Notes
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[1]
On aura reconnu les questions tirées de la Logiquede Kant. Voir E. Kant, Œuvres philosophiques, t. III, éd. Alquié, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1986, p. 1297.
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[2]
Il est dommage que l’auteur ne se confronte pas ici à « L’indéfinissable ou la face de l’homme », première partie de Jean-Luc Marion, Certitudes négatives, Paris, Grasset, 2010, p. 21-86.
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[3]
Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’Invisible, Paris, Gallimard, 1964, noté VI¹, p. 61, nouvelle typographie et nouvelle pagination en 2006, noté VI², p. 60.
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[4]
Cela nous paraît une interprétation erronée de la démarche merleau-pontienne, d’autant plus regrettable que Merleau-Ponty aurait constitué un précieux allié pour chaque étape des réflexions suivantes du livre. D’une part, la surréflexion n’est pas une « réflexion honteuse » mais un surcroît de réflexion, dans une démarche de diplopie que l’auteur cherche lui-même à mettre en œuvre dans Puissance et impuissance de la réflexion : « ces réflexions ne deviennent philosophiques que si, par une sorte de diplopie, elles visent, en même temps que la signification “être”, l’être de la signification et la place de la signification dans l’Être. C’est le propre de l’interrogation philosophique de se retourner sur elle-même, de se demander aussi ce que c’est que questionner et ce que c’est que répondre. Cette question à la deuxième puissance, dès qu’elle est posée, ne saurait être effacée », Le Visible et l’Invisible, VI¹ p. 160, VI² p. 158. D’autre part, Merleau-Ponty a constamment nourri un dialogue étroit avec les sciences, de La Structure du comportementjusqu’aux cours du Collège de France sur la Nature, en passant par les cours de la Sorbonne sur la Psychologie de l’enfant. Enfin, il a lui-même proposé une histoire de la philosophie qui tente de tenir compte des sciences et sciences humaines dans Les Philosophes célèbres, Paris, Mazenod, 1956, rééd. Les Philosophes, de l’Antiquité au XXe siècle, Paris, LGF, 2006.
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[5]
Jean-Paul Sartre, L’Être et le Néant, Paris, Gallimard, 1943, éd. corrigée par A. Elkaïm-Sartre, 1995, p. 19, nouvelle typographie et nouvelle pagination en 2016, p. 20.
-
[6]
On aurait aimé que l’auteur fasse référence au Nietzsche du Gai savoirsur ce point. Voir Henri Birault, « En quoi, nous aussi, nous sommes encore pieux », repris dans De l’être, du divin et des dieux, éd. du Cerf, 2005, p. 177-228.
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[7]
L’auteur cite à juste titre la formule des ConfessionsIII, 6, 11 de Saint Augustin : Interior intimo meo et superior summo meo. Sur ce thème du lien entre immanence et transcendance, nous nous permettons de renvoyer à notre Éditorial du Philosophoire, 2018/1, n° 49, « La mystique », p. 5-7.
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[8]
Voir notre note précédente sur Merleau-Ponty.
-
[9]
Reproche sans doute plus difficile à faire pour la production anglo-saxonne, influencée par le pragmatisme.
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[10]
Critique qui nous paraît en partie injuste : c’est bien chez les philosophes qu’on trouve par exemple des réflexions sur la technique, y compris à titre prospectif (Heidegger, Jonas, Henry, Ellul, etc.)
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[11]
Ce qui nous semble bon à rappeler, à l’ère de la philosophie académique, où un philosophe est avant tout vu comme un auteur qui publie des papers.
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[12]
Un collectif récent vient compléter ces réflexions : Vincent Citot (dir.), Problèmes épistémologiques en histoire de la philosophie, Montréal, Liber, 2017.
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[13]
Voir P. Bourdieu, L’ontologie politique de Martin Heidegger, Paris, Minuit, 1988 ; Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997.
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[14]
Voir R. Collins, The Sociology of Philosophies, Cambridge (Massachusetts), The Belknap Press of Harvard University Press, 1998.
Vincent Citot, Puissance et impuissance de la réflexion, Argenteuil, Le Cercle herméneutique, 2017.
1Ce livre est à la fois de philosophie générale et de méta-philosophie, ce qui n’est pas si fréquent. Il pose des problèmes de méthodologie, de définition et d’évaluation, qui se posent en principe à tout penseur, mais aussi à ceux qui voudraient assigner une place à cette « discipline » singulière qu’est la philosophie.
2Dans l’Introduction, l’auteur rappelle que les préludes méthodologiques mettent en jeu toute la démarche philosophique, dans une réflexion sur sa puissance et son impuissance. Cette réflexion sur la finitude de la philosophie le rapproche de Kant, même si ce dernier accorde encore trop à la philosophie et son pouvoir légiférant, l’auteur se situant plutôt du côté d’un « scepticisme humaniste », où la philosophie est bornée par les horizons de la science et de la mystique, même si elle reste une démarche irremplaçable.
3Dans la Première partie, l’auteur s’interroge sur les enjeux de la réflexion. La réflexion est la pratique de la réflexivité, l’introspection qui permet de penser sa pensée. Le réfléchi et le réfléchissant doivent être à la fois identiques et différents, pour permettre ce recul sur soi, donnant au sujet pensant une lucidité qui l’amène trop facilement à s’enivrer de ses pouvoirs. En effet, d’une part ce recul ne peut être complet, d’autre part le réfléchi est au moins partiellement constitué par l’opération réflexive. Il faut donc évaluer la réflexion, sous trois rapports. Premièrement, sa finalité ontologique, à travers la question Qui suis-je ? Autrement dit, la réflexion me donne-t-elle accès à mon être véritable ? Le primat chronologique de l’irréfléchi signe en effet la finitude de l’effort réflexif. La seconde finalité est gnoséologique : Que puis-je savoir ? Comment accéder à la connaissance si ma réflexion est à la fois juge et partie ? Et la troisième finalité est d’ordre axiologique : Que dois-je faire ? Quelles sont les valeurs et non plus seulement les objets dégagés par la réflexion ? [1] La réflexion à nouveau présuppose sa propre validité, mais dans un cercle cette fois-ci vertueux, où elle affirme des valeurs (la vérité, la liberté) par son simple exercice.
4La réflexion n’est pas propre à la philosophie. Elle contribue à définir l’humanité de l’Homme – l’être qui, par excellence, se pense. Mais suffit-il de se regarder soi-même pour être lucide sur soi ? La réflexion me constitue en objet de pensée, et dénature le pré-objectif. Husserl voit bien que l’intentionnalité réflexive constitue un « moi ». C’est pourquoi Sartre lui donnera le statut d’objet transcendant, extérieur à la subjectivité, dans La Transcendance de L’Ego : la réflexion pure a conscience de son travail de constitution du moi, contrairement à la réflexion complice. Mais le Connais-toi toi-même reste programmatique, la réflexion ne pouvant restituer le pré-objectif [2]. C’est ainsi que Merleau-Ponty cherche à retrouver le rapport natif au monde à travers la surréflexion « qui tiendrait compte d’elle-même et des changements qu’elle introduit dans le spectacle » [3]. Mais Merleau-Ponty, selon l’auteur, exprime au final un désir régressif à travers le retour à un préréflexif perdu par le philosophe, mais que le peintre ou l’enfant nous apprennent à retrouver [4].
5Merleau-Ponty cependant soulève un vrai problème : la philosophie doit-elle demeurer dans le cercle préréflexif-réfléchissant-réfléchi ? Faut-il chercher la vérité du côté de la réflexion, comme dans la philosophie réflexive, ou du préréflexif, comme dans la phénoménologie ? Comme Sartre l’a établi, toute conscience est d’abord non thétique, non réflexive d’elle-même : elle est « rapport immédiat et non cognitif de soi à soi » [5]. Michel Henry le rejoint sur ce point, en affirmant que l’intentionnalité n’épuise pas la conscience. En effet, si toute conscience met à distance celui qui a conscience et ce dont il a conscience, alors elle est indéfiniment différée. Le sujet doit avoir une conscience immédiate de soi, sans distance, avant toute objectivation, qui a lieu dans l’auto-affection. Mais d’où vient cet archi-fait où l’être et l’apparaître coïncident ? La conscience est le propre de la Vie comme telle. Vivre, c’est jouir du pouvoir de phénoménalisation. L’émergence de la phénoménalité résiste à toute explication scientifique, et reste un mystère.
6Le primat ontologique et phénoménologique de l’irréfléchi sur la réflexion amène cette dernière à une réflexion critique sur elle-même, c’est-à-dire à critiquer son illusion d’autosuffisance, pour établir ses conditionnements, influences et déterminismes. Ainsi, l’histoire de la philosophie dépend dans une certaine mesure de l’histoire des sciences exactes et des sciences humaines, c’est-à-dire de la configuration du savoir à une époque donnée. Bourdieu fait remarquer à ce sujet que la philosophie a un intérêt stratégique à se concevoir dans une position dominante notamment vis-à-vis des sciences, mais qu’il faudrait elle-même l’objectiver et dévoiler ses présupposés, non pour la rabaisser, mais pour la rendre plus lucide sur ses conditions de production.
7Après avoir évoqué la puissance et l’impuissance de la réflexion quant à sa capacité d’accéder à l’identité individuelle et à produire des connaissances, l’auteur aborde le rapport de celle-ci aux valeurs. La pensée n’est pas qu’un processus mais une exigence, qui met en œuvre des valeurs. Cela nous renvoie à Platon, pour lequel penser, c’est être polarisé par l’idée du Bien, et donc viser la vérité, la sagesse et la justice. Il y a ainsi une morale intrinsèque à l’activité du penseur, y compris lorsqu’il pense les limites de sa pensée, comme l’a vu Pascal. Et le fait même de penser présuppose l’affirmation de la liberté de penser, comme le rappellent, après Kant, les auteurs de la tradition française de la philosophie réflexive.
9Dans la Deuxième partie, l’auteur situe la philosophie par rapport à la religion et à la science. La philosophie peut être vue comme une doctrine religieuse sécularisée, ou en cours de sécularisation. Dès qu’il y a examen de soi, autojustification de sa pensée, on tend vers l’universalisation de la pensée et au dépassement des conditions socio-historiques d’une doctrine. De ce point de vue, la réflexivité critique de la philosophie lui permet presque d’être transculturelle, et elle gagne en universalité par rapport à la religion, qui dépend plus fortement d’un contexte culturel. Mais à son tour, la philosophie se dépasse elle-même partiellement dans les sciences expérimentales, dont l’objectivation et la dépersonnalisation permettent d’acquérir des connaissances rigoureuses. Cette objectivation prend la forme du réductionnisme (du surnaturel au naturel, etc.), qui peut en retour être critiqué par la philosophie. Autrement dit, d’un point de vue cognitif, il y a un progrès de la philosophie par rapport à la religion, et de la science par rapport à la philosophie, chacune gardant cependant sa légitimité.
10En effet, la science dépasse certes la philosophie d’un point de vue cognitif, mais plus on cherche l’objectivité universelle et plus on renonce à penser le sujet existentiel, la singularité du penseur constituant la borne de la réflexion scientifique. Aucun savoir positif ne peut par exemple trancher un cas de conscience. Les valeurs sont dans les sciences dévitalisées et dépersonnalisées, alors même que la science est elle-même animée par des valeurs, à commencer par la vérité [6]. Il n’appartient pas à la science de penser la valeur de la science, alors que la philosophie peut et doit penser la valeur de la philosophie. En ce sens, la réflexion philosophique est plus radicale que la réflexion scientifique.
11Même si le sujet ne se connaît que tel qu’il s’apparaît réflexivement, le simple fait que la conscience de soi puisse s’attester constitue un archi-fait fondamental. Même si on peut comme Descartes prendre le je suis, j’existe comme un point de départ d’une saisie immédiate et indubitable de soi, la conscience, comme source de toute pensée, se situe en amont de la réflexion philosophique. Il faut plutôt concevoir une philosophie négative de la conscience, au sens où l’on peut expliquer ses modalités, mais ni d’où elle vient ni comment elle est possible. L’introspection saisit les éléments de la conscience, non la Phénoménalité, l’Apparaître comme tel. Autrement dit, la condition de toute philosophie est son aspect mystique. La science ne pense que des objets, et la conscience n’en est pas un. Une science achevée buterait encore sur le fait d’avoir conscience de vivre. Par son type d’approche, la mystique est mieux à même de le formuler, à défaut de l’expliquer. En effet, elle se donne pour tâche de dire l’indicible, de penser l’impensable. Cela peut être de l’ordre de la transcendance (Dieu) ou de l’immanence, les deux communicant d’ailleurs secrètement, comme l’ont vu Plotin ou Eckhart [7]. De même que le simple fait de vivre est extraordinaire, de même la phénoménalité des phénomènes n’est pas un phénomène mais un archi-phénomène, atteignable dans un discours mystique qui assume son impuissance à dire ce qui échappe au concept. Il y a donc une lucidité de la mystique, qui sait le caractère mystérieux de la Vie en dernière instance. La réflexivité philosophique trouve ainsi sa borne dans la saisie de l’irréfléchi au sens strict, à savoir la conscience comme telle, où la réflexivité mystique s’avère plus radicale. La science et la mystique constituent ainsi les deux horizons de la réflexion philosophique : la science par son décentrement objectivant, la mystique par sa recentration immanentisante. Mais l’intelligence doit s’exercer dans toutes ces directions.
13Dans la Troisième partie, l’auteur s’interroge sur la possibilité de définir la philosophie et d’évaluer les philosophies. Comme religion sécularisée, la philosophie est la coordination raisonnée d’une vision du monde, d’une morale et d’une conduite : elle dit ce qui est, ce qui vaut, et comment on doit se comporter. Il y a ainsi une conjugaison d’exigences théoriques et d’exigences pratiques.
14Pour dire ce qui est, le philosophe doit pratiquer la réflexivité, c’est-à-dire réfléchir aux moyens de réfléchir : son ontologie sera d’autant plus philosophique qu’elle prendra en compte notre rapport à l’être [8]. Mais cette prise en compte du sujet pensant dans la pensée est toujours partielle, ce pourquoi l’ontologie n’est assurée de rien. En outre, la philosophie est concurrencée par la science et ses techniques d’objectivation, il faut donc évaluer les ontologies d’après leur capacité à se confronter (ou non) aux sciences, capacité qui manque trop souvent aux philosophes d’aujourd’hui selon l’auteur. Or, cette confrontation fait sens selon lui également sur le terrain axiologique : si les valeurs en elles-mêmes (le bien, le juste, le beau) ne relèvent pas de la science, il reste la question de notre rapport aux valeurs : comment les adopter, comment les mettre en œuvre. Une philosophie politique digne de ce nom se pose en effet la question des fins mais aussi des moyens, question (à nouveau) trop souvent délaissée selon l’auteur par les axiologies contemporaines [9]. D’autre part, si la philosophie se fait concurrencer par les sciences en capacité d’analyse, elle reste indispensable en capacité de synthèse, à condition cependant de se confronter aux sciences. Trop spécialisées, les philosophies d’aujourd’hui selon l’auteur n’assument pas assez leur mission de coordination des savoirs et de prospection des problèmes à venir [10].
15Au final, la pensée philosophique doit à la fois assumer la dimension personnelle de la pensée et celle, impersonnelle, d’une visée de l’universel. La réflexivité existentielle confronte le philosophe à sa philosophie, dans une quête de cohérence performative : il ne doit pas s’oublier lui-même dans son activité théorique. Or, il y a selon l’auteur un manque de cohérence performative au cœur de la philosophie du XXe siècle, notamment dans son moment structuraliste, au sens où elle a tendance à nier le sujet existentiel (au profit d’une superstructure ou d’une infrastructure). Non seulement toute philosophie met en jeu une éthique, mais autorise la confrontation du philosophe à son propre discours : un philosophe qui ne chercherait pas à rendre son existence conforme à sa pensée poserait un problème moral mais aussi intellectuel [11].
17Dans la Quatrième partie, l’auteur se demande comment écrire l’histoire de la philosophie [12]. Il y a une tension entre les philosophes, qui s’estiment seuls en droit de faire l’histoire de leur discipline, mais qui ont chacun une définition différente de la philosophie, et les historiens. L’approche sociologique, depuis Durkheim, a rejailli sur l’histoire de la littérature, de l’art, des religions, mais non du droit ni de la philosophie, dont l’histoire reste écrite par les juristes et philosophes. On peut certes distinguer entre l’exégèse philosophique (le commentaire d’une œuvre, qui peut intégrer des éléments historiques) et l’histoire de la philosophie. Cette dernière serait parascientifique si elle était une histoire philosophique de la philosophie. Mais cependant, le philosophe la revendique, d’une part au nom de l’autonomie intellectuelle qu’il estime posséder par sa réflexivité ; et d’autre part, sur le plan académique, pour tenter de survivre dans une université dominée par les sciences, où l’histoire de la philosophie apparaît comme un gage de scientificité et de légitimité des départements de philosophie. Mais la philosophie, comme recul sur soi, aurait tout à gagner à un travail d’objectivation scientifique, qui est un des prolongements de la réflexivité. Il faut donc selon l’auteur assimiler les méthodes de travail de la sociologie. Le tournant sociologique dans l’histoire de la philosophie a d’ailleurs été opéré par Pierre Bourdieu [13] (dont L. Pinto et J.-L. Fabiani sont des élèves), plus récemment par Randall Collins [14]. L’optique n’est pas un réductionnisme strict, où les pensées ne seraient que le produit des conditions sociales, mais plutôt de libérer les philosophes de leurs conditionnements. Cependant, les sociologues (hormis Collins) circonscrivent trop souvent un champ de recherche qui les limite dans leurs approches. Quant aux historiens, ils sont le plus souvent intimidés par les philosophes, à qui ils laissent l’histoire de leur discipline, eux-mêmes se livrant plutôt à l’histoire intellectuelle et culturelle, qui n’étudie la philosophie qu’à la marge. Les historiens des philosophies antiques et orientales (Vernant, etc.) arrivent mieux à recontextualiser la philosophie, en équilibrant les exigences de l’histoire comme science sociale et de l’histoire de la philosophie. Mais il manque une histoire de la philosophie européenne, qui ne soit ni une sociologie de la philosophie, ni une histoire intellectuelle. L’auteur finit par un programme : si l’historiographie de la philosophie veut être scientifique, elle doit faire comme les autres sciences, à savoir élaborer des hypothèses et chercher à les vérifier, la voie royale étant la comparaison, qui demanderait le décloisonnement entre philosophie occidentale et non occidentale. Cela permettrait de mieux comprendre les conditions historiques qui ont favorisé ou défavorisé l’émergence des grandes philosophies. L’auteur se donne enfin le vaste projet d’une histoire globalisante qui ne renoncerait pas à l’exigence scientifique, dans une Histoire universelle de la philosophie, annoncée à paraître.
Notes
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[1]
On aura reconnu les questions tirées de la Logiquede Kant. Voir E. Kant, Œuvres philosophiques, t. III, éd. Alquié, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1986, p. 1297.
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[2]
Il est dommage que l’auteur ne se confronte pas ici à « L’indéfinissable ou la face de l’homme », première partie de Jean-Luc Marion, Certitudes négatives, Paris, Grasset, 2010, p. 21-86.
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[3]
Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’Invisible, Paris, Gallimard, 1964, noté VI¹, p. 61, nouvelle typographie et nouvelle pagination en 2006, noté VI², p. 60.
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[4]
Cela nous paraît une interprétation erronée de la démarche merleau-pontienne, d’autant plus regrettable que Merleau-Ponty aurait constitué un précieux allié pour chaque étape des réflexions suivantes du livre. D’une part, la surréflexion n’est pas une « réflexion honteuse » mais un surcroît de réflexion, dans une démarche de diplopie que l’auteur cherche lui-même à mettre en œuvre dans Puissance et impuissance de la réflexion : « ces réflexions ne deviennent philosophiques que si, par une sorte de diplopie, elles visent, en même temps que la signification “être”, l’être de la signification et la place de la signification dans l’Être. C’est le propre de l’interrogation philosophique de se retourner sur elle-même, de se demander aussi ce que c’est que questionner et ce que c’est que répondre. Cette question à la deuxième puissance, dès qu’elle est posée, ne saurait être effacée », Le Visible et l’Invisible, VI¹ p. 160, VI² p. 158. D’autre part, Merleau-Ponty a constamment nourri un dialogue étroit avec les sciences, de La Structure du comportementjusqu’aux cours du Collège de France sur la Nature, en passant par les cours de la Sorbonne sur la Psychologie de l’enfant. Enfin, il a lui-même proposé une histoire de la philosophie qui tente de tenir compte des sciences et sciences humaines dans Les Philosophes célèbres, Paris, Mazenod, 1956, rééd. Les Philosophes, de l’Antiquité au XXe siècle, Paris, LGF, 2006.
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[5]
Jean-Paul Sartre, L’Être et le Néant, Paris, Gallimard, 1943, éd. corrigée par A. Elkaïm-Sartre, 1995, p. 19, nouvelle typographie et nouvelle pagination en 2016, p. 20.
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[6]
On aurait aimé que l’auteur fasse référence au Nietzsche du Gai savoirsur ce point. Voir Henri Birault, « En quoi, nous aussi, nous sommes encore pieux », repris dans De l’être, du divin et des dieux, éd. du Cerf, 2005, p. 177-228.
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[7]
L’auteur cite à juste titre la formule des ConfessionsIII, 6, 11 de Saint Augustin : Interior intimo meo et superior summo meo. Sur ce thème du lien entre immanence et transcendance, nous nous permettons de renvoyer à notre Éditorial du Philosophoire, 2018/1, n° 49, « La mystique », p. 5-7.
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[8]
Voir notre note précédente sur Merleau-Ponty.
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[9]
Reproche sans doute plus difficile à faire pour la production anglo-saxonne, influencée par le pragmatisme.
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[10]
Critique qui nous paraît en partie injuste : c’est bien chez les philosophes qu’on trouve par exemple des réflexions sur la technique, y compris à titre prospectif (Heidegger, Jonas, Henry, Ellul, etc.)
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[11]
Ce qui nous semble bon à rappeler, à l’ère de la philosophie académique, où un philosophe est avant tout vu comme un auteur qui publie des papers.
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[12]
Un collectif récent vient compléter ces réflexions : Vincent Citot (dir.), Problèmes épistémologiques en histoire de la philosophie, Montréal, Liber, 2017.
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[13]
Voir P. Bourdieu, L’ontologie politique de Martin Heidegger, Paris, Minuit, 1988 ; Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997.
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[14]
Voir R. Collins, The Sociology of Philosophies, Cambridge (Massachusetts), The Belknap Press of Harvard University Press, 1998.