Notes
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[1]
L'auteur tient à remercier Frédéric Depetris, Martin Heipertz, David Howarth, Fritz W. Scharpf, Paul Schure et un lecteur anonyme de Politique européenne pour les remarques utiles sur une version antérieure de cet article. Les réserves d'usage en matière de responsabilité s'appliquent ici. En outre, cet article ayant été écrit alors que l'auteur était chercheur accueilli à l'Institut Max Planck pour l'étude des Sociétés, à Cologne en Allemagne, l'auteur exprime sa reconnaissance à cette institution pour avoir créé un merveilleux environnement de travail et fourni un soutien tant institutionnel que financier. Un soutien financier substantiel a également été accordé sous la forme d'une bourse de recherche par le gouvernement fédéral canadien (bourse SSHRC 410-1999-0081) pour laquelle l'auteur exprime également sa profonde gratitude.
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[2]
L'exemple de choc spécifique à un pays alors très souvent cité à cet égard était la Réunification allemande. Mais les observateurs suggéraient tous qu'il y aurait bien sûr très peu de cas de ce type. Cependant d'autres étaient plus préoccupés et affirmaient que des chocs de moindre importance constitueraient tout de même un choc asymétrique.
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[3]
Dyson et Featherstone (1999 : 699) soulignent que Delors était suffisamment perspicace pour ne pas employer le terme « gouvernement économique » car il savait fort bien que cela bloquerait les allemands.
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[4]
Le Gouvernement français présenta son projet sur l'UEM le 10 janvier 1991, Europe Documents N° 1682.
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[5]
David Howarth note que Jacques Larosière (Banque de France) soutenait aussi l'idée d'un gouvernement économique mais qu'il formulait sa pensée de façon à être plus proche des positions de la Bundesbank.
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[6]
Verdun 2000a : On peut montrer que les autorités monétaires françaises, le patronat et les syndicats français avaient accepté l'indépendance de la BCE. Leur soutien à l'idée qu'un gouvernement économique relevait plutôt du fait qu'une telle institution pourrait aider à la coordination des politiques économiques et à une plus grande attention portée à l'emploi, à la croissance et à la redistribution. Ils exprimèrent cette position en 1991 (au cours des conférences intergouvernementales) mais l'abandonnèrent peu ou proue une fois adopté le Traité de Maastricht (qui ne mentionnait pas de gouvernement économique).
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[7]
L'autre extrême serait de promouvoir un gouvernement économique de type fédéral et l'augmentation du budget de l'UE, ainsi que le Rapport MacDougall de 1977 l'a proposé (abordé plus haut). Un gouvernement économique aurait pu alors contribuer à la répartition des coûts et bénéfices. De même, des stabilisateurs automatiques pourraient œuvrer pour réguler les effets des chocs spécifiques à chaque pays. Les Français n'ont pas trop insisté sur cette interprétation de ce qu'un gouvernement économique pourrait aussi potentiellement faire.
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[8]
Les Critères de Convergence se réfèrent à un nombre de critères que les pays doivent respecter afin d'être à même d'entrer dans la zone Euro (1) les déficits budgétaires ne doivent pas dépasser 3 pour cent du PIB , (2) la dette publique cumulée ne doit pas dépasser 60 pour cent du PIB ; (3) les taux de change doivent rester en-deçà des marges normales fixées par le Mécanisme de Change du SME au moins au cours des deux dernières années ; (4) l'inflation ne devrait pas dépasser de plus de 1,5 pour cent la moyenne des trois meilleurs pays ; (5) les taux d'intérêt à long terme ne doivent pas dépasser de plus de 2 pour cent la moyenne des trois pays les plus bas. (Source . Version Consolidée du Traité instituant la Communauté Européenne, article 121 et Protocoles).
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[9]
Les chiffres réels sont déterminés lors d'une réunion du Comité Monétaire Ce Comité comprend des représentants des banques centrales nationales et des Ministères des Finances de tous les Etats Membres d'alors. Au début de la phase trois de l'UEM le Comité Monétaire a été rebaptisé Comité Economique et Financier Pour plus d'information sur les travaux du Comité Monétaire voir Hanny et Wessels (1998) et Verdun (2000b).
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[10]
II faut noter que Waigel avait lui-même à l'origine émis des propositions pour un Conseil de la Stabilité. Pour un survol des origines du PSC, voir Costello (2001) Pour une analyse voir Heipertz et Verdun (à paraître).
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[11]
Certains ont dit que le Conseil Ecofin commence maintenant à travailler comme une nouvelle institution de type gouvernance économique — et peut-être un jour sera-t-il transféré vers une institution plus supranationale (plutôt qu'intergouvemementale). Le Conseil Ecofin est fait de représentants nationaux qui sont là pour représenter avant tout leurs intérêts nationaux. Lorsque ces intérêts ne sont pas en conflit avec une vision de l'intégration européenne, alors et seulement alors, ces acteurs agissent-ils plus comme un 'corps européen' (pour une discussion sur le PSC et la coordination des politiques macroéconomiques voir entre autres Begg, Hobson et Maher 2003, Heipertz 2002, Issing 2002 et Linsemann 2003).
1. Introduction
1Dès les premiers débats sur la création d'une Union Economique et Monétaire (UEM) dans la Communauté Européenne à la fin des années 60, alors que Raymond Barre était responsable des rapports sur l'UEM, il y eut des controverses pour savoir jusqu'à quel point la gouvernance 'économique' et la gouvernance 'monétaire' devaient aller de pair (Commission des Communautés Européennes 1969). Une union monétaire impliquerait l'intégration des monnaies et la création d'un système bancaire central. L'union économique se référerait à un marché commun (libre circulation des capitaux, de la main d'oeuvre, des biens et des services), mais aussi un certain degré de centralisation dans le domaine de la politique fiscale et budgétaire.
2En 1970, alors qu'un groupe d'experts présidé par Pierre Werner réfléchissait à l'UEM, la question a été posée de savoir comment une politique monétaire et une banque centrale (alors appelée de façon officieuse l'Eurofed, sur le modèle américain) devraient être flanquées d'un organisme économique (ce qu'ils appelaient un Centre de Décision pour la Politique économique) (rapport Werner 1970). Le rapport proposait un développement parallèle de ces deux domaines de politiques. Le Conseil a par la suite rencontré des difficultés avec les implications du transfert de souveraineté qui en aurait résulté (Kruse 1980, Tsoukalis 1977, Verdun 2000a), et finit par en accepter une version édulcorée. Ainsi, ces questions n'étaient alors pas réglées, mais il était devenu évident que les questions économiques et monétaires constituaient une préoccupation commune et demandaient une attention conjointe.
3Presque deux décennies plus tard, l'ensemble de ces questions resurgit lorsque le Comité Delors se pencha à nouveau sur le rapport Werner et trouva le problème intact (Rapport Delors 1989). Les Allemands s'inquiétaient de ce que la notion française de gouvernement économique pourrait signifier en fait que cette institution serait à même d'exercer un contrôle politique sur la Banque Centrale Européenne (BCE) - auquel ils étaient totalement opposés. De leur côté, les Français s'inquiétaient de ce qu'une UEM sans aucune coordination dans le domaine de la gouvernance économique aboutirait à une d'une Union Economique et Monétaire uniquement dirigée par la BCE. Leur souci était que dans ce cas, l'UEM serait par trop dominée par une seule chose : la lutte contre l'inflation. Ils craignaient que les conséquences économiques de ce type de dispositif ne s'avèrent indésirables.
4Le présent article aborde la question de savoir si les préoccupations françaises concernant une UEM sans gouvernement économique sont justifiées. Il y répond de la manière suivante : d'abord, nous étudierons les questions posées par la nature asymétrique de l'UEM avec une union monétaire pleinement développée et centralisée, alors que l'union économique et la 13 gouvernance économique demeurent de la responsabilité des Etats Membres. Nous verrons comment cette structure institutionnelle pose un certain nombre de défis : défis concernant l'équilibre entre les politiques monétaires et fiscales ; défis pour savoir comment on coordonne l'élaboration de politiques macroéconomiques ; défis à la légitimité de l'UEM et même pour certains, défis à la gouvernance démocratique. Ensuite l'article réexamine les propositions françaises de gouvernement économique. Il cherche à savoir pourquoi les Français étaient en faveur d'un gouvernement économique et comment ils espéraient lui voir jouer un rôle dans le processus de l'UEM. Puis l'article passe en revue les solutions de compromis qui sont nées de cette négociation et les orientations possibles pour l'avenir. Il cherche à voir comment l'Eurogroupe et, dans une moindre mesure le Pacte de Stabilité et de Croissance, sont des institutions inspirées par les propositions françaises de gouvernement économique. Enfin la dernière partie revient à la question initiale et y apporte la réponse suivante : une UEM asymétrique pose bien un problème mais qui sera progressivement réglé par le processus d'intégration et de montée en charge politique. Il est clair que la coordination des politiques économiques exige une attention particulière et nécessite des mécanismes qui s'attachent aux besoins spécifiques des pays.
2. Une UEM asymétrique
5Cette partie aborde les questions soulevées par la nature asymétrique de l'UEM avec une union monétaire entièrement développée et centralisée, alors même que l'union économique et la gouvernance économique relèvent toujours de la responsabilité des Etats Membres. On y voit comment cette structure institutionnelle pose un certain nombre de défis : défis à l'équilibre entre les politiques fiscales et monétaires, défis sur les moyens de coordonner l'élaboration de politiques macroéconomiques, voire même défis à la légitimité de l'UEM et pour certains défis à la gouvernance démocratique.
6Quels sont les enjeux d'une UEM asymétrique ? Pourquoi dit-on que cette UEM est asymétrique (Verdun 1996 et 2000a) ? On peut trouver la réponse au cœur de l'expression union 'économique' et 'monétaire'. 'Union économique' se réfère aux politiques macroéconomiques, telles que les politiques budgétaire et fiscale, alors que 'Union monétaire' renvoie à la notion de taux de change fixes ou de monnaie unique et d'une autorité monétaire unique qui établit les taux d'intérêts et assure l'exécution du régime des taux de change. Pour gérer correctement une économie, il faut un policy mix équilibré entre politique fiscale et politique monétaire. La raison en est que l'un influence l'autre.
7Dans la Communauté Européenne (CE) et ensuite dans l'Union Européenne (UE), l'évolution de l'intégration économique et monétaire a été un processus graduel. Le rapport Werner publié en octobre 1970, prévoyait la création de deux institutions parallèles : une banque de réserve fédérale pour la CE et un Centre de Décision pour la Politique économique. Ce rapport envisageait aussi un contrôle parlementaire sur ces nouvelles institutions. Le rapport Werner (1970) fut en fin de compte adopté par le Conseil le 9 février 1971 (Bulletin de la CE, Suppléments 3 & 4,1971) mais non sans quelques amendements relatifs au transfert de souveraineté vers ces nouvelles institutions (à savoir un délai plus long de mise en œuvre). Cependant, ces projets furent vite remisés et finalement quasiment abandonnés en raison de changements dans les conjonctures internationales et économiques et de désaccords sur ces changements. Quand l'initiative d'intégration monétaire suivante fut lancée, elle était moins ambitieuse. Le Système Monétaire Européen créé en 1979, avec un système de taux de change fixe mais ajustable, ne prévoyait pas de projet très avancé de création d'une UEM (bien qu'il y ait eu des projets pour une seconde étape qui aurait permis une meilleure avancée vers une UEM, voir Ludlow 1982).
8La période 1970-1988, fut très importante pour le processus d'intégration économique et monétaire, en raison de sa convergence progressive. Durant cette période, les politiques monétaires commencèrent à converger à mesure que les Etats Membres visaient à stabiliser les taux de change et à s'attacher davantage à maintenir des taux d'inflation bas. Dans le domaine de la politique monétaire, le système de taux de change fixes mais ajustables dans les années 70 (le 'serpent' monétaire) n'a pas très bien fonctionné (voir Tsoukalis 1977). Un certain nombre de pays, telles la France et l'Italie, n'ont pas pu maintenir leurs monnaies dans le système. Cependant à partir de 1979 le SME avec son mécanisme de taux de change a bien mieux fonctionné. Les pays s'étaient engagés à le faire réussir et firent de gros efforts dans ce sens.
9En France cela a conduit à un moment politique fort en 1983, au cours duquel Mitterrand décida de procéder à d'importantes réformes intérieures plutôt que de retirer le franc du SME. Après cette date, les Français s'engagèrent totalement en faveur de la stabilité des taux de change (Blanchard et Muet 1993, de Boissieu 1998, Bordes et Girardin 1992, Howarth 2001 et Pisani-Ferry 1998 : 53). A part la France, d'autres pays du SME lièrent leur politique monétaire à celle de l'Allemagne suivant ainsi en clair les politiques menées par la Bundesbank. Le résultat en fut une plus grande convergence des taux d'intérêt, des taux d'inflation, et de bons résultats dans la stabilisation des taux de change, mais il s'agissait à l'évidence de « suivre le chef », le chef étant l'Allemagne.
10Dans le domaine de la politique économique telle que définie plus haut, il y eut également d'importants événements. D'abord, l'union douanière fut achevée en 1968, plus tôt que prévu, ce qui de facto créa un marché commun dans la CE. Cependant, nombre de règles et de règlements (bureaucratie) restaient encore en place. Ainsi, au milieu des années 80 il était évident que le Marché Intérieur devait être 'achevé'. Le projet destiné à procéder à ces changements au 31 décembre 1992 fut finalisé au milieu des années 80 et créa un véritable élan. On décida aussi de libéraliser les mouvements de capitaux et de créer un marché libre des capitaux au 1er juillet 1990. Dans le domaine de la politique fiscale les évolutions furent plus lentes.
11Le plus grand pas vers une sorte d'harmonisation fiscale se produisit dans le domaine des impôts indirects. La CE accepta comme norme le système de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Au fil du temps d'autres accords allaient déterminer les biens et services soumis à des taux de taxes plus ou moins élevés. Dans le domaine de l'impôt sur les sociétés ou des impôts directs (impôts sur les revenus personnels) l'intégration ou l'harmonisation furent bien moindres dans les années 80. Il faudra attendre la fin des années 90, voire le nouveau millénaire, pour que revienne le débat sur une harmonisation accrue dans ces domaines.
12Une autre question sensible est liée au principe d'intégration économique et monétaire. Quand l'UEM fut discutée dans les années 70, il y avait aussi l'idée que l'UEM faisait partie d'un processus progressif vers la création d'une Europe plus fédérale. Ainsi, n'aurait-ce pas un sens que d'avoir un budget communautaire plus centralisé ? L'idée qu'une petite partie des fonds publics puisse être transférée au niveau européen a été d'abord débattue par un groupe d'experts présidé par MacDougall dont le rapport parut en 1977. Selon ce rapport, la péréquation fonctionnerait au mieux s'il y avait des transferts financiers de 2 à 2,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) Communautaire sur le court terme, qui devrait progressivement augmenter jusqu'à 5 à 7% du PIB communautaire. L'idée de base était que si l'on crée une union économique et monétaire avec une autorité monétaire unique, certains chocs spécifiques à certains pays pourraient émerger qui auraient besoin d'être traités (comme dans un état fédéral). Dans une fédération ou un état unitaire, les stabilisateurs automatiques permettent de gérer un problème survenu dans une seule partie de la fédération. Un exemple de ce type de stabilisateur pourrait être le suivant : si une région subit une récession, le nombre de ses chômeurs augmentera. Deux effets seront produits qui en réduiront les effets négatifs. D'abord, on collectera moins d'impôts. Ensuite, on consacrera une plus grosse part du budget fédéral à cette région sous la forme d'allocations de chômage. Quoique le rapport MacDougall ait présenté des analyses et des résultats intéressants, ses recommandations n'ont guère été soutenues pendant les années 70 et le début des années 80.
13A la fin des années 80, avec la reprise de l'initiative UEM, un groupe d'experts réexamina les conclusions du rapport MacDougall dans ce qu'on a appelé les rapports 'Une Monnaie, Un Marché' et 'Finances stables, Finances saines' accompagnés d'autres rapports de fonds. (Commission de la CE 1990,1991 et Commission Européenne 1993a et 1993b). Mais cette fois-ci on ne jugea pas nécessaire d'avoir un budget communautaire aussi important pour faire face aux chocs spécifiques à certains pays. L'argument était qu'il n'y avait quasiment pas de chocs spécifiques [2] . Le calcul était que d'autres mécanismes à un niveau national seraient capables de gérer toute récession dans une économie intérieure. Il s'agissait là des positions formelles. Il est vraisemblable, cependant, qu'on soulignait ce raisonnement parce qu'il y avait un soutien politique insuffisant pour un budget accru de la CE et par voie de conséquence pour des transferts budgétaires. Le secteur agricole consommait alors une grande partie du budget et le reste était dévolu aux fonds structurels. Cette tendance allait perdurer durant toutes les années 90. De manière simplifiée, la dépense budgétaire était orientée des Etats Membres les plus riches vers les Etats Membres les plus pauvres et donc n'équilibrait pas les éventuels ralentissements de l'activité économique mais rééquilibrait plutôt la distribution générale des richesses, des régions les plus riches vers les plus pauvres (à 1' exception notable de certains pays plus « riches » qui ont continué à bénéficier eux aussi des subventions agricoles).
14L'Union Economique et Monétaire implique également que l'on crée une union avec une libre circulation des capitaux. Cela signifie que les citoyens européens peuvent librement accéder aux capitaux d'autres pays, ce qui est, entre autres, favorable à l'investissement. Corrélativement, cela permet de créer un marché pour les titres gouvernementaux (Bishop 2003). La conséquence est que le taux d'intérêt des titres gouvernementaux dépendra de la somme totale de la dette de tous les pays. Cela signifie également que s'il existe de grandes disparités entre les pays, ceux dont la dette est moindre subventionnent de fait ceux qui ont une forte dette. Clarifions un peu ce mécanisme.
15L'Italie et la Belgique étaient fortement endettées au début des années 90 (un ratio dette/PIB de plus de 100 %). Afin d'attirer les capitaux nécessaires pour financer la dette publique, les gouvernements devaient offrir des taux d'intérêt élevés sur leurs titres. Dans d'autres pays où la dette était bien moindre, le taux d'intérêt sur les titres du gouvernement était beaucoup plus bas. Avec l'UEM, le marché des titres s'est unifié et a laissé les Belges et les Italiens avec la perspective de taux drastiquement réduits alors que d'autres pays verraient une légère augmentation du coût d emprunt. D ou lidee d'avoir des plafonds de dette publique par pays.
16La justification de la définition de plafonds de déficits budgétaires suit en parallèle l'histoire de la dette publique. Les plafonnements de déficits budgétaires ont différents effets : ils réduisent les tendances inflationnistes, suppriment les pressions sur des taux d'intérêts ascendants, et assurent des taux justes pour tous. De plus, ils réduisent l'accumulation de la dette publique. En particulier, avec une population vieillissante dans toute l'Europe, on considérait que l'attitude responsable était de ne pas avoir de déficits et de dettes élevés.
17Les questions économiques allaient donc exiger une coordination. Si des gouvernements nationaux avaient de fortes dettes, de gros déficits et beaucoup de dépenses, il y aurait une pression pour des taux d'inflation à la hausse. Il s'agissait là d'un autre facteur très important au cœur de l'UEM en Europe. Ce qui a permis à l'Allemagne d'accepter l'UEM est la condition de taux d'inflation bas. Ainsi quel que soit le mode de coordination des politiques économiques, il leur faudrait soutenir ce régime d'inflation faible.
18Le problème posé par un taux d'intérêt unique dans une région dotée d'une autorité monétaire unique mais de nombreuses autorités fiscales et budgétaires nationales différentes, est que la coordination qui s'exerce dans un « état normal » (qu'il soit fédéral ou unitaire) est ici exercée par deux autorités qui gèrent la même région économique. En d'autres termes, la banque centrale et le gouvernement économique dirigent chacun la même économie nationale. Dans la zone Euro la situation est différente. La BCE mène les politiques monétaires pour toute la zone Euro, alors que 12 autorités budgétaires et fiscales individuelles établissent chacune la politique de leur économie nationale spécifique. Certains s'inquiètent des effets de cette configuration asymétrique qui ferait que des pays, des régions, des secteurs, des groupes de personnes auraient à payer plus cher que d'autres pour adhérer à l'UEM. Donc, même si dans l'ensemble l'UEM est une bonne chose, le coût pour certains pourrait s'avérer élevé. La politique publique sert généralement à corriger ce type de situations. Un gouvernement ou quelque autre institution nouvelle chargée au niveau de l'UE des questions économiques (fiscales, budgétaires) seraient-ils utiles si, par exemple, le taux d'intérêt dans la zone Euro entraîne une récession dans certaines régions de la zone et une inflation dans d'autres ? Le gouvernement économique pourrait-il peut-être contribuer à stabiliser cet effet ? De quels outils disposerait-il ? Il pourrait redistribuer l'argent d'un budget commun. C'est typiquement ce que ferait un gouvernement central dans un état unitaire ou fédéral. Ces mesures sont souvent prises pour gérer des problèmes structurels au long cours. Et quid des effets à court terme ? Des stabilisateurs automatiques intégrés peuvent être opérants s'il y a un budget fédéral financé par des impôts et des agios et si les dépenses partent du niveau central vers les différents endroits du pays. En fin de compte, il existe bien des mécanismes automatiques qui fonctionneraient. Par exemple dans ce cas, l'inflation plus élevée dans un lieu de la zone Euro finirait par entraîner un manque de compétitivité et ainsi réduirait la croissance et donc les tendances inflationnistes. De même, une région en récession aurait moins d'inflation voire enregistrerait une déflation, et augmenterait ainsi progressivement sa position compétitive. Ce mécanisme a joué dans un certain nombre de pays pendant la phase d'apprentissage du SME (à savoir la France et les Pays Bas, voir Blanchard et Muet 1993). Mais ces mécanismes automatiques suffiraient-ils à compenser une quelconque répartition asymétrique des coûts et bénéfices de l'UEM ?
19En d'autres termes, il faut un bon policy mix entre la politique fiscale et la politique monétaire (voir par exemple Begg, Hodson et Maher 2003). Il y avait en gros deux options possibles pour assurer le bon réglage de ce policy mix. D'abord on pouvait créer une institution qui soit « au-dessus » des autres et qui puisse fixer les politiques pour les états membres ou on pouvait réunir tous les Ministres des Finances de l'Union Européenne pour qu'ils s'accordent sur ces questions. Comme nous l'avons dit plus haut, les Allemands s'inquiétaient de ce qu'un organisme économique supranational ait la tentation de donner des instructions à la Banque Centrale européenne ; ils étaient donc opposés à ce scénario. En même temps, ce qui préoccupait aussi les Allemands était que si l'UEM se mettait en place sans une coordination suffisante, une pression inflationniste pourrait émerger qui saperait l'ensemble du projet d'UEM tel qu'ils le concevaient.
20Seconde option, celle d'imposer des règles aux autorités fiscales nationales afin qu'une contrainte extérieure les force à faire converger leurs politiques. Etant donné qu'il n'y avait pas consensus sur l'option n° 1 (une autorité fiscale centralisée ou un gouvernement économique), les Etats Membres de l'UE choisirent cette seconde option. Dans la mise en oeuvre de l'UEM cela impliquait d'avoir des règles sur les déficits budgétaires, les dettes publiques, les taux d'inflation, les taux d'intérêt et les taux de change. Le critère de convergence devait finalement être remplacé par un autre critère qui prendrait effet une fois l'UEM pleinement opérationnelle. A ce stade le point central du Pacte de Stabilité et de Croissance était les déficit budgétaires.
21Certains observateurs se sont inquiétés du fait que la configuration de l'UEM dans l'UE prévoit une BCE tout à fait indépendante, sans contrepartie économique ou politique. Ils craignent que cette configuration puisse aboutir à des problèmes de légitimité ou de démocratie. L'argumentation est la suivante : la BCE est plus indépendante que tout autre banque centrale du monde. Son mandat premier - assurer la stabilité des prix — est fermement ancré dans un Traité, comme le sont ses statuts qui garantissent son indépendance. Tout changement exige l'unanimité au Conseil de l'Europe et une ratification du Traité modifié par les parlements nationaux. En outre, étant donné la relation asymétrique entre la partie monétaire de l'UEM et la partie économique, cette dernière ne dispose d'aucun défenseur puissant, contrairement à la partie monétaire. En d'autres termes, il est possible que la sauvegarde d'une inflation faible soit un objectif si écrasant que tous les autres objectifs valables sont mis de côté simplement parce qu'ils n'ont pas de partisan fort (pour approfondir ces préoccupations de régulation démocratique voir Hodson et Maher 2002, Jones 2002, Verdun 1998,1999a, Verdun et Christiansen 2000 et 2001).
22La configuration de l'UEM fut longuement débattue lors des réunions du Comité Delors en 1988 et 1989 et lors de la Conférence Intergouvernementale sur l'Union Economique et Monétaire ouverte à Rome en 1990 et achevée avec le Sommet de Maastricht en décembre 1991. Voyons d'un peu plus près ce que recouvraient les propositions de la France et de l'Allemagne.
3. Les propositions françaises.
23On analyse ici les propositions françaises en faveur d'un gouvernement économique. On cherche à voir pourquoi les Français étaient en faveur d'un gouvernement économique et comment ils espéraient qu'il jouerait un rôle dans le processus de l'UEM.
24Quand le Comité Delors se réunissait en 1988 et 1989, le processus en était à ses débuts. Le Comité Delors comprenait les douze gouverneurs des banques centrales, deux commissaires (dont Delors), trois experts indépendants et deux rapporteurs. Les experts français et allemands n'étaient ainsi que deux acteurs parmi tant d'autres. Les idées générales sur l'UEM étaient encore en discussion et comme tous les autres, ils tentaient de faire valoir leurs idées sur la meilleure façon de créer l'UEM. Bien qu'on puisse à bien des égards considérer le Comité Delors comme un groupe ayant une communauté de pensée (c'est à dire que ses membres partageaient des convictions normatives et avaient des buts communs), il y avait encore des divergences d'opinion quant à la façon dont l'UEM devait être configurée (Verdun 1999b).
25L'idée d'un gouvernement économique vint probablement de Jacques Delors qui craignait que l'UEM devienne trop étroitement focalisée sur les questions monétaires et laisse de côté d'autres questions plus sociétales [3]. A l'opposé, on trouvait Karl-Otto Pôhl, gouverneur de la banque centrale allemande, qui craignait fort que cette initiative européenne sape son contrôle de la politique monétaire et mette en péril le miracle économique allemand et la culture de la stabilité qui avait été si soigneusement menée et couronnée de succès dans la période de l'après-guerre.
26Ce qu'on voyait là, dans les mois et années qui ont suivi, c'était une différence de culture économique et de culture de gouvernement vis-à-vis des politiques économiques et monétaires. Le mode de gouvernance de l'Allemagne suivait ce que Dyson appelle l'Ordo-libéralisme (voir Dyson 2000 : 216). Pour les Ordo-libéraux, l'inflation constitue la plus grande menace à la stabilité économique et la politique monétaire doit donc avant tout la combattre. De plus, ils sont sceptiques quant aux compromis politiques car ils craignent qu'ils en arrivent à saper l'objectif de stabilité des prix. C'est ainsi qu'en matière de politique monétaire, ils préfèrent des règles plutôt que des politiques. Par contraste, le mode français de gouvernance se caractérise par le dirigisme. Les Français considèrent qu'en dernier recours, les politiques (plutôt que les technocrates et les règles) devraient mener la politique générale, donc également la politique monétaire. Dans le cas de l'UEM, les Français ont dû accepter que sa mise en œuvre soit plus proche de la culture économique allemande que de la leur. Mais ils ont bien sûr cherché à influencer le processus pour qu'il soit plus conforme à leur propre culture économique. On peut véritablement lire la proposition de gouvernement économique dans ce sens.
27Si on parle souvent des projets français et des propositions françaises pour l'UEM, ce que les Français avaient en tête fait souvent l'objet de débats [4]. Lorsque Bérégovoy présenta pour la première fois l'idée d'un « gouvernement économique » en décembre 1990, l'idée était bien d'avoir au niveau européen une sorte de contrepoids politique au contrôle exercé par la BCE sur la politique monétaire (voir Dyson et Feafherstone 1999 : 222, Howarth 2001 : 134 [5], Verdun 2000a : 134). Le projet français du Traité de 1990 déclare que : « dans le monde entier, les banques centrales en charge de la politique monétaire dialoguent avec les gouvernements en charge du reste de la politique économique. Ignorer le parallélisme entre les questions économiques et les questions monétaires ... pourrait conduire à un échec. » (cité par Howarth 2001 : 134). Certains ont insisté sur le fait que les Français cherchaient bien un moyen de « brider » la Bundesbank (et dans son sillage la Banque Centrale Européenne). D'autres ont soutenu que les Français s'intéressaient en fait plutôt à un changement de mode de régulation et ne cherchaient donc pas à contrôler la BCE (voir aussi Verdun 2000a : 143, 148). Ils étaient plutôt très désireux de créer un mode de régulation différent en Europe — davantage fondé sur un sens des responsabilités communes (pour plus de détails sur les visions françaises pour l'Europe voir le Comité pour l'histoire économique et financière 1998, Drake 2000, Dyson et Featherstone 1999, Howarth 2001 et Verdun 2000a). Pour les uns, le gouvernement économique aurait pour but de doter les gouvernements du pouvoir de donner des instructions à la BCE, alors que pour les autres, il ne signifierait que l'établissement d'objectifs communs et peut-être à terme, une implication plus grande dans les questions de redistribution.
28Il n'est pas tout à fait évident que les Français avaient vraiment une seule position sur la question. Mitterrand qui était (au moins au début et en rhétorique) un ardent partisan de l'idée de gouvernement économique n'a pas clairement dit s'il l'envisageait comme un contrepoids politique à la BCE et dans ce cas ce que cela signifierait (Howarth 2001 : 143 et Howarth 2002 : 193-6). Dyson et Featherstone (1999 : 222) soutiennent que les propositions avaient deux objectifs, l'un politique, l'autre économique. L'objectif politique était de créer un plus grand parallélisme entre l'économique et le monétaire dans l'UEM. L'objectif économique comprenait le désir de créer un meilleur policy mix entre politique fiscale et politique monétaire.
29Tout au long des années 90 les gouvernements français successifs ont fait du lobbying auprès d'autres Etats Membres pour qu'ils acceptent la création d'un gouvernement économique, même si cette notion n'a pas toujours signifié la même chose. On a souvent affirmé que jamais les Allemands n'auraient accepté une Banque Centrale Européenne soumise à des instructions émanant d'un autre organisme. En fait, les Français eux-mêmes acceptaient le principe que la BCE et toutes ses banques centrales nationales deviendraient indépendantes. En fait, la France fut parmi les premiers pays à accorder l'indépendance à sa banque centrale et l'a fait plus tôt que prévu, en 1993 (voir Balleix-Banerjee 1999, Marcussen 1999). Ce fut cependant une surprise lorsque François Mitterrand, alors président, annonça à la télévision publique au cours de l'été 1992, en pleine campagne — animée - pour le référendum sur le Traité de Maastricht, qu'on pouvait évidemment donner des instructions à la BCE. Cela suscita un tollé dans d'autres Etats Membres. Mais la déclaration de Mitterrand fut plus tard mise en perspective par ses propres conseillers. Ils soutenaient que son commentaire devait être pris comme le genre de déclaration que l'on fait pendant des débats 'animés'. Mais le fait que Mitterrand ait pu faire une telle déclaration n'avait rien de rassurant pour ceux qui demeuraient sceptiques quant aux propositions françaises.
30Concentrons-nous sur l'interprétation française du gouvernement économique qui n'implique pas qu'un nouvel organisme de gouvernance économique aurait le pouvoir de donner des instructions à la BCE. [6] Partons du principe que le but est que le gouvernement économique aide à coordonner les politiques nationales, fixe les objectifs et serve d'organisme principal qui s'occupe de toutes les politiques annexes [7]. Commençons par voir pourquoi les Français étaient favorables à un tel organisme.
31Tout d'abord, les Français voulaient passer pour les (co)créateurs de l'UEM et surtout pas comme de simples suiveurs des Allemands. Il était évident que même si la BCE avait été créée sur recommandation du Comité Delors (acceptée par la Conférence Intergouvernementale et ensuite incorporée au Traité de Maastricht), elle avait été façonnée sur le modèle de la Bundesbank allemande. La communauté 'epistémique' formée) des banquiers des banques centrales, des commissaires et des experts indépendants, qui avait produit le Rapport Delors eut beaucoup de poids dans l'élaboration du calendrier de l'intégration économique et monétaire (Verdun 1999b, voir aussi 2000a et 2000b. Les Français voulaient aussi avoir leur mot à dire dans la configuration de l'UEM. C'est pourquoi, ils cherchaient aussi un projet 'bien à eux' à défendre.
32Pourquoi donc choisir de promouvoir un gouvernement économique ? Une fois encore, rappelons que le débat sur la façon de créer une UEM remontait aux années 60 et chaque fois les experts rappelaient la nécessité d'un parallélisme entre le monétaire et l'économique dans l'Union. Avec la création d'une autorité monétaire supranationale ne serait-il pas naturel de créer une autorité économique supranationale ? Mais cela allait bien au-delà de la simple symbolique politiques. Dès les années 60, la littérature économique (Balassa 1961, Ttnbergen 1965) avait démontré qu'il fallait un développement parallèle des questions économiques et monétaires lorsque l'on créait une UEM. La question devint donc : quels pouvoirs précis doit-on donner à l'autorité économique ? Les positions sur cette question se transformèrent aussi au cours des années 70 et 80. Là où les idées keynésiennes avaient marqué la pensée jusqu'aux années 70, les idées monétaristes devinrent le paradigme dominant des années 80 et 90. Ce glissement de paradigme eut aussi une influence sur la façon qu'eurent les experts de conceptualiser le processus vers l'intégration monétaire et économique (voir aussi McNamara 1998).
33A la fin des années 80, les experts d'alors avaient évolué vers la conception d'objectifs communs qui pouvaient suffire à coordonner les politiques macroéconomiques. On ne pensait pas forcément que les simples objectifs étaient normativement meilleurs qu'une nouvelle institution destinée à fixer les objectifs et coordonner les politiques. Bien plutôt les Allemands s'inquiétaient de ce que toute nouvelle institution pourrait vouloir réduire l'autonomie de la BCE en matière de politique monétaire (Dyson 2000). De leur côté, les Français étaient très clairement partisans de doter la nouvelle institution économique de pouvoirs dépassant le strict minimum et ne s'inquiétaient pas de l'éventuelle influence qu'elle aurait sur la BCE.
34Une autre problématique était liée à l'idée de gouvernement économique. Elle était liée à la question soulevée par Jacques Delors à la fin des années 80, à savoir qu'il devait y avoir une focalisation sur la cohésion économique et sociale dans l'UEM. Delors s'inquiétait alors de ce que, si la nouvelle BCE ne se concentrait que sur la lutte contre l'inflation, le nouveau mode de régulation ne serait pas satisfaisant. Delors voulait introduire des mécanismes qui assureraient une croissance économique plus équilibrée entre les régions et les groupes sociaux et qui au bout du compte permettraient à l'UEM de contribuer à une Europe plus juste et plus équitable. C'est pour cette raison que des développements allant dans ce sens furent ajoutés au Rapport Delors de 1989. Le gouvernement économique devait aussi prendre en compte des considérations de ce type. Mais les Allemands s'inquiétaient encore de l'indépendance de la BCE et ne s'intéressaient pas à la création d'une nouvelle institution économique.
35Ainsi émergea la situation que nous connaissons aujourd'hui. Le Traité de Maastricht ne comportait aucune disposition pour un nouvel organisme économique. Au contraire, la configuration de l'UEM était asymétrique : l'UEM disposait d'une institution supranationale chargée de la politique monétaire alors que dans le domaine des politiques budgétaires et fiscales on ne comptait aucune institution de ce type. En lieu et place, des règles et des critères de dettes et de déficits furent mises en place pour assurer la coordination des politiques macroéconomiques.
36Récemment un groupe de chercheurs, professeurs et hauts fonctionnaires français, présidé par Robert Boyer a contribué au débat en discutant les mérites d'un gouvernement économique (Bonnaz et Plihon 1999). Leurs résultats laissent supposer que la coordination des politiques macroéconomiques reste un point crucial de l'UEM et ils soutiennent qu'il faut un gouvernement économique. Ils appellent à davantage de réflexion sur les types de gouvernement qui seraient souhaitables dans le contexte de la zone Euro (voir aussi Boyer 2000 et Le Cacheux 2003). Ils soulignent entre autres que au sein de l'UEM les cycles économiques des différents pays ne seront pas nécessairement synchrones et qu'ils demanderont en théorie des réactions contradictoires de la BCE, ce qui est impossible. Voilà soulevée la question de savoir comment on gouverne la politique économique. Comment met-on en oeuvre une politique fiscale à l'intérieur d'une union monétaire ? Afin de gérer ces demandes contradictoires, un gouvernement économique pourrait jouer un rôle plus important. Le Rapport Boyer propose que l'unification monétaire et économique soit considérée comme un scénario dans lequel l'UEM est une étape vers une Europe plus fédérale et qu'on soit donc prêt à envisager l'augmentation du budget de l'UE afin qu'il représente une plus grande part d'un 'budget fédéral', comme c'est le cas dans des fédérations 'mûres'. Il est remarquable que cette question d'augmentation du budget émerge à nouveau au sein de ce groupe d'experts français. Au début des années 90 Jacques Delors et Pierre Bérégovoy avaient tous deux plaidé pour une augmentation du budget de l'UE comme moyen de contribuer à créer un processus d'intégration européenne de type plus fédéral (Beauvois 1998 263-66). Ces récentes discussions du concept de gouvernement économique montrent à l'évidence que nous voyons un processus encore inachevé. Bien des voies s'offrent encore à nous.
4. Des solutions de compromis
37Ici nous verrons quelles solutions de compromis sont nées des propositions françaises pour un gouvernement économique et quelle forme il pourrait prendre à l'avenir. On aborde ici ce qui a inspiré l'Eurogroupe et on verra comment le Pacte de Stabilité et de Croissance a été en partie façonné par les propositions françaises de gouvernement économique.
38Bien que les projets de gouvernement économique n'aient pas été acceptés (quand les discussions avaient lieu au sein du Comité Delors et aux Conférences Intergouvernementales qui s'arrêtèrent en 1991), les propositions françaises ont initié la coopération entre les politiques macroéconomiques. Même ceux qui étaient sceptiques quant au rôle possible d'un gouvernement économique savaient que la coordination devait exister pour que certains pays ne « profitent » pas du système. Quel était le problème ?
39La création d'une UEM conforme au consensus en vigueur à la fin des années 80 impliquait d'institutionnaliser les décisions prises dans les années 80. Cela signifiait une UEM avec des taux de change fixes ou une monnaie unique, une inflation faible et des taux d'intérêt bas. L'institutionnalisation de ce dispositif impliquait de donner une mission aux banques centrales nationales et à la Banque Centrale Européenne (lesquelles seraient toutes indépendantes) et de faire accepter aux autorités monétaires des limitations de dettes, de déficits et de taux d'inflation. Ces limitations devraient être établies, mises en œuvre, et renforcées.
40La première façon d'établir ces limitations consistait à créer ce que l'on a appelé les 'critères de convergence'. Ces critères concernaient les résultats obtenus en matière de taux d'intérêts à long terme, de taux d'inflation, de taux de change, de déficits budgétaires et de dettes publiques [8]. Les pays devaient atteindre ces critères pour être jugés prêts à rejoindre l'UEM [9]. Cependant, dans une lettre du 10 novembre 1995, Théo Waigel, alors Ministre allemand des Finances, écrivait à ses collègues Ministres de l'Economie et des Finances, qu'il souhaitait un 'Pacte de Stabilité pour l'Europe'. (Il voulait être sûr qu'une fois dans l'UEM, les pays poursuivraient les politiques conformes aux principes de l'UEM. C'est ainsi qu'on décida de créer le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) (qui fut finalement accepté à Amsterdam le 17 juin 1997 et dans deux dispositions du Conseil le 7 juillet 1997) [10]. Les Etats Membres s'accordèrent pour que les déficits budgétaires ne puissent pas excéder trois pour cent des PIB respectifs des Etats Membres et pour que les gouvernements nationaux visent des budgets équilibrés à moyen terme. Ces limitations et ces règles étaient un moyen de coordonner les politiques économiques sans qu'il y ait une autorité (un nouvel organisme) pour mettre en œuvre ces politiques.
41Autre dispositif créé : l'Eurogroupe', qui est un peu ce qu'on pourrait attendre d'un gouvernement économique. Au tout début de sa conception, on l'appelait l'Euro-X Groupe' (car on ignorait combien de pays rejoindraient l'Euro au départ). Une fois ce nombre connu, il devint l'Euro-11, puis tout simplement l'Eurogroupe'. Il fut créé en 1997. Il comprend deux représentants de chacun des Etats Membres de la zone Euro. Il se réunit avant le Conseil officiel, dit Ecofin (Conseil des Ministres de l'Economie et des Finances). Au cours de ses réunions, il discute des questions de coordination liées à l'Euro. Il s'agit d'une version embryonnaire de « gouvernement économique ». Des observateurs ont souligné que l'Eurogroupe travaille fort bien parce qu'il est moins formalisé que les réunions régulières du Conseil et parce qu'il comprend moins de participants. Une réunion régulière du Conseil peut comprendre jusqu'à 100 personnes alors que les réunions de l'Eurogroupe se font avec 22 membres (un ministre et un conseiller par pays - il n'y a pas d'autres représentants). Ses discussions sont plus ouvertes et moins formelles, ce qui enrichit les débats (entretien privé avec un officiel de la Commission, 10 janvier 2003. Pour une discussion de l'Eurogroupe voir aussi Puetter 2001). Notons cependant que des décisions formelles ne peuvent être prises que par le Conseil Ecofin.
42On peut relever d'autres initiatives que les Français ont revendiqué comme des victoires : le Pacte de la Croissance et de l'Emploi et l'inclusion du Chapitre Emploi dans le Traité d'Amsterdam (1997) en sont deux exemples. Les gouvernements français de l'époque soutenaient que ces initiatives avaient été prises en raison du désir français d'aller davantage dans le sens d'un 'gouvernement économique*. Cependant, il faut noter qu'aucune dépense supplémentaire ni engagement contraignant n'étaient alors en question (voir Howarth 2001 : 169).
43En d'autres termes, même si l'idée du gouvernement économique n'a pas été formellement acceptée, elle fournit une base pour une évolution ultérieure. En outre, le processus de coordination macroéconomique dans sa totalité et un éventuel rôle pour un nouvel organisme sont toujours en cours de développement.
44Récemment le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) a fait l'objet de critiques sévères. La critique la plus importante émane du Président de la Commission européenne, Romano Prodi, qui en octobre 2000 a qualifié le Pacte de 'stupide'. Il faisait référence à sa rigidité (tout en l'acceptant comme règle indispensable). Certains ont également souligné qu'il existait d'autres moyens de tenter d'atteindre la nécessaire convergence des politiques budgétaires. L'idée de plafonner les déficits budgétaires à trois pour cent est, pour certains, trop restrictive (cf Boyer 2000, Le Cacheux 2003). Cela étant, l'idée du PSC est qu'il y a une limite supérieure à laquelle tous les Etats membres doivent adhérer. Le fait même qu'il n'y ait pas de gouvernement économique, qui puisse commencer à mesurer les enjeux et faire des jugements de valeur, est la raison pour laquelle la règle risque fort de demeurer la règle. L'Eurogroupe et le Conseil Ecofin sont à ce stade incapables d'agir comme un gouvernement économique. Ainsi, en principe, les règles continueront de damer le pion à la politique [11].
45Le problème avec le PSC est que lorsqu'il fut créé, il était censé fonctionner comme un moyen de dissuasion. Les gouvernements des Etats Membres étaient censés s'assurer que les limites qui leur étaient imposées seraient respectées, mais les sanctions elles-mêmes sont contre productives. Ce n'est que lorsqu'un pays fonctionne avec un déficit excessif qu'il peut 'être prévenu'. Une fois prévenu, il peut avoir à s'acquitter d'une amende. C'est très précisément cette amende qu'il n'a pas les moyens de payer. Ainsi le Pacte n'a été conceptualisé que comme menace — non pas comme un pacte à mettre vraiment en œuvre. L'ironie veut qu'au moment même où nous écrivons ces lignes, ce soit l'Allemagne (le pays qui voulait tant le PSC car il craignait que les autres ne puissent pas respecter les critères) qui connaisse actuellement des difficultés pour respecter la règle des trois pour cent.
5. Conclusion : les préoccupations françaises sont-elles justifiées ?
46Le présent article a débuté par la question de savoir si les inquiétudes françaises d'une UEM sans gouvernement économique sont justifiées. D'abord, nous avons indiqué qu'il doit y avoir un bon équilibre entre la politique monétaire et la politique économique (celle-ci comprenant les politiques budgétaires et fiscales). Ensuite, le processus d'UEM est le résultat d'un processus progressif d'intégration par lequel les évolutions des années 90 reposent sur une institutionnalisation des politiques poursuivies avec succès et sur la base du volontariat au cours des années 80. La politique monétaire était donc relativement facile à intégrer et il était relativement aisé de transférer la souveraineté de la politique monétaire vers le niveau européen. En revanche, les politiques économiques ont évolué d'une manière bien plus graduelle. Même si des évolutions majeures ont eu lieu, telles que la création d'une union douanière, l'achèvement du marché intérieur et de la libéralisation des capitaux, d'autres politiques sont à l'évidence encore très éloignées de la situation esquissée dans les théories de l'intégration économique et monétaire.
47Les Français ont réagi à ce manque de développement économique dans le processus de l'UEM et plaident maintenant en sa faveur. Ils ont provoqué les Allemands en suggérant qu'un gouvernement économique pourrait avoir voix au chapitre sur l'équilibre entre politiques monétaires et fiscales, mais sans être toujours très clairs quant au fait qu'un tel scénario menace l'indépendance de la BCE. Cela était inacceptable pour les Allemands et par conséquent l'opposition de l'Allemagne a discrédité les propositions françaises. Cependant, il existe bien des points de vue sur le gouvernement économique et bien des versions potentielles sur le contenu du concept. Il ne repose pas, à l'évidence, sur l'idée que le gouvernement économique devrait donner des instructions à la BCE. Les Français sont davantage inquiets de la répartition inégale des coûts et bénéfices de l'UEM à travers l'UE et envisage un gouvernement économique comme un moyen de gérer ces enjeux lorsque le besoin s'en fait sentir. En outre, même une gestion au jour le jour de l'UEM exige que la coordination basique des politiques macroéconomiques soit réellement équilibrée entre les politiques monétaires et les politiques fiscales. Le gouvernement économique pourrait être l'organisme qui gère ces questions. L'absence d'un tel organisme signifierait que toutes ces questions ne sont gérées qu'à travers des règles établies. La question est de savoir si un tel dispositif serait satisfaisant.
48Cependant, la raison pour laquelle les Allemands étaient préoccupés par les propositions françaises est qu'ils n'ont pas vraiment fait confiance aux Français. D'abord, ils craignaient que ces propositions ne contiennent en fin de compte des projets pour brider la BCE. Ensuite, tout projet de redistribution, ou de discussion sur un partage plus juste des coûts et bénéfices de l'UEM porte en lui la question de savoir qui payera la note. Les Allemands se rendent compte qu'une expansion du budget de l'UE implique une augmentation de la contribution allemande au budget global de l'UE. Actuellement les Allemands sont déjà les plus gros contributeurs à ce budget. En outre, la situation financière de l'Allemagne est telle qu'ils paient encore massivement en transferts internes de l'ouest du pays vers l'est et sont incapables de donner plus de fonds à l'UE.
49Ce que nous avons vu est néanmoins que le processus d'intégration fonctionne de la même façon que dans les années 70 et 80. La théorie économique suggère la nécessité d'une régulation plus importante dans le domaine de l'union économique pour faire contrepoids à l'union monétaire. Le paradigme actuel est tel qu'il n'y a pas de volonté suffisamment forte pour une nouvelle institution qui ressemblerait à un gouvernement économique quasi fédéral. Ce qui a en revanche fonctionné est un processus progressif de création d'un espace institutionnel embryonnaire où des représentants des Etats Membres de l'UE discutent ensemble des enjeux. De plus, les critères de convergence de Maastricht et le Pacte de Stabilité et de Croissance font aussi partie du processus progressif de création de règles, de cibles et d'objectifs qui serviront au final comme base à une collaboration plus étroite dans ce domaine. Tant que les Etats Membres ne sont pas satisfaits des dispositifs existants, ils continueront à rechercher des alternatives.
50Cependant, la question de la redistribution et de l'inégal partage des coûts et bénéfices de l'UEM à travers l'UE n'a pas encore été abordée. Ces questions restent en suspens pour les Etats Membres. Cependant, comme nous l'avons écrit ailleurs (Verdun 1999a), il faudra peut-être une crise pour que les Etats Membres se rendent compte qu'ils doivent aborder ces questions. Mais, au regard de la faible croissance économique dans la zone Euro et de la controverse persistante sur le Pacte de Stabilité et de Croissance, on peut se demander si la 'crise' n'a pas en fait déjà commencé.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
L'auteur tient à remercier Frédéric Depetris, Martin Heipertz, David Howarth, Fritz W. Scharpf, Paul Schure et un lecteur anonyme de Politique européenne pour les remarques utiles sur une version antérieure de cet article. Les réserves d'usage en matière de responsabilité s'appliquent ici. En outre, cet article ayant été écrit alors que l'auteur était chercheur accueilli à l'Institut Max Planck pour l'étude des Sociétés, à Cologne en Allemagne, l'auteur exprime sa reconnaissance à cette institution pour avoir créé un merveilleux environnement de travail et fourni un soutien tant institutionnel que financier. Un soutien financier substantiel a également été accordé sous la forme d'une bourse de recherche par le gouvernement fédéral canadien (bourse SSHRC 410-1999-0081) pour laquelle l'auteur exprime également sa profonde gratitude.
-
[2]
L'exemple de choc spécifique à un pays alors très souvent cité à cet égard était la Réunification allemande. Mais les observateurs suggéraient tous qu'il y aurait bien sûr très peu de cas de ce type. Cependant d'autres étaient plus préoccupés et affirmaient que des chocs de moindre importance constitueraient tout de même un choc asymétrique.
-
[3]
Dyson et Featherstone (1999 : 699) soulignent que Delors était suffisamment perspicace pour ne pas employer le terme « gouvernement économique » car il savait fort bien que cela bloquerait les allemands.
-
[4]
Le Gouvernement français présenta son projet sur l'UEM le 10 janvier 1991, Europe Documents N° 1682.
-
[5]
David Howarth note que Jacques Larosière (Banque de France) soutenait aussi l'idée d'un gouvernement économique mais qu'il formulait sa pensée de façon à être plus proche des positions de la Bundesbank.
-
[6]
Verdun 2000a : On peut montrer que les autorités monétaires françaises, le patronat et les syndicats français avaient accepté l'indépendance de la BCE. Leur soutien à l'idée qu'un gouvernement économique relevait plutôt du fait qu'une telle institution pourrait aider à la coordination des politiques économiques et à une plus grande attention portée à l'emploi, à la croissance et à la redistribution. Ils exprimèrent cette position en 1991 (au cours des conférences intergouvernementales) mais l'abandonnèrent peu ou proue une fois adopté le Traité de Maastricht (qui ne mentionnait pas de gouvernement économique).
-
[7]
L'autre extrême serait de promouvoir un gouvernement économique de type fédéral et l'augmentation du budget de l'UE, ainsi que le Rapport MacDougall de 1977 l'a proposé (abordé plus haut). Un gouvernement économique aurait pu alors contribuer à la répartition des coûts et bénéfices. De même, des stabilisateurs automatiques pourraient œuvrer pour réguler les effets des chocs spécifiques à chaque pays. Les Français n'ont pas trop insisté sur cette interprétation de ce qu'un gouvernement économique pourrait aussi potentiellement faire.
-
[8]
Les Critères de Convergence se réfèrent à un nombre de critères que les pays doivent respecter afin d'être à même d'entrer dans la zone Euro (1) les déficits budgétaires ne doivent pas dépasser 3 pour cent du PIB , (2) la dette publique cumulée ne doit pas dépasser 60 pour cent du PIB ; (3) les taux de change doivent rester en-deçà des marges normales fixées par le Mécanisme de Change du SME au moins au cours des deux dernières années ; (4) l'inflation ne devrait pas dépasser de plus de 1,5 pour cent la moyenne des trois meilleurs pays ; (5) les taux d'intérêt à long terme ne doivent pas dépasser de plus de 2 pour cent la moyenne des trois pays les plus bas. (Source . Version Consolidée du Traité instituant la Communauté Européenne, article 121 et Protocoles).
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[9]
Les chiffres réels sont déterminés lors d'une réunion du Comité Monétaire Ce Comité comprend des représentants des banques centrales nationales et des Ministères des Finances de tous les Etats Membres d'alors. Au début de la phase trois de l'UEM le Comité Monétaire a été rebaptisé Comité Economique et Financier Pour plus d'information sur les travaux du Comité Monétaire voir Hanny et Wessels (1998) et Verdun (2000b).
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II faut noter que Waigel avait lui-même à l'origine émis des propositions pour un Conseil de la Stabilité. Pour un survol des origines du PSC, voir Costello (2001) Pour une analyse voir Heipertz et Verdun (à paraître).
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Certains ont dit que le Conseil Ecofin commence maintenant à travailler comme une nouvelle institution de type gouvernance économique — et peut-être un jour sera-t-il transféré vers une institution plus supranationale (plutôt qu'intergouvemementale). Le Conseil Ecofin est fait de représentants nationaux qui sont là pour représenter avant tout leurs intérêts nationaux. Lorsque ces intérêts ne sont pas en conflit avec une vision de l'intégration européenne, alors et seulement alors, ces acteurs agissent-ils plus comme un 'corps européen' (pour une discussion sur le PSC et la coordination des politiques macroéconomiques voir entre autres Begg, Hobson et Maher 2003, Heipertz 2002, Issing 2002 et Linsemann 2003).