Il est bien connu que l’ars artificialiter scribendi n’a pas révolutionné du jour au lendemain l’aspect du livre. L’imprimé a d’abord imité au plus près le manuscrit, qui restait le modèle de référence : écriture gothique, ajout de miniatures peintes à la main (plus tard les bois gravés s’inspireront des miniatures de manuscrits antérieurs), possibilité d’imprimer sur vélin des exemplaires de luxe. Quant au contenu, les catalogues des premiers éditeurs, soucieux de rentabiliser leurs investissements, misent assez largement sur des titres anciens, déjà diffusés sous forme manuscrite, et qui gardaient la faveur du public (la liste des cinquante premiers livres publiés par Antoine Vérard entre 1485 et 1497 en témoigne). Mais le passage de la manuscriture à l’imprimerie implique la sortie du système clos de la commande mécénale, en sorte que le public des lecteurs, plus diffus que par le passé, devient un public d’acheteurs potentiels qu’il faut séduire. L’imprimerie fait donc émerger tout un paratexte éditorial visant à communiquer efficacement avec le public visé : la page de titre très ornée remplit une fonction publicitaire analogue aux actuelles quatrièmes de couverture, la mention du privilège royal garantit le sérieux et l’orthodoxie de l’ouvrage, accréditation renforcée par une éventuelle dédicace à un puissant. Surtout, la préface rédigée par ce nouvel acteur du circuit de diffusion du livre qu’est le libraire-imprimeur (ou par l’un de ses collaborateurs, par exemple le correcteur du texte imprimé) devient le lieu liminaire où il justifie son entreprise éditoriale et tient à adresser son « avis au lecteur »…