Notes
-
[1]
Georges Perec, « Lire : esquisse socio-physiologique » (1976), Penser/Classer, Paris, Seuil, 2003, p. 113.
-
[2]
W.G. Sebald, D’après nature, trad. Patrick Charbonneau et Sibylle Muller, Arles, Actes Sud, 2007, p. 38 : « perscrutamini scripturas / ne faudrait-il plutôt dire / perscrutamini naturas rerum ? »
-
[3]
Alberto Manguel, Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Bœuf, Arles, Actes Sud, 1998.
-
[4]
Georges Perec, « Lire : esquisse socio-physiologique », op. cit., p. 113.
-
[5]
La présente contribution est née d’un texte qui a été la base de l’introduction réalisée ensuite avec Emmanuel Alloa dans le cadre de la co-direction du numéro Lisibilité/Lesbarkeit, in Trivium. Revue franco-allemande des sciences humaines et sociales, n°10, 2012, http://trivium.revues.org/. Elle en garde rétrospectivement les traces.
-
[6]
Stéphane Mallarmé, « Quant au livre », Divagations, Œuvres II, éd. Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, 1998, p. 215.
-
[7]
Walter Benjamin, Fragments, trad. Christophe Jouanlanne et Jean-François Poirier, Paris, PUF, La Librairie du Collège international de Philosophie, 2001, p. 33.
-
[8]
Paul Valéry, « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, éd. Jean Hytier, Paris, Gallimard, 1957, p. 626.
-
[9]
Ibid., p. 627.
-
[10]
Ibid., p. 625-626.
-
[11]
Ibid.
-
[12]
Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines (1966), Paris, Gallimard, 2009, p. 41. Cf. également Giorgio Agamben, Signatura rerum. Sur la méthode, trad. Joël Gayraud, Paris, Vrin, 2008, p. 49.
-
[13]
Ibid., p. 58.
-
[14]
Gérard Genette, Mimologiques. Voyage en Cratylie (1976), Paris, Seuil, 1999.
-
[15]
Paul Valéry, « Je disais quelquefois à Stéphane Mallarmé… », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 650.
-
[16]
Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 210.
-
[17]
Id., Les Mots anglais, Œuvres II, op. cit., p. 969.
-
[18]
Id., « Crayonné au théâtre », Divagations, Œuvres II, op.cit., p. 162.
-
[19]
Walter Benjamin, « La tâche du traducteur », Œuvres I, trad. Maurice de Gandillac, Pierre Rusch, Rainer Rochlitz, éd. Rainer Rochlitz, Paris, Gallimard, 2000, p. 252.
-
[20]
Stéphane Mallarmé, Les mots anglais, Œuvres II, op. cit., p. 1013-1014.
-
[21]
Ibid., p. 967.
-
[22]
Stéphane Mallarmé, « La Musique et les Lettres », Œuvres II, op. cit., p. 66.
-
[23]
C’est l’hypothèse que Bertrand Marchal propose dans la note 3, p. XXXI de son introduction aux Œuvres. Soulignons qu’à l’époque l’alphabet anglais compte 26 lettres. Le français, officiellement 25. Dans le Bescherelle et le Littré, le W est mentionné mais n’est pas encore comptabilisé comme lettre à part entière.
-
[24]
Stéphane Mallarmé, Les mots anglais, Œuvres II, op. cit., p. 973.
-
[25]
Entretien de Mallarmé avec Maurice Guillemot, Le Figaro, 27 août 1896, Œuvres II, op. cit., p. 715.
-
[26]
Stéphane Mallarmé, « Quant au livre », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 227.
-
[27]
Ibid., « Crise de vers », p. 208.
-
[28]
Paul Valéry, « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 627.
-
[29]
Jean-François Lyotard, Discours, Figure, Paris, Klincksieck, 2002, p. 62.
-
[30]
Jacques Derrida, « La double séance », La Dissémination, Paris, Seuil, 1972, pp. 215-347.
-
[31]
Id., De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967. Id., « La Différance », Marges de la philosophie, Paris, Minuit, 1972, p. 1-29.
-
[32]
Roland Barthes, « La mort de l’auteur » (1968), Œuvres complètes II, 1966-1973, éd. Eric Marty, Paris, Seuil, 1993-1995, pp. 491-495. Cf. Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, Paris, Gallimard, 2011.
-
[33]
Michel de Certeau, « Lire : un braconnage », L’Invention du quotidien I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1998, p. 239-255.
-
[34]
L’expression est de Valéry à propos de Mallarmé dans « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 646. On se souviendra de la fameuse remarque du poète dans Le Mystère et les Lettres (Œuvres II, op. cit., p. 234), en réponse à l’article de Marcel Proust, « Contre l’obscurité » (juillet 1896) : « Je préfère, devant l’agression, rétorquer que des contemporains ne savent pas lire / – Sinon dans le journal ; il dispense, certes, l’avantage de n’interrompre le chœur de préoccupations ».
-
[35]
Jacques Rancière, Politique de la Sirène, Paris, Hachette, 1996.
-
[36]
Stéphane Mallarmé, « Observation relative au poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard », Œuvres I, op. cit., p. 391.
-
[37]
Paul Valéry, « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 627.
-
[38]
Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 212, 211, 204.
-
[39]
Id., « Observation relative au poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard », Œuvres I, op. cit., p. 391.
-
[40]
Ibid., Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, p. 386-387.
-
[41]
Id., « Crise de vers », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 208.
-
[42]
Ibid., « La Musique et les Lettres », p. 67.
-
[43]
Ibid., « Bibliographie », Divagations, p. 277.
-
[44]
Ibid., « Crise de vers », p. 210.
-
[45]
Ibid., « Le Mystère dans les lettres », p. 234.
-
[46]
Aby Warburg avait en effet imaginé pour l’un des titres de son Atlas Mnemosyne une « iconologie de l’intervalle » (Ikonologie des Zwischenraums). Notice du 11 avril 1929. Aby Warburg, Tagebuch der Kulturwissenschaftlichen Bibliothek, vol. VII, 267, éd. Karen Michels et Charlotte Schoell-Glass, Berlin, Akademie, 2001, p. 434.
-
[47]
Sur cette question, cf. Georges Didi-Huberman, L’image survivante. Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002, la partie intitulée « Gestes mémoratifs, déplacés, réversifs : Warburg avec Darwin », 2e chapitre. Voir aussi sur ce point, qui recoupe la distinction faite par Carlo Ginzburg entre enquête morphologique et enquête historique, l’introduction que ce dernier consacre à Warburg dans son ouvrage Peur, révérence, terreur – Quatre essais d’iconographie politique, trad. Martin Rueff, Dijon, Les Presses du Réel, 2012.
-
[48]
Georges Didi-Huberman, Atlas. Como llevar el mundo a cuesta ?, Museo nacional, Centro de Arte Reina Sophia, Madrid, 26 novembre 2010-28 mars 2011.
-
[49]
Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, trad. Jean Lacoste, Paris, Cerf, 2000, N1a, 8 et N1, 10. De nombreux écrivains contemporains ont procédé depuis par montage, Claude Simon, mais aussi W.G. Sebald. Ce dernier, en introduisant des images photographiques dans ses textes, réfère clairement ce procédé à l’impératif benjaminien selon lequel « le montage véritable part du document » (Walter Benjamin, « Crise du roman », Œuvres II, op. cit., p. 192) ; mais, aussi, il recourt pour le décrire au modèle du jeu de cartes dit patience dont le dispositif s’inscrit dans la tradi -tion de la cartomancie, cf. Muriel Pic, W.G. Sebald, L’Image papillon, Dijon, Les Presses du Réel, 2009, p. 61-65. Id., « W.G. Sebald. Les patiences de la mémoire », in Les Carnets du Bal, n°1, L’image document entre fiction et réalité, dir. Jean-Pierre Criqui, p. 92-119).
-
[50]
Michel Murat, Le Coup de dés de Mallarmé. Un recommencement de la poésie, Paris, Belin, 2005.
-
[51]
Stéphane Mallarmé, « Observation relative au poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard », Œuvres I, op. cit., p. 391.
-
[52]
Cf. Jean-Pierre Lecercle, Mallarmé et la mode, Paris, Librairie Seguier, 1989.
-
[53]
Stéphane Mallarmé, « La Musique et les Lettres », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 75.
-
[54]
Ibid., « Crise de vers », p. 212.
-
[55]
Ibid., « Quant au livre », p. 227.
-
[56]
Walter Benjamin, « Expert-comptable assermenté », Sens unique, trad. Jean Lacoste, Paris, Maurice Nadeau, 1998, p. 163. Cf. Anna Sigrídur Arnar, « Stéphane Mallarmé über das demokratische Potential der Zeitungen im Fin de Siècle », in Sabine Folie (éd.), Un Coup de Dés. Bild gewordene Schrift. Ein ABC der nachdenklichen Sprache, Köln, Walther König, 2009, p. 14-25.
-
[57]
Walter Benjamin, « Expert-comptable assermenté », Sens unique, op. cit., p. 163-164.
-
[58]
Jacques Scherer, Le « Livre » de Mallarmé, Paris, Gallimard, 1957. Œuvres I, op. cit., p. 945-1060. Bertrand Marchal relit les feuillets du Livre dans son ouvrage La Religion de Mallarmé, Paris, José Corti, 1988. Nous nous référons ici à la p. 542 de cet ouvrage qui propose une ordonnance des feuillets 190 à 195 du Livre.
-
[59]
Feuillet 110 du Livre, Œuvres I, op. cit., p. 199.
-
[60]
Gershom Scholem, Walter Benjamin. Histoire d’une amitié (Gershom Scholem, Walter Benjamin. Die Geschichte einer Freundschaft, 1975), trad. Paul Kessler, Calmann-Lévy, Paris, 1981, p. 97.
-
[61]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, trad. Sybille Muller, Paris, Flammarion, 2009, p. 31.
-
[62]
Id., Le Concept de critique esthétique, trad. Philippe Lacoue-Labarthe et Anne-Marie Lang, Paris, Flammarion, 2002, p. 73.
-
[63]
Id., Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 37.
-
[64]
Ibid., p. 31.
-
[65]
Ibid., p. 40.
-
[66]
Ibid., p. 33.
-
[67]
Theodor W. Adorno, L’Actualité de la philosophie, trad. sous la dir. de Jacques-Olivier Bégot, Paris, Éditions de l’ENS, 2008, p. 8.
-
[68]
Cf. Jacques-Olivier Bégot, « Sous le signe de l’allégorie. Benjamin aux sources de la Théorie critique ? », Astérion, Numéro 7, juin 2010, http://asterion.revues.org/document1573.html. Pourtant, malgré ce rôle fondateur autour de la notion de « critique », on constate la mise à l’index de Benjamin au sein de la mouvance socio-philosophique de l’actuelle Ecole de Francfort.
-
[69]
Cf. La Dialectique négative, trad. collective Collège de Philosophie, Paris, Payot, 2007. Sur cette question, voir aussi Alessandro Baricco, Constellations. Mozart, Rossini, Benjamin, Adorno, trad. Frank La Brasca, Paris, Gallimard, 1999.
-
[70]
Walter Benjamin, « Sur le pouvoir d’imitation », Œuvres II, op. cit., p. 361-362.
-
[71]
Id., Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 278.
-
[72]
Id., « Problèmes de sociologie du langage », Œuvres II, op. cit., p. 9.
-
[73]
Id., Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 43.
-
[74]
Aby Warburg, Essais florentins, trad. Sibylle Muller, Paris, Klincksieck, 2003, p. 215.
-
[75]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 304. Sur les liens entre Benjamin et Warburg, cf. Cornelia Zumbusch, Wissenschaft in Bildern. Symbol und dialektisches Bild in Aby Warburgs Mnemosyne-Atlas und Walter Benjamins Passagen-Werk, Berlin, Akademie, 2004.
-
[76]
Walter Benjamin, « Sur le pouvoir d’imitation », Œuvres II, op. cit., p. 361-362.
-
[77]
Theodor W. Adorno, L’Actualité de la philosophie, op. cit., p. 21.
-
[78]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 43.
-
[79]
Hugo von Hofmannsthal, Le Fou et la Mort, trad. Colette Rousselle, Henri Thomas, Jacqueline Verdeaux et Léon Vogel, Paris, Gallimard, 1979, p. 33-60.
-
[80]
Walter Benjamin, Rêves, trad. Christophe David, édition réalisée par Burkhardt Lindner, Paris, Gallimard, 2009, p. 95.
-
[81]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N3,1.
-
[82]
Jürgen Habermas, « L’actualité de Walter Benjamin. La critique : prise de conscience ou préservation », Revue d’esthétique – hors série consacré à Walter Benjamin, dir. Marc B. de Launay et Marc Jimenez, rééd. augmentée, Paris, Jean-Michel Place, 1991, p. 113. Le discrédit messianique que fait peser Habermas sur le concept de « lisibilité » aura définitivement exclu ce dernier des préoccupations de la nouvelle Théorie critique. On trouve aussi chez Hans Robert Jauss une interprétation du fameux Jetz der Erkennbarkeit comme moment messianique dans « Spur und Aura. Bemerkungen zu Walter Benjamins Passagen-Werk », in Hans Robert Jauss, Helmut Pfeiffer et Françoise Gaillard (éd.), Art social und Art industriel. Funktionen der Kunst im Zeitalter des Industrialismus, München, Wilhelm Fink, 1987.
-
[83]
Walter Benjamin, « Le surréalisme. Dernier instantané de l’intelligentsia européenne », Œuvres II, op. cit., p. 116.
-
[84]
Id., Le livre des passages, op. cit., N15a, 1.
-
[85]
Id., Gesammelte Schriften I, 3, Rolf Tiedemann (Hg.), Frankfurt/M, Suhrkamp, 1974, p. 1238.
-
[86]
Id., « Sur le pouvoir d’imitation », Œuvres II, op. cit., p. 363.
-
[87]
Id., Petite histoire de la photographie (1931), Œuvres II, op. cit., p. 321.
-
[88]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N3,1.
-
[89]
Charles Baudelaire, « Notes nouvelles sur Edgar Poe », Œuvres II, éd. C. Pichois, Paris, Gallimard, 1976, p. 329.
-
[90]
Voir notamment de Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Paris, Minuit, 2003.
-
[91]
Jacques Bouveresse, Prodiges et vertiges de l’analogie, Paris, Liber, 1999.
-
[92]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N1a7.
-
[93]
Ibid., N11,2.
-
[94]
Id., « Sur le concept d’histoire », Œuvres III, op. cit., p. 443.
-
[95]
Jacques Rancière, « Le concept d’anachronisme et la vérité de l’historien », in L’Inactuel, n°6, automne 1996, p. 67-68.
-
[96]
Aby Warburg, Essais florentins, op. cit., p. 205.
-
[97]
Cf. Michael Werner et Michel Espagne, « Les manuscrits parisiens et le Passagen-Werk », in Walter Benjamin et Paris, éd. H. Wismann, Paris, Cerf, 1986, p. 849-867.
-
[98]
Ludwig Binswanger, Introduction à l’analyse existentielle [1947, 1955], trad. J. Verdeaux et R. Kuhn, Paris, Minuit, 1971, p. 81.
-
[99]
Walter Benjamin, « Expert-comptable assermenté », Sens unique, op. cit., p. 163.
-
[100]
Id., Le livre des passages, op. cit., G, 1a, 4.
-
[101]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 222.
-
[102]
Sur ce passage de « Notes nouvelles sur Edgar Poe » (Œuvres II, op. cit., p. 330), qui reprend la célèbre citation d’Horace à partir de sa glose par Poe, cf. Martin Rueff, « Vers le pavé, nos têtes appesanties. Étrennes », in Po&sie, n°126, 2009, p. 14-17.
-
[103]
Cité par Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, nouvelle édition augmentée, trad. M. Aymard, Ch. Paoloni, E. Bonan et M. Sancini-Vignet, revue par M. Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010, p. 255. Ginzburg revient notamment sur cette question d’un paradigme galiléen opposé au paradigme indiciaire dans le volume Spur (Hg. Sybille Krämer, Werner Kogge, Gernot Grube, Suhrkamp, Frankfurt/Main, 2007), « Spuren einer Paradigmengabelung : Machiavelli, Galilei und die Zensur der Gegenreformation », p. 257-280.
-
[104]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N1a, 8.
-
[105]
Ibid., N1a, 7. Je souligne.
-
[106]
Hans Blumenberg, La Lisibilité du monde (Lesbarkeit der Welt, 1981), trad. Pierre Rusch et Denis Trierweiler, Paris, Cerf, 2007, p. 28. Sur les travaux de Blumenberg et la métaphore du monde comme Livre, cf. Philipp Stoellger (Hg.), Genesen und Grenzen der Lesbarkeit, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2007.
-
[107]
Karlheinz Stierle, La Capitale des signes. Paris et son discours, (Der Mythos von Paris. Zeichen und Bewusstsein der Stadt, 1993), Paris, MSH, 2001. Id., « Walter Benjamin : Der innehaltende Leser », Lucien Dällenbach et Christian L. Hart Nibbrig (Hg.), Fragment und Totalität, Frankfurt/M, 1984, p. 337-349.
-
[108]
Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, trad. Claude Maillard, Paris, Gallimard, 1990, notamment l’appendice sur Benjamin, pp. 220-229.
-
[109]
Sigrid Weigel, « Zum Phantasma der Lesbarkeit. Heines Florentinische Nächte als literarische Urszene eines kulturwissenschaftlichen Theorems », in Lesbarkeit der Kultur, Hg. Sigrid Weigel & Gerhard Neumann, München, Fink, 2000, p. 245-258. Sigrid Weigel, « Die Entstehung der Kulturwissenschaft aus der Lektüre von Details. Übergänge von der Kunstgeschichte, Medizin, und Philologie zur Kulturtheorie : Warburg, Freud, Benjamin », Literatur als Voraussetzung der Kulturgeschichte. Schauplätze von Shakespeare bis Benjamin, München, Fink, 2004, p. 15-38.
-
[110]
Georges Didi-Huberman, « Ouvrir les camps, fermer les yeux. Image et lisibilité de l’histoire », Annales. Histoire, Sciences sociales, LXI, 2006, n° 5, p. 1011-1049. Rééd. Remontages du temps subi. L’œil de l’histoire 2, Paris, Minuit, 2010.
-
[111]
Carlo Ginzburg, « De Warburg à Gombrich. Notes sur un problème de méthode », Mythe, emblèmes, traces, op. cit., p. 45.
-
[112]
Louis Marin, De la représentation, éd. Daniel Arasse, Alain Cantillon, Giovanni Careri, Danièle Cohn, Pierre-Antoine Fabre, Françoise Marin, Paris, Hautes Etudes/Gallimard/Seuil, 1994, p. 66.
-
[113]
Voir notamment De la représentation, op. cit. Cf. aussi, Louis Marin, « Dans le laboratoire de l’écriture-figure », Cahiers du MNAM, n°38, hiver 1991, p. 77-91.
-
[114]
Georges Didi-Huberman, « Pour une anthropologie des singularités formelles. Remarque sur l’invention warburgienne », in Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 24, 1996, p. 145-163.
-
[115]
Carlo Ginzburg. « Microhistoire, deux ou trois choses que je sais d’elle », repris dans Le Fil et les traces. Vrai faux fictif, trad. Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010, p. 361-405.
-
[116]
Id., « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, op. cit., p. 218-294.
-
[117]
Jean Bottéro, « Symptômes, signes, écriture en Mésopotamie ancienne », Divination et Rationalité, éd. Jean-Pierre Vernant et alii, Paris, Seuil, 1974, p. 70-197.
-
[118]
Louis Marin, « Le concept de figurabilité, ou la rencontre entre l’histoire de l’art et la psychanalyse », De la représentation, op. cit., p. 66.
-
[119]
Sigmund Freud, « Le Moïse de Michel-Ange », L’Inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1990, p. 23. L’expression est reprise par Adorno dans L’Actualité de la philosophie, op. cit., p. 19.
-
[120]
Wolfram Hogrebe, Metaphysik und Mantik. Die Deutungsnatur des Menschen (Système Orphique de Iéna), Frankfurt/M, Suhrkamp, 1992. Cf. également Wolfram Hogrebe (Hg.), Mantik. Profile prognostischen Wissens in Wissenschaft und Kultur, Würzburg, Königshauen & Neumann, 2005.
-
[121]
Id., « Orientierungstechniken : Mantik », in Spur, op. cit., p. 281-292.
-
[122]
Dorothea McEwan, Aby Warburg’s (1866-1929) Dots and Lines. Mapping the Diffusion of Astrological Motifs in Art History, in German Studies Review, vol. 29, 2, may 2006, p. 243-268.
-
[123]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N3,1.
-
[124]
Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Œuvres I, op. cit., p. 386-387.
-
[125]
Paul Celan et Gisèle Celan-Lestrange, Correspondance I, éd. Bertrand Badiou, Paris, Seuil, 2001, p. 606.
Un certain art de la lecture – et pas seulement la lecture d’un texte, mais ce que l’on appelle la lecture d’un tableau, ou la lecture d’une ville – pourrait consister à lire de côté, à porter sur le texte un regard oblique.
[…]perscrutamini scripturas,soll das nicht heissen,perscrutamini naturas rerum ?
Surfaces de lecture
1Lire. Voilà une chose à laquelle il n’est pas si facile de réfléchir plongés que nous sommes dans un mille e tre de signes qui nous aliènent au rythme de la consommation capitaliste. Cette lettre anadyomène, toujours surgissante, égérie d’une société de séduction, nous empêche de lire autrement qu’avec la rapidité de nos automatismes. Jamais la lettre n’a été à ce point un signe conventionnel. Jamais le dilemme entre langage de communication et langage poétique n’a été si peu d’actualité. Jamais la lecture n’a été à ce point dénuée d’esprit critique.
2*
3Repenser la lecture suppose de méditer la lettre en revenant à son antériorité : se souvenir qu’avant tout livre, il y a eu des lecteurs. Des lecteurs – littéralement – avant la lettre. La lecture n’est pas seulement l’exercice d’un déchiffrement de signes sur une page. Outre des textes, on peut lire des partitions, des tableaux, des notations chorégraphiques, des sillons dans la terre, des tourbillons dans l’eau, des gestes révélateurs, des rêves, des déjections d’animaux dans les forêts, des cartographies stellaires, des courants marins, les arcanes du tarot, les lignes de la main, le visage et le corps de l’aimé(e) [3]. Contrairement à la lecture textuelle, cette lecture est foncièrement hasardeuse : on peut inventorier les cas mais difficilement établir un code fini permettant de donner sens à tous les possibles. Les données sensibles ne se laissent pas limiter. On sait la difficulté des physiognomonistes à fonder la syntaxe des expressions d’un visage. On connaît aussi l’impossibilité météorologique d’une sémantique des nuages autre qu’une rêverie sur la métamorphose des formes. En revanche, on ne remettra pas en cause l’alphabet, même si le sens des mots, toujours discutable, peut en appeler à un art de l’interprétation que l’herméneutique a institué en philosophie du langage.
4Se proposer d’apprendre « à lire de côté, à porter sur le texte un regard oblique [4] », c’est consteller la surface du texte, propager le sens en immanence, faire de la lecture un exercice de lisibilité. Ce dernier suppose d’aborder la question du sens selon un modèle de lecture non-littérale que l’on pourra nommer constellatoire. Il ne permet pas de dégager un lexique fini ni d’établir d’abécédaire exhaustif, mais il rend évidents des liens sinon secrets ou latents mais inaperçus, inédits. Il insiste, d’une part, sur l’espacement fondamental qui s’opère dans toute lecture, en soulignant sa dimension figurale et matérielle ; et, d’autre part, sur le tracé de correspondances secrètes qui n’apparaissent qu’en prêtant attention à la surface où se déploie leur affleurement.
5Le débat autour de pratiques de lectures non textuelles et autour d’un concept renouvelé de lisibilité s’est intensifié au cours de ces dernières décennies, aussi bien en France qu’en Allemagne, alors même que ses formes et ses enjeux varient selon le moment et les contextes culturels. Si le concept de lisibilité participe des débats sur la spécificité discursive du texte et de l’image, il s’en distingue en raison de la perspective épistémologique qu’il assigne à l’acte de lire. Il se situe en effet au confluent des travaux autour de la métaphore du monde comme livre, de l’interprétation des rêves de Freud, de la Lesbarkeit de Benjamin, de l’histoire culturelle de Warburg, du paradigme de l’indice de Ginzburg, ainsi que de la réactualisation controversée de la mantique. C’est à retracer le moment d’apparition de ce concept (sa préhistoire), en France et en Allemagne, que sont consacrées les pages qui suivent [5].
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7Ce moment d’apparition, il s’inscrit dans une configuration historique précise que l’on peut désigner comme la Modernité : l’alliance de la sémiotique et de la symptomatologie au moment d’une révolution technique des médiums textuels et iconographiques. Deux auteurs, me semble-t-il, permettent de saisir le moment où cette configuration engage, dans une histoire croisée de la France et de l’Allemagne, une réévaluation de la lecture comme acte critique. L’un, en pratique, Stéphane Mallarmé, qui pense l’industrialisation capitaliste de la lettre en offrant au public son fameux Coup de dés. Le second, Walter Benjamin, qui, en référence notamment à la tentative mallarméenne, forge le concept de « Lesbarkeit ». Il le formule dans la liasse N des fragments de Paris, capitale du xixe siècle. Le livre des passages, sans doute la section la plus commentée depuis la publication posthume de l’ensemble en 1982. Benjamin se propose ici d’œuvrer à une lisibilité de l’histoire et de la ville à partir de fragments témoignant de la réalité capitaliste de cette dernière au siècle de Baudelaire.
8Le décalage entre pratique et théorie, mais aussi les questions de réception propres à chacun de ces auteurs, notamment la publication différée de l’ouvrage de Benjamin, complexifient la saisie du concept de lisibilité et sa remise en contexte dans l’histoire intellectuelle du xxe siècle. Mais, dans les deux cas, et ce sera notre point de départ, il y a une analogie : est pointé un modèle prémoderne de lecture scrutant « l’alphabet des astres [6] », les constellations. De la lecture, Benjamin affirme qu’elle est une expérience de la perception : « Percevoir, c’est lire. Seul ce qui apparaît à la surface est lisible. La surface qui est configuration est connexion absolue [7] ». Du texte transcendé et transcendant, écrit à l’encre divine, « où Kant assez naïvement, peut-être, avait cru voir la Loi divine [8] », comme le souligne Paul Valéry au moment de rendre compte du prodige qu’est le Coup de dés, il n’est plus question dans l’exercice d’une lisibilité où le texte est un système d’immanence propageant le sens sur une superficie, en surface. Une nouvelle lecture s’impose qui est « superficielle [9] » en un double sens : elle refuse à la fois la profondeur et la linéarité.
Le concept de lisibilité en France
La constellation selon Mallarmé : « élever enfin une page à la puissance du ciel étoilé »
9Le 30 mars 1897, Valéry lit pour la première fois le Coup de dés. Quatre mois plus tard, en visite chez Mallarmé à Valvins, il admire avec ce dernier « les magnifiques feuilles d’épreuves de la grande édition composée chez Lahure ». Valéry se souvient alors de la promenade qui succéda au déploiement du poème :
Le soir du même jour, comme il m’accompagnait au chemin de fer, l’innombrable ciel de juillet enfermant toutes choses dans un groupe étincelant d’autres mondes, et que nous marchions, fumeurs obscurs, au milieu du Serpent, du Cygne, de l’Aigle, de la Lyre, – il me semblait maintenant être pris dans le texte même de l’univers silencieux : texte tout de clartés et d’énigmes ; aussi tragique, aussi indifférent qu’on le veut ; qui parle et qui ne parle pas ; tissu de sens multiples ; qui assemble l’ordre et le désordre ; qui proclame un Dieu aussi puissamment qu’il le nie ; qui contient, dans son ensemble inimaginable, toutes les époques, chacune associée à l’éloignement d’un corps céleste […] [10].
11Du Coup de dés, Valéry écrira finalement qu’il « élèv[e] enfin une page à la puissance du ciel étoilé [11] ». Ce retour à l’« écriture des choses [12] » par le poème, Michel Foucault l’instaure en véritable césure épistémologique dans Les mots et les choses. Il affirme qu’à la fin du xixe siècle quelque chose revient d’une épistémè de la Renaissance où le langage et le monde se correspondent selon un système analogique apparemment sans limite. Un « être brut », « un être vif du langage [13] » auquel Mallarmé redonne visage en vertu d’une conception imagée de la langue sur laquelle reviendront les avant-gardes. Elle en appelle à la matérialité plastique et sonore du langage avant que sémantique. Davantage qu’un cratylisme poétique [14], il s’agit d’un matérialisme littéraire auquel Mallarmé fait droit dans toute son œuvre et, plus précisément, dans Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, ultime texte de 1898 dont il ne verra pas de son vivant la réalisation éditoriale complète.
12Pour Valéry, la poésie de Mallarmé « nous intim[e] de devenir, bien plus qu’ell[e] nous excit[e] à comprendre [15] ». Il reformule ainsi ce fondamental de l’œuvre de Mallarmé qu’est la distinction entre langage de communication et langage poétique (« Parler n’a trait à la réalité des choses que commercialement : en littérature, cela se contente d’y faire une allusion ou de distraire leur qualité qu’incorporera quelque idée [16] »). Chez Mallarmé, le langage n’est pas plus que chez Benjamin un système convenu de signes ; la question sémantique est secondaire, elle passe après un impératif d’ordre supérieur : revenir à l’antériorité de la lettre, à « une origine commune immémoriale [17] » des langues que le poète se plaît à référer à l’époque où n’était de livre que le « folio du ciel [18] ». C’est donc bien Mallarmé que Benjamin citera lorsqu’il définira la tâche du traducteur. Car le poète du Coup de dés n’aura cessé de tendre vers l’horizon impossible où « les langues se réconcilieront et s’accompliront [19] ». Et c’est probablement dans son ouvrage pédagogique Les mots anglais que Mallarmé montre de la manière la plus explicite la vocation du langage poétique à restituer une physionomie de la lettre : graphique et sonore – le M « traduit le pouvoir de faire, donc la joie, mâle et maternelle [20] ». Comme Benjamin plus tard dans sa théorie mimétique du langage, Mallarmé rappelle qu’« un lien, si parfait entre la signification et la forme d’un mot qu’il ne semble causer qu’une impression, celle de sa réussite, à l’esprit et à l’oreille, c’est fréquent ; mais surtout dans ce que l’on appelle les onomatopées [21] ». Cette expressivité de la lettre n’est pas seulement de l’ordre du badinage poétique : elle justifie chez Mallarmé une remise en cause de l’alphabet, doté à ses yeux de « vingt-quatre lettres [22] » seulement, ce qu’il annonce sans justification au détour d’une phrase de « La Musique et les lettres ». Cet alphabet ne fait pas tant référence au rythme duodécimal des heures, des mois ou de l’alexandrin [23] qu’il ne se donne comme un alphabet de l’initiale, dont Mallarmé a déjà proposé le modèle dans Les mots anglais. L’ouvrage organise le lexique de l’anglais en fonction de la fréquence d’emploi de la lettre à l’initiale d’un mot, l’alphabet s’épelant alors de « b » à « n », le « x » et le « y » étant supprimés. Pour Mallarmé, l’initiale donne au mot l’impulsion du sens (« c’est, à l’attaque, que réside vraiment la signification [24] ») en fonction, justement, de son expressivité sonore et graphique. Reste à déterminer ce que serait pour le français cet alphabet de l’initiale dont le défi est de repenser le code élémentaire du langage.
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14Entre un art de « syntaxier [25] », qui tend à exagérer l’expressivité de la langue, et un art du livre qui incorpore le support à la cohérence prosodique et rythmique (« Le Livre expansion totale de la lettre [26] »), Mallarmé défait l’ordonnance linéaire de la page pour l’ouvrir à « la compréhension du regard [27] ». Premier lecteur du Coup de dés, Paul Valéry aura lucidement indiqué comment ce poème enrichit « le domaine littéraire d’une deuxième dimension [28] ». Cette question sera développée par Jean-François Lyotard dans son ouvrage de 1971, Discours, Figure où le Coup de dés, replacé dans la perspective d’une histoire du désir, fait état d’un « pouvoir de figurer et pas seulement de signifier [29] ». Un an plus tard, Jacques Derrida place également Mallarmé et son Coup de dés au centre de sa réflexion « grammatologique » sur l’« espacement [30] », où ce dernier est aussi temporisation, manière de différer, en un mot « différance [31] ». Ces approches figurales du Coup de dés s’effectuent sur un fond de réévaluation de la lecture en France. Roland Barthes a bien formulé que la « mort de l’auteur » donne lieu à la « naissance du lecteur [32] ». Le risque est alors de faire du lecteur une nouvelle institution. C’est dans ce contexte que s’inscrit la perspective résolument buissonnière de Michel de Certeau dans L’Invention du quotidien [33], où il dénonce le conditionnement de nos modalités de lecture.
15Qu’il incombe au poète de nous « réapprendre à lire [34] », en nous dégageant de nos automatismes, est une tâche dont Mallarmé aura compris toute la portée critique sinon civique [35]. Instaurer un « espacement de la lecture [36] », et non pas seulement de l’écriture, c’est mettre en déroute une « lecture linéaire » au profit de celle qualifiée par Valéry de « lecture superficielle [37] ». On trouve de cette dernière plusieurs images chez Mallarmé : « une virtuelle traînée de feu sur des pierreries », « un éparpillement en frissons articulés », « une scintillation […], en le ciel mûr, contre la vitre, à suivre des lueurs d’orage [38] ». Émaux, peau, pluie sur le verre. L’éloge de la surface et de la lecture superficielle n’est pas un éloge de la superficialité : c’est l’éloge de l’infime, de sa perception secrète et sensuelle qui met à l’épreuve l’esprit sémantique de la langue. Il s’agit encore d’une dynamique superficiante où le fond, blanc de la page ou ciel nocturne, fait écart. « Les blancs, en effet, frappent d’abord, assument l’importance [39] ». Tout d’abord parce qu’ils produisent la figure : la dernière double page fait apparaître la constellation du Chariot, le poème lui-même subodorant que ce « doit être / le Septentrion aussi Nord / UNE CONSTELLATION [40] ». Mais lire dans les blancs, ce n’est pas réduire la lecture à un exercice de reconnaissance des formes. L’argument mimétique va plus loin : donner les mots comme un amas d’étoiles et la page blanche comme un ciel nocturne, c’est rendre compte de « la perversité » du langage « conférant à jour comme à nuit, contradictoirement, des timbres obscurs ici, là clairs [41] ». Il s’agit de procéder au « démontage impie de la fiction [42] » : fiction du sens produit par le langage de communication, et dont le valet est le récit. Le Coup de dés est en effet un acte sacrilège à l’endroit d’une norme de production du sens qui, dans l’oubli d’un matérialisme de la lettre (tout à la fois poétique et documentaire pour Benjamin), s’établit grâce à une logique discursive de lecture. C’est un ouvrage qui cherche à nous désapprendre à lire, et dont la volonté pédagogique s’affiche grâce au titre qui nie le sens en imposant la matière et indique le mode de lecture adéquat : discontinu, épars, étoilé. C’est un « poème critique [43] » qui, comme plus tard une Théorie critique, nous incite à réévaluer notre pratique du lire et nous donner à repenser la lettre.
16Dans cette tentative, pour Mallarmé comme pour Benjamin, la référence à la lecture des présages est capitale. Elle désigne chez l’auteur du Coup de dés une lecture qui, comme celle des constellations, doit « instituer une relation entre les images exactes, et que s’en détache un tiers aspect fusible et clair présenté à la divination [44] ». Elle enseigne que « Lire », « cette pratique », perçoit « l’air ou le chant sous le texte, conduisant la divination d’ici là [45] ». La lecture telle que la pense Mallarmé, disons une lecture graphique, physionomique ou figurale, octroie au blanc de devenir l’espace d’opérations de remontages inédits. Le blanc ne se résume pas à ce que Saussure nommait le diacritique, à savoir cet écart qui permet d’individuer sans équivoque un signe particulier : c’est un espace opératoire.
17Aby Warburg a lui aussi réfléchi sur ce point avec son Bilderatlas Mnemosyne qui accordait autant d’importance au choix des images disposées sur les planches qu’aux « intervalles » (Zwischenräume) entre celles-ci [46]. Il épinglait ses reproductions photographiques sur des panneaux noirs, ce fond rendu absent produisant une lisibilité des écarts tout en accentuant la surface et en facilitant une lecture superficielle. Les liens lisibles dans les écarts sont produits grâce à une double logique antithétique de ressemblance (morphologique) et de différence (du contexte culturel) qui est propre, chez Warburg, à faire apparaître des configurations expressives. L’histoire culturelle de Warburg n’est ni diachronique ni synchronique mais astérochronique. Est rendue évidente une logique de survivance qui obéit à une temporalité éprouvant les conclusions faites par une pensée se fiant à la logique de l’évolution [47]. Le fameux Bilderatlas Mnemosyne doit ainsi être pensé comme une « table [48] » de montage, surface donnant lieu à des nouvelles expérimentations de lecture. Car le montage met en pratique le concept de lisibilité. Benjamin invoquera d’ailleurs « le montage littéraire » comme « méthode [49] » de son Livre des passages, dont l’objectif est de faire advenir une lisibilité inédite de la ville.
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19Dès lors, s’il importe pour lire le Coup de dés de retracer l’itinéraire de Mallarmé au sein du vers-librisme [50], il faut surtout mesurer comment le poète invente un mode de lisibilité fondé sur l’écriture à trois dimensions : largeur, hauteur et spatialisation. Est alors donné au titre, l’autorité du paratexte, le rôle de lancer les dés en s’incorporant au poème. Le titre « affleurera et se dissipera [51] » continuellement. Dans ce risque pris d’un naufrage du sens, métaphore élémentaire chez Mallarmé, Benjamin aura parfaitement lu une réponse critique et poétique à l’actualité de la lettre : son industrialisation et sa sortie de l’espace rectangulaire du livre pour aller se dilater ou se contracter sur les murs de la ville. Le Coup de dés témoigne de la claire conscience qui est celle de Mallarmé face au progrès technique et à ses implications pour le domaine des Lettres. Durant l’année 1874, rédacteur unique (comme parfois à cette époque) des huit livraisons d’un fascicule bleu turquoise intitulé La Dernière mode, titre convoquant simultanément l’extrême nouveauté et le plus ancien, il s’exerce à l’art typographique de la presse [52] : « Avec le vers libre ou prose à coupe méditée, je ne sais pas d’autre emploi du langage que ceux-ci redevenus parallèles : excepté l’affiche, lapidaire, envahissant le journal – souvent elle me fit songer comme devant un parler nouveau et l’originalité de la Presse [53]. » De « l’universel reportage [54] », le poète va exploiter les nouvelles possibilités techniques, mais sans se restreindre à « l’insupportable colonne [55] ». Comme le note Benjamin, alors que lui-même envisage de mettre au point une lisibilité de la grande ville, quand Mallarmé aperçut « au beau milieu de l’édification cristalline de son œuvre assurément traditionaliste l’image de ce qui venait, [il] a pour la première fois incorporé avec Un coup de dés les tensions graphiques de la publicité dans la présentation typographique [56] ». De cette juxtaposition étonnante chez Mallarmé entre le plus haut poème et la presse quotidienne, Benjamin estime qu’elle renoue – et il analyse ce qui sera sa propre posture épistémologique – avec la tridimensionnalité de l’écriture à ses débuts et cela grâce à une spatialisation du sens. Pour Benjamin, le modèle moderne équivalent au système des tablettes est le fichier : « Le fichier (die Kartothek) permet la conquête de l’écriture à trois dimensions, contrepoint surprenant de la tridimensionnalité de l’écriture à son origine, quand elle était runes ou nœuds. […] Car l’essentiel est tout entier contenu dans la boîte à fiches du chercheur qui a composé le livre [57] ». Or, ce fichier (die Kartothek est aussi un terme du vocabulaire de Warburg), où sont collectionnés des fragments de savoir, et qui permet des combinatoires, est un instrument central dans les brouillons du Livre de Mallarmé. Ceux-ci, heureusement déchiffrés par Jacques Scherer puis Bertrand Marchal [58], décrivent des séances de lecture, dont la performance est la seule possibilité trouvée pour permettre la réalisation du Livre : les participants, en nombre compté, prélèvent dans six fichiers des feuillets eux-mêmes dûment comptabilisés et procèdent ensuite à la lecture selon un agencement mathématique du lieu et du temps. Sans entrer dans le détail ici de cette élaboration complexe et inachevée des « Séances d’Interprétation de L’Œuvre du Livre [59] », il importe de souligner que cette conception tridimensionnelle de la lecture chez Mallarmé devient une performance collective orchestrée dans l’espace et le temps. Comme si l’acte de lire sur un mode constellatoire exigeait en ultime recours de rendre la lecture à son état premier d’expérience de la perception et d’orientation au sein du monde.
Le concept de lisibilité en Allemagne
La constellation chez Benjamin : « lire ce qui n’a jamais été écrit »
20Nous sommes en 1918. Gershom Scholem enseigne par intermittence les langues orientales à Berne où Walter Benjamin prépare son doctorat. De leurs séjours communs en Suisse, le premier se souvient de l’intérêt que son nouvel ami portait déjà aux constellations et à leur lecture :
Dès cette période, il était préoccupé par le problème de la perception qu’il concevait comme une lecture dans les configurations de la surface plane sous la forme de laquelle l’homme des origines voyait le monde environnant et en particulier le ciel. Dans ses réflexions se trouvaient déjà en germe les idées qu’il allait exposer bien des années plus tard dans son écrit « Théorie du semblable ». Il affirmait que la naissance des constellations en tant que configurations de la surface céleste constituait le début de la lecture et de l’écriture et qu’elle coïncidait avec la naissance de l’ère mythique [60].
22Dès 1925, la lecture des constellations naturelles devient celle des constellations philosophiques et historiques avec Origine du drame baroque allemand. Dans la « Préface épistémo-critique » à cet ouvrage, Benjamin revendique un « travail micrologique » postulant que « l’on ne peut saisir le contenu de vérité qu’en se laissant absorber très précisément dans les détails d’un contenu matériel [61] ». Cette approche par le fragment, qu’il a élaborée grâce à sa connaissance approfondie des préromantiques durant son doctorat [62], répond au constat qu’il n’est de vérité que discontinue. En conséquence de quoi, « la présentation de la vérité comme unité et comme singularité n’exige nullement un ensemble continu et cohérent de déductions à la manière de la science [63] ». L’enjeu est plutôt de parvenir à comprendre et présenter la vérité de manière adéquate, ce qui exige de trouver une « forme qui fait procéder des extrêmes éloignés, des excès apparents de l’évolution, la configuration de l’idée [64] ». Car les « idées sont aux choses ce que les constellations sont aux planètes [65] ». La recherche de cette forme, produisant « un ensemble de connexions [66] », est donc comparable à la formation d’une constellation.
23En dialogue avec cette « Préface », Adorno affirmera en 1931 que, davantage qu’une forme, il s’agit de définir une méthodologie, ce qui revient pour lui à définir la tâche de l’interprétation philosophique comme un « acte de lecture » : « Et de même que les résolutions d’énigmes se construisent en amenant des éléments singuliers et diffractés de la question à former différents agencements, jusqu’à ce qu’ils se cristallisent en une figure de laquelle surgit la solution, […], de même la philosophie doit amener ses éléments, qu’elle reçoit des sciences, à former des constellations variables, ou bien, pour user d’une expression moins astrologique, et plus conforme à l’actualité scientifique, des agencements expérimentaux variables (in wechselnde Versuchsanordnungen zu bringen), jusqu’à ce qu’ils deviennent cette figure que l’on peut lire comme réponse, tandis que dans le même temps disparaît la question [67]. » Dans ce dialogue, la question de la Lesbarkeit s’impose comme le premier moment d’une définition de la démarche « critique » de l’École de Francfort [68].
24Malgré sa réticence rationnelle, Adorno conservera dans ses textes ultérieurs l’image de la constellation [69]. Cette dernière provient chez Benjamin d’une théorie mimétique du langage fondée sur le postulat que dans des traditions anciennes « ont existé des formes évidemment signifiantes, un caractère mimétique des objets que nous sommes bien incapables de soupçonner aujourd’hui. Par exemple dans les configurations stellaires [70] ». Le langage serait donc le lieu où s’opère le retour d’images directement entées sur le rapport de l’homme à la nature. Il ne s’agit pas d’un cratylisme scientifique, dont Benjamin analyse la belle formulation comme « langage sensuel [71] » dans le De signatura rerum (1682) de Jacob Böhme. Bien plutôt, c’est d’une anthropologie des formes linguistiques dont il est question, ce que Benjamin nommera, en 1935, une « sociologie du langage [72] ». À l’origine de celle-ci se trouve un pouvoir mimétique que Benjamin désigne comme le mode de la « perception originelle [73] ». À l’instar du rôle que Warburg attribuait aux images dans sa « psychologie historique de l’expression humaine [74] », Benjamin considère le langage comme le lieu où peut être saisi un travail de la ressemblance morphologique : plus exactement, de la ressemblance expressive. (C’est d’ailleurs en référence à Warburg que Benjamin constate, dans Origine du drame baroque allemand, que la Renaissance « réveille le souvenir des images [75] » de l’Antiquité.) Autrement dit, le langage est un réservoir de documents anthropologiques, ce que Benjamin appellera par la suite une « archive de la ressemblance non-sensible [76] » (« non-sensible » parce que déconnectée de l’expérience originelle dont elle provient). S’intéresser au pouvoir de figuration du langage, ce n’est donc pas seulement considérer sa fonction poétique mais aussi sa fonction anthropologiquement documentaire.
25Cette approche sociologique du langage répond à l’impératif énoncé par Marx dans la onzième des fameuses Thèses publiées par Friedrich Engels en appendice à son Feuerbach (1888) – et que rappellait Adorno dans Actualité de la philosophie [77] : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer ». Or, dans cette transformation, le langage et, plus largement, les objets culturels (l’art de masse qu’est le cinéma par exemple, ou encore la littérature d’almanach) sont fondamentaux : ils permettent de rendre lisibles des formules expressives.
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27« La philosophie ne peut plus prétendre au discours de la révélation que par le retour de la mémoire à la perception originelle [78] ». Tel est le postulat qui instaure la lisibilité comme concept chez Benjamin.
28Du discours de la révélation, ce dernier soutient qu’il consiste à « lire ce qui n’a jamais été écrit (Was nie geschrieben wurde, lesen) ». Cette citation, qui apparaît dans l’article de 1933, « Sur le pouvoir d’imitation », mais aussi en exergue à la liasse M du Livre des passages intitulée « Le flâneur » et dans des notes marginales à Sur le concept d’histoire, Benjamin l’emprunte à la pièce Le Fou et la Mort d’Hugo von Hofmannsthal. Elle y est prononcée au moment où le prince meurt [79] : cette mort est le moment où il se réveille de ce songe qu’est la vie mais aussi le moment d’une révélation, d’une advenue à la lisibilité du sens de l’existence. Cette comparaison entre le réveil et la révélation chez Benjamin atteste le rôle que joue le modèle de l’interprétation freudienne du rêve dans sa conception de la lisibilité. Comme le rêve, la lecture constellatoire délivre « un savoir non encore conscient de ce qui a déjà eu lieu, un savoir dont l’avancement a, en fait, la structure du réveil [80] ». Ce dernier est le moment d’une advenue à la lisibilité dans un « Maintenant de la connaissabilité [81] (Jetzt der Erkennbarkeit) » qui désigne une prise de conscience, le choc d’une soudaine lucidité, l’éclair éthique de la vérité.
29Saisir la portée de la corrélation, chez Benjamin, entre réveil et révélation, c’est envisager la révélation, moins comme unique, messianique [82], que multiple, tels ces innombrables réveils qui se réitèrent au cours d’une vie, des micro-réveils qui sont autant d’« illuminations profanes [83] ». D’autant que le terme même de révélation s’inscrit chez Benjamin dans une comparaison avec le procédé d’apparition de l’image photographique donnée dans le Livre des passages : « Le passé a laissé de lui-même dans les textes littéraires des images comparables à celles que la lumière imprime sur une plaque sensible. Seul l’avenir possède des révélateurs assez actifs pour fouiller parfaitement de tels clichés [84]. » Benjamin va suffisamment intégrer cette citation d’André Monglond (Le Préromantisme français, 1930) pour la traduire en allemand dans des notes marginales à Sur le concept d’histoire [85]. Il la met alors en relation avec la fameuse formule d’Hofmannsthal qui définit une lecture des présages dans « Sur le pouvoir d’imitation » :
« Lire ce qui n’a jamais été écrit » (Was nie geschrieben wurde, lesen). Cette lecture est la plus ancienne : la lecture avant tout langage, dans les entrailles, dans les étoiles ou dans les danses. Plus tard vinrent en usage les moyens d’une nouvelle lecture, runes et hiéroglyphes. On est tenté d’admettre que telles furent les étapes par lesquelles le don mimétique, autrefois fondement des pratiques occultes, fit son entrée dans l’écriture et le langage. Ainsi le langage serait le degré le plus élevé du comportement mimétique et la plus parfaite archive de la ressemblance non sensible : un milieu dans lequel se sont entièrement transformées les anciennes forces de production et de conception mimétiques, au point de liquider la magie [86].
31La trace, l’archive de la ressemblance non sensible, se donne donc à lire ici comme un présage, là où elle se révélait comme un cliché photographique un instant auparavant. Alors que dans sa Petite histoire de la photographie, Benjamin compare le photographe à un nouvel aruspice [87], il postule une adéquation entre les modes de révélation mantique et photographique : dans les deux cas, il s’agit de l’apparition d’une image au lieu d’une dialectique des temporalités. Dans le bain de développement, l’Autrefois se révèle comme Maintenant et réciproquement. La constellation, elle, produit une image entre des étoiles éloignées par des années-lumière. Car ce qui apparaît, ce qui est rendu lisible, ce ne sont pas des « essences » immuables mais des images, des formules expressives possédant une « marque historique (historischer Index) ». Cette dernière « n’indique pas seulement qu’elles appartiennent à une époque déterminée, elle indique surtout qu’elles ne parviennent à la lisibilité qu’à une époque déterminée [88] ». Le concept de Lesbarkeit procède donc d’une « dialectique » entre les époques que Benjamin (c’est son originalité vis-à-vis du matérialisme historique hérité de Marx) institue comme image. La lisibilité s’opère alors en astérochronie et on assiste à une entrée dans l’histoire par index, série de mots-clés formant une constellation, une image. Le montage juxtapose des ressemblances morphologiques, des formules expressives (spatialement et temporellement hétérogènes). Et si la production de liens entre « des extrêmes éloignés, des excès apparents de l’évolution » relève de l’imagination telle que la conçoit Baudelaire, ce qui discerne les « rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies [89] », comme l’a bien rappelé Georges Didi-Huberman pour en défendre la fonction cognitive [90], il convient de ne pas oublier le discrédit qui pèse sur l’analogie (mettra-t-on dans une même catégorie un chien ou une table parce qu’ils ont en commun d’être à quatre pattes et pieds ? ironisait Musil [91]). Or, rendre lisibles des ressemblances entre le « caractère d’expression (Ausdruckscharakter) [92] » des idées ou des époques, ce n’est pas produire un raisonnement par analogies : c’est effectuer un travail sur le pouvoir de figuration – ou de figurabilité – de l’historique et du philosophique : « Écrire l’histoire signifie donner leur physionomie aux dates [93]. »
32Dès lors, l’historien idéal cesse « d’égrener la suite des événements comme un chapelet » pour saisir « la constellation que sa propre époque forme avec telle époque antérieure ». À l’instar des « devins », il ne perçoit pas le temps « comme homogène et vide [94] », mais tissé de constellations, site d’innombrables « anachronies [95] ». Il ne s’agit donc pas de présenter « quelque chose qui se déroule », comme l’historiographie, mais « une image saccadée », un geste, une expression – une « formule de pathos [96] ». C’est le travail de l’historien de la culture comme se désignait lui-même Warburg ; ce sera en tout cas l’enjeu du travail socio-historique du Livre des passages, dans lequel Benjamin éprouve une vision tridimensionnelle de l’histoire.
33En son inachèvement, l’ouvrage se donne comme un formidable montage de documents, un prodigieux atlas de citations, un extraordinaire fichier de formules expressives propres à cette monade capitaliste qu’est le Paris du xixe siècle. L’organisation par constellations de cet ensemble est indiquée par des séries de signes, les fameux Übertragungs-Zeichen (carré, rond, croix, étoile, etc. de différentes couleurs [97]). Dans ce dispositif fragmentaire, le détail ne prend pas seulement sens en relation avec la totalité, mais grâce à l’élaboration infinie de configurations possibles : une tension permanente entre l’ordre et le désordre, une succession d’agencements expérimentaux variables. Car il s’agit de s’orienter et de se réorienter continuellement dans l’ensemble – et l’on sait que Warburg ne cessait de changer les amas d’images sur les planches de son atlas Mnemosyne afin de jouer et rejouer des constellations possibles. Travail qui s’expose nécessairement au risque de l’inachèvement (c’est le cas du Livre comme du Livre des passages) et qui, surtout, tente de remettre en question le fait même de produire une pensée définitive, « renoncement qui n’est pas facile à opérer si l’on considère notre formation intellectuelle unilatéralement naturaliste [98] ».
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35Avec Le Livre des passages, Benjamin prend donc acte de la transformation profonde de l’écriture par l’industrialisation que pointait déjà le Coup de dés : « L’écriture, qui avait trouvé un asile dans le livre imprimé, où elle menait sa vie indépendante, est impitoyablement traînée dans la rue par les publicités et soumise aux hétéronomies brutales du chaos économique [99]. » Désormais, il n’y a plus d’autorités érudites ou d’institutions qui indiquent les textes fondateurs qu’il faut apprendre à lire : il faut apprendre à tout lire. Tout lire, certes, et indifféremment, mais en exerçant un esprit critique, en s’armant d’un regard oblique. Sous ce regard, tout devient allégorie, comme chez Baudelaire. Ainsi, Benjamin peut lire une affiche publicitaire pour du bicarbonate de soude, le « sel Bullrich », comme « une image de la quotidienneté de l’utopie ». Car « si les choses importantes étaient à leur vraie place dans le monde, [cette affiche] aurait trouvé ses admirateurs, ses historiens, ses exégètes et ses copistes comme n’importe quel grand poème ou n’importe quel grand tableau [100] ». Qui s’exerce ainsi à la lisibilité doit montrer une sensibilité extrême à ce que le monde capitaliste donne pour insignifiant. La perception critique rend semblable à une plaque photo-sensible qui impressionne tout. Le flâneur benjaminien, Baudelaire, puis Aragon, sont réceptifs au moindre signe de la quotidienneté capitaliste. Ils sont allégoristes (déchiffrant continuellement des énigmes qu’ils livrent comme allégories, outil critique majeur [101]), c’est-à-dire savants par l’imagination, par la perception de liens secrets et intimes ; mais ils sont aussi lucides, voire extra-lucides – et irritables à souhait : Genus irritabile vatum. Car la perception de ce qui n’est pas écrit est aussi « une clairvoyance plus qu’ordinaire relative au faux et à l’injuste, […] une vive perception du vrai [102] ».
36Cette lecture ne cherche donc pas à pénétrer un code de lecture de la ville comme jadis Galilée celui de la nature en s’attachant à comprendre les caractères avec lesquels elle s’écrit dans le grand livre du monde : bien plutôt « les figures, les nombres et les mouvements » que « les odeurs, les saveurs, et les sons [103] ». Il ne s’agit pas non plus de lire le Livre de la ville en renouant avec une conception religieuse du texte et du monde comme lieu de révélation d’un sens profond détenu par une autorité divine. Dans les deux cas, sont exclues les données sensibles, négligeables, superficielles, infimes et qui, dans Le Livre des passages, sont considérées comme des documents : « les guenilles, le rebut [104] ». De son enquête sur la physionomie de la capitale, il affirme ainsi qu’elle « porte sur le caractère d’expression des tout premiers produits de l’industrie, des tout premiers bâtiments industriels, des toutes premières machines, mais aussi des tout premiers grands magasins, des toutes premières publicités [105] ». La perspective critique de cette lecture de la ville éloigne alors radicalement le concept de lisibilité benjaminien de la métaphorologie d’une lisibilité du monde (Lesbarkeit der Welt [106]) que développe l’ouvrage majeur d’Hans Blumenberg. Dans cet ouvrage, publié un an avant les fragments posthumes du Livre des passages, il s’agit de suivre les développements et les usages d’une métaphore, non pas d’élaborer la lecture comme un outil critique. Ce point, il n’est pas davantage exploité par Karlheinz Stierle dans Paris, capitale des signes [107], ouvrage qui inscrit définitivement l’École de Constance dans une réception du concept de lisibilité [108]. L’auteur reprend bien à son compte l’entreprise d’une lisibilité de la ville mais en analysant et en décrivant les modalités discursives de celle-ci. Il n’exploite pas la dimension épistémologique du concept de lisibilité forgé par Benjamin. On doit aux Kulturwissenschaften de l’investir comme tel dès les années quatre-vingt. À Benjamin se joint ici la référence à Warburg. Sigrid Weigel a joué dans cette conjonction un rôle important en explorant les possibilités d’une théorie de la culture à partir d’une notion renouvelée de « lisibilité [109] » qui se revendique aussi de l’archéologie de Freud. En France, c’est à Didi-Huberman que l’on doit d’avoir proposé d’appliquer le concept benjaminien de lisibilité à l’histoire et aux images [110].
Présages
37Ainsi, avec Freud, Warburg, Benjamin, la sémiotique qui se déploie entre signes, indices et traces, tend à renouer avec la fonction qu’elle avait à l’Antiquité : le déchiffrement des symptômes médicaux, des humeurs ou des mouvements de la psyché. Et cela – Carlo Ginzburg le souligne bien – dans des documents de moindre importance, là où cependant se joue le mot d’ordre d’une attention à « la vie, (sans aucune complaisance irrationnelle bien sûr) [111] ». Sous l’impulsion de ce dernier, le contexte français des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix va discuter le rapport entre une sémiotique et une symptomatologie. Lors d’un entretien au sujet de la « rencontre de l’histoire de l’art et de la psychanalyse » sur la notion freudienne de figurabilité (Darstellbarkeit) propre au travail du rêve, Louis Marin expliquait qu’une sémiologie de l’art ne pouvait s’élaborer « que sur les indices, les traces, les symptômes [112] ». Sur cette base, il a proposé de penser, à l’opposé de Lessing, la consensualité du lisible et du visible [113]. Didi-Huberman, lui, réfutait avec raison l’identité entre indice et symptôme, ce dernier possédant un pouvoir de figurabilité infiniment plus complexe que le premier [114]. Ces propos se tenaient en référence au « paradigme indiciaire », pivot du procédé « microhistorique [115] » initié par Ginzburg, et dont on sait que la spécificité est d’écrire l’histoire depuis l’insignifiant, de prêter attention à des détails, des singularités, des hapax. On sait que Ginzburg établit ce paradigme à partir d’une configuration historique réunissant, à la fin du xixe siècle, la psychanalyse de Sigmund Freud, l’histoire de l’art de Giovanni Morelli, la criminologie de Sherlock Holmes [116]. On sait aussi qu’il fait du chasseur la figure anthropologique de référence au paradigme indiciaire. Mais on oublie souvent ce que l’élaboration de ce dernier doit à la référence aux travaux de Jean Bottéro sur « la divination déductive » (opposée à « la divination inspirée ») à Babylone [117]. Car dans l’intérêt général porté « à la trace laissée par le passage d’une force [118] », le présage demeure inconsidéré.
38Or le modèle des pratiques divinatoires babyloniennes a ceci d’intéressant – et je ne mentionnerai ici que ce point – qu’il radicalise notre attention aux « rebuts de l’observation [119] » en renforçant la situation d’incertitude de la connaissance pour deux raisons au moins. La première : lire une constellation, ce n’est pas pister pour tuer ou produire une pensée définitive. Le savoir ne s’opère pas seulement à partir de la trace laissée afin de saisir la proie, mais à partir de l’observation de la force même qui la laisse. La lecture des présages est avant tout une observation du vivant. L’attention à l’infime est redoublée d’une attention à la vie. Deuxièmement, c’est contempler pour savoir la vie, pour choisir au moment du péril, orienter la prise de risque – décider le moment d’une bataille par exemple. Avant d’être le déchiffrement d’un destin, c’est une expérience de perception et d’orientation au sein du monde. Wolfram Hogrebe qui, en Allemagne, aura considérablement travaillé à la réhabilitation d’une approche mantique de la connaissance [120], insiste sur ce point : tout est signifiant à celui qui ne sait rien de sa chance (de son cas, de sa chute – cadere), comme plongé dans le noir, en situation de risque. On se tient attentif au moindre bruit, au moindre mouvement, à tout ce qui de la nuit remue. On cherche alors surtout à s’orienter [121] plutôt qu’à interpréter. Orientation est l’une des entrées principales de la bibliothèque de Warburg. « Was bedeudet es, sich im Raum zu orientieren [122] », la question préalable à une « iconologie critique ». Le risque est alors bien de s’égarer, de faire naufrage, de porter « au plus haut degré la marque du moment critique, périlleux, qui est au fond de toute lecture [123] ». Risque pris cependant – heureusement – car toute pensée se doit d’émettre un coup de dés [124].
39*
40Lire autrement, donc. Remettre en cause cette pratique élémentaire : la lecture. Désapprendre ce qui est la modalité première de la connaissance, échapper à sa succession machinale, apercevoir un instant le profil de l’infans. Bien plutôt qu’une vision régressive de la connaissance, cette tentative viserait à échapper à l’idéologie du sens. Non sans prendre le risque de l’illisible auquel s’expose celui qui choisit de se relier à cette part du monde dont Paul Celan note qu’elle le redouble infiniment : « Illisibilité de ce monde / Tout double (Unlesbarkeit dieser Welt /Alles doppelt). [125] »
Notes
-
[1]
Georges Perec, « Lire : esquisse socio-physiologique » (1976), Penser/Classer, Paris, Seuil, 2003, p. 113.
-
[2]
W.G. Sebald, D’après nature, trad. Patrick Charbonneau et Sibylle Muller, Arles, Actes Sud, 2007, p. 38 : « perscrutamini scripturas / ne faudrait-il plutôt dire / perscrutamini naturas rerum ? »
-
[3]
Alberto Manguel, Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Bœuf, Arles, Actes Sud, 1998.
-
[4]
Georges Perec, « Lire : esquisse socio-physiologique », op. cit., p. 113.
-
[5]
La présente contribution est née d’un texte qui a été la base de l’introduction réalisée ensuite avec Emmanuel Alloa dans le cadre de la co-direction du numéro Lisibilité/Lesbarkeit, in Trivium. Revue franco-allemande des sciences humaines et sociales, n°10, 2012, http://trivium.revues.org/. Elle en garde rétrospectivement les traces.
-
[6]
Stéphane Mallarmé, « Quant au livre », Divagations, Œuvres II, éd. Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, 1998, p. 215.
-
[7]
Walter Benjamin, Fragments, trad. Christophe Jouanlanne et Jean-François Poirier, Paris, PUF, La Librairie du Collège international de Philosophie, 2001, p. 33.
-
[8]
Paul Valéry, « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, éd. Jean Hytier, Paris, Gallimard, 1957, p. 626.
-
[9]
Ibid., p. 627.
-
[10]
Ibid., p. 625-626.
-
[11]
Ibid.
-
[12]
Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines (1966), Paris, Gallimard, 2009, p. 41. Cf. également Giorgio Agamben, Signatura rerum. Sur la méthode, trad. Joël Gayraud, Paris, Vrin, 2008, p. 49.
-
[13]
Ibid., p. 58.
-
[14]
Gérard Genette, Mimologiques. Voyage en Cratylie (1976), Paris, Seuil, 1999.
-
[15]
Paul Valéry, « Je disais quelquefois à Stéphane Mallarmé… », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 650.
-
[16]
Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 210.
-
[17]
Id., Les Mots anglais, Œuvres II, op. cit., p. 969.
-
[18]
Id., « Crayonné au théâtre », Divagations, Œuvres II, op.cit., p. 162.
-
[19]
Walter Benjamin, « La tâche du traducteur », Œuvres I, trad. Maurice de Gandillac, Pierre Rusch, Rainer Rochlitz, éd. Rainer Rochlitz, Paris, Gallimard, 2000, p. 252.
-
[20]
Stéphane Mallarmé, Les mots anglais, Œuvres II, op. cit., p. 1013-1014.
-
[21]
Ibid., p. 967.
-
[22]
Stéphane Mallarmé, « La Musique et les Lettres », Œuvres II, op. cit., p. 66.
-
[23]
C’est l’hypothèse que Bertrand Marchal propose dans la note 3, p. XXXI de son introduction aux Œuvres. Soulignons qu’à l’époque l’alphabet anglais compte 26 lettres. Le français, officiellement 25. Dans le Bescherelle et le Littré, le W est mentionné mais n’est pas encore comptabilisé comme lettre à part entière.
-
[24]
Stéphane Mallarmé, Les mots anglais, Œuvres II, op. cit., p. 973.
-
[25]
Entretien de Mallarmé avec Maurice Guillemot, Le Figaro, 27 août 1896, Œuvres II, op. cit., p. 715.
-
[26]
Stéphane Mallarmé, « Quant au livre », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 227.
-
[27]
Ibid., « Crise de vers », p. 208.
-
[28]
Paul Valéry, « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 627.
-
[29]
Jean-François Lyotard, Discours, Figure, Paris, Klincksieck, 2002, p. 62.
-
[30]
Jacques Derrida, « La double séance », La Dissémination, Paris, Seuil, 1972, pp. 215-347.
-
[31]
Id., De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967. Id., « La Différance », Marges de la philosophie, Paris, Minuit, 1972, p. 1-29.
-
[32]
Roland Barthes, « La mort de l’auteur » (1968), Œuvres complètes II, 1966-1973, éd. Eric Marty, Paris, Seuil, 1993-1995, pp. 491-495. Cf. Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, Paris, Gallimard, 2011.
-
[33]
Michel de Certeau, « Lire : un braconnage », L’Invention du quotidien I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1998, p. 239-255.
-
[34]
L’expression est de Valéry à propos de Mallarmé dans « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 646. On se souviendra de la fameuse remarque du poète dans Le Mystère et les Lettres (Œuvres II, op. cit., p. 234), en réponse à l’article de Marcel Proust, « Contre l’obscurité » (juillet 1896) : « Je préfère, devant l’agression, rétorquer que des contemporains ne savent pas lire / – Sinon dans le journal ; il dispense, certes, l’avantage de n’interrompre le chœur de préoccupations ».
-
[35]
Jacques Rancière, Politique de la Sirène, Paris, Hachette, 1996.
-
[36]
Stéphane Mallarmé, « Observation relative au poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard », Œuvres I, op. cit., p. 391.
-
[37]
Paul Valéry, « Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges », Variétés, Œuvres I, op. cit., p. 627.
-
[38]
Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 212, 211, 204.
-
[39]
Id., « Observation relative au poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard », Œuvres I, op. cit., p. 391.
-
[40]
Ibid., Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, p. 386-387.
-
[41]
Id., « Crise de vers », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 208.
-
[42]
Ibid., « La Musique et les Lettres », p. 67.
-
[43]
Ibid., « Bibliographie », Divagations, p. 277.
-
[44]
Ibid., « Crise de vers », p. 210.
-
[45]
Ibid., « Le Mystère dans les lettres », p. 234.
-
[46]
Aby Warburg avait en effet imaginé pour l’un des titres de son Atlas Mnemosyne une « iconologie de l’intervalle » (Ikonologie des Zwischenraums). Notice du 11 avril 1929. Aby Warburg, Tagebuch der Kulturwissenschaftlichen Bibliothek, vol. VII, 267, éd. Karen Michels et Charlotte Schoell-Glass, Berlin, Akademie, 2001, p. 434.
-
[47]
Sur cette question, cf. Georges Didi-Huberman, L’image survivante. Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002, la partie intitulée « Gestes mémoratifs, déplacés, réversifs : Warburg avec Darwin », 2e chapitre. Voir aussi sur ce point, qui recoupe la distinction faite par Carlo Ginzburg entre enquête morphologique et enquête historique, l’introduction que ce dernier consacre à Warburg dans son ouvrage Peur, révérence, terreur – Quatre essais d’iconographie politique, trad. Martin Rueff, Dijon, Les Presses du Réel, 2012.
-
[48]
Georges Didi-Huberman, Atlas. Como llevar el mundo a cuesta ?, Museo nacional, Centro de Arte Reina Sophia, Madrid, 26 novembre 2010-28 mars 2011.
-
[49]
Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, trad. Jean Lacoste, Paris, Cerf, 2000, N1a, 8 et N1, 10. De nombreux écrivains contemporains ont procédé depuis par montage, Claude Simon, mais aussi W.G. Sebald. Ce dernier, en introduisant des images photographiques dans ses textes, réfère clairement ce procédé à l’impératif benjaminien selon lequel « le montage véritable part du document » (Walter Benjamin, « Crise du roman », Œuvres II, op. cit., p. 192) ; mais, aussi, il recourt pour le décrire au modèle du jeu de cartes dit patience dont le dispositif s’inscrit dans la tradi -tion de la cartomancie, cf. Muriel Pic, W.G. Sebald, L’Image papillon, Dijon, Les Presses du Réel, 2009, p. 61-65. Id., « W.G. Sebald. Les patiences de la mémoire », in Les Carnets du Bal, n°1, L’image document entre fiction et réalité, dir. Jean-Pierre Criqui, p. 92-119).
-
[50]
Michel Murat, Le Coup de dés de Mallarmé. Un recommencement de la poésie, Paris, Belin, 2005.
-
[51]
Stéphane Mallarmé, « Observation relative au poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard », Œuvres I, op. cit., p. 391.
-
[52]
Cf. Jean-Pierre Lecercle, Mallarmé et la mode, Paris, Librairie Seguier, 1989.
-
[53]
Stéphane Mallarmé, « La Musique et les Lettres », Divagations, Œuvres II, op. cit., p. 75.
-
[54]
Ibid., « Crise de vers », p. 212.
-
[55]
Ibid., « Quant au livre », p. 227.
-
[56]
Walter Benjamin, « Expert-comptable assermenté », Sens unique, trad. Jean Lacoste, Paris, Maurice Nadeau, 1998, p. 163. Cf. Anna Sigrídur Arnar, « Stéphane Mallarmé über das demokratische Potential der Zeitungen im Fin de Siècle », in Sabine Folie (éd.), Un Coup de Dés. Bild gewordene Schrift. Ein ABC der nachdenklichen Sprache, Köln, Walther König, 2009, p. 14-25.
-
[57]
Walter Benjamin, « Expert-comptable assermenté », Sens unique, op. cit., p. 163-164.
-
[58]
Jacques Scherer, Le « Livre » de Mallarmé, Paris, Gallimard, 1957. Œuvres I, op. cit., p. 945-1060. Bertrand Marchal relit les feuillets du Livre dans son ouvrage La Religion de Mallarmé, Paris, José Corti, 1988. Nous nous référons ici à la p. 542 de cet ouvrage qui propose une ordonnance des feuillets 190 à 195 du Livre.
-
[59]
Feuillet 110 du Livre, Œuvres I, op. cit., p. 199.
-
[60]
Gershom Scholem, Walter Benjamin. Histoire d’une amitié (Gershom Scholem, Walter Benjamin. Die Geschichte einer Freundschaft, 1975), trad. Paul Kessler, Calmann-Lévy, Paris, 1981, p. 97.
-
[61]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, trad. Sybille Muller, Paris, Flammarion, 2009, p. 31.
-
[62]
Id., Le Concept de critique esthétique, trad. Philippe Lacoue-Labarthe et Anne-Marie Lang, Paris, Flammarion, 2002, p. 73.
-
[63]
Id., Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 37.
-
[64]
Ibid., p. 31.
-
[65]
Ibid., p. 40.
-
[66]
Ibid., p. 33.
-
[67]
Theodor W. Adorno, L’Actualité de la philosophie, trad. sous la dir. de Jacques-Olivier Bégot, Paris, Éditions de l’ENS, 2008, p. 8.
-
[68]
Cf. Jacques-Olivier Bégot, « Sous le signe de l’allégorie. Benjamin aux sources de la Théorie critique ? », Astérion, Numéro 7, juin 2010, http://asterion.revues.org/document1573.html. Pourtant, malgré ce rôle fondateur autour de la notion de « critique », on constate la mise à l’index de Benjamin au sein de la mouvance socio-philosophique de l’actuelle Ecole de Francfort.
-
[69]
Cf. La Dialectique négative, trad. collective Collège de Philosophie, Paris, Payot, 2007. Sur cette question, voir aussi Alessandro Baricco, Constellations. Mozart, Rossini, Benjamin, Adorno, trad. Frank La Brasca, Paris, Gallimard, 1999.
-
[70]
Walter Benjamin, « Sur le pouvoir d’imitation », Œuvres II, op. cit., p. 361-362.
-
[71]
Id., Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 278.
-
[72]
Id., « Problèmes de sociologie du langage », Œuvres II, op. cit., p. 9.
-
[73]
Id., Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 43.
-
[74]
Aby Warburg, Essais florentins, trad. Sibylle Muller, Paris, Klincksieck, 2003, p. 215.
-
[75]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 304. Sur les liens entre Benjamin et Warburg, cf. Cornelia Zumbusch, Wissenschaft in Bildern. Symbol und dialektisches Bild in Aby Warburgs Mnemosyne-Atlas und Walter Benjamins Passagen-Werk, Berlin, Akademie, 2004.
-
[76]
Walter Benjamin, « Sur le pouvoir d’imitation », Œuvres II, op. cit., p. 361-362.
-
[77]
Theodor W. Adorno, L’Actualité de la philosophie, op. cit., p. 21.
-
[78]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 43.
-
[79]
Hugo von Hofmannsthal, Le Fou et la Mort, trad. Colette Rousselle, Henri Thomas, Jacqueline Verdeaux et Léon Vogel, Paris, Gallimard, 1979, p. 33-60.
-
[80]
Walter Benjamin, Rêves, trad. Christophe David, édition réalisée par Burkhardt Lindner, Paris, Gallimard, 2009, p. 95.
-
[81]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N3,1.
-
[82]
Jürgen Habermas, « L’actualité de Walter Benjamin. La critique : prise de conscience ou préservation », Revue d’esthétique – hors série consacré à Walter Benjamin, dir. Marc B. de Launay et Marc Jimenez, rééd. augmentée, Paris, Jean-Michel Place, 1991, p. 113. Le discrédit messianique que fait peser Habermas sur le concept de « lisibilité » aura définitivement exclu ce dernier des préoccupations de la nouvelle Théorie critique. On trouve aussi chez Hans Robert Jauss une interprétation du fameux Jetz der Erkennbarkeit comme moment messianique dans « Spur und Aura. Bemerkungen zu Walter Benjamins Passagen-Werk », in Hans Robert Jauss, Helmut Pfeiffer et Françoise Gaillard (éd.), Art social und Art industriel. Funktionen der Kunst im Zeitalter des Industrialismus, München, Wilhelm Fink, 1987.
-
[83]
Walter Benjamin, « Le surréalisme. Dernier instantané de l’intelligentsia européenne », Œuvres II, op. cit., p. 116.
-
[84]
Id., Le livre des passages, op. cit., N15a, 1.
-
[85]
Id., Gesammelte Schriften I, 3, Rolf Tiedemann (Hg.), Frankfurt/M, Suhrkamp, 1974, p. 1238.
-
[86]
Id., « Sur le pouvoir d’imitation », Œuvres II, op. cit., p. 363.
-
[87]
Id., Petite histoire de la photographie (1931), Œuvres II, op. cit., p. 321.
-
[88]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N3,1.
-
[89]
Charles Baudelaire, « Notes nouvelles sur Edgar Poe », Œuvres II, éd. C. Pichois, Paris, Gallimard, 1976, p. 329.
-
[90]
Voir notamment de Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Paris, Minuit, 2003.
-
[91]
Jacques Bouveresse, Prodiges et vertiges de l’analogie, Paris, Liber, 1999.
-
[92]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N1a7.
-
[93]
Ibid., N11,2.
-
[94]
Id., « Sur le concept d’histoire », Œuvres III, op. cit., p. 443.
-
[95]
Jacques Rancière, « Le concept d’anachronisme et la vérité de l’historien », in L’Inactuel, n°6, automne 1996, p. 67-68.
-
[96]
Aby Warburg, Essais florentins, op. cit., p. 205.
-
[97]
Cf. Michael Werner et Michel Espagne, « Les manuscrits parisiens et le Passagen-Werk », in Walter Benjamin et Paris, éd. H. Wismann, Paris, Cerf, 1986, p. 849-867.
-
[98]
Ludwig Binswanger, Introduction à l’analyse existentielle [1947, 1955], trad. J. Verdeaux et R. Kuhn, Paris, Minuit, 1971, p. 81.
-
[99]
Walter Benjamin, « Expert-comptable assermenté », Sens unique, op. cit., p. 163.
-
[100]
Id., Le livre des passages, op. cit., G, 1a, 4.
-
[101]
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, op. cit., p. 222.
-
[102]
Sur ce passage de « Notes nouvelles sur Edgar Poe » (Œuvres II, op. cit., p. 330), qui reprend la célèbre citation d’Horace à partir de sa glose par Poe, cf. Martin Rueff, « Vers le pavé, nos têtes appesanties. Étrennes », in Po&sie, n°126, 2009, p. 14-17.
-
[103]
Cité par Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, nouvelle édition augmentée, trad. M. Aymard, Ch. Paoloni, E. Bonan et M. Sancini-Vignet, revue par M. Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010, p. 255. Ginzburg revient notamment sur cette question d’un paradigme galiléen opposé au paradigme indiciaire dans le volume Spur (Hg. Sybille Krämer, Werner Kogge, Gernot Grube, Suhrkamp, Frankfurt/Main, 2007), « Spuren einer Paradigmengabelung : Machiavelli, Galilei und die Zensur der Gegenreformation », p. 257-280.
-
[104]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N1a, 8.
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[105]
Ibid., N1a, 7. Je souligne.
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[106]
Hans Blumenberg, La Lisibilité du monde (Lesbarkeit der Welt, 1981), trad. Pierre Rusch et Denis Trierweiler, Paris, Cerf, 2007, p. 28. Sur les travaux de Blumenberg et la métaphore du monde comme Livre, cf. Philipp Stoellger (Hg.), Genesen und Grenzen der Lesbarkeit, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2007.
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[107]
Karlheinz Stierle, La Capitale des signes. Paris et son discours, (Der Mythos von Paris. Zeichen und Bewusstsein der Stadt, 1993), Paris, MSH, 2001. Id., « Walter Benjamin : Der innehaltende Leser », Lucien Dällenbach et Christian L. Hart Nibbrig (Hg.), Fragment und Totalität, Frankfurt/M, 1984, p. 337-349.
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[108]
Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, trad. Claude Maillard, Paris, Gallimard, 1990, notamment l’appendice sur Benjamin, pp. 220-229.
-
[109]
Sigrid Weigel, « Zum Phantasma der Lesbarkeit. Heines Florentinische Nächte als literarische Urszene eines kulturwissenschaftlichen Theorems », in Lesbarkeit der Kultur, Hg. Sigrid Weigel & Gerhard Neumann, München, Fink, 2000, p. 245-258. Sigrid Weigel, « Die Entstehung der Kulturwissenschaft aus der Lektüre von Details. Übergänge von der Kunstgeschichte, Medizin, und Philologie zur Kulturtheorie : Warburg, Freud, Benjamin », Literatur als Voraussetzung der Kulturgeschichte. Schauplätze von Shakespeare bis Benjamin, München, Fink, 2004, p. 15-38.
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[110]
Georges Didi-Huberman, « Ouvrir les camps, fermer les yeux. Image et lisibilité de l’histoire », Annales. Histoire, Sciences sociales, LXI, 2006, n° 5, p. 1011-1049. Rééd. Remontages du temps subi. L’œil de l’histoire 2, Paris, Minuit, 2010.
-
[111]
Carlo Ginzburg, « De Warburg à Gombrich. Notes sur un problème de méthode », Mythe, emblèmes, traces, op. cit., p. 45.
-
[112]
Louis Marin, De la représentation, éd. Daniel Arasse, Alain Cantillon, Giovanni Careri, Danièle Cohn, Pierre-Antoine Fabre, Françoise Marin, Paris, Hautes Etudes/Gallimard/Seuil, 1994, p. 66.
-
[113]
Voir notamment De la représentation, op. cit. Cf. aussi, Louis Marin, « Dans le laboratoire de l’écriture-figure », Cahiers du MNAM, n°38, hiver 1991, p. 77-91.
-
[114]
Georges Didi-Huberman, « Pour une anthropologie des singularités formelles. Remarque sur l’invention warburgienne », in Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 24, 1996, p. 145-163.
-
[115]
Carlo Ginzburg. « Microhistoire, deux ou trois choses que je sais d’elle », repris dans Le Fil et les traces. Vrai faux fictif, trad. Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010, p. 361-405.
-
[116]
Id., « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, op. cit., p. 218-294.
-
[117]
Jean Bottéro, « Symptômes, signes, écriture en Mésopotamie ancienne », Divination et Rationalité, éd. Jean-Pierre Vernant et alii, Paris, Seuil, 1974, p. 70-197.
-
[118]
Louis Marin, « Le concept de figurabilité, ou la rencontre entre l’histoire de l’art et la psychanalyse », De la représentation, op. cit., p. 66.
-
[119]
Sigmund Freud, « Le Moïse de Michel-Ange », L’Inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1990, p. 23. L’expression est reprise par Adorno dans L’Actualité de la philosophie, op. cit., p. 19.
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[120]
Wolfram Hogrebe, Metaphysik und Mantik. Die Deutungsnatur des Menschen (Système Orphique de Iéna), Frankfurt/M, Suhrkamp, 1992. Cf. également Wolfram Hogrebe (Hg.), Mantik. Profile prognostischen Wissens in Wissenschaft und Kultur, Würzburg, Königshauen & Neumann, 2005.
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[121]
Id., « Orientierungstechniken : Mantik », in Spur, op. cit., p. 281-292.
-
[122]
Dorothea McEwan, Aby Warburg’s (1866-1929) Dots and Lines. Mapping the Diffusion of Astrological Motifs in Art History, in German Studies Review, vol. 29, 2, may 2006, p. 243-268.
-
[123]
Walter Benjamin, Le livre des passages, op. cit., N3,1.
-
[124]
Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Œuvres I, op. cit., p. 386-387.
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[125]
Paul Celan et Gisèle Celan-Lestrange, Correspondance I, éd. Bertrand Badiou, Paris, Seuil, 2001, p. 606.