Back to Baudrillard, Olivier Penot-Lacassagne (dir.), Paris, Éditions du CNRS, 2015
1Des controverses, des polémiques, des malentendus tenaces ont brouillé sa réception de Jean Baudrillard (1929-2007). En marge de la sociologie, au seuil de la philosophie, à l’horizon d’une postmodernité artistique qu’il contesta, son nom suggère les appréciations les plus contradictoires. Jugements superficiels ou perspicaces, préjugés obscurs ou favorables, sentences amicales ou assassines : Baudrillard a séduit ou irrité plus qu’il n’a convaincu. L’objet de cet ouvrage est moins de rassembler une somme d’hommages posthumes que de questionner l’actualité d’une œuvre qui, au-delà des célébrations ponctuelles, connaît un accueil à la fois fasciné et circonspect. L’entrelacement des approches proposées (études, entretiens, lettres, notes) permet de saisir une pensée en continuel déplacement. Les différents intervenants, parmi lesquels Alain Badiou, Sophie Calle, Gerry Coulter, Philippe Dagen, Michel Deguy, Nathalie Heinich, Michel Maffesoli, Philippe Petit, Bernard Stiegler, laissent entendre assentiments, reprises et prolongements, dissentiments, heurts, résistances, refus et contradictions. Certains reprennent un dialogue interrompu, d’autres l’engagent finalement, d’autres encore le récusent et s’en expliquent. Mais tous, refusant l’exégèse tranquille et neutralisante, se confrontent à la présence dérangeante de cette pensée à contre-courant, qui malmène les idées dominantes et dominées de l’« actualité ».
Benmakhlouf Ali, Pourquoi lire les philosophes arabes ?, Paris, Albin Michel, 2015
2Cet ouvrage s’inscrit dans un courant historiographique de plus en plus puissant, qui vise à réparer une injustice commise par les historiens de la philosophie : l’oubli ou la négligence de la philosophie arabe. Celle-ci ne se réduit pas à un trait d’union entre la culture antique et la pensée européenne du bas Moyen Âge : elle a sa richesse propre, que l’auteur nous invite ici à redécouvrir. Non pas à travers un vaste parcours historique des grands penseurs arabes (d’Al-Kindî à Ibn Khaldoun, en passant par Al-Râzî, Al-Fârâbî, Avicenne, Al-Ghazâlî, Ibn Bâjja, Ibn Tufayl, Averroès, Sohrawardî, Ibn Arabî ou encore Ibn Taymiyya), mais en montrant l’importance de leurs pensées à l’occasion du traitement de tel ou tel problème, qui se pose encore à nous aujourd’hui. Il s’agit donc d’évaluer la fécondité des philosophes arabes, en indiquant en quoi leurs problématiques et leurs solutions doivent nous intéresser sur des questions très générale liées à la recherche de la vérité, de la sagesse, de la divinité, mais aussi sur des questions plus spécifiquement liées à la philosophie politique, à la philosophie du droit et de la justice, à la logique et aux questions de santé et de médecine. Ainsi, Ali Benmakhlouf multiplie les ponts entre la tradition arabe et la philosophie contemporaine, en notamment Foucault et la philosophie analytique.
Bruni Ciro Giordano, Le Présent de l’Art. L’Hypothèse fictionnaliste. Une philosophie du mensonge sous les catégories Esthétique, Éthique et Politique, Sammeron, Germes, 2013
3Contributions de Alain Badiou, Gilles Boudinet, Ciro G. Bruni, Martin Kaltenecker, Angèle Kremer-Marietti, François Laruelle, Carlos Machado, Jean-Paul Olive, Amparo Vega.
Le Cercle Herméneutique, 22-23, 2014. Dossier central : « Nouvelles études de Daseinsanalyse »
4Articles du dossier central : « Nouvelles études de Daseinsanalyse » (Georges Charbonneau), « La situation existentielle de l’aigri » (Roger Ordono), « Approche phénoménologique de la défenestration » (Frédéric Jover), « phénoménologie de l’automutilation » (Erika Valmorbida), « De l’Ouvert et l’Intime » (Ado Huygens). Autres articles : Arlette Joly (hommage à H. Maldiney), Lucia Angelino (la conception merleau-pontienne du corps), Vincent Citot (« le véritable principe phénoménologique »), Simon Calenge (Heidegger), Elena Alessiato (Kierkegaard et Jaspers), Pierre-Étienne Schmit (« l’agir-ensemble » chez Arendt), Jérôme Englebert (deux pièges en psychopathologie).
Charles Taylor. Interprétation, modernité et identité, Jean-Claude Gens et Csaba Olay (dir.), Argenteuil, Le Cercle Herméneutique, 2014
5La pensée de Charles Taylor s’est élaborée en se nourrissant des traditions phénoménologique et analytique, mais aussi en prise directe avec les problèmes de la société canadienne relatifs à la grande diversité des immigrations. Penseur de l’identité moderne, Taylor est nommé en 2007 par le gouvernement québécois coprésident de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (la CCPARDC), encore appelée la Commission Bouchard-Taylor. Sa pensée mérite d’autant plus à être méditée que les tentations de repli communautaire, si ce n’est de purification ethnique, semblent aujourd’hui croissantes. Les contributions de ce colloque organisé à Budapest en 2012 en l’honneur et en présence de Charles Taylor, invitent au contraire à interroger et à poursuivre son analyse des conditions qui permettraient l’avènement d’un monde véritablement pluriel. Contributions de Christian Berner, Gábor Boros, Jean-Claude Gens, Ferenc Hörcher, Csaba Olay, Claude Romano, David Weberman.
Corpus. Revue de philosophie, « Eléments pour une contre-histoire de la cécité et des aveugles », Marion Chottin (dir.), 67, 2014
6Issu d’un colloque de 2013 consacré à l’« Histoire de la cécité et des aveugles. Représentations, institutions, archives. Une perspective internationale », ce numéro de la revue Corpus comprend les contributions suivantes : Zina Weygand « Préface » ; Marion Chottin « Introduction » ; Francine Markovits « Diderot. La cécité, critique d’une philosophie de l’évidence » ; Marion Chottin « La beauté des aveugles. Heuristique et représentation de la cécité chez Diderot et Herder » ; Hannah Thompson « Les aveugles en France au xix e siècle : un regard littéraire » ; John O’brien « Pierre Villey, Montaigne et le Monde des aveugles » ; Vanessa Warne « “Comment un aveugle a vu l’Exposition universelle”. Spectateurs malvoyants dans la Grande-Bretagne victorienne » ; Tasing Chiu « Pourquoi tant de mendiants aveugles dans la Chine du xix e siècle ? » ; Fikru Gebrekidan « De l’oral à l’écrit : une brève incursion dans l’histoire de l’éducation des aveugles en Ethiopie » ; Bruno Ronfard « L’éducation pour les aveugles dans le monde arabo-musulman d’Al-Ahazar à Taha Hussein : éléments d’une histoire à écrire ».
Grosos Philippe, Le réversible et l’irréversible. Essai sur la réversibilité des situations d’existence, Paris, Hermann, 2014
7De la « réversibilité », Merleau-Ponty disait, à la fin du Visible et l’invisible, qu’elle était « la vérité ultime ». Il est le premier philosophe à thématiser rigoureusement ce concept, qui n’a guère intéressé la tradition philosophique. Philipe Grosos entend montrer qu’il s’agit pourtant là d’un phénomène existentiel central. Non pas la réversibilité telle que l’entend Merleau-Ponty, dans le cadre d’une réflexion sur le corps, mais la réversibilité « des situations d’existence » : l’auteur privilégie le point de vue existentiel sur la problématique ontologique. Comme il le précise dans l’introduction, la réversibilité de l’existence n’est pas la simple réitération, ou le fait de revivre telle ou telle situation. L’attention à la réversibilité existentielle requiert une philosophie de l’événement et du temps, qui se veut plus fondamentale que la simple description des impressions de répétition au cours de la vie. L’analyse de la réversibilité doit alors s’accompagner d’une méditation sur l’irréversible, au sein d’une philosophie générale du temps. Si l’existence a une temporalité réversible, elle n’est pas tragique, mais plutôt tragicomique ou encore ironique, comme l’auteur l’avait déjà thématisé quand L’ironie du réel (L’Âge d’Homme, 2009). Dans sa réflexion, Philippe Grosos entre en dialogue avec la tradition philosophique, et se confronte à les œuvres d’Aristote, Pascal, Schelling, Lessing, Schiller, Kierkegaard, Jankélévitch, ou encore celle d’Henri Maldiney.
Henri Maldiney. Phénoménologie, psychiatrie, esthétique, dir. Jérôme de Gramont et Philippe Grosos, Rennes, P.U.R., 2014
8Henri Maldiney (1912-2013) est l’un des grands phénoménologues français de la fin du xx e siècle. Il a renouvelé la réflexion phénoménologique et a invité les philosophes, les psychiatres et les théoriciens de l’œuvre d’art à repenser leurs concepts et leurs pratiques. C’est là ce que les études de ce recueil – issues d’un colloque interdisciplinaire – thématisent. Elles abordent aussi bien la place de Maldiney au sein de la tradition philosophique qu’elles réfléchissent à l’impact de sa pensée sur le traitement des questions psychiatriques et esthétiques. Contributions de Flora Bastiani, Anne Boissière, Christian Chaput, Michel Collot, Jérôme de Gramont, Anne de Staël, Lili de Vooght, Philippe Grosos, Emmanuel Housset, Jérôme Laurent, Jean-Pascal Léger et Maria Villela-Petit.
La honte. Philosophie éthique et psychanalyse, André Lacroix et Jean-Jacques Sarfati (dir.), Argenteuil, Le Cercle Herméneutique, 2014
9L’objectif de ce recueil est de présenter le « sentiment » de la honte sous ses différents aspects à la fois politiques, philosophiques, thérapeutiques, pédagogiques et éthiques, de manière diagonale ou transversale. Quelle fut la position de la philosophie occidentale au sujet de la honte ? Comment replacer la psychanalyse dans l’évolution de pensée de la honte ? Comment se caractérise la honte et comment la distinguer de la culpabilité ou du remords ? Une telle distinction est-elle fondée ? Quels sont les effets de la honte sur les esprits et en quoi les paralyse-t-elle, si paralysie elle provoque ? Y a-t-il une honte d’avoir raison et peut-on évoquer ou envisager une morale élaborée autour de la honte ? Cette dernière question est aujourd’hui une des interrogations majeures en politique, en pédagogie, en éthique et en éthique appliquée. Certains considèrent qu’il convient de ne jamais faire usage de la honte afin d’éduquer ou pour conduire autrui à l’adoption d’un comportement plus acceptable. Quelle position adopter face à une telle opposition ? Au-delà de cette interrogation, la honte et l’humiliation sont des réalités quotidiennes dans une société où l’arme psychologique ne cesse de se développer. La honte touche des victimes, souvent les mêmes : les enfants, les minorités, les plus démunis. Cet ensemble de textes entend donc embrasser la honte sous nombre de ses aspects. Contributions de Albert Ciccone, Ion Copoeru, Israël Bernard Feldman, Alain Ferrant, Jean Lauxerois, Annabelle Lever, Marie-Hélène Poncet, Delphine Scotto Di Vettimo, Serge Tisseron.
Jolibert Bernard, De l’usage des mots en « -isme » en philosophie, Paris, L’Harmattan, 2014
10Le discours philosophique est encombré de termes en “isme”, qui apparaissent plus comme des obstacles à la réflexion que comme des instruments formés pour en faciliter l’exercice. Mots “barbares”, ces termes peuvent pourtant devenir des outils intéressants pour qui veut cerner les problèmes qui se posent à toute réflexion critique. Ces termes sont ici regroupés en fonction de thèmes majeurs qui correspondent à la tradition philosophique. Un utile index alphabétique accompagne l’ensemble.
Jouvenel Bertrand de, L’Éthique de la redistribution, Paris, Les Belles Lettres, 2014. Traduit de l’anglais par Michel Lemosse. Présentation d’Alain Laurent
11Il s’agit de la traduction inédite de deux conférences prononcées en 1949, puis publiées en anglais au Royaume Uni. C’est en effet le système redistributif beveridgien qui est au premier chef visé par l’auteur (et, de là, tout système apparenté). Il lui reproche d’être contreproductif : de ne pas parvenir à réaliser efficacement la finalité affichée, c’est-à-dire la réduction de la pauvreté et l’égalisation des conditions. Contrairement aux intentions et aux intuitions économiques spontanés, les entreprises de redistribution ne se font que marginalement des classes supérieures vers les classes inférieures, mais plus largement des classes moyennes vers les classes juste au-dessous de celles-ci. Par ailleurs, la redistribution des revenus des uns aux autres s’accompagne insidieusement d’un transfert des pouvoirs des individus vers l’État. Redistribution et étatisation vont de pair. L’auteur analyse diverses conséquences et inconséquences de ces processus économico-politiques. Il le fait en économiste, mais souvent aussi en philosophe. Il s’interroge par exemple sur « l’éthique de la redistribution » en tant que telle, et sur l’idéal d’égalité. Il se demande aussi comment le désir d’égalité se concilie avec la propension du “peuple” à admirer et valoriser certaines “élites”. Dans sa présentation, Alain Laurent retrace le parcours de l’auteur. Parcours peu banal, qui le mène de l’antilibéralisme pétainiste au libéralisme anti-étatiste, puis à la réflexion écologique et à la fondation de la prospective comme science.
Langage et affectivité, Samuel Le Quitte et Gabriel Mahéo (dir.), Argenteuil, Le Cercle Herméneutique, 2014
12Quelle est la nature et la fonction des sentiments dans l’activité de connaissance et, plus largement, dans l’existence humaine ? Cette question, massive, n’a cessé d’inquiéter la philosophie, dont l’histoire paraît à bien des égards se confondre avec celle d’une opposition entre la lucidité de la raison et l’obscurité dangereuse des passions. Si le discours philosophique n’a jamais nié l’importance des sentiments, ni leur rôle dans l’ordonnancement général de la vie humaine, ce discours est cependant empreint d’ambiguïtés, comme l’est, déjà, le statut du « cœur » (Thumos) dans la tripartition fonctionnelle de l’âme présentée par Platon : ni réductible à la droite raison, ni relégué dans la sphère des désirs qui nous empêchent de contempler les Idées, le sentiment est cet intermédiaire allié de la raison qui met en mouvement nos réactions morales. Cette ambiguïté se retrouve à l’âge classique, lorsque le discours philosophique découvre le fonctionnement des passions et cherche les modèles scientifiques susceptibles d’en rendre compte, hésitant entre la physiologie (Descartes), la géométrie (Spinoza), la médecine et les sciences de la nature (Hume). En faisant de l’affectivité l’une des structures fondamentales de l’existence, la phénoménologie a replacé au centre du questionnement philosophique la problématique des sentiments. Mais comment décrire ces expériences singulières – Celle de l’amour, de l’angoisse, du désespoir ou de la joie – Sans les confondre avec des objets ? Comment donner du sens aux affects sans adopter ce point de vue des sciences de la nature ? Comment parler des sentiments de manière raisonnée, tout en reconnaissant que les sentiments nous font autant que nous les connaissons – tout en continuant, par conséquent, à être réceptifs à leur pouvoir de nous ébranler ? Contributions de Philippe Cabestan, François De Gandt, Grégori Jean, Stefan Kristensen, Samuel Le Quitte, Gabriel Mahéo, Nathalie Monnin, Jérôme Porée, Muriel van Vliet.
Nancy Jean-Luc et Cohen-Levinas Danielle, Inventions à deux vois. Entretiens, Paris, Le Félin, 2015
13L’ouvrage se compose des entretiens que la philosophe et musicologue Danielle Cohen-Levinas a réalisés avec Jean-Luc Nancy, dont certains sont parus dans diverses revues entre 2010 et 2013. Ces entretiens se veulent aussi un dialogue entre deux auteurs, un peu sur le mode d’une forme musicale telle qu’on la trouve à l’époque classique et baroque, et dont Jean-Sébastien Bach a été l’initiateur. Il s’agit ici d’une invention à deux voix, qui se déploie dans le temps sans jamais viser sa finalité ou sans jamais toucher à sa fin. L’œuvre de Jean-Luc Nancy est revisitée dans la multiplicité de ses domaines : histoire de la philosophie, métaphysique, politique, déconstruction, théologie, esthétique, art, littérature, etc.
Revue philosophique de Louvain, Tome 112, n°4, novembre 2014
14Articles de Gilbert Gérard (In memoriam Bernard Mabille), Bernard Mabille (Les logiques de la négation. Le révélateur hégélien), Robert Theis (« Libertas philosophandi » – « Liberté de penser ». La constellation Wolff / Kant), Philippe Grosos (Lire Hegel. Avec ou sans la cohérence du système ?), Vincent Citot (Enjeux historiques et philosophiques du paradigme spinoziste dans la seconde moitié du xix e siècle), Joël Dolbeault (Le présent comme corps vécu, selon Bergson) et Paul Clavier (L’épuisement de la création – le coup de grâce heideggérien).
Rey Jean-François, À dessein de soi. Introduction à la philosophie d’Henri Maldiney, Argenteuil, Le Cercle Herméneutique, 2014
15L’œuvre d’Henri Maldiney (1912-2013) s’inscrit et se distingue au sein de la phénoménologie de langue française, en se tenant toujours à la croisée de l’anthropologie et de l’esthétique. Philosophe formé à l’école de Husserl et de Heidegger, il a beaucoup appris et collaboré avec les grands psychiatres du courant de l’anthropologie psychiatrique (Ludwig Binswanger, Roland Kuhn, Jacques Schotte). Si son travail le plus connu est sans doute l’esthétique des rythmes, la vie des formes et leur apparition dans « l’Ouvert », il est toujours resté un philosophe de l’existence appréhendée. Au centre de son œuvre se tient le « présent originaire » qui ouvre l’avenir : je suis toujours en projet, au-devant de moi-même. Maldiney pense le « pathique » comme plus profond que le projet – lequel connote toujours une certaine maîtrise. Être « passible » d’une rencontre, accepter de se laisser surprendre par une œuvre d’art comme par une personne, c’est cela que Maldiney appelle la « transpassibilité ». L’événement d’une rencontre est toujours simultanément un avènement à soi. Dès lors toute la recherche est orientée par la mise à jour de « l’Ouvert », son accessibilité comme son obturation dans la psychose. Cette introduction à la philosophie d’Henri Maldiney insiste sur l’unité d’un travail qui ne cesse de penser ensemble l’art et la folie.
Rudolph Ulrich, La philosophie islamique. Des commencements à nos jours (2004), Paris, Vrin, 2014. Traduction de l’allemand par Véronique Decaix
16En à peine 150 p., Ulrich Rudolph livre une vue synthétique de la philosophie islamique, c’est-à-dire de la philosophie d’expression arabe, persane, ou encore turque, qui s’est élaborée principalement entre les ix e et xvii e siècles – l’auteur consacrant même un chapitre aux xix e et xx e siècles, pendant lesquels la philosophie islamique subit de façon croissante l’influence de la pensée européenne. Publié en allemand pour la première fois en 2004, cet ouvrage s’inscrit dans une tradition d’histoire de la philosophie en terre d’Islam désormais bien établie. Son originalité ne tient ni à l’objet général qu’il se propose de traiter, ni même au découpage des chapitres, qui correspond aux grands auteurs, unanimement reconnus comme tels : al-Kindî, al-Râzî, al-Fârâbî, Avicenne, al-Gazâlî, Ibn Bâjja, Ibn Tufayl, Averroès, Suhrawardî, Mullâ Sadrâ et l’école d’Ispahan. La valeur de l’ouvrage ne tient donc pas aux innovations historiographiques, mais plutôt à l’esprit même dans lequel il a été écrit : un esprit de synthèse, de clarté, et une attention aux grandes évolutions et aux grandes inflexions de cette histoire intellectuelle. Par-delà les philosophes célèbres, l’auteur cherche les courants et les tendances qui les portent. Ainsi, la philosophie est pensée dans ses rapports à la mystique, à la théologie, au droit, à l’exégèse, et à l’ensemble des sciences religieuses, de sorte que, sans noyer les disciplines, il s’agit de les intégrer à une évolution cohérente. On ne consultera pas La philosophie islamique. Des commencements à nos jours pour connaître le détail des doctrines, mais plutôt pour saisir l’essentiel du geste philosophique de chacun des auteurs, et pour replacer ceux-ci dans l’histoire qui les englobe.
Tortonese Paolo, L’Homme en action. La représentation littéraire d’Aristote à Zola, Paris, Classiques Garnier, 2013
17Dans la poésie, Aristote veut que l’action prime. Il attribue au récit la faculté de représenter la réalité : diégésis et mimésis ne sont qu’une chose ; on ne comprend le monde qu’en le racontant. Cette doctrine a partie liée avec l’effort principal de sa philosophie de réintroduire le temps dans l’être, de réconcilier le devenir et la connaissance. Mais comment cette philosophie a-t-elle été reçue, modifiée, pliée à de nouvelles exigences au cours des siècles ? Ce livre se penche sur deux moments de l’histoire des idées littéraires, le classicisme et le naturalisme, en essayant de montrer la permanence d’une préoccupation métaphysique, derrière les vicissitudes d’une pensée de la réception et de la convenance morale.