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Article de revue

L'Europe et les clandestins : la peur de l'autre comme facteur d'integration ?

Pages 97 à 119

Notes

  • [1]
    Norbert Elias considère l’État comme une « unité de survie » tandis que Charles Tilly défend une thèse provocatrice assimilant la monopolisation de la violence à une forme de racket (Tilly, 1985,169-191).
  • [2]
    Nous traduisons.
  • [3]
    Nous traduisons.
  • [4]
    Le réseau associatif UNITED recense 11 105 victimes de l’immigration clandestine entre janvier 1993 et mai 2008. UNITED, « List of 11 105 documented refugee deaths through Fortress Europe », 6 mai 2008. Le 3 juillet 2007, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen organisait une Audition publique sur la tragédie des migrants en mer.
  • [5]
    Règlement (CE) n°2007/2004 du Conseil, du 26 octobre 2004, portant création d’une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, JO L349 du 25 novembre 2004.
  • [6]
    Rapport général 2007 de Frontex.
  • [7]
    Amnesty International, Le Maroc, l’Union européenne et l’Espagne dans le domaine de l’asile et du contrôle des flux migratoires, 11 octobre 2005, p.3.
  • [8]
    Médecins Sans Frontières, Violence et immigration. Rapport sur l’origine de l’immigration d’origine subsaharienne (ISS) en situation irrégulière au Maroc, septembre 2005, p.15-19.
  • [9]
    Amnesty International, Espagne et Maroc. Un an après Ceuta et Melilla, les droits des migrants sont toujours en danger, 26 octobre 2006.
  • [10]
    « Cinco inmigrantes mueren tiroteados en Ceuta tras intentar saltar la valla 600 subsaharianos », El Pais, 20 septembre 2005.
  • [11]
    Asociacion Pro Derecho Humanos de Andalucia, Canarias : Políticas migratorias, víctimas de derechos humanos, Juin 2006, p.3.
  • [12]
    Frontex ne dispose pas de moyens propres et dépend des apports des États. À titre d’exemple, la seconde phase de l’opération Hera 2007 a mobilisé entre le 23 avril et le 15 juin 2007 un navire italien, deux navires et un hélicoptère espagnols, ainsi que des personnels allemands, français, luxembourgeois et portugais. L’opération Nautilus II fut quant à elle interrompue au cours de l’été 2007 par manque d’effectifs. Voir Frontex, Canary Islands – Hera, 16 septembre 2007 et Times of Malta, 10 septembre 2007.
  • [13]
    Examen de la création d’un système européen de surveillance des frontières (EUROSUR), COM(2008) 68 final, 13 février 2008, p.5.
  • [14]
    Ibidem.
  • [15]
    « 350 immigrants se sont infiltrés dans l’enclave de Melilla, lors d’un nouvel assaut groupé », Le Monde, 3 octobre 2005 et « 1500 migrants repoussés à Melilla », Reuters, 6 octobre 2005.
  • [16]
    « 500 subsaharianos intentan penetrar en Melilla en la cuarta avalancha en siete días », El Pais, 6 octobre 2005.
  • [17]
    « Déferlement record de clandestins africains aux Canaries : 732 en une journée », AFP, 30 mai 2006 ; « Aux Canaries, les Africains à flot continu », Libération, 11 septembre 2006 ; « Une vague record de clandestins submerge les Canaries », Le Figaro, 4 septembre 2006 ; « Almost 1,000 Africans arrive in Canaries », Times of Malta, 7 septembre 2006 ou encore « Canaries in record migrant influx », BBC, 6 septembre 2006.
  • [18]
    Vers une gestion intégrée des frontières extérieures des États membres de l’Union, COM(2002), 233 final, 7 mai 2002, p.5.
  • [19]
    Plus d’Europe. Programme de la Présidence espagnole, 1 janvier - 30 juin 2002, point 1.5.
  • [20]
    Plan pour la gestion des frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne, doc. 10019/02, Limite, 14 juin 2002.
  • [21]
    Proposition de plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l’Union européenne, JO C 142,14 juin 2002.
  • [22]
    Conclusions de la Présidence, Séville, 21 et 22 juin 2002, paragraphe 30.
  • [23]
    Voir par exemple Amnesty International, EU war on « illegal immigration » puts human rights at risk. Amnesty International appeal to the Sevilla summit, Bruxelles, 12 juin 2002.
  • [24]
    Agence Europe, n°8234,18 juin 2002.
  • [25]
    Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JO, L 164,22 juin 2002.
  • [26]
    Décision-cadre du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, JO, L 190,18 juillet 2002.
  • [27]
    En mai, le Front National accède au second tour des élections présidentielles en France tandis que la liste populiste Pim Fortuyn connaît un large succès aux Pays-Bas. L’Autriche, le Danemark, l’Italie et le Royaume-Uni sont par ailleurs engagés sur la voie d’un durcissement de leurs politiques d’immigration et d’asile.
  • [28]
    Conclusions de la Présidence, Laeken, 14 et 15 décembre 2001, paragraphe 42.
  • [29]
    Proposition de plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l’Union européenne, JO C 142,14 juin 2002, p.26.
  • [30]
    Proposition de directive du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre, COM(2007) 638 final, 23 octobre 2007.
  • [31]
    Livre vert sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques, COM(2004) 811, final, 11 janvier 2005.
  • [32]
    Résolution législative du Parlement européen du 18 juin 2008 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, COM(2005)0391 – C6-0266/2005 – 2005/0167(COD).
  • [33]
    Voir Steve Peers, « The Returns Directive – the final stages ? », Statewatch supplementary analysis, juin 2008.

1 La formation d’une communauté politique peut être appréhendée comme un processus vertical, marqué par l’attachement des citoyens à une entité politique, ou comme un processus horizontal au travers duquel ces citoyens se sentent appartenir à une communauté. Loin de s’opposer, ces deux dimensions s’interpénètrent et se complètent. Au plan européen, la communauté politique a donc été envisagée sous l’angle de l’adhésion au projet européen, à ses valeurs et à ses symboles et, bien que moins souvent, à partir des phénomènes concourant au renforcement d’un sentiment de proximité entre les Européens. Le récit que l’Union européenne a choisi de promouvoir pour relater sa propre histoire s’inscrit dans cette double perspective. C’est tout à la fois un récit soulignant l’attachement au projet politique de l’intégration européenne, à ses apports concrets et aux valeurs d’ouverture, de tolérance et de démocratie et celui d’une fraternité (re)trouvée entre les peuples. La symbolique associée à la monnaie européenne – les ponts, les portes et les fenêtres figurant sur les billets en Euros – en constitue sans doute l’une des illustrations les plus explicites.

2Dans la seconde perspective, celle des attachements horizontaux, l’hypothétique passage de demoï multiples à un demos unique est le plus souvent considéré sous l’angle des relations entre Européens. Cependant, la communauté politique se bâtit aussi sur les conflits, tant internes qu’externes. Elle peut être – effectivement ou symboliquement – un mécanisme de défense qui pousse les hommes à se rassembler, non pas parce qu’ils partagent une même langue, une même culture ou les mêmes idéaux, mais parce qu’ils cherchent à protéger ensemble ce qui leur est cher. Depuis Thomas Hobbes et les théories du Contrat social, nombre d’auteurs ont ainsi souligné le rôle des peurs et des insécurités dans l’émergence des sentiments d’appartenance. Généralement mobilisée pour rendre compte de la formation des identités nationales et de la structuration des États modernes, cette piste de réflexion apparaît tout aussi féconde dans le champ des études européennes.

3Le projet communautaire de sécurité intérieure, parce qu’il offre à l’Union des registres de légitimation jusqu’alors inaccessibles, lui donne une actualité nouvelle. Partant de cette hypothèse, nous analyserons dans les pages qui suivent l’impact de l’une des dimensions de ce projet de sécurité intérieure, à savoir la politique en matière de lutte contre l’immigration clandestine, sur l’émergence d’une communauté d’Européens. Tout en visant à résoudre le problème du contrôle des frontières de l’Union, l’action en matière d’immigration illégale semble en effet fournir un principe d’identification posant la question des limites symboliques de l’appartenance à la communauté politique. Dans ce cadre, nous explorerons l’idée selon laquelle la lutte contre les clandestins ne peut être tout entière réduite aux enjeux de la gestion des flux migratoires mais peut aussi être envisagée comme un discours sur les périls pesant sur l’Europe. Dans cette perspective, cette politique favoriserait une distinction entre un « eux » et un « nous » qui contribuerait à renforcer la communauté politique en s’appuyant sur une émotion : la peur de l’Autre, un sentiment d’insécurité collectivement partagé.

Le rôle politique d’une émotion

4La peur est consubstantielle à l’ordre politique. Évoquée dans les sociétés contemporaines comme « sentiment d’insécurité », cette émotion porte en elle une force mobilisatrice indéniable. De ce fait, elle a joué, et joue encore, un rôle déterminant dans la formation du corps politique (Robin, 2004). Elle agit comme un catalyseur favorisant l’unification puis la perpétuation d’un corps social. Cependant, si ce rôle de catalyseur est communément admis lorsque l’on évoque le processus socio-historique de formation des États-nations (Elias, 1990 ; Tilly, 1992) [1], il n’est que rarement évoqué pour rendre compte du processus d’intégration européenne. Pourtant, ici aussi, la peur, et plus spécifiquement la peur de l’Autre, a pu jouer un rôle déterminant.

La peur comme fondement du corps politique

5Affirmer que la peur est au cœur du politique peut paraître excessif. L’affirmation n’est pourtant pas neuve. Déjà présente chez Thucydide (1953,51 et ss.) ou chez Nicolas Machiavel (1990,85) qui évoquent tous deux l’usage de la menace de la destruction ou de la peur du châtiment dans la conduite des affaires politiques, cette idée trouve sa formulation la plus achevée dans les travaux de Thomas Hobbes. Alors que Thucydide et Machiavel n’envisagent la peur qu’en tant qu’instrument du pouvoir, Hobbes souligne la place de ce sentiment dans la formation et le fonctionnement du corps politique. Pour lui, la peur n’est pas qu’une simple technique de gouvernement. Elle est le fondement même du corps social. Critiquant l’idée d’Aristote selon laquelle l’homme est un animal politique qu’une disposition naturelle pousserait à la sociabilité, le philosophe anglais estime que « c’est […] une chose tout avérée que l’origine des plus grandes et des plus durables sociétés, ne vient point d’une mutuelle bienveillance que les hommes se portent, mais d’une crainte mutuelle qu’ils ont les uns des autres » (Hobbes, 1982,93). Sans elle, nous dit-il, nulle société ne peut se créer ou se pérenniser. Couplée à ce que l’auteur appelle la droite raison, c’est-à-dire la capacité des hommes à élaborer des raisonnements logiques, la peur est un moteur. Elle invite les individus isolés à s’associer pour sortir de l’état de nature et s’entendre sur les termes du pacte social.

6En mettant une émotion au centre de sa théorie, Hobbes s’émancipe de toute considération morale et poursuit l’ambition de concevoir un ordre politique à vocation universelle. La crainte de l’insécurité est en effet un sentiment partagé par tous les individus. Expérience fondamentale pour l’être humain, elle n’est liée à aucune croyance. Hobbes y voit dès lors un socle commun à l’ensemble des sociétés. Ce faisant, il privilégie une approche anthropologique et non plus métaphysique du fait politique. Cette approche modifie en profondeur le statut de la peur. Lorsque Hobbes évoque cette dernière, ce n’est pas en tant qu’émotion négative mais en tant qu’appréhension consciente de la possibilité de la destruction (Robin, 2004,46-58). La peur est une émotion rationnelle permettant d’apprivoiser les pulsions destructrices. Dans le langage de Hobbes, elle n’est en réalité plus la peur mais la crainte. Là où la première revêt une dimension incapacitante qui réduit les hommes à des corps sans tête, la seconde se fonde sur la raison et l’intérêt. Elle est conscience de l’imperfection humaine et, simultanément, volonté d’y remédier (Freund, 2004,530). En d’autres termes, la peur est paralysante, improductive, voire destructrice ; la crainte est porteuse des principes de prudence et de sagesse. Elle est une condition nécessaire de l’organisation sociale. Dans la matrice hobbesienne, c’est la crainte qui permet aux hommes d’échapper à la peur (Robin, 2004,57).

7Souligner la place de la crainte ne revient pas pour autant à affirmer que cette dernière est la seule émotion susceptible de jouer un rôle dans la constitution du corps politique. D’autres sentiments, tels l’altruisme ou la solidarité, jouent évidemment un rôle central. Si la crainte est bien au cœur du politique, elle n’en est pas l’unique fondement. De même que la violence ne constitue pas l’unique moyen, ni même le moyen normal de l’État (Weber, 1995,97), la crainte ne constitue pas l’unique, ni même le principal, mécanisme de gouvernement dont dispose l’autorité politique. Elle représente toutefois un ressort décisif du politique et de sa légitimation dans la mesure où, tout comme la violence, elle est un moyen spécifique, c’est-à-dire l’ultima ratio en cas de défaillance des autres moyens. Il importe par conséquent d’identifier par ailleurs les dispositifs idéels et normatifs de légitimation du politique (Lagroye et al., 2002,345-355). Il convient surtout de souligner que, dans les sociétés démocratiques, l’autorité politique tend à gommer l’effroi suscité par ses propres capacités coercitives et à valoriser en retour sa fonction de protection (Castel, 2003). C’est au travers de processus d’identification, de classification et de hiérarchisation des périls que les craintes sociales sont aujourd’hui amenées à jouer un rôle en politique (Bigo, 1996). La prolifération des discours sur le risque (Franklin, 1998) ainsi que l’investissement par la classe politique des thèmes de l’insécurité (Lagrange, 2003,53-62) sont, de ce point de vue, révélateurs de la place occupée dans les sociétés contemporaines par les discours sur l’insécurité.

8Dresser un tel constat ne revient toutefois pas à accréditer la thèse, quelque peu paranoïaque, d’un gouvernement par la peur défendue par certains, c’est-à-dire la thèse d’une instrumentalisation consciente, volontaire et pour ainsi dire systématique des peurs sociales à des fins de légitimation du politique (Lignes, 2003 ; Bauman, 2004). Pour autant, de tels excès ne doivent pas nous conduire à renoncer à une analyse critique des discours et des pratiques contribuant à produire ou renforcer des visions insécurisantes du monde.

Une communauté d’insécurité

9Comme le souligne Philippe Braud dans son Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques (2007), la peur est un levier de mobilisation utilisé par la plupart des formations politiques. Il serait par conséquent erroné de considérer que l’usage politique des peurs est l’apanage des seules formations d’extrême droite. Ce qui, selon Braud, distingue les acteurs politiques les uns des autres, ce n’est pas l’usage ou le non-usage politique des inquiétudes, c’est le choix des peurs mobilisées et l’intensité de l’activation émotionnelle (Braud, 2007,266). De même, il nous apparaît tout aussi erroné de considérer que les États sont les seules structures politiques amenées à véhiculer, consciemment ou non, des discours insécurisants. L’Union européenne n’échappe pas à cette réalité. S’exprimant devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 28 septembre 1948, Paul-Henri Spaak s’adresse ainsi à la délégation soviétique et justifie la signature du traité de Bruxelles et la création de l’Union de l’Europe occidentale en ces termes :

10

« Savez-vous quelle est la base de notre politique ? C’est la peur. La peur de vous, la peur de votre Gouvernement, la peur de votre politique. Et si j’ose employer ces mots, c’est parce que la peur que j’évoque n’est pas la peur d’un lâche, n’est pas la peur d’un Ministre qui représente un pays qui tremble, un pays qui est prêt à demander pitié ou à demander merci. Non, c’est la peur que peut avoir, c’est la peur que doit avoir un homme quand il regarde vers l’avenir et qu’il considère tout ce qu’il y a peut-être encore d’horreur et de tragédie, et de terribles responsabilités dans cet avenir ».

11Premier jalon d’un processus d’intégration qui mènera quelques années plus tard à la signature du traité de Rome et à la création des Communautés européennes (Dumoulin et Remacle, 1998,10-27 ; Zorgbibe, 2005,25), l’UEO puise donc, de l’aveu même d’un homme politique de premier plan, une part de sa légitimité dans la peur de l’Autre. Le discours du ministre belge a d’ailleurs des accents hobbesiens évidents. Spaak n’évoque pas la peur panique et irrationnelle qui paralyse mais la crainte, lucide, de la destruction par l’ennemi. La peur est donc bien cette émotion rationnelle qui permet d’apprivoiser les pulsions destructrices, voire de donner naissance à la communauté.

12Si l’inquiétude face à la menace soviétique a constitué l’un des ciments de l’unité européenne, la fin de la guerre froide a dès lors privé le projet européen de l’une de ses sources de légitimité. Très vite cependant, une nouvelle carte du monde s’est construite. L’équilibre bipolaire aurait fait place à des lignes de conflictualité ethnicisée et transnationalisée. Le risque d’affrontement aurait, dit-on, glissé de l’axe Est/Ouest vers l’axe Nord/Sud et le péril soviétique aurait été remplacé par une menace du Sud partiellement désétatisée (Bigo, 1991; Ramel, 1998). À un ennemi identifiable succéderait une menace polymorphe née des clivages démographiques, économiques, politiques, culturels et religieux. Le succès des thèses de Samuel Huntington (2000) tient précisément au fait qu’elles proposent opportunément une grille de lecture permettant de construire une nouvelle figure de l’ennemi au départ d’une multitude de phénomènes menaçants. En substituant au concept d’État celui de « civilisation » et en affirmant que les grandes lignes de fracture ne sont plus stato-nationales mais civilisationnelles, Huntington donne un visage aux préoccupations qui émergent des décombres du mur de Berlin

13Comme le souligne Ronnie Lipschutz lorsqu’il évoque la redéfinition de la politique extérieure des États-Unis au lendemain de la guerre froide, cette quête d’une figure de l’ennemi répond à une nécessité politique : « la perte de l’Ennemi peut être considérée […] comme une catastrophe pour une identité fondée sur cet Ennemi, et cela ouvre la voie à la recherche d’un nouvel Autre susceptible d’être le nouvel Ennemi [2] » (Lipschutz, 1995,219). Cette réflexion semble pouvoir être transposée au cas de l’Union européenne. On peut en effet se demander si la préoccupation croissante des Européens à l’égard du terrorisme, du crime organisé et, surtout, de l’immigration illégale ne s’inscrit pas elle aussi dans ce processus de redéfinition des périls. Dans une perspective huntingtonienne, les clandestins incarneraient alors les civilisations en mouvement. Ils symboliseraient le conflit annoncé entre les ères géoculturelles, conflit susceptible de conduire à un envahissement de l’Occident par les autres civilisations. Confirmant cette interprétation alarmiste, Myron Weiner affirme dans un ouvrage au titre éloquent, The Global Migration Crisis, que dans de nombreux pays « les citoyens ont désormais peur d’être envahis non plus par des armées et des tanks mais par des migrants qui parlent d’autres langues, vénèrent d’autres dieux, appartiennent à d’autres cultures, et, craignent-ils, prendront leurs emplois, occuperont leur terre, vivront au dépens du système de sécurité sociale et menaceront leur mode de vie, leur environnement, et même leur régime politique [3] » (Weiner, 1995,2). Les « flots » de clandestins remplaceraient les divisions du Pacte de Varsovie dans les représentations collectives, mais l’effet politique reste le même : on alimente l’idée d’une communauté menacée par un danger extérieur.

14Les critiques adressées à la thèse du clash de civilisation et à son auteur ont été nombreuses et convaincantes (Saïd, 2001 ; Bigo, 1995). Nous n’y reviendrons pas. Huntington n’est toutefois pas le seul à avoir mis en exergue la question de la défense des identités. Dans le champ des relations internationales et dans un registre nettement plus subtil, c’est également le cas de l’École dite de Copenhague et de ses principaux représentants, Barry Buzan et Ole Wæver. Le concept de « sécurité sociétale » élaboré dans le courant des années 1980 et 1990 fait en effet de la protection des identités collectives l’un des enjeux majeurs des politiques de sécurité européenne de l’après-guerre froide (Buzan, 1991 ; Buzan, Waever, De Wilde et Lemaître, 1993). Ce qui serait désormais en jeu, ce serait notamment la capacité d’une société à conserver ses caractéristiques essentielles dans un environnement changeant (Wæver in Buzan, Wæver, De Wilde et Lemaître, 1993,23). L’identité apparaît ici comme une donnée préexistante, qui se renforce et s’exacerbe lorsqu’elle est mise en péril.

15Si elle présente un intérêt certain pour l’étude de la redéfinition des agendas sécuritaires des États membres dans la période de l’après-guerre froide, cette logique de la défense des identités ne permet pas, nous semble-t-il, de comprendre les raisons pour lesquelles l’immigration illégale est devenue une priorité dans l’espace communautaire stricto sensu ni pourquoi elle est généralement lue au seul prisme de la sécurité. Appliquée à l’Europe, une telle approche suppose en effet l’existence d’une identité européenne déjà stabilisée qui se trouverait menacée par l’immigration et le multiculturalisme. Or, une telle identité n’existe pas. Il n’y a pas, ou pas encore, de société européenne. Loin de révéler un réflexe de protection identitaire, l’on pourrait dès lors soutenir que l’orientation de la politique communautaire en matière d’immigration illégale contribue plutôt à créer du lien entre les Européens là où il n’en existe pas forcément. C’est du moins ce que l’on pourrait conclure de l’application à cette politique de la grille de lecture proposée par Carl Schmitt.

Le clandestin, une figure de l’inimitié ?

16L’invocation d’une menace existentielle est considérée par Carl Schmitt comme constitutive d’une communauté politique. En convoquant le couple ami-ennemi, elle fournirait un principe d’identification et créerait une distinction eux/nous qui renforcerait les liens nécessaires à la survie d’une communauté (Schmitt, 1992,63-66). Si l’on s’en tient à cette lecture de la politique de l’Union à l’égard de l’immigration illégale, le clandestin représenterait une figure de l’altérité contribuant à forger une communauté d’Européens. La présence d’un phénomène politiquement construit comme menaçant renforcerait un sentiment d’appartenance à une communauté européenne. Si l’on accepte de se saisir de cette grille de lecture, d’en expurger les prétentions normatives et anti-démocratiques pour n’en retenir que les réflexions relatives au politique et à l’inimitié, la thèse ne manque pas d’intérêt (voir Müeller, 2005). Elle offre une interprétation intéressante de la politique conduite par l’Union. Aussi fertile soit-elle, cette analyse rencontre certains écueils que l’on ne saurait toutefois passer sous silence.

Une communauté politique sans identité ?

17L’intérêt du recours à une grille de lecture adaptée des travaux de Carl Schmitt est analytique ou, à tout le moins, interprétatif. Tout d’abord, l’activation du couple ami-ennemi et la symbolique du « combat » – et du lot de victimes qu’il implique – fait écho aux modalités de la gestion des frontières extérieures de l’Europe. Les renforcements des contrôles migratoires, s’ils sont l’expression de la souveraineté des États membres et de leur droit à maîtriser l’accès à leur territoire, ne sont pas sans conséquences. Parce qu’ils rendent le passage clandestin vers l’Europe plus compliqué, ils ont pour corollaire une prise de risque accrue de la part des migrants. Cette prise de risque se traduit par des parcours migratoires plus longs et plus dangereux et par un recours croissant aux filières criminelles de trafic des êtres humains. En une quinzaine d’années, ce sont ainsi plus de 11 000 migrants clandestins qui auraient trouvé la mort aux frontières de l’Europe, souvent à l’occasion de voyages en mer organisés par des passeurs  [4].

18Ce bilan de l’immigration clandestine, qui souligne le caractère contre-productif de certaines des mesures mises en œuvre du point de vue de la sécurité des personnes et de la lutte contre la criminalité organisée, est l’un des principaux paradoxes de la politique menée par l’Union. La stratégie de sécurisation des frontières maritimes du sud de l’Europe en constitue sans doute l’exemple le plus significatif. Depuis son entrée en fonction le 1er mai 2005, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex) a en effet mené plusieurs opérations conjointes poursuivant des objectifs qui, sans être contradictoires, entrent parfois en conflit [5]. Les opérations Hera de surveillance maritime des côtes de l’Afrique de l’Ouest et des îles Canaries, de même que les opérations Nautilus conduites en Méditerranée centrale répondent ainsi au double objectif consistant à endiguer le flux d’émigrants clandestins tout en prévenant les pertes en vies humaines [6]. Mais si ces opérations conjointes ont bien permis de réduire les flux migratoires dans les zones concernées et de sauver de la noyade des centaines de clandestins, on peut légitimement se demander si elles n’ont pas détourné ces flux vers d’autres routes et d’autres filières, rendant peut-être le voyage plus dangereux encore.

19Si l’on manque à l’heure qu’il est de distance et de données pour l’affirmer, c’est du moins ce que laisse penser l’expérience espagnole. La gestion de sa frontière Sud par l’Espagne a en effet constitué un laboratoire et un modèle pour la collaboration communautaire. Or, plus que toute autre, l’expérience espagnole témoigne de la difficulté et des dangers accompagnant le renforcement des contrôles migratoires. Confronté au phénomène des pateras, c’est-à-dire à des traversées clandestines du détroit de Gibraltar entreprises depuis le Maroc, le gouvernement espagnol a pris au début des années 2000 la décision d’installer le long des côtes d’Andalousie un système électronique de surveillance maritime, le Sistema Integrado de Vigilancia Exterior (S.I.V.E.). En réponse à l’efficacité accrue des contrôles, les migrants ont adopté une stratégie alternative consistant à accéder au territoire espagnol non plus par Gibraltar mais par les enclaves de Ceuta et de Melilla, sur la côte Nord du Maroc (Ferrer Gallardo, 2005,86). En 2004,55 000 personnes ont ainsi tenté de franchir les grillages ceinturant les deux enclaves [7]. À partir de l’automne 2005, les tentatives de franchissement de la frontière se transformeront en entreprises collectives au cours desquelles plusieurs centaines de migrants essaieront d’entrer sur le sol espagnol. Ces actions provoqueront l’intervention, parfois très violente, des forces de l’ordre espagnoles et marocaines  [8]. Elles feront de nombreux blessés et se solderont par la mort d’une douzaine de clandestins, certains étant abattus par des tirs de balles de caoutchouc ou par des tirs à balles réelles dont l’origine reste controversée [9]. Pour mettre un terme à ces passages illégaux, le gouvernement espagnol fera une nouvelle fois le choix de la sécurisation de ses frontières en rehaussant les grillages de protection et en engageant sur le terrain 720 militaires ainsi que des blindés légers [10]. Loin d’endiguer les flux migratoires, ces mesures inciteront les candidats à l’immigration à embarquer pour un voyage plus périlleux encore, les menant cette fois-ci de la Mauritanie aux îles Canaries. Cette nouvelle route migratoire sera à l’origine de la mort de plusieurs centaines de migrants au cours de l’hiver 2005  [11]. Elle justifiera la mise sur pied des opérations Hera I et II, premières opérations maritimes d’envergure menées par Frontex.

20Le bilan humain de l’immigration ainsi que le niveau de violence aux frontières de l’Europe donnent l’impression d’un combat qui serait mené contre les clandestins. Cette impression se trouve renforcée par la nature même du dispositif mis en œuvre. Les moyens mobilisés pour les opérations Frontex – des forces navales et aériennes – traduisent en effet une tendance à la militarisation du contrôle des frontières extérieures. Cette militarisation est certes symbolique – le contrôle frontalier ne se résume pas aux opérations conjointes de Frontex et les moyens impliqués restent limités [12] – mais elle suggère néanmoins un traitement particulier, éminemment sécuritaire, du phénomène de l’immigration irrégulière. Le récent projet EUROSUR, qui s’inspire du S.I.V.E. espagnol et qui, s’il est effectivement mis en œuvre, devrait permettre aux États membres d’« acquérir une parfaite connaissance de la situation à leurs frontières extérieures et [d’] accroître la capacité de réaction de leurs services répressifs », renforce ce sentiment de menace  [13]. Le dispositif s’appuierait en effet sur l’extension et l’interconnexion des systèmes nationaux de surveillance au sein d’un réseau de communication sécurisé commun, tandis que les informations échangées seraient préalablement récoltées grâce à divers outils de surveillance, à un réseau de capteurs (satellite d’observation EOS, véhicules aériens sans pilotes, etc.) ou par Frontex dans le cadre de ses activités de renseignement et d’analyse de risque. Ici encore la quasi-militarisation de la lutte contre les clandestins est patente. Par le recours à des moyens exceptionnels, on opère une confusion des genres entre contrôle migratoire et défense de la sécurité intérieure [14].

21Ces dispositifs de contrôle aux effets indirectement dommageables pour la sécurité des migrants sont par ailleurs régulièrement confortés par le traitement médiatique de l’immigration clandestine (Tsoukala, 2005,180-185). Les événements autour de Ceuta et de Melilla en 2005 ont par exemple été présentés comme des « affrontements » résultant d’« assauts massifs » conduits par une « armée de clandestins » [15] (Ferrer Gallardo, 2007,87). La presse espagnole parlera pour sa part d’« avalanches humaines » [16]. Les arrivées de migrants sur les côtes de l’Italie, de Malte, de Chypre ou de l’Espagne ont quant à elles été comparées à des « invasions » ou à des « débarquements » qui auraient été le fait de « vagues » de migrants [17]. Tout comme il y aurait une guerre menée contre le terrorisme, il y aurait, au moins dans le champ sémantique, une guerre menée contre les clandestins qui, s’ils ne sont pas stigmatisés à titre individuel, sont présentés collectivement comme un danger pour les sociétés européennes. Cette guerre contre les clandestins ne serait pas un affrontement militaire mais un combat métaphorique. Elle serait, pour reprendre l’expression de Ole Wæver, « a test of will and strength » dans lequel une entité politique résiste à un danger pour imposer la reconnaissance de son existence (Wæver, 1995,53).

22C’est pourquoi les tensions aux frontières de l’Europe et les violations des droits de l’homme qui les accompagnent renvoient, nous semble-t-il, à l’idée schmittienne de la frontière comme lieu de conflictualité, mais aussi comme espace où prévaut un régime d’exception. Chez Schmittt, la frontière marque en effet spatialement la ligne de démarcation entre l’ami et l’ennemi. Symboliquement, elle redevient le « front » auquel elle est étymologiquement liée (Foucher, 1991). Elle inscrirait dans la géographie et dans le droit la division construite par l’autorité politique. La frontière serait le lieu où l’ordre du dedans est confronté à la menace du désordre du dehors. Plus encore, le désordre du dehors serait la condition de l’ordre du dedans. C’est du moins l’interprétation d’Étienne Balibar, pour qui la frontière schmittienne est à la fois une limite géographique et éthique : « La frontière est par excellence le lieu où sont suspendus les contrôles ou les garanties de l’ordre juridique ‘normal’[…], le lieu où le ‘monopole de la violence légitime’ prend la forme d’une contre-violence préventive » (Balibar, 2000,56).

23Au plan interprétatif, la grille de lecture ami-ennemi propose aussi une interprétation des possibles effets sociopolitiques de la politique menée. Dans une perspective schmittienne, on peut se demander si, en posant la question du contrôle des frontières de l’Union et en identifiant une figure menaçante de l’Autre, la politique en matière d’immigration illégale ne fixe pas également les frontières symboliques de l’appartenance à un ordre politique européen. Tout en répondant à un objectif pragmatique de contrôle des ressortissants des pays tiers autorisés à accéder au territoire de l’Union, la gestion des frontières extérieures se trouverait alourdie d’une dimension ontologique : elle construirait une figure de l’altérité participant à la formation d’une communauté d’Européens. Bien que latente et hypothétique, il est intéressant de noter que cette seconde dimension n’a pas échappé aux institutions européennes. Consciente de cet effet intégrateur, la Commission européenne souligne dans sa communication Vers une gestion intégrée des frontières extérieures des États membres de l’Union européenne que « les frontières extérieures sont aussi un lieu où s’affirme une identité commune de sécurité intérieure » [18].

24Cette affirmation de la Commission n’a rien d’étonnant. La définition d’un groupe social par la référence à une figure de l’étranger est un mécanisme classique. Les travaux de Gérard Noiriel (1988) et de John Torpey (2000) relatifs à l’appréhension des phénomènes migratoires par les États européens et à la création des documents d’identité, de séjour et de voyage, ont bien montré comment la « révolution identitaire » du XIXe siècle a permis de distinguer les nationaux, qui bénéficient de certains privilèges, et les étrangers, dont on souhaite surveiller les déplacements. Pour autant, la division ami-ennemi de Schmitt va plus loin que l’opposition classique entre insiders et outsiders. Elle est l’« antagonisme suprême » postulant l’éventualité d’une lutte physique mettant en cause la survie d’une entité politique (Schmitt, 1992,68). C’est cette radicalité qui offre à l’autorité politique une force mobilisatrice sans pareil. La force de l’inimitié politique permet en effet d’occulter toutes les autres divisions – culturelles, morales, religieuses ou économiques – qui traversent le corps social. En identifiant un adversaire commun, elle est un facteur d’unification.

25Appliquée au cas qui nous occupe, la réflexion de Schmitt permet de considérer la formation du corps politique européen indépendamment de toute référence à une communauté préexistante ou à une volonté de vivre ensemble basée sur l’adhésion à des principes éthiques. Chez Schmitt, la figure de l’ennemi ne correspond à aucun groupe social prédéfini, que ce soit sur une base culturelle, ethnique ou religieuse. L’ennemi est éminemment politique et arbitrairement désigné. Il n’est pas nécessairement moralement mauvais. Il se trouve simplement qu’il est l’Autre parce qu’il a été désigné comme tel par l’autorité politique (Schmitt, 1992,64-65).

Une instrumentalisation politique des peurs ?

26Élaborée dans l’entre-deux-guerres, la réflexion de Carl Schmitt est marquée par le contexte historique qui l’a vu naître. Elle est une tentative de formaliser les conditions de la légitimation d’un pouvoir autoritaire qui ne correspond ni aux États membres ni à l’Union européenne en elle-même. Par ailleurs, la figure de l’ennemi suppose une référence à un groupe social organisé. La division ami-ennemi est une opposition entre entités de même nature (Barker, 2007,25-28). Or les clandestins ne représentent pas une force politique organisée. Enfin, chez Schmitt, la capacité à définir l’ennemi est un critère attestant la souveraineté d’une entité politique (Schmitt, 1992,79), souveraineté qu’il semble difficile de reconnaître à l’Union européenne à l’heure actuelle. Pour toutes ces raisons, la perspective schmittienne ne peut être considérée comme une matrice théorique de l’intégration européenne. Mais son intérêt est ailleurs. Il est heuristique. Si l’on veut bien retenir des travaux du juriste rhénan les seules intuitions analytiques et rejeter ses prétentions normatives hautement contestables, ce qui apparaît déterminant c’est moins la question de la guerre et de l’inimitié que celles de l’anticipation de la menace et de l’altérité. C’est aussi la possibilité offerte, de manière particulièrement originale, d’éclairer la politique contemporaine des catégories conceptuelles classiques. Car derrière la division entre ami et ennemi, on retrouve l’anthropologie politique de Hobbes et sa prétention universaliste. La division ami-ennemi comme facteur d’unité politique n’a en effet de sens que par rapport aux caractéristiques humaines que sont la crainte du danger et la volonté de s’en protéger.

27Cet intérêt heuristique ne doit toutefois pas éclipser les limites de lecture schmittienne soulignées plus haut, ni les dangers de l’instrumentalisation politique possible de ce type d’analyses. Souligner la place de la peur de l’Autre dans la formation du corps social européen, même au titre de simple hypothèse, force à s’interroger sur l’usage politique qui pourrait en être fait. En d’autres termes, la question est ici de savoir si la politique européenne de lutte contre l’immigration clandestine constitue un exemple d’une politique de la peur volontairement mise en œuvre par des élites politiques européennes. Dans l’affirmative, la stigmatisation d’une figure inquiétante du migrant clandestin répondrait, comme certains semblent parfois le penser (Valluy, 2005,5-11), à une volonté délibérée de susciter un sentiment de crainte dans les opinions publiques afin de légitimer certaines atteintes aux libertés individuelles ou la mise en œuvre de nouveaux dispositifs de surveillance.

28Si l’histoire montre que de telles analyses ne peuvent être écartées d’un simple revers de la main, elles s’appliquent toutefois mal à la politique européenne de sécurité intérieure. Souvent guidées par une défiance de principe à l’égard de l’autorité politique, ces approches surestiment la capacité des États membres à s’entendre sur un projet cohérent dans un domaine qui, comme le soulignent Jacques de Maillard et Andy Smith (2007), reste « un espace d’action publique particulièrement fragmenté et concurrentiel encore en quête de légitimité ». Certes, le Conseil européen extraordinaire de Tampere en 1999, le programme de La Haye de 2004 et divers programmes ou plans d’action spécifiques ont balisé le développement de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – et, partant, celui de la politique européenne d’immigration et du projet de gestion des frontières extérieures (de Lobkowicz, 2002). Cependant, la mise à l’agenda de la problématique des migrations irrégulières ainsi que l’importance accordée à cette question par rapport à d’autres s’expliquent plus par des effets de contexte et les opportunités politiques que par une volonté politique qui aurait été initialement exprimée dans le projet d’espace de liberté, de sécurité et de justice. Loin de suivre un plan précis dont il serait possible de dévoiler la structure cachée en reconstruisant a posteriori les étapes successives, les avancées réalisées l’ont été de manière désordonnée, sinon avec réticence (Lodge, 2004). C’est au gré des préoccupations nourries par l’actualité ou la perspective de l’élargissement, sous la pression de certains gouvernements confrontés, au niveau national, à des situations particulièrement aiguës, ou encore suite à des dissensions entre États membres, que la question de l’immigration clandestine a pris une place politique majeure dans la sphère communautaire et supplanté – au moins en termes de visibilité politique – d’autres thématiques connexes, telles les migrations légales ou la criminalité organisée.

29Il semble que la coopération européenne en matière d’immigration irrégulière réponde d’abord à un principe de réalisme, voire d’opportunisme politique. Il y a peu d’indices d’un projet de sécurisation de l’immigration qui aurait été défini préalablement puis mis en œuvre. Il s’agit plutôt d’une conjonction de stratégies nationales aboutissant à un accord politique autour d’un phénomène spécifique, adapté aux difficultés de la négociation politique dans le champ européen. C’est, nous semble-t-il, par un processus de sélection politique fonctionnant sur le mode du plus grand dénominateur commun que la question de l’immigration illégale a été privilégiée, au sein du Conseil européen d’abord, au sein du Conseil des ministres ensuite. À l’inverse de la figure du terroriste qui se révèle nettement plus polémique qu’il n’y paraît, la figure du clandestin est une figure consensuelle. Relativement indéfinie, elle rencontre les préoccupations de nombre d’Européens et s’adapte aux multiples réalités nationales. Elle concentre tout aussi bien la peur du travailleur clandestin que la crainte du criminel ethnique, du terroriste ou encore de l’étranger abusant des systèmes de protection sociale (Huysmans, 2006,63-84). Cette plasticité de la figure du clandestin favorise le rassemblement des États membres autour d’un projet commun de sécurité intérieure. Cette spécificité de la question de l’immigration clandestine ressort nettement de l’analyse des travaux du Conseil européen de Séville qui clôturait en juin 2002 la présidence espagnole de l’Union. Trois mois après le 11 septembre 2001, le dossier de l’immigration clandestine n’occupait qu’une place secondaire dans le programme de travail de la présidence, la lutte contre le terrorisme étant alors la priorité [19]. Six mois plus tard, le Conseil européen consacre pourtant une part substantielle de ses travaux aux clandestins. Il marque en outre une inflexion par rapport au traité d’Amsterdam et au sommet de Tampere qui avaient voulu éloigner les questions d’asile et d’immigration des questions de sécurité. Le Conseil aborde en effet l’immigration sous l’angle quasi exclusif de la lutte contre l’immigration clandestine. Outre le lancement du projet de gestion intégrée des frontières extérieures [20], les États membres adoptent un Plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains[21] dont ils font une « priorité absolue »  [22]. L’accent est mis sur les dispositifs de contrôle et la répression : politique des visas, accords de réadmission avec les États tiers, programmes de rapatriement, répression de l’aide à l’entrée, au transit ou au séjour irrégulier. Les États membres soulèvent par ailleurs la question de l’intégration de la politique d’immigration dans les relations extérieures de l’Union. Ils discutent en particulier d’une proposition, faite par l’Espagne et le Royaume-Uni, de créer un système de sanction à l’encontre des États tiers faisant preuve de mauvaise volonté pour contrôler les réseaux d’immigration clandestine sur leur territoire ou pour réadmettre leurs nationaux expulsés. Suscitant une vive opposition des ONG  [23] et de certains États, notamment de la France et de la Suède [24], cette proposition sera finalement rejetée. Elle témoigne néanmoins d’un durcissement du ton de la part des États membres sur la question de migrations clandestines. Le glissement opéré entre le programme de la présidence et le Conseil européen s’explique par une conjonction de facteurs favorables (Duez, 2008,109-115). Il résulte premièrement d’une pression des agendas nationaux espagnol et britannique. L’Espagne comme le Royaume-Uni sont alors confrontés à des flux migratoires illégaux importants. José María Aznar et Tony Blair attendaient par conséquent une coopération européenne accrue en ce domaine. Le glissement s’explique ensuite par la crainte du gouvernement espagnol de voir s’achever sa présidence sur un maigre bilan. Le consensus politique consécutif au 11 septembre – consensus qui avait permis de réaliser des avancées substantielles dans la coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme avec, entre autres, l’adoption de le décision-cadre relative à la définition du terrorisme [25] et celle du mandat d’arrêt européen [26] – s’est en effet rapidement effrité (Weyembergh, 2002). Dans ce contexte, l’immigration clandestine apparaît comme une thématique alternative permettant de garantir un consensus minimal lors du Conseil européen. Ce changement dans l’ordre des priorités est lui-même favorisé par le succès des discours anti-immigrés un peu partout en Europe au cours du premier semestre 2002  [27]. Il est également facilité par le fait que, dans le discours politique, la lutte contre l’immigration illégale rejoint le combat contre le terrorisme. Au lendemain du 11 septembre, les conclusions du Conseil européen de Laeken soulignent ainsi qu’« [u]ne meilleure gestion du contrôle aux frontières extérieures de l’Union contribuera à lutter contre le terrorisme, les filières d’immigration illégale et la traite des êtres humains » [28] tandis que le Plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains précise que la politique des visas peut « contribuer de manière significative à la prévention de l’immigration clandestine et à la lutte contre le terrorisme »  [29]. En luttant contre les illégaux, on lutterait également contre le terrorisme et les trafics de toutes natures puisque les criminels et les terroristes profiteraient eux aussi des filières clandestines. La « menace » migratoire subsumerait donc les menaces terroristes et criminelles alors que l’inverse ne serait pas vrai.

30Le consensus politique qui s’opère autour de l’immigration clandestine a toutefois un prix. Au plan économique tout d’abord, l’accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine tend à délégitimer un accord sur l’élargissement des filières légales d’immigration de travail. Le récent projet de carte bleue européenne ne concerne que marginalement les clandestins [30]. Dans un contexte de concurrence économique exacerbée, il s’adresse aux migrants les plus qualifiés qui, en d’autres circonstances, se dirigeraient vers d’autres régions du monde pour y valoriser leur formation. Or, outre le fait qu’elle est régulièrement évoquée par les États membres et défendue par la Commission européenne, une ouverture plus large des filières d’immigration légales permettrait sans doute de réduire la pression des migrations clandestines tout en répondant aux attentes patronales et aux défis démographiques qui pèsent sur l’Europe [31].

31Au plan des droits de l’homme, ensuite, l’impact de la lutte contre l’immigration illégale est régulièrement pointé du doigt. La stratégie d’externalisation des contrôles migratoires qui consiste à mobiliser les pays tiers dans la lutte contre les clandestins – notamment au travers des accords de réadmission et de la politique de voisinage – en échange d’une amélioration de leurs relations avec l’Union se révèle particulièrement dommageable pour les droits humains (Balzacq, 2008). Au sein même de l’Union, les atteintes aux droits fondamentaux sont fréquemment dénoncées, en particulier en matière de rétention et d’expulsion des illégaux. La directive « retour » adoptée par le Parlement européen en juin 2008  [32] a ainsi soulevé les protestations des associations de défenses des droits des migrants [33]. Tout en visant à encourager les retours volontaires des illégaux et à établir certaines garanties juridiques, la proposition de directive fixe il est vrai la durée maximale de rétention à six mois, voire dix-huit mois lorsque la personne concernée résiste à son expulsion. Dans le même temps, elle n’interdit pas formellement l’enfermement ni l’éloignement des mineurs.

32Enfin, par une sorte d’effet retour, la focalisation sur les flux migratoires illégaux tend à renforcer les stéréotypes accompagnant les discours sur les étrangers. Un lien s’établit entre les clandestins et les enjeux de sécurité. Loin de calmer les inquiétudes sociales, les dispositions prises en matière d’immigration clandestine participent dès lors de la médiatisation du phénomène et, partant, sont susceptibles de nourrir de nouvelles peurs appelant de nouvelles réponses sécuritaires. Une fois enclenchée, la dynamique de l’insécurisation trouverait ainsi dans son propre mouvement les conditions de sa reproduction.

Conclusion

33Au sortir du second conflit mondial, l’Europe s’est explicitement construite pour prévenir le risque d’une guerre nouvelle. Dans le contexte de la guerre froide, elle est une unité de défense résistant à la menace soviétique. La peur est donc au cœur du projet européen depuis ses origines. Est-ce à dire que c’est la peur qui fait l’Europe, que c’est elle seule qui fondera l’unité européenne ? Certainement pas. Mais elle y contribue probablement. Engagée depuis le début des années 1990 sur la voie d’une politique commune de sécurité intérieure, l’Union européenne a été amenée à construire son propre récit de sécurité. Elle a commencé à identifier et à désigner des périls et à construire un discours cohérent sur les menaces qui pèsent sur elle. Dans ce cadre, le discours européen sur l’immigration clandestine s’est imposé comme un discours d’unité entre les Européens. Plus consensuel que celui sur le terrorisme et politiquement plus porteur que celui sur la criminalité organisée transnationale, le discours sur l’immigration clandestine trouve un écho favorable auprès de tous les États membres.

34Le projet de lutte contre l’immigration clandestine se définit cependant sur une base essentiellement négative : ce qui est en jeu, c’est la protection des acquis et la préservation, non pas d’une identité ou d’un mode de vie européen, mais des identités et des modes de vie européens. En alimentant la peur de l’altérité, ce projet nourrit de fait le syndrome de la citadelle européenne assiégée. Cela ne signifie pas que l’Union européenne soit devenue dans la pratique cette Europe forteresse dénoncée par les uns, pas plus d’ailleurs qu’elle n’est cette Europe passoire critiquée par les autres. Cela signifie simplement que l’ensemble des dispositifs matériels, normatifs et discursifs mobilisés dans la gestion des frontières extérieures de l’Union ont des effets sociopolitiques rappelant certains processus associés à la formation des États-nations (Noiriel, 1988). Tout laisse à penser en effet que ces dispositifs construisent l’image d’une Europe en danger, confrontée à un Autre, le migrant clandestin, qui, sans être belliqueux ou ouvertement hostile, n’en représenterait pas moins une menace pour la sécurité et le bien-être des Européens. En nourrissant la figure de l’altérité, en favorisant son ancrage dans les représentations collectives, l’Union se dote potentiellement d’un puissant mécanisme d’intégration. Mais édifier la communauté politique sur la dynamique de la définition de Soi et de l’Autre implique nécessairement de renforcer sans cesse ses frontières matérielles et symboliques. Au risque de vider le projet européen de son sens.

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Date de mise en ligne : 01/06/2009

https://doi.org/10.3917/poeu.026.0097

Notes

  • [1]
    Norbert Elias considère l’État comme une « unité de survie » tandis que Charles Tilly défend une thèse provocatrice assimilant la monopolisation de la violence à une forme de racket (Tilly, 1985,169-191).
  • [2]
    Nous traduisons.
  • [3]
    Nous traduisons.
  • [4]
    Le réseau associatif UNITED recense 11 105 victimes de l’immigration clandestine entre janvier 1993 et mai 2008. UNITED, « List of 11 105 documented refugee deaths through Fortress Europe », 6 mai 2008. Le 3 juillet 2007, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen organisait une Audition publique sur la tragédie des migrants en mer.
  • [5]
    Règlement (CE) n°2007/2004 du Conseil, du 26 octobre 2004, portant création d’une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, JO L349 du 25 novembre 2004.
  • [6]
    Rapport général 2007 de Frontex.
  • [7]
    Amnesty International, Le Maroc, l’Union européenne et l’Espagne dans le domaine de l’asile et du contrôle des flux migratoires, 11 octobre 2005, p.3.
  • [8]
    Médecins Sans Frontières, Violence et immigration. Rapport sur l’origine de l’immigration d’origine subsaharienne (ISS) en situation irrégulière au Maroc, septembre 2005, p.15-19.
  • [9]
    Amnesty International, Espagne et Maroc. Un an après Ceuta et Melilla, les droits des migrants sont toujours en danger, 26 octobre 2006.
  • [10]
    « Cinco inmigrantes mueren tiroteados en Ceuta tras intentar saltar la valla 600 subsaharianos », El Pais, 20 septembre 2005.
  • [11]
    Asociacion Pro Derecho Humanos de Andalucia, Canarias : Políticas migratorias, víctimas de derechos humanos, Juin 2006, p.3.
  • [12]
    Frontex ne dispose pas de moyens propres et dépend des apports des États. À titre d’exemple, la seconde phase de l’opération Hera 2007 a mobilisé entre le 23 avril et le 15 juin 2007 un navire italien, deux navires et un hélicoptère espagnols, ainsi que des personnels allemands, français, luxembourgeois et portugais. L’opération Nautilus II fut quant à elle interrompue au cours de l’été 2007 par manque d’effectifs. Voir Frontex, Canary Islands – Hera, 16 septembre 2007 et Times of Malta, 10 septembre 2007.
  • [13]
    Examen de la création d’un système européen de surveillance des frontières (EUROSUR), COM(2008) 68 final, 13 février 2008, p.5.
  • [14]
    Ibidem.
  • [15]
    « 350 immigrants se sont infiltrés dans l’enclave de Melilla, lors d’un nouvel assaut groupé », Le Monde, 3 octobre 2005 et « 1500 migrants repoussés à Melilla », Reuters, 6 octobre 2005.
  • [16]
    « 500 subsaharianos intentan penetrar en Melilla en la cuarta avalancha en siete días », El Pais, 6 octobre 2005.
  • [17]
    « Déferlement record de clandestins africains aux Canaries : 732 en une journée », AFP, 30 mai 2006 ; « Aux Canaries, les Africains à flot continu », Libération, 11 septembre 2006 ; « Une vague record de clandestins submerge les Canaries », Le Figaro, 4 septembre 2006 ; « Almost 1,000 Africans arrive in Canaries », Times of Malta, 7 septembre 2006 ou encore « Canaries in record migrant influx », BBC, 6 septembre 2006.
  • [18]
    Vers une gestion intégrée des frontières extérieures des États membres de l’Union, COM(2002), 233 final, 7 mai 2002, p.5.
  • [19]
    Plus d’Europe. Programme de la Présidence espagnole, 1 janvier - 30 juin 2002, point 1.5.
  • [20]
    Plan pour la gestion des frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne, doc. 10019/02, Limite, 14 juin 2002.
  • [21]
    Proposition de plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l’Union européenne, JO C 142,14 juin 2002.
  • [22]
    Conclusions de la Présidence, Séville, 21 et 22 juin 2002, paragraphe 30.
  • [23]
    Voir par exemple Amnesty International, EU war on « illegal immigration » puts human rights at risk. Amnesty International appeal to the Sevilla summit, Bruxelles, 12 juin 2002.
  • [24]
    Agence Europe, n°8234,18 juin 2002.
  • [25]
    Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JO, L 164,22 juin 2002.
  • [26]
    Décision-cadre du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, JO, L 190,18 juillet 2002.
  • [27]
    En mai, le Front National accède au second tour des élections présidentielles en France tandis que la liste populiste Pim Fortuyn connaît un large succès aux Pays-Bas. L’Autriche, le Danemark, l’Italie et le Royaume-Uni sont par ailleurs engagés sur la voie d’un durcissement de leurs politiques d’immigration et d’asile.
  • [28]
    Conclusions de la Présidence, Laeken, 14 et 15 décembre 2001, paragraphe 42.
  • [29]
    Proposition de plan global de lutte contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l’Union européenne, JO C 142,14 juin 2002, p.26.
  • [30]
    Proposition de directive du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre, COM(2007) 638 final, 23 octobre 2007.
  • [31]
    Livre vert sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques, COM(2004) 811, final, 11 janvier 2005.
  • [32]
    Résolution législative du Parlement européen du 18 juin 2008 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, COM(2005)0391 – C6-0266/2005 – 2005/0167(COD).
  • [33]
    Voir Steve Peers, « The Returns Directive – the final stages ? », Statewatch supplementary analysis, juin 2008.

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