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Article de revue

L'argent des migrants, une manne fantasmée

Pages 36 à 39

Notes

  • [1]
    FMI, Balance of Payments and International Investment Position Manual (Sixth Edition), 2009.
  • [2]
    Devesh Kapur, Remittances : The New Development Mantra, G24 Discussion Paper, UNCTAD, 2004.
  • [3]
    Voir sur le sujet les travaux de Jean-Paul Azam et Flore Gubert, « Those in Kayes. The Impact of Remittances on Their Recipients in Africa », Revue économique, Presses de Sciences-Po, vol. 56 (6), p. 1331-1358, 2005.
  • [4]
    Marie Coiffard, Les déterminants et impacts macroéconomiques des transferts de fonds des migrants, le cas des pays fortement dépendants, thèse de doctorat ès sciences économiques, soutenue à l’université de Grenoble le 2 décembre 2011, sous la direction de P. Berthaud.
  • [5]
    Robert Lucas, Oded Stark, « Motivations to Remit : Evidence from Botswana », The Journal of Political Economy, 93, p. 901-918, 1985.
  • [6]
    Organisation internationale pour les migrations, The impact of the Global Financial Crisis on Migration in Tajikistan. Round Table on the Impact of the World Financial Crisis to the Migration Processes in Tajikistan, 13-14 mars 2009, Dushanbe.
  • [7]
    Saodat Olimova, Igor Bosc, Labour Migration from Tajikistan, IOM Report, 2003.
  • [8]
    Organisation internationale du travail, Migrants Remittances to Tajikistan. The Potential for Savings, Economic Investment and Existing Financial Products to Attract Remittances, ILO Subregional Office for Easter Europe and Central Asia, 2010, 74 p.
  • [9]
    Marie Coiffard, « Les transferts de fonds des migrants tadjiks, une « double crise » ? », Mondes en développement 3 (159), 2012, p. 151-165.
  • [10]
    Labour Migration From Indonesia. An Overview of Indonesian Migration to Selected Destinations in Asia and the Middle East, IOM Report, 2010.
  • [11]
    Banque mondiale, « The Malaysia-Indonesia Remittance Corridor. Making Formal Transfers the Best Option for Women and Undocumented Migrants », Working Paper n° 49, 2008.
  • [12]
    Sukamdi, Elan Striawan, and Abdul Haris, « Impact of Remittances on the Indonesian Economy », in Aris Ananta and Evi Nurvidya Arifin (eds.), International Migration in Southeast Asia, Institute of Southeast Asian Studies, 2004.

1L’argent des migrants nourrit bien des fantasmes, de chaque côté de la frontière : considéré comme une potentielle « manne pour le développement », ou encore comme une fuite de revenu pour les pays d’accueil des migrants, ces flux restent avant tout un enjeu personnel et souvent familial.

2 Les transferts d’argent des migrants (TFM) sont définis par le Fonds monétaire international [1] comme la somme des flux enregistrés dans trois comptes de la balance des paiements : les envois de fonds des travailleurs, la rémunération des salariés, et les transferts des migrants. Les TFM sont donc des flux monétaires envoyés par un migrant vivant dans un pays d’accueil vers un agent dans son pays d’origine. Par définition, les transferts dits informels n’y sont pas comptabilisés, de même que les transferts en nature. Pourtant, ces flux pourraient représenter jusqu’au double des transferts officiellement enregistrés selon les estimations des spécialistes.

3 Les transferts d’argent des migrants ont fortement augmenté ces dernières années, pour différentes raisons. L’une des premières est sans doute l’amélioration des systèmes de comptabilité nationale dans de nombreux pays en développement, permettant de différencier ces transferts d’autres flux financiers tels que des flux d’investissement privés. Autrement dit, cette hausse est en partie artificielle car ces envois existaient déjà mais nous étaient invisibles, et ils sont aujourd’hui mieux connus des Banques centrales qui les estiment à partir des rapports des banques commerciales et des enquêtes menées auprès des migrants et de leurs familles. Deuxième raison, le passage de ces flux par des canaux formels : la multiplication des circuits (bancaires, postaux, par des sociétés spécialisées, etc.) et la baisse des coûts de transferts ont favorisé le passage de l’argent des migrants dans le secteur formel.

4 Selon les estimations de la Banque mondiale, les transferts d’argent des migrants dans le monde ont atteint 519 milliards de dollars en 2012, et pourraient avoisiner les 550 milliards de dollars en 2013. Une grande part de ces flux est destinée aux pays en développement, 401 milliards en 2012 en hausse de 5,3 %. Cette reprise, après un ralentissement lié à la crise financière internationale en 2009, fait suite à plusieurs décennies de forte croissance (plus de 360 % d’augmentation de 1998 à 2008). Les transferts d’argent des migrants sont ainsi devenus une source de financement extérieur plus importante que l’aide publique au développement et atteignent des volumes comparables aux investissements directs étrangers (IDE) pour de nombreux pays en développement (environ 700 milliards de dollars en 2012). L’Asie est le principal continent receveur avec 67 % des flux vers les pays en développement, suivie du continent américain (19 %) et de l’Afrique (13 %).

De l’altruisme pur à l’égoïsme pur

5 Cette augmentation provoque un intérêt croissant pour ces flux, en particulier des organisations internationales spécialisées dans l’aide au développement, qui les considèrent généralement comme positifs par principe, dans une optique quantitativiste du financement du développement. Cependant, ce positionnement est contesté, notamment par la communauté scientifique. En 2003, Devesh Kapur questionne la communauté internationale [2] et la centralité des transferts d’argent des migrants dans les nouveaux programmes de développement des organisations internationales est clairement remise en cause : ils peuvent avoir des effets négatifs sur les receveurs, par exemple de « désincitation » au travail comme le suggèrent les travaux de Jean-Paul Azam et Flore Gubert au Mali [3], et ils ne constituent pas des fonds publics pouvant être alloués à une politique de développement. Au contraire, les transferts des migrants sont des fonds privés, le plus souvent de petites sommes qui viennent soulager le quotidien des familles restées au pays. Et contrairement aux espoirs des institutions internationales, s’ils permettent de réduire la pauvreté dans certains cas, ils ne semblent pas pouvoir favoriser le développement économique dans les pays ou les communautés très pauvres [4]. Ils sont donc bien loin de constituer la solution miracle en somme.

6 Pour comprendre le flou qui entoure les transferts d’argent des migrants et leur potentiel pour le développement, il faut signaler qu’ils sont encore mal connus tant du point de vue théorique qu’empirique, les recherches étant relativement récentes et parcellaires. Les travaux des spécialistes révèlent une grande complexité et une forte hétérogénéité de la relation entre les migrants et leur famille selon les pays étudiés. Certaines caractéristiques ont néanmoins été identifiées, notamment en 1985 par Robert E.B. Lucas et Oded Stark [5], qui réalisent un travail fondateur sur les transferts de fonds des migrants originaires du Botswana. Leur approche est basée sur des enquêtes et des questionnaires auprès des migrants dans les pays d’accueil, mais surtout auprès des ménages récipiendaires dans le pays d’origine. Les auteurs déterminent différentes motivations théoriques à l’origine des transferts d’argent des migrants, allant de « l’altruisme pur » à « l’égoïsme pur ». Lorsque les migrants envoient de l’argent à leur famille par altruisme, leur satisfaction ou leur bien-être dépend directement du bien-être de leur famille. Ce modèle repose sur trois hypothèses : premièrement, le montant des transferts est proportionnel au revenu du migrant. Deuxièmement, ce montant diminue à mesure que le revenu de la famille augmente et, troisièmement, le montant diminue à mesure que les liens familiaux se distendent.

7 À l’inverse, dans le modèle égoïste, seul le bien-être du migrant compte. Il peut envoyer de l’argent pour constituer un héritage, pour s’assurer que sa famille s’occupe de ses biens dans son pays d’origine, lorsqu’il a investi dans l’immobilier par exemple. L’amélioration des conditions économiques du pays d’origine s’accompagne alors d’une augmentation des transferts d’argent des migrants, « attirés » par les meilleures conditions de marché et les potentialités qu’elles ouvrent.

8 Identifiés plus tardivement, les motifs dits familiaux complètent cette représentation binaire et quelque peu extrême des motivations d’envoi. L’unité de référence est ici le ménage, constituée d’envoyeurs et de receveurs de transferts. Par exemple, dans un premier temps, le migrant joue le rôle de l’assuré et la famille de l’assureur. La famille commence par financer le voyage du migrant. Dans un second temps, les transferts du migrant permettent à la famille d’améliorer sa situation en augmentant sa consommation, en favorisant des projets d’investissement avec un risque plus élevé, et donc potentiellement plus rentables. Les observations empiriques confirment que cette diversification des risques, liée à l’incertitude de la production, est particulièrement pertinente dans le cas des ménages dont le revenu dépend de l’agriculture.

9 Compte tenu de ces différentes motivations d’envoi, l’idée d’une nouvelle source de développement qui puisse remplacer l’aide internationale et surtout les politiques publiques dans les pays d’origine ne tient pas face à la réalité. Pour s’en convaincre, deux cas assez différents : celui des migrants du Tadjikistan, le plus petit et le plus pauvre des pays de la Communauté des États indépendants (CEI), et celui de l’Indonésie, pays parfois qualifié d’émergent qui a bien du mal à protéger ses migrants.

Pauvreté tadjike

10 Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 10 % de la population tadjike ont émigré à l’étranger [6], soit près d’un million de personnes. Les facteurs d’attraction les plus importants sont de meilleures possibilités d’emploi, un revenu potentiellement plus élevé et l’existence de « réseaux » de migrants. La Fédération de Russie est naturellement le principal pays de destination pour de nombreux travailleurs tadjiks (90 % des émigrés). La reprise économique dans le secteur du bâtiment qui emploie la majorité des Tadjiks en Russie a clairement compté parmi les facteurs d’attraction qui ont favorisé l’exode des travailleurs tadjiks désœuvrés après une guerre civile qui a ravagé leur pays jusqu’en 1997.

11 Les deux classes d’âge les plus représentées sont les 20-29 ans et les 40-49 ans, ce qui correspond aux chefs de famille et aux fils. Les migrants sont majoritairement des hommes, mais une augmentation du travail des femmes peut être observée depuis plusieurs années, en particulier dans les migrations répétées de courte durée et dans le secteur médical [7]. Dans 35 % des cas, les migrants quittent le Tadjikistan pour une durée supérieure à deux ans et reviennent régulièrement pour des durées courtes. Dans 34 % des cas, les migrants restent en Russie plusieurs mois par an, et retournent au pays pour plusieurs mois. Ces migrations correspondent plutôt à des migrations saisonnières. Dans 16 % des cas, les migrants sont à l’étranger depuis plus de deux ans et ne sont pas revenus au pays depuis le début de la migration. Enfin, les 15 % restant correspondent à des nouveaux migrants (depuis quelques mois) [8].

12 L’impact de leurs transferts sur le budget des ménages, l’éducation, la santé ou encore l’emploi des membres restés au pays est très difficile à évaluer. Un certain nombre d’études font apparaître que les transferts permettent de faire baisser la pauvreté, elles démontrent aussi que 80 % de cet argent est utilisé en biens de consommation courante qui, dans le cas du Tadjikistan, sont en partie importés. Concrètement malgré les transferts, la situation du ou des ménages restés au Tadjikistan est précaire.

13 En somme, si ces transferts sont devenus nécessaires pour une partie de la population tadjike, il est peu probable qu’ils soient à l’origine d’une nouvelle dynamique de développement. Certains ménages en bénéficient tout en restant proches du seuil de pauvreté, d’autres au contraire souffrent de l’attente ou de l’insuffisance des envois et deviennent les victimes d’une « double crise » : celle affectant les conditions économiques de leur propre pays et celle aggravant la situation économique du pays d’accueil des migrants susceptibles de leur envoyer de l’argent [9].

Paradoxe indonésien

14 En plein développement, l’Indonésie chemine vers « l’émergence économique » et connaît une baisse de la pauvreté significative : moins de 12 % de la population sont en dessous du seuil de pauvreté en 2012. Cette vision globale est cependant loin de refléter la très grande hétérogénéité d’un archipel aussi étendu que l’Europe.

15 Le niveau d’éducation, particulièrement bas dans certaines régions, et l’absence de perspectives d’avenir autre que la rizière ou les bidonvilles des grandes agglomérations favorisent l’émigration d’une partie de la population, certes faible au regard des 250 millions d’habitants que compte l’Archipel, mais primordiale pour les ménages qui en reçoivent les transferts. Ceux-ci représentent un flux significatif mais non essentiel au financement du développement du pays (environ 1 % du PIB, soit 7 milliards de dollars en 2012). Les ménages receveurs des transferts de fonds des migrants sont géographiquement concentrés, principalement sur l’île de Java (à 90 %) [10]. Les migrants partent principalement en Malaisie (50 %) et en Arabie Saoudite (25 %).

16 Le couloir indo-malais [11] correspond assez bien aux prédictions de la théorie concernant les facteurs attractifs de la migration. La proximité géographique (frontière commune), linguistique (deux dérivés d’une même langue), culturelle (pays à majorité musulmane) ethnique, économique (pays de l’Association des nations d’Asie du sud-est – Asean) et historique (au XVIIe siècle, une grande partie des esclaves arrivant à Malacca était indonésienne) joue fortement et contribue à attirer les un à deux millions de migrants indonésiens que compte la Malaisie (en 2010).

17 La majorité de ces migrants se dirige vers des emplois ouvriers peu ou pas qualifiés (dans la construction notamment), et 40 % sont employés comme travailleurs domestiques (principalement des femmes). Ces travailleurs peu qualifiés sont ceux qui rapatrient la plus grande part de leur salaire, jusqu’à 58 % pour les travailleuses domestiques. Ce profil explique pourquoi, malgré le moratoire sur l’émigration imposé par le gouvernement Indonésien en 2009, les transferts de fonds des migrants sont restés stables et élevés : en l’absence de politique d’incitation ou de canalisation de ces transferts (comme cela existe en Amérique latine par exemple) [12], ces migrants sont un soutien financier indispensable à leur famille. La hausse annuelle des transferts de fonds des migrants pendant le mois de ramadan semble indiquer que le motif altruiste prédomine chez les migrants indonésiens, les dépenses des familles à cette occasion étant traditionnellement plus importantes et l’inflation des prix, notamment alimentaires, élevée.

18 Le couloir indo-malais reflète la situation paradoxale de l’Indonésie vis-à-vis de ses migrants : ces derniers constituent une population très exposée aux abus des employeurs car très vulnérable et peu éduquée. Le pays tente donc de les protéger en encadrant les flux migratoires et en imposant des moratoires avec les pays qui n’assurent pas la sécurité des ressortissants. Dans le même temps, ces migrants représentent une source de revenu indispensable pour des populations très précaires, dans un pays où les politiques nationales de lutte contre la pauvreté ont peu d’effet (éloignement géographique, ethnies diverses…). Comme au Tadjikistan, les transferts de fonds des migrants apparaissent donc comme une source de revenu dont les receveurs peuvent difficilement se passer, mais qui expose les envoyeurs à des situations humaines parfois dramatiques.

19 C’est pourquoi, si pour certains, les transferts de fonds des migrants apparaissent comme une opportunité de développement, en réalité, ils ne permettent le plus souvent que d’améliorer l’ordinaire, en particulier de celui des populations très pauvres. Observées par le prisme des transferts, les migrations apparaissent clairement comme une stratégie de maximisation de revenu, pas toujours compatible avec un objectif d’épanouissement personnel, d’épargne ou même de retour. Au contraire, comme c’est le cas au Tadjikistan ou dans certaines provinces d’Indonésie, ces transferts sont le signe de situations précaires dont il est difficile de savoir si elles sont maintenues ou améliorés par cet apport, source de tous les fantasmes.?


Date de mise en ligne : 16/12/2013

https://doi.org/10.3917/pld.099.0036

Notes

  • [1]
    FMI, Balance of Payments and International Investment Position Manual (Sixth Edition), 2009.
  • [2]
    Devesh Kapur, Remittances : The New Development Mantra, G24 Discussion Paper, UNCTAD, 2004.
  • [3]
    Voir sur le sujet les travaux de Jean-Paul Azam et Flore Gubert, « Those in Kayes. The Impact of Remittances on Their Recipients in Africa », Revue économique, Presses de Sciences-Po, vol. 56 (6), p. 1331-1358, 2005.
  • [4]
    Marie Coiffard, Les déterminants et impacts macroéconomiques des transferts de fonds des migrants, le cas des pays fortement dépendants, thèse de doctorat ès sciences économiques, soutenue à l’université de Grenoble le 2 décembre 2011, sous la direction de P. Berthaud.
  • [5]
    Robert Lucas, Oded Stark, « Motivations to Remit : Evidence from Botswana », The Journal of Political Economy, 93, p. 901-918, 1985.
  • [6]
    Organisation internationale pour les migrations, The impact of the Global Financial Crisis on Migration in Tajikistan. Round Table on the Impact of the World Financial Crisis to the Migration Processes in Tajikistan, 13-14 mars 2009, Dushanbe.
  • [7]
    Saodat Olimova, Igor Bosc, Labour Migration from Tajikistan, IOM Report, 2003.
  • [8]
    Organisation internationale du travail, Migrants Remittances to Tajikistan. The Potential for Savings, Economic Investment and Existing Financial Products to Attract Remittances, ILO Subregional Office for Easter Europe and Central Asia, 2010, 74 p.
  • [9]
    Marie Coiffard, « Les transferts de fonds des migrants tadjiks, une « double crise » ? », Mondes en développement 3 (159), 2012, p. 151-165.
  • [10]
    Labour Migration From Indonesia. An Overview of Indonesian Migration to Selected Destinations in Asia and the Middle East, IOM Report, 2010.
  • [11]
    Banque mondiale, « The Malaysia-Indonesia Remittance Corridor. Making Formal Transfers the Best Option for Women and Undocumented Migrants », Working Paper n° 49, 2008.
  • [12]
    Sukamdi, Elan Striawan, and Abdul Haris, « Impact of Remittances on the Indonesian Economy », in Aris Ananta and Evi Nurvidya Arifin (eds.), International Migration in Southeast Asia, Institute of Southeast Asian Studies, 2004.

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