Je cite Andromaque, acte I, scène 1. Oreste s’adresse à Pylade :
Ce passage, quand on y réfléchit un moment, est troublant. Andromaque trompa l’ingénieux Ulysse. Il faut nécessairement entendre par là : la mère d’Astyanax a été mêlée à un infanticide. Elle a accepté sans broncher qu’un enfant d’une autre mère, dont je ne sais rien, ni de l’enfant que l’on a tué d’ailleurs, soit enlevé et massacré, pour que le fils d’Hector puisse vivre. Certes, nous sommes dans la Grèce antique et non pas en terre chrétienne. Mais Racine est chrétien et il écrit pour un public chrétien. Le comportement d’Andromaque est radicalement incompatible avec l’idée de la charité chrétienne. Il est même cruel et choquant. On peut, me semble-t-il, s’en étonner à juste titre.
Chateaubriand, dans le Génie du christianisme, cite les paroles, devenues fameuses, qu’Andromaque, au moment d’entrer en scène, prononce devant Pyrrhus. Racine enfreint délibérément les règles du théâtre. La veuve d’Hector ne fait que passer dans un endroit où elle n’a guère envie de s’attarder. Pyrrhus ne l’intéresse pas, ni aucun des autres interlocuteurs à qui elle a affaire d’ailleurs. Andromaque ne pense qu’à son fils :
Chateaubriand ajoute le commentaire suivant : « Ce vers si simple et si aimable est le mot d’une femme chrétienne : cela n’est point dans les goûts des Grecs, et encore moins des Romains. » A l’appui de sa démonstration, il rappelle les propos du Christ dans l’Evangile selon saint Marc :
Et ayant pris un petit enfant, il l’assit au milieu d’eux, et, l’ayant embrassé, il leur dit …