Couverture de POESI_112

Article de revue

Temps Hiroshima

Pages 208 à 222

Notes

  • [1]
    En dehors du poème « Qu’on me rende… » (cité, à partir de Notes de Hiroshima, de Ôé Kenzaburô, dans la traduction de Dominique Palmé – Gallimard 1996), les poèmes de Tôge Sankichi ont été ici traduits par Ono Masatsugu et moi. J’ai eu également recours à la traduction en anglais des poèmes de Tôge dans Hiroshima, Three Witnesses (ed. and transl. by Richard H. Minear, Princeton University Press, 1990). Il faut remarquer que, dans le recueil « Poèmes de la bombe atomique », on ne trouve ni tanka ni haiku. Les poèmes sont en vers libres.
  • [2]
    « L’après-midi du 22 mars dernier ont eu lieu à Hiroshima les obsèques d’une femme qui s’était suicidée : la veuve de Tôge Sankichi, cet écrivain qui a laissé, sur les drames causés par le bombardement atomique et la dignité de l’homme qui ne capitule pas devant eux, les poèmes les plus admirables. D’après certains, c’est l’angoisse d’un éventuel cancer dû à la radioactivité qui aurait terrassé Mme Tôge. Mais il faudrait se souvenir aussi que quelques semaines avant ce suicide, un inconnu avait maculé de peinture la stèle où figure l’un des poèmes de son mari, ce qui avait traumatisé cette femme. » (Ôé Kenzaburô, Notes de Hiroshima)
  • [3]
    Sur les massacres de Nankin, le livre d’Iris Chang The Rage of Nanking, Basic Books, 1997, a soulevé de violents débats. On sait que ces violences ont fait et font l’objet, au Japon, d’un « négationnisme » qu’on trouve à l’œuvre, en particulier, dans des mangas.
  • [4]
    Mais toutes les victimes ne furent pas japonaises et certaines avaient été d’abord exposées à la brutalité du pouvoir japonais : « […] des milliers de Coréens furent tués à Hiroshima et Nagasaki » écrit John W. Dower (« The Bombed », dans Hiroshima in History and Memory, ed. by Michael J. Hogan, Cambridge University Press, 1996). Ces Coréens, rappelle Dower, avaient été enrôlés de force pour travailler pour le Japon et avaient eu à subir une exploitation sans scrupule en même temps qu’une attitude discriminatoire de la part de la population japonaise.
  • [5]
    Hors de tout monde humain ? N’était-ce pas un enfer qui s’était ouvert dans le monde ? Bien des écrits de témoins de destructions du vingtième siècle parlent d’enfer. À Hiroshima et Nagasaki, un enfer parut s’être ouvert moins pour les morts que pour des survivants plus ou moins provisoires. L’ensemble de peintures consacré aux victimes des explosions atomiques par le couple de peintres, Maruki Iri et Maruki Toshi (qui s’étaient rendus à Hiroshima peu après l’explosion) rappelle à l’évidence certaines représentations traditionnelles d’enfer bouddhiste.
  • [6]
    Dans Pluie noire, rétrospectivement, Ibuse fera entendre,par des brèves remarques des personnages, le dégoût que suscitaient, dès avant la catastrophe, chez les gens ordinaires, ou que continua de provoquer dans les heures et jours qui suivent, le comportement des militaires.
  • [7]
    John Hersey, dans Hiroshima (voir note 12), cite longuement, dans ses dernières pages, une lettre de M. Tanimoto à un Américain. Des « mots révélateurs », écrit Hersey. On découvre, dans cette lettre, un docteur Hirawai et son fils qui chantent « Banzai pour l’Empereur » dans leur maison en flammes. Et M.Tanimoto (cité par Hersey) écrit encore : « Se rappelant leur expérience de ce moment, le docteur Hirawai répétait : « Quelle fortune pour nous d’être japonais ! C’est la première fois qu’il me fut donné de goûter à tant de beauté spirituelle, cet instant où je décidai de mourir pour notre Empereur. »
  • [8]
    Même si le maintien de l’Empereur et sa non inculpation furent finalement concédés par les Américains.
  • [9]
    « The Bombed », op. cit.
  • [10]
    John Dower, op. cit.
  • [11]
    Tôge, écrit Richard H.Minear, ne se tourna vers le communisme que « lentement et avec beaucoup de réticences ». « Sa courte pièce “Tonnerre lointain” est pour l’essentiel un dialogue entre un communiste mourant (Kimoto) et un chrétien (Tanaka) ».
  • [12]
    Les pages de John Hersey furent publiées d’abord dans le New Yorker, puis en un livre qui fut traduit – cette même année 1946 – chez Robert Laffont. L’ouvrage donna matière à controverse, aux Etats-Unis. Il fut violemment attaqué par Mary Mc Carthy : « Traiter la bombe atomique journalistiquement, écrivait-elle, c’est en un sens nier son existence… Jusqu’au 31 août de cette année, personne n’osait penser à Hiroshima – nous y voyions tous une sorte de trou dans l’histoire humaine. M. Hersey a comblé ce trou. »
  • [13]
    L’article de Bataille est cité par Didi-Huberman dans le court livre qu’il a consacré au peintre Parmiggiani : Génie du non-lieu, air, poussière, empreinte, hantise216. Dans une « Delocazione,1970. Suie, poussière. » de ce peintre, on distingue, sur un mur la trace d’une échelle. « L’échelle dont il s’agit, écrit Didi-Huberman, n’est d’abord que cette ombre survivante d’une échelle brûlée, disparue, vue par quelques survivants et photographiée parmi les décombres d’Hiroshima en octobre 1945. » Didi-Huberman, commentant Bataille, parle de ce qui dut être, pour les victimes de la bombe, « un pur sentir panique du lieu, hors de toute perception, hors de tout savoir sur l’espace devenu étouffement et brûlure en acte ».
  • [14]
    Dès le 8 août 1945, on pouvait lire dans Combat un article sans titre, non signé, mais assurément écrit par Camus (comme l’affirme Béatrice Faillès, qui republie cet article, parmi beaucoup d’autres, dans Hiroshima oublié, Édition n° 1, 1995). Le premier mouvement de ce texte est de réagir au ton du « formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique ». Et Camus affirme : « […] il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que, dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner. »
  • [15]
    Tamiki Hara, Hiroshima, Fleurs d’été, récits traduits du japonais par Brigitte Allioux, Karine Chesneau et Rose-Marie Makino-Fayolle, éditions Dagorno, 1995.
  • [16]
    L’Atomic Bomb Casualty Commission a été établie par le gouvernement américain au Japon au début 1947. Son but « était exclusivement de recueillir des données scientifiques sur les effets biologiques à long terme des bombes » (John W. Dower, p.126, « The Bombed », op. cit.
  • [17]
    Vers la fin de Pluie noire, dans son « Journal d’un sinistré », Shigematsu rapporte, alors que chacun attend l’annonce de la capitulation, les propos tenus par des ouvriers : « « Nous avions pensé jusqu’ici que la vie que nous menions ne pouvaits pas être pire, mais si notre patrie allait se perdre, il faudrait prendre un parti. Mais lequel ? L’ennemi avait la force militaire. N’allait-il pas stériliser tous les hommes sans exception ? » (Et la même voix entendue par Shigematsu poursuit : « Et pourquoi n’avait-on pas capitulé avant le bombardement de Hiroshima ? Non, c’était simplement la chute du pikadon qui en avait décidé. Mais l’ennemi devait déjà savoir que nous étions vaincus : il n’aurait pas dû lancer le pikadon. »)
  • [18]
    Les motifs de la décision de Truman ont évidemment fait l’objet de maintes analyses et discussions. Dans l’ouvrage oublié sous la direction de Michael J.Hogan, Hiroshima in History and Memory, Barton J. Bernstein écrit : « Pour le président Truman et ses hauts conseillers, en 1945, l’usage de la bombe atomique ne fit pas question. Pour eux, la question importante était d’obtenir militairement la reddition du Japon. » Bernstein souligne encore que le recours à la bombe, pour les dirigeants américains, ne posait pas de problèmes éthiques ou politiques et qu’ils « rejetèrent ou ne considérèrent pas les prétendues alternatives à la bombe », et en particulier une « noncombat demonstration » qui aurait pu valoir comme un « dramatique avertissement ».
  • [19]
    Cité dans la préface de Nous, enfants d’Eichmann par Sabine Cornille et Philippe Ivernel. À Hiroshima, Anders ne consacra pas seulement toute une part de sa pensée (« Sur la bombe et les causes de notre aveuglement face à l’apocalypse » – dans L’obsolescence de l’homme, sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle, trad. Christophe David – Éditions de l’encyclopédie des nuisances, Editions Ivrea, Paris 2002) ; il se livra également à une étrange tentative en entrant en correspondance avec Claude Eatherly, qui avait participé au déclenchement du bombardement.
  • [20]
    Tel est le point de vue de Wolgang Sofsky (« Auschwitz, Kolyma, Hiroshima », dans L’ère de l’épouvante, folie meurtrière, terreur, guerre, Gallimard 2002). Sofsky parle des « effets de l’arme atomique sur la politique mondiale et sur le système international ». Il caractérise, dans le même article, Hiroshima comme « un acte de la terreur de guerre ». Il rappelle que le but des Etats-Unis n’était plus d’obtenir la capitulation du Japon (qui semblait devoir intervenir de toute manière) ; il était plutôt « de démontrer la supériorité des Etats-Unis d’Amérique face à de futurs ennemis, avant tout face à l’Union soviétique » ; il était encore d’ « empêcher que des troupes soviétiques viennent leur disputer l’occupation du Japon. »
… et il a dit :
« Merci infiniment de votre peine.
On m’a dit que Hisroshima avait disparu.
C’est bien épouvantable.
En vérité, je n’ai pas de mots, je n’ai plus de parole, c’est lamentable… »
Sa voix avait pris un peu d’assurance.
Je me suis arrêté d’écrire, pour regarder le jardin.
À cet instant, le rouge des potirons m’a fait venir les larmes aux yeux.
Ibuse Masuji, Pluie noire

1

Comment oublier cet éclair
en un instant 30 000 dans les rues disparaissent
au fond de ténèbres écrasées
le cri de 50 000 s’éteint
Quand les fumées jaunes se dissipent en volutes
les bâtiments se déchirent, les ponts s’effondrent
les trains brûlent bondés
Tas infini de tuiles et pierres et restes calcinés que fut Hiroshima

2Ce sont les premiers vers du poème « 6 août » de Tôge Sankichi (1917-1953). Ôé Kenzaburô dans le « Prologue » (daté d’avril 1965) de ses Notes de Hiroshima[1] cite un autre poème de Tôge [2] :

3

Qu’on me rende mon père
Qu’on me rende ma mère
Qu’on me rende mes grands-parents
Qu’on me rende mes enfants
Qu’on me rende mon être
Et ceux qui sont mes liens
Qu’on me rende les humains
Tant que je suis au monde
En ce monde d’humains
Qu’on me rende la paix
La paix qui ne peut se détruire

4Tôge est un témoin : il fut, d’abord, un survivant. Il se trouvait à Hiroshima le 6 août 1945 – et cette date se répète durement dans ses vers. Les Poèmes de la bombe atomique disent la destruction dans laquelle leur auteur avait été au bord de se trouver englouti.

5*

6

« Le nuage, qui semblait immobile, ne l’était point. Il élargissait sa tête branlante tantôt à l’est, tantôt à l’ouest. Et chaque fois qu’il s’agrandissait, une part quelconque de son gros corps de champignon jetait un éclair et changeait de couleur, devenant rouge, violette, azur, verte. Et il grossissait toujours, bouillonnant sans trêve de l’intérieur vers l’extérieur. »

7Cette description du nuage atomique apparaît dans le roman d’Ibuse Masuji Pluie noire. Ibuse n’était pas à Hiroshima. La description est attribuée à un personnage, Shigematsu, qui ajoute :

8

« Est-ce que ce n’est pas un messager venu des Enfers ? Mais qui, dans cet univers a donc le droit de faire surgir un monstre aussi inouï ? Est-ce que je m’en sortirai ? Et les miens ? »

9Bien entendu, Ibuse a eu recours à des récits de survivants. Mais on peut se demander si un témoin effectif aurait pu être capable d’une pareille manière de regarder.

10L’explosion, on le sait (et Oppenheimer l’avait prévu), fut aveuglante – non seulement pour les yeux, mais pour les facultés humaines. L’espace, ou la lumière, ou l’air furent en ces instants métamorphosés, et parurent eux-mêmes destructeurs… Le bombardier avait disparu, l’ennemi, déjà, n’était plus là – mais la destruction enclenchée en un instant allait (dans les minutes, les heures, les jours, puis, on l’apprit bientôt, les années qui suivirent) progresser de son propre mouvement produisant, dans le temps, un autre temps.

11*

12Des témoins-survivants, tels furent nombre d’auteurs du vingtième siècle. C’est dans la première guerre mondiale que sont apparus les écrivains-témoins. D’autres, innombrables, tentèrent de répondre aux divers massacres de masse du vingtième siècle.

13Rien là, cependant, ne se laisserait unifier. Les situations extrêmes – celles où furent, parmi des millions de victimes, quasi submergés ceux qui s’en firent les écrivains – semblent n’avoir en commun que le déchaînement des violences exercées sur des masses par des États, leurs polices, leurs armées, leurs forces « spéciales ».

14Dans le double ravage de Hiroshima et de Nagasaki, le Japon était visé en tant que cette nation dont les dirigeants l’avait jetée dans la guerre et dont les armées avaient commis des actes d’une violence sans limites, sur des masses de civils en particulier [3].

15Les morts et blessés d’Hiroshima et Nagasaki furent des victimes de cette guerre, et donc des décisions de leurs dirigeants aussi bien que de celles de Truman. Ils n’avaient été à aucun moment – à la différence de toute une part des victimes de pouvoirs totalitaires – la cible de l’État dont ils étaient les ressortissants. Ils n’avaient pas fait l’objet, dans les pays où ils vivaient, de discriminations qui les mettaient à part du reste de la population ni de persécutions menées par des forces policières [4].

16Ce que les Japonais – et donc les victimes de Hiroshima et de Nagasaki – avaient subi ou, pour une part, accepté (voire appelé), de la part du pouvoir, c’était les effets d’une militarisation poussée à l’extrême, et qui, en particulier, se traduisait par un appel ou une contrainte au sacrifice. Pour une part, les Japonais ne se réveillaient-ils pas d’un cauchemar où ils s’étaient eux-mêmes précipités ?

17« …eux-mêmes » ? Employer, ici, ce mot est douteux. C’est tenir pour acquise l’unification idéologico-militaire visée par les tenants de la militarisation à outrance. Celle-ci, dans ses conséquences sacrificielles en particulier, pouvait-elle éviter d’être, en même temps que partiellement réalisée – et jusqu’à l’infâmie –, mensongère ou illusoire ?

18De la décomposition rapide de cette unanimité sociale forcée, Pluie noire met en scène des manifestations brèves mais fort claires.

19*

20« Qu’on me rende… » : l’appel lancé par les vers célèbres de Tôge serait-il équivoque ? Quelle continuité – peut se demander le lecteur d’aujourd’hui – le poème voudrait-il reformer ?

21« Qu’on me rende mes liens » : le poème appellerait-il à renouer avec la société japonaise des années trente, avec sa fermeture sur elle-même et sa violence à l’extérieur ?

22Les vers qui suivent dissipent toute ambiguïté :

23« Qu’on me rende les humains… »

24Est-ce vraiment d’une restitution qu’il s’agit ? Le sentiment ou le désir d’appartenance à l’humanité qui se manifeste dans ces vers n’est-il pas, pour une part, nouveau ?

25Si des survivants de Hiroshima ou de Nagasaki ressentent le besoin de croire à une appartenance humaine en général, c’est sur le fond de la destruction où ils se trouvent plongés. Ils se sentent humains précisément au moment où ils sont au bord de tomber hors de tout ce que peut ou pourrait être l’humanité [5].

26Mais s’ils élaborent quelque peu leurs témoignages, s’ils y articulent leurs pensées les plus immédiates, ils découvrent en ou entre eux que, par les événements qu’ils ont vécus ou continuent à vivre, l’humanité même a été atteinte.

27

« L’humanité, écrit Hara Tamiki – lui aussi survivant du 6 août, et auteur de Fleurs d’été –, est tout entière comme du verre brisé en mille morceaux… Le monde est cassé. Humanité ! Humanité ! Humanité ! Je ne peux pas comprendre. Je ne peux pas communiquer. Je tremble. Humanité. Humanité. Humanité. Je veux comprendre. Je veux communiquer. Je veux vivre. Suis-je le seul à trembler ? »
Et il ajoute : « Toujours en moi il y a le bruit de quelque chose qui explose. »

28Cette double impression d’une neuve appartenance humaine en même temps que d’une humanité en péril fut probablement renforcée, chez les victimes, par la défaillance ou le rejet de toutes les instances qui avaient prétendu – au prix de tant de sacrifices – leur assurer une cohésion sociale sans failles une appartenance absolue.

29On peut trouver surprenant que l’empereur, dans la déclaration annonçant la capitulation, ait allégué le souci de préserver l’humanité et sa continuation – au-delà même de celle du seul peuple japonais. Il est vrai que, par là, les formules impériales, soigneusement calculées, déplaçaient les responsabilités : c’est l’ennemi qui, par son usage des bombes atomiques, apparaissait comme porteur d’une menace universelle contre l’humanité.

30

« J’aurais mieux aimé naître dans un pays sans État ».
déclare, dans Pluie noire, un survivant (provisoire) de Hiroshima

31Les premiers témoignages – ceux que pouvaient recueillir des journalistes – n’étaient pas défaits de l’appartenance ou des emprises (celle, surtout, de l’armée211[6]) ou adhésions qui avaient eu cours avant la capitulation [7]. Mais il n’y avait plus grand chose, là, qui ne fût désormais en lambeaux, ou qui ne se révélât dérisoire. Spécifique, sans doute, fut l’évidence de la destruction radicale et quasi instantanée de tout ce qui avait été fabriqué en moins d’un siècle, et celle aussi de l’effondrement des instances politico-militaires [8] qui en avaient organisé la réalisation et promis la perpétuation.

32Dans les premiers temps après la capitulation, toute expression publique fut contrôlée la censure américaine (qui succédait ainsi à la censure impériale). Il était (explique John W. Dower [9]) interdit au survivants de la bombe de se plaindre en public : « Les victimes ne pouvaient pas partager leurs expériences par écrit, ne pouvaient recevoir aide ni conseil publics. » Et « les chercheurs en médecine japonais qui travaillaient sur les survivants ne pouvaient publier leurs découvertes pour permettre aux autres docteurs et savants d’en faire usage en soignant les hibakusha [les “atomisés”]. »

33En fait, ajoute Dower, « les autorités d’occupation US ne relâchèrent pas les restrictions sur les témoignages personnels des survivants avant que trois années se soient écoulées après les bombardements. » Et c’est seulement à la fin de 1948, écrit Dower, que « le relâchement de la censure ouvrit la voie à la publication par les hibakusha de souvenirs, de poèmes, d’essais, et de reconstitutions fictionnelles ».

34*

35Que des croyances religieuses aient fourni un appui à certains survivants, on ne peut s’en étonner. Très grand, souligne John Dower, fut le succès des écrits de Nagai Takashi – « un jeune père veuf qui mourait de la maladie atomique à Nagasaki [10] ». L’interprétation par Takashi des événements selon une vision chrétienne, apocalyptique, sacrificielle, fut, en matière de témoignages, celle qui rencontra la plus grande audience, du moins jusqu’à la publication de Pluie noire en 1966.

36Mais ces recours religieux ne furent pas, selon toute apparence, ceux auxquels se confia (du moins en dernière instance) Tôge.

37Les derniers vers du poème de Tôge « Flammes » suggèrent que l’histoire même – dès lors qu’elle a pu aboutir à Hiroshima et Nagasaki – ébranle toute foi en une présence « autre » qui, sous les traits d’une grande attention sévère mais bienveillante, serait tournée vers les hommes :

38

L’histoire bientôt
tend une embuscade
à tout ce qui ressemble à Dieu

39L’histoire humaine, suggèrent ces vers (au présent-futur, au futur déjà présent), va – et a déjà – fait déchoir, par les catastrophes qu’elle produit, toute transcendance ou tout ce qui chercherait à y « ressembler »212.

40*

41Mais l’humanité, à l’inverse, ne va-t-elle pas alors apparaître – du fond de la catastrophe – comme l’instance à laquelle en appeler ? L’humanité même devrait-elle se révéler, pour les victimes, comme le recours contre tout ce qui exclurait une partie des hommes de la possibilité d’exister en humains ?

42Nombreux, les poèmes qui, au vingtième siècle, sur le mode de la réclamation ou de l’indignation, auront paru faire alliance avec une bonne volonté humaine générale pourtant constamment démentie dans la réalité.

43Les poèmes de Tôge sont-ils de ceux qui se cherchent un destinataire sous les traits de l’humanité ? Trouvent-ils une « interlocutrice » en une humanité future, à faire advenir ?

44Tôge adhéra au parti communiste [11]. Pour le poète se rangeant sous une idéologie progressiste – les exemples sont nombreux au vingtième siècle –, l’humanité devait apparaître comme ce qui, en se retournant sur ses propres étapes, si cruelles qu’elles aient pu être, les recueillerait, les dépasserait.

45Mais, brûlés, brûlants, et peut-être comme malgré leur auteur, malgré eux, les poèmes de Toge exposent et imposent, à qui les lit (et, à travers chaque lecteur effectif, à toute instance humaine possible), de l’inintégrable.

46* * *

47« Comment oublier cet éclair » ? demande Toge.

48Il est impossible au survivant d’oublier. S’il ne peut repousser dans le passé d’une histoire individuelle ou collective (dans un passé dépassable) ce qu’il a vu et senti, c’est qu’à l’instant de l’explosion et dans ceux qui suivirent, il cessa d’être ordinairement présent. Celui qui se trouvait là exposé fut comme repoussé en-deça de lui-même, et ne dura plus que comme un déroulement sensible dénudé de la protection des enveloppes ordinaires, fût-ce celle de sa propre peau.

49[…]

50Un coup d’épingle, et elles jaillissent toutes –

51les émotions !

52[…]

53Même écrits à quelques mois ou années de distance, des poèmes comme ceux de Tôge se laissent submerger par des instants qui, chronologiquement, sont du passé. C’est que le « je » sur place au moment des événements a été, par la violence extrême, comme absenté de lui-même.

54Il y eut, bien sûr, un présent de fait, mais pour un sujet quasiment défait – pour une sensibilité déroulée à vif. Et ce présent n’est nullement devenu un moment de la temporalité de celui qui écrit. À ce qui, pour son auteur, n’est pas devenu du passé (c’est-à-dire un présent repoussé dans le passé par d’autres présents), le poème ne peut résister.

55« Un coup d’épingle »… il suffit d’un geste d’écriture – pointe de plume ou de pinceau – pour faire « jaillir » tout le ressenti. C’est que celui-ci n’était pas devenu du passé. Il faut qu’il ait subsisté sans que rien n’ait pu le faire reculer dans la succession des présents devenant des passés.

56(Chalamov parle d’une conservation intégrale, comme dans un gel continué, du passé vécu à Kolyma : pour faire jaillir ce vécu extrême, l’écrivain russe n’use pas d’un « coup d’épingle » ; il parle de ces « têtes chercheuses » que constituent les rimes.)

57Les poèmes de Toge ne reviennent pas sur ce qui a eu lieu comme sur un moment du passé. Ils ne sauraient se recourber sur ce vécu extrême pour l’envelopper.

58Là où le ravage atomique assaillit des vies d’emblée dépourvues de toute possibilité de se rabattre sur ce qui affluait, de se reprendre, de « se dire », les poèmes eux-mêmes créent une réceptivité sui generis où la manière même d’arriver de l’extrême puisse trouver une forme d’effectuation. Rien là, certes, d’un achèvement. À l’exposition extrême, qui n’est pas exactement un passé, répond une réalisation langagière à vif.

59À travers les efforts descriptifs des poèmes de Tôge, chacun peut à son tour sentir comment l’afflux des sensations inouïes, intolérables, créa, en celui – à la place de celui – qui se trouvait là, un vide d’existence, une radicale impuissance à élaborer le présent, à le faire sien. Ce vide dans le présent (cette absence d’une existence subjective dans les instants alors vécus) semble s’être incarné directement – sans la médiation d’une temporalité subjective élaboratrice – dans les vers de Tôge.

60Du vide, dans les poèmes de Tôge, baigne les précisions, les détails atroces. C’est celui qui, du passé indépassable, se communique aux vers et qui ne cessera plus d’y dissoudre tout ce qui pourrait paraître envelopper les sensations déroulées.

61Il est sensible, à travers l’irregardable qui ne peut qu’être trop et trop peu montré. Il effectue, dans les vers, le silence où – entre morts et mourants – résonnaient les heurts de mouche contre un bord de bassine en métal :

62

[…]
Bientôt des peaux comme chiffons usagés pendent
à des mains contre des poitrines
Piétinant du liquide cérébral
reins enveloppés de tissus brûlés
le défilé des corps nus qui marchaient en foule pleurant
Cadavres sur le champ de manœuvres de l’armée comme des statuettes de Zizo
C’est aussi la foule entassée au bord du fleuve rampant sur des radeaux attachés qui sous le soleil brûlant se change au fil du temps en cadavres
Dans le flamboiement qui pénètre le ciel du soir
les endroits où ma mère et mon petit frère furent pris vivants sous des décombres se reflètent en brûlant
Parmi des excréments sur le sol de l’arsenal
sont allongées des étudiantes rescapées
crânes dépouillés, moitiés de corps rouges écorchés, yeux écrasés, ventres gonflés
dans ce grouillement d’on ne sait qui est qui je cherche la lumière du matin
rien ne bouge plus
dans la pestilence stagnante
rien que des bruits de mouches volant contre des bassines en métal
[…]

63Les vers font revenir ce qui, sans doute, n’avait jamais pu venir à la pensée, ni à la parole, ce qui n’avait pu s’intégrer à une mémoire individuelle. Mais du même coup, ils l’exposent-imposent à tout ce qui pourrait se faire écoute.

64Ou plutôt, de leur vide dissolvant en même temps que de leurs traits descriptifs, ils mettent en défaut toute instance qui devrait et pourrait non seulement en tirer des conséquences, mais en être remaniée dans son existence.

65Et toujours revient, trop facile mais pauvre à invoquer, l’humanité. Elle ne peut être dite que saccagée en quiconque se trouva là. Et c’est impossiblement qu’elle serait, par le mode d’exposition de ces vers, requise de se faire regard, écoute, attention, mémoire…

66

[…]
Nous vivons toujours dans un paysage en flammes
cette flamme ne s’éteint jamais
cette flamme ne s’arrête jamais
et qui peut dire que nous ne sommes plus flammes ?
Lumière emplissant toute la ville nocturne au-dessus des braises de
néon clignotant dans un ciel noir comme un tunnel
on sent trembler des masses de flammes frères défigurés grouillant
ah ! pieds ne sont que pieds mains ne sont que mains chacun d’eux
ouvrent des plaies que les flammes lèchent
pour finir le cerveau se fissure la galaxie brûle
s’effondre.
Roses de flammes étincelles bleues
tourbillons de bourrasques
ténèbres criant d’une seule voix
rancœur regret rage jurons haine plaintes sanglots
tous les gémissements frappent la terre le ciel monte en tremblant.
Nous dans nous un autre je odeur de mon corps brûlé qui fond
ta peau arrachée tête dépouillée de ma femme taches sur l’enfant oh
vivante race atomique
humain non plus humain
[…]

67*

68« Le monde entier apprit avant les habitants d’Hiroshima que la ville avait étrenné l’invention qui allait bouleverser la terre et laissait ses inventeurs eux-mêmes atterrés » C’est ce qu’en 1947, Bataille écrit dans « À propos de récits d’habitants d’Hiroshima », compte-rendu du livre de John Hersey Hiroshima, paru aux États-Unis en 1946[12].

69« À celui, poursuit Bataille, qui dans les rues d’Hiroshima fut ébloui par un éclair immense, qui avait l’intensité du soleil et n’était pas suivi de détonation, la colossale explosion n’apprenait rien. Il la subissait comme un animal, il n’en connut même pas l’étendue gigantesque. »

70C’est sans doute malgré eux (et sous l’effet du livre discutable de Hersey) que ces propos – désireux de nous rapprocher de l’exposition extrême – paraissent donner tout de même quelque privilège au point de vue à distance.

71« Ceux qui en furent témoins, écrit encore Bataille, en recevant l’effet sans mourir, n’avaient plus la force nécessaire à maintenir une représentation intelligible de leur malheur. » Et il cite les propos d’un Japonais, M. Tanimoto, rapportés par Hersey : « Presque tous avaient la tête basse, regardant droit devant eux, en silence, sans aucune expression sur le visage ».

72Bataille[13] a-t-il su, plus que d’autres intellectuels occidentaux[14] – et dans son effort constant pour ne pas se dérober au réel là où on a envie de le rejeter ou de le voiler –, recevoir l’impact de l’événement ?

73Bataille glisse, dans la suite de son essai, à toute une réflexion sur la « sensibilité ». Et ce sera pour affirmer, contre ce qui pourrait n’ être que « sensiblerie », une « sensibilité souveraine »…

74Issue trop « verbale » ? Quelle solution se cherche dans cette opposition ou hiérarchisation de termes (une pratique de philosophe) ?

75La tentative précoce de Bataille devrait être confrontée, mieux qu’au livre de Hersey, à des témoignages écrits par des Japonais. Ce que les œuvres-témoignages nées dans les années suivantes tenteront de former après-coup, c’est, à l’égard de ce qui a eu lieu, une réceptivité sinon « souveraine », du moins venant là où avait été d’emblée impossible, comme l’écrit Bataille, toute « représentation intelligible » du « malheur ».

76*

77C’est à distance du 6 août 1945 qu’en 1951, Tôge écrivit les Poèmes de la bombe atomique. Mais cette distance est d’une nature différente des mois ou années qui, dans les moments où ils firent œuvre, séparaient, par exemple, Antelme, Primo Levi ou le peintre Bokor, de ce qu’ils avaient vécu dans des camps nazis, ou encore Chalamov du monde de la Kolyma. Car, de 1945 à 1951 – et jusqu’à sa mort en 1953 –, Tôge vit, comme des milliers de survivants ou semi-survivants de Hiroshima, dans le temps de la « maladie de la bombe ».

78En réalité, le mal dont souffrait Tôge était antérieur au 6 août 1945. Pourtant, il semblait certain (et à ses propres yeux, d’abord) que les effets de la bombe avaient aggravé sa maladie et hâté sa fin. Par là, il se sentit partager le destin de ceux qui mouraient lentement des conséquences de leur irradiation.

79

« En janvier 1951, écrit Richard H. Minear, Tôge entra à l’hôpital pour préparer une opération prévue pour avril. Dans une extraordinaire explosion d’énergie il écrivit presque tous les poèmes de Poèmes de la bombe atomique durant cette période ; même pour ceux qu’il ne composa pas lors se son séjour à l’hôpital, c’est là qu’il y mit la dernière main. On avait mis à sa disposition une table et une chambre pour huit personnes, et il écrivait jusque tard dans la nuit, après avoir recouvert les fenêtres de journaux pour que les médecins ne voient pas qu’il était encore au travail. »

80À l’époque, souligne Minear, Tôge était devenu une « figure charismatique ». Des campagnes nationales avaient collecté du sang pour les transfusions et de l’argent pour les frais d’hospitalisation.

81Finalement, l’opération, plusieurs fois repoussée, a lieu le 9 mars 1953. Tôge, entré en salle d’opération à 13 h 35, meurt le lendemain à 4 h 45 : c’est ce qu’on lit dans un compte-rendu très détaillé qu’écrivit un technicien radiologue, Tsubota Masao (cité par Minear). À 3 h 30 quelqu’un lui avait glissé sous la tête un exemplaire de Poèmes de la bombe atomique.

82* * *

83Inintégrable, tout le ressenti du 6 août 1945, et ce que peuvent nous en révéler les survivants ? Pas seulement pour une vie, mais pour l’humanité. Aussi les poèmes de Toge semblent-ils contraindre le langage humain comme tel et l’attention de tout lecteur possible à ne plus s’arracher à leurs déroulements cruels.

84Toute œuvre sans doute demande, fût-ce tacitement, un « interlocuteur » (comme dit Mandelstam) plus que proche aussi bien que lointain et insituable. Mais les poèmes de Tôge brûlent toute interlocution. Ils mettent en difficulté tout accueil possible par un lecteur tardif ou lointain.

85Ce qui fut subjectivement inintégrable pour les témoins d’événements en principe passés le demeure, ou recommence à l’être d’une autre manière, pour les lecteurs de Poèmes de la bombe atomique. Ainsi ce passé semble-t-il ne pouvoir en être un. Et par les vers de Tôge, par leurs descriptions et leur vide aride, il est révélé comme virtuellement contemporain de tout ce qui a été, est ou sera chronologiquement ultérieur.

86*

87Si le 6 août se révéla – indépendamment de toute chronologie, ou parallèlement à elle – indépassable, c’est aussi qu’avec lui s’était engendré un temps inconnu. Autre perpétuation de l’inintégrable.

88Dans les instants, eux-mêmes dilatés, de l’explosion s’amorça immédiatement la consécution sans fin des effets biologiques. Une atteinte aux effets imprévisibles et incalculables s’était abattue sur les victimes survivantes : certaines d’entre elles semblent en avoir eu très tôt la perception ou le pressentiment.

89

« Soudain, écrit Hara Tamiki dans Fleurs d’été[15] (publié en juin 1947), à côté d’un buisson, m’apparut le visage d’une femme entre deux âges dont le corps pourtant robuste était comme accroupi, jeté à terre, inerte. En regardant son visage dont tout souffle de vie avait été arraché, il me sembla y découvrir quelque chose qui évoquait une maladie contagieuse. C’était ma première rencontre avec un pareil visage, mais par la suite je n’allais pas tarder à en voir de plus terriblement étranges innombrables. »

90Le « mal atomique » fut, on le sait la plus visible et la plus implacable des conséquences des bombes d’Hiroshima et Nagasaki : « les gens que l’on avaits vus à nos côtés en bonne santé à ce moment-là [juste après le bombardement], écrit Hara Tamiki dans « Ruines » (récit publié en novembre 1947), tombaient malades par la suite, atteints de scepticémie ; une angoisse que l’on ne pouvait encore définir nous hantait cruellement. »

91L’aveuglante instantanéité de l’événement s’était doublée, sur-le-champ, d’une autre temporalité qui devait, elle, se poursuivre inéluctablement durant des mois, des années.

92

« Certains se sont volatilisés en moins de temps qu’il ne faut pour le dire » écrit Ôé Kenzaburô, en août 1963 (dans « Premier voyage à Hiroshima » – Notes de Hiroshima). Mais il ajoute : « d’autres continuent aujourd’hui encore de vivre ce destin cruel, en tremblant de peur devant leur taux de globules blancs. »

93Tôge, lui, évoque d’autres effets physiologiques. Sur un fond mouvant d’ombre, de lumières dissimulées, de constructions entrevues dans la brume, le poème « Nuit », par phrases brusquement violentes, par des mots comme bruts, dit l’une des conséquences, dans le corps du poète, de son exposition à la bombe : l’impossibilité de procréer, le sperme stérile.

94

[…]
Ah Hiroshima
ta nuit où la bombe atomique a laissé stérile l’érection
la femme oublie d’être engrossée
mes spermatozoïdes ont perdu leurs queues
Concession scintillant dans Hiroshima
nichée dans l’ombre des arbres du parc Hijiyama
De la lumière de l’arche de l’ABCC[16]
se séparent les feux arrière d’une voiture haut de gamme
dans lesquels se dissipent de la musique folklorique du désert de Nouveau Mexique
Ah brouillard nocturne
[…]

95(Après la capitulation, le bruit avait couru au Japon que les Américains envisageaient la stérilisation des mâles japonais [17]. Stériliser une population entière : c’est le type de projet qui avait surgi chez les nazis, et qui aurait pu n’être pas étranger aux perspectives des médecins militaires japonais qui s’étaient livrés, sur des prisonniers de guerre, à des expérimentations criminelles… Il reste que les survivants de Hiroshima et de Nagasaki purent avoir le sentiment que dans leurs corps, la continuité biologique des générations risquait de s’interrompre.)

96*

97

Demain, une fois encore, le feu se déversera du ciel ;
demain, une fois encore, les gens seront calcinés et mourront.

98« Demain… » : c’est là un autre aspect du temps engendré par les bombes de Hiroshima et de Nagasaki que disent ces vers de Hara Tamiki : la répétition.

99Le redoublement fut réel, et très rapide – de Hiroshima à Nagasaki. (Une troisième bombe avait d’ailleurs été envisagée [19].) [18]

100Mais, dès lors, ce qui s’ouvre, c’est l’attente d’une répétition possible, voire probable.

101Hara Tamiki poursuit :

102

La souffrance continuera, se répétera,
jusqu’à ce que partout les pays, partout les cités
connaissent la destruction.

103

« Nous appartenons, écrit Anders [19], à la génération de ceux qui ont tenté sans relâche des années durant de comprendre les événements passés afin de mettre en garde, de manière convaincante, contre leur répétition – mais qui savaient, remplis d’angoisse, (…) que ce qui s’était produit une fois pouvait se produire une deuxième fois, et même avec moins d’inhibition. »

104Les deux bombes ne devaient pas seulement mettre un terme à la guerre. L’aprèsguerre n’était pas moins en jeu.

105Le temps de la menace nucléaire et de son indéfini suspens s’était engendré dès la décision initiale de Truman. Le recours aux bombes atomiques semble avoir été, autant ou plus que le moyen d’obtenir une capitulation japonaise (dont le gouvernement américain pouvait savoir qu’elle était pratiquement acquise), un signal à l’égard de l’Union soviétique[20]. C’était là, bien entendu, le début de ce qui allait se poursuivre tout le temps de la guerre froide. Et au-delà, en prenant la forme de menaces désormais dispersées.

106« Demain, une fois encore… » : ces vers, Hara Tamiki – survivant de Hiroshima et auteur de « Fleurs d’été » et de « Ruines » – les écrivit sous le coup d’un propos tenu, en novembre 1950, par le président Truman. Celui-ci avait déclaré qu’il n’écartait pas, pour la guerre de Corée, un nouveau recours à la bombe atomique.

107Le 13 mars 1951, Hara Tamiki se coucha sur des rails, à Tokyo, pour s’y laisser écraser. Agissait-il sous l’effet des seules souffrances psychiques et somatiques qui ne l’avaient pas quitté depuis le 6 août 1945 ? Il avait envoyé le poème contenant les mots « Demain, une fois encore… » à un ami, dans une dernière lettre. Nul doute qu’il ait voulu attirer l’attention sur les menaces qu’il était sûr de sentir peser sur l’humanité entière.

108*

109Que tout possible espace commun soit hanté, comme d’une persistance indéfinissable, par les effets (ou par la présence continuée) de la bombe, c’est ce que suggère le poème de Tôge « Nuit ». Quelque chose de dangereux se concrétise, dans ces vers, en un énigmatique passage animal.

110

[…]
Il y aussi une chose qui traverse le ciel d’un seul battement d’ailes
noir pâle comme un papillon de nuit
de la nuit vers l’aube
de l’aube vers l’obscurité de la nuit
lumière qui pend au loin
lumière qui s’accroche en tombant
lumière qui terrifiée cherche à oublier
[…]

111La lumière même voudrait oublier. Mais quelque chose résiste, ne veut pas disparaître, ne peut se retirer dans le passé. Quelque chose qui n’est pas seulement un retour ou une rémanence du passé, mais qui continue…

112Qu’est-ce qui risque de continuer indéfiniment ? Ce qui n’a pu devenir du passé ni pour une subjectivité, ni pour une société ou pour l’humanité, ce qui, encore, n’a pas fini d’exercer ses effets biologiques, ce qui, enfin, n’aura jamais fini d’être possible dans l’histoire, sous forme de répétition inventive et monotone à la fois.

113De l’« inintégrable », semblent pressentir les poèmes de Tôge, longera l’histoire désormais, doublera toute expansion de l’humanité d’une couche de temps redoutable.

114* * *

115Cependant, les poèmes de Tôge, sur fond de destruction, nous font également sentir, en certains détails, le prix de ce qui fut détruit ou de ce qui aurait pu être et n’est pas advenu à l’existence.

116Ce n’est pas lorsqu’ils pourraient – par des formules comme « Qu’on me rende » – paraître nostalgiques du temps d’avant la catastrophe. C’est quand, au milieu des visions de cadavres et de débris, ils s’attachent à des traces des vies interrompues ; c’est lorsqu’ils en disent ou touchent la coupure même, dans le vide.

117Des entr’enveloppements de vies déchirés, voilà ce que parfois nous font approcher des témoignages (ou des œuvres écrites à partir de témoignages, comme le très pur – très rigoureusement et délicatement construit – roman d’Ibuse Masuji Pluie noire).

118Qu’advient-il, dans l’effondrement universel, du souci de l’un pour l’autre, de l’angoisse d’un survivant pour un proche probablement disparu, ou de la douleur de découvrir détruit, en tel corps aimé brûlé, disloqué, le désir d’avenir d’un enfant, la projection vers le futur d’un adolescent ? Les poèmes, en particulier, peuvent-ils approcher de ce que furent les ouvertures temporelles d’existences désormais perdues ou en voie de décomposition ?

119Le « 6 août », de Tôge, déjà cité, tente, dans l’instant d’une vision de crânes nus, de faire ressurgir ce qu’étaient, pour des disparus, leurs espoirs. Le plus déchirant est peut-être là, pour les proches : sentir dans des orbites vides ce qu’était la projection d’avenirs qui n’auront jamais lieu

120

[…]
Comment oublier ce silence-là
qui occupait tout entière une ville de trois cents mille habitants
comment oublier
l’espoir qui emplissait
à nous briser cœurs et âmes
les orbites blancs des femmes et des enfants qui ne sont jamais rentrés
dans ce silence !
[…]

121Ces crânes semblent encore pleins du présent qui, le 6 août, s’est soudain défait, ou s’est métamorphosé en pure souffrance, en impuissance, en désorientation. Ces orbites osseuses sont, pour le regard, la voix ou le tact du poème qui y revient, le contenant béant d’attentes absurdement soufflées.

122*

123Se rapportant à des moments ultérieurs, aux mois et années qui suivirent les explosions de Hiroshima et Nagasaki, il arrive que les poèmes de Tôge accueillent, attentivement, précautionneusement, les visages de survivants – des hibakusha – qui n’osent plus s’offrir aux regards. Autant de renonciations à la création de nouveaux liens, et à tout avenir. Maintes jeunes femmes, en particulier, ne se sentent plus capables de se présenter aux regards, ni même à la lumière du jour.

124C’est là ce que fait entendre, discrètement dans sa violence même, le poème « À une dame » :

125

[…]
l’ombre transparente d’un B29
brutalement s’est abattue sur le visage
Cicatrice de l’éclair
qui s’incruste des paupières au nez
Vous
dites que vous ne verrez personne jusqu’à la mort
[…]

126*

127Quand une œuvre – poème ou (comme Pluie noire) roman – s’incurve tendrement, pour quelques victimes ou pour des survivants, en réceptivité au plus haut point sensible, elle ne prétend pas recouvrir, envelopper, « intégrer » ce qu’ils ont subi et senti. Elle impose durement aux lecteurs la permanence de ce qui ne peut être du passé.

128Et en déroulant de l’irrésorbable, elle met en suspens, à travers ses possibles lecteurs, toute possible instance d’accueil que serait l’humanité. Ou plutôt, elle dispose, localement, ses lecteurs et, aléatoirement, l’humanité à n’être pas sans rapport avec ce qui ne sera jamais une étape dépassée et qui double désormais l’histoire.

129*

130

« Dans l’un de ses poèmes, écrit Minear, Tôge Sankichi s’adresse à un enfant dont le père a été tué dans le Sud de Pacifique et dont la mère est morte le 6 août ; il ne se trouve personne pour répondre aux questions innocentes de l’enfant. »

131Ce poème cherche à se faire présence interlocutrice tournée vers l’enfant. À cet enfant, faut-il dire le passé démesuré de la guerre et d’Hiroshima ? Ce que l’enfant a traversé, il n’en a pas eu conscience. Il n’a pas su davantage comment il s’était retrouvé privé de toute protection.

132Les trois premières strophes du poème s’achèvent par des questions :

133

Qui te dira ce jour ? …Qui te dira
cette nuit ? … Qui te dira ?
Qui ?

134Dans la dernière strophe, le poème répond à sa propre question :

135

[…]
Bien !
Je te trouverai,
je poserai mes lèvres sur ta tendre oreille, et te dirai…
je te dirai la véritable histoire –
je jure de le faire.
[…]

136« Dire la véritable histoire » : serait-ce là, encore, une illusion – celle d’un communiste qui saurait l’histoire, celle d’un poète qui toujours saurait dire ?

137L’essentiel, c’est peut-être que ces vers – quand le passé leur revient comme une insomnie de l’histoire – tentent de se faire, pour un enfant qui devrait pouvoir s’endormir, non seulement voix, mais geste. Rien, il est vrai, n’a lieu que dans le présent (ou dans le futur d’une promesse) qu’a ouvert, brièvement, le poème.

138Le geste protecteur n’est formé dans des mots du poème que comme n’ayant jamais eu lieu et ne devant jamais avoir lieu.

139Du moins le geste du « je » nous donne-t-il à sentir ce qu’aurait pu être un contact vivant : une bouche d’adulte contre une oreille d’enfant. Là, pour faire entendre la destruction (dont les conséquences réelles et virtuelles continuent de se dérouler), devrait s’imposer, mais purement reconstruit, un instant de confiance, entre l’enfant et la voix qui parle contre sa tempe – et même une sorte de douceur.

Notes

  • [1]
    En dehors du poème « Qu’on me rende… » (cité, à partir de Notes de Hiroshima, de Ôé Kenzaburô, dans la traduction de Dominique Palmé – Gallimard 1996), les poèmes de Tôge Sankichi ont été ici traduits par Ono Masatsugu et moi. J’ai eu également recours à la traduction en anglais des poèmes de Tôge dans Hiroshima, Three Witnesses (ed. and transl. by Richard H. Minear, Princeton University Press, 1990). Il faut remarquer que, dans le recueil « Poèmes de la bombe atomique », on ne trouve ni tanka ni haiku. Les poèmes sont en vers libres.
  • [2]
    « L’après-midi du 22 mars dernier ont eu lieu à Hiroshima les obsèques d’une femme qui s’était suicidée : la veuve de Tôge Sankichi, cet écrivain qui a laissé, sur les drames causés par le bombardement atomique et la dignité de l’homme qui ne capitule pas devant eux, les poèmes les plus admirables. D’après certains, c’est l’angoisse d’un éventuel cancer dû à la radioactivité qui aurait terrassé Mme Tôge. Mais il faudrait se souvenir aussi que quelques semaines avant ce suicide, un inconnu avait maculé de peinture la stèle où figure l’un des poèmes de son mari, ce qui avait traumatisé cette femme. » (Ôé Kenzaburô, Notes de Hiroshima)
  • [3]
    Sur les massacres de Nankin, le livre d’Iris Chang The Rage of Nanking, Basic Books, 1997, a soulevé de violents débats. On sait que ces violences ont fait et font l’objet, au Japon, d’un « négationnisme » qu’on trouve à l’œuvre, en particulier, dans des mangas.
  • [4]
    Mais toutes les victimes ne furent pas japonaises et certaines avaient été d’abord exposées à la brutalité du pouvoir japonais : « […] des milliers de Coréens furent tués à Hiroshima et Nagasaki » écrit John W. Dower (« The Bombed », dans Hiroshima in History and Memory, ed. by Michael J. Hogan, Cambridge University Press, 1996). Ces Coréens, rappelle Dower, avaient été enrôlés de force pour travailler pour le Japon et avaient eu à subir une exploitation sans scrupule en même temps qu’une attitude discriminatoire de la part de la population japonaise.
  • [5]
    Hors de tout monde humain ? N’était-ce pas un enfer qui s’était ouvert dans le monde ? Bien des écrits de témoins de destructions du vingtième siècle parlent d’enfer. À Hiroshima et Nagasaki, un enfer parut s’être ouvert moins pour les morts que pour des survivants plus ou moins provisoires. L’ensemble de peintures consacré aux victimes des explosions atomiques par le couple de peintres, Maruki Iri et Maruki Toshi (qui s’étaient rendus à Hiroshima peu après l’explosion) rappelle à l’évidence certaines représentations traditionnelles d’enfer bouddhiste.
  • [6]
    Dans Pluie noire, rétrospectivement, Ibuse fera entendre,par des brèves remarques des personnages, le dégoût que suscitaient, dès avant la catastrophe, chez les gens ordinaires, ou que continua de provoquer dans les heures et jours qui suivent, le comportement des militaires.
  • [7]
    John Hersey, dans Hiroshima (voir note 12), cite longuement, dans ses dernières pages, une lettre de M. Tanimoto à un Américain. Des « mots révélateurs », écrit Hersey. On découvre, dans cette lettre, un docteur Hirawai et son fils qui chantent « Banzai pour l’Empereur » dans leur maison en flammes. Et M.Tanimoto (cité par Hersey) écrit encore : « Se rappelant leur expérience de ce moment, le docteur Hirawai répétait : « Quelle fortune pour nous d’être japonais ! C’est la première fois qu’il me fut donné de goûter à tant de beauté spirituelle, cet instant où je décidai de mourir pour notre Empereur. »
  • [8]
    Même si le maintien de l’Empereur et sa non inculpation furent finalement concédés par les Américains.
  • [9]
    « The Bombed », op. cit.
  • [10]
    John Dower, op. cit.
  • [11]
    Tôge, écrit Richard H.Minear, ne se tourna vers le communisme que « lentement et avec beaucoup de réticences ». « Sa courte pièce “Tonnerre lointain” est pour l’essentiel un dialogue entre un communiste mourant (Kimoto) et un chrétien (Tanaka) ».
  • [12]
    Les pages de John Hersey furent publiées d’abord dans le New Yorker, puis en un livre qui fut traduit – cette même année 1946 – chez Robert Laffont. L’ouvrage donna matière à controverse, aux Etats-Unis. Il fut violemment attaqué par Mary Mc Carthy : « Traiter la bombe atomique journalistiquement, écrivait-elle, c’est en un sens nier son existence… Jusqu’au 31 août de cette année, personne n’osait penser à Hiroshima – nous y voyions tous une sorte de trou dans l’histoire humaine. M. Hersey a comblé ce trou. »
  • [13]
    L’article de Bataille est cité par Didi-Huberman dans le court livre qu’il a consacré au peintre Parmiggiani : Génie du non-lieu, air, poussière, empreinte, hantise216. Dans une « Delocazione,1970. Suie, poussière. » de ce peintre, on distingue, sur un mur la trace d’une échelle. « L’échelle dont il s’agit, écrit Didi-Huberman, n’est d’abord que cette ombre survivante d’une échelle brûlée, disparue, vue par quelques survivants et photographiée parmi les décombres d’Hiroshima en octobre 1945. » Didi-Huberman, commentant Bataille, parle de ce qui dut être, pour les victimes de la bombe, « un pur sentir panique du lieu, hors de toute perception, hors de tout savoir sur l’espace devenu étouffement et brûlure en acte ».
  • [14]
    Dès le 8 août 1945, on pouvait lire dans Combat un article sans titre, non signé, mais assurément écrit par Camus (comme l’affirme Béatrice Faillès, qui republie cet article, parmi beaucoup d’autres, dans Hiroshima oublié, Édition n° 1, 1995). Le premier mouvement de ce texte est de réagir au ton du « formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique ». Et Camus affirme : « […] il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que, dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner. »
  • [15]
    Tamiki Hara, Hiroshima, Fleurs d’été, récits traduits du japonais par Brigitte Allioux, Karine Chesneau et Rose-Marie Makino-Fayolle, éditions Dagorno, 1995.
  • [16]
    L’Atomic Bomb Casualty Commission a été établie par le gouvernement américain au Japon au début 1947. Son but « était exclusivement de recueillir des données scientifiques sur les effets biologiques à long terme des bombes » (John W. Dower, p.126, « The Bombed », op. cit.
  • [17]
    Vers la fin de Pluie noire, dans son « Journal d’un sinistré », Shigematsu rapporte, alors que chacun attend l’annonce de la capitulation, les propos tenus par des ouvriers : « « Nous avions pensé jusqu’ici que la vie que nous menions ne pouvaits pas être pire, mais si notre patrie allait se perdre, il faudrait prendre un parti. Mais lequel ? L’ennemi avait la force militaire. N’allait-il pas stériliser tous les hommes sans exception ? » (Et la même voix entendue par Shigematsu poursuit : « Et pourquoi n’avait-on pas capitulé avant le bombardement de Hiroshima ? Non, c’était simplement la chute du pikadon qui en avait décidé. Mais l’ennemi devait déjà savoir que nous étions vaincus : il n’aurait pas dû lancer le pikadon. »)
  • [18]
    Les motifs de la décision de Truman ont évidemment fait l’objet de maintes analyses et discussions. Dans l’ouvrage oublié sous la direction de Michael J.Hogan, Hiroshima in History and Memory, Barton J. Bernstein écrit : « Pour le président Truman et ses hauts conseillers, en 1945, l’usage de la bombe atomique ne fit pas question. Pour eux, la question importante était d’obtenir militairement la reddition du Japon. » Bernstein souligne encore que le recours à la bombe, pour les dirigeants américains, ne posait pas de problèmes éthiques ou politiques et qu’ils « rejetèrent ou ne considérèrent pas les prétendues alternatives à la bombe », et en particulier une « noncombat demonstration » qui aurait pu valoir comme un « dramatique avertissement ».
  • [19]
    Cité dans la préface de Nous, enfants d’Eichmann par Sabine Cornille et Philippe Ivernel. À Hiroshima, Anders ne consacra pas seulement toute une part de sa pensée (« Sur la bombe et les causes de notre aveuglement face à l’apocalypse » – dans L’obsolescence de l’homme, sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle, trad. Christophe David – Éditions de l’encyclopédie des nuisances, Editions Ivrea, Paris 2002) ; il se livra également à une étrange tentative en entrant en correspondance avec Claude Eatherly, qui avait participé au déclenchement du bombardement.
  • [20]
    Tel est le point de vue de Wolgang Sofsky (« Auschwitz, Kolyma, Hiroshima », dans L’ère de l’épouvante, folie meurtrière, terreur, guerre, Gallimard 2002). Sofsky parle des « effets de l’arme atomique sur la politique mondiale et sur le système international ». Il caractérise, dans le même article, Hiroshima comme « un acte de la terreur de guerre ». Il rappelle que le but des Etats-Unis n’était plus d’obtenir la capitulation du Japon (qui semblait devoir intervenir de toute manière) ; il était plutôt « de démontrer la supériorité des Etats-Unis d’Amérique face à de futurs ennemis, avant tout face à l’Union soviétique » ; il était encore d’ « empêcher que des troupes soviétiques viennent leur disputer l’occupation du Japon. »
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