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Article de revue

Notices sur quelques publications récentes et ouvrages envoyés à la rédaction

Pages 129 à 133

English version

Charbonnat Pascal, Les inégalités économiques et leurs croyances, Paris, Matériologiques, 2016

1 L’objet de cette recherche n’est pas de convaincre le lecteur du caractère inacceptable des inégalités socio-économiques actuelles, ou de légitimer les efforts pour les réduire – que l’accès inégal des hommes aux « ressources disponibles » soit fondamentalement injuste est ici un principe acquis. Il s’agit plutôt de comprendre pourquoi les bonnes volontés (singulièrement de gauche) ont toujours échoué dans leur lutte contre les inégalités. Qu’est-ce qui “bloque”, pour ainsi dire, quand l’intention n’est pas en cause ? L’auteur montre que cet échec est lié à cinq croyances essentielles (constituant les cinq chapitres du livre) qui paralysent l’action politique : la croyance que la certitude dans l’action politique serait une condition nécessaire du succès ; les croyances relatives au “marché”, à l’égoïsme et à l’altruisme ; l’illusion selon laquelle les inégalités auraient des vertus (seraient un stimulant pour travailler et entreprendre) ; l’idée fausse selon laquelle une vraie politique de réduction des inégalités serait socialement douloureuse ou violente. Déconstruire ces croyances paralysantes (un peu à la façon de Wittgenstein qui déconstruisait les concepts creux de la métaphysiques) serait la condition préalable d’une politique égalitaire efficace.

Dastur Françoise, Leçons sur la genèse de la pensée dialectique. Schelling, Hölderlin, Hegel, Paris, Ellipses, 2016

2 L’ouvrage est la reprise de cours donnés en Sorbonne de 1987 à 1990. La genèse de la dialectique y est décomposée en trois périodes : Shelling et Hölderlin lecteurs de Kant et Fichte (1794-1796), Hölderlin et Hegel à Francfort (1797-1800), Hölderlin et Hegel (1799-1803).

Esquisse(s), revue éditée par les Éditions du Félin, automne 2016

3 Numéro thématique : « Mensonge » – avec les contributions de N. Lapierre, J.-P. Gueguen, L.-M. Ganteau, L. Trucillo, L. Cohen-Solal, T. Pfister, D. Dayan, C. Charrière-Bournazel, K. Akoka, V. Nahoum-Grappe, L. Grecoretti, ainsi qu’un texte d’Alexandre Koyré publié pour le première fois en 1943 : « Réflexions sur le mensonge ».

Feneuil Antony, Le serpent d’Aaron. Sur l’expérience religieuse chez Karl Barth et Henri Bergson, Lausanne, L’âge d’homme, 2015

4 .

5 L’auteur interroge à nouveaux frais les rapports entre théologie (à partir de Karl Barth, 1886-1968) et philosophie (à partir d’Henri Bergson, 1859-1941).

Foisneau Luc, Hobbes. La vie inquiète, Paris, Gallimard, 2016

6 L’auteur montre comment la philosophie de Hobbes peut nous éclairer à travers cinq grandes questions, qui correspondent aux grandes parties de l’ouvrage : Pourquoi l’État a-t-il de l’autorité sur nous ? ; Pourquoi vivons-nous en société si nous n’aimons pas la compagnie d’autrui ? ; À quoi ressemble le bonheur quand la vie n’a pas de but ultime ? ; Pourquoi les textes sacrés ne tirent-ils pas leur autorité de Dieu ? ; Pourquoi lire Hobbes aujourd’hui ? La leçon de Hobbes est parfaitement audible en ce début de xxi e siècle : l’action de l’État est la condition du bonheur des citoyens. L’État-Léviathan n’est pas une machine sociale à perpétuer la domination, mais un dispositif politique au service d’un projet moral – l’affirmation du droit des êtres humains à mener une vie heureuse. Comme l’auteur l’indique à la p. 513, une première version du premier chapitre est parue dans Le Philosophoire, 39, « La République », Printemps 2013.

Gillot Pascale et Lorenzini Danièle (dir.), Foucault / Wittgenstein. Subjectivité, politique, éthique, Paris, CNRS Éditions, 2016

7 L’ouvrage est issu d’un colloque international de juin 2013 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Contributions de Elisabetta Basso, Piergiorgio Donatelli, Pierre Fasula, Pascale Gillot, Orazio Irrera, Danièle Lorenzini, Elise Marrou, Marc Pavlopoulos, Sabine Plaud, Judith Revel, et Matteo Vagelli.

Guillamaud Patrice, Anti-Marion. Essai sur la barbarie universitaire et philosophique, Paris, Kimé, 2015

8 A l’occasion d’une critique de la pensée de l’homme Jean-Luc Marion, l’auteur analyse les « trois types différents mais solidaires de barbarie » dont nous souffririons aujourd’hui : la « barbarie civilisationnelle » (qui n’est autre que l’égoïsme, trouvant des relais dans le capitalisme et la techno-science), la « barbarie universitaire » (le carriérisme, le misonéisme, le commentarisme stérile) et la « barbarie philosophique » (le monisme simplificateur d’une pensée systématique abstraire, ignorant la richesse du réel). Cette vision sombre de la « dégénérescence » contemporaine est servie par la philosophie propre de l’auteur, qu’il nomme « ousiologie ».

Guillamaud Patrice, La femme, l’esclave et le génie. Traité pour une réhabilitation philosophique des natures humaines, Paris, Kimé, 2016

9 Pour penser toutes les implications philosophiques de la théorie du genre, et poser les bases de sa critique, l’auteur en retrace la genèse, depuis les conceptions platonicienne et aristotélicienne de la nature humaine, jusqu’aux doctrines contemporaines de Judith Butler. A cette occasion, Patrice Guillamaud développe sa propre théorie de la nature humaine.

Jimenez Marc, Art et technosciences. Bioart et neuroesthétique, Paris, Klincksieck, 2016

10 « L’histoire de l’art occidental, écrit Marc Jimenez dans sa présentation, peut être considérée, à certains égards, comme l’histoire des rapports, des accointances, des correspondances entre la création artistique et la recherche scientfifique » (p. 11). Aujourd’hui encore, de plus en plus d’artistes utilisent les nouvelles technologies à des fins esthétiques et artistiques. Le bioart, la biotech, l’art transgénique, l’art in vitro, etc., désignent ainsi des créations hybrides mi-artistiques, mi-scientifiques. L’ouvrage pense les relations de l’art à la science et à la technique à travers cinquante questions, recevant chacune un traitement à la fois court, clair et efficace.

Jimenez Marc, “Rien qu’un fou, rien qu’un poète”. Une lecture des derniers poèmes de Nietzsche (1879-1888), Paris, Les Belles Lettres, 2016

11 La lecture des derniers poèmes que Nietzsche compose entre 1879 et 1888, permet de suivre les cheminements d’une pensée qui ne procède pas selon les voies traditionnelles de l’argumentation philosophique et de l’abstraction conceptuelle. Elle permet aussi de comprendre les “contradictions” de la pensée nietzschéenne, non plus comme des incohérences, mais comme les signes ambigus d’une entreprise dont l’auteur a pressenti maintes fois la difficulté, sinon l’échec.

Musique nationale. Philosophes et musiciens dans l’Europe du xix e siècle, sous la dir. De Philippe Grosos, Rennes, PUR, 2016

12 Le xix e siècle è marqué par la constitution de “musiques nationales” en Europe : les compositeurs allemands, français, italiens, austro-hongrois, russes, polonais, etc., cherchent à mettre en musique l’âme de leur nation, et se questionnent sur son identité. L’objet de l’ouvrage est de mettre en rapport cette histoire de la musique avec l’histoire de la philosophie qui lui est contemporaine, et avec le contexte politique. Il rassemble les contributions d’historiens, de musicologues et de philosophes : Jérôme Grévy, Alexandre Chèvremont, Alain Patrick Olivier, Jean-François Candoni, François Félix, Philippe Grosos, Bruno Moysan et Matthias Lakits, Ioulia Podoroga, Andrea Bellantone et Anne Boissière.

Passar Cédric, L’âge d’or du pamphlet, Paris, CNRS Éditions, 2015

13 Une étude savante de la littérature pamphlétaire et de son contexte social et politique dans les années 1868-1898.

La pensée comme expérience. Esthétique et déconstruction, sous la dir. de Vangelis Athanassopoulos et Marc Jimenez, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016. Préface de Jean-Luc Nancy

14 L’ouvrage collectif s’efforce de penser l’art et l’esthétique dans l’horizon de la philosophie de Jacques Derrida. Contributions de Marc Jimenez : « Théorie critique, esthétique et déconstruction » ; Vangelis Athanassopoulos : « La pensée en acte : esthétique et historicité dans les Allégories de la lecture de Paul de Man » ; Isabelle Rieusset-Lemarié : « Hospitalité à l’étranger et à l’imprévisible. Au delà de la déconstruction derridienne : Kant et la communauté esthétique » ; Jacinto Lageira : « Ramifications et liens du don » ; Michel Gaillot : « Théorie esthétique et critique déconstructive » ; Benjamin Riado : « La philosophie en peinture : une déconstruction derridienne de l’esthétique » ; Christophe Genin : « Heidegger et les tournants de l’art » ; Jean-Marie Brohm : « Interprétations musicales ou l’impossible déconstruction » ; Anna Longo : « Pourquoi déconstruire la caverne si ce n’est pour en sortir ? » ; Apostolos Lampropoulos : « Transplantation filmée ou l’adoption-en-dialogue ».

Revue philosophique de Louvain, Tome 114, n°2, mai 2016

15 Articles de François-Xavier de Peretti, Stéphane Vinolo, Guillaume St-Laurent et Rudolf Boutet. Retranscription des interventions et des débats du 29 oct. 2015, à l’occasion de la remise du Prix Cardinal Mercier 2015, dont les lauréats sont Philippe Grosos et Emre San.

Schmitz Hermann, Brève introduction à la nouvelle phénoménologie, Argenteuil, Le Cercle herméneutique, 2016. Traduction et introductions de Jean-Louis Georget et Philippe Grosos

16 Il s’agit de la première traduction en français du phénoménologue allemand Hermann Schmitz (né en 1928). Estimant que la tradition phénoménologique n’a pas pris correctement en compte la question de l’affectivité, qu’il entend, lui, traiter sérieusement dans ses principes et ses conséquences, il définit son travail comme une nouvelle phénoménologie. L’ouvrage a été conçu par son auteur comme une brève introduction aux schèmes fondamentaux de sa philosophie. Aussi nous propose-t-il un parcours qui lui fait rencontrer les concepts de liberté, d’émancipation, d’expérience vécue involontaire, d’implication affective, d’atmosphère, de chair, ainsi que des questions méthodologiques.

Sutter Laurent de (dir.), Accélération !, Paris, P.U.F., 2016

17 Le 14 mai 2013, deux jeunes doctorants de la London School of Economics, Nick Srnicek et Alex Williams, publiaient, sur le site Critical Legal Thinking, un texte intitulé : « #ACCELERATE. Manifesto for an Accelerationist Politics ». Ils y défendaient une thèse iconoclaste : la gauche, si elle veut sortir du marasme, doit repenser sa relation au futur, à la technologie, au travail et à l’économie. Plutôt que continuer à résister aux innovations dans tous les domaines, elle devrait apprendre à les embrasser pour dépasser un jour le capitalisme. Il faudrait « accélérer », car seule une accélération politique, technologique, scientifique et économique assez puissante pourrait réaliser une telle révolution. La parution de ce texte a suscité un débat mondial, et a aussitôt fait de Srnicek et Williams les chefs de file de ce qui a été appelé « accélérationnisme » – le mouvement défendant le dépassement du capitalisme « par le haut ». D’Antonio Negri aux xénoféministes de Laboria Cuboniks, des chefs de file du Réalisme Spéculatif au critique culturel Mark Fisher, les critiques féroces et les salutations enthousiastes n’ont pas cessé de fuser. Il fallait que les lecteurs francophones puissent avoir accès aux principales pièces du dossier : voilà qui est fait. Outre le Manifeste de Nick Srnicek et Alex Williams, l’ouvrage comprend les articles de Antonio Negri, Nick Land, Mark Fisher, Reza Negarestani, Ray Brassier, Tiziana Terranova, Yves Citton, Armen Avanessian et Laboria Cuboniks.

Yuva Ayse, Transformer le monde ? L’efficace de la philosophie en temps de révolution. France-Allemagne, 1794-1815, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2016

18 A aucun moment l’on n’a cru au pouvoir de la philosophie à transformer le monde plus que pendant la Révolution française. 1789, préparé par les écrits des philosophes des Lumières, devait ouvrir la voie à l’application et à la réalisation de principes philosophiques dans le gouvernement des hommes. La révolution puis la république seraient l’œuvre de la philosophie. L’ouvrage explore ce lieu commun et vise à reprendre l’enquête en amont : que veut-on dire lorsque l’on parle de la nature “philosophique” de la révolution, des rapports de la théorie à la pratique, ou des dangers politiques de l’abstraction philosophique ? La philosophie est-elle l’instrument d’un élitisme intellectuel et politique ? Confrontant entre eux des textes d’auteurs français et allemands, où se croisent des traditions philosophiques distinctes, l’auteur prend à rebours un second lieu commun, hérité du xix e siècle, celui d’une Allemagne qui penserait la révolution sans chercher à l’accomplir, et d’une France qui l’accomplirait sans la penser. Elle met en avant une époque et des acteurs qui, loin de s’être contentés d’interpréter le monde, ont bien visé, par la philosophie, à le transformer.

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