Couverture de POESI_167

Article de revue

Deux oiseaux

traduits par Benoît Casas

Pages 150 à 152

Notes

  • [1]
    Harrison nous apprend que dans toute son œuvre Hopkins nomme vingt-six fois les oiseaux : dix-neuf fois dans son Journal et sept fois dans ses poèmes.
  • [2]
    The Letters of Gerard Manley Hopkins to Robert Bridges., éd. C.C. Abbott, London, New York, Oxford University Press, 1955 [1935], p. 163-164.

1Benoît Casas est éditeur, traducteur et poète. Il vient de publier Précisions, Caen, Nous, 2019. En 1999 il fonde la maison d’édition Nous. Hopkins est le premier livre du catalogue : Grandeur de Dieu et autres poèmes (traduction de Jean Mambrino). Depuis, Casas ne cesse de traduire Hopkins en se rendant attentif à la modernité de sa poétique et aux exigences de sa rythmique.

2Il nous donne là deux poèmes d’oiseau.

3Thomas P. Harrison note dans un article déjà ancien (« The Birds of Gerard Manley Hopkins », Studies in Philology, 54, no3, 1957, p. 448-463) que l’intérêt de Hopkins pour les oiseaux tient à leur chant (« bird notes ») plus qu’à leurs formes ou leurs couleurs [1]. Sa passion va plutôt vers les couchers de soleil, les effets de surface, le jeu des nuages, et les caprices de l’eau. Harrison passe en revue les six poèmes d’oiseaux suivants : « The Alchemist in the City » (mai 1865) ; « The Nightingale » (juin 1866) ; « The Woodlark » (juillet 1876) ; « The Caged Skylark » ; « The Sea and the Skylark » ; « The Windhover » tous trois datent de 1877 – le dernier, précisément du 3 mai. Ces poèmes se trouvent regroupés par Hopkins (ce sont les poèmes 35 et 36). Hopkins ne les considérait pas du même œil.

4La première version de « The Sea and the Skylark » a été composée à Rhyl, en mai 1877-1877 : l’année de la prêtrise. Elle avait pour titre « Walking by the Sea » ; Hopkins a dit n’en être pas satisfait. Dans une lettre de 1882, il s’explique sur la réécriture de ce sonnet écrit, dit‑il, « dans mes jours gallois alors que j’étais passionné par le cynghanedd[2] ». Ce mot désigne un système d’allitération et de rimes propre au vers gallois.

5On dispose de deux manuscrits autographes de « The Windhover », le second est daté du 30 mai 1877. Dans une lettre du 22 juin 1879 Hopkins précise : « Je vais vous envoyer sous peu une copie amendée de « The Windhover » ; l’amendement touche un seul vers, je pense, mais comme il s’agit, je crois, de la meilleure chose que je n’aie jamais écrite, j’aimerais que vous l’ayez sous sa forme la meilleure ».

6Pour le texte anglais nous avons utilisé l’édition The Poems of Gerard Manley Hopkins, 4e édition, révisée et augmentée par W.H. Gardner et N.H. MacKenzie, Londres, Oxford, 1978, p. 68 et 69.

7

M.R. pour Po&sie

8

La mer et l’alouette
En chaque chaque oreille deux sons sans âge sans terme
Se fixent – de droite, marée qui se rue sur la rive ;
Flot montant ou reflux, basse rumeur ou rugir
De retour ici tandis que lune s’use, s’avance.
De gauche, hors terre, j’entends l’ascension de l’alouette,
Sa note vive-fraîche roulée, déroulée
En vrilles vives follement se dévide, déverse
Sa musique en averse jusqu’à pleine dépense.
Que tous deux humilient cette vaine-frêle ville !
Quel timbre clair en ce crasse-trouble temps,
Si pur ! Nous, de vie gloire et couronne,
Avons perdu cette joie, ce charme du monde initial :
Notre faire, notre effet se défait, se dissout en ultime
Poussière, hâtive rendue à sa bourbe première.

9

The Sea and the Skylark
On ear and ear two noises too old to end
Trench—right, the tide that ramps against the shore ;
With a flood or a fall, low lull-off or all roar,
Frequenting there while moon shall wear and wend.
Left hand, off land, I hear the lark ascend,
His rash-fresh re-winded new-skeinèd score
In crisps of curl off wild winch whirl, and pour
And pelt music, till none ‘s to spill nor spend.
How these two shame this shallow and frail town !
How ring right out our sordid turbid time,
Being pure ! We, life’s pride and cared-for crown,
Have lost that cheer and charm of earth’s past prime :
Our make and making break, are breaking, down
To man’s last dust, drain fast towards man’s first slime.

10

Le Faucon
Au Christ notre Seigneur
J’ai saisi ce matin le mignon du matin, dauphin du
royaume de lumière, Faucon surgi de l’aube pommelée,
Traçant l’air roulant, sous lui stable, lancé
Là-haut, tirant la longe d’une aile vibrante
D’extase ! puis vite-vite se jette, file
Comme le patin glisse souple dans l’arc d’une courbe : élan
Du vol repoussant les rafales. Mon cœur caché
Secoué par un oiseau – quel fini, quelle maîtrise !
Beauté brute, valeur et acte ; air, fierté, panache, Ici
Se fondent ! ET le feu que tu jettes, un milliard
De fois plus risqué, plus ravissant, mon chevalier !
Pas de merveille : la motte fendue fait au fond du sillon
Luire le soc, et les braises bleu-pâle, mon amour,
Déclinent, s’attisent et s’incisent d’or-vermillon.

11

The Windhover
To Christ Our Lord
I CAUGHT this morning morning’s minion, king-
 dom of daylight’s dauphin, dapple-dawn-drawn Falcon, in his riding
 Of the rolling level underneath him steady air, and striding
High there, how he rung upon the rein of a wimpling wing
In his ecstasy ! then off, off forth on swing,
 As a skate’s heel sweeps smooth on a bow-bend : the hurl and gliding
 Rebuffed the big wind. My heart in hiding
Stirred for a bird, – the achieve of, the mastery of the thing.
Brute beauty and valour and act, oh, air, pride, plume, here
 Buckle ! AND the fire that breaks from thee then, a billion
Times told lovelier, more dangerous, O my chevalier !
 No wonder of it : shéer plód makes plough down sillion
Shine, and blue-bleak embers, ah my dear,
 Fall, gall themselves, and gash gold-vermilion.


Date de mise en ligne : 07/08/2019

https://doi.org/10.3917/poesi.167.0150

Notes

  • [1]
    Harrison nous apprend que dans toute son œuvre Hopkins nomme vingt-six fois les oiseaux : dix-neuf fois dans son Journal et sept fois dans ses poèmes.
  • [2]
    The Letters of Gerard Manley Hopkins to Robert Bridges., éd. C.C. Abbott, London, New York, Oxford University Press, 1955 [1935], p. 163-164.

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