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Article de revue

Autour d'un livre

De Witte (Ludo), L'Assassinat de Lumumba
Jewsiewicki (Bogumil) (ed.), A Congo Chronicle. Patrice Lumumba in Urban Art

Pages 183 à 199

Notes

  • [*]
    Paris, Karthala, 2000, 415 pages
  • [**]
    New York Museum for African Arts, 1999, 110 pages
  • [1]
    J. Brassinne et J. Kestergat, Qui a tué Patrice Lumumba ?, Paris, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1991.
  • [2]
    J. Brassinne, Enquête sur la mort de Patrice Lumumba, Bruxelles, thèse de doctorat en sciences politiques, 1990.
  • [3]
    J.-C. Willame, Patrice Lumumba, Paris, Karthala, 1990.
  • [4]
    F. Vandewalle, Mille et quatre jours. Contes du Zaïre et du Shaba, Bruxelles, 13 fascicules, 1974-1977.
  • [5]
    Voir Patrice Lumumba entre dieu et diable. Un héros africain dans ses images. Études et documents réunis par P. Halen et J. Riesz, Paris, L’Harmattan, 1997.
  • [6]
    Voir E. A. Vincke (dir.), « Tshibumba Kanda Matulu, peintre populaire zaïrois. De ses sources à sa seconde vie », in P. Halen et J. Riesz (dir.), Littératures du Congo-Zaïre, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1995 ; Matatu, n° 13-14, 1995, pp. 303-318 ; V. Bol, « Une peinture dite “populaire” », in A. Vilain (dir.), Papier blanc, encre noire. Approches des peintures d’Afrique centrale, Bruxelles, Cellule Fin de Siècle, 1994, pp. 21-34 ;
    J. Fabian, Remembering the Present : Painting and Popular History in Zaïre, Berkeley, University of California Press, 1996.
  • [7]
    J. Baudrillard, « Fonction-signe et logique de classe », Pour une critique de l’économie politique du signe, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1976 (rééd.), pp 7-58.
  • [8]
    Voir P. Halen, « Écrivain et/ou salésien ? L’œuvre publiée de Bernard Ilunga Kayombo », in A. Soncini Fratta (dir.), I Colori dello spirito. Religiosità nelle letterature francofone dell’Africa subsahariana, del Maghreb e delle Antille, Bologna, CLUEB, 2000.
  • [9]
    Selon quels critères de représentativité ? On aurait aimé avoir une analyse quantitative, par « sujet », par exemple, ou par mode de traitement (couleur, noir et blanc…) du corpus des 3 000 œuvres collectionnées.
  • [10]
    En ce qui concerne le peintre Tshibumba, voir par exemple B. Jewsiewicki, Art pictural zaïrois, Québec, 1992 et, notamment, E. Vincke, Un outil ethnographique : la peinture populaire contemporaine au Zaïre, pp. 223-241. L’exposition Africa Explores avait déjà permis au public occidental de se familiariser avec les peintures de Tshibumba (Africa Explores. 20th Century African Art, The Center for African Art, New York, et Prestel, Munich, 1991).
  • [11]
    Voir la contribution de Jean Omasombo Tshonda sur la jeunesse de Lumumba aux pages 29-41 du catalogue et la publication de J. Omasombo Tshonda et B. Verhaegen, « Patrice Lumumba. Jeunesse et apprentissage politique. 1925-1956 », Cahiers africains, n° 33-34, Tervuren, Paris, 1998.
  • [12]
    J.-L. Vellut, « Une exécution publique à Élisabethville (20 sept. 1922). Notes sur la pratique de la peine capitale dans l’histoire coloniale du Congo », in B. Jewsiewicki (dir.), Art pictural zaïrois, op. cit., pp. 171-222.
English version

Le point de vue de Gauthier de Villers et Jean Omasombo Thonda

1En septembre 1999, paraît en néerlandais un ouvrage du sociologue belge Ludo De Witte : De moord op Lumumba. Il sera publié quelques mois plus tard en français, sous le titre L’Assassinat de Lumumba. L’auteur entend établir que « ce sont [...] des conseils belges, des directives belges et finalement des mains belges qui ont tué Lumumba [le] 17 janvier 1961 », et que « le gouvernement belge de [l’époque] est directement responsable de l’assassinat du Premier ministre congolais » (p. 14).

2Dix ans plus tôt, Jacques Brassinne soutenait à l’Université libre de Bruxelles un doctorat en sciences politiques intitulé Enquête sur la mort de Patrice Lumumba. Il obtenait, avec la plus grande distinction, les félicitations d’un jury comprenant les historiens P. Salmon et J. Stengers. La thèse ne sera pas publiée, mais donnera matière à un ouvrage cosigné par Brassinne et le journaliste J. Kestergat [1]. Cet ouvrage, comme la thèse, disculpait entièrement les autorités belges.

3Avec de sérieuses raisons, De Witte considère que Brassinne a mené son enquête sur Lumumba non en chercheur impartial, mais en avocat à décharge de l’establishment belge et de ceux qui, comme lui-même, étaient en 1961 des chargés de mission de la Belgique auprès du gouvernement sécessionniste katangais.

4Mais, quelque peu imprudemment, il écrit à propos de son propre ouvrage que celui-ci « peut être vu comme le pendant de la thèse de doctorat de Brassinne », et peut « donc être lu comme le réquisitoire d’un procureur dans un procès d’assises » (p. 15). Observons ici que son livre présente effectivement, du point de vue de l’historien, le défaut rédhibitoire de constituer un réquisitoire : il fait flèche de tout ce qui conforte les accusations qu’il porte à l’endroit d’une catégorie d’acteurs, sans approfondir ni l’examen du rôle des autres protagonistes du drame, ni celui du contexte dans lequel tous agissent ; mais observons aussi qu’il s’agit d’un réquisitoire bien mené : De Witte n’apporte aucune preuve décisive concernant les responsabilités directes du gouvernement belge, mais livre un faisceau d’indices qui, en l’absence de contre-enquête, apparaît susceptible d’entraîner l’« intime conviction » de jurés de bonne foi. Quoi qu’il en soit, l’accusateur n’a pas manqué son effet. La publication de son livre provoque le 8 décembre 1999 une interpellation de Louis Michel, le ministre des Affaires étrangères, devant la commission des Relations extérieures de la Chambre. Le ministre se montre d’emblée favorable à la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, et il déclare que, si celle-ci devait confirmer les accusations portées contre des autorités belges, son gouvernement aurait à « présenter des excuses, dans le respect du principe de continuité de l’autorité publique, à la famille, à la tribu et aux ayants droit de M. Lumumba », et devrait « tout mettre en œuvre pour rétablir la justice et donner satisfaction aux ayants droit, autant que faire se peut ». Et, le 24 février, la Chambre des représentants adopte à l’unanimité une proposition instituant une commission d’enquête parlementaire chargée en particulier « de déterminer l’implication des responsables politiques belges dans les circonstances exactes du décès de Patrice Lumumba ».

5Les députés-commissaires se voient ainsi confier une mission qui relève à la fois du métier de l’historien et de celui du juge. À partir d’une analyse de documents d’archives et de témoignages qui devrait les mettre (notamment) en mesure « de décrire le rôle de l’ensemble des intervenants dans la succession des faits qui ont précédé la mort de Patrice Lumumba », il leur est demandé d’établir et de mesurer, comme le veut le travail de la justice, des responsabilités particulières : « d’identifier les différentes responsabilités » dans l’accomplissement d’un crime, sans doute prescrit (certains juristes estiment néanmoins qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité, donc imprescriptible), mais qui fut en tout cas accompli. Hardie et singulière mission puisqu’elle pourrait déboucher sur la condamnation, sinon par la justice, du moins par les « représentants du peuple », de hautes (et moins hautes) personnalités du pays et à travers elles d’un establishment politique (et économique) auquel nombre de politiciens d’aujourd’hui ne peuvent se prétendre étrangers. Ce qui pourrait ouvrir une dangereuse boîte de Pandore : comme l’a fait observer un avocat, M. Spandre (Le Soir, 17 avril 2000), l’État belge court le risque de se voir, au terme de l’enquête, réclamer de substantiels dommages et intérêts non seulement de la part de la famille de Lumumba, mais éventuellement aussi de l’État congolais. Or, on ne peut dire que, sur ce dossier, la classe politique belge ait été contrainte à agir. Le livre de De Witte a certes trouvé un large écho dans les médias, mais on ne peut parler, comme ce fut le cas pour d’autres commissions d’enquête, de pressions contraignantes exercées par la « société civile ». D’autant qu’il était facile pour les politiques de relancer la balle dans le camp des historiens de métier et des spécialistes de la question, tout en faisant planer le doute sur le sérieux d’un ouvrage écrit par un sociologue se réclamant idéologiquement d’une gauche extrême et se donnant un rôle de « procureur ».

6Comment expliquer alors la décision prise ? Différentes considérations ont joué. Le premier facteur à prendre en compte est la composition du gouvernement. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, la « famille » sociale-chrétienne se trouve aujourd’hui reléguée dans l’opposition. Or, les principales personnalités mises en cause dans le drame de 1961 appartenaient (elles sont aujourd’hui décédées) à cette famille politique. Mais l’explication ne suffit pas. Les libéraux, qui sont associés au gouvernement actuel, faisaient partie du gouvernement de coalition en place en 1960-1961 (et J. Brassinne est une personnalité du Parti libéral francophone). De plus, les députés sociaux-chrétiens, flamands comme francophones, après avoir fait valoir des objections et obtenu que les investigations ne portent pas seulement sur les responsabilités belges (la commission « peut, en fonction des nécessités, élargir l’objet de l’enquête »), se sont ralliés à la proposition d’instituer une commission d’enquête parlementaire.

7Il est sans doute plus important d’observer qu’avec le changement intervenu au niveau de la coalition au pouvoir, la Belgique a retrouvé des ambitions en Afrique centrale. Sous l’impulsion d’un ministre des Affaires étrangères libéral atypique, le nouveau gouvernement entend rompre avec une démarche qui – globalement parlant – caractérisait la politique africaine de la Belgique depuis une décennie : une démarche de distanciation vis-à-vis du Congo/Zaïre inspirée alors surtout par le Parti socialiste flamand (toujours associé au gouvernement mais avec une position affaiblie).

8Or, la nature informe du pouvoir en place à Kinshasa, l’inextricable situation de guerre qui prévaut dans la région mettent le gouvernement belge dans l’incapacité de concrétiser sa volonté de reprendre solidement pied dans l’ancienne colonie et d’agir de manière significative pour la pacification et la reconstruction de l’Afrique centrale. Cette impuissance contribue à expliquer le recours à ces gestes à forte charge symbolique que sont l’institution de la commission Lumumba et, plus encore, la solennelle demande de pardon pour les responsabilités de la Belgique dans l’accomplissement du génocide que le Premier ministre Guy Verhofstadt a adressée au peuple rwandais à Kigali, en avril 2000. La conviction, aussi répandue qu’erronée, selon laquelle le nouveau Congo, celui de Kabila, aurait repris le flambeau du lumumbisme, a également joué un rôle : le régime de Kinshasa et (ce qui a une plus grande part de vérité) l’opinion congolaise – ont pensé à voix haute l’un ou l’autre parlementaire – seraient reconnaissants à la Belgique de chercher enfin à faire la lumière sur sa responsabilité dans la mort du premier Premier ministre du Congo. Il faut enfin tenir compte des exigences éthiques de notre temps et de la « nouvelle culture politique » qu’elles appellent : justice et vérité sans frontières ; devoir de mémoire et de repentance. On peut penser que la décision adoptée, du moins par son caractère unanime, doit beaucoup à la situation d’émulation que provoquent toujours aujourd’hui ceux qui mettent en délibération une proposition apparaissant comme « politiquement correcte ». Une certaine ironie est à cet égard légitime, mais s’y arrêter serait réducteur. Que la Belgique officielle juge aujourd’hui nécessaire de chercher la vérité sur la mort d’un homme qui fut chez elle généralement si exécré ne peut vraiment se comprendre que si l’on reconnaît que les temps et les esprits changent, que la ré-appréciation du passé colonial (et néocolonial) est désormais en jeu, donc possible, dans la société belge.

9Quoi qu’il en soit du processus de décision, comment apprécier son résultat : la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire ? Que peut-on attendre d’une telle commission ? On a beaucoup dit dans les milieux de l’africanisme belge qu’il n’y avait plus grand-chose à apprendre concernant la mort violente de Lumumba (et cela en dépit du fait que les historiens de métier – à la fois timorés et réticents face à la démarche de l’« histoire immédiate » – se sont prudemment abstenus pendant quarante ans de mener l’enquête). Ce qui est vrai, c’est que les principaux acteurs et leurs mobiles sont connus ; que l’on peut identifier, sur la base de la documentation déjà exploitée et des recherches menées, les individus et les instances (la liste est longue !), belges, congolais, américains, « onusiens », etc., impliqués à des degrés divers dans le crime commis. Mais, pour la commission, il s’agit d’établir si les responsabilités belges sont aussi haut placées (celles, éventuelles, du Palais étant cependant à l’abri de toute incrimination), aussi lourdes et aussi centrales (prépondérantes en particulier par rapport à celles des acteurs congolais) que l’affirme Ludo De Witte.

10Or, d’importants fonds d’archives restent à dépouiller, dont ceux du Palais royal et de la Sûreté de l’État, fonds auxquels les chercheurs n’ont pas eu accès jusqu’à présent, mais que la commission, qui dispose de pouvoirs judiciaires d’instruction, s’est fait ouvrir. L’heure n’est donc pas encore venue, pour ces parlementaires transformés en juges que sont les commissaires, de tirer les conclusions d’un travail d’investigation et d’analyse qui aurait été mené à bien. L’heure est encore celle de l’instruction, donc ici, avant tout, celle de l’historien.

11En juin, la commission a nommé quatre experts pour remplir cette tâche, parmi lesquels deux historiens dont un seul spécialiste de la période en cause de l’histoire congolaise, J. Gérard-Libois. Ces experts, qui ne sont indemnisés que pour des prestations les occupant deux journées par semaine, doivent accomplir leur mission dans un délai très rapproché puisque le mandat de la commission expire en principe en mars 2001, et que celle-ci ne peut réellement commencer à travailler que sur la base de leur rapport. Ils sont assistés par trois experts ad hoc : deux juristes belges pour des questions précises qui sont de leur ressort, et un politologue congolais (cosignataire du présent article) pour la question fort large, complexe et cruciale du rôle des diverses autorités de son pays dans le crime commis. (En portent-elles la responsabilité ? Ne furent-elles que les complices ou les comparses d’un complot ourdi par des Belges, eux-mêmes peut-être maniés dans l’ombre par des Américains ? Agirent-elles d’elles-mêmes et pour elles-mêmes, mais en connivence avec des acteurs étrangers ?)

12La commission, peut-on penser, ne s’est pas donné (ou n’a pas obtenu) les moyens de répondre aux questions qui lui sont posées. Mais elle fera peut-être progresser la connaissance des rouages d’un drame qui hante toujours le Congo. Et, ses conclusions n’ayant pas l’autorité de la chose jugée, des historiens ne se voulant ni avocats ni procureurs pourront (si trop d’archives ne se ferment pas à nouveau devant eux) se mettre enfin à écrire l’histoire (ou des « histoires ») de cette extraordinaire mobilisation de fantasmes, de peurs et de haine qui a conduit au supplice et à la mort de Patrice Lumumba.

13On peut mettre plus d’espoir dans un autre résultat du travail de la commission. Il devrait contribuer à une plus lucide appréciation en Belgique de ce que fut l’entreprise de colonisation et de décolonisation. La courte carrière et la fin tragique de Lumumba en sont un révélateur particulièrement « sensible » : l’aveuglement d’une Belgique, emportée par une « diabolisation » haineuse du personnage, devant ce que (en dépit de ses limites et de ses erreurs) représentait Lumumba, manifeste un refus de voir et une incapacité à comprendre les évolutions congolaises ; la participation, plus ou moins directe ou indirecte, active ou passive, d’éminentes personnalités belges (si contraire, quelle qu’en fût la forme, aux principes d’un État de droit) à l’exécution par des pouvoirs publics d’un crime politique, l’inaction et l’indifférence de tous les Belges qui en furent témoins ou informés face au long martyre subi avant leur mort par Lumumba et ses compagnons, témoignent de la transformation du leader congolais en bouc émissaire d’une décolonisation désastreuse en même temps que du racisme inhérent à l’entreprise coloniale.

14Gauthier de Villers

15Institut africain-CEDAF

16Jean Omasombo Tshonda

17Université de Kinshasa

La réponse de Ludo De Witte

18L’article de G. de Villers et J. Omasombo, chercheurs à l’Institut africain, reflète le progrès qui a été réalisé, depuis la publication de mon livre, dans la compréhension de la destruction du premier gouvernement congolais et de la liquidation de son dirigeant central, Patrice Lumumba. En même temps, il laisse apparaître des faiblesses. Je soulignerai donc ici ce progrès, sans pour autant perdre de vue que certaines fractions de la classe dominante belge ne veulent pas que toute la vérité soit connue sur le martyre de Lumumba.

19De Villers et Omasombo se distancient de Brassinne qui, dans sa thèse de doctorat sur la mort de Lumumba [2], s’est comporté en avocat à décharge de l’establishment belge et de ses émissaires au Katanga. Ils reconnaissent que d’éminentes personnalités belges‚ sous une forme ou sous une autre, ont participé au crime. Ces affirmations constituent une vraie rupture avec l’historiographie officielle défendue depuis quatre décennies. La thèse de doctorat de Brassinne représente la version la plus sophistiquée de cette historiographie, disculpant Bruxelles de toute responsabilité. Cautionné par les plus grands spécialistes belges – à l’exception d’un article du professeur Benoît Verhaegen –, Brassinne a ainsi pu dédouaner Bruxelles de ce crime politique.

20La critique des bases scientifiques de cette thèse de doctorat, les révélations accablantes publiées dans mon livre et les témoignages parfois choquants de Belges impliqués dans l’assassinat – révélés par trois documentaires télévisés récemment produits (VRT, Bruxelles ; ARD, Berlin ; et BBC, Londres) – démolissent complètement la défense inconditionnelle de l’œuvre de Brassinne ainsi que la thèse de la « psychiatrisation » du Premier ministre congolais, thèse fréquemment mobilisée par les journalistes au temps de la crise congolaise, et systématisée par le professeur Jean-Claude Willame dans son livre sur Lumumba. Contrairement à ce que démontrent les faits, celui-ci réduit la chute de Lumumba aux incartades et aux obsessions d’un autocrate isolé qui, tout à ses diatribes et ses colères‚ finit par perdre le sens du possible et termine sa vie comme un enragé [3].

21La version officielle des faits ne tient plus debout. Mais cela ne veut pas dire que Bruxelles est prêt à aller jusqu’au bout de l’enquête parlementaire sur la mort de Lumumba. Les raisons qui ont motivé la décision du gouvernement belge pour mener une enquête officielle sont significatives. On peut douter de la volonté du gouvernement belge d’être politiquement correct, comme l’écrivent de Villers et Omasombo. La raison est plus prosaïque. En effet, en novembre 1999, le ministre des Affaires étrangères Louis Michel refusait encore de s’exprimer sur les révélations faites dans mon livre (publié en néerlandais, fin septembre 1999). L. Michel n’a donné le feu vert à l’enquête qu’au moment où l’affaire faisait boule de neige dans les médias et finissait par susciter des échos à Kinshasa. Au moment où Bruxelles cherche à retrouver une marge de manœuvre en Afrique centrale aux côtés des grandes puissances (France, États-Unis), en jouant un rôle de médiateur entre Kabila, Kagame et Museveni, le ministre a dû conclure qu’il serait bien difficile de mener cette politique s’il refusait, au nom de la raison d’État, de parler de l’assassinat d’un des héros africains dans lequel la Belgique est soupçonnée d’avoir trempé.

22La Belgique officielle cherche la vérité sur la mort de Lumumba parce que « les temps et les esprits changent […], la ré-appréciation du passé colonial (et néocolonial) est désormais en jeu, donc possible », expliquent les chercheurs de l’Institut africain. Mais en quoi consiste ce changement ? Ce sont, en fait, les gigantesques bouleversements politiques en Afrique centrale dans les années 1994-1997 qui sont à la base de cette quête. L’effondrement des régimes néocoloniaux de Habyarimana et surtout de Mobutu sous les coups de la mobilisation politico-militaire a ouvert un espace politique pour reconquérir le passé, qui est le cadre de référence pour comprendre le présent. Dans ce sens, ce sont les jeunes combattants congolais et les habitants des quartiers populaires de Kinshasa qui, ayant provoqué la chute de Mobutu, ont rendu possible cette relecture de l’histoire.

23C’est donc contre son gré que Bruxelles a donné le feu vert à l’enquête parlementaire. Beaucoup veulent en limiter la portée. Certains commentaires expriment une anxiété devant les dommages que l’enquête pourrait apporter aux piliers de l’establishment. Les recherches peuvent en effet révéler des faits nouveaux sur le rôle de la Belgique, qui voyait ses intérêts fondamentaux menacés par Lumumba. Un bon nombre d’archives restent à examiner : celles des ministres des Affaires étrangères et des Affaires africaines ; celles du major Loos, qui a organisé l’opération Barracuda, une tentative (avortée) pour éliminer Lumumba ; celles de l’Union minière et de la Société générale. En plus, il faut examiner les archives de cinq services de renseignements militaires et civiles qui, pour le compte de Bruxelles, ont organisé sur le terrain la guerre contre le gouvernement congolais.

24Tout aussi important sera l’audition d’une vingtaine de Belges qui ont dirigé cette guerre. Parmi eux, on retrouve des officiers, des ambassadeurs, Étienne Davignon de la Société générale et le lieutenant-colonel Guy Weber, depuis des décennies au service du Palais royal. Et au-dessus de l’enquête rôde le fantôme du roi Baudouin, qui a soutenu les adversaires de Lumumba et ouvert les portes de la noblesse aux protagonistes belgo-katangais de la crise congolaise. Le rôle joué par ces derniers dans l’assassinat n’a constitué aucun obstacle pour octroyer une récompense royale exceptionnelle : le Premier ministre Eyskens est fait vicomte et son ministre des Affaires étrangères baron ; Brassinne est anobli chevalier ; Weber devient aide de camp du roi Léopold III. C’est donc le régime lui-même qui peut être mis en cause par l’enquête et il reste à voir si l’establishment est prêt à affronter cette réalité.

25Le monde académique belge jouera-t-il un rôle positif dans ce processus ? On peut en douter. Rarement un sujet lié à l’Afrique centrale a été autant médiatisé en Belgique que l’assassinat de Lumumba et la crise congolaise depuis l’hiver 1999. Pourtant, les historiens, politologues et africanistes spécialisés en la matière sont restés muets sur le sujet, à quelques exceptions près. La raison en est évidente : pendant des décennies, la plupart ont cautionné, activement ou passivement, la thèse officielle de la non-implication belge dans le crime. Par crainte de perdre leurs accès aux crédits et aux archives, ils ont évité d’examiner ce sujet dont ils savaient, secret de polichinelle, que la Belgique officielle y avait joué un rôle. Certains ont carrément manipulé le contenu des documents.

26Ainsi, Brassinne ne cite pas le message du ministre des Affaires africaines à ses collaborateurs, dans lequel il exige l’élimination définitive de Lumumba : il le paraphrase seulement, mais il le fait en changeant son contenu, en parlant de l’élimination politique de Lumumba…

27D’autres, comme Willame dans son Patrice Lumumba, oublient de mentionner ce même message du ministre des Affaires africaines. Pourtant Willame puise abondamment dans les mémoires du colonel Vandewalle, qui cite in extenso ce message… Il est significatif qu’aucun chercheur n’ait exploré la piste qu’a mentionnée Vandewalle il y a un quart de siècle, lorsqu’il écrivait que certains personnages dans les milieux gouvernementaux belges voulaient éliminer Lumumba [4]. Le colonel était pourtant un acteur et témoin privilégié des événements de l’époque. Si les héritiers politiques du gouvernement Eyskens ont beaucoup à perdre dans l’enquête parlementaire, il en va de même pour le monde académique, dont certains représentants se sont plutôt comportés en idéologues de l’élite belge qu’en scientifiques en quête de la vérité.

28De Villers et Omasombo prétendent que je fais « flèche de tout ce qui conforte les accusations que [je] porte à l’endroit d’une catégorie d’acteurs, sans approfondir ni l’examen du rôle des autres protagonistes du drame, ni celui du contexte dans lequel tous agissent ». Mais aucune preuve n’est apportée pour étayer cette thèse. Dans mon livre, le lecteur trouve une analyse du rôle de Bruxelles dans la crise congolaise, sur base de recherches dans les archives des Affaires étrangères du royaume. Il y trouve aussi les conclusions d’un examen des archives des Nations unies sur l’intervention des Casques bleus au Congo (1960-1964), effectué pour la première fois. Le déroulement de la crise dans ses aspects internationaux est analysé, et le rôle du secrétaire général Hammarskjöld dévoilé. Dans le livre sont rassemblées toutes les informations disponibles sur le rôle de Washington et de Moscou dans la crise, sans oublier une étude du comportement des Congolais dans le contexte national et international de l’époque. Il faut effectivement analyser la crise congolaise dans son contexte, qui était profondément international. Mais cela ne doit pas servir de prétexte pour noyer le poisson. Les déclarations dans la presse de Luc De Vos, professeur à l’École militaire royale et un des experts qui assiste la commission parlementaire, vont dans ce sens. De Vos essaie de banaliser les actions des politiciens belges au Congo indépendant, en surestimant l’importance du contexte de la guerre froide – sans pour autant apporter la moindre preuve que Moscou voulait et pouvait contester l’hégémonie occidentale au Congo.

29Résumons. Bruxelles a joué un rôle crucial dans un des assassinats les plus importants du xxe siècle, c’est maintenant un fait acquis. Mais le chemin est long avant que ne soit reconnu officiellement que la destruction du nationalisme congolais n’était pas le produit d’un cocktail de fantasmes, de peurs et de haine, mais bien une décision politique prise en toute lucidité. Il est faux d’affirmer que Bruxelles était devenu aveugle parce que emporté par une « diabolisation » haineuse de Lumumba. Au contraire, c’est à la suite de la décision de Bruxelles de renverser le gouvernement congolais que la diabolisation a été déclenchée, en vue de construire des points d’appui en faveur de cette guerre non déclarée dans l’opinion publique.

30Il est également faux d’affirmer que Bruxelles était inapte à comprendre les évolutions congolaises. La fin de Lumumba n’est pas le résultat (voulu ou non) de décisions de responsables politiques mal informés ou manipulés. La décision de renverser Lumumba a été prise par le gouvernement belge en toute connaissance de cause, sur la base d’une évaluation de la mutinerie de l’armée congolaise et de son africanisation par le gouvernement congolais. L’africanisation avait brisé la colonne vertébrale du corps d’officiers blancs de l’armée congolaise, dont Bruxelles espérait qu’il pouvait contrôler Lumumba – ce nationaliste radical qui voulait que l’indépendance se concrétise par des acquis sociaux pour les masses congolaises. L’objectif de Bruxelles, très vite partagé par Washington et New York, était le remplacement du gouvernement congolais par un régime néocolonial stable.

31Pour atteindre cet objectif, le renversement du gouvernement congolais et la liquidation de son dirigeant ne suffisaient pas. Il n’a été atteint qu’en 1965, après l’écrasement des derniers soulèvements nationalistes par une coalition de mercenaires, de troupes mobutistes et d’une force d’intervention belgo-américaine. Ce bain de sang a permis au général Mobutu de sortir de l’ombre et d’instaurer ouvertement sa dictature. Mais cela est une autre page noire de l’histoire de la colonisation et de la néocolonisation qui, comme tant d’autres, reste en grande partie à écrire.

32Ludo De Witte

Le point de vue de Pierre Halen

33Les amateurs de fantômes et de demeures hantées feraient peut-être bien de s’y intéresser : la figure mythifiée de Patrice Lumumba constitue un beau cas de revenant. On peut l’apercevoir sans trop de difficulté en différents endroits de la mémoire contemporaine, tout particulièrement dans son pays d’origine, le Congo, et notamment dans le souvenir oralisé, mais aussi en bien d’autres lieux et sur quantité de supports mémoriels différents [5]. Dans l’ensemble de ces matériaux, la peinture congolaise « urbaine », spécialement celle de Tshibumba, constitue une série remarquable, qui offre le grand avantage, pour une observation qui se veut rigoureuse, d’être relativement homogène dans ses constituants et de pouvoir être aisément circonscrite dans l’espace et le temps. La collection de ce matériau, puis sa communication sous forme de publications [6] ou d’expositions artistiques – telle l’exposition new-yorkaise A Congo Chronicle. Patrice Lumumba in Urban Art – sont donc particulièrement précieuses, bien que, comme nous le verrons, les enjeux de telles opérations ne soient pas aussi évidents qu’il y paraîtde prime abord. Défense ou illustration d’une hagiographie ? Cette exposition montre comment Lumumba est revisité sur le marché de la mémoire urbaine.

34Deux précisions et une hypothèse. Une première ambiguïté est dissipée dans le beau livre-catalogue qui accompagne l’exposition A Congo Chronicle : l’intervention extérieure des « expatriés », acheteurs et puis, très vite, commanditaires de tableaux, donc ordonnateurs de sujets et de formes, peut être décrite assez précisément à l’aide des témoins, de sorte qu’il s’avère possible de considérer qu’il a bien existé, en dehors de leurs initiatives, une production peinte à destination des seuls clients africains. Cela ne signifie pas que les interventions extérieures n’aient pas eu des effets indirects à la fois sur la réalisation des tableaux qui ne leur étaient pas spécialement destinés, sur leur achat par d’autres clients qu’eux-mêmes, ainsi que, plus tard, au moment où la crise matérielle se faisait plus aiguë, sur leur revente (B. Jewsiewicki déclare ici avoir fait racheter plus de 3 000 pièces entre 1992 et 1997) ; mais à ce niveau, les « expatriés » n’ont guère fait que jouer leur rôle « normal », si l’on peut dire, dans l’ensemble du système, puisqu’ils font, de toute manière, partie intégrante du marché de l’art en Afrique.

35Le sous-titre de l’exposition new-yorkaise – Patrice Lumumba in Urban Art – attire l’attention sur une autre donnée : l’adjectif « urbain » a remplacé ici l’étiquette « populaire », qui, jusqu’à présent, avait le plus souvent servi à désigner la peinture des Chéri Samba et autres artistes non issus des écoles d’art, ou ayant renoncé aux enseignements qu’ils y avaient reçus. Par l’étiquette « populaire », on avait sans doute voulu projeter sur cette abondante production un peu de la valeur qu’on attache à ce qui, ne venant pas d’un « centre impérial » (comme disent nos collègues des postcolonial studies), ou d’un salon « bourgeois », paraissait institutionnellement et socialement dominé, donc politiquement sympathique. En réalité, bien que l’expression de « peinture populaire » soit encore reprise dans ce catalogue dont il est le maître d’œuvre, B. Jewsiewicki y souligne plus d’une fois que les choses sont moins simples : le marché pour lequel ces tableaux ont été réalisés ne concerne, en effet, ni les plus riches (lesquels s’adressent aux peintres formés dans les écoles et les académies), ni les plus pauvres (qui ne se soucient guère de peinture à accrocher dans une salle de séjour), mais une lowermiddle class urbaine, soucieuse avant tout d’améliorer et de consolider un statut incertain, prompte à vouloir signifier à la fois sa réussite (posséder le tableau), dans les limites d’un certain conformisme, par rapport au groupe, son effort constant, ses sacrifices et son échec toujours relatif (les thèmes de souffrance). À cet égard, l’obsession de la symétrie, de la hiérarchie et de l’équilibre observée dans ces toiles pourrait bien s’expliquer par un autre facteur que la prégnance des images d’autel dans l’imaginaire social, ou la référence à une tradition plastique précoloniale : en effet, elle correspond aussi à ce que Baudrillard a analysé, à la suite de Pierre Bourdieu, comme une rhétorique du désespoir[7], affichant autant de triomphalisme que de résignation dans un contexte où la mobilité sociale semble possible. Et, de fait, B. Jewsiewicki insiste avec pertinence sur l’ambition décidément citoyenne et moderne qui hante les groupes sociaux concernés. Si ces groupes se sont retrouvés dans la figure de Patrice Lumumba, sans trop de souci pour l’histoire objective du personnage, c’est d’abord parce que la mémoire du jeune Premier ministre de 1960 permet d’activer les valeurs d’une citoyenneté travailleuse et méritante, revendiquant pour eux-mêmes aux yeux du monde une dignité à la fois socio-économique, politique et humaine. L’ambivalence des vêtements portés par le personnage de Lumumba, tel que représenté conventionnellement au moment de sa descente d’avion, avec son ambitieux pantalon de soirée, d’une part, et son modeste singlet, d’autre part, reflète bien à la fois la revendication d’un statut reconnu, celui de citoyen, et le sentiment d’une injuste déchéance, celle que subit toute la collectivité menacée du fait de certains acteurs qui lui sont étrangers (ils sont, eux, en costume complet, accompagnés de militaires). En somme, tout cela n’a effectivement rien de vraiment « populaire », sinon dans le regard encore un peu paternaliste et romantique que les Occidentaux ont pu porter là-dessus ; il est vrai que la dimension protestataire de ces tableaux à l’égard de l’oligarchie chaotique du mobutisme qui leur est contemporaine est claire, mais il n’y a là rien qui exprime l’expression du monde paysan, ouvrier, prolétaire, a fortiori rien qui ne reflète le monde des exclus de la société concernée.

36En troisième lieu, cette exposition soulève une hypothèse à manier avec prudence, mais qui n’en semble pas moins fertile. Il s’agit de la comparaison, établie par B. Jewsiewicki, des mentalités propres aux deux villes de Kinshasa et Lubumbashi dont la peinture urbaine peut donner une idée (ou en confirmer une représentation). Il est question ici, en même temps, d’une esthétique et d’une éthique, en ce sens que des valeurs comportementales semblent bien liées à des modes de figuration. Du côté de la capitale, avec des peintres comme Chéri Samba, le clinquant des couleurs et le côté parfois tapageur ou aguicheur des motifs vont de pair avec une exaltation de la réussite sociale rapide et son extériorisation. Du côté de Lubumbashi, ville de travailleurs miniers, il semble qu’on ait davantage incorporé une morale de petits sacrifices accumulés, de destins besogneux et de pudeur dans la manifestation de toute « réussite », constat que l’on pourrait étendre vers la littérature [8]. Cela repose sur une longue tradition coloniale, les « Évillois » ayant depuis longtemps voulu faire preuve de davantage de sérieux social que les habitants de la « capitale du papier » ; surtout, cela renforce la donnée sociologique évoquée plus haut, en fondant aussi sur une tradition locale la revendication de modernité. Bien entendu, on entre ainsi de plain-pied dans le domaine de l’« imagologie », et le risque existe de ne faire que renchérir sur d’invérifiables lieux communs ; mais l’hypothèse d’une tradition historique dans l’auto-représentation trouve ici un trop évident éclairage pour que cela n’attire pas l’attention. Une esthétique « éthique » (ou l’inverse). Cela dit, exposer un choix de peintures « urbaines » congolaises, concernant de près ou de loin la figure historique de Patrice Lumumba, revient nécessairement à valoriser à la fois ces peintures et cette figure. Or cette double démarche ne va pas de soi. Elle interroge tout d’abord le jugement esthétique qui, en Occident et désormais dans nombre d’autres régions du monde contaminées en quelque sorte par lui, s’est construit à partir de critères historiquement et sociologiquement déterminés. Parmi ces critères, celui de l’originalité, tout d’abord, est le gage de l’inspiration unique de l’artiste créateur ; au départ, cela entraîne la nécessaire négativité du rapport de l’artiste à la société : le scandale, l’impertinence, la critique, la méconnaissance sont ainsi l’étape quasi obligée d’une reconnaissance qui advient dans un second temps, formulée par des institutions spécifiques, aussi autonomes que possible par rapport aux instances du pouvoir. La peinture urbaine congolaise ignore une telle forme de communication : elle cultive la répétition et même le cliché, elle ne sacralise en rien la signature individuelle du tableau, elle ne subit guère – en dehors du discours que tiennent à son propos les universitaires « expatriés », aujourd’hui le plus souvent revenus dans leur « patrie » – que la sanction économique directe d’un marché local où la demande fluctue en fonction, précisément, de la mobilité sociale.

37Cela amène plusieurs remarques. D’abord, on observera que cette peinture urbaine, loin de constituer un exemple de réalisation maladroite par rapport aux conventions occidentales, pourrait bien au contraire manifester un mécanisme qui, occulté en Occident par les phraséologies concernant le génie artistique, n’en régit pas moins profondément le champ culturel : le « créateur » européen obéit aussi à la perception qu’il a des attentes qui s’expriment sur le double marché de la reconnaissance symbolique et matérielle ; le culte occidental de l’originalité occulte en réalité un attachement fondamental au lieu commun de la figuration et de la circulation des biens culturels ; quant à l’usage social de ces derniers, bien qu’il se diversifie en pratiques plus ou moins « sophistiquées » selon les groupes dans les sociétés dites industrialisées, il s’éclaire lui aussi à partir du modèle simplifié qui se dégage de l’observation du marché de la peinture à Lubumbashi.

38De telles considérations peuvent toutefois être formulées in abstracto, sans que soit mise en jeu aucune promotion publique de cette peinture. Les choses prennent une autre dimension lorsqu’une sélection de tableaux représentatifs [9] est exhibée à New York ou en Europe : le corpus s’en trouve, de fait, valorisé à partir des conditions et des critères d’un autre marché que celui où il a été élaboré.

39Forcément, la demande que formulaient à l’époque les « expatriés » qui s’y intéressaient manifestait déjà une partie de ces conditions nouvelles : qu’ils aient eu recours à l’adjectif « populaire » témoigne de leur plaisir à se sentir concernés, pour des raisons politiques, morales et sociales sans doute, par une production qui paraissait pauvre à divers égards : la répétition de sujets conventionnels, agencés non moins conventionnellement, le traitement sommaire du dessin, la pauvreté des matériaux (toiles de réemploi, couleurs), tout ce qu’on appellerait en d’autres circonstances amateurisme, maladresse ou même vulgarité, tout cela s’inverse axiologiquement du fait que le point de vue qui s’exprime est apparemment (selon l’expatrié) celui de l’opprimé ; peuvent être compris en ce sens des thèmes comme celui de la « colonie belge » et, a fortiori, la reprise du motif de Lumumba comme héraut/héros du nationalisme africain, victime en son temps d’un complot « néocolonial ». Il faut évidemment se méfier d’un tel romantisme un peu condescendant, plus sensible au dualisme riche vs pauvre, ou eux vs nous, qu’aux distinctions internes à la société « autre ». Diverses réflexions contenues dans A Congo Chronicle nous y aident, qui insistent sur l’actualité du geste mémoriel, lequel n’emprunte les voies du passé que pour éclairer le présent et ouvrir l’avenir ; cela explique pourquoi le mythe de Lumumba fonctionne au-delà, éventuellement, du jugement raisonné que l’on peut tenir, a fortiori au Katanga, sur un épisode controversé de l’histoire nationale. L’éthique prime donc ici ouvertement sur l’esthétique, si tant est que la seconde puisse, comme d’aucuns nous l’assurent en Occident, exister en dehors de la première. À celui qui découvre ces toiles en Europe de s’en souvenir et d’éviter les deux malentendus qui consisteraient, pour l’un, à ne voir dans ces représentations qu’une lecture politique du passé, ce qu’on a singulièrement appelé la « crise congolaise » ; pour l’autre, à saluer, comme autrefois dans le cas des « imagiers congolais » Lubaki et Djilatendo, la « fraîcheur naïve » d’artistes sans formation académique : ce n’est ni de l’un ni de l’autre qu’il s’agit.

40Une hagiographie. Une autre difficulté réside dans la figure de Lumumba, telle qu’elle est réappropriée par le récit mémoriel au service de l’affirmation d’une dignité contemporaine et future. On sait, et son assassinat en témoigne suffisamment, que le premier chef de gouvernement congolais n’a pas laissé après lui que des regrets dans son propre pays, où l’évocation de son nom ne fait pas l’unanimité. Dans A Congo Chronicle, Dibwe ya Mwembu, notamment, présente divers témoignages de cette postérité controversée, rendue plus confuse encore par l’éphémère récupération de Lumumba au profit du régime Mobutu à l’époque du « héros national ». Le fait est pourtant que cette figure fonctionne au sein du récit mémoriel, celui-ci étant naturellement tiré vers le mythe par ses rouages sémiologiques et ses circonstances énonciatives.

41Il n’est pas simple, pour l’historien qui se voue non à la mémoire mais à l’histoire, de se défendre de cette attraction, tant il est vrai que des valeurs sensibles paraissent encore devoir être assurées à travers l’enquête historienne, telle la défense du nationalisme africain. Jean Omasombo, surtout au début de son évocation de la jeunesse d’un homme qui n’eut, hélas, pas l’occasion de vieillir, et Nyuanda ya Rubango, à diverses reprises, donnent encore l’impression de vouloir défendre et illustrer a priori un héros dont de plus froids analystes comme Jean-Claude Willame ont observé les erreurs de parcours, les maladresses politiques, enfin les raisons pour lesquelles – comme l’écrit du reste Nyuanda – Lumumba comptait à la fin de sa vie beaucoup plus d’ennemis que d’amis, et spécialement parmi ses anciens alliés. Si ses dernières années furent un « calvaire sans fin », c’est aussi, comme l’écrit Omasombo, que le Lumumba de l’histoire a mis en œuvre une personnalité, un style d’action, des stratégies d’alliances qui lui ont fait gaspiller les atouts qu’il avait en main. Rien n’empêche par ailleurs qu’on apprécie et partage ses valeurs, mais une expression comme « calvaire sans fin », parce qu’elle renvoie à la même christification universalisante que la peinture urbaine, est significative de la difficulté qu’on éprouve ici à séparer la mémoire de l’histoire. Par exemple, il aurait été intéressant, et utile à divers égards, que les éléments de récits mémoriels convoqués, notamment par Dibwe, soient systématiquement confrontés aux faits historiques : on aurait mesuré, par leur écart, l’ampleur du travail auquel se livre le récit mémoriel.

42Bien entendu, cela suppose que l’on tienne en principe la mémoire et l’histoire pour deux réalités distinctes, poursuivant des fins en partie inconciliables : la mémoire produit du sens, l’histoire nous rappelle le réel. Dans A Congo Chronicle, Mary N. et Allen F. Roberts tendent à identifier, au travers de la notion commune de héros culturel, l’appréhension traditionnelle du héros politique dans les sociétés coutumières du Sud-Congo, le fonctionnement des vies de saints en d’autres contextes et, enfin, une mise en valeur héroïque comme celle que Tshibumba propose à propos de Lumumba. Dans ces diverses narrations, il ne s’agit pas de représenter un passé en l’idéalisant, mais bien d’invoquer une figure d’identification, susceptible d’annoncer la transformation prochaine de l’histoire. Chaque énonciation est donc une création plutôt qu’une reprise, et les auteurs rapprochent cela des réflexions « postmodernes » qui, s’opposant à la conception académique et occidentale de l’histoire, ramènent celle-ci au statut d’un énoncé parmi d’autres possibles, au rang d’une performance mémorielle non moins actualisante que les autres « constructions ».

43Le rapprochement ainsi opéré n’éclaire pas grand-chose de l’œuvre de Tshibumba dans son rapport formel avec la plastique traditionnelle ; en revanche, il est pertinent en ce qui concerne le rapport de l’artiste avec le « usable past » et la « social knowledge » de son milieu. Celui-ci se caractérise en effet par des « circonstances traumatiques », mais aussi par l’impossibilité, devenue toujours plus grande avec les années, d’accéder matériellement au coûteux savoir « scholastique » ; la discipline inhérente à ce dernier comme les moyens qu’il nécessite en termes de formation et d’accès méthodique aux sources ont un prix qu’il est de plus en plus difficile de payer dans un contexte général de paupérisation menaçante, et dans un milieu sociologique où l’investissement à long terme est devenu un luxe de moins en moins accessible. C’est assurément cela aussi, ce rêve de délivrance qu’on retrouve de tableau en tableau, depuis la marche des esclaves jusqu’aux chaînes brisées par Lumumba dans des représentations éminemment symboliques.

44Mais, dès lors, une question, la plus fondamentale sans doute, se pose. Une chose est en effet de reconnaître, par une compréhension aussi exacte que possible de ses codes propres, les richesses expressives et, au-delà, la revendication universelle de dignité qu’affiche la peinture urbaine de Lubumbashi. Mais c’en est une autre que d’en tirer une sorte d’attendrissement méthodologique, au terme duquel l’histoire comme discipline, et en même temps comme utopie sans doute, s’effacerait en quelque sorte devant les séductions esthétiques et éthiques du récit mémoriel. On nous donne ici (on, c’est-à-dire Tshibumba et ses pairs, leurs clients, et tous leurs relais institutionnels) à partager et à comprendre les énoncés d’autres humains, et nous voyons bien que l’éthique autant que l’esthétique nous y aident. Mais il n’y a guère de doute sur la revendication ainsi formulée par ces humains : ce n’est pas d’être les spécialistes du récit mémoriel, voire du mythe, c’est de bénéficier un jour, enfin, de cette prospérité stable et juste, garantie par le droit et par l’instruction, dont les indépendances contenaient la promesse et dont la figure narrative est distillée par l’imagerie du brillant évolué Lumumba, ce « saint martyr » réputé autodidacte autant que pacifique, humble, conciliant et prêt au sacrifice.

45Pierre Halen

46Université de Metz/U.I. Antwerpen

Le point de vue de Sabine Cornelis

47Bientôt, l’exposition A Congo Chronicle. Patrice Lumumba in Urban Art, organisée en 1999 par le musée d’Art africain de New York et accompagnée de son catalogue, prendra le chemin de l’Europe, à un moment particulièrement sensible : en effet, nul n’ignore aujourd’hui que la Belgique a institué une commission d’enquête parlementaire afin d’évaluer la responsabilité du monde politique belge dans l’assassinat de Lumumba. À travers la peinture populaire qui s’est développée dans les centres urbains du Congo, cette exposition permettra notamment au public de découvrir comment l’image de Lumumba s’est construite dans la mémoire collective des habitants du Congo et, plus précisément, de la région de Lubumbashi.

48Les organisateurs de l’exposition ont opéré une sélection de peintures populaires au sein de cinq grandes collections privées dont celles de Bogumil Jewsiewicki, de l’université de Laval à Québec, qui est aussi le commissaire de l’exposition et l’auteur d’une partie du catalogue, de Victor Bol, professeur honoraire de l’université de Lovanium, d’Édouard Vincke, qui fut chef du département d’anthropologie et de sociologie à l’université de Lubumbashi, et du père Léon Verbeek. Ce dernier continue à récolter des peintures populaires sur le terrain et met à la disposition des chercheurs une collection représentative de quelques milliers de toiles. Le catalogue de l’exposition contient les contributions d’éminents savants, historiens ou anthropologues, qui éclairent, chacun à sa façon, une facette du processus qui a progressivement conduit à la création d’un mythe à la fois local, national et international, celui de Patrice Lumumba, héros pour les uns, victime ou bourreau pour les autres.

49Nous ne nous attacherons pas ici aux aspects purement politiques, ni à la façon dont la figure historique ou mythique de Lumumba est perçue en Belgique. Jean Omasombo Tshonda et Gauthier de Villers abordent ces sujets dans leur contribution. Nous évoquerons plutôt les aspects culturels liés à la peinture populaire, la formation progressive des images de Lumumba et leur relation avec le passé. En entamant sa présentation de la peinture populaire au Katanga actuel (pp. 13-27), Bogumil Jewsiewicki avertit le lecteur du catalogue en situant les deux principaux centres urbains du Congo : Kinshasa et Lubumbashi. Deux mondes différents, deux façons de vivre, deux échelles de valeurs différentes. Cette bipolarisation sur le plan culturel existait déjà à l’époque coloniale, lorsque Léopoldville et Élisabethville étaient les deux centres culturels et artistiques de l’ancien Congo belge qui se complétaient et rivalisaient à la fois. Une bipolarisation qui se manifeste dans l’opposition de style de deux artistes populaires congolais : Chéri Samba, qui, originaire de Kinshasa, jouit d’une renommée mondiale, et l’un des peintres, sinon le peintre vedette de l’exposition, Tshibumba Kanda-Matulu, qui peignit jadis à Lubumbashi et y produisit, à l’aide de multiples tableaux, une fresque historique et anthropologique. Connu surtout au sein d’un petit cercle d’initiés, l’exposition A Congo Chronicle contribuera sûrement à mieux faire connaître ce dernier du public européen [10].

50Bogumil Jewsiewicki date les débuts de la peinture populaire au Katanga dans les années 40, lorsque le peintre français Pierre Romain-Desfossés ouvrit un atelier où de jeunes talents pouvaient se livrer à la création artistique. Selon nous, il faut remonter plus loin dans le temps, au moment où, sous l’incitation d’un agent colonial, des spécialistes de la peinture murale au Katanga et au Kasai se mirent à transposer les thèmes de leurs peintures sur papier, en utilisant des techniques occidentales. Thiry, l’agent en question, appelait ces peintres, dont les plus connus étaient Lubaki et Djilatendo, des « peintres populaires ». Ils utilisaient des sujets qui leur étaient propres ou se rapportaient aux traditions de leurs régions d’origine, Bas-Congo pour l’un et Kasai pour l’autre. Sous l’incitation de leur mentor, ces deux peintres représentèrent leur vision du monde colonial et de la modernité, créant une imagerie que l’on pourrait peut-être, dans des études plus poussées, rapprocher de la peinture populaire. Deux autres similitudes nous paraissent rapprocher ces expériences artistiques de la fin des années 20 et du début des années 30 de la peinture populaire proprement dite telle que nous la décrit l’ouvrage de Jewsiewicki : le rapport entre le commanditaire occidental – puisque Thiry a orienté le choix des sujets – et l’artiste congolais, de même que la répartition d’une grosse commande entre différents artistes. Nous songeons ici en l’occurrence à Lubaki. Sa peinture et celle de Djilatendo ne sont pas de l’art pour l’art, ni une description passive de la réalité : les images sont ici le support d’une histoire, comme dans la peinture populaire.

51Les artistes « découverts » et exploités par Thiry n’ont pas fait école, mais il subsiste dans les collections du musée royal de l’Afrique centrale, à Tervuren (Belgique), des peintures des années 1939-1940 réalisées par un peintre autodidacte, Frédéric Kabemba, qui forment aussi une sorte de chronique du Katanga rural de l’époque. Les relations entre les débuts de l’art populaire au Congo, la présence coloniale et l’art pour touristes n’ont pas encore fait l’objet d’études tout à fait exhaustives et il reste des voies à explorer dans ce contexte culturel.

52Notons encore au passage qu’à l’époque où Lumumba était employé à Stanleyville (Kisangani) et où il écrivait des articles dans La Voix du Congolais et dans La Croix du Congo, à savoir dans les années 50 [11], un débat intellectuel avait déjà agité l’intelligentsia coloniale suite au développement de la peinture « spontanée » dans les centres urbains du Congo belge. Des peintres autodidactes circulaient en effet dans les grandes villes et vendaient leurs toiles à la terrasse des cafés.

53On finit par admettre qu’on ne pouvait pas cantonner l’art congolais dans les formes du passé, mais qu’il fallait le laisser s’exprimer selon des voies nouvelles. La question était de savoir si les artistes spontanés devaient créer librement ou s’il fallait leur fournir des guides, voire leur donner accès aux études académiques. Le rédacteur en chef de La Voix du Congolais, A.R. Bolamba, s’était prononcé, dès 1948, pour que des professeurs et des écoles d’art puissent dispenser un enseignement artistique. Dans les années 50, ce fut chose faite. Un membre de la congrégation des Frères des Écoles chrétiennes, le frère Marc, avait ouvert une école d’art à Léopoldville, qui reçut le nom d’Académie des beaux-arts en 1957, et le peintre belge Laurent Moonens avait fondé une autre Académie des beaux-arts à Élisabethville. Des artistes contemporains congolais ont donc été formés par la filière académique à l’époque coloniale et ont côtoyé des peintres « populaires ». C’est encore le cas aujourd’hui, notamment à Lubumbashi.

54Dans sa contribution, Jewsiewicki apporte des éléments particulièrement intéressants sur le statut du peintre populaire, la façon dont il est perçu par d’autres artistes ayant suivi une filière plus académique, mais qui, eux aussi, se transforment, à l’occasion, en peintres populaires. Il définit en outre les règles qui président, dans cette catégorie de peinture – qui est devenue, il le souligne, le premier support de la mémoire urbaine –, à la représentation du présent et du passé et les clés qui permettent une lecture approfondie de certains thèmes comme celui de Lumumba brisant les chaînes de l’esclavage. Nous apprenons également qui sont les spectateurs locaux auxquels s’adressent ces peintures, de même que les contextes politiques qui président à la constitution de la mémoire picturale de Lumumba au Katanga, perçu à la fois comme héros culturel et comme rédempteur de l’humanité.

55Selon le groupe dans lequel il est perçu, le personnage de Lumumba apparaît de manière controversée. Pour les Luba du Kasai, Lumumba, qui a envoyé l’armée nationale congolaise pour éradiquer la sécession au Katanga et au Kasai, est assimilé au chef de bande armée du xixe siècle Ngongo Leteta, qui a laissé un souvenir assez violent et sanguinaire. Il peut aussi être assimilé à d’autres héros culturels locaux comme le chef Lumpungu II ou Bwana François, alias Musafiri François, lequel fut exécuté publiquement à Élisabethville en 1922 pour avoir tué un Blanc [12]. Dans la mémoire urbaine, explique Bogumil Jewsiewicki, Bwana François, Lumpungu II et Lumumba sont des braves qui n’ont pas hésité à se sacrifier et à accepter leur destin pour défendre leur dignité. Bien entendu, ces trois personnages se retrouvent dans les peintures populaires. Mais ces tableaux donnent aussi à voir d’autres icônes, comme Lumumba brisant les chaînes de l’aliénation coloniale, Lumumba le Moïse congolais ou Lumumba représenté tel le Christ vivant sa passion.

56Dans leur contribution passionnante, Mary Nooter Roberts et Allen F. Roberts proposent une lecture des toiles contemporaines de Tshibumba Kanda-Matulu à la lumière des traditions de divers groupes du Congo méridional antérieures à la période coloniale. Ils se réfèrent surtout à la très complexe et très subtile tradition luba pour expliquer les mécanismes qui sous-tendent les insignes royaux et d’autres objets qui possèdent une fonction mnémotechnique. Selon eux, les peintures narratives comme celles de Tshibumba pourraient être comparées à de tels objets puisqu’elles sont conçues dans le but de stimuler la mémoire et de réactiver le passé. Lumumba y joue le rôle de héros culturel, entre passé et futur, et, afin que nous puissions bien saisir toute la portée de ses images, nous pénétrons dans l’univers des héros culturels luba en admirant au passage les splendides objets de la collection Stanley (qui n’a rien à voir avec l’explorateur de l’époque victorienne) conservés à l’University of Iowa Museum of Art. L’étude de l’art urbain contemporain, en tenant compte des composantes culturelles locales, et ce malgré les mutations que celles-ci ont pu subir dans le milieu urbain proprement dit, pourrait du reste s’appliquer à d’autres formes d’art pictural comme les peintures issues de l’atelier de Pierre Romain-Desfossés.

57Sabine Cornelis

58Musée royal de l’Afrique centrale

59(Tervuren, Belgique)


Date de mise en ligne : 15/11/2012.

https://doi.org/10.3917/polaf.080.0183

Notes

  • [*]
    Paris, Karthala, 2000, 415 pages
  • [**]
    New York Museum for African Arts, 1999, 110 pages
  • [1]
    J. Brassinne et J. Kestergat, Qui a tué Patrice Lumumba ?, Paris, Louvain-la-Neuve, Duculot, 1991.
  • [2]
    J. Brassinne, Enquête sur la mort de Patrice Lumumba, Bruxelles, thèse de doctorat en sciences politiques, 1990.
  • [3]
    J.-C. Willame, Patrice Lumumba, Paris, Karthala, 1990.
  • [4]
    F. Vandewalle, Mille et quatre jours. Contes du Zaïre et du Shaba, Bruxelles, 13 fascicules, 1974-1977.
  • [5]
    Voir Patrice Lumumba entre dieu et diable. Un héros africain dans ses images. Études et documents réunis par P. Halen et J. Riesz, Paris, L’Harmattan, 1997.
  • [6]
    Voir E. A. Vincke (dir.), « Tshibumba Kanda Matulu, peintre populaire zaïrois. De ses sources à sa seconde vie », in P. Halen et J. Riesz (dir.), Littératures du Congo-Zaïre, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1995 ; Matatu, n° 13-14, 1995, pp. 303-318 ; V. Bol, « Une peinture dite “populaire” », in A. Vilain (dir.), Papier blanc, encre noire. Approches des peintures d’Afrique centrale, Bruxelles, Cellule Fin de Siècle, 1994, pp. 21-34 ;
    J. Fabian, Remembering the Present : Painting and Popular History in Zaïre, Berkeley, University of California Press, 1996.
  • [7]
    J. Baudrillard, « Fonction-signe et logique de classe », Pour une critique de l’économie politique du signe, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1976 (rééd.), pp 7-58.
  • [8]
    Voir P. Halen, « Écrivain et/ou salésien ? L’œuvre publiée de Bernard Ilunga Kayombo », in A. Soncini Fratta (dir.), I Colori dello spirito. Religiosità nelle letterature francofone dell’Africa subsahariana, del Maghreb e delle Antille, Bologna, CLUEB, 2000.
  • [9]
    Selon quels critères de représentativité ? On aurait aimé avoir une analyse quantitative, par « sujet », par exemple, ou par mode de traitement (couleur, noir et blanc…) du corpus des 3 000 œuvres collectionnées.
  • [10]
    En ce qui concerne le peintre Tshibumba, voir par exemple B. Jewsiewicki, Art pictural zaïrois, Québec, 1992 et, notamment, E. Vincke, Un outil ethnographique : la peinture populaire contemporaine au Zaïre, pp. 223-241. L’exposition Africa Explores avait déjà permis au public occidental de se familiariser avec les peintures de Tshibumba (Africa Explores. 20th Century African Art, The Center for African Art, New York, et Prestel, Munich, 1991).
  • [11]
    Voir la contribution de Jean Omasombo Tshonda sur la jeunesse de Lumumba aux pages 29-41 du catalogue et la publication de J. Omasombo Tshonda et B. Verhaegen, « Patrice Lumumba. Jeunesse et apprentissage politique. 1925-1956 », Cahiers africains, n° 33-34, Tervuren, Paris, 1998.
  • [12]
    J.-L. Vellut, « Une exécution publique à Élisabethville (20 sept. 1922). Notes sur la pratique de la peine capitale dans l’histoire coloniale du Congo », in B. Jewsiewicki (dir.), Art pictural zaïrois, op. cit., pp. 171-222.
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