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Article de revue

Usages scientifiques de « la crise » de 2008 et suite

Le cas des European Studies

Pages 124 à 151

Notes

  • [1]
    Nous reviendrons sur ces revues plus loin. Les organisations comprennent notamment l’University Association for Contemporary European Studies (initialement britannique mais désormais européenne avec plus de 1 000 adhérents), le Standing Group on the European Union de l’European Consortium for Political Research (ECPR) and the European Union Studies Association (EUSA, près de 1 000 adhérents) basée aux États-Unis.
  • [2]
    Ce corpus a été constitué en deux étapes. Le premier a consisté à lire l’ensemble des titres et/ou des abstracts apparus dans ces quatre revues pendant la période analysée. Le critère de sélection utilisé a tout simplement été la mention de « la crise » ou de « la situation économique » de l’Europe depuis 2008. Ce tri initial a permis d’établir une liste de textes qui, dans un deuxième temps, ont fait l’objet d’une lecture complète. Listés en annexe I, les 61 articles retenus ainsi abordent tous les causes ou les effets de « la crise ».
  • [3]
    Cette production modeste contraste avec celle pléthorique des commentateurs divers qui publient dans les journaux comme le Financial Times ou le Wall Street Journal. Notons aussi que certains chercheurs bien connus, tel que Wolfgang Streeck, ont préféré publier leurs analyses de la crise ailleurs, par exemple dans la New Left Review. Sur ces points voir l’introduction générale de ce numéro.
  • [4]
    Ce résultat de recherche pourrait utilement être complété par une analyse de la présence des représentants de la BCE et de la Commission dans les colloques organisés par les instances citées dans la note 1. À titre anecdotique, au congrès de l’EUSA à Baltimore en avril 2013 nous avons assisté à un panel très étrange sur la régulation du secteur financier. Pendant cette séance de travail, un agent de la BCE s’est permis de corriger à la fois les intervenants et les participants qui posaient les questions de la salle !
  • [5]
    W. Buiter et E. Rahbari de la société Citigroup (Londres) : « The ECB as leader of last resort for sovereigns in the Eurozone », p. 6-35 ; D. Gros du Centre for policy studies (CEPS, Bruxelles) : « On the stability of public deficits in a monetary union » (p. 36-48).
  • [6]
    Comme celles d’autres domaines interdisciplinaires, les revues des European Studies ne sont pas les supports de publication les mieux cotés au sein des disciplines comme l’économie ou même la science politique. Lorsqu’on rajoute que les questions économiques intéressent de près seulement une minorité des spécialistes de l’UE, on saisit mieux le caractère relativement périphérique des écrits et des chercheurs étudiés ici.
  • [7]
    Ces chiffres agrègent les informations de l’annexe I. La catégorie « autres approches » comprend : le néo-fonctionnalisme, l’intergouvernementalisme déliberatif, l’européanisation, les communautés de politique publique, l’analyse du discours, la théorie politique, le néo-fonctionnalisme et l’intergouvernementalisme.
  • [8]
    Par exemple, les consultants du cabinet Assonime (JCMS, 2009, p. 992) affirment qu’il y a « no need for intensive regulatory measures constraining non-bank intermediaries and innovative financial instruments ».
  • [9]
    De même, lorsqu’un auteur comme Hodson (JEI, 2013) répond négativement à la question « est-ce que la Commission a fait preuve “d’entrepreneuriat” pendant la crise ? », il justifie ce « résultat de recherche » uniquement en raison des « obstacles structurels » (les marchés financiers, la dette) et des « préférences nationales fortes ».
  • [10]
    Sur la différence entre ces deux manières d’enquêter par voie d’entretien, voir Pinson et Sala Pala (2007).
  • [11]
    Comme notre recherche sur la politique viticole européenne permet de le souligner, les DG de la Commission n’ont pas toujours ni les budgets propres, ni la volonté de commanditer les études académiques pour préparer ou pour légitimer leurs priorités politiques (Itçaina, Roger et Smith, 2014, chap. 3).

1 Comme nous le savons tous, les difficultés économiques intervenues depuis 2008 ont provoqué une activité politique intense dans l’ensemble des pays européens et à l’échelle de l’Union européenne (UE) elle-même. En effet, au-delà des controverses autour des instruments d’action publique à mettre en place pour améliorer la situation socio-économique, « la crise » n’a cessé d’être convoquée par les acteurs et les commentateurs afin de recalibrer le pouvoir et la légitimité des instances localisées aux échelles nationale et communautaire. Face à cette activité politique soutenue marquée par des discours et des actions « à chaud », comment s’est positionnée la recherche académique, c’est-à-dire la profession censée générer plus sereinement et plus scientifiquement les connaissances sur le monde ? Cet article cherche à répondre partiellement à cette grosse question en analysant les interprétations de la récession publiées par le « tout petit monde » des spécialistes académiques de l’UE connu généralement sous le nom des European Studies. Structurée notamment par des revues et des organisations nationales, européennes et transatlantiques [1], cette « Académie européenne » (Robert et Vauchez, 2010) regroupe essentiellement l’ensemble des enseignants et des chercheurs universitaires spécialisés dans l’étude de l’intégration européenne en Europe et en Amérique du Nord (Popa, 2007). Même s’il est relativement peu important comparé à la globalité des chercheurs en sciences sociales dans ces pays, cet ensemble de spécialistes tend fortement à monopoliser les recherches et les publications sur l’UE qui se présentent comme scientifiques. Le deuxième intérêt de délimiter notre objet d’étude aux European Studies est qu’il a déjà fait l’objet d’analyses et de débats approfondis qui ont produit des hypothèses fortes qui méritent d’être vérifiées et actualisées suite aux événements des cinq dernières années. En particulier, Cécile Robert et Antoine Vauchez ont conclu qu’un grand nombre des chercheurs des European Studies ont contribué à « une coproduction politico-académique des catégories de perception et de compréhension » de l’intégration européenne (2010, p. 11). Ce faisant, ce champ d’études a participé à la génération des « formes d’entendement » qui, comme l’ajoute Didier Georgakakis, sont « les récits communs (qui) ne sont pas naturels mais le produit d’entreprises qui associent des réseaux souvent assez larges » (2008, p. 56). Partant de cette hypothèse centrale, C. Robert et A. Vauchez ont ensuite proposé deux sous-hypothèses explicatives :

2 H1 : Il existe « une dépendance réciproque » entre les acteurs partisans de davantage d’intégration européenne (notamment à la Commission) et la plupart des chercheurs des European Studies. Ces derniers proposent leur expertise et la légitimité scientifique en échange de financements de recherche et de gratifications symboliques (Robert et Vauchez, 2010, p. 25, 29). Cette dépendance explique largement l’importance de la place accordée dans cette partie de l’Académie aux praticiens et à leur logique de prescription (p. 22).

3 H2 : Les European Studies ont connu une « dynamique de développement endogène ». Plus exactement, elles sont devenues « un sous-champ académique partiellement autonomisé, disposant de ses propres modèles d’excellence professionnelle, et dans lequel, notamment à travers les controverses théoriques et concurrences disciplinaires qui s’y déploient, s’élabore une approche commune du fait communautaire ». Cette approche commune est celle de la science politique américaine qui, depuis les années 1980, a largement remplacé le droit comme mode de compréhension de l’UE et de l’intégration européenne (p. 22-23).

4 Fondé sur un recensement complet des quatre revues principales de ce champ académique en langue anglaise (Journal of Common Market Studies [JCMS], Journal of European Public Policy [JEPP], Journal of European Integration [JEI – et West European Politics [WEP]) [2], cet article revisite ces hypothèses autour de la question empirique de comment les European Studies ont décrit et décrypté « la crise » actuelle. Après avoir inventorié ce qui a été publié et par qui, il s’agira ensuite de présenter les approches récurrentes trouvées, ainsi que leurs effets en termes de compréhension de la situation socio-économique et politique de l’Europe contemporaine. En suivant ce cheminement nous confirmerons qu’une partie des European Studies demeure ancrée dans une logique de prescription et de développement endogène. Nous validerons aussi l’hypothèse que ce champ, ou plus exactement les revues analysées ici, ont une proximité certaine avec les normes dominantes dans la science politique américaine. Pour autant, les jeux de dépendance réciproque entre « les académiques européanistes » et le monde de l’action ressortent comme étant plus subtils que ceux décrits par C. Robert et A. Vauchez. Dans ce cas-ci, ils ne découlent pas d’échanges de financement ou de la fabrication d’analyses communément défendues. Ici ce rapport s’entretient davantage par le fait que les chercheurs qui dominent ce champ occultent systématiquement les prises de vue sur l’économie et les possibilités d’action politique hétérodoxes. Plus au fond, l’absence dans les European studies d’approches qui mettent en cause l’inévitabilité d’un capitalisme financier peu régulé, s’explique notamment par l’affaiblissement de l’économie politique au sein de la science politique contemporaine.

Les publications et leurs auteurs

Une production fort modeste

5 En constituant le corpus d’articles traité ici, nous avons tout de suite constaté le très faible nombre de publications qui abordent la situation économique récente [3]. Entre janvier 2009 et juillet 2013, les quatre revues analysées ont publié pas moins de 1071 articles. Toutefois, seulement 61 d’entre eux (soit 5,7 %) abordent de près ou de loin la situation économique européenne contemporaine. Certes, comme le précise le tableau 1, ces quatre revues se différencient quelque peu sur ce plan. Par exemple, WEP n’a publié que 3 textes sur le thème qui nous intéresse ici, alors que presque 10 % des articles parus dans JCMS et dans JEI depuis 2009 l’ont au moins évoqué. Tout de même, la quantité globale de publications que nous analysons ici demeure très basse.

6 Bien entendu, ce faible taux de traitement de la récession peut se justifier par les arguments scientifiques. On pourrait même conclure que le fait que les European Studies « ne collent pas à l’actualité » soit un indicateur de leur scientificité. Dans un esprit similaire, on pourrait aussi souligner que de véritables articles analytiques doivent se baser sur les programmes de recherche qui, pour ce qui concerne « la crise », n’auraient pas été lancés avant au moins 2010 et qui, par conséquent, ne fourniront des résultats publiables qu’au cours des mois qui viennent. Toutefois, et comme nous le verrons de plus près par la suite, ces critères de scientificité n’ont pas souvent été appliqués aux travaux sur la situation économique récente qui ont cependant trouvé grâce aux yeux des responsables de JCMS, de JEI et de JEPP. En effet, il importe de souligner que ces trois revues ont cherché à construire l’offre des articles sur « la crise » à travers la publication de cinq numéros spéciaux qui totalisent pas moins de 28 des textes de notre corpus. D’ailleurs, du moins pour les 4 numéros publiés par JCMS et JEI, les exigences scientifiques imposées aux auteurs concernés semblent avoir été particulièrement faibles.

7 Cela étant dit, si l’on veut vraiment comprendre pourquoi si peu d’articles abordant la récession actuelle ont été publiés par les revues des European Studies, il importe de revisiter et de compléter l’hypothèse de C. Robert et A. Vauchez (2010) concernant l’emprise croissante de la science politique au sein de ce champ. En parcourant WEP, JEI et JEPP la domination de ces revues par les politistes est en effet manifeste. Aujourd’hui, on n’y retrouve presque plus d’écrits des juristes « communautaires » qui, dans les années 1950-1980, avaient été omniprésents dans l’étude de l’intégration européenne. Plus au fond, ces revues sont dominées par un type de science politique concentré sur les organisations de l’Union européenne, les arrangements constitutionnels et, dans une moindre mesure, les politiques publiques communautaires. En revanche on n’y retrouve presque aucune trace des analyses en économie politique (political economy), sans parler de celles qui relèvent de la sociologie économique.

Tableau 1

« La crise » dans les revues des European Studies West European Politics

Année Articles Dont analyses de « la crise » Numéros spéciaux
2009 60 0 0
2010 65 0 0
2011 54 1 0
2012 62 0 0
2013 37 2 0
Total 278 3 0
figure im1

« La crise » dans les revues des European Studies West European Politics

Journal of European Integration

Année Articles Dont analyses de « la crise » Numéros spéciaux
2009 39 0 0
2010 36 3 1
2011 44 1 0
2012 46 4 0
2013 29 12 1
Total 194 20 2
figure im2

Journal of European Integration

Journal of European Public Policy

Année Articles Dont analyses de « la crise » Numéros spéciaux
2009 66 1 1
2010 65 0
2011 63 2
2012 71 8
2013 66 1
Total 331 12 1
figure im3

Journal of European Public Policy

Journal of Common Market Studies

Année Articles Dont analyses de « la crise » Numéros spéciaux
2009 45 9 1
2010 57 1
2011 57 3
2012 65 9 1
2013 44 4
Total 268 26 2
figure im4

Journal of Common Market Studies

Totaux 1071 61 5
% 5.7 %
figure im5

8 Au contraire, lorsque ces revues ouvrent leurs pages aux spécialistes de l’activité économique (comme JCMS le fait relativement souvent), c’est uniquement pour y faire entrer des représentants de l’économie néoclassique. Or, en manipulant les concepts (offre, demande, équilibre) et les théories (notamment celle des jeux) qui présupposent les intérêts des acteurs, les partisans de cette théorie qui se situe aux antipodes d’une approche interdisciplinaire accordent une place importante à l’analyse politique. Bien entendu, les faiblesses de la science politique contemporaine à l’égard de l’économie politique ne se limitent pas aux seules European Studies. Comme en témoignent les derniers congrès de l’Association française de science politique (2 sections thématiques sur 66 sur les questions économiques) ou de l’European Consortium for Political Research (15 panels sur 450), de nos jours la science politique dans son ensemble a très largement délégué l’étude de l’activité économique et de son gouvernement aux économistes et aux sociologues. Il n’en reste pas moins que les European Studies sont particulièrement représentatives de cette tendance lourde et néfaste (Lebaron, 2000 ; Hay, 2013) au sein des sciences sociales contemporaines.

Des producteurs bien particuliers

9 Qui a donc produit les articles sur « la crise » rassemblés dans notre corpus ? Le tableau 2 donne une première réponse à cette question en distinguant les 95 auteurs concernés selon leur lieu de travail principal. Ces lieux peuvent d’abord être interprétés nationalement. Cette entrée en matière révèle notamment qu’un quart des auteurs (22 au total) exercent leur métier au Royaume-Uni, tandis que plus d’un sur dix (11) le font aux États-Unis. Étant donné que les quatre revues étudiées sont en langue anglaise et sont basées en Angleterre, ce résultat est peu surprenant. Même si une partie de ces auteurs ne sont pas forcément britanniques ou américains, ces chiffres confirment néanmoins que pour ce qui concerne les traitements de « la crise », les European Studies comportent bien un biais contre la prise de parole par les chercheurs travaillant en Europe continentale (qui ne sont que 37 sur 95).

Tableau 2

Le lieu de travail des auteurs

Pays ou type d’organisation Nombre Lieux dominants
Grande-Bretagne 22 LSE (4), Londres (6), Cardiff (3),
York (1), Sussex (3),
Edimbourg (4), Warwick (1)
États-Unis 11 Princeton (2), Berkeley (2),
Boston (1), Oklahoma (1),
Alabama (1), Scripps college (1),
George Mason (1), Temple (1),
USC (1)
Pays-Bas 6 Erasmus (1), Amsterdam (3),
Maastricht (1), Tilburg (1)
France 6 Pau (1), Sciences Po Paris (3),
Paris 1 (2), Paris 8 (1)
Allemagne 5 Berlin (2), Konstanz (1),
Dresde (2)
Canada 5 Waterloo (1), Victoria (1),
Toronto (2), Ottawa (1)
Danemark 4 Copenhagen (4)
Italie 3 Trento (1), John Hopkins Bologne (1), CNR (1)
Hongrie 3 CEU (3)
Portugal 3 Porto (2), Mino (1)
Luxembourg 2 Luxembourg (2)
Espagne 1 Madrid
Belgique 1 Louvain
Lituanie 1 Vilnius
Nouvelle Zélande 1 Auckland
I.U.E. 1
Collège d’Europe 1
Banque centrale européenne 11
Bureaux de consultants 5 Assonime (2), CEPS (1),
ÒHalle Institute for economics (2)
La Commission européenne 2 DG ECFIN (2)
ONG 1 Notre Europe
Total 95
figure im6

Le lieu de travail des auteurs

10 Par ailleurs, il est tout aussi intéressant de constater la forte présence des praticiens dans notre corpus. À 20 sur 95, ce chiffre vient conforter l’hypothèse explicative n° 1 de C. Robert et A. Vauchez concernant la proximité importante entre les European Studies et les praticiens de l’UE. Étant donné l’objet de notre inventaire, il est encore plus important de souligner la forte présence des agents de la Banque centrale européenne (BCE) – 11/95 – et de consultants privés (5) dans les publications à caractère académique sur « la crise ». Si l’on peut comprendre qu’une revue comme JCMS accepte de publier le point de vue d’un ancien président de la Commission (Jacques Delors) sur ce thème, on saisit moins facilement pourquoi les rédacteurs en chef ouvrent leurs pages à des auteurs qui, en mimant les pratiques d’universitaires (concepts « théoriques », références bibliographiques), cherchent tous à défendre les positions prises et les priorités affichées de leur organisation respective. Autrement dit, si on a trouvé quasiment aucune preuve que les universitaires de notre corpus ont bénéficié de crédits européens pour faire leurs recherches respectives, du moins pour ce qui concerne les questions monétaires et financières, les revues dominantes des European Studies n’ont aucun scrupule à servir de plateformes pour l’amplification des prises de position officielles [4]. D’ailleurs, pour ce qui concerne JCMS, cette tendance lourde se creuse autour d’un instrument éditorial qui lui est spécifique : ses Annual Review of the European Union. Par souci de comparabilité avec les trois autres revues traitées ici, nous n’avons pas comptabilisé les écrits dans ces Reviews comme le reste des articles de JCMS. Toutefois, il importe de souligner que ceux-ci sont vendus comme des suppléments réguliers et, surtout, que beaucoup d’enseignants en font un usage considérable lors de l’actualisation de leurs cours sur l’UE. Outre les informations factuelles qu’on y retrouve (dates, législations, statistiques.), chaque Annual Review comporte deux types d’article qui sont intéressants pour notre propos. Le premier concerne les tribunes accordées soit à des universités renommées (« les big names »), soit à des praticiens. Or, il est loin d’être anodin que dans l’édition de 2009 est apparu un article sous la plume du président de la BCE de l’époque, Jean-Claude Trichet, intitulé « State of the Union : The Financial Crisis and the ECB’s response 2007-2009 » (p. 7-20). On note aussi que dans son édition de 2011 les rédacteurs en chef de l’Annual Review ont également bien voulu publier deux longs articles écrits par des consultants privés [5].

11 En plus de ces tribunes, les Annual Reviews du JCMS publient aussi des articles sous les rubriques reproduites d’année en année et, notamment pour ce qui nous intéresse, les trois suivantes : « Internal Market », « The EU economy : the Euro Area » et « The EU economy : Member states outside the Euro Area ». Ici nous retrouvons une autre caractéristique qui ressort de notre corpus concernant le phénomène des auteurs qui sont les « joueurs à répétition » (repeat players). Dermot Hodson de l’Université de Londres a non seulement publié quatre articles recensés dans notre annexe I, mais il est également l’auteur des textes de l’Annual Review concernant l’Eurozone, et ceci depuis (au moins) 2009. De manière similaire, David Howarth (anciennement de l’Université d’Edimbourg mais depuis deux ans à celle du Luxembourg) apparaît trois fois dans notre corpus et co-écrit avec James Buckley (ancien assistant d’un parlementaire européen) la rubrique « Internal Market » de l’Annual Review. Qui plus est, fort de sa spécialisation sur les questions financières, depuis 2009 D. Howarth a réduit tous commentaires sur les affaires de marché intérieur dans l’Union au simple suivi des dossiers liés à la réglementation du monde de la finance. Nous reviendrons plus loin sur les conséquences analytiques de cette tendance récurrente, mais force est de constater ici qu’elle passe en partie par les actions d’un seul universitaire et de son réseau de collaborateurs. En effet, un des membres de ce réseau est Lucia Quaglia (d’abord de l’Université de Sussex puis de celle de York) qui a publié pas moins de quatre articles de notre corpus sur « la crise ». Tout comme D. Howarth, L. Quaglia est une spécialiste de la réglementation qui concerne les services financiers. Peu surprenant alors qu’en 2011 elle devienne co-auteur avec D. Howarth et J. Buckley de la rubrique « Internal Market » de l’Annual Review, renforçant ainsi son prisme « financier » sur l’activité économique dans l’Union.

12 Bien entendu, ces phénomènes de repeat player et le caractère tentaculaire de leur influence dans un champ d’étude ne se limitent point aux European Studies. Comme la sociologie de la science ne cesse de le montrer (Clegg, 1992 ; Tournadre-Planq, 2008), une des caractéristiques de la recherche universitaire, notamment en sciences sociales, est que chaque chercheur dispose d’une liberté importante pour gérer sa stratégie de publication et ses réseaux professionnels. Mais ce qui nous intéresse davantage ici est le rôle que peuvent jouer les responsables des revues, en premier lieu les rédacteurs en chef mais aussi les comités de rédaction. À bien des égards, ces universitaires peuvent être vus comme les gardiens, voire les « gardes barrières » (gatekeepers), de la ligne éditoriale de la revue et de son positionnement dans son champ académique. Il nous manque de solides données sur cette question pour ce qui concerne les European Studies. Mais nous pouvons faire l’hypothèse que du moins dans le cas des traitements de « la crise », les responsables de nos quatre revues n’ont pas su ou voulu contester l’expertise et la légitimité des spécialistes « de l’économie » déjà reconnus dans ce champ (ex. Hodson, Howarth, Quaglia mais aussi Dyson).

Approches dominantes et prises de vue occultées

13 Si, comme nous venons de voir, il y a des barrières à l’entrée à l’analyse de « la crise » au sein des European Studies, il importe néanmoins de ne pas limiter ce phénomène à une affaire de carrières, de réseaux et de responsables de revues complaisants. Si certains individus réussissent à atteindre une position favorable dans un champ académique c’est aussi parce qu’ils mobilisent les théories et les méthodes de recherche qui s’articulent aisément avec les conventions dominantes du champ. C’est la raison pour laquelle il importe désormais d’examiner de plus près le contenu des articles de notre corpus afin d’y identifier les approches de recherche dominantes, puis celles qui s’y trouvent dominées ou tout simplement ignorées. Par cette voie nous cherchons non seulement à actualiser l’analyse des concurrences théoriques concernant l’intégration économique européenne, mais aussi et surtout celle des traits du champ des European Studies qui font que bien des spécialistes de l’économie politique choisissent volontairement de ne pas l’investir [6].

Les approches dominantes : les déterminismes en concurrence

14 Même si des clivages certains séparent les trois approches qui dominent les écrits de notre corpus – le déterminisme matériel, l’institutionnalisme rationaliste et l’institutionnalisme historique- toutes les trois partagent un même postulat : l’activité économique est déterminée par les « facteurs » et les « intérêts » structurels qui s’imposent aux décideurs politiques. Comme souvent dans les European Studies, ces postulats et leurs théories associées sont rarement explicités par les auteurs eux-mêmes (voir le tableau 3). Mais ici, comme bien ailleurs, les théories implicites tirent justement une partie de leur puissance du fait qu’elles sont traitées comme des évidences, voire comme du « sens commun » qu’il serait ridicule de contester.

Tableau 3

Les approches dominantes de « la crise »

Approche Sous-totaux Totaux
Institutionnalisme historique explicite 12,5
Institutionnalisme historique implicite 3 15,5
Institutionnalisme rationnaliste explicite 5,5
Institutionnalisme rationnaliste implicite 8 13,5
Déterminisme matériel 14 14
Redescription formelle 8 8
Institutionnalisme sociologique 2 2
Autres approches 9 9
Total 61
figure im7

Les approches dominantes de « la crise »

[7]

15 Commençons par l’approche déterministe la plus simple à exposer, celle justement du déterminisme matériel. Mise à part Bruno Amable, Elvire Guillaud et Stefano Palombarini (JEPP, 2012) et peut-être Jacques Le Cacheux, l’ensemble des économistes auto-déclarés dans notre corpus (Begg, les agents de la BCE et de la Commission, les consultants) s’inscrivent le plus clairement dans une approche néoclassique de l’économie. Celle-ci postule que les économies nationales se structurent autour de flux et donc de chiffres qui, en s’agrégeant, produisent des unités de mesure et de jugement « naturelles » comme « la dette », « l’équilibre macroéconomique » et « les risques souverains ». Il s’ensuit que « la crise » est attribuée directement aux effets en chaîne de l’effondrement du système américain de prêts « sub prime », ainsi qu’aux faillites de banques qui l’ont suivi, à partir de mi-2007. La thèse centrale des déterministes matériels est que « la crise » a été un choc exogène qui a ensuite révélé des faiblesses structurelles dans les économies nationales d’une majeure partie de l’UE, notamment de ses adhérents du Sud. Plus exactement, ces faiblesses sont attribuées à l’accumulation d’année en année de dépenses publiques excessives, à la pénalisation des entreprises européennes par les salaires et les charges sociales trop élevées et aux interventions « néfastes » des pouvoirs publics dans l’économie [8]. Bref, nous retrouvons très largement ici le crédo néolibéral que la plupart des économistes véhiculent depuis au moins les années 1980 (Lebaron, 2000).

16 Toutefois, si des argumentaires en termes de déterminants matériels ont du poids au sein des European Studies, c’est aussi parce qu’ils sont vulgarisés et diffusés par toute une tranche de politistes qui, sans formules mathématiques, traduisent ce propos dans un langage plus digeste et accessible. Ici nous retrouvons une alliance implicite entre le déterminisme matériel et les écrits dans notre corpus qui sont au fond de simples redescriptions formelles des récits de la crise déjà publiés par les gouvernements nationaux et la Commission européenne. C’est notamment le cas de Keith Featherstone (JCMS, 2011), pourtant un spécialiste reconnu de la Grèce, qui se contente de répéter la litanie de « facteurs négatifs » (corruption, système fiscal incomplet, etc.) qui, selon lui, marquent ce pays, une liste qui aurait plus sa place dans un rapport du Fonds monétaire international que dans un article scientifique. Mais il importe de souligner qu’une telle absence de distance critique par rapport à la parole officielle marque bien d’autres textes de notre corpus, une absence qui, par ailleurs, renvoie tôt ou tard à du soutien tacite pour le déterminisme matériel et l’économie néoclassique.

17 Au premier abord, une deuxième approche récurrente de « la crise » dans les European Studies, celle de l’institutionnalisme rationaliste (IR), en propose une lecture sensiblement différente de celle des déterministes matériels. Comme l’ont précisé Peter Hall et Rosemary Taylor (1996) dans leur présentation classique des institutionnalismes, le postulat de base des partisans de l’IR est que l’ensemble des faits sociaux sont structurés par les institutions comprises ici comme les règles. Généralement codifiées dans le droit et, en cas de transgression, sanctionnées par les pouvoirs publics, les institutions des tenants de l’IR contraignent les intérêts, les préférences et donc le comportement des agents sociaux, et ceci que ce soit les individus, les organisations ou les entreprises. Dans le cas des analyses de « la crise » effectuées dans cette perspective (eg. Howarth, Chang, Mügge) il s’ensuit que l’on s’intéresse à la manière dont les législations communautaires ont, ou n’ont pas, pesé sur le comportement des banques, d’autres acteurs financiers (notamment les hedge funds) et les États européens. Plus exactement, la question généralement posée est de savoir quels sont les intérêts organisés qui sont pour ou contre des législations européennes dans le domaine de la finance ? Nonobstant l’intérêt informationnel de certains des textes publiés dans cet esprit, l’IR qui les inspire plus ou moins explicitement conduit toujours leurs auteurs à imaginer « en chambre » l’intérêt des acteurs qu’ils analysent plutôt que d’effectuer des recherches originales sur la construction de tels intérêts [9]. Ce faisant, ce courant de recherche non seulement réduit excessivement le concept d’institution (en occultant les normes et les conventions), mais il finit par épouser le déterminisme matériel présenté plus haut en accordant un statut intouchable aux chiffres et aux flux véhiculés par les protagonistes étudiés. En effet, comme le démontre Craig Parsons (2007), l’ironie de l’histoire est que tout en prétendant accorder une place privilégiée aux acteurs individuels, l’IR se base sur une ontologie du pouvoir et du politique dérivée d’un déterminisme matériel très proche de celui des marxistes. Inutile de dire que cette ironie échappe très largement à un nombre important de chercheurs dans les European Studies travaillant sur la crise qui, faute d’avoir été formés à clarifier et à préciser leur propre ontologie du pouvoir, s’inscrivent dans l’IR par défaut et sans le savoir.

18 La troisième et dernière approche récurrente de « la crise » dans notre corpus – celle de l’institutionnalisme historique (IH) – prétend rompre clairement avec le déterminisme matériel en insistant surtout sur la sédimentation des règles, et donc du comportement attendu, hérité du passé. Dans notre corpus, cette perspective théorique structure deux types d’analyse de « la crise ». Tout d’abord, plusieurs auteurs (ex. Schmidt, Dyson, Gocaj et Meunier, Fetzer, Jackson et Deeg) analysent « la crise » et son traitement politique en fonction des « variétés de capitalisme » national typologisées par deux « papes » de l’IH, Peter Hall et David Soskice (2001). À la différence d’un IR centré davantage sur les effets de règles précises, l’IH met davantage l’accent sur les configurations d’institutions qui, en générant des « complémentarités institutionnelles », se sont stabilisées en Europe et en Amérique du Nord sous la forme de types de capitalisme, voire de cultures. C’est dans cet esprit, par exemple que Vivien Schmidt (JEI, 2012) cherche à savoir si « la crise » a déstabilisé le clivage majeur qu’elle considère séparer les pays européens structurés par les institutions et les croyances fondées sur « le pragmatisme et le marché », d’une part, des pays structurés par une approche de l’UE comme une « communauté de valeurs », d’autre part. Comme si souvent, le grand danger de cet usage de l’IH est qu’il tend fortement à conduire la recherche non seulement à faire perdurer le mythe que les États membres de l’Union sont des blocs monolithiques relativement statiques, mais aussi d’occulter les institutions et les pratiques du gouvernement de l’Union européenne elle-même (Jullien et Smith, 2014).

19 C’est ici qu’un deuxième usage de l’IH pour analyser « la crise » s’avère à la fois plus stimulant et plus frustrant. Exemplifiée par les écrits de L. Quaglia, cette démarche consiste à suivre sur une période relativement longue le développement de règles communautaires concernant différents aspects du gouvernement européen de l’économie (ex. l’encadrement juridique des hedge funds, des échanges inter-bancaires, ou des comités d’entreprise). Contrairement à la première variante d’IH braquée sur le concept de Variétés de capitalisme, celle-ci nous fait rentrer dans le jeu inter-organisationnel qui oppose, par exemple, différentes directions générales de la Commission, ministères nationaux ou groupes d’intérêts patronaux. De plus, à la différence des tenants de l’IR, on accepte et met en avant le postulat constructiviste que l’intérêt de l’ensemble des acteurs étudiés n’est jamais une évidence et que, par conséquent, il doit être révélé par la recherche empirique. Enfin, et pour ce faire, les auteurs comme L. Quaglia effectue les entretiens avec les protagonistes analysés. Pour autant, ce matériel empirique est toujours traité comme une simple information et jamais comme un récit sur la pratique qu’il convient de décortiquer et d’objectiver [10]. Il n’est guère surprenant alors que les thèses développées même par ces partisans-là de l’IH finissent par réifier la parole officielle et par reconduire une ontologie finalement assez déterministe du politique. C’est-à-dire, à force de prendre la parole des acteurs sur « l’inévitabilité » de leurs actes comme une vérité unique, ce courant de recherche réduit automatiquement la marge de manœuvre qui, objectivement, leur était possible.

Les approches dominées ou absentes : la contingence refoulée

20 En inspirant pas moins de 54 des 61 articles de notre corpus, les versions du déterminisme que nous venons d’exposer conduisent toutes à naturaliser des représentations de « la crise » qui, pourtant, n’ont rien de « naturel » ou d’inéluctable. La plupart de ces écrits confirment aussi qu’il existe une grande proximité entre ces spécialistes des « questions économiques » dans European Studies, les responsables d’au moins deux revues influentes (JEI et JCMS) et les praticiens les plus puissants de l’UE. La question qui demeure est celle de savoir quelles analyses de « la crise » n’ont pas eu droit au chapitre au sein de ce champ d’étude et pourquoi ? Sans accéder aux processus de décision des quatre revues étudiées ici, ni à ceux des auteurs d’analyses alternatives qui les ont publiées ailleurs, nous ne pouvons pas répondre directement à cette question. En revanche, et en s’appuyant sur notre propre investissement dans l’économie politique depuis une dizaine d’années, nous pouvons au moins mettre en lumière trois « trous » dans notre corpus qui renvoient tous à une tendance forte au sein des European Studies, celle qui consiste à refouler les analyses de la contingence économique et politique pour les raisons autant méthodologiques que théoriques. Chacun de ces « trous » agit aussi comme un élément susceptible de dissuader un grand nombre de spécialistes de l’économie politique et de la sociologie économique de publier dans les revues « européanistes ».

21 Le premier « trou » constaté dans notre corpus concerne la conceptualisation des institutions qui prédominent au sein des écrits sur « la crise » dans les revues des European Studies. Comme nous avons commencé à le voir plus haut, le concept y est soit réduit aux règles juridiques (la version IR), soit aux règles juridiques et de politique publique (la version IH). Dans les deux cas, et contrairement à tout ce qu’a démontré la « nouvelle » économie sociologique depuis une vingtaine d’années (Francois, 2011), l’importance des normes nonjuridicisées, des conventions et du rapport entre la règle et la pratique est complètement occultée. Au contraire, et à l’instar d’un livre souvent cité de Wolfgang Streeck et Kathleen Thelen (2005) qui a beaucoup fait pour faire replier l’IH sur une analyse en termes de règles formelles, l’institutionnalisme pratiqué dans les textes sur la crise analysés ici ignore presque totalement cet acquis des sociologues. Or, comme le souligne Pepper Culpepper, « If these institutions matter most for the functioning of political economies, then not only are Streeck and Thelen wrong to conflate politics with formal institutions, but empirical enquiry inspired by their approach will fail even to examine the institutions that matter most for actual changes in political economies » (2011, p. 13). Dit plus positivement, si on veut générer des connaissances plus approfondies sur les causes et les conséquences de la situation économique depuis 2008, il faut au minimum étudier de plus près les moments où d’autres institutions auraient pu se développer, ainsi qu’une palette plus large d’acteurs, et notamment les directions des grandes firmes, qui ont sans doute eu un impact sur les choix effectués en faisant évoluer et en cherchant à consolider leurs pratiques.

22 Ce premier « trou » dans l’analyse européaniste de « la crise » renvoie à un deuxième concernant la définition même de l’activité économique qu’elle utilise et véhicule. Pas moins de 49 des 61 articles dans notre corpus sont centrés sur les phénomènes monétaires (25), les secteurs financiers et bancaires (20) ou la fiscalité (4). S’il va de soit que la monnaie, la finance et la fiscalité sont en effet des éléments centraux des économies, elles sont très loin de monopoliser leurs orientations commerciales et politiques. En effet, une partie nonnégligeable des économistes hétérodoxes (Jullien, 2011) considère qu’il est salutaire de rappeler que l’économie est d’abord structurée par les industries « verticales » dont la régulation politique bénéficie généralement d’une autonomie importante. Certes, chacune de ces industries possède un « rapport institué » financier, tout comme elle en comporte toujours trois autres qui concernent l’emploi, l’approvisionnement et la commercialisation (Jullien et Smith, 2008). Mais le défi pour la recherche ne consiste pas à simplement redécrire les institutions du secteur financier dans tel ou tel pays ou telle échelle gouvernementale. Comme le fait P. Culpepper avec bonheur (2011), il s’agit plutôt de découvrir par voie d’enquêtes comparatives comment les institutions et les acteurs du secteur financier s’articulent avec leurs homologues dans les industries spécifiques. De même, la recherche sur les politiques monétaires avancerait d’un grand pas si on arrêtait d’aborder le gouvernement de la monnaie uniquement comme un phénomène hors-sol. Tout comme pour la finance, la monnaie a surtout un impact sur les pratiques commerciales et leur régulation politique par le truchement de sa réception dans les industries et des secteurs d’activité précis. Vus sous cet angle, les phénomènes de contingence, de choix et, par conséquent, du politique, deviennent empiriquement observables.

23 Cette prédilection dans les revues des European Studies pour un niveau d’analyse « macro » aux dépens du « méso » et du « micro » constitue, donc, une deuxième raison pour laquelle les spécialistes de l’économie politique et sociologique consacrent leurs efforts de publication ailleurs. Mais il va aussi de pair avec un troisième et dernier « trou » dans la littérature de ce champ qui concerne les origines profondes de la situation économique post 2008. Sans rentrer dans le détail d’une critique de la thèse de l’économie néoclassique déjà publiée par de nombreux auteurs plus compétents dans la matière que nous, on peut s’appuyer dessus pour rappeler à quel point les écrits de notre corpus épousent le récit orthodoxe de « la crise » actuelle : ses origines sont exogènes (dans le système des sub primes) mais révèlent les faiblesses endogènes (dépenses publiques et charges sociales excessives, « compétitivité » insuffisante). Or, comme le soulignent Colin Hay et Daniel Wincott (2012, p. 200 et s.), cette dichotomie exogène/endogène est terriblement réductrice. Premièrement, elle fait oublier que les problèmes autour de « bulles immobilières » existaient dans plusieurs pays européens bien avant 2007 et, surtout, que les politiques concernant ces crédits participaient pleinement aux modèles de croissance développés sur la base de l’économie néoclassique. Deuxièmement, cette dichotomie a fait propager la thèse que pour faire face à la crise, chaque système national d’État-providence européen devrait être réformé et réduit. Enfin, et plus fondamentalement, la distinction exogène/endogène contribue fortement à alimenter l’argument que « la globalisation » impose ses contraintes comme un rouleau compresseur qui ne laisse pas de marges de manœuvre aux dirigeants gouvernementaux et à l’action politique. Or, comme le dit C. Hay, « “There is no alternative” is never the description of an economic reality – it is a (typically mendacious) strategy of political legitimation » (2013, p. 4).

Conclusion

24 Tout comme A. Vauchez et C. Robert (2010), nous ne postulons pas de lien direct entre ce qui se raconte dans les revues scientifiques et le monde de l’action politique. Bien des écrits traités ici ne seront pas lus du tout. D’autres ne le seront que par les autres spécialistes du champ et, éventuellement, par leurs étudiants lors de la préparation de thèses, mémoires et exposés. Pour autant, il ne faut pas minimiser l’importance ni de l’usage des articles de revue dans l’enseignement, ni de leur impact plus direct chez les acteurs sociaux, économiques et politiques. Sur le premier plan, ce qui est enseigné à l’université a quand même une certaine influence, difficilement saisissable mais réelle, sur les personnes formées. Que ce soit les journalistes, les hauts-fonctionnaires, le personnel des ONG ou même les élus socioprofessionnels ou politiques, la plupart de ceux qui cherchent à agir sur la cité contemporaine sont passés par l’enseignement supérieur. Ensuite, une fois en poste, un certain nombre de ces personnes continuent à croiser des universitaires et les débats académiques lors des congrès ou, plus généralement, au cours de leur travail quotidien. Sans surestimer l’influence de la recherche, et à condition qu’il existe des « passeurs » entre l’université et le monde de l’action, on peut donc convenir avec C. Robert et A. Vauchez que les productions des European Studies analysées ici ont pu participer à forger « les formes d’entendement » (2010, p. 11) concernant les difficultés économiques qui se sont installées en Europe depuis 2008. Pour autant, il nous semblerait excessif dans ce cas-ci d’analyser le rapport académie-praticiens en termes de « coproduction » et de « dépendance mutuelle ». Premièrement, les textes analysés ici ont très rarement été le fruit d’études financées par les organes officiels comme la Commission européenne [11]. Deuxièmement, la plupart de leurs auteurs semblent plus intéressés par le fait de publier dans les revues à comité de lecture que de « rendre la pièce » aux représentants de l’UE. Certes, plusieurs textes de notre corpus sont explicitement normatifs et partisans d’une intégration européenne renforcée, tandis que les autres sont rarement critiques de l’action politique communautaire. Mais, aujourd’hui, ce dernier trait nous semble plus symptomatique d’un affadissement général des sciences sociales que de quelque chose de spécifique aux European Studies.

25 Cette première conclusion renvoie, bien entendu, à la deuxième hypothèse de C. Robert et A. Vauchez concernant l’autonomisation de ce champ d’étude du reste des sciences sociales. Pour ce qui concerne les analyses de « la crise », cette hypothèse se valide très largement puisque les articles traités ne font quasiment pas référence à des publications en dehors du champ. Mais, à nouveau, il importe d’aller plus loin pour interroger moins les défaillances des European Studies et davantage celles de l’économie politique contemporaine. Tout comme pour l’économie européenne et mondiale, ce n’est qu’en prenant les problèmes à la racine, c’est-à-dire en abordant de front leur structuration institutionnalisée, que la recherche avancera vers une production de connaissances plus approfondies et socialement utiles.


ANNEXE 1

Les articles d’European Studies évoquant la crise (2009-juillet 2013)

West European Politics Approche Institutionnalisme historique Institutionnalisme rationnaliste Institutionnalisme sociologique et rationnaliste Journal of European Integration Ontologie de « la crise » Déterminisme matériel Institutionnalisme historique Déterminisme matériel Institutionnalisme historique implicite
Titre de l’article The ‘old’ and ‘new’ political economy of hedge fund regulation in the European union A panacea for all times ? The German stability culture as strategic political resources Explaining policy responses to Danish and Irish banking failures during the financial crisis Titre de l’article Economic and social governance in the making : EU governance in flux Transverse integration in European economic governance : between unitary and differentiated integration How to herd cats : economic policy co-ordination in the Euro Zone in tough times Getting hedge funds regulation into the EU agenda : The constraints of Agenda dynamics
Auteur(s) et université(s) L. Quaglia (U. de Sussex) D. Howarth (U de Lux.) & C. Rommerskirchen (U. d’Edimbourg) M. Kluth & K. Lyngaard (U. de Copenhagen) Auteur(s) et université(s) I. Begg (LSE). K. Dyson (U de Cardiff) & M. Marcussen (U de Copenhagen) J. Le Cacheux (U de Pau) M. Moschella (U. de Trento, It.)
Référence 34 (4), p. 665-682, 2011 36 (4), p. 750-770, 2013 36 (4), p. 771-788, 2013 Référence 32 (1), p. 1-16, 2010 32 (1), p. 17-40, 2010 32 (1), p. 41-58, 2010 33 (3), p. 251-266, 2011
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Institutionnalisme historique (et ‘discursif’) Analyse de discours Redescription juridique Redescription formaliste Institutionnalisme historique Théorie politique Institutionnalisme historique Institutionnalisme historique Institutionnalisme rationaliste implicite (Principal-agent) Déterminisme matériel Institutionnalisme rationaliste et ‘strategic entrepreneurship’
European member states elites’ diverging visions of the EU : Diverging differently since the economic crisis and the Libyan intervention ? The limits of European integration Render unto Caesar : EU financial market regulation meets political accountability ‘Maastricht plus’ : Managing the logic of inherent imperfections Kicking the can down the road to more Europe ? Salvaging the Euro and the future of European Economic governance Sworn to grim necessity ? Imperfections of European economic governance, normative political theory and supreme emergency ‘Tough love’ : How the ECB’s monetary and financing prohibitions pushes deeper Euro area integration Time will tell : The EFSF, the ESM and the Euro Crisis Fiscal policy co-ordination and the future community method The politics of risk sharing : Fiscal federalism and the Greek debt crisis The little engine that wouldn’t : Supranational entrepreneurship and the Barroso Commission
V. Schmidt (U. de Boston) J-D. Medrano (U. de Madrid) N. Dorn (U. Erasmus, Pays Bas) K. Dyson (U. de Cardiff) G. Menz (U. de Londres) & M.P. Smith (U. d’Oklahoma) K. Dyson (U. de Cardiff) J. Ylangou, M. O’Keefe, G. Glöcker (la BCE) L. Gocaj & S. Meunier (U. de Princeton) M. Chang (Collège d’Europe) N. Zahariadis (U. d’Alabama) D. Hodson (U. de Londres)
34 (2), p. 169-190, 2012 34 (2), p. 191-204, 2012 34 (3), p. 205-221, 2012 34 (7), p. 791-808, 2012 35 (3), p. 195-206, 2013 35 (3), p. 207-222, 2013 35 (3), p. 223-237, 2013 35 (3), p. 239-253, 2013 35 (3), p. 255-259, 2013 35 (3), p. 271-285, 2013 35 (3), p. 301-14, 2013
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Institutionnalisme historique (implicite) Institutionnalisme rationnaliste Institutionnalisme rationaliste implicite (Principal-agent) Néo-fonctionnaliste et intergouvernementaliste Communautés de politique publique Journal of European Public Policy Ontologie de « la crise » Institutionnalisme historique implicite Institutionnalisme rationaliste implicite (Principal-agent) Deliberative intergovernmentalism Institutionnalisme historique et sociologique Institutionnalisme historique
Merged into one : Keystones of European Economic Governance, 1962-2012 Banking on stability : The political economy of new capital requirements in the EU Keeping the agents leashed : The EU’s external governance in the G20 Eurozone Crisis and European integration : Functional spillover, political spillback ? A wall around Europe ? The European regulatory responses to the Global Financial Crisis and the Turn in Transatlantic Relations. Titre de l’article EMU’s teenage challenge : what have we learned and what can we predict from political science ? The European presence in global financial governance : a principal-agent perspective Europe’s deliberative intergovernmentalism : the role of the Council and the European Council in EU economic governance Economic patriotism : reinventing control over open markets From nationalism to European patriotism ? Trade unions and the European works council at General Motors
D. Andrews (Scripps College, E.-U.) D. Howarth (U. de Lux) & L. Quaglia (U. de York, GB) C. Rommerstirchen (U. d’Edimbourg) R. Vilipisauskas (U. de Vilnius) S. Pagliari (U. de Waterloo, Ca.) Auteur(s) et université(s) H. Enderlein (U. de Berlin), A. Verdun (U. de Victoria, Ca.) D. Mügge (U. d’Amsterdam) Uwe Puetter (Central European university, Budapest) B. Clift (U. de Warwick) & C. Woll (CERI, Paris) T. Fetzer (Central European University, Budapest)
35 (3), p. 315-331, 2013 35 (3), p. 313-346, 2013 35 (3), p. 347-60, 2013 35 (3), p. 361-373, 2013 35 (4), p. 391-408, 2013 Référence 16 (4), p. 490-507, 2009 18 (3), p. 383-402, 2011 19 (2), p. 161-178, 2012 19 (3), p. 307-323, 2012 19 (3), p. 342-357, 2012
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Institutionnalisme rationnaliste (implicite) Institutionnalisme historique Institutionnalisme rationnaliste (implicite) Institutionnalisme historique Institutionnalisme historique Institutionnalisme rationnaliste Journal of Common Market Studies Ontologie de « la crise » Néo-fonctionnaliste Déterministe matériel Déterministe matériel
Fiscal governance in the euro area : institutions vs. rules Existential crisis, incremental response : the eurozone’s dual institutional evolution 2007 – 2011 Fiscal austerity and the trade-off between public investment and social spending The long-term trajectories of institutional change in European capitalism Changing French capitalism : political and systemic crises in France The political economy of Europeanized financial capital Titre de l’article European perspectives on the global financial crisis : introduction The old and new politics of international financial stability The global financial crisis : causes and cures
A. Hughes Hallet (George Mason, E-U) & S. Hougard Jensen (Copenhagen Business School) M. Salines (BCE), G. Glöcker (BCE) & Z. Truchlewski (CEU) C. Breunig (U. de Toronto) & M. Busemayer (U. de Konstanz) G. Jackson (U. de Berlin) & R. Deeg (Temple U., E.-U.) B. Amable, C. Guillaud (U. de Paris I) & S. Palombarini (U. de Paris 8) D. Mügge (U. d’Amsterdam) Auteur(s) et université(s) D. Hodson (L. de Londres) & L. Quaglia (U. de Sussex) L. Pauly (U. de Toronto) J. Carmassi & S. Micossi (Assonime) & D. Gros (CEPS)
19 (5), p. 646-664, 2012 19 (5), p. 665-681, 2012 19 (6), p. 921-938, 2012 19 (8), p. 1109-1125, 2012 19 (8), p. 1168-1187, 2012 20 (3), p. 458-470, 2013 Référence 47 (5), p. 939-953, 2009 47 (5), p. 955-975, 2009 47 (5), p. 977-996, 2009
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Institutionnalisme rationnaliste implicite Institutionnalisme rationnaliste implicite Institutionnalisme historique Europeanisation Institutionnalisme rationnaliste Déterministe matériel Description formaliste Description formaliste Institutionnalisme rationaliste (implicite) Déterminisme matériel (Econometrie néo-classique) Institutionnalisme sociologique Description formaliste
Did recent experience of a financial crisis help in coping with the current financial turmoil ? The case of the Nordic countries Die Krise but not la crise ? The financial crisis and the transformation of the German and French banking systems Uk economic policy and the global financial crisis : paradigm lost The ‘British Plan’ as a pace-setter : The Europeanization of banking rescue plans in the EU ? Output legitimacy and the global financial crisis : perceptions matter Regulation and supervision of financial intermediaries in the EU : The aftermath of the financial crisis How are the Eurosystem’s monetary policy decisions prepared ? A roadmap The Greek sovereign debt crisis and EMU European financial integration : finally the great leap forward ? Is the economic crisis impairing convergence in innovation performance across Europe ? European integration, nationalism and European identity Conclusion : A voyage to the unknown
D. Mayes (U. d’Auckland, N.Z.) I. Hardie & D. Howarth (U. d’Edimbourg) D. Hodson & D. Mabbett (U. de Londres) L. Quaglia (U. de Sussex) E. Jones (John Hopkins Bologna) I. Begg (LSE) A. Jung, F. Paolo Mongelli & Ph. Moutot (la BCE) K. Featherstone (LSE) E. Grossman (Sciences Po Paris) & P. Leblond (U. d’Ottawa) D. Archibugi & A. Filippetti (CNR, Italie et U. de Londres) N. Fligstein, A. Polyakova (U. de Berkely) & W. Sandholtz (USC., E-U). Y. Meny (IUE, It.)
47 (5), p. 997-1015, 2009 47 (5), p. 1017-1039, 2009 47 (5), p. 1041-1061, 2009 47 (5), p. 1063-1083, 2009 47 (5), p. 1085-1105, 2009 47 (5), p. 1107-1128, 2009 48 (2), p. 319-346, 2010 49 (2), p. 193-219, 2011 49 (2), p. 413-435, 2011 49 (6), p. 1153-1182 , 2011 50 (1S), p. 106-122, 2012 50 (1S), p. 154-164, 2012
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Déterminisme matériel Déterminisme matériel Déterminisme matériel Déterminisme materiel (Econometrie néoclassique) Déterminisme matériel Déterminisme matériel Descriptif et normatif Descriptif et normatif Déterminisme matériel Institutionnalisme historique et ‘political salience’ Descriptif et normatif
Is more ‘Brussels’ the solution ? New European Union Member states’ preferences about the European Financial Architecture What drives banking sector fragility in the Eurozone ? Evidence from stock market data Macroeconomic imbalances as indicators for debt crisis in Europe Mispricing of sovereign risk and macroeconomic stability in the Eurozone The interplay of Economic reforms and monetary policy : the case of the eurozone The EMU Debt Crisis : Early lessons and reforms Rating Agencies : Role and influence of their sovereign credit risk assessment in the Eurozone Economic governance in the European Union : Past, present and future Convergence of the economic sentiment cycles in the Eurozone : A Time-Frequency analysis Lobbying under pressure : The effect of salience on European Union hedge fund regulation Saving the euro at the cost of democracy ?
A. Spendzharova (U. de Maastricht) S. Eichler & K. Sobanski (U. de Dresden) T. Knedlik & G. von Schweinitz (Halle institute for economics) P. de Grauwe (LSE & CEPS) & Yumei Ji (Louvain & CEPS) F. Drudi, A. Durré & F. Paolo Mongelli (la BCE) M. Buti & N. Carnot (DG ECFIN) S. Euffinger, U. de Tilberg (PB) J. Delors (Notre Europe, Fr.) L. Aguiar-Conraria (U. de Mino), M. Martins & M. Joana Soares (U. de Porto) C. Woll (Sciences Po Paris) B. Crum (U. d’Amsterdam)
50 (2), p. 315-334, 2012 50 (4), p. 539-560, 2012 50 (5), p. 726-745, 2012 50 (6), p. 866-880, 2012 50 (6), p. 881-898, 2012 50 (6), p. 899-911, 2012 50 (6), p. 912-921, 2012 51 (2), p. 169-178, 2013 51 (3), p. 377-398, 2013 51 (3), p. 555-572, 2013 51 (4), p. 614-630, 2013
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Déterminisme matériel Déterminisme matériel Déterminisme matériel Déterminisme materiel (Econometrie néoclassique) Déterminisme matériel Déterminisme matériel Descriptif et normatif Descriptif et normatif Déterminisme matériel Institutionnalisme historique et ‘political salience’ Descriptif et normatif
Is more ‘Brussels’ the solution ? New European Union Member states’ preferences about the European Financial Architecture What drives banking sector fragility in the Eurozone ? Evidence from stock market data Macroeconomic imbalances as indicators for debt crisis in Europe Mispricing of sovereign risk and macroeconomic stability in the Eurozone The interplay of Economic reforms and monetary policy : the case of the eurozone The EMU Debt Crisis : Early lessons and reforms Rating Agencies : Role and influence of their sovereign credit risk assessment in the Eurozone Economic governance in the European Union : Past, present and future Convergence of the economic sentiment cycles in the Eurozone : A Time-Frequency analysis Lobbying under pressure : The effect of salience on European Union hedge fund regulation Saving the euro at the cost of democracy ?
A. Spendzharova (U. de Maastricht) S. Eichler & K. Sobanski (U. de Dresden) T. Knedlik & G. von Schweinitz (Halle institute for economics) P. de Grauwe (LSE & CEPS) & Yumei Ji (Louvain & CEPS) F. Drudi, A. Durré & F. Paolo Mongelli (la BCE) M. Buti & N. Carnot (DG ECFIN) S. Euffinger, U. de Tilberg (PB) J. Delors (Notre Europe, Fr.) L. Aguiar-Conraria (U. de Mino), M. Martins & M. Joana Soares (U. de Porto) C. Woll (Sciences Po Paris) B. Crum (U. d’Amsterdam)
50 (2), p. 315-334, 2012 50 (4), p. 539-560, 2012 50 (5), p. 726-745, 2012 50 (6), p. 866-880, 2012 50 (6), p. 881-898, 2012 50 (6), p. 899-911, 2012 50 (6), p. 912-921, 2012 51 (2), p. 169-178, 2013 51 (3), p. 377-398, 2013 51 (3), p. 555-572, 2013 51 (4), p. 614-630, 2013
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Les articles d’European Studies évoquant la crise (2009-juillet 2013)

Bibliographie

Références bibliographiques

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Date de mise en ligne : 30/09/2014.

https://doi.org/10.3917/poeu.044.0124

Notes

  • [1]
    Nous reviendrons sur ces revues plus loin. Les organisations comprennent notamment l’University Association for Contemporary European Studies (initialement britannique mais désormais européenne avec plus de 1 000 adhérents), le Standing Group on the European Union de l’European Consortium for Political Research (ECPR) and the European Union Studies Association (EUSA, près de 1 000 adhérents) basée aux États-Unis.
  • [2]
    Ce corpus a été constitué en deux étapes. Le premier a consisté à lire l’ensemble des titres et/ou des abstracts apparus dans ces quatre revues pendant la période analysée. Le critère de sélection utilisé a tout simplement été la mention de « la crise » ou de « la situation économique » de l’Europe depuis 2008. Ce tri initial a permis d’établir une liste de textes qui, dans un deuxième temps, ont fait l’objet d’une lecture complète. Listés en annexe I, les 61 articles retenus ainsi abordent tous les causes ou les effets de « la crise ».
  • [3]
    Cette production modeste contraste avec celle pléthorique des commentateurs divers qui publient dans les journaux comme le Financial Times ou le Wall Street Journal. Notons aussi que certains chercheurs bien connus, tel que Wolfgang Streeck, ont préféré publier leurs analyses de la crise ailleurs, par exemple dans la New Left Review. Sur ces points voir l’introduction générale de ce numéro.
  • [4]
    Ce résultat de recherche pourrait utilement être complété par une analyse de la présence des représentants de la BCE et de la Commission dans les colloques organisés par les instances citées dans la note 1. À titre anecdotique, au congrès de l’EUSA à Baltimore en avril 2013 nous avons assisté à un panel très étrange sur la régulation du secteur financier. Pendant cette séance de travail, un agent de la BCE s’est permis de corriger à la fois les intervenants et les participants qui posaient les questions de la salle !
  • [5]
    W. Buiter et E. Rahbari de la société Citigroup (Londres) : « The ECB as leader of last resort for sovereigns in the Eurozone », p. 6-35 ; D. Gros du Centre for policy studies (CEPS, Bruxelles) : « On the stability of public deficits in a monetary union » (p. 36-48).
  • [6]
    Comme celles d’autres domaines interdisciplinaires, les revues des European Studies ne sont pas les supports de publication les mieux cotés au sein des disciplines comme l’économie ou même la science politique. Lorsqu’on rajoute que les questions économiques intéressent de près seulement une minorité des spécialistes de l’UE, on saisit mieux le caractère relativement périphérique des écrits et des chercheurs étudiés ici.
  • [7]
    Ces chiffres agrègent les informations de l’annexe I. La catégorie « autres approches » comprend : le néo-fonctionnalisme, l’intergouvernementalisme déliberatif, l’européanisation, les communautés de politique publique, l’analyse du discours, la théorie politique, le néo-fonctionnalisme et l’intergouvernementalisme.
  • [8]
    Par exemple, les consultants du cabinet Assonime (JCMS, 2009, p. 992) affirment qu’il y a « no need for intensive regulatory measures constraining non-bank intermediaries and innovative financial instruments ».
  • [9]
    De même, lorsqu’un auteur comme Hodson (JEI, 2013) répond négativement à la question « est-ce que la Commission a fait preuve “d’entrepreneuriat” pendant la crise ? », il justifie ce « résultat de recherche » uniquement en raison des « obstacles structurels » (les marchés financiers, la dette) et des « préférences nationales fortes ».
  • [10]
    Sur la différence entre ces deux manières d’enquêter par voie d’entretien, voir Pinson et Sala Pala (2007).
  • [11]
    Comme notre recherche sur la politique viticole européenne permet de le souligner, les DG de la Commission n’ont pas toujours ni les budgets propres, ni la volonté de commanditer les études académiques pour préparer ou pour légitimer leurs priorités politiques (Itçaina, Roger et Smith, 2014, chap. 3).
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