Notes
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[*]
Cet article a bénéficié des observations critiques formulées par Jean-Louis Ferrary, Martine Furno, Pierre Petitmengin et Renaud Robert. Je les en remercie vivement.
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[1]
G. F. Puchta (« Über den der Rede pro Q. Roscio Comœdo zu Grunde liegenden Rechtsfall », Rheinisches Museum für Jurisprudenz, 1833, p. 316-328, spéc. p. 319) considérait que la partie conservée correspond à la narratio.
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[2]
Macr. Sat. 3.14.9-13 semble confondre le Pro Roscio comœdo et un discours Pro Roscio Othone. Plus tôt, Fronton pourrait en parler, mais il y a une forte incertitude sur le texte, il n’est pas prouvé qu’il y ait mention de Panurge, l’esclave assassiné cause directe du procès. Dans Ad Marcum Antoninum de eloquentia liber 2.13 [= éd. Van den Hout 1988, p. 140 ; éd. Portalupi 1997, p. 362-363], on trouve la leçon Tasurcus. A. Mai avait proposé de corriger Tasurcus en Panurgus, sans doute sur la foi d’une mention quelques mots plus loin de Roscius, et quelques lignes plus bas, d’Æsopus. L’évocation de Panurge serait plausible dans le contexte. Portalupi pense que Tasurcus est un acteur contemporain de Roscius ou de Fronton lui-même. Paléographiquement, la correction de Tasurcus en Panurgus est osée. Au plan du sens, le passage compare un mauvais élément à un bon (la grâce nautique des grenouilles à celle des dauphins !), un acteur comme Tasurcus à Roscius. On voit mal pourquoi Panurgus serait pris comme exemple d’histrion raté : tout au contraire dans le procès valorise ses talents. La conjecture de Mai ne paraît pas devoir être reprise.
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[3]
Cic. Arch. 17 ; de Or. 2.233 ; Div. 1.79.
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[4]
Quint. 9.3.86 ; 11.3.111.
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[5]
L. D. Reynolds (éd.), Texts and Transmission, A Survey in the Latin Classics, Oxford, 1983, p. 54-98.
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[6]
P. de Nolhac, Pétrarque et l’humanisme, Paris, 19072, 1, p. 213-268 sur les œuvres de Cicéron, en général, et spécialement p. 251. Nolhac néglige certaines références cicéroniennes sur la vie des deux Roscius homonymes, en particulier Div. 1.79 et Arch. 17.
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[7]
P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 251.
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[8]
Il faut prendre garde, pour les mentions du nom Roscius, qu’il existe deux personnages distincts et homonymes : Cic. Att. 2.1.3 (Roscius Othon) ; Div. 1.79 (Roscius le comédien) ; de Or. 2.233 (Roscius le comédien probablement) ; Arch. 17 [Schol. Bob. p. 178, l. 8-9 Stangl] (Roscius le comédien) ; Plin. 7.117 (Roscius Othon) et 128 (Roscius le comédien) ; Val.-Max. 8.7.7 (Roscius le comédien) ; Plut. Cic. 13.2 (Roscius Othon) ; Macr. Sat. 3.14.11-13 (l’auteur mentionne Roscius le comédien mais il peut y avoir confusion partielle dans le § 12, voir note 18). Nous citons ici la référence à Plutarque tout en rappelant que Pétrarque connaissait les auteurs grecs uniquement par les traductions latines. Il avait appris quelques mots de vocabulaire mais ne maîtrisait pas la langue (P. de Nolhac, Pétrarque…, 2, p. 128-129, 135-138 et 187-188). S’il a bien lu des traductions d’Homère ou de Platon, il ne paraît pas qu’il ait eu à disposition un manuscrit qui aurait comporté une traduction latine des Vies parallèles de Plutarque. Cette œuvre ne fut d’ailleurs pas une des priorités des imprimeurs par la suite, l’editio princeps ne date que de 1517 chez Giunta à Florence.
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[9]
Cicerone, Orazioni, éd. G. Bellardi, Turin, 1975-1981, spéc. vol. 2, p. 1164 ; M. Tullius Cicero : The Fragmentary Speeches, éd. J. W. Crawford, Atlanta, 19942 (1993), p. 209-214. Outre les testimonia cités dans la note 8, signalons que le discours pour Roscius Othon est connu par un unique fragment d’Arusianus Messius, Exempla elocutionum, dans Grammatici Latini 7.490.23 Keil (il s’agit d’un propos sur les ludi) : « Cerealia, Floralia ludosque Apollinares deorum immortalium esse, non nostros ». C’est Arusianus qui donne le sous-titre de l’œuvre : Cum a ludis contionem auocauit.
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[10]
Voir note 9. Il faut bien distinguer les deux passages de Pline l’Ancien, qui renvoient respectivement à chacun des deux personnages, Roscius le comédien et Roscius Othon.
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[11]
Att. 2.1.3 fait seulement allusion à la législation de Roscius Othon. En revanche, l’épisode qui a donné lieu au discours est raconté dans Plut. Cic. 13.2 (avec une confusion sur le praenomen, Marcus au lieu de Lucius). Mais il est improbable que Pétrarque ait lu une traduction latine de cette biographie (voir note 8).
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[12]
Fr. von der Mühll, 1914, RE, I-A-1, col. 1126, s. u. Roscius n° 22 ; T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, New-York, 19682, vol. 2, p. 145 et 167 (avec les sources) ; F. X. Ryan, « The Praetorship of M. Roscius Otho », Hermes, 125, 1997, p. 236-240.
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[13]
Il est vraisemblable que Roscius Othon était cette année-là praetor urbanus et qu’il présidait les ludi Apollinares (F. X. Ryan, « The Praetorship… », p. 238-240).
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[14]
Pétrarque Rerum memorandarum libri IV, cité infra dans l’éd. G. Billanovich, Francisco Petrarca, Rerum memorandarum libri IV, Edizione Nazionale delle Opere di Petrarca, Florence, 1945, vol. 5/I.
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[15]
Cic. de Or. 2.233.
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[16]
Macr. Sat. 3.14.9-13 : [9] Sic nimirum M. Cato senatorem non ignobilem Caecilium spatiatorem et Fescenninum uocat, eumque staticulos dare his verbis ait : Descendit de cantherio, inde staticulos dare, ridicularia fundere, et alibi in eundem : Praeterea cantat, ubi collibuit, interdum Graecos uersus agit, iocos dicit, uoces demutat, staticulos dat. [10] Haec Cato, cui, ut uidetis, etiam cantare non serii hominis uidetur : quod apud alios adeo non inter turpia numeratum est, ut L. Sylla, uir tanti nominis, optime cantasse dicatur. [11] Ceterum histriones non inter turpes habitos Cicero testimonio est, quem nullus ignorat Roscio et Æsopo histrionibus tam familiariter usum, ut res rationesque eorum sua sollertia tueretur : quod cum aliis multis tum ex epistolis quoque eius declaratur. [12] Nam illam orationem quis est qui non legerit, in qua populum Romanum obiurgat quod Roscio gestum agente tumultuarit ? Et certe satis constat contendere eum cum ipso histrione solitum, utrum ille saepius eandem sententiam uariis gestibus efficeret an ipse per eloquentiae copiam sermone diuerso pronuntiaret. Quae res ad hanc artis suae fiduciam Roscium abstraxit, ut librum conscriberet quo eloquentiam cum histrionia compararet. [13] Is est Roscius qui etiam L. Syllae carissimus fuit et anulo aureo ab eodem dictatore donatus est. Tanta autem fuit gratia et gloria, ut mercedem diurnam de publico mille denarios sine gregalibus solus acceperit.
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[17]
Pétrarque Rerum memorandarum libri 1.21, p. 21-22 : « La concession de M. Caton concernant l’acteur Roscius est démesurée et presque ridicule. Il supplie de ne pas le chasser de là où d’autres auteurs l’ont admis, et ne de pas rougir de parler de lui au milieu des réserves d’une bibliothèque, Roscius pour la défense duquel M. Cicéron n’a pas rougi de parler en plein forum et – cela force l’admiration – de réprimander le peuple romain. La raison en est que, Roscius étant en train de jouer, le peuple se montra chahuteur et ne semblait pas lui prêter l’attention souhaitable. Finalement, il ne déplut pas à Cicéron de transcrire par écrit le discours prononcé pour sa défense. En effet, quelle que soit la discipline à laquelle il applique son esprit, qui est capable d’une forte concentration, Cicéron peut prendre en considération la matière qu’on lui présente. Et peu importe que les arts soient différents, le travail est un. Roscius fut ainsi un très célèbre professeur d’art théâtral, il pratiquait son art en travaillant tellement qu’il ne jouait jamais devant le public un rôle qu’il n’eût pas répété auparavant chez lui ; grâce à son application, il en arriva au point que, comme l’écrit Cicéron lui-même, il faut admirer l’audace de ceux qui jouaient sur scène quand Roscius observait leur interprétation. Et la raison en est donnée ensuite : « Quel est celui en effet qui peut se démener sur scène sans que Roscius voie ses défauts ? ». De là vint qu’il gagna un renom immense et beaucoup d’argent, et fut reçu non seulement chez les gens ordinaires, mais chez les célébrités et les dirigeants de la cité, en tout premier lieu, chez Cicéron ; il est notoire que Roscius fut si proche de lui que Cicéron le défendit dans un procès public. En outre, on relève dans les Saturnales que Cicéron avait coutume de se mesurer à Roscius, pour savoir qui saurait varier le mieux l’expression du même texte, Roscius par sa gestuelle, ou lui-même, en diversifiant les formes de son éloquence. Ces rivalités enhardirent Roscius, au point qu’il écrivit un livre comparant les mérites de l’éloquence et de l’art théâtral. Il y fut amené parce que l’une, par le son de la voix, l’autre, par l’expression du corps, semble traduire les mouvements cachés de l’âme, de façon différente mais avec une habileté constante. Tel est l’illustre Roscius, qui, au milieu de tant d’hommes de renom, fut très apprécié de Lucius Sylla et reçut du dictateur l’anneau d’or. La faveur et la gloire dont il jouissait, dit Macrobe, furent telles qu’il reçut un salaire journalier de mille deniers, aux frais de l’État, rien que pour lui seul, sans sa troupe ». On reconnaît dans le texte, outre la paraphrase de Macrobe, les anecdotes connues par Val.-Max. 8.7.7 et Cic. de Or. 2.233.
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[18]
Par ex. Macrobe, éd. N. Marinone, 1977, p. 426, n. 13. Nombre d’éditeurs des fragments cicéroniens ont supposé une confusion entre les deux Roscius, le magistrat et l’acteur de 67, surtout pour le passage 3.14.12 : nam illam orationem quis est qui non legerit, in qua populum Romanum obiurgat, quod Roscio gestum agente tumultuarit. Ils ne citent donc pas la phrase parmi les fragments cicéroniens (par ex. Orelli 1854 ; Puccioni 1972 ; Bellardi 1981). J. W. Crawford (The Fragmentary Speeches…, p. 209, n. 1) rappelle que, quand bien même il s’agirait de Roscius le magistrat, ce ne serait pas une citation du discours Pro Othone, mais un passage qui commémore le succès du discours cicéronien. Ces commentateurs contestent qu’il faille rapporter à Roscius Othon la partie finale du texte (Roscio gestum agente <populus> tumultuarit).
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[19]
Le temple de Bellone (Enyo) est situé dans la zone du cirque Flaminius. On ne peut donc stricto sensu considérer qu’il s’agit d’un discours in foro. Le temple de Bellone, situé hors du pomerium était un lieu habituel de réunion du Sénat, tout spécialement associé aux délibérations concernant les magistrats triomphateurs, aux réceptions d’ambassadeurs étrangers, utilisé aussi pour les congés ou les retours des proconsuls. Il ne paraît pas avoir été un lieu de réunion pour des assemblées populaires, mais ici il faut sans doute simplement comprendre que Cicéron draîne vers le temple le public du théâtre. Voir A. Viscogliosi dans M. Steinby (éd.), Lexicon topographicum Urbis Romanae, 1993, t. 1, p. 190-192.
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[20]
Macr. Sat. 2.3.10.
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[21]
Cic. Div. 1.79 ; Tusc. 4.55 ; Nat. 1.79 (municipem tuum Roscium dit Cotta répondant à Velleius) ; Plut. Cic. 5. Fr. von der Mühll, 1914, RE, I-A-1, col. 1123-1125, s.v. Roscius n° 16 ; Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), t. 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris, 1974, p. 1003-1004. Une origine liée à Lanuvium était-elle prêtée à Roscius Othon ? Fr. von der Mühll (1914, RE, I-A-1, col. 1126, s.v. Roscius n° 22) n’en dit rien : la confusion a-t-elle joué là aussi ? Le nomen est assez répandu dans les témoignages épigraphiques.
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[22]
Cl.-Fr. Fraguier, « Recherches sur la vie de Roscius », Mémoires de littérature tirez des registres de l’Académie royale des Inscriptions et Belles Lettres depuis MDCCXI jusqu’à MDCCXVIII, t. 6, La Haye, Chez Pierre Gosse, 1724, p. 114-143, spéc. p. 116 et 130. Le 23 février 1717, l’abbé Fraguier lut le mémoire qu’il avait consacré à Roscius devant l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Fraguier expliquait qu’il avait d’abord pensé consacrer son enquête à P. Rutilius Rufus, mais qu’Antoine Loisel l’avait devancé ! D’où le choix de Roscius, retenu parce qu’il est un homme illustre. Ce n’est pas tant le plaidoyer lui-même qui intéresse Fraguier que le personnage de Roscius.
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[23]
Fr. von der Mühll, 1914, RE, I-A-1, col. 1125, s.v. Roscius n° 16.
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[24]
Pétrarque n’a pas pu lire le De lege agraria, retrouvé aussi par Poggio, mais il a une connaissance indirecte des épisodes politiques.
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[25]
Pétrarque Rerum memorandarum libri 2.17, p. 53 : « Il demanda l’impunité pour Roscius accusé de troubler l’ordre sur la scène ».
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[26]
Pétrarque Rerum memorandarum libri 4.96, p. 257 : « Parmi les généraux et les rois, on placera Roscius comme le roi des acteurs, lui que Cicéron, sans en rougir, appelle son « cher et délicieux Roscius ». Il était élevé dans la campagne du S(o)lonium et il était encore tout petit et au berceau, lorsque sa nourrice, une nuit, se levant, le vit assoupi, un serpent enroulé autour de lui, formant des nœuds effrayants. À ce spectacle, elle défaillit en poussant des cris. Le père de l’enfant consulta les haruspices sur cet épisode et ils répondirent qu’il n’y aurait rien de plus célèbre ni de plus glorieux que cet enfant. Et si la célébrité de cet homme a bien résidé dans l’art théâtral, ils ne se trompèrent en rien. Pourtant quelle bêtise tenace ! vous voulez prédire à travers des signes divins sa gloire future à un acteur, alors que (Scipion) l’Africain, ce héros, ce général hors-pair, n’a pas mérité un tel prodige ? Qu’un serpent se soit trouvé dans son berceau, ne me paraît pas extraordinaire, et à Cicéron non plus, tout spécialement, comme il dit lui-même avec élégance, dans le S(o)lonium, où les serpents ordinairement grouillaient jusque sur le forum ».
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[27]
Dans le cas de Roscius, il n’est pas précisé ici qu’il triomphe du serpent. Mais dans beaucoup de ces topoi, l’enfant montre sa puissance future en terrassant l’animal menaçant.
-
[28]
Cic. Div. 1.79 : Quid ? amores ac deliciae tuae, Roscius, num aut ipse aut pro eo Lanuuium totum mentiebatur ? Qui cum esset in cunabulis educareturque in Solonio, qui est campus agri Lanuuini, noctu lumine apposito experrecta nutrix animaduertit puerum dormientem circumplicatum serpentis amplexu. Quo aspectu exterrita clamorem sustulit. Pater autem Rosci ad haruspices rettulit, qui responderunt nihil illo puero clarius, nihil nobilius fore. Atque hanc speciem Pasiteles caelauit argento et noster expressit Archias uersibus ; 11.66 : de ipso Roscio potest illud quidem esse falsum, ut circumligatus fuerit angui, sed ut in cunis fuerit anguis, non tam est mirum, in Solonio praesertim, ubi ad forum angues nundinari solent. Nam quod haruspices responderit nihil illo clarius, nihil nobilius fore, miror deus immortales histrioni futuro claritatem ostendisse, nullam ostendisse Africano.
Le texte a parfois été corrigé en Praxiteles, ce qui n’a pas de sens. -
[29]
Parmi les manuscrits de Pétrarque qui contiennent le De diuinatione, il y a le manuscrit de Troyes (BM 552 ; f. 211 sq. ; Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, 2, 1855, p. 238-240), recueil du début du XIVe siècle, qui contient tout ce qu’un érudit classique avait pu rassembler de Cicéron avant les découvertes propres de Pétrarque. Celui-ci a annoté de près les passages, il est donc certain qu’il a tiré du De diuinatione cet épisode sur Roscius. Voir P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 226-237 ; R. Sabbadini, Le scoperte…, p. 26.
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[30]
Franscico Petrarca, Invective contra medicum, Invettiva contro agli ignoranti medici, éd. P. G. Ricci, trad. ital. D. Silvestri, Rome, 1950, p. 40. « Notre époque a ses propres merveilles : même un technicien se met à écrire des livres ! Et partant de là qui n’accorderait à Roscius le comédien d’écrire des livres de comédie ? Lui aussi était un technicien, mais remarquable, et son talent lui fit mériter non seulement la faveur des généraux les plus illustres, mais encore l’intimité et l’amitié de Cicéron ».
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[31]
Voir note 16.
-
[32]
Voir les chapitres classiques de P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 213-268 ; R. Sabbadini, Le scoperte dei codici latini e greci nei secoli XIV e XV, 2 vol., Florence, 19672 (1905-1914), p. 23-42 ; et G. Billanovich, « Petrarca e Cicerone », Miscellanea Giovanni Mercati, IV, Studi e Testi 124, Rome, 1946, p. 88-106 [repris dans Petrarca e il primo umanesimo, Padoue, 1996, p. 97-116]. On peut désormais compléter par la synthèse d’E. Ornato, « La Redécouverte des discours de Cicéron en Italie et en France à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle », Acta Conventus Neo-latini Bononiensis, Proceedings of the Fourth International Congress of Neo-Latin Studies, Bologna 26 August to 1 September 1979, éd. R. J. Schoek, Binghamton-New York, 1985, p. 564-576.
-
[33]
Le plaidoyer fut découvert à Liège par Pétrarque lui-même en 1333.
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[34]
P. de Nolhac, Pétrarque…, 2, p. 239-242. Rappelons pourtant que Pétrarque se trompa en revendiquant la découverte des deux livres cicéroniens tirés d’un De gloria (1, p. 260-268) et figure aussi dans cette liste un traité De re militari. Cette œuvre fut très tôt reconnue comme apocryphe et éditée à titre informatif avec les autres fragments cicéroniens (voir par exemple editio Hervagiana, Basileae, 1534, t. 4, p. 389).
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[35]
Poggio retrouve au cours des mêmes expéditions, à Saint-Gall une grande partie des Argonautiques de Valerius Flaccus, un manuscrit de Quintilien ; puis à Fulda un manuscrit d’Ammien, un autre de Columelle ; en Allemagne, les Silves de Stace ; en Angleterre (au cours d’un voyage effectué après le Concile), le texte de Pétrone…
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[36]
La datation probable de cette découverte durant l’été 1417 est aujourd’hui communément admise (A. Clark, « The Literary Discoveries of Poggio », Classical Review, 1899, p. 119-130, spéc. p. 124-126), malgré les premières hypothèses de R. Sabbadini (Storia e critica dei Testi latini, Padoue, 19712 (1913), p. 5 ; p. 9 n. 2 ; p. 35 ; p. 39), qui avait placé cette découverte en 1423, au retour du voyage effectué en Angleterre en 1422 ; mais Sabbadini avait changé d’avis entre les publications des volumes Storia e critica… et Le scoperte… : il proposait finalement une datation en 1417 (Le scoperte…, t. 1, p. 81 et t. 2, p. 191-193). À l’appui de la datation en 1417, Sabbadini cite une lettre de Poggio à Francesco Pizzolpasso, qu’il date du 18 septembre 1417 : Scias uelim me multa ueterum excellentium uirorum monumenta diligentia mea reperisse. Nam bis Halamaniam peragraui solus. Nouissime autem, quod triumphi loco est, septem reperi M. Tulli orationes, que antea amisse erant : quarum tres sunt contra legem agrariam, quarta in Pisonem senatu, quinta pro A. Cecina, sexta pro C. Rabirio postumo, septima pro C. Rabirio perduellionis reo item octaua pro Roscio comœdo, cui deest principium et finis.
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[37]
Peut-être bien chez Nicolas de Clamanges, voir E. Ornato, « La Redécouverte… », p. 570 et 576 n. 53.
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[38]
Sur les conditions de récouverte des discours au milieu de la poussière et des papiers entassés, voir la souscription de Poggio (Vat. Lat. 11458, f. 94r) : Has septem M. Tullii orationes, que antea culpa temporum apud Italos deperdite erant, Poggius Florentinus perquisitis plurimis Gallie Germanieque [biblyothecis] summo cum studio ac diligentia biblyothecis cum latentes comperisset in squalore et sordibus in lucem solus extulit ac in pristinam dignitatem decoremque restituens Latinis musis dicauit [ce colophon figure également dans Laur. Plu. 48.26 ; fac simile dans A. Clark, Inventa Italorum, Anecdota Oxoniensia 11, Oxford, 1909, hors-texte et p. 9-10 pour le commentaire]. Il faut admettre que Poggio lui-même ne mentionne pas formellement Cologne. Cette hypothèse fut formulée en premier lieu par E. Walser, Poggio Florentinus, Leben und Werke, Leipzig, 1914, p. 58.
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[39]
In ecclesia cathedrali Coloniae sunt due bibliothece, quarum Poggius noster uidit illam que est uulgatior, in qua reperit quasdam Ciceronis orationes ; aliam uero que est penitus recondita uidere non potuit propter absentiam custodis illius. De hac ipsa audiuit multa miranda [cité par R. Sabbadini, Storia e critica…, p. 9 ; O. Pecere, « La “subscriptio” di Statilio Massimo e la tradizione delle “Agrarie” di Cicerone », IMU, 25, 1982, p. 73-123, spéc. p. 91-92].
-
[40]
La lettre daterait de 1475-76, elle est adressée à Cicco Simonetta. Le parallélisme avec le texte de N. Niccoli est frappant : In ecclesia cathedrali Colonie sunt due bibliothece quarum Poggius uidit illam que est uulgatior : in qua reperit illas septem Ciceronis orationes. Aliam uero que est penitus recondita uidere non potuit propter absentiam custodis. De hac ipse audiuit multa admiranda. Voir N. Rubinstein, « An Unknown Letter by Jacopo di Poggio Bracciolini on Discoveries of Classical Texts », IMU, 1, 1958, p. 383-400, spéc. p. 399 pour la citation ; O. Pecere, « La “subscriptio”… », p. 91-92. Le texte complet de la lettre est transcrit aux p. 397-400. Rubinstein (p. 394) s’interroge pour savoir d’où Jacopo tirait le renseignement sur le lieu exact de la découverte : peut-être disposait-il d’une indication fournie directement par Poggio. De fait, Poggio lui-même n’avait pas pris soin de spécifier l’endroit où ces manuscrits cicéroniens étaient conservés. Pecere (p. 92, note 44) se démarque complètement de Rubinstein sur ce point et ne croit pas à une source d’information familiale. À la suite d’A. Campana (« La copia autografa delle otto orazioni ciceroniane scoperte da Poggio nel 1417 », Ciceroniana, 1, p. 65-68 [= Atti del I colloquium Tullianum, Rome-Arpino, 30 sept.-2 oct. 1972]. », spéc. p. 66), Pecere ne croit pas à une découverte en bloc mais privilégie l’hypothèse de trois lieux distincts (p. 92, note 45). Il est peu vraisemblable que si Poggio avait trouvé en bloc les sept discours, il ne les eût pas copiés à la suite. Or il laisse en blanc deux folios après l’invective In Pisonem et à la fin du premier groupe de discours, aux folios 23r-32v, il insère des notae de Valerius Probus et de Marius Victorinus. De même, un autre folio est laissé en blanc à la fin du fascicule contenant le Pro Caecina. Les remarques de Poggio sur la difficulté de son travail, dans la chaleur humide et la poussière, ne seraient pas de convention mais traduiraient les conditions réelles de la copie, particulièrement pénibles.
-
[41]
L’apographe de Poggio comporte une annotation marginale en fin : deficit residuum. La perte de la partie terminale du discours est ancienne ; J. Ruysschaert, Catalogo dei Codices Vaticani Latini, Codices 11414-11709, Cité du Vatican, 1959, p. 93.
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[42]
Le manuscrit ne figure pas dans l’inventaire des livres dressé à la mort de Poggio en 1459. Voir E. Walser, Poggio Florentinus…, p. 418-423.
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[43]
R. Sabbadini, Storia e critica…, p. 36-38.
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[44]
Ce manuscrit (olim Badia 540) contient divers discours de Cicéron dont le Pro Caecina, les discours De lege agraria, In Pisonem. Mais les quatre derniers textes du manuscrit, dont trois discours de Cicéron (Pro Rabirio Pisone, Pro Rabirio perduellionis reo, Pro Roscio Comœdo), quoique figurant explicitement au début de l’ouvrage dans l’index des textes (où se distinguent plusieurs mains différentes), ne se trouvent plus dans le codex. Voir F. Del Furia, Supplementum alterum ad catalogum Bibliothecae Laurentianae, 4 vol., Florence, 1846, 1.2, p. 879-889 et R. Blum, La biblioteca della Badia fiorentina e i codici di Antonio Corbinelli, Studi e testi 155, Rome, 1951, p. 140.
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[45]
Sur les conditions dans lesquelles il a disparu : M. Tulli Ciceronis orationes, éd. A. Clark, vol. 4, Oxford, OCT, 1909, praef. p. vii.
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[46]
A. Bandini, Catalogus codicum Latinorum bibliothecae Laurentianae, 5 vol., Florence, 1774-1777, spéc. 1775, p. 453-456. Le manuscrit comporte quelques corrections en marge, quelques ratures. Le catalogue de Bandini indique que le codex fut la propriété d’Antonio Petreio, chanoine de San Lorenzo, bibliothécaire de la Laurentienne, et qui appartint à l’Académie romaine de Pompeius Laetus. Sur le personnage, voir P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 183, n.1 et R. Sabbadini, Le scoperte…, p. 206.
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[47]
A. Bandini, Catalogus codicum…, 1775, p. 455-456 ; L. Laurand, Les manuscrits de Cicéron dits Lagomarsiniani, dans Cicéron, th. compl., Paris, 1934, p. 230-242 ; P. L. Schmidt, Die Überlieferung von Ciceros Schrift « De legibus » in Mittelalter und Renaissance, Munich, 1974, p. 421-423, Appendix 2, « Die Kollationen G. Lagomarsinis ». G. Lagomarsini (1698-1773) était originaire d’Espagne mais effectua ses travaux scientifiques en Italie. Il avait en vue une reprise complète des textes cicéroniens et de leurs variantes, d’où la collation qu’il effectua sur les manuscrits (G. Castellani, « La mancata edizione delle opere ciceroniane di G. Lagomarsini S. I. », Archivum Historicum Societatis Iesu, 8, 1939, p. 33-65, spéc. p. 37). À l’exception du Pro Fonteio publié en 1692 à Leyde (Lugduni Batavorum, apud Petrum Vander Aa), il ne publia pas ses notes et seules deux tables gravées à fac-simile parurent à Florence en 1741 chez C. Albizzini (C. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, 3e éd. refondue d’après A. et A. De Backer, Bruxelles, 1890-1900, t. 4, p. 1367-1368).
Le Vat. Lat. 11620 f. 208r-246r contient les uariae lectiones sur le Pro Roscio comœdo. On peut retrouver les références des manuscrits consultés par les dates que Lagomarsini a pris soin de reporter sur les originaux (entre le 16 mai et le 7 juillet 1740 pour ce discours), et quelquefois par la mention de notabilia (f. 223v l’appartenance du Laur. Plu. 48.26 à Pierre de Médicis par exemple). Les variantes sont présentées sous forme de deux colonnes, manuscrit par manuscrit.
Le Vat. Lat. 11648 f. 23r-27v présente les commentaires de Lagomarsini sur ce discours. Ceux-ci en fait sont largement repris de ceux de Paolo Manuzio et Charles de Mérouville, avec mention, en abrégé, de ces emprunts.
Le Vat. Lat. 11652 f. 258v-309r offre les leçons que Lagomarsini avaient retenues pour son édition, disposées sous forme de colonnes (il ne s’agit pas d’un texte en continu).
Toutes ces séries de notes sont mises en forme dans le Vat. Lat. 11676 f. 145r-170v. Il s’agit là véritablement de l’exemplaire qui aurait pu servir à l’imprimeur, si Lagomarsini eût pu mener à bien son projet. Le codex contient l’ensemble du texte latin avec entre crochets, insérées dans la rédaction, les variantes et le renvoi aux manuscrits qui les comportent. Une autre collation autographe importante reste celle conservée à la Marucelliana sous la cote B.III.44.
Les grands éditeurs du XIXe siècle se sont tous servis de ces travaux : Niebuhr le premier en 1820 pour le Pro Fonteio et le Pro Rabirio (voir la notice de K. G. Jacob, Barthold Georg Niebuhr’s Brief an einen jungen Philologen, Leipzig, 1839, p. 89-90 ; M. D. Reeve, « Codici tedeschi di Cicerone », Ciceroniana, 6, 1988, p. 77-88, spéc. p. 77), puis Zumpt pour les Verrines et le Pro Murena, Classen pour le Pro Cluentio, Peyron pour le Pro Milone… Et surtout, pour réaliser la deuxième édition Orelli (Turin, 1854), Baiter et Halm eurent recours à ces collations alors conservées au Collegio Romano (J. E. Sandys, A History of Classical Scholarship, 3 vol., Cambridge, 1908, t. 2, p. 378 et t. 3, p. 80), bien que finalement, Lagomarsini lui-même n’eût point publié son édition complète du corpus cicéronien. Les collations de Lagomarsini avaient été un temps soustraites à la consultation publique et l’article de Fr. Th. Ellendt (« Wissenschaftliche Reisen », Intelligenzblatt der allgemeinen Literatur-Zeitung, 14, mars 1836, Litterarische Nachrichten, p. 113-115) montre tout l’enthousiasme que suscita leur redécouverte au début du XIXe siècle. Le philologue Friedrich-Theodor Ellendt (1796-1855) était un bon spécialiste des œuvres rhétoriques de Cicéron. Il effectua en 1835 un voyage en Italie pour collationner à Milan, Florence et Rome les manuscrits de l’orateur, dont il avait édité le Brutus en 1825 et dont il publia le De oratore en 1840. Dans le compte rendu de ses découvertes codicologiques, Ellendt souligne les difficultés d’accès à cette documentation, que les Jésuites avaient d’ailleurs, peu de temps après son passage, à nouveau interdite à la consultation. -
[48]
Les manuscrits Laur. Plu. 48.7, 48.8, 48.13, 48.20 et 48.24, tous conservés aujourd’hui à Florence paraissent dériver d’un modèle commun, au moins pour ce discours (A. Bandini, Catalogus codicum…, 1774, t. 1, p. 431-434 ; S. Rizzo, Catalogo dei codici della Pro Cluentio Ciceroniana, Gênes, 1983, sub numero cuiusque codicis). À l’exception du premier de ces manuscrits, qui est copié sur papier, il s’agit de parchemins, parfois illustrés assez luxueusement. Le manuscrit 48.8 a appartenu à Pierre de Médicis, fils de Cosme. Les armes des Médicis figurent sur les autres. De même un manuscrit du Couvent de Santa-Croce, copié au XVe siècle, semble relever de cette série d’apographes : Florence, S. Croce 14 sin. cod. 9 (A. Bandini, Catalogus codicum…, 1776, t. 4, p. 114). Ce codex comporte des enluminures et des rubriques. C’est un ouvrage soigné, qui contenait des armes mais elles ont été effacées. Les 760 manuscrits du couvent de Santa Croce sont entrés à la bibliothèque Laurentienne en 1767.
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[49]
De façon générale, sur les copies de textes cicéroniens effectuées ou conservées dans les pays germaniques, voir L. F. Coraluppi, « I manoscritti della familia germanica del “de lege agraria” di Cicerone », ACME, 36-1, 1983, p. 147-159 ; M. D. Reeve, « Codici tedeschi… », p. 77-88 et « The “Familia Cusana” of Cicero’s speeches “De lege agraria” and “In Pisonem” », in C. Leonardi et B. Munk Olsen, The Classical Tradition in the Middle Ages and the Renaissance, Proceedings of the First European Science Foundation Workshop on “The Reception of Classical Texts” (Florence, Certosa del Galluzzo, 26-27 June 1992), Spoleto, 1995, p. 57-74. Coraluppi (p. 147, n.1) rappelle le détail des manuscrits distinguant ceux qui relèvent de la famille poggienne, et ceux qui appartiennent à la famille cusane (dont les mss Laur. Plu. 48.7, 8, 13, 24) ; à son tour, Reeve estime que le volume dont parle Poggio, l’antiquum uolumen sur lequel il a recopié le Pro Roscio et les autres nouveaux discours, ne peut être le même que celui sur lequel furent recopiés les discours De lege agraria et In Pisonem (« Codici tedeschi… », p. 84 n.32 et « The “Familia Cusana”… », p. 59). Ce dernier archétype germanique est plutôt à l’origine de la famille dont relèvent le Vat. Pal. Lat. 1525 (année 1467) et de ses quelques manuscrits parents datant du XIVe siècle (L. D. Reynolds et N. G. Wilson, D’Homère à Erasme, La transmission des classiques grecs et latins, trad. fr. C. Bertrand, mise à jour par P. Petitmengin, Paris, 1988, p. 84).
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[50]
Lettre de Nicolas de Cues au cardinal Orsini, février 1429. Voir M. Tulli Ciceronis orationes, vol. IV, éd. A. Clark, Oxford, OCT, 1909, praef. p. xi ; id., Inventa Italorum…, p. 24 ; F. Coraluppi, « I manoscritti della familia germanica… », p. 147. Derrière l’expression familia Cusana, il faut comprendre que Nicolas de Cues était possesseur d’un manuscrit rapporté d’Allemagne, peut-être le uolumen ingens et egregium qu’il a remis aux mains de Cesarini à Bâle peu avant janvier 1433 et qui contenait toutes les œuvres de Cicéron sauf les lettres (R. Sabbadini, Le scoperte…, t. 2, p. 19-20). En tout état de cause, soit il a recopié le modèle des manuscrits qu’on classe aujourd’hui dans la familia Cusana directement sur l’apographe poggien, soit les deux codices furent recopiés sur le même original. O. Pecere (« La “subscriptio”… », p. 93) considérait que les intuitions de Sabaddini (Le scoperte… p. 111, n.22 ; Storia e critica… p. 49) étaient vérifiées et que le manuscrit vu par Nicolas de Cues à Cologne était le même que celui découvert par Poggio. Les notes de Poggio sont confuses dans la description qu’il fait du manuscrit trouvé à Cologne : contenait-il aussi le De legibus, le De fato et divers fragments ? Si oui, ce serait le volume remis à Giuliano Cesarini par Nicolas de Cues ensuite. Il paraît en tout cas certain que Nicolas de Cues a eu accès aux textes de Cologne, quel que soit le contenu du manuscrit retrouvé, tout spécialement dans les copies qu’il tira du De lege agraria et de l’In Pisonem (M. D. Reeve, « The “Familia Cusana”… », spéc. p. 59). Le contenu du codex Cusanus, la date de son arrivée en Italie, sont l’objet de débats complexes (voir surtout L. Coraluppi, « Sul codice cusano delle orazioni di Cicerone », Scripta philologa, 2, 1980, p. 17-49). Les manuscrits et les lectures qui viendraient des copies cusanes se seraient propagés selon les uns en 1429, et selon les autres, peut-être à partir de 1433, à la faveur du concile de Bâle. M. D. Reeve (« The “Familia Cusana”… », p. 74) revient sur l’hypothèse que le Cusanus soit passé aux mains du cardinal Giordano Orsini, au début de 1430, à son arrivée à Rome, mais penche plutôt pour l’hypothèse bâloise en 1433.
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[51]
G. Migliore (1740-1789) fut l’élève du chanoine Alessio-Simmacho Mazzocchi (qui fut le premier à publier la Tabula Heracleensis) et aussi de Nicolò Ignarra. Devenu professeur de grec et de latin au Collège royal de Naples, il suivit en 1764 Francesco Carafa, le futur cardinal, à Ferrare, où il enseigna l’éloquence, les antiquités grecques et romaines, pour devenir finalement préfet des études à l’Université. Sa célébrité lui valut la citoyenneté locale. L’abbé Migliore reste connu pour ses compétences en épigraphie latine (E. de Tipaldo, Biografia degli Italiani illustri nelle scienze, lettere ed arti del secolo XVIII, t. 4, Venise, Tip. Di Alvisopoli, 1837, s.v.).
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[52]
Dans la traduction latine de Jérôme.
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[53]
Description complète par J. Fohlen dans Manuscrits classiques latins de la Bibliothèque Vaticane, sous la direction d’E. Pellegrin, avec la collaboration de C. Jeudy et Y.-Fr. Riou, Paris, 1982, p. 19-26 ; pour plus de détails, voir J. Fohlen, « Recherches sur le manuscrit palimpseste Vatican, Pal. Lat. 24 », Scrittura e civiltà, 3, 1979, p. 195-222. Le parchemin comporte des folios d’époques très différentes, copiés en Italie entre le IIIe et le VIe s., réutilisés entre le VIe et le VIIIe s. Les folios 10-15, 38-53 et 54-71 sont palimpsestes et proviennent de dix manuscrits fragmentaires. Le manuscrit a été complété plusieurs fois en Italie puis en Allemagne, dépecé puis relié à diverses reprises.
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[54]
Dans la Praefatio du volume Titi Livi Historiarum Libri XCI fragmentum ????????? descriptum et recognitum a Vito M. Giovenazzio et Paullo Iacobo Bruns, ex schedis uetustissimis bibliothecae Vaticanae, eiusdem Giovenazzii in idem Fragmentum Scholia, Romae, ex officina Arcangeli Casaletti typographi et bibliopolae ad D. Eustachii, 1773, p. ii-v. C’est le récit le plus détaillé quant à l’historique de la découverte. Sur cette édition, voir note 60.
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[55]
Publié sous le nom de Salluste, dans ce qui est en fait une histoire de Rome rédigée par Ch. de Brosses, adaptant les sources littéraires : Salluste, Histoire de la République romaine, Dijon, chez L. N. Frantin, 1777. Outre qu’il mentionne la redécouverte récente du livre 91 de Tite-Live dans ses deux préfaces (t. 1, p. vi et t. 2 p. 239), le Président de Brosses détaille l’épisode dans une longue note (t. 2, p. 575-578). Après la description du manuscrit original, il relate le retour précipité de Bruns en Allemagne sans avoir achevé à Rome le déchiffrement, et mentionne ses propres tentatives pour compléter le texte. L’édition de Bruns à Hambourg est jugée sans conteste supérieure à celle de Giovenazzi à Rome, ouvrage dont le cardinal de Bernis avait procuré à Ch. de Brosses un exemplaire.
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[56]
Détails des passages dans J. Fohlen, Les manuscrits classiques latins…, p. 23-24.
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[57]
Le palimpseste est la seule source qui fasse connaître les passages liviens consacrés à Sertorius et à la prise de Contrebia. Outre l’editio princeps et la publication cicéronienne de B. G. Niebuhr que nous évoquons note 71, il faut se reporter à l’annexe de Th. Mommsen, T. Livi ab urbe condita III-VI quae supersunt in codice rescripto Veronensi, Berlin, 1868, p. 207-215. Mommsen n’avait pas vu personnellement le palimpseste, que P. Krüger contrôla pour lui, sans recourir à des réactifs chimiques.
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[58]
V. M. Giovenazzi (1727-1805), jésuite, enseignait à Naples la poésie et la littérature grecques, après y avoir professé la philosophie et la théologie. Il finit son existence à Rome. Voir C. Sommervogel, Bibliothèque…, 3, p. 1429-1433, s.v. Giovenazzi ; G. G. Fagioli Vercellone, Dizionario biografico degli Italiani, Rome, 2001, t. 56, p. 418-420, s.v. Giovinazzi (Giovenazzi, Juvenazzi).
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[59]
P. J. Bruns, originaire du Holstein (1743-1814), passa à cette époque environ trois ans à parcourir la Fance, l’Angleterre et l’Italie à la recherche de manuscrits. C’est surtout un spécialiste de la Bible hébraique et aussi de la patristique grecque ; il devint professeur de théologie à Helmstädt.
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[60]
G. Migliore, De nonnullis Ciceronis, ut uidentur, Fragmentis ex eodem Vaticano Codice excerptis Epistola, dans Titi Livi Historiarum fragmentum ?????????, éd. V. M. Giovenazzi et P. J. Bruns, Naples, apud Domenicum Terres et filios, 1773, p. 93-99 (= ed. Iuuenatiana). C’est dans cette édition que les notes de Giovenazzi sont les plus développées. Outre l’édition de Naples, il avait paru, dans la même année, deux éditions, à Rome puis Rome-Leipzig, avec un fac-simile du manuscrit : d’abord, Titi Livi Historiarum Libri XCI fragmentum ????????? descriptum et recognitum a Vito M. Giovenazzio et Paullo Iacobo Bruns, ex schedis uetustissimis bibliothecae Vaticanae, Eiusdem Giovenazzii in idem Fragmentum Scholia, Romae, ex officina Arcangeli Casaletti typographi et bibliopolae ad D. Eustachii, 1773. Cette édition est reprise presque à l’identique, mais augmentée d’une préface d’Ernesti, et le volume, en réalité, paraît sans doute seulement à Leipzig (je dois à J.-L. Ferrary la suggestion qu’il s’agit d’une pseudo-édition romaine) : Titi Livi Historiarum Libri XCI fragmentum ????????? descriptum et recognitum a Vito M. Giovenazzio et Paullo Iacobo Bruns, ex schedis uetustissimis bibliothecae Vaticanae, Eiusdem Giovenazzii in idem Fragmentum Scholia cum praefatione Io. August. Ernesti, Romae et Lipsiae, apud Io. Fr. Gleditsch, 1773. Dans les deux éditions de 1773 (ex officina Arcangeli Casaletti ; apud Io. Fr. Gleditsch) le volume ne comprend ni les commentaires de Migliore, ni les fragments cicéroniens. La préface de F. Cancellieri est reproduite à l’identique, voir note 65. Le rôle de Cancellieri dans cette édition fut de rédiger une introduction historique, et d’ajouter à la transcription diplomatique et aux notes élaborées par Giovenazzi la proposition de quelques lectures différentes (p. xxxiii-xxxiv éd. Casaletti ; p. xxix-xxx éd. Gleditsch).
D’autres éditions furent données en 1773 à Paris (apud Nic.-Aug. Delalain, sans les scholies de Giovenazzi), à Hambourg (version abrégée semble-t-il, mais nous n’avons pu la consulter), à Paris encore en 1794 (avec une trad. de J.-E. Hardouin). -
[61]
Par exemple pour fucatum officium dans Planc. 22 ou Att. 1.18 ; de même pour la conjonction de simplex et apertum sur Caecin. 2 et Off. 1.30…
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[62]
Voir le récit de F. Cancellieri dans l’édition de Rome, ex officina Arcangeli Casaletti typographi et bibliopolae ad D. Eustachii, 1773, praefatio, p. iii. Bruns avait constaté que les passages retrouvés ne coïncidaient pas avec les extraits connus du Pro Sextio Roscio Amerino, d’où l’hypothèse qu’il s’agissait du Pro Q. Roscio comœdo.
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[63]
Giovenazzi fut bien le premier à identifier les passages comme étant ceux qui concernent Sertorius. Une contestation naquit autour de cette paternité, voir p. lxi-lxviii de l’éd. Casaletti et p. lxxvii-lxxxvi de l’éd. Gleditsch. L’identification des passages liviens avait été entourée d’une très vive polémique, au point que l’arbitrage du pape Clément xiv fut requis et une commission d’enquête confiée au tout nouveau cardinal Xavier de Zelada (voir G. G. Fagioli Vercellone, DBI…, p. 419 : Giovenazzi était au centre de la cabale). Cancellieri n’avait eu aucun mérite dans la découverte initiale et dans l’attribution livienne, mais, en terme de notoriété, il fut le principal bénéficiaire de l’arbitrage papal (A. Petrucci, DBI, Rome, 17, p. 736-742, s.v. Cancellieri, spéc. p. 741).
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[64]
G. G. Fagioli Vercellone, DBI…, p. 419. L’auteur de la notice indique que Giovenazzi aurait d’abord été mis à l’écart de la découverte.
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[65]
Tout comme la dédicace, la préface de l’édition de Naples n’est pas signée. J’ai pu consulter un exemplaire ayant appartenu à G. Ferraioli (Rome, le 15 mai 1870, notes liminaires manuscrites ; B.A.V. Ferraioli IV.7324), qui s’interrogeait et pensait qu’il ne pouvait s’agir que de Migliore ou de Giovenazzi. Contre la mention figurant en haut de la p. 9, il excluait Domenico Terres, l’imprimeur : « …Chi sarà l’autore della dedicatoria e della prefazione ? Forse il Migliore ? o il Giovanezzi ? À coup sûr non il Terres, che molto probabilmente nemmeno sapea il latino ». La préface occupe les p. 9-16 du livre. Si Terres ne savait effectivement pas ou mal le latin, on voit difficilement qu’il ait rédigé ces pages dans une langue pure et classique. Faut-il admettre que la préface de l’éditeur ait été écrite pour l’imprimeur par un des auteurs (ce dont Ferraioli faisait l’hypothèse) ? La mention uir doctus disertissimusque aurait alors été ajoutée par Terres, à moins que l’un des auteurs n’ait parlé de lui-même avec emphase. On ne peut résoudre la question en consultant l’autre version de l’editio Iuuentiana parue à Rome (ex officina Arcangeli Casaletti, 1773) : les fragments de Cicéron ou réputés tels ont disparu et la préface, différente, est signée de Francesco Cancellieri. Cette préface de 1773 avait été sa première publication ; Bruns et Giovenazzi lui avaient confié l’édition des fragments trouvés en 1772. Cancellieri assigne bien au Pro Sex. Roscio Amerino les passages en question : quod orationis pro Quinctio initium putauerant, inueniunt pro Sexto (p. iv). Le constat est identique pour l’édition Io. Fr. Gleditsch, 1773 (voir note 60).
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[66]
Le manuscrit contient l’incipit du discours Pro Roscio Amerino : 1-5 partim (credo ego… possim). Voir note 74.
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[67]
M. Tulli Ciceronis Opera omnia deperditorumque librorum fragmenta, éd. C. G. Schütz, 20 vol., Leipzig, G. Fleischer, 1814-1823 (voir spécialement vol. 16, 1814 et vol. 50, 1817) et M. Tullii Ciceronis opera, éd. C. G. Schütz, 16 vol., [Orationes, 5 vol.], Turin, Pomba, 1823 (voir spécialement vol. 8, 1826).
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[68]
La version est celle d’Ernesti t. 4, 1776, Fragmenta, p. 1134-1135. Une seule variante est repérée pour le fragment 3 : Ernesti donne simplex apertumque et Schütz simplex et apertum. La question demeure de savoir qui a amélioré la lecture du Pal. Lat. 24 entre la version donnée par Migliore et celle publiée par Ernesti. Aucune note de l’édition Ernesti ne permet de le dire, seule figure en tête la mention e codice manuscripto Vaticano. Sur les éditions : M. Tulli Ciceronis Opera omnia ex recensione Io. Aug. Ernesti cum uariae lectionis Gruterianae et claue Ciceroniana, éd. J. A. Ernesti, 4 vol. en 6 tomes, Halis Saxonum, Sumptibus Orphanotrophei, 1773-17774 ; t. 1, 1774 ; t. 2, pars prima, 1773, Pro Roscio comœdo, p. 90-109 ; t. 4, fragmenta, 1776, p. 1134-1135).
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[69]
M. Tullii Ciceronis orationum Pro Scauro, Pro Tullio et In Clodium fragmenta inedita etc., éd. A. Peyron, Stuttgart, 1824.
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[70]
M. Tullii Ciceronis quae supersunt omnia ac deperditorum fragmenta, éd. J. C. Orelli, 9 vol. en 11 t., Turin, 1826-1837 [Orationes, vol. 21, Pro Roscio comœdo, 1826]. Orelli (p. 75 in apparatu) citait Migliore et Ernesti : « Ceterum de bellis illis fragmentis, quibus Caietanus Melior, Ernestius Fragmm. p. 1222 et Sch. Fragmm. t. 16, 2, p. 50 e Cd. Vaticano auxerunt hanc orationem, consule Niebuhr Fragmm. Oratt. p. 79 et 102 ». La redécouverte des passages incriminés se faisant en 1772, il est parfaitement logique de ne pas retrouver mention des passages chez Ernesti dans la première édition de Cicéron en 1737 à Leipzig, ni dans la réédition à La Haye, 1756-17572. La quatrième et dernière édition anthume d’Ernesti parut en 1773-1777 (Halis Saxonum, in Orphanotropheo, 4 vol. en 6 t.). On y trouve bien les fragments faussement attribués au Pro Roscio comœdo (t. 4, 1776, Fragmenta, p. 1134-1135), même si ce n’est pas celle qui est citée par Orelli, qui travaille à l’évidence sur une édition postérieure. La référence à Ernesti reste confuse – même en se reportant à l’Onomasticon Tullianum, où Orelli détaille la bibliographie cicéronienne (1836, 1, p. 197 sqq.). Sans doute s’agit-il d’une des rééditions augmentées du début XIXe siècle, peut-être celle de 1820-1824.
On pourrait croire qu’Ernesti a changé d’avis sur la question, si on en juge par les différences entre les deux éditions du livre 91 de Tite-Live en 1773 : celle de Naples comprenait les fragments de Cicéron, les commentaires de Migliore et une préface anonyme ; celle de Leipzig en revanche, si elle est bien accompagnée d’un avant-propos d’Ernesti, ne fait plus place à Cicéron ni à Migliore. La préface d’Ernesti constitue surtout un historique de la découverte et en souligne l’importance. Dans la republication de la préface d’Ernesti (1794, p. 425-428, Praefatio ad Titi Liuii historiarum libri fragmentum ?????????), il n’est pas davantage question des fragments du Pro Roscio comœdo. Ernesti était mort depuis 1781 mais c’est bien l’édition de Leipzig, sans les pseudo-fragments du Pro Roscio comœdo, qui fait autorité. Dès lors peut-on attribuer à Ernesti la rectification de l’erreur, plutôt qu’à Niebuhr ? Le fait qu’en 1776, dans le quatrième volume des œuvres cicéroniennes, il ait édité les prétendus fragments, laisse entendre qu’il avait fait sienne l’hypothèse de Migliore et l’avait poussée plus loin, allant jusqu’à attribuer les pages spécifiquement au Pro Roscio comœdo. Dès lors, c’est bien Niebuhr qui a rectifié l’erreur de Migliore, aggravée par Ernesti puis reprise par Schütz. -
[71]
M. Tulli Ciceronis orationum pro M. Fonteio et pro C. Rabirio fragmenta, T. Livii lib. XCI fragmentum plenius et emendatius, L. Senecae fragmenta ex membranis bibliothecae Vaticanae, éd. B. G. Niebuhr, Romae, Ex Typographia De Romanis, 1820, p. 9 (Brunsium … irritum gaudium concepisse quasi principium orationis pro Q. Roscio Comœdo inuenisset) ; p. 79 (à propos de l’attribution du passage « qui hasce ore… » au Pro Roscio comœdo : quod …ea omnia ad orationis pro Q. Roscio Comœdo initium rettulerunt, id quidem flagitiosum ac ridendum est) ; p. 102 (où Niebuhr signale simplement les attributions par Migliore des fragments de Sénèque à Cicéron) ; p. 103 (avec une critique des lectures du palimpseste par Migliore et un rétablissement de l’ordre des fragments).
Niebuhr connaissait l’édition de Giovenazzi au moins depuis 1816 et l’avait rapidement signalée dans une lettre à l’Académie de Berlin (B. G. Niebuhr, Briefe 1816-1830, éd. E. Vischer, 4 vol., Berne, 1981). En réalité, ce courrier (10 décembre 1816, n° 18 éd. Vischer, p. 108-113, spéc. p. 111) insistait sur la publication par Niebuhr lui-même de fragments inédits du Pro Fonteio, sur le Pro Rabirio retrouvé dans sa totalité, mentionnant au passage les fragments de Tite-Live édités par Giovenazzi (Jetz brennen mir die Augen über den Columnen, die Giovenazzi vom Livius ausgelassen hat : vieles habe ich schon : alles zu lesen wird unmöglich seyn) et surtout le trésor que constituent les fragments de Sénèque (Dann ist noch ein wahrer Schaz da : moralische Fragmente von Seneca). Nul mot sur le Pro Roscio comœdo, car Niebuhr n’avait vu que l’édition de Rome (c’est en tout cas celle qu’il cite 1820, p. 9 et il déplore p. 10 de n’avoir pas eu en mains lors de son envoi pour l’Académie de Berlin l’édition napolitaine de Migliore : hunc Melioris librum, in Germania inuisitatum). Dans une autre lettre adressée au philosophe F. H. Jacobi (11 janvier 1817, n° 22 éd. Vischer, p. 121-129, spéc. p. 124), il rappelle sa principale découverte (le manuscrit de Gaius à Vérone) et signale aussi les nouveautés romaines dans des termes très voisins de ceux employés pour son courrier à l’Académie : Nur drey Blätter vom verlornen Anfang der Rede pro Fonteio ; anderthalb vom Schluss der Rede pro Rabirio, und einige Erbärmlichkeiten von Seneca habe ich bis jetz gefunden. Rien n’est dit sur l’existence d’éventuels fragments du Pro Roscio comœdo. Dans ces deux lettres, Niebuhr parle de ses propres découvertes, récentes, sur Cicéron et ne mentionne le livre de Giovenazzi qu’en passant. Les différences entre les deux éditions, celle de Naples et de Rome paraissent expliquer l’absence d’écho quant aux prétendus fragments du Pro Roscio comœdo. -
[72]
A. Mai, « Intorno a’ frammenti di Seneca nel codice vaticano-palatino XXIV », Giornale Arcadico di Scienze, Lettere ed Arti, 8, 1820, p. 233-236. Dans l’édition des fragments cicéroniens qu’il avait donnée en 1814, A. Mai ne parlait logiquement pas des passages du Pro Roscio, puisqu’il éditait des textes retrouvés dans les collections ambrosiennes (M. Tullii Ciceronis trium orationum, Pro Scauro, Pro Tullio, Pro Flacco, partes ineditae, Milan, 1814). La polémique suscitée par les éditions Fronton ou de Cicéron était prolongée par l’opuscule de réponse aux objections : De editionibus principibus mediolanensibus fragmentorum Ciceronis atque operum Frontonis commentationes, Milan, 1817.
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[73]
M. Tullii Ciceronis quae supersunt omnia, editio altera emendatior, éd. J. C. Orelli, J. G. Baiter et K. Halm, Turin, 18452-1862 [Orationes, 18542-1856, vol. 21, Pro Roscio comœdo, éd. établie par G. Baiter, avec des conjectures de Th. Mommsen et L. Spengel]. C’est Mommsen qui vérifia les manuscrits conservés à Florence (Plut. 48.25 et 90 sup. 69.2).
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[74]
Folios 123, 124, 127 et 128 avec au f. 128 col. 1 : […] incipit/ […] Roscio
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[75]
E. A. Lowe, Codices latini antiquiores, 1.The Vatican City, Cité du Vatican, 1934, p. 23 ; J. Fohlen, Manuscrits classiques latins…, p. 24.
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[76]
E. A. Lowe, Codices latini antiquiores…, p. 21 (avec un fac simile) ; J. Fohlen, Manuscrits classiques latins…, p. 20-21.
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[77]
Le texte est publié par F. Haase, L. Annaei Senecae opera quae supersunt, Supplementum, Leipzig, 1902, p. 33-34, fragments 89-97 pour le De amicitia. Le fragment 97 correspond à l’extrait que Migliore publia en 1773. Niebuhr avait le premier donné la version exhaustive du texte figurant aux folios 40r-v du palimpseste (éd. 1820, p. 99-104, spéc. p. 102-103 pour les passages précédemment déchiffrés par Migliore, avec des modifications de lecture et d’ordre des fragments : Amicum autem ubique inueniri sine ullo labore, sine ulla investigatione ? Quid enim tam simplex apertumque est ? Atqui non tam in alto latet aurum argentumque…). W. Studemund a repris les lectures de Niebuhr et les a complétées (in O. Rossbach, De Senecae philosophi librorum recensione et emendatione, Breslau, 1888). Le traité est commenté par E. Bickel, « Zu Senecas Schrift über die Freundschaft », RhM, 60, 1905, p. 190-201. Aucun ne remet en cause l’attribution à Sénèque.
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[78]
f. 47-52. E. A. Lowe date ces folios du Ve siècle (Codices Latini antiquiores…, p. 22). J. Fohlen, qui suit cette datation, renonce à en proposer une lecture et les qualifie d’illisibles (Manuscrits classiques latins…, p. 19, n. 1).
-
[79]
Cicéron, Pro C. Rabirio perduellionis reo, éd. V. Marek, Teubner, Leipzig, 1983, praefatio, p. 54-55. Les fragments de la fin du discours sont ceux qui furent pour la première fois édités par B. G. Niebuhr en 1820.
-
[80]
A. Campana, « La copia autografa… », p. 67 ; éd. J. Axer, Bibliotheca Teubneriana, Leipzig, 1976, praef. v.
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[81]
J. Ruysschaert, Catalogo…, p. 95.
-
[82]
Le groupe des manuscrits du Collège romain entra à la Bibliothèque apostolique en 1912. Voir J. Bignami Odier, La Bibliothèque Vaticane de Sixte IV à Pie XI. Recherches sur l’histoire des collections de manuscrits, Cité du Vatican, 1973, p. 256-257 ; et aussi R. Devreesse, Pour l’histoire du fonds Vatican grec dans Collectanea Vaticana in honorem Anselmi M. card. Albareda, t. 1, Studi e Testi 219, Cité du Vatican, 1962, p. 315-336, spéc. p. 336.
-
[83]
Le nombre huit présente d’ailleurs une difficulté dans la mesure où Poggio lui-même et les autres érudits de son temps parlent dans leur correspondance des septem orationes (notes 36, 38, 40). Quel discours est donc exclu ? Il se pourrait qu’il faille mettre à part le Pro Caecina, parce que le discours avait été retrouvé à Langres tandis que les autres l’avaient été probablement à Cologne. Mais on peut aussi parfaitement supposer que le discours exclu soit le Pro Roscio comœdo, cité en rang huit dans la lettre à Pizzolpasso (voir note 36) et surtout considéré comme mutilé. C’est cette interprétation qu’avait privilégiée A. Campana, « La copia autografa… », p. 66-67. Dans l’inventaire de Jacopo, le fils de Poggio (voir note 40), le Pro Caecina et le Pro Roscio comœdo sont mentionnés, ce sont les deux discours Pro Rabirio qui sont confondus. Sur l’ensemble de ce débat, voir L. Coraluppi, « Sul codice cusano… », p. 36-46.
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[84]
Le Pro Roscio comœdo occupe les folios 14v à 22v. Pour une description détaillée du manuscrit, ses cahiers, les différents états de sa numérotation, les folios en blanc etc., voir L. Coraluppi, « Sul codice cusano… », p. 45.
-
[85]
A. Campana, [s. t.] dans Nel cinquantesimo di « Studi e Testi », 1900.1950, Rome, 1950, p. 79.
-
[86]
J. Ruysschaert, Catalogo…, p. 93-96.
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[87]
B. Ullmann, The Origin and Development of Humanistic Script, Rome, 1960, p. 38 et 48-49.
-
[88]
Cicéron, In L. Calpurnium Pisonem, éd. R. Nisbet, Oxford, 1961, p. xxv-xxvi.
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[89]
La publication de J. Axer, Leipzig, 1976 remplace dans la Bibliotheca Teubneriana le volume de Klotz 1922, qui prend la suite de l’éd. Müller 1880. Axer a travaillé seulement sur microfilms. Campana avait annoncé à plusieurs reprises une publication sur le Vat. Lat. 11458, mais elle n’a jamais vu le jour. Sur ce savant, voir désormais R. Avesani (éd.), Testimonianze per un maestro. Ricordo di Augusto Campana, Rome, 1997 ; C. Pedrelli (éd.), Omaggio ad Augusto Campana, Cesena, 2003.
1Le plaidoyer cicéronien Pro Roscio comœdo fut longtemps oublié entre l’époque de sa composition et la fin du Moyen Âge. C’est l’histoire des vraies et fausses redécouvertes dont il fut l’objet qu’on veut ici retracer. Quatre moments sont à distinguer : la fin du quatorzième siècle et la mention par Pétrarque du Pro Roscio comœdo constituent le premier temps fort. Il s’agit d’expliciter ici les allusions pétrarchéennes au plaidoyer, pour voir si l’humaniste aurait vu ou non un exemplaire du discours. Comment expliquer les détails que Pétrarque évoque à propos de Roscius le comédien s’il ignore le texte ? Que connaît-il du procès antique et par quelle tradition ?
2Le deuxième temps correspond à l’authentique redécouverte du discours cicéronien par Poggio Bracciolini en 1417. Il s’agit certes d’un état incomplet du texte, mais les passages conservés présentent un caractère continu. Sans doute plusieurs copies de l’archétype retrouvé par Poggio furent-elles exécutées, et pas seulement celle emportée par Poggio lui-même. Le codex vetus est aujourd’hui perdu. Une branche des descripti peut-elle être rattachée à une copie exécutée pour Nicolas de Cues ? Nous examinerons l’hypothèse.
3Le troisième temps, sans doute le moins connu et sur lequel nous insisterons davantage, est celui d’une fausse redécouverte, à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Parmi les fragments antiques que contenait le palimpseste Vat. Pal. Lat. 24, on a cru, pendant un temps, que certains passages étaient assignables au Pro Roscio comœdo. L’historique de cette querelle d’attribution vaut d’être retracé tant elle illustre, par ses rebondissements, les rivalités entre philologues italiens et allemands au début du XIXe siècle.
4Enfin, le quatrième et dernier temps est la redécouverte par Augusto Campana, à la fin des années quarante, du manuscrit copié par Poggio, le Vat. Lat. 11458, au Vatican. Ce n’est pas à proprement parler un apport, dans la mesure où la quantité de texte connu ne s’en trouve pas augmentée, mais ce plus ancien manuscrit a permis de reléguer les nombreux deteriores qui en dérivent au rang de témoignages secondaires.
5L’œuvre occupe en tout cas une situation marginale dans le corpus cicéronien. La mutilation du texte, sa valeur littéraire assez faible ont détourné les pédagogues d’une utilisation aux fins d’apprentissage du latin. Les circonstances de l’affaire judiciaire sont particulièrement complexes : cette difficulté aurait peut-être, elle aussi, nui à la diffusion du plaidoyer.
1 – Un plaidoyer incomplet et suscitant un faible intérêt
6Le plaidoyer Pro Roscio comœdo est lacunaire. La partie conservée du discours, qui offre une argumentation continue, correspond aux séquences centrales de l’œuvre ; sans que nous puissions dire avec certitude quelles sections sont manquantes [1], nous ne possédons vraisemblablement qu’un tiers du plaidoyer et toute la partie terminale est perdue : nous ignorons jusqu’au dénouement du procès. Tous les manuscrits s’arrêtent exactement sur les mêmes mots et la perte de la fin paraît remonter à une phase haute de la transmission du texte. À aucun moment, nous n’avons trouvé des indices autorisant à croire que telle ou telle des redécouvertes évoquées infra aurait augmenté significativement le volume du texte actuellement connu.
7Le plaidoyer cicéronien Pro Roscio comœdo n’avait pas bénéficié d’une véritable circulation après le procès lui-même : le texte semble ignoré sous le Haut-Empire, dans l’Antiquité tardive [2] et, on le verra, durant presque tout le Moyen Âge. Et il faut bien distinguer la réception de l’œuvre, insignifiante, de la célébrité de son protagoniste, le défendeur Roscius. Cicéron lui-même, qui mentionne l’acteur dans ses œuvres postérieures [3], ne fait jamais allusion au discours en tant que tel. Quintilien ne semble pas en avoir entendu parler, alors qu’il a une bonne connaissance du Pro Quinctio ou du Pro Caecina, autres plaidoyers civils, et, comme le Pro Roscio comœdo peut-être, plaidoyers de jeunesse de surcroît [4]. En tout état de cause, sur les six discours concernant le droit privé dont nous avons gardé au moins le titre (Pro muliere Arretina, Pro Titinia, Pro Quinctio, Pro Tullio, Pro Caecina et Pro Roscio comœdo) et qui se situent tous au début de la carrière pour Cicéron, une minorité de plaidoyers semble avoir circulé ou même été publiée dans l’Antiquité. Le discours Pro Roscio comœdo n’a pas connu de véritable circulation, puisqu’aucun témoignage antique ne le mentionne ; il n’est pas impossible qu’il n’ait pas même été « publié » du vivant de Cicéron. Gardons aussi en tête – pour résumer le contexte général de la transmission des discours cicéroniens – qu’aucun manuscrit du Moyen Âge ne contenait plus de neuf orationes, mais qu’en tout trente-deux étaient connues (en regroupant sous un même numéro les sept Verrines ou les trois discours sur la Loi agraire, ou les quatorze Philippiques [5]). Le Pro Roscio comœdo ne s’inscrivait pas dans une série thématique, ce qui est le cas par exemple pour les discours du retour d’exil.
8Le décalage est donc grand entre la notoriété antique du comédien Roscius et la faible résonance du plaidoyer. Voyons maintenant les circonstances qui ont entouré les mentions médiévales du texte. Deux érudits, grands découvreurs de manuscrits, ont marqué la connaissance des œuvres cicéroniennes, Pétrarque puis Poggio : il n’est pas étonnant de les retrouver ici.
2 – Les allusions de Pétrarque
9À première vue, Pétrarque semblerait connaître le plaidoyer pour Roscius, mais les commentateurs ont pensé que c’était de seconde main [6]. Pierre de Nolhac en effet récuse l’idée que Pétrarque ait pu lire un manuscrit du Pro Roscio comœdo et les renseignements que l’humaniste italien possède sur le comédien proviennent à son avis d’autres sources que du plaidoyer à proprement parler [7]. Certes, Pétrarque mentionne à plusieurs reprises et comme transmis, un plaidoyer cicéronien en faveur de Roscius. Mais Pétrarque meurt en 1374, donc en tout état de cause avant la redécouverte authentique du discours par Poggio Bracciolini en 1417. Sur quoi Pétrarque appuyait-il dès lors ces mentions ? Pouvait-il connaître un manuscrit du Pro Roscio comœdo que nous possédons plus ?
10Le plus probable eût été que Pétrarque se fût appuyé sur des allusions au discours Pro Roscio comœdo trouvées chez d’autres auteurs antiques, mais nous l’avons dit, nous n’en connaissons pas. Il faut donc émettre des hypothèses supplémentaires. À l’avis de Nolhac, Pétrarque l’aurait confondu avec le Pro <Roscio> Othone, perdu [8]. Cette méprise est plausible car il existait un discours Pro Roscio Othone, cum a ludis contionem auocauit, prononcé en 63 [9]. Un des passages de Pline l’Ancien en fait mention [10], ainsi qu’une lettre de Cicéron et un paragraphe de Plutarque [11]. L. Roscius Otho avait été tribun de la plèbe en 67 et sans doute préteur en 63 [12]. Il est l’initiateur de la lex Roscia theatralis, présentée dès 67, mais passée en 63 seulement, concernant la proédrie des chevaliers. Othon avait été copieusement sifflé par le peuple, dans l’enceinte même du théâtre [13]. Cicéron convoqua sur le champ une assemblée du peuple au temple de Bellone. Ses admonestations ramenèrent le calme et, de retour au théâtre, le peuple applaudit Othon. La confusion entre les deux Roscius est donc d’autant plus plausible que tous les deux sont liés, à des titres divers, au théâtre : l’un comme acteur, l’autre comme auteur d’une loi sur la proédrie dans les spectacles théâtraux. Le récit de Plutarque est assez détaillé mais Pétrarque ne l’a très vraisemblablement pas lu en traduction. Donc ce n’est pas de Plutarque qu’il aurait tiré l’idée qu’il existait un discours Pro Roscio <Othone>.
11Revenons à l’hypothèse de Nolhac, plus convaincante, mais dont la démonstration peut être précisée et enrichie d’autres éléments. La relecture des œuvres de Pétrarque lui-même n’autorise pas à supposer une simple confusion entre les deux discours Pro Roscio et plusieurs textes de l’humaniste méritent examen, et en premier lieu les Rerum memorandarum libri [14]. Pétrarque cite à plusieurs reprises Roscius dans cet ouvrage, d’abord au livre 1, visiblement en suivant de près un traité de Cicéron [15] et Macrobe [16] :
[De studio et doctrina] Ingens et pene ridiculus a M. Catone ad Roscium histrionem descensus est. Ipse tamen ne hinc ubi eum alii scriptores admiserunt excludatur, obsecrat, neue de illo inter bibliothecae penetralia loqui pudeat pro quo non puduit M. Ciceronem in foro loqui et, quod mirari cogit, P. R. obiurgare, quia is, agente gestum Roscio tumultuosius, nec satis attento silentio fuisse uidebatur, denique pro quo habitam orationem scriptis mandare non piguit. Profecto enim ad quamlibet artium applicetur animus intentione uehementi ad praesentem materiam spectare potest : nam quid refert ? Artes uariae, studium unum est. Roscius itaque ludicrae artis famosissimus magister, tanto illam studio exercuit ut nullum populo, nisi domi prius examinatum actum exprimere ; qua diligentia eo prouectus est, ut apud ipsum Ciceronem scriptum sit, « miranda<m> eorum impudentiam, qui agerent in scaena, gestum inspectante Roscio » ; et sequitur huius dicti ratio : « quis enim sese commouere potest, cuius illa uitia non uideat ? » Hinc sibi contigit, et ut nomen ingens, et largas opes quaereret, nec uulgo solum, sed clarissimis uiris ac principibus ciuitatis acceptus foret, praecipueque Ciceroni cui tam familiariter notus fuit, ut eum Cicero accusatum publico iudicio defenderet. Constat praeterea, ut in Saturnalibus scriptum est, contendere Ciceronem solitum cum Roscio, « utrum ille saepius eandem sententiam uariis gestibus efficeret, an ipse eloquentiae copiam diuerso sermone pronuntiaret. Quae res ad hanc fidutiam Roscium attraxit, ut librum conscriberet, quo eloquentiam cum histrionia compararet » : hinc scilicet motus, quod altera uocis sono, altera corporis motu, latentis affectus animi, diuersa quidem uia, sed pari repraesentare uideatur industria. Hic est Roscius ille, qui inter caeteros magni nominis « Lucio Sullae charissimus et ab eodem dictatore anulo aureo donatur. Tanta » denique, ut Macrobius ait, « fuit gratia, et gloria, ut mercedem diurnam, de publico mille denarios, sine gregalibus solum acciperet ». [17]
13Il n’est pas possible de douter qu’il s’agisse de l’acteur Roscius, mais la mention du discours in foro laisse plus perplexe, sauf à supposer que Macrobe avait lui aussi confondu les deux Roscii, ce que certains commentateurs avancent [18]. Il faut alors imputer à Macrobe l’évocation indistincte dans un même paragraphe de deux personnages portant le nom de Roscius, le magistrat et l’acteur. De fait, Macrobe parle d’un discours devant le peuple, ce qui correspondrait plutôt à la situation du Pro Roscio Othone, encore qu’il eût été prononcé au temple de Bellone. Mais il faut peut-être ne pas prendre à la lettre la mention de Pétrarque et considérer in foro comme signifiant « en public », devant « une assemblée de citoyens » [19]. Une autre remarque laisse perplexe : Plutarque, dans son récit, ne disait pas qu’Othon récitait ou chantait ou mimait quoi que ce soit au théâtre quand il fut chahuté. On pourrait supposer que dans un passage du Pro Roscio comœdo, Cicéron réprouvait que le peuple romain eût pu manquer d’attention lors d’une prestation de Roscius l’acteur (gestum agere dit Macrobe). Peut-on alors affirmer que le passage de Macrobe est bien une allusion au Pro Roscio comœdo ? Cicéron blâmerait le peuple d’avoir perturbé une scène où Roscius était interprète. Cela supposerait que Macrobe ait connu sur le personnage de Roscius une anecdote que personne d’autre ne cite dans l’Antiquité. En même temps, on comprend mal pourquoi Macrobe, qui connaît la lex Roscia theatralis [20], prêterait à Othon une scène où il joue physiquement au théâtre. Il semble impossible de trancher le débat, tout juste peut-on supposer la confusion rapprochée des deux personnages par Macrobe puis par Pétrarque.
14Une origine géographique commune aux deux Roscius (Lanuvium) aurait pu favoriser la méprise mais elle n’est pas certaine [21]. Dans son mémoire biographique, Claude-François Fraguier suivait à la lettre le texte de Macrobe et pensait que le discours où Cicéron réprimandait le peuple pour avoir chahuté Roscius concernait le comédien [22]. Friedrich von der Mühll [23] tentait de concilier la présence des deux Roscii homonymes dans l’épisode : pour résoudre la contradiction, il supposait que Roscius Othon avait été chahuté un jour où Roscius le comédien se produisait sur scène et c’est au magistrat qu’auraient été adressés les sifflets. C’eût été une des dernières apparitions de Roscius le comédien, probablement mort en 62. Cette interprétation n’a pas été reprise, semble-t-il.
15Les deux hypothèses (celle d’une confusion de Macrobe entre deux personnages et celle d’une évocation du seul histrion) ont des forces et faiblesses. On ne peut pas dire en tout cas que Pétrarque connaissait le discours Pro Roscio Othone ou Pro Roscio comœdo en se fondant sur les passages du livre 1 des Res memorandae, trop dépendants du portrait tracé par Macrobe.
16Un deuxième passage des Res memorandae, laisse voir que Pétrarque confondait bien les deux Roscius, lorsque, évoquant d’abord les Verrines, puis la défense d’Archias et les polémiques sur la loi agraire [24], il écrit : Roscio scaenici tumultus reo impunitatem quaesiuit [25]. Là encore, Pétrarque connaît l’existence d’une accusation contre Roscius, pourtant le chef d’accusation (tumultus) rappelle plutôt le cas d’Othon que celui de Roscius Gallus (encore qu’en 63, c’est le peuple, et non Othon, qui avait été à l’initiative du tumulte). La confusion de sens est renforcée par la présence de l’adjectif scaenicus, qui porte sur tumultus.
17Ajoutons au dossier un troisième passage des Res memorandae. Dans un contexte qui est celui des prodiges, des présages et de leur interprétation, Pétrarque consacre à Roscius la notice suivante [26] :
Inter duces ac reges, histrionum rex locabitur Roscius, quem Ciceronem amorem ac delitias suas appellare non erubuit, cum in campo Selonii nutriretur essetque infans in cunabulis, assurgens per noctem nutrix uidit eum consopitum, circumflexo angue nodis horrificis implicitum. Quo aspectu exanimis exclamauit. Pater autem pueri de hac re aruspices consuluit ; responderunt nichil illo clarius, nichil illo nobilius infante. Atqui si in histrionica claritas hominis constitit, nichil mentiti sunt. Sed o peruicax ineptia, diuinitus ergo futuram histrioni claritatem praeostensam uultis, cum Aphricanus tantus et uir et dux, nullum tale meruerit ostentum ? Nam quod in cunis anguis inuentus est, nec michi quidem mirum uidetur, nec Ciceroni, praesertim in Selonio « ubi ad forum nundinari angues solent », ut eleganter ait idem.
19Il paraît impossible de voir dans ce passage une allusion au préteur Roscius Othon : il s’agit bien plutôt de Roscius le comédien. La récurrence du terme histrio ne laisse aucun doute. L’anecdote rappelle évidemment les prodiges qui surviennent au jeune Hercule. Peu importent la valeur du présage et le topos que constitue l’élimination du serpent par le nouveau-né [27]. Il y a là un récit qui fait intervenir le père et la nourrice de l’histrio, qui rappelle aussi l’affection que Cicéron reconnaissait porter à Roscius (et en des termes appuyés). Où Pétrarque a-t-il pu prendre ces détails et cette légende ? On ne connaît pas de développement sur l’acteur qui mentionnerait ces détails dans le Pro Roscio lui-même, à moins de supposer que, dans les longues lacunes du Pro Roscio comœdo, il y ait eu une évocation de l’enfance du défendeur – ce qui en soi n’est pas improbable – et que Pétrarque ait lu un manuscrit évoquant ces chapitres perdus. Pétrarque paraphrase en fait deux textes du De diuinatione de Cicéron [28], un traité dont il possédait le texte [29].
20Le dernier passage de Pétrarque où est cité Roscius est un extrait de l’Inuectiuum contra medicum quemdam, livre 2 [30] :
Habent suum secula nostra portentum : mechanicus etiam libros arat. Quis non Roscio deinceps artis histrionic(a)e librum donet ? Erat et ille mechanicus, sed insignis, ingenio promeritus non modo maximorum ducum gratiam, sed ipsius quoque familiaritatem atque amicitiam Ciceronis.
22Le passage, moins original que le précédent, pourrait être rédigé avec les seuls éléments biographiques connus par d’autres textes anciens que nous possédons encore. Le texte évoque surtout la célébrité de Roscius, son intimité avec Cicéron, le manuel d’art dramatique que l’acteur est réputé avoir écrit. Tous ces détails figurent dans le texte de Macrobe [31].
23En tout état de cause, il paraît très peu probable, au vu des extraits de Pétrarque cités supra, que la redécouverte du Pro Roscio comœdo ait été antérieure à celle de Poggio. Nous excluons la possibilité de voir dans l’extrait des Res memorandae 1.2 une citation indirecte du Pro Roscio comœdo, une anecdote qui viendrait d’une partie manquante de l’œuvre consacrée à des rappels biographiques sur Roscius et rapportée par une source intermédiaire non identifiée. Eu égard à la connaissance qu’avait Pétrarque des œuvres cicéroniennes, compte tenu aussi de sa véritable passion pour cet auteur, il est peu probable qu’il eût tu la découverte d’un passage du Pro Roscio comœdo [32]. Si Pétrarque avait trouvé ou reconnu tout ou partie du plaidoyer, il est certain qu’il l’eût fait diffuser, comme il le fit pour le Pro Archia [33]. Le copiste florentin Tebaldo della Casa transcrivit de nombreux manuscrits de Pétrarque. Parmi eux très vraisemblablement le Parisinus Lat. 6342, qui comprend des ouvrages de Cicéron sans doute copiés dans la bibliothèque de Pétrarque à Padoue en 1378, après sa mort. Au dernier folio figure un classement des œuvres de Cicéron en quatre parties, mentionnant aussi bien les ouvrages connus que ceux réduits au souvenir de leur titre. Cette liste – admettons qu’elle provient bien de la maison de Pétrarque – ne mentionne pas le Pro Roscio comœdo, ce qui accrédite l’idée que Pétrarque n’a jamais cru avoir en sa possession le discours [34]. L’humaniste a une connaissance médiate d’anecdotes sur Roscius lui-même et l’intuition qu’il existait un plaidoyer, à travers l’allusion erronée de Macrobe.
24L’enquête sur la connaissance par Pétrarque d’éléments intéressant Roscius le comédien confirme bien les affirmations de Nolhac, qu’elle s’efforce d’étayer : il ne faut rien contester à la découverte effectuée au début du XVe siècle par Poggio.
3 – La vraie redécouverte du Pro Roscio comœdo par Poggio Bracciolini
25Durant la quasi-totalité de la période médiévale, le texte est donc demeuré inconnu et l’éclipse subie par le discours a duré jusqu’au début du XVesiècle : l’œuvre est seulement transmise par un manuscrit que Poggio Bracciolini avait découvert peu avant 1417. Le secrétaire pontifical avait mis à profit les temps morts du Concile de Constance pour effectuer diverses expéditions afin de retrouver des manuscrits. Ainsi en 1415 – et pour nous limiter à l’œuvre de Cicéron [35] – Poggio trouva-t-il à Cluny un manuscrit du VIIIe siècle comprenant les discours Pro Cluentio, Pro Roscio Amerino, Pro Murena (ces deux œuvres étaient inconnues jusque là), Pro Milone, Pro Caelio. En 1416, il retrouva à Saint-Gall le Commentaire d’Asconius sur cinq des discours de Cicéron. Et en 1417 [36], il se rendit en France et en Allemagne durant l’été et trouva huit discours de Cicéron demeurés inconnus : Pro Caecina, Pro Roscio comœdo, De lege agraria I-III, Pro Rabirio perduellionis reo, In Pisonem, Pro Rabirio Postumo. Sans doute le premier de ces discours fut-il retrouvé à Langres [37]. Les autres le furent, selon toute vraisemblance, à Cologne [38]. La confirmation en est donnée par la correspondance de Niccolò Niccoli [39] et par une lettre de Jacopo di Poggio Bracciolini, qui fournit des précisions sur les voyages de son père [40]. Ce manuscrit unique, mutilé et lacunaire [41], avait été transcrit de la main de Poggio, qui rapporta l’apographe de Suisse en Italie. Tous les manuscrits qui existent aujourd’hui et par lesquels le texte du Pro Roscio comœdo est conservé, sont réputés dériver de cette même et unique source. Or le volume de Poggio, peu d’années après avoir été transporté en Italie, disparut, sans doute avant même la mort de Poggio [42], après être passé aux mains de Niccolò Niccoli à Florence et de Francesco Barbaro à Venise [43]. À Florence d’abord, l’apographe de Poggio fut copié probablement durant l’été 1418, sous forme de fascicules séparés. Mais le discours Pro Roscio comœdo, quoiqu’il figurât à l’origine dans le manuscrit Laur. Conv. soppr. 13, y est désormais manquant [44]. À Venise ensuite, l’apographe de Poggio fut recopié de la propre main de F. Barbaro, sur un codex d’abord conservé au monastère Saint-Michel de Murano et que nous ne possédons plus [45]. Après quelques années, quand le manuscrit de Poggio lui eut été rendu par F. Barbaro, il fut de nouveau reproduit, à Florence ou plus probablement à Rome, par divers copistes travaillant simultanément. Cette copie forme le manuscrit Laur. Plu. 48.26, qui, après la perte supposée de l’apographe de Poggio, a constitué pendant cinq siècles la source la plus ancienne pour les éditeurs [46]. Il fut collationné entre 1735 et 1744 par Girolamo Lagomarsini (Lag. 26) [47]. Divers descripti du XVe siècle sont encore visibles : ils n’apportent guère à l’établissement du texte [48]. Mais il faut relever qu’il existe bien une famille distincte de la famille manuscrite copiée sur l’apographe de Poggio [49], même si cette seconde famille dérive très probablement du même original, l’exemplaire de Cologne, ce qui minore son intérêt. Les manuscrits Laur. Plu. 48.7, 8, 13 et 24 sont copiés sur un manuscrit dont Nicolas de Cues s’est déclaré possesseur mais dont on a perdu trace [50]. Cette tradition germanique du plaidoyer n’a pas pour l’heure été étudiée de façon approfondie quant à sa parenté et ses différences avec la branche italienne. La conservation des descripti dans les mêmes bibliothèques, tout particulièrement la Laurentienne, a paradoxalement gommé leur origine différente. Elle pourrait permettre des collations assez faciles. Pour nécessaires que soient ces confrontations, seront-elles d’un grand apport, au regard du texte que donne à connaître l’apographe de Poggio ?
4 – La découverte d’un palimpseste au Vatican
26L’abbé napolitain Gaetano Migliore [51] est à l’origine d’un débat sur quelques fragments d’un manuscrit latin conservé au Vatican (Vat. Pal. Lat. 24) et qui contient des passages de Cicéron. La controverse a porté sur l’attribution à l’auteur lui-même et sur l’assignation de ces fragments à tel ou tel discours cicéronien. La bibliographie ne manque pas sur ce palimpseste qui fait partie des codices Latini antiquiores. Des textes bibliques (Tobie, Judith, Job, Esther [52]) ont été copiés sur le texte original effacé et le manuscrit constitue un miscellaneus, formé de feuillets appartenant à divers codices anciens [53]. Ces folios ont été nettoyés, effacés, remis aux mêmes dimensions et reliés sans logique pour en faire un cahier neuf. Il existe plusieurs enthousiastes relations de cette trouvaille, dont celle de Francesco Cancellieri [54], et nous privilégions ici celle que le Président de Brosses a laissée [55] :
27Ce sont en tout cas les substantiels fragments du livre 91 de Tite-Live, retraçant la révolte de Sertorius et le rôle que joua Pompée dans sa répression en 77-76 avant J.-C., qui suscitèrent l’enthousiasme des contemporains et la première publication [57]. Ces extraits furent édités peu après la découverte du palimpseste par Vito Maria Giovenazzi [58] et Paul Jakob Bruns [59] à Naples – cette invention doit être située en 1772 vraisemblablement –, accompagnés d’une notice de Gaetano Migliore, qui présentait cinq fragments attribués à Cicéron [60]. Voici la transcription proposée quand le texte fut publié l’année suivante :
- Hoc sibi quisq<ue> proponat quo minus facile fucatis capiatur officiis.
- Rara res est amicitia.
- Quid enim tam simplex apertumq<ue> est at qui non tam in alto latet aurum argentumq<ue>.
- …Hasce ore advorso inuri cicatrices ac notas virtutis accipit is ne quod accipiat famae voltus perhorrescit quem numq<uam> incursione hostium commovere.
- …Erat mecum autem ubique inveniri sine ullo labore sine ulla investigatione.
29Se fondant sur des rapprochements stylistiques [61], Migliore affirme sans hésitation que l’auteur est Cicéron (non ouum ouo similius est), sans que son texte mentionne jamais le Pro Roscio comœdo. À l’inverse, la préface anonyme du livre relate les conditions de découverte du palimpseste. Bruns, le véritable inventeur, avait repéré la mention incipit pro Roscio. Il crut sur le moment avoir trouvé l’incipit du Pro Roscio comœdo et consulta un savant plus expert qu’il ne l’était dans les manuscrits latins [62]. Giovenazzi, sitôt accouru, lui fit admettre qu’il s’agissait du Pro Sex. Roscio Amerino. Et les deux savants, déchiffrant un peu plus le texte, reconnurent des extraits du plaidoyer pour Roscius d’Amérie. Ils furent prêts d’abandonner le palimpseste, qui n’apportait dès lors rien de nouveau. Mais à l’examen d’autres folios et grâce à l’utilisation d’une sorte de loupe, le titre fut déchiffré : Titi Livi Lib. XCI. Bruns, qui s’intéressait surtout aux manuscrits hébreux, laissa finalement à Giovenazzi le soin d’éditer ce qui constituait l’authentique découverte : le long passage du livre 91 de Tite-Live [63]. Et il semble bien que malgré leur amitié initiale, cette affaire ait suscité entre eux quelques rivalités [64]. En tout cas, rien dans les pages liminaires de l’édition ne laissa croire que des fragments non-liviens tirés du palimpseste fussent assignés au Pro Roscio comœdo [65].
30G. Migliore, quant à lui, dans les pages qu’il signe à la fin de l’édition napolitaine, reconnaît dans le palimpseste les premières lignes du Pro Sex. Roscio Amerino, qu’il signale sans les citer, en plus des fragments qu’il publie [66]. Dès lors, il reste difficile d’expliquer pourquoi un grand éditeur de Cicéron, F. Schütz, reproduit ces fragments en les assignant au Pro Roscio comœdo. Schütz les présente tant dans son édition de Leipzig en 1817, que dans celle de Turin en 1826 [67]. Le texte en est légèrement différent [68] :
- Hoc sibi quisque proponat, quo minus fucatis capiatur officiis.
- Rara res est amicitia.
- Quid enim tam simplex et apertum est ? Atqui non tam in alto latet aurum argentumque.
- Hasce ore adverso inuri cicatrices ac notas virtutis accipitis, ne quod accipiat fama vultus perhorrescit, quem nunquam incursione hostium commovere.
- Erat mecum autem ubique inveniri sine ullo labore, sine ulla investigatione.
32Pourtant, entre temps, avait paru une édition des fragments de Cicéron due à A. Peyron [69], qui ne fait aucune mention de ces lignes. Orelli lui-même, dans la première édition (la seule anthume) du corpus cicéronien, fait état de ces débats à la fin de son apparat critique concernant le Pro Roscio comœdo [70], débats auxquels B. G. Niebuhr venait d’apporter sa contribution dans une monographie consacrée à ce palimpseste [71]. Ce savant récusait lui aussi l’attribution au Pro Roscio comœdo des passages pour lesquels le manuscrit porte la mention …incipit/…roscio, critiquant l’erreur de Bruns ; qui plus est, il vilipendait les conjectures de Migliore (ridendum est) et voyait dans les cinq fragments d’une part des extraits de Sénèque, plus précisément du traité De amicitia (fr. 1-3 et 5), d’autre part un passage certes cicéronien mais tiré du Pro C. Rabirio perduellionis reo (fr. 4). Si Niebuhr a sans doute raison quant à l’attribution de quatre des fragments à un autre auteur que Cicéron, le procès qu’il fait à Migliore sur le Pro Roscio comœdo ne laisse pas d’étonner, dans la mesure où Migliore ne méritait pas l’accusion d’avoir précisément rapporté les fragments à ce discours.
33Les analyses de Niebuhr reçurent très vite l’approbation d’A. Mai, qu’on ne soupçonne pas de préjugés favorables envers ce savant qui avait si violemment critiqué ses propres publications de Fronton ou de Cicéron. Pourtant, après avoir connu une rivalité forte, les deux hommes s’étaient diplomatiquement et superficiellement rapprochés, comme leur correspondance l’atteste. Dans son article, Mai confirme l’attribution du passage au De amicitia de Sénèque [72], se fondant sur la lecture d’un titre : quemadmodum amicitia continenda sit. Mai s’appuie en outre sur la mention ut in prima parte dicebam, pour conclure que le traité était divisé au moins en trois parties (sinon priore parte eût été préféré à prima parte). L’attribution de ces fragments à Cicéron avait vécu : le déchiffrement progressif du palimpseste condamnait les premières hypothèses.
34Quand finalement G. Baiter révise, dans la version posthume de l’édition Orelli [73], le texte du Pro Roscio comœdo, il n’est plus fait mention de ces fragments, que les éditeurs ont ensuite repris et publiés selon les vues de Niebuhr, parfois en amendant les leçons. La controverse sur l’auteur avait été enterrée par les analyses très fermes du savant allemand.
35Comment se présente désormais le dossier ? La célébrité du manuscrit n’a d’égale que son état de démembrement. Les philologues et codicologues ne doutent plus que les quelques lignes assignables à un plaidoyer Pro Roscio [74] dans le Vat. Pal. Lat. 24 soient tirées du Pro Sex. Roscio Amerino [75]. L’existence du traité De amicitia de Sénèque pourrait davantage être discutée. Le nom du traité ne figure pas sur le manuscrit, qui mentionne un De uita patris, mais le sujet des fragments a autorisé cette conjecture, d’autant que l’incipit du folio 43v spécifie : Incipit eiusdem/annaei senecae de uita patris… Il y avait bel et bien dans le manuscrit une œuvre attribuée à Sénèque autre que le De uita patris, sinon on ne comprend pas eiusdem [76]. Aucun éditeur n’assigne désormais ces fragments à un autre auteur que Sénèque [77].
36Il reste que quelques autres folios comportent des fragmenta oratoria dans une écriture semi-onciale [78]. Leur état rend impossible toute restitution et a fortiori leur assignation à un auteur ou un œuvre. On se plairait à croire que ces fragmenta oratoria désespérément illisibles pussent être cicéroniens ou du moins que d’autres textes initialement copiés sur le manuscrit eussent été pour partie cicéroniens. Rien ne dit de toute façon qu’il y ait eu présence du Pro Roscio comœdo spécifiquement. Pourtant, rappelons qu’une partie du palimpseste est identifiée comme appartenant au Pro C. Rabirio perduellionis reo parce qu’elle croise des passages que le manuscrit copié par Poggio transmettait aussi (§ 16 partim-19 partim), tout en versant de nouveaux extraits à ce texte (§ 32-38) [79]. Certains folios du Vat. Pal. Lat. 24 pourraient-ils, dans ces conditions, appartenir à un ancêtre du manuscrit copié à Cologne par Poggio – et qui contient, on l’a vu, le Pro C. Rabirio perduellionis reo, tout comme le Pro Roscio comœdo ? Le palimpseste du Vatican est du moins le seul manuscrit conservé dont nous pourrions supposer qu’il fût un parent du modèle du Vat. Lat. 11458. Mais il n’est pas possible d’aller plus loin. Dès lors, pour le commentateur du Pro Roscio comœdo, les regrets devant le texte original du Vat. Pal. Lat. 24 n’en sont qu’augmentés. En son état actuel, le manuscrit ne contient pas d’extraits du Pro Roscio comœdo, à moins que, par l’injure du temps, il n’en contienne plus.
5 – Le manuscrit de Poggio est retrouvé après cinq siècles
37La transcription de Poggio fut, il y a près de soixante ans, retrouvée à Rome, après cinq siècles où elle fut égarée, et Augusto Campana l’identifia formellement [80]. Pourtant, le manuscrit du Vatican a forcément été connu de G. Garatoni, qui l’utilise pour préparer l’édition de Cicéron qu’il publie à Naples en 1788. Garatoni met en tête du manuscrit une annotation et appelle ce manuscrit codex Mureti [81] : nous ignorons comment il a pu tomber entre les mains de l’humaniste ; de Muret, il passa aux Jésuites du Collège romain ; plus récemment, il est entré par acquisition, sous Pie X, à la Bibliothèque Vaticane [82]. Mais le manuscrit retrouvé à Cologne était réputé perdu pour les éditeurs du XIXe, et l’identification du Vat. Lat. 11458 comme étant l’apographe de Poggio ne fut réalisée que vers 1948. A. Campana préférait d’ailleurs parler d’identification plutôt que de découverte, réservant le terme pour Poggio lui-même, à propos des huit discours cicéroniens que l’apographe contient [83]. De plus, seuls les 96 premiers folios du codex sont de la main de Poggio [84]. A. Campana donne la nouvelle de l’identification du codex dès 1950 [85]. J. Ruysschaert dans son catalogue des manuscrits latins du Vatican lui apporte confirmation [86]. Cette identification fut acceptée par B. Ullman [87]. Le premier éditeur à utiliser ce manuscrit est R. Nisbet [88], pour l’In Pisonem. Il n’est donc pas contesté qu’il s’agisse bien de l’apographe de Poggio et la réédition du Pro Roscio comœdo publiée par J. Axer se fonde principalement sur le Vat. Lat. 11458 [89].
38Le plaidoyer Pro Roscio comœdo a donc été retrouvé par étapes sans que cette multiplicité de redécouvertes complète hélas le volume du texte connu. Certaines de ces trouvailles codicologiques ont été trompeuses. En tout état de cause, l’histoire du texte rencontre les grands noms de l’humanisme et de la philologie, depuis Pétrarque jusqu’à Niebuhr, en passant par Poggio. La tradition du texte est en elle-même tourmentée et révélatrice, à chaque moment, des joies et des heurts de l’histoire de la philologie. Le discours, souvent qualifié d’austère et considéré comme mineur dans le corpus cicéronien, a pourtant eu un destin plus riche que celui prêté par la communis opinio. En cela, le devenir du plaidoyer n’a finalement pas grand chose à envier à la postérité du comédien qui en fut la cause judiciaire. Plusieurs pans de l’enquête restent ouverts : d’éventuels liens entre certains folios du palimpseste du Vatican et les ancêtres du manuscrit de Cologne ; le destin propre de l’archétype recopié par Poggio ; enfin, le devenir en Italie de copies exécutées sur l’archétype de Cologne pour le compte de Nicolas de Cues. C’est sans doute seulement sur le dernier point qu’on peut encore espérer faire modestement progresser le dossier.
Notes
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[*]
Cet article a bénéficié des observations critiques formulées par Jean-Louis Ferrary, Martine Furno, Pierre Petitmengin et Renaud Robert. Je les en remercie vivement.
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[1]
G. F. Puchta (« Über den der Rede pro Q. Roscio Comœdo zu Grunde liegenden Rechtsfall », Rheinisches Museum für Jurisprudenz, 1833, p. 316-328, spéc. p. 319) considérait que la partie conservée correspond à la narratio.
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[2]
Macr. Sat. 3.14.9-13 semble confondre le Pro Roscio comœdo et un discours Pro Roscio Othone. Plus tôt, Fronton pourrait en parler, mais il y a une forte incertitude sur le texte, il n’est pas prouvé qu’il y ait mention de Panurge, l’esclave assassiné cause directe du procès. Dans Ad Marcum Antoninum de eloquentia liber 2.13 [= éd. Van den Hout 1988, p. 140 ; éd. Portalupi 1997, p. 362-363], on trouve la leçon Tasurcus. A. Mai avait proposé de corriger Tasurcus en Panurgus, sans doute sur la foi d’une mention quelques mots plus loin de Roscius, et quelques lignes plus bas, d’Æsopus. L’évocation de Panurge serait plausible dans le contexte. Portalupi pense que Tasurcus est un acteur contemporain de Roscius ou de Fronton lui-même. Paléographiquement, la correction de Tasurcus en Panurgus est osée. Au plan du sens, le passage compare un mauvais élément à un bon (la grâce nautique des grenouilles à celle des dauphins !), un acteur comme Tasurcus à Roscius. On voit mal pourquoi Panurgus serait pris comme exemple d’histrion raté : tout au contraire dans le procès valorise ses talents. La conjecture de Mai ne paraît pas devoir être reprise.
-
[3]
Cic. Arch. 17 ; de Or. 2.233 ; Div. 1.79.
-
[4]
Quint. 9.3.86 ; 11.3.111.
-
[5]
L. D. Reynolds (éd.), Texts and Transmission, A Survey in the Latin Classics, Oxford, 1983, p. 54-98.
-
[6]
P. de Nolhac, Pétrarque et l’humanisme, Paris, 19072, 1, p. 213-268 sur les œuvres de Cicéron, en général, et spécialement p. 251. Nolhac néglige certaines références cicéroniennes sur la vie des deux Roscius homonymes, en particulier Div. 1.79 et Arch. 17.
-
[7]
P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 251.
-
[8]
Il faut prendre garde, pour les mentions du nom Roscius, qu’il existe deux personnages distincts et homonymes : Cic. Att. 2.1.3 (Roscius Othon) ; Div. 1.79 (Roscius le comédien) ; de Or. 2.233 (Roscius le comédien probablement) ; Arch. 17 [Schol. Bob. p. 178, l. 8-9 Stangl] (Roscius le comédien) ; Plin. 7.117 (Roscius Othon) et 128 (Roscius le comédien) ; Val.-Max. 8.7.7 (Roscius le comédien) ; Plut. Cic. 13.2 (Roscius Othon) ; Macr. Sat. 3.14.11-13 (l’auteur mentionne Roscius le comédien mais il peut y avoir confusion partielle dans le § 12, voir note 18). Nous citons ici la référence à Plutarque tout en rappelant que Pétrarque connaissait les auteurs grecs uniquement par les traductions latines. Il avait appris quelques mots de vocabulaire mais ne maîtrisait pas la langue (P. de Nolhac, Pétrarque…, 2, p. 128-129, 135-138 et 187-188). S’il a bien lu des traductions d’Homère ou de Platon, il ne paraît pas qu’il ait eu à disposition un manuscrit qui aurait comporté une traduction latine des Vies parallèles de Plutarque. Cette œuvre ne fut d’ailleurs pas une des priorités des imprimeurs par la suite, l’editio princeps ne date que de 1517 chez Giunta à Florence.
-
[9]
Cicerone, Orazioni, éd. G. Bellardi, Turin, 1975-1981, spéc. vol. 2, p. 1164 ; M. Tullius Cicero : The Fragmentary Speeches, éd. J. W. Crawford, Atlanta, 19942 (1993), p. 209-214. Outre les testimonia cités dans la note 8, signalons que le discours pour Roscius Othon est connu par un unique fragment d’Arusianus Messius, Exempla elocutionum, dans Grammatici Latini 7.490.23 Keil (il s’agit d’un propos sur les ludi) : « Cerealia, Floralia ludosque Apollinares deorum immortalium esse, non nostros ». C’est Arusianus qui donne le sous-titre de l’œuvre : Cum a ludis contionem auocauit.
-
[10]
Voir note 9. Il faut bien distinguer les deux passages de Pline l’Ancien, qui renvoient respectivement à chacun des deux personnages, Roscius le comédien et Roscius Othon.
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[11]
Att. 2.1.3 fait seulement allusion à la législation de Roscius Othon. En revanche, l’épisode qui a donné lieu au discours est raconté dans Plut. Cic. 13.2 (avec une confusion sur le praenomen, Marcus au lieu de Lucius). Mais il est improbable que Pétrarque ait lu une traduction latine de cette biographie (voir note 8).
-
[12]
Fr. von der Mühll, 1914, RE, I-A-1, col. 1126, s. u. Roscius n° 22 ; T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, New-York, 19682, vol. 2, p. 145 et 167 (avec les sources) ; F. X. Ryan, « The Praetorship of M. Roscius Otho », Hermes, 125, 1997, p. 236-240.
-
[13]
Il est vraisemblable que Roscius Othon était cette année-là praetor urbanus et qu’il présidait les ludi Apollinares (F. X. Ryan, « The Praetorship… », p. 238-240).
-
[14]
Pétrarque Rerum memorandarum libri IV, cité infra dans l’éd. G. Billanovich, Francisco Petrarca, Rerum memorandarum libri IV, Edizione Nazionale delle Opere di Petrarca, Florence, 1945, vol. 5/I.
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[15]
Cic. de Or. 2.233.
-
[16]
Macr. Sat. 3.14.9-13 : [9] Sic nimirum M. Cato senatorem non ignobilem Caecilium spatiatorem et Fescenninum uocat, eumque staticulos dare his verbis ait : Descendit de cantherio, inde staticulos dare, ridicularia fundere, et alibi in eundem : Praeterea cantat, ubi collibuit, interdum Graecos uersus agit, iocos dicit, uoces demutat, staticulos dat. [10] Haec Cato, cui, ut uidetis, etiam cantare non serii hominis uidetur : quod apud alios adeo non inter turpia numeratum est, ut L. Sylla, uir tanti nominis, optime cantasse dicatur. [11] Ceterum histriones non inter turpes habitos Cicero testimonio est, quem nullus ignorat Roscio et Æsopo histrionibus tam familiariter usum, ut res rationesque eorum sua sollertia tueretur : quod cum aliis multis tum ex epistolis quoque eius declaratur. [12] Nam illam orationem quis est qui non legerit, in qua populum Romanum obiurgat quod Roscio gestum agente tumultuarit ? Et certe satis constat contendere eum cum ipso histrione solitum, utrum ille saepius eandem sententiam uariis gestibus efficeret an ipse per eloquentiae copiam sermone diuerso pronuntiaret. Quae res ad hanc artis suae fiduciam Roscium abstraxit, ut librum conscriberet quo eloquentiam cum histrionia compararet. [13] Is est Roscius qui etiam L. Syllae carissimus fuit et anulo aureo ab eodem dictatore donatus est. Tanta autem fuit gratia et gloria, ut mercedem diurnam de publico mille denarios sine gregalibus solus acceperit.
-
[17]
Pétrarque Rerum memorandarum libri 1.21, p. 21-22 : « La concession de M. Caton concernant l’acteur Roscius est démesurée et presque ridicule. Il supplie de ne pas le chasser de là où d’autres auteurs l’ont admis, et ne de pas rougir de parler de lui au milieu des réserves d’une bibliothèque, Roscius pour la défense duquel M. Cicéron n’a pas rougi de parler en plein forum et – cela force l’admiration – de réprimander le peuple romain. La raison en est que, Roscius étant en train de jouer, le peuple se montra chahuteur et ne semblait pas lui prêter l’attention souhaitable. Finalement, il ne déplut pas à Cicéron de transcrire par écrit le discours prononcé pour sa défense. En effet, quelle que soit la discipline à laquelle il applique son esprit, qui est capable d’une forte concentration, Cicéron peut prendre en considération la matière qu’on lui présente. Et peu importe que les arts soient différents, le travail est un. Roscius fut ainsi un très célèbre professeur d’art théâtral, il pratiquait son art en travaillant tellement qu’il ne jouait jamais devant le public un rôle qu’il n’eût pas répété auparavant chez lui ; grâce à son application, il en arriva au point que, comme l’écrit Cicéron lui-même, il faut admirer l’audace de ceux qui jouaient sur scène quand Roscius observait leur interprétation. Et la raison en est donnée ensuite : « Quel est celui en effet qui peut se démener sur scène sans que Roscius voie ses défauts ? ». De là vint qu’il gagna un renom immense et beaucoup d’argent, et fut reçu non seulement chez les gens ordinaires, mais chez les célébrités et les dirigeants de la cité, en tout premier lieu, chez Cicéron ; il est notoire que Roscius fut si proche de lui que Cicéron le défendit dans un procès public. En outre, on relève dans les Saturnales que Cicéron avait coutume de se mesurer à Roscius, pour savoir qui saurait varier le mieux l’expression du même texte, Roscius par sa gestuelle, ou lui-même, en diversifiant les formes de son éloquence. Ces rivalités enhardirent Roscius, au point qu’il écrivit un livre comparant les mérites de l’éloquence et de l’art théâtral. Il y fut amené parce que l’une, par le son de la voix, l’autre, par l’expression du corps, semble traduire les mouvements cachés de l’âme, de façon différente mais avec une habileté constante. Tel est l’illustre Roscius, qui, au milieu de tant d’hommes de renom, fut très apprécié de Lucius Sylla et reçut du dictateur l’anneau d’or. La faveur et la gloire dont il jouissait, dit Macrobe, furent telles qu’il reçut un salaire journalier de mille deniers, aux frais de l’État, rien que pour lui seul, sans sa troupe ». On reconnaît dans le texte, outre la paraphrase de Macrobe, les anecdotes connues par Val.-Max. 8.7.7 et Cic. de Or. 2.233.
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[18]
Par ex. Macrobe, éd. N. Marinone, 1977, p. 426, n. 13. Nombre d’éditeurs des fragments cicéroniens ont supposé une confusion entre les deux Roscius, le magistrat et l’acteur de 67, surtout pour le passage 3.14.12 : nam illam orationem quis est qui non legerit, in qua populum Romanum obiurgat, quod Roscio gestum agente tumultuarit. Ils ne citent donc pas la phrase parmi les fragments cicéroniens (par ex. Orelli 1854 ; Puccioni 1972 ; Bellardi 1981). J. W. Crawford (The Fragmentary Speeches…, p. 209, n. 1) rappelle que, quand bien même il s’agirait de Roscius le magistrat, ce ne serait pas une citation du discours Pro Othone, mais un passage qui commémore le succès du discours cicéronien. Ces commentateurs contestent qu’il faille rapporter à Roscius Othon la partie finale du texte (Roscio gestum agente <populus> tumultuarit).
-
[19]
Le temple de Bellone (Enyo) est situé dans la zone du cirque Flaminius. On ne peut donc stricto sensu considérer qu’il s’agit d’un discours in foro. Le temple de Bellone, situé hors du pomerium était un lieu habituel de réunion du Sénat, tout spécialement associé aux délibérations concernant les magistrats triomphateurs, aux réceptions d’ambassadeurs étrangers, utilisé aussi pour les congés ou les retours des proconsuls. Il ne paraît pas avoir été un lieu de réunion pour des assemblées populaires, mais ici il faut sans doute simplement comprendre que Cicéron draîne vers le temple le public du théâtre. Voir A. Viscogliosi dans M. Steinby (éd.), Lexicon topographicum Urbis Romanae, 1993, t. 1, p. 190-192.
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[20]
Macr. Sat. 2.3.10.
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[21]
Cic. Div. 1.79 ; Tusc. 4.55 ; Nat. 1.79 (municipem tuum Roscium dit Cotta répondant à Velleius) ; Plut. Cic. 5. Fr. von der Mühll, 1914, RE, I-A-1, col. 1123-1125, s.v. Roscius n° 16 ; Cl. Nicolet, L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), t. 2, Prosopographie des chevaliers romains, Paris, 1974, p. 1003-1004. Une origine liée à Lanuvium était-elle prêtée à Roscius Othon ? Fr. von der Mühll (1914, RE, I-A-1, col. 1126, s.v. Roscius n° 22) n’en dit rien : la confusion a-t-elle joué là aussi ? Le nomen est assez répandu dans les témoignages épigraphiques.
-
[22]
Cl.-Fr. Fraguier, « Recherches sur la vie de Roscius », Mémoires de littérature tirez des registres de l’Académie royale des Inscriptions et Belles Lettres depuis MDCCXI jusqu’à MDCCXVIII, t. 6, La Haye, Chez Pierre Gosse, 1724, p. 114-143, spéc. p. 116 et 130. Le 23 février 1717, l’abbé Fraguier lut le mémoire qu’il avait consacré à Roscius devant l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Fraguier expliquait qu’il avait d’abord pensé consacrer son enquête à P. Rutilius Rufus, mais qu’Antoine Loisel l’avait devancé ! D’où le choix de Roscius, retenu parce qu’il est un homme illustre. Ce n’est pas tant le plaidoyer lui-même qui intéresse Fraguier que le personnage de Roscius.
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[23]
Fr. von der Mühll, 1914, RE, I-A-1, col. 1125, s.v. Roscius n° 16.
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[24]
Pétrarque n’a pas pu lire le De lege agraria, retrouvé aussi par Poggio, mais il a une connaissance indirecte des épisodes politiques.
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[25]
Pétrarque Rerum memorandarum libri 2.17, p. 53 : « Il demanda l’impunité pour Roscius accusé de troubler l’ordre sur la scène ».
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[26]
Pétrarque Rerum memorandarum libri 4.96, p. 257 : « Parmi les généraux et les rois, on placera Roscius comme le roi des acteurs, lui que Cicéron, sans en rougir, appelle son « cher et délicieux Roscius ». Il était élevé dans la campagne du S(o)lonium et il était encore tout petit et au berceau, lorsque sa nourrice, une nuit, se levant, le vit assoupi, un serpent enroulé autour de lui, formant des nœuds effrayants. À ce spectacle, elle défaillit en poussant des cris. Le père de l’enfant consulta les haruspices sur cet épisode et ils répondirent qu’il n’y aurait rien de plus célèbre ni de plus glorieux que cet enfant. Et si la célébrité de cet homme a bien résidé dans l’art théâtral, ils ne se trompèrent en rien. Pourtant quelle bêtise tenace ! vous voulez prédire à travers des signes divins sa gloire future à un acteur, alors que (Scipion) l’Africain, ce héros, ce général hors-pair, n’a pas mérité un tel prodige ? Qu’un serpent se soit trouvé dans son berceau, ne me paraît pas extraordinaire, et à Cicéron non plus, tout spécialement, comme il dit lui-même avec élégance, dans le S(o)lonium, où les serpents ordinairement grouillaient jusque sur le forum ».
-
[27]
Dans le cas de Roscius, il n’est pas précisé ici qu’il triomphe du serpent. Mais dans beaucoup de ces topoi, l’enfant montre sa puissance future en terrassant l’animal menaçant.
-
[28]
Cic. Div. 1.79 : Quid ? amores ac deliciae tuae, Roscius, num aut ipse aut pro eo Lanuuium totum mentiebatur ? Qui cum esset in cunabulis educareturque in Solonio, qui est campus agri Lanuuini, noctu lumine apposito experrecta nutrix animaduertit puerum dormientem circumplicatum serpentis amplexu. Quo aspectu exterrita clamorem sustulit. Pater autem Rosci ad haruspices rettulit, qui responderunt nihil illo puero clarius, nihil nobilius fore. Atque hanc speciem Pasiteles caelauit argento et noster expressit Archias uersibus ; 11.66 : de ipso Roscio potest illud quidem esse falsum, ut circumligatus fuerit angui, sed ut in cunis fuerit anguis, non tam est mirum, in Solonio praesertim, ubi ad forum angues nundinari solent. Nam quod haruspices responderit nihil illo clarius, nihil nobilius fore, miror deus immortales histrioni futuro claritatem ostendisse, nullam ostendisse Africano.
Le texte a parfois été corrigé en Praxiteles, ce qui n’a pas de sens. -
[29]
Parmi les manuscrits de Pétrarque qui contiennent le De diuinatione, il y a le manuscrit de Troyes (BM 552 ; f. 211 sq. ; Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, 2, 1855, p. 238-240), recueil du début du XIVe siècle, qui contient tout ce qu’un érudit classique avait pu rassembler de Cicéron avant les découvertes propres de Pétrarque. Celui-ci a annoté de près les passages, il est donc certain qu’il a tiré du De diuinatione cet épisode sur Roscius. Voir P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 226-237 ; R. Sabbadini, Le scoperte…, p. 26.
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[30]
Franscico Petrarca, Invective contra medicum, Invettiva contro agli ignoranti medici, éd. P. G. Ricci, trad. ital. D. Silvestri, Rome, 1950, p. 40. « Notre époque a ses propres merveilles : même un technicien se met à écrire des livres ! Et partant de là qui n’accorderait à Roscius le comédien d’écrire des livres de comédie ? Lui aussi était un technicien, mais remarquable, et son talent lui fit mériter non seulement la faveur des généraux les plus illustres, mais encore l’intimité et l’amitié de Cicéron ».
-
[31]
Voir note 16.
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[32]
Voir les chapitres classiques de P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 213-268 ; R. Sabbadini, Le scoperte dei codici latini e greci nei secoli XIV e XV, 2 vol., Florence, 19672 (1905-1914), p. 23-42 ; et G. Billanovich, « Petrarca e Cicerone », Miscellanea Giovanni Mercati, IV, Studi e Testi 124, Rome, 1946, p. 88-106 [repris dans Petrarca e il primo umanesimo, Padoue, 1996, p. 97-116]. On peut désormais compléter par la synthèse d’E. Ornato, « La Redécouverte des discours de Cicéron en Italie et en France à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle », Acta Conventus Neo-latini Bononiensis, Proceedings of the Fourth International Congress of Neo-Latin Studies, Bologna 26 August to 1 September 1979, éd. R. J. Schoek, Binghamton-New York, 1985, p. 564-576.
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[33]
Le plaidoyer fut découvert à Liège par Pétrarque lui-même en 1333.
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[34]
P. de Nolhac, Pétrarque…, 2, p. 239-242. Rappelons pourtant que Pétrarque se trompa en revendiquant la découverte des deux livres cicéroniens tirés d’un De gloria (1, p. 260-268) et figure aussi dans cette liste un traité De re militari. Cette œuvre fut très tôt reconnue comme apocryphe et éditée à titre informatif avec les autres fragments cicéroniens (voir par exemple editio Hervagiana, Basileae, 1534, t. 4, p. 389).
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[35]
Poggio retrouve au cours des mêmes expéditions, à Saint-Gall une grande partie des Argonautiques de Valerius Flaccus, un manuscrit de Quintilien ; puis à Fulda un manuscrit d’Ammien, un autre de Columelle ; en Allemagne, les Silves de Stace ; en Angleterre (au cours d’un voyage effectué après le Concile), le texte de Pétrone…
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[36]
La datation probable de cette découverte durant l’été 1417 est aujourd’hui communément admise (A. Clark, « The Literary Discoveries of Poggio », Classical Review, 1899, p. 119-130, spéc. p. 124-126), malgré les premières hypothèses de R. Sabbadini (Storia e critica dei Testi latini, Padoue, 19712 (1913), p. 5 ; p. 9 n. 2 ; p. 35 ; p. 39), qui avait placé cette découverte en 1423, au retour du voyage effectué en Angleterre en 1422 ; mais Sabbadini avait changé d’avis entre les publications des volumes Storia e critica… et Le scoperte… : il proposait finalement une datation en 1417 (Le scoperte…, t. 1, p. 81 et t. 2, p. 191-193). À l’appui de la datation en 1417, Sabbadini cite une lettre de Poggio à Francesco Pizzolpasso, qu’il date du 18 septembre 1417 : Scias uelim me multa ueterum excellentium uirorum monumenta diligentia mea reperisse. Nam bis Halamaniam peragraui solus. Nouissime autem, quod triumphi loco est, septem reperi M. Tulli orationes, que antea amisse erant : quarum tres sunt contra legem agrariam, quarta in Pisonem senatu, quinta pro A. Cecina, sexta pro C. Rabirio postumo, septima pro C. Rabirio perduellionis reo item octaua pro Roscio comœdo, cui deest principium et finis.
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[37]
Peut-être bien chez Nicolas de Clamanges, voir E. Ornato, « La Redécouverte… », p. 570 et 576 n. 53.
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[38]
Sur les conditions de récouverte des discours au milieu de la poussière et des papiers entassés, voir la souscription de Poggio (Vat. Lat. 11458, f. 94r) : Has septem M. Tullii orationes, que antea culpa temporum apud Italos deperdite erant, Poggius Florentinus perquisitis plurimis Gallie Germanieque [biblyothecis] summo cum studio ac diligentia biblyothecis cum latentes comperisset in squalore et sordibus in lucem solus extulit ac in pristinam dignitatem decoremque restituens Latinis musis dicauit [ce colophon figure également dans Laur. Plu. 48.26 ; fac simile dans A. Clark, Inventa Italorum, Anecdota Oxoniensia 11, Oxford, 1909, hors-texte et p. 9-10 pour le commentaire]. Il faut admettre que Poggio lui-même ne mentionne pas formellement Cologne. Cette hypothèse fut formulée en premier lieu par E. Walser, Poggio Florentinus, Leben und Werke, Leipzig, 1914, p. 58.
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[39]
In ecclesia cathedrali Coloniae sunt due bibliothece, quarum Poggius noster uidit illam que est uulgatior, in qua reperit quasdam Ciceronis orationes ; aliam uero que est penitus recondita uidere non potuit propter absentiam custodis illius. De hac ipsa audiuit multa miranda [cité par R. Sabbadini, Storia e critica…, p. 9 ; O. Pecere, « La “subscriptio” di Statilio Massimo e la tradizione delle “Agrarie” di Cicerone », IMU, 25, 1982, p. 73-123, spéc. p. 91-92].
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[40]
La lettre daterait de 1475-76, elle est adressée à Cicco Simonetta. Le parallélisme avec le texte de N. Niccoli est frappant : In ecclesia cathedrali Colonie sunt due bibliothece quarum Poggius uidit illam que est uulgatior : in qua reperit illas septem Ciceronis orationes. Aliam uero que est penitus recondita uidere non potuit propter absentiam custodis. De hac ipse audiuit multa admiranda. Voir N. Rubinstein, « An Unknown Letter by Jacopo di Poggio Bracciolini on Discoveries of Classical Texts », IMU, 1, 1958, p. 383-400, spéc. p. 399 pour la citation ; O. Pecere, « La “subscriptio”… », p. 91-92. Le texte complet de la lettre est transcrit aux p. 397-400. Rubinstein (p. 394) s’interroge pour savoir d’où Jacopo tirait le renseignement sur le lieu exact de la découverte : peut-être disposait-il d’une indication fournie directement par Poggio. De fait, Poggio lui-même n’avait pas pris soin de spécifier l’endroit où ces manuscrits cicéroniens étaient conservés. Pecere (p. 92, note 44) se démarque complètement de Rubinstein sur ce point et ne croit pas à une source d’information familiale. À la suite d’A. Campana (« La copia autografa delle otto orazioni ciceroniane scoperte da Poggio nel 1417 », Ciceroniana, 1, p. 65-68 [= Atti del I colloquium Tullianum, Rome-Arpino, 30 sept.-2 oct. 1972]. », spéc. p. 66), Pecere ne croit pas à une découverte en bloc mais privilégie l’hypothèse de trois lieux distincts (p. 92, note 45). Il est peu vraisemblable que si Poggio avait trouvé en bloc les sept discours, il ne les eût pas copiés à la suite. Or il laisse en blanc deux folios après l’invective In Pisonem et à la fin du premier groupe de discours, aux folios 23r-32v, il insère des notae de Valerius Probus et de Marius Victorinus. De même, un autre folio est laissé en blanc à la fin du fascicule contenant le Pro Caecina. Les remarques de Poggio sur la difficulté de son travail, dans la chaleur humide et la poussière, ne seraient pas de convention mais traduiraient les conditions réelles de la copie, particulièrement pénibles.
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[41]
L’apographe de Poggio comporte une annotation marginale en fin : deficit residuum. La perte de la partie terminale du discours est ancienne ; J. Ruysschaert, Catalogo dei Codices Vaticani Latini, Codices 11414-11709, Cité du Vatican, 1959, p. 93.
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[42]
Le manuscrit ne figure pas dans l’inventaire des livres dressé à la mort de Poggio en 1459. Voir E. Walser, Poggio Florentinus…, p. 418-423.
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[43]
R. Sabbadini, Storia e critica…, p. 36-38.
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[44]
Ce manuscrit (olim Badia 540) contient divers discours de Cicéron dont le Pro Caecina, les discours De lege agraria, In Pisonem. Mais les quatre derniers textes du manuscrit, dont trois discours de Cicéron (Pro Rabirio Pisone, Pro Rabirio perduellionis reo, Pro Roscio Comœdo), quoique figurant explicitement au début de l’ouvrage dans l’index des textes (où se distinguent plusieurs mains différentes), ne se trouvent plus dans le codex. Voir F. Del Furia, Supplementum alterum ad catalogum Bibliothecae Laurentianae, 4 vol., Florence, 1846, 1.2, p. 879-889 et R. Blum, La biblioteca della Badia fiorentina e i codici di Antonio Corbinelli, Studi e testi 155, Rome, 1951, p. 140.
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[45]
Sur les conditions dans lesquelles il a disparu : M. Tulli Ciceronis orationes, éd. A. Clark, vol. 4, Oxford, OCT, 1909, praef. p. vii.
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[46]
A. Bandini, Catalogus codicum Latinorum bibliothecae Laurentianae, 5 vol., Florence, 1774-1777, spéc. 1775, p. 453-456. Le manuscrit comporte quelques corrections en marge, quelques ratures. Le catalogue de Bandini indique que le codex fut la propriété d’Antonio Petreio, chanoine de San Lorenzo, bibliothécaire de la Laurentienne, et qui appartint à l’Académie romaine de Pompeius Laetus. Sur le personnage, voir P. de Nolhac, Pétrarque…, 1, p. 183, n.1 et R. Sabbadini, Le scoperte…, p. 206.
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[47]
A. Bandini, Catalogus codicum…, 1775, p. 455-456 ; L. Laurand, Les manuscrits de Cicéron dits Lagomarsiniani, dans Cicéron, th. compl., Paris, 1934, p. 230-242 ; P. L. Schmidt, Die Überlieferung von Ciceros Schrift « De legibus » in Mittelalter und Renaissance, Munich, 1974, p. 421-423, Appendix 2, « Die Kollationen G. Lagomarsinis ». G. Lagomarsini (1698-1773) était originaire d’Espagne mais effectua ses travaux scientifiques en Italie. Il avait en vue une reprise complète des textes cicéroniens et de leurs variantes, d’où la collation qu’il effectua sur les manuscrits (G. Castellani, « La mancata edizione delle opere ciceroniane di G. Lagomarsini S. I. », Archivum Historicum Societatis Iesu, 8, 1939, p. 33-65, spéc. p. 37). À l’exception du Pro Fonteio publié en 1692 à Leyde (Lugduni Batavorum, apud Petrum Vander Aa), il ne publia pas ses notes et seules deux tables gravées à fac-simile parurent à Florence en 1741 chez C. Albizzini (C. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, 3e éd. refondue d’après A. et A. De Backer, Bruxelles, 1890-1900, t. 4, p. 1367-1368).
Le Vat. Lat. 11620 f. 208r-246r contient les uariae lectiones sur le Pro Roscio comœdo. On peut retrouver les références des manuscrits consultés par les dates que Lagomarsini a pris soin de reporter sur les originaux (entre le 16 mai et le 7 juillet 1740 pour ce discours), et quelquefois par la mention de notabilia (f. 223v l’appartenance du Laur. Plu. 48.26 à Pierre de Médicis par exemple). Les variantes sont présentées sous forme de deux colonnes, manuscrit par manuscrit.
Le Vat. Lat. 11648 f. 23r-27v présente les commentaires de Lagomarsini sur ce discours. Ceux-ci en fait sont largement repris de ceux de Paolo Manuzio et Charles de Mérouville, avec mention, en abrégé, de ces emprunts.
Le Vat. Lat. 11652 f. 258v-309r offre les leçons que Lagomarsini avaient retenues pour son édition, disposées sous forme de colonnes (il ne s’agit pas d’un texte en continu).
Toutes ces séries de notes sont mises en forme dans le Vat. Lat. 11676 f. 145r-170v. Il s’agit là véritablement de l’exemplaire qui aurait pu servir à l’imprimeur, si Lagomarsini eût pu mener à bien son projet. Le codex contient l’ensemble du texte latin avec entre crochets, insérées dans la rédaction, les variantes et le renvoi aux manuscrits qui les comportent. Une autre collation autographe importante reste celle conservée à la Marucelliana sous la cote B.III.44.
Les grands éditeurs du XIXe siècle se sont tous servis de ces travaux : Niebuhr le premier en 1820 pour le Pro Fonteio et le Pro Rabirio (voir la notice de K. G. Jacob, Barthold Georg Niebuhr’s Brief an einen jungen Philologen, Leipzig, 1839, p. 89-90 ; M. D. Reeve, « Codici tedeschi di Cicerone », Ciceroniana, 6, 1988, p. 77-88, spéc. p. 77), puis Zumpt pour les Verrines et le Pro Murena, Classen pour le Pro Cluentio, Peyron pour le Pro Milone… Et surtout, pour réaliser la deuxième édition Orelli (Turin, 1854), Baiter et Halm eurent recours à ces collations alors conservées au Collegio Romano (J. E. Sandys, A History of Classical Scholarship, 3 vol., Cambridge, 1908, t. 2, p. 378 et t. 3, p. 80), bien que finalement, Lagomarsini lui-même n’eût point publié son édition complète du corpus cicéronien. Les collations de Lagomarsini avaient été un temps soustraites à la consultation publique et l’article de Fr. Th. Ellendt (« Wissenschaftliche Reisen », Intelligenzblatt der allgemeinen Literatur-Zeitung, 14, mars 1836, Litterarische Nachrichten, p. 113-115) montre tout l’enthousiasme que suscita leur redécouverte au début du XIXe siècle. Le philologue Friedrich-Theodor Ellendt (1796-1855) était un bon spécialiste des œuvres rhétoriques de Cicéron. Il effectua en 1835 un voyage en Italie pour collationner à Milan, Florence et Rome les manuscrits de l’orateur, dont il avait édité le Brutus en 1825 et dont il publia le De oratore en 1840. Dans le compte rendu de ses découvertes codicologiques, Ellendt souligne les difficultés d’accès à cette documentation, que les Jésuites avaient d’ailleurs, peu de temps après son passage, à nouveau interdite à la consultation. -
[48]
Les manuscrits Laur. Plu. 48.7, 48.8, 48.13, 48.20 et 48.24, tous conservés aujourd’hui à Florence paraissent dériver d’un modèle commun, au moins pour ce discours (A. Bandini, Catalogus codicum…, 1774, t. 1, p. 431-434 ; S. Rizzo, Catalogo dei codici della Pro Cluentio Ciceroniana, Gênes, 1983, sub numero cuiusque codicis). À l’exception du premier de ces manuscrits, qui est copié sur papier, il s’agit de parchemins, parfois illustrés assez luxueusement. Le manuscrit 48.8 a appartenu à Pierre de Médicis, fils de Cosme. Les armes des Médicis figurent sur les autres. De même un manuscrit du Couvent de Santa-Croce, copié au XVe siècle, semble relever de cette série d’apographes : Florence, S. Croce 14 sin. cod. 9 (A. Bandini, Catalogus codicum…, 1776, t. 4, p. 114). Ce codex comporte des enluminures et des rubriques. C’est un ouvrage soigné, qui contenait des armes mais elles ont été effacées. Les 760 manuscrits du couvent de Santa Croce sont entrés à la bibliothèque Laurentienne en 1767.
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[49]
De façon générale, sur les copies de textes cicéroniens effectuées ou conservées dans les pays germaniques, voir L. F. Coraluppi, « I manoscritti della familia germanica del “de lege agraria” di Cicerone », ACME, 36-1, 1983, p. 147-159 ; M. D. Reeve, « Codici tedeschi… », p. 77-88 et « The “Familia Cusana” of Cicero’s speeches “De lege agraria” and “In Pisonem” », in C. Leonardi et B. Munk Olsen, The Classical Tradition in the Middle Ages and the Renaissance, Proceedings of the First European Science Foundation Workshop on “The Reception of Classical Texts” (Florence, Certosa del Galluzzo, 26-27 June 1992), Spoleto, 1995, p. 57-74. Coraluppi (p. 147, n.1) rappelle le détail des manuscrits distinguant ceux qui relèvent de la famille poggienne, et ceux qui appartiennent à la famille cusane (dont les mss Laur. Plu. 48.7, 8, 13, 24) ; à son tour, Reeve estime que le volume dont parle Poggio, l’antiquum uolumen sur lequel il a recopié le Pro Roscio et les autres nouveaux discours, ne peut être le même que celui sur lequel furent recopiés les discours De lege agraria et In Pisonem (« Codici tedeschi… », p. 84 n.32 et « The “Familia Cusana”… », p. 59). Ce dernier archétype germanique est plutôt à l’origine de la famille dont relèvent le Vat. Pal. Lat. 1525 (année 1467) et de ses quelques manuscrits parents datant du XIVe siècle (L. D. Reynolds et N. G. Wilson, D’Homère à Erasme, La transmission des classiques grecs et latins, trad. fr. C. Bertrand, mise à jour par P. Petitmengin, Paris, 1988, p. 84).
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[50]
Lettre de Nicolas de Cues au cardinal Orsini, février 1429. Voir M. Tulli Ciceronis orationes, vol. IV, éd. A. Clark, Oxford, OCT, 1909, praef. p. xi ; id., Inventa Italorum…, p. 24 ; F. Coraluppi, « I manoscritti della familia germanica… », p. 147. Derrière l’expression familia Cusana, il faut comprendre que Nicolas de Cues était possesseur d’un manuscrit rapporté d’Allemagne, peut-être le uolumen ingens et egregium qu’il a remis aux mains de Cesarini à Bâle peu avant janvier 1433 et qui contenait toutes les œuvres de Cicéron sauf les lettres (R. Sabbadini, Le scoperte…, t. 2, p. 19-20). En tout état de cause, soit il a recopié le modèle des manuscrits qu’on classe aujourd’hui dans la familia Cusana directement sur l’apographe poggien, soit les deux codices furent recopiés sur le même original. O. Pecere (« La “subscriptio”… », p. 93) considérait que les intuitions de Sabaddini (Le scoperte… p. 111, n.22 ; Storia e critica… p. 49) étaient vérifiées et que le manuscrit vu par Nicolas de Cues à Cologne était le même que celui découvert par Poggio. Les notes de Poggio sont confuses dans la description qu’il fait du manuscrit trouvé à Cologne : contenait-il aussi le De legibus, le De fato et divers fragments ? Si oui, ce serait le volume remis à Giuliano Cesarini par Nicolas de Cues ensuite. Il paraît en tout cas certain que Nicolas de Cues a eu accès aux textes de Cologne, quel que soit le contenu du manuscrit retrouvé, tout spécialement dans les copies qu’il tira du De lege agraria et de l’In Pisonem (M. D. Reeve, « The “Familia Cusana”… », spéc. p. 59). Le contenu du codex Cusanus, la date de son arrivée en Italie, sont l’objet de débats complexes (voir surtout L. Coraluppi, « Sul codice cusano delle orazioni di Cicerone », Scripta philologa, 2, 1980, p. 17-49). Les manuscrits et les lectures qui viendraient des copies cusanes se seraient propagés selon les uns en 1429, et selon les autres, peut-être à partir de 1433, à la faveur du concile de Bâle. M. D. Reeve (« The “Familia Cusana”… », p. 74) revient sur l’hypothèse que le Cusanus soit passé aux mains du cardinal Giordano Orsini, au début de 1430, à son arrivée à Rome, mais penche plutôt pour l’hypothèse bâloise en 1433.
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[51]
G. Migliore (1740-1789) fut l’élève du chanoine Alessio-Simmacho Mazzocchi (qui fut le premier à publier la Tabula Heracleensis) et aussi de Nicolò Ignarra. Devenu professeur de grec et de latin au Collège royal de Naples, il suivit en 1764 Francesco Carafa, le futur cardinal, à Ferrare, où il enseigna l’éloquence, les antiquités grecques et romaines, pour devenir finalement préfet des études à l’Université. Sa célébrité lui valut la citoyenneté locale. L’abbé Migliore reste connu pour ses compétences en épigraphie latine (E. de Tipaldo, Biografia degli Italiani illustri nelle scienze, lettere ed arti del secolo XVIII, t. 4, Venise, Tip. Di Alvisopoli, 1837, s.v.).
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[52]
Dans la traduction latine de Jérôme.
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[53]
Description complète par J. Fohlen dans Manuscrits classiques latins de la Bibliothèque Vaticane, sous la direction d’E. Pellegrin, avec la collaboration de C. Jeudy et Y.-Fr. Riou, Paris, 1982, p. 19-26 ; pour plus de détails, voir J. Fohlen, « Recherches sur le manuscrit palimpseste Vatican, Pal. Lat. 24 », Scrittura e civiltà, 3, 1979, p. 195-222. Le parchemin comporte des folios d’époques très différentes, copiés en Italie entre le IIIe et le VIe s., réutilisés entre le VIe et le VIIIe s. Les folios 10-15, 38-53 et 54-71 sont palimpsestes et proviennent de dix manuscrits fragmentaires. Le manuscrit a été complété plusieurs fois en Italie puis en Allemagne, dépecé puis relié à diverses reprises.
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[54]
Dans la Praefatio du volume Titi Livi Historiarum Libri XCI fragmentum ????????? descriptum et recognitum a Vito M. Giovenazzio et Paullo Iacobo Bruns, ex schedis uetustissimis bibliothecae Vaticanae, eiusdem Giovenazzii in idem Fragmentum Scholia, Romae, ex officina Arcangeli Casaletti typographi et bibliopolae ad D. Eustachii, 1773, p. ii-v. C’est le récit le plus détaillé quant à l’historique de la découverte. Sur cette édition, voir note 60.
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[55]
Publié sous le nom de Salluste, dans ce qui est en fait une histoire de Rome rédigée par Ch. de Brosses, adaptant les sources littéraires : Salluste, Histoire de la République romaine, Dijon, chez L. N. Frantin, 1777. Outre qu’il mentionne la redécouverte récente du livre 91 de Tite-Live dans ses deux préfaces (t. 1, p. vi et t. 2 p. 239), le Président de Brosses détaille l’épisode dans une longue note (t. 2, p. 575-578). Après la description du manuscrit original, il relate le retour précipité de Bruns en Allemagne sans avoir achevé à Rome le déchiffrement, et mentionne ses propres tentatives pour compléter le texte. L’édition de Bruns à Hambourg est jugée sans conteste supérieure à celle de Giovenazzi à Rome, ouvrage dont le cardinal de Bernis avait procuré à Ch. de Brosses un exemplaire.
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[56]
Détails des passages dans J. Fohlen, Les manuscrits classiques latins…, p. 23-24.
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[57]
Le palimpseste est la seule source qui fasse connaître les passages liviens consacrés à Sertorius et à la prise de Contrebia. Outre l’editio princeps et la publication cicéronienne de B. G. Niebuhr que nous évoquons note 71, il faut se reporter à l’annexe de Th. Mommsen, T. Livi ab urbe condita III-VI quae supersunt in codice rescripto Veronensi, Berlin, 1868, p. 207-215. Mommsen n’avait pas vu personnellement le palimpseste, que P. Krüger contrôla pour lui, sans recourir à des réactifs chimiques.
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[58]
V. M. Giovenazzi (1727-1805), jésuite, enseignait à Naples la poésie et la littérature grecques, après y avoir professé la philosophie et la théologie. Il finit son existence à Rome. Voir C. Sommervogel, Bibliothèque…, 3, p. 1429-1433, s.v. Giovenazzi ; G. G. Fagioli Vercellone, Dizionario biografico degli Italiani, Rome, 2001, t. 56, p. 418-420, s.v. Giovinazzi (Giovenazzi, Juvenazzi).
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[59]
P. J. Bruns, originaire du Holstein (1743-1814), passa à cette époque environ trois ans à parcourir la Fance, l’Angleterre et l’Italie à la recherche de manuscrits. C’est surtout un spécialiste de la Bible hébraique et aussi de la patristique grecque ; il devint professeur de théologie à Helmstädt.
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[60]
G. Migliore, De nonnullis Ciceronis, ut uidentur, Fragmentis ex eodem Vaticano Codice excerptis Epistola, dans Titi Livi Historiarum fragmentum ?????????, éd. V. M. Giovenazzi et P. J. Bruns, Naples, apud Domenicum Terres et filios, 1773, p. 93-99 (= ed. Iuuenatiana). C’est dans cette édition que les notes de Giovenazzi sont les plus développées. Outre l’édition de Naples, il avait paru, dans la même année, deux éditions, à Rome puis Rome-Leipzig, avec un fac-simile du manuscrit : d’abord, Titi Livi Historiarum Libri XCI fragmentum ????????? descriptum et recognitum a Vito M. Giovenazzio et Paullo Iacobo Bruns, ex schedis uetustissimis bibliothecae Vaticanae, Eiusdem Giovenazzii in idem Fragmentum Scholia, Romae, ex officina Arcangeli Casaletti typographi et bibliopolae ad D. Eustachii, 1773. Cette édition est reprise presque à l’identique, mais augmentée d’une préface d’Ernesti, et le volume, en réalité, paraît sans doute seulement à Leipzig (je dois à J.-L. Ferrary la suggestion qu’il s’agit d’une pseudo-édition romaine) : Titi Livi Historiarum Libri XCI fragmentum ????????? descriptum et recognitum a Vito M. Giovenazzio et Paullo Iacobo Bruns, ex schedis uetustissimis bibliothecae Vaticanae, Eiusdem Giovenazzii in idem Fragmentum Scholia cum praefatione Io. August. Ernesti, Romae et Lipsiae, apud Io. Fr. Gleditsch, 1773. Dans les deux éditions de 1773 (ex officina Arcangeli Casaletti ; apud Io. Fr. Gleditsch) le volume ne comprend ni les commentaires de Migliore, ni les fragments cicéroniens. La préface de F. Cancellieri est reproduite à l’identique, voir note 65. Le rôle de Cancellieri dans cette édition fut de rédiger une introduction historique, et d’ajouter à la transcription diplomatique et aux notes élaborées par Giovenazzi la proposition de quelques lectures différentes (p. xxxiii-xxxiv éd. Casaletti ; p. xxix-xxx éd. Gleditsch).
D’autres éditions furent données en 1773 à Paris (apud Nic.-Aug. Delalain, sans les scholies de Giovenazzi), à Hambourg (version abrégée semble-t-il, mais nous n’avons pu la consulter), à Paris encore en 1794 (avec une trad. de J.-E. Hardouin). -
[61]
Par exemple pour fucatum officium dans Planc. 22 ou Att. 1.18 ; de même pour la conjonction de simplex et apertum sur Caecin. 2 et Off. 1.30…
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[62]
Voir le récit de F. Cancellieri dans l’édition de Rome, ex officina Arcangeli Casaletti typographi et bibliopolae ad D. Eustachii, 1773, praefatio, p. iii. Bruns avait constaté que les passages retrouvés ne coïncidaient pas avec les extraits connus du Pro Sextio Roscio Amerino, d’où l’hypothèse qu’il s’agissait du Pro Q. Roscio comœdo.
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[63]
Giovenazzi fut bien le premier à identifier les passages comme étant ceux qui concernent Sertorius. Une contestation naquit autour de cette paternité, voir p. lxi-lxviii de l’éd. Casaletti et p. lxxvii-lxxxvi de l’éd. Gleditsch. L’identification des passages liviens avait été entourée d’une très vive polémique, au point que l’arbitrage du pape Clément xiv fut requis et une commission d’enquête confiée au tout nouveau cardinal Xavier de Zelada (voir G. G. Fagioli Vercellone, DBI…, p. 419 : Giovenazzi était au centre de la cabale). Cancellieri n’avait eu aucun mérite dans la découverte initiale et dans l’attribution livienne, mais, en terme de notoriété, il fut le principal bénéficiaire de l’arbitrage papal (A. Petrucci, DBI, Rome, 17, p. 736-742, s.v. Cancellieri, spéc. p. 741).
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[64]
G. G. Fagioli Vercellone, DBI…, p. 419. L’auteur de la notice indique que Giovenazzi aurait d’abord été mis à l’écart de la découverte.
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[65]
Tout comme la dédicace, la préface de l’édition de Naples n’est pas signée. J’ai pu consulter un exemplaire ayant appartenu à G. Ferraioli (Rome, le 15 mai 1870, notes liminaires manuscrites ; B.A.V. Ferraioli IV.7324), qui s’interrogeait et pensait qu’il ne pouvait s’agir que de Migliore ou de Giovenazzi. Contre la mention figurant en haut de la p. 9, il excluait Domenico Terres, l’imprimeur : « …Chi sarà l’autore della dedicatoria e della prefazione ? Forse il Migliore ? o il Giovanezzi ? À coup sûr non il Terres, che molto probabilmente nemmeno sapea il latino ». La préface occupe les p. 9-16 du livre. Si Terres ne savait effectivement pas ou mal le latin, on voit difficilement qu’il ait rédigé ces pages dans une langue pure et classique. Faut-il admettre que la préface de l’éditeur ait été écrite pour l’imprimeur par un des auteurs (ce dont Ferraioli faisait l’hypothèse) ? La mention uir doctus disertissimusque aurait alors été ajoutée par Terres, à moins que l’un des auteurs n’ait parlé de lui-même avec emphase. On ne peut résoudre la question en consultant l’autre version de l’editio Iuuentiana parue à Rome (ex officina Arcangeli Casaletti, 1773) : les fragments de Cicéron ou réputés tels ont disparu et la préface, différente, est signée de Francesco Cancellieri. Cette préface de 1773 avait été sa première publication ; Bruns et Giovenazzi lui avaient confié l’édition des fragments trouvés en 1772. Cancellieri assigne bien au Pro Sex. Roscio Amerino les passages en question : quod orationis pro Quinctio initium putauerant, inueniunt pro Sexto (p. iv). Le constat est identique pour l’édition Io. Fr. Gleditsch, 1773 (voir note 60).
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[66]
Le manuscrit contient l’incipit du discours Pro Roscio Amerino : 1-5 partim (credo ego… possim). Voir note 74.
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[67]
M. Tulli Ciceronis Opera omnia deperditorumque librorum fragmenta, éd. C. G. Schütz, 20 vol., Leipzig, G. Fleischer, 1814-1823 (voir spécialement vol. 16, 1814 et vol. 50, 1817) et M. Tullii Ciceronis opera, éd. C. G. Schütz, 16 vol., [Orationes, 5 vol.], Turin, Pomba, 1823 (voir spécialement vol. 8, 1826).
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[68]
La version est celle d’Ernesti t. 4, 1776, Fragmenta, p. 1134-1135. Une seule variante est repérée pour le fragment 3 : Ernesti donne simplex apertumque et Schütz simplex et apertum. La question demeure de savoir qui a amélioré la lecture du Pal. Lat. 24 entre la version donnée par Migliore et celle publiée par Ernesti. Aucune note de l’édition Ernesti ne permet de le dire, seule figure en tête la mention e codice manuscripto Vaticano. Sur les éditions : M. Tulli Ciceronis Opera omnia ex recensione Io. Aug. Ernesti cum uariae lectionis Gruterianae et claue Ciceroniana, éd. J. A. Ernesti, 4 vol. en 6 tomes, Halis Saxonum, Sumptibus Orphanotrophei, 1773-17774 ; t. 1, 1774 ; t. 2, pars prima, 1773, Pro Roscio comœdo, p. 90-109 ; t. 4, fragmenta, 1776, p. 1134-1135).
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[69]
M. Tullii Ciceronis orationum Pro Scauro, Pro Tullio et In Clodium fragmenta inedita etc., éd. A. Peyron, Stuttgart, 1824.
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[70]
M. Tullii Ciceronis quae supersunt omnia ac deperditorum fragmenta, éd. J. C. Orelli, 9 vol. en 11 t., Turin, 1826-1837 [Orationes, vol. 21, Pro Roscio comœdo, 1826]. Orelli (p. 75 in apparatu) citait Migliore et Ernesti : « Ceterum de bellis illis fragmentis, quibus Caietanus Melior, Ernestius Fragmm. p. 1222 et Sch. Fragmm. t. 16, 2, p. 50 e Cd. Vaticano auxerunt hanc orationem, consule Niebuhr Fragmm. Oratt. p. 79 et 102 ». La redécouverte des passages incriminés se faisant en 1772, il est parfaitement logique de ne pas retrouver mention des passages chez Ernesti dans la première édition de Cicéron en 1737 à Leipzig, ni dans la réédition à La Haye, 1756-17572. La quatrième et dernière édition anthume d’Ernesti parut en 1773-1777 (Halis Saxonum, in Orphanotropheo, 4 vol. en 6 t.). On y trouve bien les fragments faussement attribués au Pro Roscio comœdo (t. 4, 1776, Fragmenta, p. 1134-1135), même si ce n’est pas celle qui est citée par Orelli, qui travaille à l’évidence sur une édition postérieure. La référence à Ernesti reste confuse – même en se reportant à l’Onomasticon Tullianum, où Orelli détaille la bibliographie cicéronienne (1836, 1, p. 197 sqq.). Sans doute s’agit-il d’une des rééditions augmentées du début XIXe siècle, peut-être celle de 1820-1824.
On pourrait croire qu’Ernesti a changé d’avis sur la question, si on en juge par les différences entre les deux éditions du livre 91 de Tite-Live en 1773 : celle de Naples comprenait les fragments de Cicéron, les commentaires de Migliore et une préface anonyme ; celle de Leipzig en revanche, si elle est bien accompagnée d’un avant-propos d’Ernesti, ne fait plus place à Cicéron ni à Migliore. La préface d’Ernesti constitue surtout un historique de la découverte et en souligne l’importance. Dans la republication de la préface d’Ernesti (1794, p. 425-428, Praefatio ad Titi Liuii historiarum libri fragmentum ?????????), il n’est pas davantage question des fragments du Pro Roscio comœdo. Ernesti était mort depuis 1781 mais c’est bien l’édition de Leipzig, sans les pseudo-fragments du Pro Roscio comœdo, qui fait autorité. Dès lors peut-on attribuer à Ernesti la rectification de l’erreur, plutôt qu’à Niebuhr ? Le fait qu’en 1776, dans le quatrième volume des œuvres cicéroniennes, il ait édité les prétendus fragments, laisse entendre qu’il avait fait sienne l’hypothèse de Migliore et l’avait poussée plus loin, allant jusqu’à attribuer les pages spécifiquement au Pro Roscio comœdo. Dès lors, c’est bien Niebuhr qui a rectifié l’erreur de Migliore, aggravée par Ernesti puis reprise par Schütz. -
[71]
M. Tulli Ciceronis orationum pro M. Fonteio et pro C. Rabirio fragmenta, T. Livii lib. XCI fragmentum plenius et emendatius, L. Senecae fragmenta ex membranis bibliothecae Vaticanae, éd. B. G. Niebuhr, Romae, Ex Typographia De Romanis, 1820, p. 9 (Brunsium … irritum gaudium concepisse quasi principium orationis pro Q. Roscio Comœdo inuenisset) ; p. 79 (à propos de l’attribution du passage « qui hasce ore… » au Pro Roscio comœdo : quod …ea omnia ad orationis pro Q. Roscio Comœdo initium rettulerunt, id quidem flagitiosum ac ridendum est) ; p. 102 (où Niebuhr signale simplement les attributions par Migliore des fragments de Sénèque à Cicéron) ; p. 103 (avec une critique des lectures du palimpseste par Migliore et un rétablissement de l’ordre des fragments).
Niebuhr connaissait l’édition de Giovenazzi au moins depuis 1816 et l’avait rapidement signalée dans une lettre à l’Académie de Berlin (B. G. Niebuhr, Briefe 1816-1830, éd. E. Vischer, 4 vol., Berne, 1981). En réalité, ce courrier (10 décembre 1816, n° 18 éd. Vischer, p. 108-113, spéc. p. 111) insistait sur la publication par Niebuhr lui-même de fragments inédits du Pro Fonteio, sur le Pro Rabirio retrouvé dans sa totalité, mentionnant au passage les fragments de Tite-Live édités par Giovenazzi (Jetz brennen mir die Augen über den Columnen, die Giovenazzi vom Livius ausgelassen hat : vieles habe ich schon : alles zu lesen wird unmöglich seyn) et surtout le trésor que constituent les fragments de Sénèque (Dann ist noch ein wahrer Schaz da : moralische Fragmente von Seneca). Nul mot sur le Pro Roscio comœdo, car Niebuhr n’avait vu que l’édition de Rome (c’est en tout cas celle qu’il cite 1820, p. 9 et il déplore p. 10 de n’avoir pas eu en mains lors de son envoi pour l’Académie de Berlin l’édition napolitaine de Migliore : hunc Melioris librum, in Germania inuisitatum). Dans une autre lettre adressée au philosophe F. H. Jacobi (11 janvier 1817, n° 22 éd. Vischer, p. 121-129, spéc. p. 124), il rappelle sa principale découverte (le manuscrit de Gaius à Vérone) et signale aussi les nouveautés romaines dans des termes très voisins de ceux employés pour son courrier à l’Académie : Nur drey Blätter vom verlornen Anfang der Rede pro Fonteio ; anderthalb vom Schluss der Rede pro Rabirio, und einige Erbärmlichkeiten von Seneca habe ich bis jetz gefunden. Rien n’est dit sur l’existence d’éventuels fragments du Pro Roscio comœdo. Dans ces deux lettres, Niebuhr parle de ses propres découvertes, récentes, sur Cicéron et ne mentionne le livre de Giovenazzi qu’en passant. Les différences entre les deux éditions, celle de Naples et de Rome paraissent expliquer l’absence d’écho quant aux prétendus fragments du Pro Roscio comœdo. -
[72]
A. Mai, « Intorno a’ frammenti di Seneca nel codice vaticano-palatino XXIV », Giornale Arcadico di Scienze, Lettere ed Arti, 8, 1820, p. 233-236. Dans l’édition des fragments cicéroniens qu’il avait donnée en 1814, A. Mai ne parlait logiquement pas des passages du Pro Roscio, puisqu’il éditait des textes retrouvés dans les collections ambrosiennes (M. Tullii Ciceronis trium orationum, Pro Scauro, Pro Tullio, Pro Flacco, partes ineditae, Milan, 1814). La polémique suscitée par les éditions Fronton ou de Cicéron était prolongée par l’opuscule de réponse aux objections : De editionibus principibus mediolanensibus fragmentorum Ciceronis atque operum Frontonis commentationes, Milan, 1817.
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[73]
M. Tullii Ciceronis quae supersunt omnia, editio altera emendatior, éd. J. C. Orelli, J. G. Baiter et K. Halm, Turin, 18452-1862 [Orationes, 18542-1856, vol. 21, Pro Roscio comœdo, éd. établie par G. Baiter, avec des conjectures de Th. Mommsen et L. Spengel]. C’est Mommsen qui vérifia les manuscrits conservés à Florence (Plut. 48.25 et 90 sup. 69.2).
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[74]
Folios 123, 124, 127 et 128 avec au f. 128 col. 1 : […] incipit/ […] Roscio
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[75]
E. A. Lowe, Codices latini antiquiores, 1.The Vatican City, Cité du Vatican, 1934, p. 23 ; J. Fohlen, Manuscrits classiques latins…, p. 24.
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[76]
E. A. Lowe, Codices latini antiquiores…, p. 21 (avec un fac simile) ; J. Fohlen, Manuscrits classiques latins…, p. 20-21.
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[77]
Le texte est publié par F. Haase, L. Annaei Senecae opera quae supersunt, Supplementum, Leipzig, 1902, p. 33-34, fragments 89-97 pour le De amicitia. Le fragment 97 correspond à l’extrait que Migliore publia en 1773. Niebuhr avait le premier donné la version exhaustive du texte figurant aux folios 40r-v du palimpseste (éd. 1820, p. 99-104, spéc. p. 102-103 pour les passages précédemment déchiffrés par Migliore, avec des modifications de lecture et d’ordre des fragments : Amicum autem ubique inueniri sine ullo labore, sine ulla investigatione ? Quid enim tam simplex apertumque est ? Atqui non tam in alto latet aurum argentumque…). W. Studemund a repris les lectures de Niebuhr et les a complétées (in O. Rossbach, De Senecae philosophi librorum recensione et emendatione, Breslau, 1888). Le traité est commenté par E. Bickel, « Zu Senecas Schrift über die Freundschaft », RhM, 60, 1905, p. 190-201. Aucun ne remet en cause l’attribution à Sénèque.
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[78]
f. 47-52. E. A. Lowe date ces folios du Ve siècle (Codices Latini antiquiores…, p. 22). J. Fohlen, qui suit cette datation, renonce à en proposer une lecture et les qualifie d’illisibles (Manuscrits classiques latins…, p. 19, n. 1).
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[79]
Cicéron, Pro C. Rabirio perduellionis reo, éd. V. Marek, Teubner, Leipzig, 1983, praefatio, p. 54-55. Les fragments de la fin du discours sont ceux qui furent pour la première fois édités par B. G. Niebuhr en 1820.
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[80]
A. Campana, « La copia autografa… », p. 67 ; éd. J. Axer, Bibliotheca Teubneriana, Leipzig, 1976, praef. v.
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[81]
J. Ruysschaert, Catalogo…, p. 95.
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[82]
Le groupe des manuscrits du Collège romain entra à la Bibliothèque apostolique en 1912. Voir J. Bignami Odier, La Bibliothèque Vaticane de Sixte IV à Pie XI. Recherches sur l’histoire des collections de manuscrits, Cité du Vatican, 1973, p. 256-257 ; et aussi R. Devreesse, Pour l’histoire du fonds Vatican grec dans Collectanea Vaticana in honorem Anselmi M. card. Albareda, t. 1, Studi e Testi 219, Cité du Vatican, 1962, p. 315-336, spéc. p. 336.
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[83]
Le nombre huit présente d’ailleurs une difficulté dans la mesure où Poggio lui-même et les autres érudits de son temps parlent dans leur correspondance des septem orationes (notes 36, 38, 40). Quel discours est donc exclu ? Il se pourrait qu’il faille mettre à part le Pro Caecina, parce que le discours avait été retrouvé à Langres tandis que les autres l’avaient été probablement à Cologne. Mais on peut aussi parfaitement supposer que le discours exclu soit le Pro Roscio comœdo, cité en rang huit dans la lettre à Pizzolpasso (voir note 36) et surtout considéré comme mutilé. C’est cette interprétation qu’avait privilégiée A. Campana, « La copia autografa… », p. 66-67. Dans l’inventaire de Jacopo, le fils de Poggio (voir note 40), le Pro Caecina et le Pro Roscio comœdo sont mentionnés, ce sont les deux discours Pro Rabirio qui sont confondus. Sur l’ensemble de ce débat, voir L. Coraluppi, « Sul codice cusano… », p. 36-46.
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[84]
Le Pro Roscio comœdo occupe les folios 14v à 22v. Pour une description détaillée du manuscrit, ses cahiers, les différents états de sa numérotation, les folios en blanc etc., voir L. Coraluppi, « Sul codice cusano… », p. 45.
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[85]
A. Campana, [s. t.] dans Nel cinquantesimo di « Studi e Testi », 1900.1950, Rome, 1950, p. 79.
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[86]
J. Ruysschaert, Catalogo…, p. 93-96.
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[87]
B. Ullmann, The Origin and Development of Humanistic Script, Rome, 1960, p. 38 et 48-49.
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[88]
Cicéron, In L. Calpurnium Pisonem, éd. R. Nisbet, Oxford, 1961, p. xxv-xxvi.
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[89]
La publication de J. Axer, Leipzig, 1976 remplace dans la Bibliotheca Teubneriana le volume de Klotz 1922, qui prend la suite de l’éd. Müller 1880. Axer a travaillé seulement sur microfilms. Campana avait annoncé à plusieurs reprises une publication sur le Vat. Lat. 11458, mais elle n’a jamais vu le jour. Sur ce savant, voir désormais R. Avesani (éd.), Testimonianze per un maestro. Ricordo di Augusto Campana, Rome, 1997 ; C. Pedrelli (éd.), Omaggio ad Augusto Campana, Cesena, 2003.