Notes
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[1]
Platon, La République, Livre VII, trad. franç., G. Leroux, Paris, GF, 2002, p. 362.
-
[2]
E. Smadja, Le rire, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1993, p. 12.
-
[3]
Ibid., p. 12.
-
[4]
Le tome II, perdu ou jamais écrit devait traiter de la comédie.
-
[5]
Aristote, Poétique, trad. franç., M. Magnien, Paris, Le Livre de Poche, 1990, 1449 a, p. 90.
-
[6]
Ibid.
-
[7]
Aristote, Poétique, 1149 b, p. 91.
-
[8]
G. Minois, Histoire du rire et de la dérision, Paris, Fayard, 2000.
-
[9]
F. Rabelais, Gargantua, Paris-Genève, Slatkine, 1995.
-
[10]
S. Kierkegaard, Miettes philosophiques, Le concept de l’angoisse, Traité du désespoir, trad. franç., K. Ferlov et J.J. Gateau, Paris, Gallimard, 1990, p. 339-340.
-
[11]
S. Kierkegaard, Ou bien …ou bien, trad. franç., F et O. Prior, MH. Guignot, Paris, Gallimard, 1943, p. 480.
-
[12]
B. Sarrazin, Le rire et le sacré, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 37.
-
[13]
Ibid., p. 36.
-
[14]
C. Baudelaire, De l’essence du rire in Écrits sur l’art, Paris, Le Livre de Poche, 1992, p. 204.
-
[15]
Ibid., p. 204.
-
[16]
Ibid., p. 200.
-
[17]
S. Kierkegaard, Post-Scriptum aux miettes philosophiques, trad. franç., P. Petit, Paris, Gallimard, 1949, II° partie, A. Le pathétique, & 3, p. 372.
-
[18]
C. Baudelaire, op.cit., p. 200.
-
[19]
Ibid., p. 199.
-
[20]
Ibid.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Ibid., p. 200.
-
[23]
C. Baudelaire, op.cit., p. 192.
-
[24]
Ibid., p. 191.
-
[25]
Ibid., p. 191.
-
[26]
Ibid., p. 200.
1Si l’on s’en tient à la pensée platonicienne, notamment dans La République III, l’indécence du rire pour la vie dans la Cité, son caractère obscène, ses excès contribueraient à l’assimiler à une des « grimaces de la laideur ». Rire et laideur paraissent dès lors indissociables comme si l’essence du rire se réduisait à ce qualificatif rendant toute esthétique du rire impensable. En effet, l’histoire de la pensée métaphysique occidentale depuis son avènement dans la Grèce antique, est marquée dans une certaine mesure, par un courant de pensée agélaste contribuant à dévaloriser le rire et à le rejeter, tant du point de vue esthétique, qu’épistémologique, moral ou religieux. Cette dépréciation s’origine sans doute d’abord dans ce que le rire laisse à voir. Rire est ainsi premièrement l’expression corporelle d’une déformation disgracieuse, laide et dégradante que le langage courant garde pour justifier son côté bestial : “se poiler, se bidonner, se tordre comme un bossu ou comme une baleine, se fendre la gueule ...” Le rire lui-même provoque des soubresauts, secoue le corps, déforme le visage et la bouche dont rictus et béances font penser au satyre de l’Antiquité ou à une figure démoniaque. Cette dernière laisse notamment entrevoir l’une des raisons pour lesquelles certains courants religieux du Moyen Âge ont d’autant plus condamné le rire que sa laideur se trouve amplifiée par son caractère souvent immoral et pervers. Le rire est alors deuxièmement le “vilain rire” c’est-à-dire le laid et méchant rire de l’orgueil, de la moquerie et des sarcasmes. Il est le rire de l’autre à quoi se rajoute troisièmement une forme de bêtise et d’ignorance complétant le sens de sa laideur. Est donc rire laid ce qui physiologiquement déforme et rend disgracieux, ce qui est immoral et méchant, ce qui est enfin le rire d’une “ignorance crasse”. Le rire semble par conséquent n’être porteur d’aucune valeur appréciative, d’autant que s’inscrivant le plus souvent dans la démesure – en témoignent fou rire et crise de rire – il est ce trouble-fête assimilé à la folie, au chaos qui introduisent un certain désordre synonyme de laideur tandis que le beau est la représentation symbolique de l’harmonie, de l’ordre et de la mesure définissant tout du moins le cosmos dans la Grèce antique.
2Pour autant, une esthétique du rire n’est-elle pas envisageable ? On peut d’une part la définir par son objet même : le rire. En tant que manifestation corporelle sonore et physiologique résultant du risible, ce qui naturellement porte à rire ou résultant du comique, ce qui fait rire ou sait faire rire (art comique), il peut présenter un caractère de beauté. En ce sens, on pourrait parler d’un beau rire. On peut d’autre part en tendre par esthétique du rire, la réflexion critique concernant le jugement d’appréciation s’appliquant à la distinction du beau et du laid. C’est cette dernière définition qu’on retiendra essentiellement dans la mesure où elle concerne, non le rire lui-même en tant que phénomène protéiforme et ambivalent, mais la représentation du rire d’un point de vue esthétique et son évolution dans la rationalité occidentale. En effet, une simple dépréciation du rire, tel qu’on peut physiologiquement le constater – la laideur étant inhérente à ce qu’il laisserait corporellement voir – ne tient-elle pas avant tout d’une représentation a priori et négative sur le rire ? Cette dernière serait prise comme modèle conduisant pourtant à un jugement de valeur moral et épistémologique subjectif qui conditionnerait le jugement de valeur esthétique porté sur le rire. En montrant que ce jugement de valeur prend racine dans la rationalité occidentale – mode de pensée discursif permettant l’élaboration d’un savoir structuré et vrai mais aussi discours philosophique se distinguant du récit littéraire – on peut donc légitimement se demander pourquoi le rire a été épistémologiquement, moralement et esthétiquement dévalorisé par la rationalité occidentale, de son avènement dans la Grèce antique jusqu’à la Renaissance tandis que l’émergence de la littérature rabelaisienne puis, au xixe siècle, des philosophies de l’existence, tentent de le réhabiliter dans le discours philosophique. Est-ce pour la raison principale que ce qui fait rire – le comique – ou bien ce qui prête à rire, introduit du désordre en inversant l’ordre présupposé des choses et est hâtivement défini comme ce qui n’est pas sérieux ? Or, ce qui n’est pas sérieux ne pourrait être d’aucune valeur épistémologique, morale et esthétique. C’est ainsi qu’on peut cerner la rationalité occidentale se constituant sur le paradigme d’un sérieux de nature psychique plutôt tragi-mélancolique fondant l’essence normative du savoir de la morale et de l’esthétique en opposition au rire comme figure du risible et du comique. Le beau, appréciation résultant de la sensibilité et du jugement serait alors nécessairement ce qui ne prête pas à rire, et serait de nature tragi-mélancolique.
3S’il apparaît dès lors que le jugement esthétique est d’abord intimement imbriqué dans le vrai et le bien, tout du moins pour ce qui est de la représentation platonicienne reconnue comme fondement majeur de la rationalité occidentale, une esthétique du rire n’est-elle pas pensable à la condition qu’un jugement esthétique se constitue en s’affranchissant des jugements moraux et épistémologiques qui le déterminent ? De plus, si l’on doit précisément analyser le strict rapport entre rire/laideur et non sérieux de la pensée en l’opposant à la sérieuse beauté d’une pensée pure d’essence plutôt tragi-mélancolique, n’est-ce pas à la condition qu’une représentation de la laideur du rire advienne comme expression de la chute de l’âme dans le monde sensible ? Cette chute, marque de l’imperfection humaine, déterminerait alors ce rire laid et abîmé tandis que la beauté ne pourrait qu’émaner et resplendir de la transcendance d’un monde intelligible sans rire.
4On peut par conséquent démontrer que si l’histoire de la rationalité débute par la mise en exergue du vilain rire – dans l’ensemble rejeté comme étant “le vilain petit canard” du sérieux philosophique orienté par la pure et transcendante beauté du monde intelligible comme modèle de l’ordre et de la mesure, exception faite du fameux rire démocritéen et du rire provocateur de Lucien de Samosate – ce dernier tend progressivement à être réhabilité en se transformant en “ce beau cygne/signe” porteur de la chute de l’être au monde puis de son incarnation, se confrontant au non-sens de l’existence. Cette revalorisation esthétique est concomitante à l’époque moderne marquée par une crise de rire symptomatique de la crise métaphysique comme moment d’évolution de la rationalité occidentale. L’émergence d’une esthétique du rire prend dès lors paradoxalement son sens dans ce non-sens en tant qu’étrange et mystérieuse beauté provoquée par l’immanence du monde, par l’étonnement d’être au monde. Elle tend à apparaître d’abord dans la littérature comme aventure de la pensée et de la vie, non comme laideur opposée à la beauté mais comme jugement subjectif relatif à la normativité d’une époque. Et elle fait finalement apparaître que le laid et le beau appartiennent à une même réalité. On commence ainsi à penser une esthétique de la laideur du rire, puis une esthétique du rire, ce qui pour ce dernier va du gargantuesque rire rabelaisien au comique absolu baudelairien. Cette esthétique du rire advient ensuite dans les philosophies de l’existence comme possible pensée philosophique. Mais ce n’est pas sans mettre à mal le paradigme tragi-mélancolique de la rationalité philosophique elle-même. Cette impasse propre à la rationalité occidentale conduisant à penser ou bien le sérieux de la pensée sans la laideur du rire et vice-versa, ou bien une esthétique du rire à la condition de perdre la sérieuse raison ne pourra être dépassée qu’en la perspective de réhabiliter entièrement le rire dans la pensée rationnelle en tant que modèle épistémologique, moral et esthétique. Ce qui contribue pour nous à constituer une véritable Métaphysique du rire en passant notamment par une revalorisation esthétique du rire.
La dévalorisation du rire dans l’Antiquité grecque : le vilain rire
5Dans la Grèce antique, la question du beau constituant la normativité esthétique est une question centrale mais elle n’est pas nécessairement rapportée au domaine artistique. Ainsi est-elle subordonnée à la morale et à la politique, notamment chez Platon. Par conséquent, le jugement de valeur moral posé comme nécessaire référence à l’idéal de l’être s’accompagne aussi d’une valeur esthétique qui le complète. Le concept grec de Cosmos incarne ce double idéal. En effet le cosmos est la représentation rationnelle d’un ordre naturel hiérarchisé harmonieux, unifié et fini dans lequel chaque être vivant a sa place et peut réaliser l’excellence de sa nature (vertu). Cet ensemble hiérarchisé est harmonieux, il est mesure et proportion d’où émane la représentation du beau liée aux idées du bien et du vrai. Ce qui est beau est donc ce qui est bien. Chez Platon, L’idée du beau fait partie du monde intelligible et participe à l’idée du bien nécessaire à la vie privée et à la vie publique de la cité. Elle est symbolisée par la lumière rayonnante du soleil. Trois étapes permettent l’initiation singulière à l’idée du beau. Tout d’abord, il s’agit du premier stade de la purification qui doit s’entendre chez Platon comme étant le stade consistant à se purger de tout excès sensible et passionnel qui, certes, dans l’état amoureux fait percevoir les beaux corps du monde sensible mais empêche l’accès à l’idée pure du beau obtenu dans un état d’amour le plus élevé, celui de l’agapè. C’est à partir de ce stade de purification que le deuxième stade, celui de l’ascension vers le monde des idées est possible. Vient enfin le stade ultime de la contemplation qui étymologiquement signifie cum (comme dans communion) et templum au sens ancien de cet espace carré délimité dans le ciel et sur la terre où se disent les augures. Celui qui contemple voit ce qu’il contemple comme relevant à la fois de la terre et du ciel et il le reçoit comme un message des dieux. La contemplation est finalement la vue du divin et sous-entend aussi l’idée d’être subjugué par la beauté harmonieuse de la réalité intelligible. Cette beauté transcendante oriente le regard permettant l’élévation de l’âme vers le divin et permettant ainsi l’accès à l’anhypothétique qu’est l’idée du bien comme cause absolue appelée aussi par Platon Dieu : « C’est la forme du bien, et on ne la voit qu’avec peine, mais une fois qu’on l’a vue, on doit en conclure que c’est elle qui constitue en fait pour toutes choses la cause de tout ce qui est droit et beau (…) » [1]. L’idée du beau est donc le paradigme qui parachève la représentation idéale de l’être métaphysique.
6Elle sert aussi de jugement de valeur pour définir une norme esthétique de bienséance en société. Le rire en tant qu’expression corporelle déformante et bruyante est par conséquent condamné parce qu’il est d’une part l’antithèse de la beauté définissant l’être métaphysique et le monde suprasensible dont le divin procède. Il est d’autre part l’antithèse des bienséances esthétiques de la cité parce qu’il est l’incarnation de la laideur, c’est-à-dire du plus bas degré de la manifestation du monde sensible. Éric Smadja, citant l’article de M. Olender, « Priape à tort et de travers » extrait de la nouvelle revue de psychanalyse, n° 43, propose une définition de la beauté des convenances propre à la cité de Platon et d’Aristote et régie par un idéal de « beauté des convenances et d’ordre des apparences façonnant une sensibilité commune et modelant l’urbanité » [2]. Il commente et rajoute : « La beauté des convenances intègre l’utilité, la fonctionnalité, l’ordre, l’harmonie des formes corporelles, gestes, paroles, de même que celle des idées, la juste mesure et la maîtrise en toutes choses, la décence donc la pudeur » [3]. Or, le rire est le contraire de cette beauté des convenances. Étant une des « grimaces de la laideur » il est moralement mauvais et socialement inconvenant parce qu’il est l’éclat de l’ordre et de l’harmonie, il est impudique, déforme le visage, le corps tout entier et l’enlaidit notamment lorsqu’excessif, il conduit à se tordre comme un bossu ou comme une baleine. C’est pourquoi tout particulièrement Platon trouve dégradant et blasphématoire la représentation homérique du rire des dieux tout comme il trouve indigne la représentation aristophanesque d’un Socrate bouffon, ce dernier étant un homme admirable et respectable au même titre que les dieux. Le rire est donc bien jugé négativement en tant qu’il renvoie aux choses les plus viles tant du point de vue corporel, intellectuel, moral, affectif, esthétique, politique qu’artistique. Ce dernier domaine fait en effet du savoir faire rire comme art, l’objet d’une distinction aristotélicienne des genres tragique et comique à l’issu de laquelle, la culture occidentale sera influencée par cette dépréciation artistique de la comédie eu égard à la tragédie.
7Le modèle esthétique de la Grèce antique est effectivement la tragédie considérée moralement et artistiquement supérieure à la comédie tout du moins du point de vue intellectuel. Cependant, dans la réalité de la vie quotidienne, le peuple semble plus intéressé par les comédies aristophanesques que par le théâtre d’Euripide par exemple. Mais même cette préférence est jugée de manière dépréciative par les philosophes tels Platon et Aristote qui y voient là le fait que les comédies soient d’un niveau intellectuel inférieur aux tragédies et conviennent davantage au sens commun du bas peuple, paysans et esclaves confondus. Même si Aristote justifie que le langage comique est moins noble et plus proche du langage parlé que le langage tragique, notamment lorsqu’il mentionne l’utilisation des iambes, il n’en reste pas moins qu’on peut parler à cet endroit de jugement de valeur esthétique discutable quant à son objectivité. Cette dernière paraît plutôt fondée sur un parti pris sensible, celui d’une urbanité notamment athénienne qui se constitue en snobant le reste du pays dont ceux de la campagne alentour et ceux du Péloponnèse. Tout au plus peut-on accorder à Aristote que les sujets traités dans la comédie sont plus accessibles du fait qu’ils s’inspirent de faits d’actualité ou de faits quotidiens concernant peut-être davantage le peuple. De plus, de ce qui nous reste de la Poétique d’Aristote, à savoir le tome I traitant de la production des genres artistiques (tragédie, comédie, épopée), et particulièrement de la tragédie [4] en tant qu’imitation, la considération et la définition de la comédie ne sont ni l’une, ni l’autre valorisantes.
8En d’autres termes, Aristote pense la comédie comme un art mineur et un art inférieur. Cette considération, là encore, semble plus être de l’ordre d’un jugement de valeur que rationnellement fondée. Si l’on s’en tient en effet à ce qu’il écrit lui-même, cette dépréciation reste peu convaincante : « Une fois apparues la comédie et la tragédie, ceux que leur nature propre portait vers l’une ou l’autre composition poétique, devinrent, pour les uns, auteurs de comédie – et non plus de poèmes iambiques – et, pour les autres, auteurs de tragédies- et non plus d’épopées- parce que ces nouvelles formes avaient plus d’ampleur et de dignité que les précédentes. » [5] On peut discuter cette remarque conclusive qu’il y a « plus d’ampleur et de dignité » [6] dans la tragédie, remarque provenant sans doute en partie de la définition qu’il propose de la comédie : « La comédie est, comme nous l’avons dit déjà, une imitation d’hommes sans grande vertu – non qu’elle traite du vice dans sa totalité –, puisque le comique n’est qu’une partie du laid. Le comique tient en effet à un défaut et à une laideur qui n’entraînent ni douleur ni dommage. » [7] Est-ce en effet le procédé stylistique de la comédie qui ne convient guère à Aristote dans la mesure où celui-ci l’entend par le fait d’un comique qui dégrade l’homme alors qu’au contraire, la tragédie le grandit ? Cela peut s’entendre si l’on s’en tient d’une part à la conception platonicienne du beau qui n’est accessible que par un mouvement ascensionnel et un regard contemplatif. En ce cas, le rire est le résultat d’un mouvement inverse, mouvement de chute et de dégradation. Le regard comique n’est pas contemplatif et focalisé sur la recherche de l’un mais incisif, il tranche, divise et pourfend tout ce qui prétend s’illusionner autour d’une représentation idéalisée du réel. D’autre part, l’idée d’une esthétique tragique vient compléter le paradigme moral de l’être métaphysique dont l’idéalisme conduit à considérer l’équation de l’homme vertueux comme homme sérieux et de beauté tragique. On doit alors entendre que celui qui rit n’est ni vertueux, ni sérieux, ni tragique et encore moins celui qui fait rire et celui qui sait faire rire. Le sérieux transposé dans le domaine artistique devient donc l’équivalent d’une beauté idéale, supérieure à la comédie, tandis que le rire faisant partie du monde sensible est inférieur parce que considéré comme étant non tragique et surtout dégradant. Or, cette conception du beau qui s’enracine dans le tragique est-elle rationnellement fondée ? Le comique n’est-il pas tragique lorsque son rire naît de la constatation d’une vie humaine dont le sens vacille dès lors que celle-ci est confrontée à l’issue fatidique de la mort ? N’y a-t-il donc pas une beauté du comique que la rationalité naissante ne peut pas encore considérer en raison d’une représentation idéale tragi-mélancolique qui semble rationnellement fuir la finitude humaine ?
9On peut penser que ce jugement de valeur esthétique, tant du point de vue de la convenance sociale que de la morale, prend son sens a priori dans cette idéalité propre à la Grèce antique notamment à travers la figure du héros. Le héros est en effet un être exemplaire et considéré comme étant supérieur par rapport au commun des mortels. Si on remonte au récit mythologique, le héros est un demi-dieu, c’est-à-dire le produit de l’union d’un dieu ou d’une déesse avec un être humain. En tant que tel, il symbolise toujours la cohabitation des forces divines, supra-humaines avec les forces terrestres. Le héros est aussi un mortel dont le destin et les qualités humaines exemplaires le font être au même rang que celui des dieux. Ainsi d’Ulysse, Jason ou Thésée. Le héros est donc un être extraordinaire qui sert de paradigme moral et esthétique. Ce dernier a une double fonction. La première consiste donc en ce que l’humain par ce modèle héroïque s’exerce à l’excellence et devienne vertueux, le héros étant justement un modèle de vertu, ne serait-ce que par la figure courageuse du valeureux guerrier. Ulysse représente un tel modèle, notamment par son courage indéfectible qui lui fait remporter la guerre de Troie. La deuxième fonction de la figure héroïque s’inscrit davantage dans une considération négative en ceci que la représentation morale et esthétique idéale peut être la marque d’un certain déni de la finitude humaine. Celle-ci s’incarne dans un désir d’échapper aux limites d’une vie terne et finie. La puissance du héros est la puissance du désir d’éternité qui pousse certes à se surpasser mais qui peut aussi être la négation de la vie réelle et son remplacement par une vie idéalisée. Cette vie rêvée prend forme avec les premières épopées dont L’odyssée est un témoignage.
10On comprend en ces conditions que le rire, humain trop humain, disgracieux et banal, immoral et imparfait soit l’antithèse de la représentation idéalisée du héros. Déjà la figure ambiguë du dieu Dionysos parce que figure tragi-comique qui aurait donné naissance au terme tragédie, a été progressivement occultée comme figure du héros tragique à laquelle Aristote par exemple préfère celle d’Apollon. De la même manière, Selon Aristote à qui on doit l’origine du concept de catharsis, le héros tragique particulièrement répond à une catharsis réussie par la représentation dramatique qui permet au spectateur de s’identifier à lui. En même temps, il se libère de ses pulsions, de ses angoisses, de ses fantasmes et pensées les plus inavouables et finalement transforme toute émotion en pensée. Pourtant, Cette mise à distance spécifique n’est-elle pas aussi possible dans la comédie même si le processus cathartique diffère et n’est pas processus inconscient d’identification à un modèle héroïque ? Car, certes, Il n’y a guère de héros comique à l’époque antique et plus généralement dans la culture occidentale dont le paradigme rationnel et existentiel s’inscrit plutôt dans le tragi-mélancolique, si ce n’est peut-être le « Charlot » de Charlie Chaplin qui incarne un humanisme moral, notamment dans Les temps modernes, tout en faisant rire le spectateur. De plus, peu de héros rient et si tel est le cas, le rire est plutôt l’expression d’une faille physique, psychique, morale et esthétique qui casse l’image parfaite du héros. Le rire est en ce cas assimilé à un égarement passager ou définitif. Il est la figure de l’antihéros qui, tel l’Ajax de Sophocle, sombre par exemple dans la folie. Du reste, l’idée d’un héros comique est difficile à concevoir, ne serait-ce que par le fait que le comique déboute toute tentative d’idéalisation dont la figure du héros fait partie. Par conséquent, le rire et le comique comme art du “savoir faire rire” sont et font de l’anti-héroïsme. Comment en effet, le distrait, figure comique par excellence pourrait-il être un héros, c’est-à-dire un être parfait, lui qui commet maladresses et bévues en tout genre ? Sa distraction le tire toujours vers le bas, ne serait-ce que, parce qu’il trébuche sur une pierre qu’il n’a pas vue et chute lamentablement, provoquant dès lors le rire. S’imaginerait-on ainsi Ulysse ou Hercule, si ce n’est dans une éventuelle parodie comique ? Et, certes, du point de vue du comique, le rire peut aussi égratigner par la caricature tout individu auréolé d’une représentation héroïque. C’est par exemple ce que fait Aristophane dans les nuées, notamment lorsqu’il présente Socrate en bouffon et qu’il le ridiculise en exagérant ses travers. En effet, il évoque un Socrate “anémosophe” ou “aérosophe”, un sage perdu dans les nuages, haut perché loin de la matière, cherchant dans sa nacelle à s’arracher à la pesanteur pour méditer des problèmes célestes.
11Dans le domaine artistique, cet idéalisme esthétique qui parachève le paradigme moral de l’être métaphysique, notamment à travers le héros, est la manifestation de la transcendance. On peut certes la voir comme l’invitation à un dépassement de la condition humaine mais elle est aussi la négation de la finitude humaine lorsqu’elle exclut et le rire et la mort. Mort et rire sont intimement liés comme on l’a déjà souligné antérieurement dans notre Métaphysique du rire. Si la mort est le mal absolu et que la cause profonde du rire spécifique à l’homme est cette conscience de la finitude, il n’est pas étonnant que l’un et l’autre soient ostracisés dans la représentation esthétique de la Grèce antique pour laquelle l’éternité est visée. Tout du moins, y a-t-il dans la représentation des figures de la mort la considération de ce que Jean-Pierre Vernant nomme belle mort, lieu de l’héroïsme conforme aux critères de la perfection grecque et la considération d’une male mort, mort scandaleuse, sale et écœurante, celle-là même de laquelle le mauvais rire jaillit. Toutes deux apparaissent déjà dans les épopées de l’Iliade et l’Odyssée. Elles correspondent à la vision duelle- entre dépassement et déni- que les Grecs se font de la finitude et qui apparaît aussi dans la représentation du corps. La mort hideuse est la mort telle qu’elle apparaît à l’humanité dans sa radicale altérité. Incompréhensible, impensable, elle est alors assimilée à l’horrible face de Gorgô. Cette dernière est elle-même comparée au visage grimaçant du rieur. Dès lors s’il y a une belle représentation de la mort, il n’y a pas de possibilité de penser un beau rire qui est d’emblée associé à la laideur. Pour échapper au mouvement chaotique du temps et du sensible dans lequel le rire est inscrit, le héros choisit de devenir dans la mort l’incarnation d’une belle image idéalisée et sérieuse, à travers laquelle il acquiert aux yeux des autres une singularité éclatante, immédiatement reconnaissable, celle d’un personnage de légende – au point, si on en croit Aristote, que le héros épique qu’est devenu le défunt semble finalement plus réel que l’original. La belle mort est celle du héros qui meurt au combat ou bien encore celle du héros tragique qui se bat vainement contre les éléments du destin et qui succombe. Mais Grâce au prix du sacrifice de sa vie au nom d’un idéal moral, il gagne la reconnaissance éternelle dans la mémoire des morts et des vivants. Ainsi obtient-il l’éternité par l’excellence de sa droiture morale. Ne cédant pas sur son désir, il ne fait aucune concession avec le monde sensible. Par exemple Antigone est celle qui s’inscrit dans un ordre moral transcendant, celui d’une justice du cœur contre les lois instituées de Créon. Antigone est l’incarnation exemplaire du paradigme esthétique de la tragédie parce que née femme, son parcours n’en demeure pas moins masculin, le masculin étant le sceau de l’héroïsme dans l’antiquité grecque. Non seulement Antigone transcende par sa beauté intérieure morale et supérieure incarnée, par sa détermination à aller jusqu’à la mort, ce petit corps maigre, de couleur noiraude que décrit Jean Anouilh au début de sa pièce et qui la fait ne pas être prise au sérieux par sa famille, mais elle dépasse également le destin féminin naturel et culturel, celui que symbolise sa sœur Ismène. Antigone ne sera en effet ni femme, ni épouse, ni mère. Enfin, elle transgresse les lois de la cité. Sa mort est belle qui est le comble de la tragédie parce que mort d’une héroïne aux idéaux humains élevés, sacrifiant sa vie pour l’amour de son frère Polynice.
12L’originalité de la tragédie de Sophocle réside en cette inversion des perspectives traditionnelles du modèle héroïque masculin. La male mort est dans cette pièce celle du cadavre de Polynice, considéré comme un traître aux yeux de Créon, cadavre livré en pâture aux animaux puisque n’ayant pas le droit à une sépulture. Mais si cet idéalisme d’Antigone s’inscrit dans le déni plus que dans le dépassement, alors effectivement on peut considérer la figure d’Antigone comme la figure d’une triste et mélancolique fille qui va à sa perte parce qu’elle n’assume ni féminité, ni finitude et préfère au monde d’ici-bas, le monde qui est là-bas. L’interprétation de la mort d’Antigone dont Lacan parle à juste titre en termes « d’entre-deux-morts » dans Le Séminaire, livre VII, reste ambiguë. Est-elle belle mort ou male mort ? Est-elle tragi-comique ? Si oui, la mort d’Antigone rejoint cette male mort qui est en général, dans la tradition hellène soit symbolisée par la figure du vieillard, tel Priam déchiqueté et émasculé par ses propres chiens, soit symbolisée par la figure du féminin, antithèse de la figure héroïque masculine. Gorgô est cette représentation de la male mort assimilée au rire tandis que Thanatos est la représentation masculine de la belle mort paisible et magnifique. De même, la figure de Baubô est entre pleurs et rire, pleurs de Déméter et rire du sexe de Baubô sur lequel est peint un visage de femme. La mort et le rire comme dérision de la condition humaine semblent par conséquent plus assumés par le féminin que par le masculin. Or, peut-on dire d’Antigone qu’elle assume le caractère dérisoire de l’existence qui l’aurait fait choisir de vivre plutôt que choisir de mourir tel que le lui conseille d’ailleurs sa sœur Ismène ? En endossant un destin masculin, Antigone semble endosser la figure mélancolique et sérieuse qui détermine finalement le paradigme tragi-mélancolique de l’être métaphysique. Personnage limite, elle est la plus humaine de tous les personnages de la mythologie mais en incarnant la révolte métaphysique, elle est aussi déjà au-delà de la vie terrestre. Sa détermination est dans la pièce soulignée par l’esquisse d’un étrange sourire (ce sourire la rattache-t-elle au symbolisme de la féminité et de la douceur ou est-il sourire ironique d’un esprit lucide ?) qui semble venu d’outre tombe et que rien ne peut perturber, sourire métaphysique, sourire de la mort consentie accentuant la beauté intérieure du héros tragique.
13Si le rire ne figure guère dans les représentations artistiques de l’époque grecque c’est qu’il est l’antithèse de la conception du beau, du bien et du vrai. Ce qui incarne de telles valeurs est représenté par le sourire, sourire des anges au Moyen Âge, sourire du sage dans l’Antiquité, sourire d’Antigone, qui peuvent l’un et l’autre être certes empreint d’ironie mais aussi de maîtrise et de détermination. Le sourire est donc sublime, c’est-à-dire qu’il est la manifestation d’une transcendance, d’un au-delà du seuil sensible. Il est la manifestation du monde intelligible. Il serait métaphysique en ce sens qu’il serait cause et principe premier appartenant indubitablement à une entité divine tandis que le rire serait son avatar, c’est-à-dire l’expression de sa chute dans le monde sensible, expression déformée et dégradée dont il ne subsiste quasiment rien. Le sourire d’Antigone par exemple, témoigne de la pureté de ce monde transcendant duquel elle semble tout droit venir pour y retourner sans avoir été souillée par son passage dans le monde sensible. À ce dernier, elle semble du reste jamais n’avoir appartenu. Si la tragédie comme Catharsis évoque en tant que purification, également la pureté d’un monde transcendant dont le personnage tragique est l’incarnation, Antigone en est la parfaite représentation. On pourrait même dire qu’elle est l’immaculée conception de la tragédie grecque. Tous les autres personnages de la tragédie grecque, n’ont pas, à notre connaissance, cette pureté, même si Antigone est aussi humaine en tant que prise dans l’Œdipe et particulièrement, dans l’amour fraternel pour lequel elle sacrifie son amour pour Hémon et sa vie. Le sourire d’Antigone est donc bien « étrange », c’est-à-dire qu’il vient d’ailleurs, dégageant cette spiritualité qui illumine son visage. Il participe à sa beauté singulière qui fait dire à Ismène qu’Antigone est belle autrement. Le sourire est donc tout intérieur, silencieux et manifestation visible discrète tandis que le rire qui éclate est bruyant, trop visible jusqu’à la laideur obscène qui fait découvrir la bouche, la gorge et les entrailles. Du reste, ce qui distingue le rire du sourire est cette maîtrise du corps et de l’esprit alors que le rire est relâchement, relâchement qui peut conduire à l’hybris, c’est-à-dire à la démesure, l’imprévisibilité, la spontanéité, à ce qui échappe au contrôle de la raison. Le rire, s’il est excessif peut ainsi être entendu comme une dégradation possible du sourire parce qu’il manifeste une perte de maîtrise et par conséquent la démesure liée aux désirs et plaisirs corporels. On comprend dès lors que le sourire soit licite. Conscience neutre, il sied par conséquent aux convenances morales et esthétiques tandis que le rire est condamné. Le sourire est donc esthétiquement supérieur au rire. Il est la perfection du rire. Tout du moins est-il pensé comme tel de l’Antiquité grecque jusqu’à la Renaissance où le rire rabelaisien annonce une crise métaphysique sapant le fondement esthétique des idéaux transcendantaux. Ce rire qui témoigne de la chute de l’être métaphysique, est-il alors ce rire négateur, immoral et laid qui se réjouit d’une apocalypse ontologique en signant la mort de l’être ou bien est-il porteur d’un renouveau de sens ontologique essentiellement esthétique par-delà bien et mal et par-delà tout savoir idéal ?
Crise métaphysique et crise de rire : vers une revalorisation esthétique du rire dans la modernité
14En effet, par ce rire humaniste, certes avant tout de création littéraire puisqu’il s’inscrit dans la narration romanesque, mais néanmoins savant et philosophique, une brèche est ouverte sur l’existence. Fissurant cette représentation idéale de l’être et notamment cette représentation esthétique idéale, le rire rabelaisien volontairement matérialiste jusqu’en ces excès corporels gargantuesques, éveille à la conscience de la finitude qui définit la condition de l’homme moderne. En témoigne cet extrait tragi-comique dans lequel est décrite l’absurde et dérisoire conscience de la vie vouée à la décomposition que cite à ce propos Georges Minois : « Au pays d’Outre et de l’excès, au Cinquième livre, on diagnostique clairement cette boulimie suicidaire : mangeailles, sont là crevailles, le dernier souffle est rendu par le bas, dans le “le pet de la mort” » [8]. C’est aussi l’annonce de la chute définitive des idéaux métaphysiques, épistémologiques, moraux et esthétiques qui amorce déjà une nouvelle ontologie matérialiste de l’impermanence, de la finitude, de l’imperfection dont il ne faudrait pourtant pas s’attrister. Lorsqu’en effet, Rabelais s’adresse aux lecteurs au début de Gargantua, il présente le rire comme n’étant plus, ni un mal, ni une maladie. Le rire médecin de Rabelais est le révélateur d’une vision saine, lucide et joyeuse de la vie jusqu’alors notamment endeuillée par une représentation médiévale ayant profondément affecté l’âme humaine : « Amis lecteurs, qui ce livre lisez, dépouillez-vous de toute affection, et, le lisant, ne vous scandalisez : il ne contient mal ni infection, vrai est qu’ici peu de perfection, vous apprendrez, sinon en cas de rire, autre argument ne peut mon cœur élire, voyant le deuil qui vous mine et consomme, mieux est de ris que de larmes écrire, pour ce que rire est le propre de l’homme. » [9] En spécifiant que le rire est le propre de l’homme – Aristote n’en fait qu’une caractéristique accidentelle du genre humain qui ne saurait le définir- Rabelais procède ainsi à sa première intégration dans la rationalité et laisse entrevoir les prémisses d’un modèle rationnel tragi-comique impliquant une transmutation des valeurs dont celle de la représentation du beau. Une esthétique de la laideur dont le rire se fait le témoin lucide et critique peut dès lors être pensée qui s’inspire de l’immanence d’un monde horrible où la sottise, la méchanceté, la laideur règnent alors qu’entre en crise la métaphysique accompagnée d’une crise de rire tonitruante que Rabelais porte en lui ainsi qu’en sa littérature.
15Le matérialisme naissant devient par la suite et à son apogée au xixe siècle, une pensée et une méthode mécanistes, sans métaphysique laissant advenir l’émergence du rire et d’une esthétique du rire affranchie du modèle transcendantal épistémologique, moral et esthétique. Une alternative semble donc s’imposer à ce deuxième moment matérialiste de l’histoire philosophique : Ou bien une métaphysique tragi-mélancolique sérieuse parée d’idéaux épistémologiques, moraux et esthétiques, ou bien l’immonde rire introduisant une conscience de l’imperfection du monde et une esthétique de la laideur. En effet, le déclin métaphysique dans lequel les idéaux transcendantaux ont pris la pente descendante pour rejoindre l’horizon matériel de l’existence, met en évidence l’obsolescence du mode de vie idéal, général, objectif et conduit à l’incarnation de l’homme qui apprend à assumer son individualité, c’est-à-dire l’expérience subjective de sa propre existence : « Oser à fond être soi-même, oser réaliser un individu, non tel ou tel, mais celui-ci, isolé devant Dieu, seul devant l’immensité de son effort et de sa responsabilité … » [10]. On doit donc examiner la possibilité ontologique et esthétique du rire dans cette difficulté humaine à exister – mise en exergue par Kierkegaard, le père de la pensée existentialiste – en dehors de l’abstraction tragi-mélancolique paradoxalement encore présente dans le discours matérialiste.
16À ce rire matérialiste mécanisé, rire pouvant aller jusqu’au rire jaune et dégoûté du cynisme moderne, il manque ainsi une dimension spirituelle et ontologique que les philosophies de l’existence mettent en évidence. Elles contribuent à donner vie à la dimension matérielle du rire jusqu’à présent inesthétique parce que désubstantialisée, objectivisée, spatialisé et approchée de manière purement spéculative. Qu’est-ce en effet que l’existence, que sont les philosophies de l’existence ? Ce ne sont pas les simples constatations, analyses et explications de la réalité matérielle, mais l’évidence matérielle ontologique de l’être-là qui se pose avant toute rationalisation. Les philosophies de l’existence sont donc un matérialisme ontologique dépassant la simple vue matérialiste de l’esprit et tentant d’instaurer une immanence spirituelle parce qu’elles s’intéressent particulièrement à l’existence humaine en tant que présence et ouverture à ce monde matériel. Par conséquent, il y a ni disparition de l’être au profit de l’unique étendue matérielle, ni être à chercher au-delà de l’existence. Cet au-delà de l’être ne serait d’ailleurs pas l’être de là. Il serait idéal d’être et non l’être réel, ce dernier s’éprouvant dans le temps de l’expérience vécue et subjective. Le Dasein est donc temporel et la pensée de l’existence doit essayer de manière nouvelle de saisir cette temporalité qui se refuse à prendre place au sein de la pensée pure et au sein de toute conception rationaliste tout comme le matérialisme concevant principalement la dimension spatiale de l’existant et du réel. Le Dasein, au sens heideggérien est cette présence effective dans le monde, cette disponibilité qui découvre dès lors une perception esthétique du monde – fut-il imparfait et fini – et une pensée ontologique, assumée ou rejetée selon la position de l’être au monde. Cette position de l’être au monde, l’homme la pense. C’est en cela que l’existence concerne l’homme et non les choses. Il est principalement impliqué, du fait de son incarnation au monde matériel, de manière subjective par l’existence en tant qu’il a conscience de celle-ci, de sa finitude et qu’il pose la question de son sens. Pour y faire face – au-delà du rire cynique matérialiste en mal de transcendance – et ne pas sombrer dans l’absurde, une sorte d’esthétique du rire se forme.
17Une manière d’incarner l’être au monde sans se résigner à la pure dimension matérialiste alors que décline l’ordre métaphysique religieux et politique, est effectivement l’émergence d’une esthétique du rire dont on peut supposer d’une certaine manière qu’elle est le retour au stade esthétique kierkegaardien. Qu’est-ce alors que le stade esthétique ? Quel lien peut-on concevoir entre ce dernier et le rire ? Le stade esthétique est le stade de l’immédiateté de la vie, c’est-à-dire de la sensualité : « L’esthétique dans un homme est ce par quoi il est immédiatement ce qu’il est » [11]. L’esthéticien est celui qui fait de la jouissance le but de sa vie sans se préoccuper du bien ni du mal. Ainsi de Don Juan ou du libertin dont on peut dire qu’ils expriment finalement la figure du démoniaque sous l’angle de cette immédiateté sensuelle et corporelle qui est en même temps pour eux une finalité. L’esthéticien est à la fois chaque chose et son contraire (c’est-à-dire qu’il n’est rien). Comme tout homme, l’esthéticien est constamment en face d’un choix : agir ou ne pas agir mais son art consiste à ne pas choisir. En face de chaque possibilité, il fait valoir le contraire. Le fond même de sa nature, c’est l’angoisse qui ne se dissipe jamais, pas même dans l’instant de la jouissance. Il souffre mais d’une souffrance stérile car seule la foi chrétienne permettant l’accès au troisième et dernier stade kierkegaardien, celui du religieux, est un dépassement possible qui donne à la souffrance sa signification. Toute existence esthétique est vouée à la perdition, au désespoir si elle n’est pas sublimée. Parce qu’il croit que le malheur est hors de lui, dans la multiplicité des choses qui passent et meurent, le désespoir de l’esthéticien – qui est aussi le désespoir anthropomorphique du cynique pris au piège de la matérialité – est stérile. En revanche, le véritable salut est dans la conscience introspective qui désespère car elle mène au deuxième stade kierkegaardien, celui de l’éthique. Dans l’entre deux se profile une esthétique ontologique. Cette dernière n’est plus l’immédiateté séductrice et jouissive de l’existence mais une première tentative de mise à distance et de négation de cette immédiateté. Kierkegaard la nomme ironie et en fait principalement un mode existentiel se profilant dès lors vers ce qu’on peut nommer une esthétique existentielle du rire.
18Mais le concept d’esthétique désigne aussi l’émergence de la valeur artistique du beau comme création et recherche de l’absolu dans l’immanence matérielle, à l’heure où les valeurs morales, religieuses et philosophiques s’effondrent et ne conditionnent plus un certain sens idéal du beau. Le rire, difficilement recevable parce que considéré inférieur et laid dans une esthétique jusqu’alors définie par une onto-théologie tragi-mélancolique sérieuse, mais aussi avorté en tant que rire matérialiste cynique et destructeur, s’autonomise en devenant un art à part entière. Il prend au xixe siècle des formes diverses telles l’humour absolu d’un Jean-Paul Richter. Bernard Sarrazin dans son analyse du rire et du sacré, le cite en mentionnant son Cours préparatoire d’esthétique dans lequel il distingue justement « le rire classique, franc, raisonnable et moralisant mais prosaïque, d’un rire qui subvertit toutes les distinctions et toutes les hiérarchies, nihilisme joyeux qui sur ces ruines construit une réalité purement subjective et poétique» [12]. La mort de Dieu et des valeurs transcendantes laisse alors place à un rire qui, après le rire matérialiste et nihiliste du cynique, traite de la perte du sens par le non-sens ou l’indécidable, et invente finalement une autre vision du monde. Il est ce rire de l’entre-deux que Bernard Sarrazin définit ainsi : « Le grotesque est une forme de comique entre sérieux et risible, instable, tirant d’un côté ou de l’autre, un tragique allant au dérisoire, ou un comique altéré, fêlé. Il provoque un rire qui peut être mêlé d’horreur, comme d’un humour qui ne parviendrait pas à se détacher de la réalité qu’il veut exorciser. On ne sait plus si le rire qu’il produit est libérateur ou anxiogène. La dérision moderne se caractérise tout autant par ce brouillage des signes, cette indécidabilité du sens, que par son caractère négatif et négateur » [13]. On comprend dès lors cette alternative kierkegaardienne comme moment de passage entre différents stades s’entendant comme le moment de l’indécidable que manifeste l’ironie, notamment à travers sa rhétorique des contraires dont l’oxymore philosophique fait partie. L’ironie surgit donc dans la contradiction entre le monde fini et l’exigence éthique. Elle ouvre sur un infini, celui de l’idéal éthique et met en exergue le relatif et l’absolu, d’autant plus accentué dans ce passage au stade supérieur du religieux qu’est l’humour. C’est peut-être avec ce passage de l’éthique au religieux qu’on pourrait comprendre ce rire métaphysique dont Baudelaire essaie de cerner l’essence dans ce qu’il nomme le « comique absolu ».
19On peut en effet tenter une analogie entre les pensées de kierkegaard et de Baudelaire, notamment dans cette conception d’un absolu existentiel et concret, d’une transcendance dans l’immanence que le rire rassemble, soit par la voie/voix de l’ironie, soit par celle du grotesque. En ce sens, l’alternative entre une esthétique métaphysique sans rire et le rire de la laideur sans métaphysique, tend ici à s’estomper puisque Baudelaire y cherche nettement une essence et la manifestation d’un absolu à travers le comique. Il la trouve d’ailleurs dans une pièce où jouent les personnages de Pierrot, Cassandre, Harlequin, Colombine, Léandre dont il qualifie le prologue « plein d’une haute esthétique » [14] « d’une des choses les plus remarquables comme comique absolu, et, pour ainsi dire, comme métaphysique du comique absolu » [15]. De ce point de vue, on peut concevoir un rire métaphysique à défaut de pouvoir rendre la totale dignité au rire en concevant une métaphysique du rire. Ce rire métaphysique, Baudelaire l’élabore en distinguant un comique significatif ou relatif ou ordinaire- qui renverrait au stade de l’immédiateté sensible par ailleurs jugé diabolique et mauvais dans l’interprétation rationnelle classique du rire perpétuant le paradigme onto-théologique et moral- et un comique absolu qu’il définit « relativement à l’humanité déchue» [16]. Ce comique absolu correspondrait au dernier stade religieux chez Kierkegaard qui affirme cette position existentielle première sans jugement moral de l’humanité déchue à la suite du péché originel. L’un et l’autre partent donc bien de l’existence humaine réelle et non idéale, existence marquée de la conscience de la finitude et de la déchéance humaines, c’est-à-dire de l’imperfection, du mal et de la mort. « L’humour, en tant que zone limite du sentiment religieux de l’intériorité cachée, appréhende la totalité de la conscience de la faute » [17].
20À partir de l’immanence au monde, existentielle pour kierkegaard, romantique pour Baudelaire, c’est-à-dire en lien avec l’idée d’une nature ontologique, une absoluité est constituée qui, pour le premier se situe dans la sphère religieuse, pour le second dans le comique absolu. Qu’est-ce que Baudelaire nomme le comique absolu ? « J’appellerai désormais le grotesque, comique absolu comme antithèse au comique ordinaire, que j’appellerai comique significatif » [18]. Avant d’arriver à cette définition, Baudelaire part de cette distinction entre le rire ordinaire, « signe de faiblesse ou de malheur » [19] et « le rire vrai, rire violent » [20]. Si le premier définit le comique, le second définit le grotesque : « Les créations fabuleuses, les êtres dont la raison, la légitimation ne peut être tirée du code du sens commun, excitent souvent en nous une hilarité folle, excessive, et qui se traduit en des déchirements et des pâmoisons interminables. Il est évident qu’il faut distinguer, et qu’il y a là un degré de plus. Le comique est au point de vue artistique, une imitation ; le grotesque, une création » [21]. De ce qui est défini par Baudelaire, deux points de cet absolu peuvent être entendus. D’une part, le grotesque est absolu parce qu’il est quantitativement et qualitativement supérieur au comique ordinaire, définissant alors « l’essence très relevée du comique absolu » [22]. On peut ainsi entendre que le grotesque cause un rire ayant toutes les apparences d’un rire absolu. Cette absoluité est qualitativement la manifestation cosmologique puissante de l’homme en osmose avec la nature. La puissance du rieur et de celui qui crée cette puissance de rire, est par conséquent l’écho d’une nature originelle mystérieuse et divine qui dépasse le confinement propre à la nature humaine déchue. Quantitativement, le rire du grotesque absolu est un rire à ce point énorme qu’il ne peut dépendre d’aucune cause et être rationnellement quantifiable. Une certaine irrationalité de ce rire laisse par conséquent une quantité esthétique inappréciable et infinie au-delà d’une raison trop petite et bornée par sa propre logique. Seule une approche sensible et intuitive, celle de l’artiste supérieur, permet de comprendre son essence. Le comique ordinaire reste, quant à lui, doublement dans ce confinement parce qu’il est encore assujetti au jugement d’une métaphysique rationnelle et morale dans laquelle le rire est la marque de la déchéance humaine. Celle-ci s’inscrit sur un double plan physiologique et moral. Ainsi le rire est mauvais, sur le plan physiologique parce qu’il renvoie – dans la sphère esthétique kierkegaardienne - au rire significatif qui serait le rire corporel de l’émotion, du réflexe physiologique ou du plaisir. Ce rire de l’immédiateté ne permet pas l’ouverture sur l’infini et l’indicible qui constituent en partie le sentiment du beau jusqu’au sublime. Il est aussi le rire malveillant, moqueur propre à l’orgueil que Baudelaire caractérise par l’idée que se fait l’homme de sa propre supériorité eu égard aux autres. Ainsi conçu, il représente les bas instincts humains « intimement liés à l’accident d’une chute ancienne » [23]. C’est pourquoi « le sage ne rit qu’en tremblant » [24] ne voulant pas déchoir au modèle onto-théologique, à travers lequel, rappelons-le à cet effet, ni le sage, ni le Dieu, ni Jésus Christ rient parce qu’il y a dans le rire l’œuvre du diable qui a corrompu l’humanité. Par conséquent, « le sage s’arrête au bord du rire comme au bord de la tentation » [25].
21D’autre part, cette supériorité de l’essence du comique absolu permet de distinguer le comique ordinaire comme simple imitation et le grotesque comme création artistique : « L’essence très relevée du comique absolu en fait l’apanage des artistes supérieurs qui ont en eux la réceptibilité suffisante de toute idée absolue » [26]. En d’autres termes, Baudelaire suggère une pensée de l’art et de l’artiste dégagée de la sphère morale définissant une esthétique par le concept du bien. Il est de ce point de vue fidèle à l’émergence de la valeur artistique du beau comme seule valeur supérieure lorsque s’effondrent les valeurs morale, religieuse et métaphysique. Or, qu’est-ce que le sublime pour Baudelaire ? C’est la capacité exceptionnelle pour l’artiste, du fait de sa haute sensibilité, à recevoir en lui l’idée d’absolu en dehors de tout jugement moral étriqué qui subordonnerait le beau à l’idée du bien. Par conséquent, le romantisme baudelairien insiste sur la grandeur de l’homme, non comme haute capacité morale mais haute capacité sensible qui, quoi qu’il en soit, le met dès lors en seul état de réceptivité face à la puissance créatrice de la nature. Le sublime est alors cette capacité sensible à recevoir en soi cet absolument grand. Il force en même temps à constater ce paradoxe de la petitesse humaine face à l’effroi du beau qui est partout, lorsqu’il est libéré de l’étroitesse du jugement moral considérant que le laid est égal au mal tandis que le beau est égal au bien. Cette autonomie de l’esthétique comme faculté sensible supérieure et faculté de créer, conduit à une nouvelle conception qu’on pourrait nommer esthétique de la laideur, de l’immoralité et de la discordance. Les fleurs sont désormais celles du mal, celle de la présupposée laideur tandis qu’en la charogne, le poète découvre une beauté absolue. Mais si effectivement l’art trouve à opérer ce renversement des valeurs et à se libérer de l’idée du sublime transcendantal, c’est à travers l’art du rire comme création du grotesque absolu. Et l’on peut effectivement se demander comment le ridicule que la situation grotesque génère parfois peut être sublime ? À en croire Baudelaire lui-même, le grotesque absolu dont Hofmann est le représentant le plus significatif, résulte de cette rencontre entre l’effroi suscité par cette inquiétante étrangeté des hommes et du monde et la fantaisie créatrice propre à l’artiste. Le grotesque est donc l’épreuve ontologique exacerbée jusqu’à l’horreur de la finitude humaine qui n’est finalement que le résultat de l’incarnation de l’homme au monde. Il est le grotesque de l’existence humaine engendrant un mode existentiel esthétique allant de l’humour à la dérision, de la dérision au festif dont le dandy est une figure possible.
22À travers l’évolution de la rationalité occidentale dont l’émergence en Grèce Antique s’inscrit dans cet indissociable lien rire et laideur, on peut donc envisager une esthétique du rire. Cette dernière a pour objet principal le rire qu’on a conçu sous plusieurs angles. Tout d’abord, il est l’expression physiologique naturelle manifestant une pluralité possible de sentiments et d’émotions, telles la gaîté, l’angoisse, la tristesse. Il est aussi rire social rassembleur tout autant que diviseur. Ainsi peut-il être une marque de civilité tout autant que d’incivilité. Il est enfin le savoir faire rire propre à un genre artistique à part entière : le comique. L’esthétique du rire est par conséquent la réflexion critique sur le jugement d’appréciation concernant la beauté et/ou la laideur du rire en tant que phénomène naturel et social mais aussi en tant que création artistique. D’une part, elle a été rendue possible par la découverte de l’inquiétante étrangeté du monde provoquant ce sentiment du beau dont elle s’inspire d’autre part comme création comique témoignant de l’immonde, mais affranchie d’une représentation métaphysique idéale. D’où l’épreuve de l’absurde et du grotesque d’être au monde que Baudelaire érige en théorie métaphysico-esthétique du « comique absolu ». Cette esthétique du rire est alors existentielle et révèle une autre dimension de l’être, celle de l’être-là, de sa temporalité, de sa finitude dès lors nouvelle source et nouveau modèle esthétiques.
23S’il est une esthétique du rire pensable, c’est aussi en le concevant dans sa phénoménalité c’est-à-dire dans sa manière d’apparaître et de se faire entendre comme beau rire. Cette beauté intrinsèque au phénomène du rire, on n’a pu la comprendre que rétrospectivement au regard d’une histoire de la rationalité qui s’est déployée par crises de pensée et de rire successives. On peut par conséquent reconnaître et valider comme point de départ à cet esthétique du rire, la nécessité d’une représentation aristo-platonicienne inesthétique du rire. Certes conditionnée par les idéaux métaphysiques du bien, du vrai et du beau, elle le qualifie finalement tout aussi justement lorsqu’il est la marque de l’orgueil et des excès humains représentant ce qui du monde sensible est le plus vil et contraire à la beauté harmonieuse du modèle cosmique. Cette esthétique du rire révèle donc une certaine ambivalence du rire, manifestation d’une dimension ontologique de l’être elle-même ambivalente et à la fois génératrice d’une posture existentielle mais aussi d’un art littéraire à part entière : la comédie. Loin d’être un art inférieur et dévalorisé par rapport à la tragédie, le rire comme art littéraire (caricature, métonymie, métaphore… ) peut tout autant être pleinement reconnu dans sa dimension esthétique.
24Mais au-delà de sa considération esthétique existentielle et artistique, il apparaît dès lors comme étant également dans l’histoire de la rationalité occidentale, ce qui doit être réhabilité en son sein, non comme un antagoniste fantaisiste et sans sérieux de la raison, mais comme ce qui fonde au contraire son sérieux même et un sens nouveau possible pour elle-même. Si l’on a donc examiné à quelles conditions une esthétique du rire était possible via l’histoire de la rationalité occidentale, cette esthétique du rire devient elle-même la condition d’une véritable métaphysique du rire dont le nouveau paradigme tragi-comique n’en présente pas moins un possible lien entre rire, rationalité et beauté. Ainsi peuvent être introduits les concepts de comédie philosophique et de clown philosophique remettant en cause ce préjugé tenace de la rationalité occidentale selon lequel il n’y aurait de sérieux de la pensée qu’en rejetant le rire et ses avatars comme non sérieux, laideur, immoralité et ignorance.
Bibliographie
Bibliographie
- Aristote., Poétique, trad. franç., M. Magnien, Paris, Le Livre de Poche, 1990.
- Baudelaire C., Écrits sur l’art, Paris, Le livre de Poche, 1992.
- Kierkegaard S., Ou bien… ou bien, trad. franç. F et O. Prior, MH. Guignot, Paris, Gallimard, 1943.
- Miettes philosophiques, Le concept de l’angoisse, Traité du désespoir, trad. franç., K. Ferlov, JJ Gateau, Paris, Gallimard, 1990.
- Post-Scriptum aux miettes philosophiques, trad. franç. P. Petit, Paris, Gallimard, 1949.
- Minois G., Histoire du rire et de la dérision, Paris, Fayard, 2000.
- Platon., La République, trad. franç., G. Leroux, Paris, GF, 2002.
- Rabelais F., Gargantua, Paris-Genève, Slatkine, 1995.
- Sarrazin B., Le rire et le sacré, Paris, Desclée de Brouwer, 1991.
- Smadja E., Le rire, Paris, PUF, 1993.
Notes
-
[1]
Platon, La République, Livre VII, trad. franç., G. Leroux, Paris, GF, 2002, p. 362.
-
[2]
E. Smadja, Le rire, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1993, p. 12.
-
[3]
Ibid., p. 12.
-
[4]
Le tome II, perdu ou jamais écrit devait traiter de la comédie.
-
[5]
Aristote, Poétique, trad. franç., M. Magnien, Paris, Le Livre de Poche, 1990, 1449 a, p. 90.
-
[6]
Ibid.
-
[7]
Aristote, Poétique, 1149 b, p. 91.
-
[8]
G. Minois, Histoire du rire et de la dérision, Paris, Fayard, 2000.
-
[9]
F. Rabelais, Gargantua, Paris-Genève, Slatkine, 1995.
-
[10]
S. Kierkegaard, Miettes philosophiques, Le concept de l’angoisse, Traité du désespoir, trad. franç., K. Ferlov et J.J. Gateau, Paris, Gallimard, 1990, p. 339-340.
-
[11]
S. Kierkegaard, Ou bien …ou bien, trad. franç., F et O. Prior, MH. Guignot, Paris, Gallimard, 1943, p. 480.
-
[12]
B. Sarrazin, Le rire et le sacré, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 37.
-
[13]
Ibid., p. 36.
-
[14]
C. Baudelaire, De l’essence du rire in Écrits sur l’art, Paris, Le Livre de Poche, 1992, p. 204.
-
[15]
Ibid., p. 204.
-
[16]
Ibid., p. 200.
-
[17]
S. Kierkegaard, Post-Scriptum aux miettes philosophiques, trad. franç., P. Petit, Paris, Gallimard, 1949, II° partie, A. Le pathétique, & 3, p. 372.
-
[18]
C. Baudelaire, op.cit., p. 200.
-
[19]
Ibid., p. 199.
-
[20]
Ibid.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Ibid., p. 200.
-
[23]
C. Baudelaire, op.cit., p. 192.
-
[24]
Ibid., p. 191.
-
[25]
Ibid., p. 191.
-
[26]
Ibid., p. 200.