai que le retrait du candidat d’origine servile de la 4e à la 11e place ne lui laissait aucune chance d’obtenir un poste de conseiller. De leur côté, les jeunes maccuße de Gurel Sane ont adopté une position plus radicale en refusant de soutenir les deux principaux partis en lice pour s’engager sur la liste, ouvertement d’opposition, de l’UFD-ère nouvelle [33]. Face à cette contestation montante et aux concertations de plus en plus étroites entre les groupes serviles des deux communautés, les anciens maîtres ont usé, non sans succès, de plusieurs procédés pour casser le mouvement de révolte.

24

« Lors des élections de 1999, j’étais l’un de ceux qui étaient à la tête du mouvement de Gurel Sane, qui regroupait environ 250 personnes, essentiellement des jeunes. Au final, 70 jeunes ont voté pour notre liste, les autres se sont abstenus car il y a eu des pressions, mais ils sont quand même restés dans le fedde[34]. »

25Parmi ces pressions figure la menace intimée aux contestataires par les nobles de leur reprendre les terres cultivées en métayage (rempeccen) pour les redistribuer à de nouveaux exploitants. Un autre procédé consiste à dresser les vieux esclaves, qui leur sont dans l’ensemble restés fidèles, contre les jeunes révoltés. Ces derniers ont ainsi à subir une double pression, devant affronter à la fois les critiques des nobles et celles de leurs parents. Le recours à l’ethnicité est un autre moyen utilisé par les catégories dominantes pour récupérer politiquement les opposants et briser toute tentative de rapprochement entre les esclaves des deux groupes. Cette instrumentalisation de l’ethnicité ne va cependant pas sans créer une situation singulière quand on sait que les personnes de statut servile sont définies au sein de leur société de rattachement comme des étrangers, dont on a perdu la trace de l’origine et auxquels on dénie le plus souvent la qualité de Soninké ou de Haalpulaar !

26Mais la solution la plus souvent privilégiée aujourd’hui pour éviter les débordements consiste à leur attribuer des postes dont la responsabilité s’accroît au fil des années de contestation sociale. C’est ainsi qu’après les tensions de 1999 Tijane Koita a donné gain de cause aux membres de « Balagoss » en laissant leurs candidats aux cinq premières places de la liste de l’UNDD lors des élections de 2001. Durant ces mêmes élections, le maire actuel de Kaédi a fait passer de la 21e à la 8e place sur la liste du PRDS le cousin d’un des leaders du mouvement des jeunes de Gurel Sane. Dans ces tentatives de récupération politique, l’argument foncier se révèle souvent efficace pour capter une clientèle. Ainsi, une personne de statut servile s’est retrouvée simultanément secrétaire général du comité des exploitants au PPG2 et inscrite sur la liste du parti RDU (Rassemblement démocratique pour l’unité), dont le chef de file Soh Oumar n’était autre que le directeur de ce même PPG2 [35] ! Ces mesures de récupération ou d’intimidation font que les jeunes de Gurel Sane sont aujourd’hui dispersés entre le RDU, le PRDS ou l’UFP (Union des forces de progrès [36]). Il reste que, malgré ces pressions subies, l’action des jeunes de Gurel Sane et des Soninké de « Balagoss » a marqué les consciences au point d’influencer les autres groupes sociaux subordonnés, à l’instar des forgerons soninké qui ont décidé de s’organiser, à leur tour, pour défendre leurs intérêts [37]. Pour autant, cette influence ne doit pas laisser croire en l’existence d’un front uni des catégories subordonnées, loin s’en faut. Au-delà des revendications communes pour une meilleure participation à la vie politique, des divisions se font jour entre les catégories sociales.

27Ainsi, pour des forgerons qui, dans la stratification sociale, sont définis comme libres et pouvant posséder des esclaves, une identification au mouvement de contestation des groupes serviles peut être vécue comme un déclassement. Cela ne les empêche pas de manifester leur sympathie aux leaders des mouvements de Gurel Sane ou de « Balagoss », même si leur priorité affichée reste, comme nous allons le voir, la défense des intérêts de leur catégorie d’appartenance.

Le combat des forgerons soninké

28Ici aussi la contestation a été déclenchée lors des élections de 1999, à la suite de la décision du maire sortant Tijane Koita de déclasser un candidat de statut forgeron (Sambaly Cissoko) – pourtant membre fondateur de l’UNDD – pour le remplacer par un noble de la famille Diagana. À l’issue de cet incident, les forgerons ont exigé lors des élections de 2001 que leur représentant figure dans les cinq premières places de la liste afin qu’il ait l’assurance de devenir conseiller. Les nobles, ayant déjà répondu favorablement aux exigences des membres de « Balagoss », mieux organisés, n’ont pas souhaité donné suite à ces nouvelles revendications. En représailles, les jeunes forgerons ont décidé de ne plus soutenir le candidat de l’UNDD et de voter PRDS.

29

« Nous avons pris les choses en main. Il n’était pas question d’être des moutons. On a dit aux nobles que si Sambaly est bien placé alors on va tous les soutenir, sinon on s’opposera à eux. Sambaly n’a pas été bien placé. En réaction, on a fait inscrire tout le monde. Tous nos parents qui étaient à Nouakchott, on les a fait inscrire à Kaédi (près de 500 personnes). On s’est concentré sur trois bureaux de vote : corniche (garage), justice (palais), baguiri (emplacement pour le bétail près du cimetière) où est censé gagner Koita aux élections. Ici, nos voix étaient déterminantes car elles pouvaient tout faire basculer. On s’est donc inscrit volontairement dans ces trois bureaux où le PRDS n’avait pas de chance de gagner sans nous car le vote était favorable à Koita. Finalement, l’UNDD a obtenu 10 conseillers et le PRDS 11 [38]. »

30L’action des forgerons est d’autant plus significative qu’elle s’est avérée décisive dans la défaite de l’UNDD. Ce succès montre que l’instauration d’un droit de vote contribue lentement mais sûrement à une prise de conscience, par les catégories sociales subordonnées, de leur poids démographique lors des élections. Le jeu électoral devient ainsi un moyen de pression et de négociation entre les groupes sociaux, offrant aux groupes les plus défavorisés la possibilité de se faire davantage entendre. Alors que le système de désignation des chefs coutumiers ne donne aucune place aux esclaves et aux « castés », les élections récentes leur permettent d’intervenir dans le débat politique, et parfois de façon significative. Cette intervention se réalise selon leurs propres stratégies politiques. Ainsi, si les forgerons, anciennement attachés à l’UNDD, ont choisi de voter PRDS en 2001 plutôt que de reporter leurs voix sur un autre parti d’opposition comme l’UFP, c’est parce qu’ils savaient pertinemment que seul le PRDS était en mesure de battre Tijane Koita et qu’ils pouvaient en attendre des retours positifs.

31

« À présent, nos objectifs, c’est de pouvoir intégrer la vie politique. Nous avons le projet d’obtenir un terrain pour exposer nos objets. Il s’agit en fait de créer une foire. L’actuel maire Tchombé nous a dit qu’il nous aiderait [39]. »

32Si l’action des forgerons démontre une fois de plus la faible incidence des programmes des partis dans les affiliations politiques, elle confirme également l’importance du pouvoir des jeunes et de l’influence extérieure dans la vie politique locale. C’est en effet en faisant appel à leurs parents résidant à Nouakchott que les jeunes forgerons ont pu mener à bien leur combat. Cette mobilisation des ressortissants témoigne à son tour de l’importance de la solidarité qui se crée autour de la défense des intérêts de la catégorie sociale d’appartenance. Cette solidarité est si forte que certains forgerons, qui étaient inscrits dans des partis situés davantage dans l’opposition que l’UNDD (exemple de l’AJD, Alliance pour la justice et la démocratie), se sont néanmoins résolus à voter PRDS pour s’assurer de la défaite de Tijane Koita. Cette identification à la catégorie sociale d’appartenance, qui permet de dépasser les clivages politiques, se voit confirmée par la manière dont les forgerons revendiquent avec fierté leur statut. Le même constat peut être dressé au sujet des jeunes de Gurel Sane qui n’hésitent pas à s’identifier ouvertement comme des maccuße. Ce repli catégoriel, qui est sans conteste un des faits marquants du jeu démocratique, ne va cependant pas sans susciter un certain nombre d’interrogations.

L’ambiguïté de l’action politique des groupes sociaux subordonnés

33Le repli statutaire des catégories sociales dominées, tel qu’il s’exprime aujourd’hui dans les mouvements de contestation, entretient en effet une certaine ambiguïté en laissant entendre que la participation politique est subordonnée à l’appartenance à un groupe social. Il semble ainsi que les individus n’ont de chance d’être écoutés que s’ils s’identifient et sont identifiés en tant que groupe, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes lorsque l’on sait que ces individus doivent leur situation de dominé du fait même de leur appartenance sociale. Il n’y a cependant, pour les leaders des mouvements sociaux, aucune contradiction à revendiquer une spécificité statutaire en même temps qu’une citoyenneté mauritanienne ; bien au contraire, puisque la première est censée renforcer la seconde. C’est en effet leur action catégorielle qui contraint les nobles aujourd’hui à leur accorder des places d’éligibles, sous peine de ne plus contenir les oppositions, ni de pouvoir compter sur un électorat. Il reste que la question du statut de l’élu d’origine servile ou « castée » demeure posée ; car on peut devenir conseiller municipal tout en restant « esclave » aux yeux des autres, et c’est d’ailleurs le plus souvent en partie parce que l’on est de statut servile que l’on est devenu conseiller, par le jeu du dosage social prévalant dans la constitution des listes politiques. La revendication catégorielle est donc pour le moins ambivalente. Elle apparaît comme une condition préliminaire à toute promotion politique tout en réifiant les catégories sociales, avec le risque de stigmatiser les nouveaux élus. Elle est par ailleurs loin de faire l’unanimité au sein d’une catégorie, comme celle des esclaves, qui se distingue par son hétérogénéité. Beaucoup, en effet, refusent aujourd’hui de s’identifier en tant que maccuße et préfèrent manifester leur mécontentement en revendiquant leur appartenance à un autre groupe culturel avec lequel ils n’ont pas de lien, comme l’a bien montré O. Kamara [40]. Si ces individus marquent ainsi une rupture brutale avec leur société de rattachement, ce n’est en revanche pas le cas de ceux qui, tout en condamnant les inégalités sociales dont ils sont victimes, revendiquent sans réserve leur appartenance sociale. Un tel positionnement révèle en réalité le souhait d’être reconnu en tant que groupe plutôt que la volonté de remettre radicalement en cause un ordre social.

Une intégration conflictuelle

34L’objectif des mouvements de protestation vise en effet plus une meilleure intégration qu’une opposition radicale et systématique. Qu’il s’agisse des forgerons soninké votant pour la liste PRDS ou des jeunes de Gurel Sane s’inscrivant à l’UFD, l’objectif clairement revendiqué est d’obtenir, à terme, une reconnaissance au sein de leur société de rattachement. En ce sens, le vote des forgerons doit être interprété avant tout comme un vote sanction contre le candidat Tijane Koita, afin de lui rappeler ses obligations, plutôt que comme un vote en faveur du candidat PRDS. Leur ralliement au parti présidentiel s’explique en effet moins par la volonté d’obtenir des avantages matériels du nouveau maire, encore moins par l’adhésion à un programme politique, que par la volonté de jouir à terme d’une meilleure reconnaissance au sein de la société soninké. Il est ainsi significatif que les jeunes forgerons aient cherché, après les résultats du scrutin de 2001, à faire amende honorable auprès des notables soninké :

35

« Après les élections, nous les jeunes, nous avons été dans toutes les maisons des nobles pour s’excuser de notre action, calmer les choses [41]. »

36Cette quête de reconnaissance se retrouve également chez les jeunes de Gurel Sane, les plus contestataires :

37

« Nous voulons être plus respectés. On veut que l’on nous reconnaisse des droits et que nous soyons consultés lorsqu’il y a une décision importante à prendre au niveau de la ville. Depuis notre mouvement, les nobles (rimße) font attention, ils viennent nous voir, nous consulter. Nous voulons vivre en bons termes avec eux, mais chacun doit être reconnu [42]. »

38C’est cette reconnaissance qui explique en partie le vote des jeunes de Gurel Sane lors du second tour des élections de 1999. L’UFD ayant été éliminée au premier tour, les responsables nationaux de ce parti avaient demandé à leurs électeurs de voter au second tour en faveur de l’UNDD, le seul parti d’opposition restant en lice contre le PRDS. La plupart des jeunes de Gurel Sane ont refusé de suivre la consigne et ont préféré voter pour le candidat haalpulaar Soh Musa Demba du PRDS. Si ce choix s’explique en partie par les pressions que les nobles ont exercées sur les jeunes, il résulte également de la démarche de ce candidat qui, entre les deux tours, est venu s’excuser auprès d’eux pour les critiques qu’il avait émises sur leur mouvement. De l’aveu même d’un des leaders de la contestation sociale : « Que les nobles viennent s’excuser, c’était déjà une victoire [43] ! »

39On le voit, les alliances politiques ne sont pas uniquement motivées par la logique utilitaire, même si l’argent occupe une place de plus en plus grande dans les représentations et dans la vie pratique des personnes. Comme l’a montré Tarik Dahou [44] à propos du factionnalisme politique des lignages nobles au Sénégal, il ne faut pas réduire les affiliations politiques aux seules stratégies utilitaristes. Les affiliations des catégories sociales subordonnées se réalisent, en effet, selon d’autres logiques locales et selon la nature des rapports sociaux. La recherche de reconnaissance, mais aussi les liens affectifs réels [45] qui existent entre les nobles et les membres des catégories sociales subordonnées interviennent ainsi de manière significative dans le jeu politique des acteurs. Ce sont ces critères qui expliquent par ailleurs pourquoi les conflits ne dégénèrent pas et trouvent le plus souvent une issue rapide. Sur ce point, il est révélateur que les principaux leaders de la contestation ne cherchent pas à médiatiser leur lutte sur la scène nationale, comme cela a été le cas pour les hratîn de la société maure [46]. De même est-il significatif que « Balagoss » ne soit pas ou peu connue, y compris de certains ressortissants de Kaédi, malgré l’ancienneté de cette association. À Kaédi, tout se passe comme si les conflits étaient à usage interne. Cette situation conduit à s’interroger sur le sens de ces conflits qui ne relèvent pas seulement des positions inégalitaires occupées par les personnes dans la stratification sociale, ni du simple décalage entre les règles de la vie sociale et les changements intervenus ces dernières années, mais qui renvoient également à des fins stratégiques, auxquelles les acteurs subordonnés ont recours pour faire avancer leurs revendications. Le conflit s’affirme ainsi de plus en plus comme une modalité d’action politique, afin de peser sur les négociations avec les nobles.

40Il reste que, si les membres des catégories sociales subordonnées souhaitent trouver un compromis rapide aux litiges qui les opposent aux nobles, ce n’est pas uniquement pour des raisons affectives, mais parce qu’ils savent que tout ne se règle pas au niveau politique. Les contraintes de la vie quotidienne conduisent en effet à ne pas être en rupture définitive avec les instances dirigeantes de sa société de rattachement, sous peine de se retrouver isolé. Il est donc nécessaire que leur lutte se solde rapidement par un compromis acceptable, pour que leur action soit efficace.

41L’examen de la résurgence des chefferies et des luttes sociales à Kaédi dans le contexte électoral a permis de montrer à la fois le dynamisme des pouvoirs au village, et la manière dont les catégories sociales se perpétuent en se renouvelant. Il ressort également que le débat démocratique se situe moins dans les discussions préélectorales sur les programmes des partis politiques que dans les négociations et les changements d’alliances qui agitent la société lors des scrutins. Ce jeu démocratique conduit à l’apparition de nouvelles combinatoires du politique qui mettent en relation différents niveaux de pouvoirs, comme l’attestent les liens complexes entre les nouveaux élus et les chefferies réinventées, ou la manière dont les rapports sociaux sont renégociés selon des logiques locales lors des élections. Ces recompositions sociales et politiques se manifestent également à propos de la citoyenneté, qui est loin de se définir classiquement comme un nouveau mode d’appartenance politique ni comme une sphère séparée des appartenances traditionnelles [47]. À Kaédi, la vie politique montre au contraire que le chemin de la citoyenneté n’est pas exclusif d’autres formes d’identification, d’autres appartenances sociales ou individuelles. Ce constat témoigne, s’il en était besoin, de l’historicité du politique et révèle de manière exemplaire que le jeu démocratique renvoie à une problématique de la médiation [48].

Notes

  • [1]
    Voir J.-F. Bayart, A. Mbembe et C. Toulabor, Le Politique par le bas en Afrique noire, Paris, Karthala, 1992. Pour des études traitant des effets locaux des processus de démocratisation, voir notamment R. Banégas, La Démocratie à pas de caméléon. Transition et imaginaires politiques au Bénin, Paris, Karthala, à paraître en 2003.
  • [2]
    Sur l’évolution politique du pays, voir P. Marchesin, Tribus, ethnies et pouvoir en Mauritanie, Paris, Karthala, 1992. Pour la période plus récente, voir A. Wedoud ould Cheikh, « Des voix dans le désert. Sur les élections de l’ “ère pluraliste” », Politique africaine, n° 55, octobre 1994, pp. 31-39.
  • [3]
    Cet article est le résultat de plusieurs missions de recherche menées dans la ville de Kaédi et sa région, dont la dernière remonte à avril-mai 2002.
  • [4]
    C’est l’occasion de regretter, avec Roger Botte, le manque d’études consacrées à la situation contemporaine des groupes d’origine servile. Voir le dossier dirigé par R. Botte, « L’ombre portée de l’esclavage. Avatars contemporains de l’oppression sociale », Journal des africanistes, 70 (1-2), 2000.
  • [5]
    Ce quartier était à l’origine habité par les esclaves des Haalpulaar’en. Si, aujourd’hui, des personnes de statut noble ont leur maison dans le quartier, celui-ci est toujours identifié comme regroupant la population d’origine servile. Les Maures de Kaédi le surnomment « ksar abîd », le quartier des esclaves.
  • [6]
    T. Bierschenk et J.-P. Olivier de Sardan, Les Pouvoirs au village, Paris, Karthala, 1998.
  • [7]
    Avant l’apparition du quartier de Tulde, différents sites constituaient ce que l’on appelait déjà Kaédi. Voir O. Leservoisier, La Question foncière en Mauritanie. Terres et pouvoirs dans la région du Gorgol, Paris, L’Harmattan, 1994.
  • [8]
    Ces trois ordres sont désignés respectivement chez les Soninké par les termes : hore, nyaxamala et kome. Malgré l’abolition officielle de l’esclavage en 1981 en Mauritanie, les catégories de nobles et d’esclaves continuent dans bon nombre de situations à être des référents pour penser les rapports sociaux et situer les individus dans l’ordre social. L’utilisation des termes « nobles » et « esclaves », dans le texte, renvoie à cet usage local.
  • [9]
    Le Farmbaal est l’un des chefs qui dominaient dans la vallée du fleuve Sénégal avant l’arrivée, au début du xvie siècle, du Peul Koli Tenguela, fondateur de la dynastie des Satigi Deenyankooße.
  • [10]
    Entité politique haalpulaar, située dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal. Kaédi est localisé au Fuuta central dans le Booseya, l’une des huit provinces que compte le Fuuta Tooro.
  • [11]
    Voir J. Schmitz, « Cités noires: les républiques villageoises du Fuuta Tooro (vallée du fleuve Sénégal) », Cahiers d’études africaines, 133-135, XXXIV (1-3), 1994, pp. 419-460.
  • [12]
    Leurs craintes ont été confirmées à la suite de l’ordonnance foncière de 1983, abolissant officiellement le système de tenure traditionnelle du sol (article 3).
  • [13]
    Ces événements, liés en partie au problème de l’aménagement des terres de la vallée du fleuve Sénégal, se sont soldés par l’exode de plusieurs milliers de personnes de part et d’autre du fleuve et par l’accentuation des tensions interethniques entre les Maures et les Négro-Africains terme consacré localement). Voir O. Leservoisier, La Question foncière en Mauritanie…, op. cit.
  • [14]
    Voir C. Fay, « La décentralisation dans un cercle (Tenenkou, Mali) », et J. Bouju, « Clientélisme, corruption et gouvernance locale à Mopti (Mali) », Autrepart, n° 14, 2000, pp. 121-142 et 143-163.
  • [15]
    Voir B. Ba, La Chefferie traditionnelle en Mauritanie. Place et dynamique actuelle. Le cas du Farmbaal à Kaédi, mémoire de maîtrise, université de Nouakchott, 1995, p. 52.
  • [16]
    J. Bouju, « Clientélisme, corruption et gouvernance locale à Mopti », art. cit., p. 153.
  • [17]
    Entretien avec Farba Habibou, Nouakchott, avril 2002.
  • [18]
    Entretien avec B. Ly, Nouakchott, avril 2002.
  • [19]
    De même n’est-ce pas un hasard si l’actuel président du comité des exploitants du PPG2 n’est autre que le fils du Jaagaraf.
  • [20]
    Le Teen est issu des Gueye. Il est en principe élu par les doyens des familles Sem et Niang.
  • [21]
    Entretien avec Niang Mamadou Malal, Kaédi, avril 2002.
  • [22]
    Voir le numéro dirigé par R. Banégas et J.-P. Warnier, « Figures de la réussite et imaginaires politiques », Politique africaine, n° 82, juin 2001. Pour la Mauritanie, lire dans ce même numéro l’article de Zekeria Ould Ahmed Salem, « “Tcheb-tchib” et compagnie. Lexique de la survie et figures de la réussite en Mauritanie », pp. 78-100.
  • [23]
    Entretien avec Farba Habibou, Nouakchott, avril 2002.
  • [24]
    C’est le même phénomène qui s’est produit lors de la création du comité des exploitants du PPG, qui fut contrôlé principalement par des fonctionnaires et des commerçants, liés aux intérêts des chefferies.
  • [25]
    Entretien avec B. L., Nouakchott, avril 2002.
  • [26]
    Entretien avec Farba Habibou, op. cit.
  • [27]
    Les premières élections ayant eu après le coup d’État militaire de 1978 ont été les municipales de 1986, qui ne concernaient, à l’époque, que les capitales régionales. En 1986, les partis n’ayant pas encore été créés, une seule liste fut présentée. Diagana Cheibou fut élu maire sur la liste bleue, soutien au pouvoir en place.
  • [28]
    Cette crispation n’est sans doute pas étrangère aux exactions que les Haalpulaar’en ont dû subir lors des événements de 1989, les conduisant à se replier sur eux-mêmes.
  • [29]
    Tijane Koita est un des fondateurs de l’UFD. Il a créé son parti UNDD après son départ en dissidence de l’UFD. Battu en 1999, il l’a été de nouveau lors des élections municipales de 2001.
  • [30]
    R. Bastide, « Mémoire collective et sociologie du bricolage », L’Année sociologique, vol. 21, 1970, p. 106.
  • [31]
    Association créée par les esclaves soninké dès la fin du xixe siècle. Elle compte aujourd’hui environ 70 personnes. Le mot « Balagoss » viendrait d’une déformation de l’expression « bras gauche » qui servirait à désigner localement ceux qui sont opposés aux nobles soninké. Entretien avec N. B., Kaédi, mai 2002.
  • [32]
    Les jeunes de Gurel Sane ont d’ailleurs adressé, après les élections de 1999, une lettre de doléances au gouverneur de la région du Gorgol, dans laquelle ils déploraient la perte de leurs biens fonciers.
  • [33]
    Baila Ndiaye, chef de file de ce mouvement de contestation des jeunes de Gurel Sane, a été placé, en 1999, deuxième sur la liste UFD, derrière Ndongo Harouna, lui-même d’origine servile et syndicaliste actif à Kaédi.
  • [34]
    Entretien avec N. N., Kaédi, avril 2002. La liste UFD soutenue par les jeunes de Gurel a fait moins de 5 % des suffrages.
  • [35]
    Selon plusieurs témoignages, Soh Oumar aurait incité les jeunes à le rejoindre au RDU, en échange de la promesse de donner satisfaction à leurs revendications foncières.
  • [36]
    L’UFP est issue d’une des tendances politiques (Mouvement national démocratique, MND) de l’ancienne UFD.
  • [37]
    Il existe deux grandes familles de forgerons chez les Soninké: les Ndiaye et les Kante. Les premiers, attachés aux Bacily, sont les plus contestataires. Les seconds, liés aux Koita, sont plutôt restés fidèles à Tijane Koita.
  • [38]
    Entretien avec D. B., Nouakchott, mai 2002.
  • [39]
    Entretien avec B. N., Kaédi, mai 2002.
  • [40]
    C’est le cas des maccuße qui se revendiquent aujourd’hui hratîn ou Safaalbe Hormankoobe. Voir O. Kamara, « Les divisions statutaires des descendants d’esclaves au Fuuta Tooro mauritanien », Journal des africanistes, 70 (1-2) 2000, pp. 265-289. Voir également O. Leservoisier, « Les hrâtîn et le Fuuta Toro, xixe-xxe siècle : entre émancipation et dépendance », in M. Villasante-de Beauvais (dir.), Groupes serviles au Sahara. Approche comparative à partir du cas des arabophones de Mauritanie, Paris, éd. du CNRS, 2000, pp. 147-167.
  • [41]
    Entretien avec N. B., Nouakchott, mai 2002.
  • [42]
    Entretien avec A. N., Kaédi, avril 2002.
  • [43]
    Entretien avec N. N., Kaédi, avril 2002.
  • [44]
    Voir T. Dahou, « Entre engagement et allégeance. Historicisation du politique au Sénégal », Cahiers d’études africaines, 167, XLII (3), 2002, pp. 499-520.
  • [45]
    Il serait en effet erroné de vouloir réduire leurs relations à la simple dimension conflictuelle.
  • [46]
    Des hratîn ont ainsi créé, à la fin des années 1970, le mouvement d’émancipation El Hor (Libre), dont l’action se voulait nationale. On peut émettre l’hypothèse que la situation minoritaire dans laquelle se trouvent les populations négro-africaines dans le pays pousse les groupes subordonnés à faire bloc derrière leur société de rattachement.
  • [47]
    Voir C. Neveu, « Anthropologie de la citoyenneté », in M. Abélès et H.-P. Jeudy (dir.), Anthropologie du politique, Paris, Armand Colin, 1997, pp. 69-89.
  • [48]
    Sur ce thème, voir notamment Z. Ould Ahmed Salem, Retour sur le politique par le bas. De quelques modes populaires d’énonciation du politique en Mauritanie, thèse de doctorat en science politique, Institut d’études politiques de Lyon, 1996.
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