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Article de revue

Le i bref de datif singulier athématique : les règles d'une élision homérique et tragique

Pages 65 à 82

Notes

  • [1]
    « À propos du vers 843 des Bacchantes d’Euripide : la question de l’élision du iôta bref final du datif singulier chez les Tragiques », REG 113/2, 2000, p. 611-615.
  • [2]
    Paris, Les Belles Lettres, Bacch., 802-803, commentaire ad loc.
  • [3]
    « Textkritisches zu den Septem des Aischylos », Hermes 94/3, 1966, p. 257-266.
  • [4]
    Esch., Pers. 850, Soph., O.C. 1436, Tr. 675, Eur., Alc. 1118, fr. 21 (Nauck) pour G. Müller ; Esch., Suppl. 7, Eur., I.A. 809 pour B. Deforge.
  • [5]
    On se propose cependant de revenir ailleurs sur la question de l’élision dans tous ses aspects, tant théoriques que pratiques, pour tenter de cerner l’usage des auteurs grecs aussi bien que la doctrine des grammairiens de l’Antiquité, dont la tradition philologique ultérieure est tributaire.
  • [6]
    M. Lejeune, Phonétique historique du mycénien et du grec ancien, Paris, 1972, § 364-368. Voir également E. Schwyzer, Griechische Grammatik I, Munich, 1939, p. 402-403.
  • [7]
    R. Kühner, F. Blass, Ausführliche Grammatik, I.1, Hanovre, 1966 (= 1890), p. 230-240.
  • [8]
    Attesté à plus de vingt reprises dans les Commentarii ad Homeri Iliadem et Odysseam, le mot concerne, à quelques exceptions près, de véritables élisions. Par ailleurs, quand ???????? ne signifie pas « pression, action de presser » (Arist., Epic., Gal.) ou « oppression, accablement » (LXX), le lexème désigne également la suppression d’une lettre à l’intérieur d’un mot – comme dans ??????? pour ???????? (Ap. Dysc., Conj. 230, 10).
  • [9]
    Pour une analyse critique de la tradition grammaticale sur ce point, cf. Fr. Spitzner, De Versu Graecorum heroïco, maxime Homerico, Leipzig, 1816, chap. V, pp. 161-165.
  • [10]
    Sont exclus du dossier les thèmes en -i-, en -u- et en -s-, dans la mesure où ils posent des problèmes particuliers qu’il conviendrait d’examiner de manière spécifique. Pour de brèves indications, cf. infra § 10.
  • [11]
    Le fait qu’une formule soit répétée n’implique pas forcément une identité complète du contexte syntaxique : ainsi qu’on le constatera plus bas, la variation est parfois très sensible, comme entre ? 5 et ? 385, ? 398 et ? 35 ou ? 106 et ? 364, soit dans trois cas sur quatre.
  • [12]
    On entend ici le terme « indice », au sens où l’emploie L. J. Prieto (Messages et signaux, Paris, 1966, p. 118-119) : se définit comme indice le fait qui « élimine toutes les possibilités qui composent l’univers du discours auquel il se réfère à la seule exception de celle qui se réalise effectivement ».
  • [13]
    Sur cette notion, on se reportera à G. Gougenheim, Système général de la langue française, Paris, 1938, p. 99 : parmi les trois catégories d’« oppositions qui existent entre les morphèmes » dans la syntaxe, la « servitude grammaticale » est « une contrainte extérieure au sujet parlant [qui] lui impose l’usage exclusif d’un morphème dans des conditions données ».
  • [14]
    « La désinence [étant] la face signifiante du monème fonctionnel dont le cas est la face signifiée, la présence et la distribution des désinences sont régies par un ensemble de règles qu’on peut nommer la “syntaxe des désinences” », dont on sait que, « dans la plupart des langues indo-européennes, … [elle] se réduit à une règle simple : dans le syntagme nominal coordinatif, asyndétique, appositif, épithétique, tour double, la désinence figure obligatoirement à la fin de chaque lexème » (Jean Haudry, « La “syntaxe des désinences” en indo-européen », Actes de la session de linguistique d’Aussois (4-8 septembre 1978), volume dactylographié publié par l’université de la Sorbonne nouvelle et l’École normale supérieure, Paris, sans date de publication, section D, p. 1-20).
  • [15]
    Cf. « Introduction au tokharien » (Lalies 7, 1989, p. 5-224), p. 72-74. Il s’agit du procédé consistant dans cette langue à affecter d’un seul morphème fonctionnel un syntagme nominal de type copulatif. Pour d’autres exemples de la « flexion de groupe » en védique et en avestique, cf. J. Haudry, L’emploi des cas en védique, Lyon, 1977, p. 461-436 et art. cit., p. 3-11. Cependant, à la différence de ces deux études, qui ont été menées dans une optique comparative, nous limitons l’emploi de cette expression à la description synchronique.
  • [16]
    La traduction, sauf indication particulière, est de François Mugler, Œuvres d’Homère, vol. 1, L’Iliade, Paris, 1989, vol. 2, L’Odyssée, Paris, 1991.
  • [17]
    Cf. notamment le début de vers formulaire ????? ??????? (? 295) ou sa variante ????? ?????? (? 322).
  • [18]
    Cf. entre autres ? 343 (?? ??? ? ?? ???????? ??????? ??????????) et ? 295 (?? ????, ?? ???????? ??????? ??????????).
  • [19]
    De même, avec un complément d’objet différent, B 451 (… ?? ?? ?????? ????? ?????? / ?????? ???????? ?????????? ??? ????????), ? 335 (?? ?? ????? ???????? ????????? ?? ????? ?????) et ? 218 (… ???? ???????? ?? ??????? ???? ????????).
  • [20]
    Ainsi, ? 456 (??? ??? ????????? ?????? ?????? ??????) et ? 341-2 (… ?????? ?????? ?????? / ???? ??????, avec rejet du datif, en début de vers, comme en ? 589).
  • [21]
    Le cas serait unique dans notre corpus et contraire à l’économie générale qui paraît régler l’élision des i brefs de datif singulier. Par ailleurs, rien dans les vers qui précèdent ne permet de rapprocher ? 35 des exemples examinés plus bas, § 9.
  • [22]
    Le présent exemple présente en outre une difficulté particulière, qui relève de la diction formulaire : la forme ??????? se signale en effet par une scansion anomale de l’iota, due à la finale longue de datif. La raison en est très probablement la déclinaison d’une formule qui, à un autre cas que celui auquel elle nous a été transmise, serait parfaitement métrique, comme dans le syntagme ???????? ?????? # (Hésiode, Op. 674). Ainsi, pour ? 385, on peut penser à un SN au nominatif singulier * # ???? ???????? ou au nominatif-accusatif pluriel * # ????? ??????? (pour un emploi d’????? au premier pied, cf. I 326 : # ????? ?? ??????????).
    Pour la seconde attestation homérique d’???????, en ? 5, qui a été abondamment discutée dans la tradition grammaticale, cf. infra § 7 et note 25.
  • [23]
    La cause en est ou le dédoublement du syntagme nominal affecté par l’élision en structures parallèles coordonnées ou son expansion par une ou plusieurs épithètes et/ou un autre syntagme nominal apposé, dont la structure peut également être complexe.
  • [24]
    Pour la construction de ????? cum dativo rei, cf. ? 312 (????????? ????), ? 35 (????? ?? ????), etc.
  • [25]
    Nous retenons cet exemple, contre une partie des commentateurs (Schwyzer, Gr. Gr. I, p. 403, avec renvoi à Kühner-Blass, I.1, p. 234-235), qui refusent l’élision pour prendre en compte l’iota final d’??????, donné par une partie de la tradition manuscrite. Pourtant cette option paraît irrecevable, dans la mesure où un début du vers ?????? ??????? ?????????? est amétrique, qu’on le lise :
    /asterjopø:rinø:(j)enali÷kion/ ou /asteri(j)opø:rinø:(j)enali÷kion/.
  • [26]
    Nous préférons traduire au plus près du texte, étant donné que le poète ne mentionne pas d’emblée le gigantisme de la jeune Lestrygonne, dans une attitude fréquente à époque ancienne à l’égard de la monstruosité (sur ce point, cf. J. Peigney, conférence prononcée à l’Université de Caen, le 12 avril 2000, dans le cadre du CERLA-Équipe « Mythe et psychè », et consacrée à « L’imaginaire du corps dans la représentation des peuples des confins : Homère, Hérodote »).
  • [27]
    Pour une contruction identique, sans disjonction, cf. ? 682 (… ???? ?? ??? ?? ?????????) et, avec disjonction, ? 463 (… ?? ??? ?? ????? ??? ?????? ????? / ?????? ?????????? …).
  • [28]
    Aux vers 851-852, où Patrocle mourant s’adresse à Hector dans une sorte de « contre-????? », c’est sans doute, plus que le souci de la cohésion textuelle, le caractère pathétique des conditions d’énonciation qui explique la référence insistante à la deuxième personne du singulier, de ??? ???? à ???? ???.
  • [29]
    Cf. ? 442 (… ???? ?? ?? ???? ???????) ou ? 483 (… ???? ?? ??? ???? ?????? ???????).
  • [30]
    On ne citera pas ici les innombrables exemples de la formule … ???… ????? ??????? # (? 479, etc.), ni de ses variantes à l’accusatif singulier (? 653, ? 444) ou au nominatif pluriel (? 848).
  • [31]
    Sur 42 occurrences (en dehors de ? 324 et à l’exclusion du génitif pluriel ???????, où la question de l’abrègement ne se pose pas), on ne relève aucune exception, la syllabe intérieure de ?????? (et ??????), ?????? et ?????? constituant toujours le premier pied d’un dactyle, tandis qu’au pluriel la syllabe intérieure de ??????? et ??????? peut aussi se rencontrer au temps faible d’un spondée, ces formes étant alors suivies d’un mot à initiale consonantique.
  • [32]
    « Disquisitiones de pronominum personalium formis homericis », Mnemosyne NS 13, 1885, p. 188-221, et en particulier p. 189 et note 2.
  • [33]
    The Iliad : a Commentary, general editor G.S. Kirk, vol. V, Cambridge, 1991, commentaire ad loc.
  • [34]
    Au total, 10 fois, dont 6 dans l’Iliade et 4 dans l’Odyssée.
  • [35]
    Grammaire homérique, vol. II, Paris, 1953, p. 313-314.
  • [36]
    B 113 (= B 128 = ? 716) et ? 240.
  • [37]
    Voir J. van Leeuwen, art. cit., p. 189, note 1. Il faudrait y ajouter l’unique cas de thème en -u- sans alternance prédésinentielle (non homérique, il est vrai) : ????? ??? ??????? ?????????? ?????? (HH Ap. 210), mentionné par Fr. Spitzner (art. cit. p. 172), pour être aussitôt écarté.
  • [38]
    Cf. Kühner-Blass, p. 236, et, en particulier, I. Bekker, Homerische Blätter, Bonn, 1863, p. 139 et note 34, ainsi que J. La Roche, Homerische Textkritik im Alterthum, Leipzig, 1866, p. 297-298. On notera comme révélateur de l’a priori qui conditionne le débat le dernier argument de La Roche : pour lui, accepter l’élision pour les thèmes en -??- reviendrait à l’admettre aussi pour les thèmes en -??-, ce que cet auteur refuse, mais qui nous semble parfaitement envisageable.
  • [39]
    Cf. ? 316 (????? ?? ??? ????? ?????? ????, ???? ??????, « elle me prépara à boire en une coupe en or ») et ? 136 = ? 283 (… ??????? ?? ??? ?? ???? ???? / ???????? ???? ???? ?????????, ?? ?? ?? ????? / ???? ??? ?????? ????????, « après quoi la mer t’enverra la plus douce des morts, qui ne te prendra qu’épuisé par une vieillesse bénie »).
  • [40]
    Cf. Chantraine, Grammaire homérique, vol. I, Paris, 1958, p. 209 et n. 3, pour des renvois bibliographiques, ainsi que Kühner-Blass, I.1, p. 236.
  • [41]
    Pour une description minutieuse des faits, cf. en dernier lieu L. Threatte, The Grammar of Attic Inscriptions, Berlin/New-York, 1980, p. 418-426. Par ailleurs, faute de pouvoir examiner les thèmes en -??- dans leur ensemble, on ne dira rien des datifs singuliers du type # ????? ???????? (? 348), où, en regard des formes trisyllabiques comme ?????, la longue finale notée par le digramme ?? s’abrège en hiatus. De plus, à côté des exemples très probables d’élision, il existe un nombre significatif de cas où, devant consonne et au temps fort, le digramme ?? correspond à une longue. Dans ce domaine, on perçoit l’utilité d’une étude globale, qui n’a cependant pas sa place ici.
  • [42]
    La liste des exemples retenus pour la présente discussion est donnée supra note 4, à quoi on ajoutera bien entendu Eur. Ba. 843.
  • [43]
    On remarquera la note de F. Jouan (ad loc.), qui souligne la difficulté de construire ??????? avec l’accusatif et invoque comme solution une analogie avec les verbes signifiant s’approcher de ou atteindre, ce qui n’est guère convaincant.
  • [44]
    Pour une argumentation circonstanciée, cf. B. Deforge, art. cit., p. 614.
  • [45]
    Au-delà de la difficulté concernant l’attribution des répliques, on se reportera utilement au commentaire de G. Müller, art. cit., p. 262-263.
  • [46]
    Les éditeurs adoptent généralement, à la suite de Dindorf, la correction ????? ???, alors que les manuscrits présentent ????? ???, ou la graphie avec scriptio plena ????? ???. Nous préférons suivre G. Müller (art. cit., p. 262) pour ses remarques très fondées concernant la construction du verbe dans le contexte proche et l’absence, dans le rôle de la Reine, de tournures avec la forme atone du pronom possessif.
  • [47]
    Alors que les manuscrits attestent bien la leçon ?????? ?, l’édition Nauck, que nous suivons pour le reste, adopte la correction d’Erfurdt : ?? ?????? ????????, qui nuit pourtant à la cohérence du texte pour ce qui est de l’emploi de l’article.
  • [48]
    Nous suivons ici le texte retenu par G. Müller. Jebb corrige en ????? ???? ?????? ?????, tandis que l’édition des Belles Lettres garde la forme élidée pour en faire un accusatif rattaché au groupe de ??????.
  • [49]
    ??? ?? ???????? ??????, citation due à Ath. (XIII 604 f), que signalent J. van Leeuwen (art. cit. p. 188, n. 1) et G. Müller (art. cit. p. 263).
  • [50]
    V, 85 : ??? ??? ????? ??????.
  • [51]
    Cf. Esch. P. 913 : ??????? ??? ???? ????? ???? / ????? ??????? ???????? ?????, que Jebb (commentaire ad O.C. 1436, in Sophocles, Plays and Fragments, vol. II, Cambridge, 19003, p. 289) récuse au prétexte d’un accord « ???? ???????, since ??????? ???? ???? = ????? ?? ???? ».

11. Dans une livraison récente de la Revue des Études Grecques[1], Bernard Deforge, s’intéressant à un vers des Bacchantes, propose, pour résoudre la difficulté que présente le texte, d’admettre contre la tradition l’élision d’un i bref constituant la désinence d’un datif singulier athématique. Si cette solution, économique à tous égards, emporte l’adhésion, il reste cependant à revenir sur les conditions générales d’une élision qui, admise pour la langue homérique, est ordinairement récusée pour les textes tragiques, sans que cette divergence de traitement soit jamais explicitée. On examinera donc ici la question en essayant d’identifier les mécanismes en jeu dans une élision, puis en reprenant les exemples homériques et tragiques où un i bref de datif singulier athématique s’élide, pour tenter de déterminer quelles règles précises s’appliquent alors.

22. Quand on observe avec B. Deforge les vers 842-843 des Bacchantes :

??? ???????? ???? ?? ?????? ?????? ????.
??????? ?? ?????? ?? ???? ???????????,
il faut constater que sa proposition de restaurer un datif singulier ?????? ?(?) a le mérite de réduire deux des trois « anomalies » signalées par Jeanne Roux dans son édition de 1972 [2] : l’asyndète et l’anacoluthe, due à l’incohérence entre le nombre du participe ??????? (supposé être au duel) et le singulier de ???????????. La démonstration de B. Deforge est très convaincante, en dépit de tous ceux, grammairiens et commentateurs, qui condamnent a priori l’élision dans la langue tragique du i bref de datif singulier athématique : la discussion s’appuie sur l’article de Gehrardt Müller [3], aux cinq exemples duquel B. Deforge joint deux autres passages [4] ; l’argument invoqué à propos d’??????? est l’extrême vraisemblance d’un datif, à la fois demandé par la structure syntaxique ?? ???? et annoncé par le pronom ???? qui termine le vers précédent. Ainsi, sauf à s’obstiner dans un refus de principe ou à se soumettre contre l’évidence des faits au diktat d’un argument d’autorité, on pourra souscrire à cette explication, admettant par là même, à la suite de G. Müller et de B. Deforge, qu’un i bref de datif singulier athématique peut à l’occasion s’élider, non seulement dans l’épopée, mais aussi dans la langue tragique.

33. Toutefois, en l’absence d’indications concernant les conditions générales d’une telle élision, il nous a semblé qu’il pouvait être utile de déterminer ce qui dans les textes, d’Homère aux Tragiques, l’autorise ou l’interdit. L’idéal aurait été d’élargir l’investigation à tous les types d’élision, mais le cadre restreint d’un article ne s’y prêtait guère [5]. On se contentera donc d’un corpus limité aux datifs singuliers de la flexion athématique, sans pour autant négliger l’examen des synthèses fournies par les diverses descriptions du grec ancien.

4Le phénomène de sandhi qu’est l’élision résulte, on le sait, d’une tension entre la commodité d’éviter la dissonance d’un hiatus et la perte d’information qui découle de la suppression d’un phonème final. Les grammaires du grec ancien énoncent ainsi un certain nombre de règles précisant les limitations de principe que subit l’élision selon le timbre de la voyelle terminant le mot concerné ou selon sa longueur : on relève, pour reprendre les observations de M. Lejeune [6], que le phénomène, s’il est usuel pour les voyelles brèves de timbre e, a ou o, est moins fréquent quand il s’agit d’un i bref, voire d’une diphtongue à second élément i ; par ailleurs, parmi les monosyllabes, seuls ceux qui sont terminés par un e bref s’élident systématiquement, tandis que les mots polysyllabiques dans leur ensemble sont réputés plus sensibles à l’élision, à l’exception toutefois de ???? (exception constante), de certaines formes verbales (pour lesquelles l’ionien-attique tend à éviter l’hiatus en recourant à la nasale éphelcystique) et des datifs singuliers athématiques (élision mise en doute hors de la tradition homérique).

5Le dossier de Kühner-Blass [7], plus complet, comporte davantage de nuances, puisqu’il opère la distinction entre cas réguliers, où l’élision s’applique de manière systématique, et cas particuliers, dus aux libertés que se donnent les auteurs, essentiellement les poètes, et qu’il présente (p. 230-231) une définition de l’???????? – au sens restreint où l’emploie le plus souvent Eustathe [8] –, que les Anciens notaient par l’apostrophe et englobaient dans la synalèphe [9]. On relève même une tentative pour cerner les conditions de l’élision : « die Silben, die die Elision erfahren, sind sämtlich nur solche, welche wenig Gewicht haben, daher namentlich die Flexionsendungen, und zwar am häufigsten die auf einen kurzen Vokal anlautenden. » Toutefois, dans la pratique, le manuel signale incidemment, à propos du datif singulier athématique, que l’élision ne s’observe que lorsqu’elle ne nuit pas à la cohésion de l’énoncé – « wenn der Zusammenhang der Rede eine Verwechslung mit dem Akkusative nicht zulässt » –, ce qui contredit l’allégation concernant le peu de poids d’une voyelle désinentielle finale, mais dans le même temps fournit un critère pertinent pour apprécier la validité d’une élision.

6Mais en fait, dans la perspective descriptive et normative qu’adoptent les grammaires, on ne relève pas d’informations plus précises sur le (ou les) principe(s) pouvant conditionner l’élision, bien que l’on perçoive confusément que le statut du mot concerné y joue un rôle : un mot accessoire – préposition, préverbe, particule, voire pronom personnel atone – peut perdre sa finale vocalique sans dommage pour la compréhension de l’énoncé dans lequel il apparaît ; en revanche, dans la flexion nominale ou verbale, la disparition d’un phonème vocalique final peut obscurcir, du moins partiellement, l’identification d’un temps, d’une personne ou d’un cas, ce qui explique l’usage préférentiel en ionien-attique de la nasale éphelcystique pour un nombre important de formes verbales et pour les datifs pluriels en -??.

74. Or, à défaut de pouvoir mener ici une étude d’ensemble, il nous a paru que le cas du i bref de datif singulier athématique était exemplaire, puisque son élision est à la fois rare et possible. Les exemples homériques relevant des thèmes consonantiques et des thèmes en -??? [10], sur lesquels l’unanimité s’est faite depuis la grammaire de Kühner-Blass, constituent un corpus de base permettant de rechercher les éventuels critères autorisant l’élision. Les exemples tragiques, pour la plupart controversés, serviront quant à eux à tester la validité de ces premières conclusions.

8Ainsi, on scrutera d’abord un premier lot de 20 attestations, dont 4 répétitions formulaires, réparties comme suit entre les deux parties de l’épopée :

  • ? 259, ? 5 (= ? 385), ? 277, ? 544, ? 589, ? 88, ? 289, ? 854, ? 64, ? 693, ? 26, soit 12 occurrences pour l’Iliade ;
  • ? 250, ? 62, ? 398 (= ? 35), ? 302 (= ? 480), ? 106 (= ? 364), soit 8 exemples pour l’Odyssée[11].
Quant à l’analyse des vers où apparaît une élision de la désinence de datif singulier athématique, on l’a menée en s’interrogeant systématiquement sur la manière dont se maintient, malgré l’élision, l’intelligibilité globale du message et sur l’existence éventuelle de conditions favorisant le phénomène à moindre coût pour la qualité de la communication. Il en résulte une présentation des exemples classés, en premier lieu, selon la quantité d’information qui subsiste après l’élision : en effet, il se révèle, dans la moitié des occurrences homériques, que la présence d’un seul indice [12] dans le contexte immédiat peut être tout à fait suffisante, cependant que la seconde moitié des exemples présente sous des formes variées un cumul d’indices qui crée une redondance tout à fait comparable à celle qui, affectant chaque élément d’un syntagme nominal d’un morphème fonctionnel, est de règle dans la syntaxe d’accord en grec ancien.

95. Dans le premier cas de figure, on observe que l’indice unique relève tantôt de la « servitude grammaticale » [13], phénomène de loin le plus fréquent, tantôt d’une pratique dérogatoire à la « syntaxe des désinences » [14] habituellement en usage dans la langue grecque, qu’on pourrait appeler, à la suite de Georges-Jean Pinault, « flexion de groupe » [15].

10Les cas de « servitude grammaticale » simple, au nombre de sept, se caractérisent par une absence totale de marque casuelle, dans un syntagme nominal à constituant unique en relation étroite avec un verbe.

11– Il s’agit le plus souvent de passages où un nom propre se trouve être le second ou le troisième actant d’un verbe. Ainsi, pour le second actant, on peut invoquer [16] :

• ? 64… ???? ??? ???? ??????? ????
?????? ???????? ????? ????? ??????????.
« son noble corps était si las d’avoir poussé Hector près de la venteuse Ilion »,

12où l’élision porte sur le complément du participe ????????, lequel se construit régulièrement avec le datif [17] ;

13• ? 398, où ??????? ne peut être que le régime, au datif, de ??????? dans le cadre tant d’un emploi formulaire [18], que de la comparaison dans sa totalité, où le vers 394 présente une construction analogue :

?? ?? ??? ?? ???????? ?????? ???????? ?????
395??????, ?? ?? ????? ?????? ??????? ????? ??????,
????? ?????????, ???????? ?? ?? ????? ??????,
???????? ?? ??? ??? ?? ???? ????????? ??????,
?? ?????? ???????? ??????? ???? ??? ???.
« Comme des enfants sont heureux de voir revivre un père qu’une terrible et longue maladie avait cloué au lit ; la cruauté d’un dieu en avait sa proie, mais fort heureusement les autres dieux l’en ont guéri : de même Ulysse, quand il vit la terre et la forêt ».

14Concernent en revanche l’élision de datifs constituant le troisième actant d’un verbe :

• ? 544Z??? ?? ????? ?????? ???????? ?? ????? ????
« Alors Zeus tout-puissant remplit Ajax d’une peur bleue »,

15construction confirmée notamment par celle du vers ? 362 :

????????? ??????? ?????????? ?? ????? ???? [19] ;
• ? 589? ?????, ??????? ???????? ??? ????????,
????? ???????????? ??? ??????? ?????? ????
??????, ?? ???????? ???????? ?
« Chers compagnons, guides et conseillers des Achéens, halte-là ! demi-tour ! Sauvez Ajax du jour fatal. Il est accablé par les traits »,

16d’autres passages de l’Iliade assurant la construction de ????? avec le datif [20].

17— On peut également considérer comme cas de « servitude grammaticale » étendue l’emploi d’un circonstant, à condition qu’il apparaisse dans un contexte formulaire, qui renforce le lien syntaxique plus lâche entre le datif élidé et le verbe. Ainsi, les vers

? 302… ????? ??? ??????????? ???? ?????
????????? ???? ??????, ??? ?????? ???? ??????,
????? ????????????? ?
« (Alors mon brave cœur me conseilla de m’approcher et) de tirer le glaive aigu qui pendait à ma cuisse, pour le planter là où le diaphragme tient au foie, non sans l’avoir palpé »,

18et

? 480?? ??? ??????? ???? ???????, ????? ????????
????? ????????????? ??????? ???? ??????????.
« Car Athéna détournait son esprit, tandis qu’Ulysse saisissait d’une main sa vieille nourrice à la gorge »,

19qui répondent, pour la construction du verbe, à ? 591 :

??? ????? ??????? ? ????? ??? ????? ????????.
— Signalons enfin le cas particulier de ? 35 :
?? ?????? ???????? // ??? ???? ???????.
« De même Ulysse eut joie à voir le soleil se coucher ».
On observe ici un emploi analogique de la construction attestée en ? 398. En effet, la formule originelle ?? ?????? ???????? ??????? – qui répond au schéma général suivant :

20/2nd actant au datif dans une séquence initiale - ? ? | - ? + ???????? ???????/ –

21se trouve abrégée lors de sa juxtaposition avec la fin de vers formulaire ??? ???? ???????, qui évoque la fin du jour et marque une étape dans la narration. La forme ?????? ?(?), de second actant, devient alors datif éthique, lequel entretient par nature une relation moins étroite avec le verbe. Il nous paraît donc plus vraisemblable d’attribuer l’élision au statut syntaxique d’actant verbal qu’a le datif en ? 398, plutôt que de la croire autorisée dans un datif éthique à constituant unique [21].

226. Au titre des élisions accompagnées d’un indice unique, il convient d’examiner, après les nombreux exemples de « servitude grammaticale », les deux cas illustrant la « flexion de groupe », qui se distinguent par la présence d’un seul morphème de datif :

• en ? 62… ? ?? ????? ?????????? ??? ????
????? ?????????? ??????? ??????? ???????.
« Elle était là, chantant d’une voix douce et faisant courir sa navette d’or sur le métier »,

23on a affaire à un circonstant exprimant le moyen, où seul le premier élément du syntagme nominal, adjectif épithète, est doté d’une marque casuelle ;

• en ? 385?? ?? ??? ??????? ???? ??????? ??????? ????
????? ???????, ??? ?????????? ???? ????
Z??? …
« Parfois une tourmente écrase et assombrit la terre, lorsque, par un jour d’automne, Zeus déverse toute l’eau du ciel… »,

24le syntagme nominal affecté par l’élision est un circonstant à valeur temporelle, où le morphème de datif est également porté par la détermination adjective, ici postposée, du substantif [22].

257. Le second volet du corpus homérique intéresse, quant à lui, les occurrences où le cumul des indices aboutit à la redondance, qui se réalise sous des espèces multiformes. On rencontre ainsi plusieurs exemples (§ 7-8) associant, en contiguïté syntaxique et dans le contexte restreint d’un vers ou deux, une « servitude grammaticale » – laquelle peut être due à la rection d’un verbe, d’un adjectif ou d’une préposition – à la « flexion de groupe », sous une forme simple ou complexe [23]. Mais il existe également deux passages (§ 9) qui relèvent d’un type différent, tant par la nature des constituants du syntagme comportant une élision que par la disjonction de ces constituants : la cohésion textuelle y est sauvegardée par la présence dans les vers précédents de repères divers permettant de lever l’ambiguïté due à l’élision.

26— On note une première occurrence où un syntagme nominal à deux constituants, second actant d’un verbe [24], présente du fait de l’élision une seule marque de datif :

? 277????? ?? ?? ?????? ????????, …
« Lors, ravi [de ce] présage, Ulysse … ».

27— L’économie des morphèmes casuels est identique en

? 5???? ?? ?? ??????? ?? ??? ??????? ???????? ???,
?????? ??????? ??????????, ?? ?? ???????
??????? ?????????? ?????????? ????????
« Elle embrasa son casque et son écu d’un feu vivace, aussi étincelant que l’est l’astre des jours d’automne, quand il émerge, radieux, du sein de l’Océan »,

28même si, dans ce cas, le datif est appelé par la construction de l’adjectif ?????????? [25].

29– Enfin, en ? 693, la servitude grammaticale est due à la préposition interposée entre le substantif (élidé) et son épithète :

?? ?? ??? ??? ?????? B???? ??????????? ?????
???? ?? ?????????
« Comme, sous le frisson de Borée, un poisson sursaute sur l’algue du rivage… ».
8. Les exemples suivants diffèrent des précédents en ce que la « servitude grammaticale » se combine à la « flexion de groupe » dans des structures syntaxiques complexes, amplifiées soit par la répétition d’un syntagme nominal, soit par l’expansion, plus ou moins étoffée, du syntagme affecté par l’élision : alors, le nombre de morphèmes fonctionnels qui constituent le morphème discontinu de datif y varie selon le nombre de syntagmes coordonnés ou apposés et celui des épithètes.

30— Dans cette catégorie, les syntagmes nominaux prépositionnels sont bien représentés, avec les prépositions ?? ou ??? :

• ? 259????????, ???? ??? ?? ??? ?????? ?????????
???? ??? ??????? ??? ?????? ??? ????
??? ?? ?????, ??? ??? ?? ????????? ?????? ?????
??????? ?? ??????? ??? ??????? ????????.
« Des Danaens aux prompts coursiers, c’est toi Idoménée, que j’estime le plus, au combat ou à d’autres tâches, voire au cours des festins, lorsque les chefs argiens mélangent dans le cratère un vin d’honneur aux reflets flamboyants »,
• ? 289?? ??? ??? ?? ????? ?????????? ?? ???????,
??? ?? ?? ?????? ?????? ????? ????? ???? ??? ???? ?
« Si de près ou de loin un coup te frappe en plein effort, ce n’est pas par-derrière, sur la nuque ou dans le dos (qu’il tombe)… »,
• ? 88?? ??? ??? ??????? ???? ??? ??????? ????????????
« Les uns suivaient Hector et le parfait Poludamas… »,
• ? 364?????? ?? ???? ?????? ??? ??????? ?????????
???????? ??????, ??? ????????? ???? ??????.
« Car elle m’avait élevé aux côtés de [Ctimène au long voile, sa vaillante fille], le dernier de ses enfants ».

31— Cependant, la « servitude grammaticale » peut aussi être celle d’un actant, comme en

• ? 26???? ?????? ??? ????? ????????, ???? ???? ????
???? ?????????? ???? ?????????? ?????
« Sur ce point, tous les dieux d’en haut étaient du même avis, excepté Poséidon, Héra et la vierge aux yeux pers »,

32ou [26]

• ? 106????? ?? ????????? ??? ?????? ?????????
???????? ?????? ???????????? ?????????.
« Non loin de la bourgade, ils trouvèrent, puisant de l’eau, une jeune fille, la vaillante enfant du Lestrygon Antiphatès »,

33énoncés qui ne diffèrent que par le nombre de marques – jusqu’à cinq dans le second passage – constituant le morphème discontinu de datif.

349. Quant aux deux derniers exemples du corpus homérique, ils se distinguent de tous les autres, bien qu’on ait affaire à des actants au datif, en ce que le noyau des syntagmes concernés par l’élision est constitué par un pronom atone précédant une expansion participiale et qu’on y observe une disjonction, qui n’est pas de règle ailleurs. Mais ce qui rend l’élision possible sans que le texte perde en intelligibilité, c’est la présence, en amont, d’éléments qui par avance guident et restreignent l’interprétation syntaxico-sémantique.

35• On remarquera ainsi, pour les vers ? 246-251,

?? ??? ??? ?? ???????? ????????? ????? ???????
??????????? ???? ???? ??? ????????? ???????
???????? ???????? ??????????? ??? ????,
?? ??? ?? ????????? ????, ???? ??? ????????,
250???????, ???? ??? ????? ?????? ?????? ???????,
?? ????????? ???????.
« Même si l’Ithacien Ulysse, arrivant en personne, avait l’intention de débarrasser son palais de tous ces prétendants altiers qui mangent à sa table, son retour ne comblerait pas sa femme qui l’espère, car il trouverait sur-le-champ une piteuse mort, s’ils tombaient tous sur lui »,

36la disposition en chiasme à l’intérieur de l’apodose :

?? … [???? … ????????] … ???????,
qui renforce le lien entre le pronom et son expansion participiale dans la construction de ????? avec le datif [27]. De plus, à l’échelle de la phrase entière, on ne peut négliger le rôle de cohésion joué par la répétition : ???????? … ??????? / ?? … ???????, avec variation du composé au simple de la protase à l’apodose.

37• ? 851-854 illustre également cette attention à la cohésion textuelle, puisque, pour compenser la perte du i bref de datif singulier, on relève au début de la période une première occurrence de ??? [28] :

???? ?? ??? ????, ?? ?? ??? ????? ?????? ???? ?
?? ??? ???? ????? ????? ???, ???? ??? ???
???? ?????????? ??????? ??? ????? ???????,
????? ??????? // ???????? ???????? ????????.
« J’ajouterai ceci, et mets-toi bien la chose en tête : “Toi-même tu ne vivras plus longtemps : [la mort et le brutal destin se tiennent déjà près de toi qui] vas subir la loi du parfait Éacide Achille” ».
Certes, les formes intransitives de ????????? ont comme régime normal le datif [29], mais la disjonction entre ??? et ??????? est particulièrement accentuée et, d’autre part, l’utilisation du participe est inédite. Elle résulte en effet du croisement de deux formules, dont la première, analogue à ? 854 (agent au datif suivi du participe, en début de vers), n’est attestée qu’au nominatif :

? 461… ? ??? ?? ?? ??????? ?????? ???????
????? ??????,
? 40… ??? ?? ???? ?????? ???????
???????? ??????.

38Quant à la seconde formule, qui présente le participe en fin de vers et répond au schéma :

39/instrument au datif accompagné de ??? antéposé ou postposé + ??????/ [30],

40on en connaît un paradigme assez développé avec, non seulement le nominatif singulier (? 452 : # ?? ?? ?? ???? ??? ????? ??????), mais aussi le nominatif duel (? 559 : ???? ?? ????????? ??? ??????? ???????) ou pluriel (? 310 = 397 : … ????????? ??? ????????? ???????? #) et l’accusatif singulier (? 675 : … ???? ??? ????? ??????? #, et ? 208 : ?? ????? ??? ??????? ??? ??????? ?????? / ????? ??? ???????? ??? ???? ??? ???????) ou pluriel (? 420 : ???????? ?? ?? ??? ??? ????????????? ???????? / ????? ??? ?????????? ??????????? ????????). Or, grâce aux deux derniers exemples, on voit bien comment une extension de la formule à tout le vers a pu aboutir au croisement formulaire illustré par ????? ??????? (?), dont le cas est déterminé secondairement par l’organisation syntaxique du vers précédent.

41Le double obstacle à l’intelligibilité du passage, une disjonction et un croisement formulaire, est donc compensé ici, comme en ? 250, par la mise en place, en amont, d’un signal de cohésion.

4210. Au total, l’examen attentif du corpus homérique met en évidence que l’élision d’un i bref de datif singulier athématique est un processus parfaitement contrôlé : elle est soumise à la contrainte fondamentale de ne pas nuire à la clarté de l’énoncé, règle dont le fonctionnement est variable en quantité (d’un indice unique à la redondance ou d’un syntagme minimal à une multitude d’expansions) et en qualité (de la « servitude grammaticale » à la « flexion de groupe », en passant par le travail de la cohésion textuelle).

43Dans cette perspective, il nous paraît intéressant d’évoquer rapidement un groupe complémentaire d’exemples homériques, qui n’ont pas été étudiés dans un premier temps, du fait qu’ils sont généralement exclus du corpus, alors que, selon nous, ils mériteraient pour la plupart d’y être intégrés.

44— Le refus d’une élision, pour un datif en i bref, se manifeste souvent par un trouble métrique lié à une difficulté dans l’établissement du texte. On citera d’abord

• ? 324… ???? ????? ???????
??????? ??????, ????? ????????? ??????,
?????? ???????, …
« Mais Apollon en personne pressa Énée, ayant pris les traits du héraut Périphas, le fils d’Épytos »,

45où le texte transmis et retenu par les éditeurs présente un hiatus et une scansion insoutenables : en effet, il est difficile de justifier l’hiatus, dans la mesure où l’on ne reconnaît pas de wau initial dans le groupe lexical de ????, tandis que la scansion de ?????? comme un dactyle apparaît comme une solution ad hoc, et par là même comme une anomalie inacceptable, puisque, jamais dans tout le texte homérique, les formes trisyllabiques de ????? ne sont scandées avec un u bref [31]. Or, récuser l’élision au prix d’une anomalie métrique nous semble abusif, alors même que cette élision illustre l’un des cas de figure précédemment répertoriés, celui d’une redondance entre « servitude grammaticale » et « flexion de groupe ». Nous admettrons donc ici, à la suite de J. van Leeuwen [32], que la leçon ?????? ??????? doit être interprétée comme une scriptio plena et le texte prendre en compte l’élision du datif dans la séquence initiale à lire désormais ??? PHIL_id2252033991_pu2001-01s_sa04_art04_img001.jpg?? ???????.

46• Le même refus de l’élision trouble la transmission du texte en ? 348-349 et ? 44-45 :

???? ??????? ??????, ?????????? ?? ?? ?????
?????? ??? ??????? ?
« Mais loin de se briser, la pointe en bronze se tordit sur le puissant écu ».
En effet, si l’élision est donnée par c h L16, la Vulgate présente la scriptio plena ?????? ???, tandis que le plus grand nombre des manuscrits (f g i A B C, etc.) a le texte ?????? ??. Cependant, à la différence de ? 324, les éditeurs modernes optent pour l’élision, sans laquelle le vers serait impossible à scander.

47• De même, en ? 458

??????? ??? ?? ?? ??????? ????????, ?? ?? ????????
??? ??? ??????? ????? ?????? ??? ?????????? …
« Voilà pourquoi je suis à tes genoux. Voudras-tu bien, à ce fils menacé, donner un bouclier, un casque […] ? »,
le début du vers a fait l’objet d’un débat dont Mark W. Edwards se fait l’écho dans son commentaire [33], en des termes non dénués d’intérêt. On y lit :

48

« Allen’s reading ???? ??? ??????? requires synecphonesis of -? and ?-, which is possible enough …, and perhaps intentionally conveys Thetis’ emotional state. The scholia (Hrd/AbT) scan the line thus, commenting on the squeezing-out of the iota subscript. Leaf, Ameis-Hentze, and van Leeuwen (with a few late manuscripts) prefer to read with a harsh elision and correption of -?, a solution again befitting distress of mind ».

49L’emploi de l’adjectif harsh dans cet état des lieux au demeurant fort objectif est révélateur d’une disposition d’esprit a priori hostile au principe de l’élision qui selon toute vraisemblance peut affecter un datif ???, au demeurant bien attesté dans le texte homérique [34].

50— Par ailleurs, bien que dans ce cas, du fait de l’hésitation entre l’accusatif et le datif, les formes élidées gardent toute leur ambiguïté, c’est la même attitude de principe qui explique la réflexion de Pierrre Chantraine [35] à propos des participes élidés dans les constructions du type :

… ???? ??? ??? ???????? ??? ??????????
????? ?????????? ????????? ?????????? [36]
« Il m’avait un jour promis et garanti que je repartirais, sitôt [rasée Troie aux bonnes murailles] ».
En effet, même si P. Chantraine reconnaît d’abord qu’« une élision peut rendre la forme [de participe] ambiguë », il corrige ensuite son propos en terminant l’alinéa sur une note négative : « Toutefois, il faut probablement entendre ?????????? (?), l’élision du datif en -? étant exceptionnelle ».

51— Enfin, il resterait à examiner en détail, les élisions qui affectent le datif des thèmes en -s- (substantifs neutres en -??- et en -?/??-) [37]. Ces exemples marginaux sont le plus souvent rejetés [38], alors qu’ils mériteraient à l’évidence un examen approfondi, puisqu’ils relèvent tout à la fois de la phonétique syntactique, de la morphologie et de la diction formulaire.

52Pour les trois exemples de thèmes en -??- [39], la graphie adoptée par les éditeurs, -? ou -??, pose un réel problème linguistique [40]. Dans les deux cas, il s’agit de graphies récentes notant des longues qui s’abrègent, puisqu’elles figurent en hiatus au temps faible : -? suppose un antécédent */?hei?/ qui, après amuïssement de la sifflante intervocalique, aboutit à /a¯/ par contraction des phonèmes vocaliques en hiatus. Quant à la graphie -??, elle repose sur */?hi/, avec constitution d’une diphtongue de coalescence. L’explication par l’élision du i bref de la désinence dans une finale dissyllabique -?? en hiatus semblerait plus économique, d’autant que, dans les deux exemples, le maintien de la cohésion syntaxique est assurée par une épithète très clairement marquée comme un datif singulier. Quant aux troubles de la tradition manuscrite, il faut vraisemblablement en rechercher l’origine dans des graphies ????? et ????? ne notant pas l’élision, conformément à l’usage fréquemment observé dans les inscriptions [41].

5311. En somme, ne pas reconnaître de principe à l’élision débouche sur une inconsistance dans le traitement des exemples discutés. Si au contraire on convient qu’à l’occasion d’une élision s’appliquent des règles fonctionnelles, telles qu’elles ont été définies plus haut, il se révèle après examen que les exemples homériques contestés répondent effectivement aux critères élaborés sur le corpus de base.

54Or, ce qui s’applique au texte épique devrait, semble-t-il, valoir également pour la langue tragique. De fait, c’est ce que l’on peut établir sans difficulté, à la nuance près qu’une élision de datif athématique en i bref s’y rencontre de préférence dans un contexte de redondance.

55— Dans le corpus tragique tel qu’il nous est parvenu [42], deux exemples justifient l’élision par la présence d’un indice unique, en l’occurrence la « servitude grammaticale » imposée par le verbe ??????? pour [43] :

Eur. I.A. 809… ???? ?????? ????????? ????
????? ????????? ?????? ??? ???? ????.
« Si fort est le désir qui a saisi la Grèce de mener cette
campagne (les dieux y ont leur part !) » (trad. F. Jouan),

56encore qu’il s’y ajoute de manière très vraisemblable une référence intertextuelle à Eschyle (Ag. 341-342) [44].

57Il s’agit en revanche de « flexion de groupe » pour :

Soph. O.C. 1436??? ?? ??????? Z???, ???? ?? ??????? ???
??????? ? (????) …
« Que Zeus vous soit favorable si vous me rendez ce service quand je serai mort »,

58où le rejet du participe, imité d’Homère, est typique du style de Sophocle.

59— Pour le reste, toutes les élisions du datif singulier athématique sont conditionnées par la redondance des indices, la « servitude grammaticale » étant le plus souvent associée à la « flexion de groupe ».

60Ainsi, dans le cadre d’un syntagme nominal prépositionnel avec interposition systématique de la préposition [45][46] :

• Esch. Suppl. 7… ????????,
?????? ??? ?????? ??????????
???? ?????? ??????????
« nous fuyons, non que pour un meurtre une cité ait voté notre exil » (trad. B. Deforge),
• Eur. Alc. 1118??? ?? ????????, ??????? ?? ????????.
« Oui, je lui tends la main, comme à la Gorgone à la tête coupée »,

61et dans le cadre d’un syntagme verbal [47] :

• Esch. P. 850??????????? ????? ??? ??????????.
« J’essaierai de rencontrer mon enfant ».
• Eur. fr. 21,5? ?? ??? ????, ?? ????? ? ? ????????
??????, ? ?? ?? ??????????? ?? ?????????,
?????? ?????? ???????? ????????.
« Ce qui manque au pauvre, le riche le lui donne, tandis que ce que nous les riches nous ne possédons pas, nous sommes honorés de faire appel aux pauvres pour l’obtenir ».

62— Il existe également quelques cas où des marques relevant de la cohésion textuelle s’ajoutent à un indice, « servitude grammaticale » ou « flexion de groupe », comme dans ces deux exemples, respectivement :

• Eur. Ba. 843??? ???????? ???? ?? ??????? ?????? ????.
??????? ?? ?????? ?? ???? ???????????
« Tout plutôt que de prêter à rire à ces bacchantes ! Entré dans le palais, là je vais aviser » (trad. H. Grégoire, modifiée par B. Deforge pour le vers 843),

63– où la présence de ???? à la toute fin du vers précédent, crée une disposition qui rappelle les enjambements sophocléens –, et [48]

• Soph. Tr. 675? ??? ??? ???????? ?????? ??????
??????, ?????? ???? ?????? ????,
????? ?????????.
« Le flocon blanc de bonne laine pris à une brebis avec lequel j’avais oint la tunique dont il devait se vêtir, voilà qu’il n’en reste rien ».

6412. En bref, les exemples fournis par la tragédie montrent que les critères qui régissent l’élision du i bref de datif singulier athématique sont globalement les mêmes que dans le texte épique : « servitude grammaticale », « flexion de groupe », de préférence associées entre elles ou à des effets de cohésion textuelle. On exceptera cependant l’influence de la diction formulaire, laquelle est remplacée par des phénomènes relevant principalement de l’intertextualité à l’intérieur du genre tragique, comme au vers 842-843 des Bacchantes.

65Il paraît donc fondé de conclure à l’existence pleine et entière de l’élision pour les i brefs de datif singulier athématique : le phénomène, largement attesté chez Homère, survit encore de manière significative dans la langue tragique, et peut-être même au-delà avec non seulement l’exemple tiré d’une épigramme de Sophocle [49], mais aussi celui dû à Moschos [50], le corpus tragique allant jusqu’à fournir un cas d’élision ambiguë, analogue à ceux de l’épopée homérique, dans une construction avec participe élidé [51]. Si les exemples sont moins nombreux dans la tragédie, la chose n’est guère surprenante, eu égard à la moindre extension de ce corpus. Il est également possible que, dès le début de la transmission des textes, aient été opérées des corrections fondées sur le préjugé apparemment ancien selon lequel cette élision n’était pas licite. On comprend moins l’attitude résolument hostile des commentateurs et des éditeurs modernes, qui refusent l’élision de la désinence de datif singulier athématique au nom d’une norme qui, loin d’être soumise à l’épreuve des faits, s’érige en dogme au point de les amener à corriger la leçon, souvent dominante et parfois unanime, des manuscrits.

66On entrevoit cependant comment on a pu aboutir à une telle position : l’élision d’une finale de datif singulier athématique risquait en théorie de réduire l’intelligiblité des vers où elle se produisait, sauf à en maintenir la cohésion grâce à divers indices qui pouvaient se cumuler pour atteindre la redondance. De fait, ce que nous percevons au terme de la présente étude, c’est moins la disparition de l’élision, de l’épopée à la langue de la tragédie, que le réaménagement des procédures l’autorisant : en effet, d’une répartition homérique assez harmonieuse entre indice unique et redondance, on est passé à une situation déséquilibrée, où les cas de redondance l’emportent nettement. D’autre part, si les accumulations dues aux effets de la diction formulaire disparaissent inévitablement, les syntagmes associant un noyau pronominal à un participe élidé et rejeté au début du vers suivant se maintiennent, sans doute du fait de leur valeur expressive propre, mais aussi dans le cadre d’une imitation non seulement homérique, mais aussi interne au genre tragique, si tant est qu’on ait toujours les moyens de déceler ces effets d’intertextualité. Dans tous les cas, cependant, il est clair que l’élision d’un i bref de datif singulier athématique est l’objet d’attentions pour que le message garde sa cohésion et demeure facilement interprétable, qu’on ait affaire à l’épopée homérique ou à une tragédie.


Date de mise en ligne : 01/06/2007

https://doi.org/10.3917/phil.751.0065

Notes

  • [1]
    « À propos du vers 843 des Bacchantes d’Euripide : la question de l’élision du iôta bref final du datif singulier chez les Tragiques », REG 113/2, 2000, p. 611-615.
  • [2]
    Paris, Les Belles Lettres, Bacch., 802-803, commentaire ad loc.
  • [3]
    « Textkritisches zu den Septem des Aischylos », Hermes 94/3, 1966, p. 257-266.
  • [4]
    Esch., Pers. 850, Soph., O.C. 1436, Tr. 675, Eur., Alc. 1118, fr. 21 (Nauck) pour G. Müller ; Esch., Suppl. 7, Eur., I.A. 809 pour B. Deforge.
  • [5]
    On se propose cependant de revenir ailleurs sur la question de l’élision dans tous ses aspects, tant théoriques que pratiques, pour tenter de cerner l’usage des auteurs grecs aussi bien que la doctrine des grammairiens de l’Antiquité, dont la tradition philologique ultérieure est tributaire.
  • [6]
    M. Lejeune, Phonétique historique du mycénien et du grec ancien, Paris, 1972, § 364-368. Voir également E. Schwyzer, Griechische Grammatik I, Munich, 1939, p. 402-403.
  • [7]
    R. Kühner, F. Blass, Ausführliche Grammatik, I.1, Hanovre, 1966 (= 1890), p. 230-240.
  • [8]
    Attesté à plus de vingt reprises dans les Commentarii ad Homeri Iliadem et Odysseam, le mot concerne, à quelques exceptions près, de véritables élisions. Par ailleurs, quand ???????? ne signifie pas « pression, action de presser » (Arist., Epic., Gal.) ou « oppression, accablement » (LXX), le lexème désigne également la suppression d’une lettre à l’intérieur d’un mot – comme dans ??????? pour ???????? (Ap. Dysc., Conj. 230, 10).
  • [9]
    Pour une analyse critique de la tradition grammaticale sur ce point, cf. Fr. Spitzner, De Versu Graecorum heroïco, maxime Homerico, Leipzig, 1816, chap. V, pp. 161-165.
  • [10]
    Sont exclus du dossier les thèmes en -i-, en -u- et en -s-, dans la mesure où ils posent des problèmes particuliers qu’il conviendrait d’examiner de manière spécifique. Pour de brèves indications, cf. infra § 10.
  • [11]
    Le fait qu’une formule soit répétée n’implique pas forcément une identité complète du contexte syntaxique : ainsi qu’on le constatera plus bas, la variation est parfois très sensible, comme entre ? 5 et ? 385, ? 398 et ? 35 ou ? 106 et ? 364, soit dans trois cas sur quatre.
  • [12]
    On entend ici le terme « indice », au sens où l’emploie L. J. Prieto (Messages et signaux, Paris, 1966, p. 118-119) : se définit comme indice le fait qui « élimine toutes les possibilités qui composent l’univers du discours auquel il se réfère à la seule exception de celle qui se réalise effectivement ».
  • [13]
    Sur cette notion, on se reportera à G. Gougenheim, Système général de la langue française, Paris, 1938, p. 99 : parmi les trois catégories d’« oppositions qui existent entre les morphèmes » dans la syntaxe, la « servitude grammaticale » est « une contrainte extérieure au sujet parlant [qui] lui impose l’usage exclusif d’un morphème dans des conditions données ».
  • [14]
    « La désinence [étant] la face signifiante du monème fonctionnel dont le cas est la face signifiée, la présence et la distribution des désinences sont régies par un ensemble de règles qu’on peut nommer la “syntaxe des désinences” », dont on sait que, « dans la plupart des langues indo-européennes, … [elle] se réduit à une règle simple : dans le syntagme nominal coordinatif, asyndétique, appositif, épithétique, tour double, la désinence figure obligatoirement à la fin de chaque lexème » (Jean Haudry, « La “syntaxe des désinences” en indo-européen », Actes de la session de linguistique d’Aussois (4-8 septembre 1978), volume dactylographié publié par l’université de la Sorbonne nouvelle et l’École normale supérieure, Paris, sans date de publication, section D, p. 1-20).
  • [15]
    Cf. « Introduction au tokharien » (Lalies 7, 1989, p. 5-224), p. 72-74. Il s’agit du procédé consistant dans cette langue à affecter d’un seul morphème fonctionnel un syntagme nominal de type copulatif. Pour d’autres exemples de la « flexion de groupe » en védique et en avestique, cf. J. Haudry, L’emploi des cas en védique, Lyon, 1977, p. 461-436 et art. cit., p. 3-11. Cependant, à la différence de ces deux études, qui ont été menées dans une optique comparative, nous limitons l’emploi de cette expression à la description synchronique.
  • [16]
    La traduction, sauf indication particulière, est de François Mugler, Œuvres d’Homère, vol. 1, L’Iliade, Paris, 1989, vol. 2, L’Odyssée, Paris, 1991.
  • [17]
    Cf. notamment le début de vers formulaire ????? ??????? (? 295) ou sa variante ????? ?????? (? 322).
  • [18]
    Cf. entre autres ? 343 (?? ??? ? ?? ???????? ??????? ??????????) et ? 295 (?? ????, ?? ???????? ??????? ??????????).
  • [19]
    De même, avec un complément d’objet différent, B 451 (… ?? ?? ?????? ????? ?????? / ?????? ???????? ?????????? ??? ????????), ? 335 (?? ?? ????? ???????? ????????? ?? ????? ?????) et ? 218 (… ???? ???????? ?? ??????? ???? ????????).
  • [20]
    Ainsi, ? 456 (??? ??? ????????? ?????? ?????? ??????) et ? 341-2 (… ?????? ?????? ?????? / ???? ??????, avec rejet du datif, en début de vers, comme en ? 589).
  • [21]
    Le cas serait unique dans notre corpus et contraire à l’économie générale qui paraît régler l’élision des i brefs de datif singulier. Par ailleurs, rien dans les vers qui précèdent ne permet de rapprocher ? 35 des exemples examinés plus bas, § 9.
  • [22]
    Le présent exemple présente en outre une difficulté particulière, qui relève de la diction formulaire : la forme ??????? se signale en effet par une scansion anomale de l’iota, due à la finale longue de datif. La raison en est très probablement la déclinaison d’une formule qui, à un autre cas que celui auquel elle nous a été transmise, serait parfaitement métrique, comme dans le syntagme ???????? ?????? # (Hésiode, Op. 674). Ainsi, pour ? 385, on peut penser à un SN au nominatif singulier * # ???? ???????? ou au nominatif-accusatif pluriel * # ????? ??????? (pour un emploi d’????? au premier pied, cf. I 326 : # ????? ?? ??????????).
    Pour la seconde attestation homérique d’???????, en ? 5, qui a été abondamment discutée dans la tradition grammaticale, cf. infra § 7 et note 25.
  • [23]
    La cause en est ou le dédoublement du syntagme nominal affecté par l’élision en structures parallèles coordonnées ou son expansion par une ou plusieurs épithètes et/ou un autre syntagme nominal apposé, dont la structure peut également être complexe.
  • [24]
    Pour la construction de ????? cum dativo rei, cf. ? 312 (????????? ????), ? 35 (????? ?? ????), etc.
  • [25]
    Nous retenons cet exemple, contre une partie des commentateurs (Schwyzer, Gr. Gr. I, p. 403, avec renvoi à Kühner-Blass, I.1, p. 234-235), qui refusent l’élision pour prendre en compte l’iota final d’??????, donné par une partie de la tradition manuscrite. Pourtant cette option paraît irrecevable, dans la mesure où un début du vers ?????? ??????? ?????????? est amétrique, qu’on le lise :
    /asterjopø:rinø:(j)enali÷kion/ ou /asteri(j)opø:rinø:(j)enali÷kion/.
  • [26]
    Nous préférons traduire au plus près du texte, étant donné que le poète ne mentionne pas d’emblée le gigantisme de la jeune Lestrygonne, dans une attitude fréquente à époque ancienne à l’égard de la monstruosité (sur ce point, cf. J. Peigney, conférence prononcée à l’Université de Caen, le 12 avril 2000, dans le cadre du CERLA-Équipe « Mythe et psychè », et consacrée à « L’imaginaire du corps dans la représentation des peuples des confins : Homère, Hérodote »).
  • [27]
    Pour une contruction identique, sans disjonction, cf. ? 682 (… ???? ?? ??? ?? ?????????) et, avec disjonction, ? 463 (… ?? ??? ?? ????? ??? ?????? ????? / ?????? ?????????? …).
  • [28]
    Aux vers 851-852, où Patrocle mourant s’adresse à Hector dans une sorte de « contre-????? », c’est sans doute, plus que le souci de la cohésion textuelle, le caractère pathétique des conditions d’énonciation qui explique la référence insistante à la deuxième personne du singulier, de ??? ???? à ???? ???.
  • [29]
    Cf. ? 442 (… ???? ?? ?? ???? ???????) ou ? 483 (… ???? ?? ??? ???? ?????? ???????).
  • [30]
    On ne citera pas ici les innombrables exemples de la formule … ???… ????? ??????? # (? 479, etc.), ni de ses variantes à l’accusatif singulier (? 653, ? 444) ou au nominatif pluriel (? 848).
  • [31]
    Sur 42 occurrences (en dehors de ? 324 et à l’exclusion du génitif pluriel ???????, où la question de l’abrègement ne se pose pas), on ne relève aucune exception, la syllabe intérieure de ?????? (et ??????), ?????? et ?????? constituant toujours le premier pied d’un dactyle, tandis qu’au pluriel la syllabe intérieure de ??????? et ??????? peut aussi se rencontrer au temps faible d’un spondée, ces formes étant alors suivies d’un mot à initiale consonantique.
  • [32]
    « Disquisitiones de pronominum personalium formis homericis », Mnemosyne NS 13, 1885, p. 188-221, et en particulier p. 189 et note 2.
  • [33]
    The Iliad : a Commentary, general editor G.S. Kirk, vol. V, Cambridge, 1991, commentaire ad loc.
  • [34]
    Au total, 10 fois, dont 6 dans l’Iliade et 4 dans l’Odyssée.
  • [35]
    Grammaire homérique, vol. II, Paris, 1953, p. 313-314.
  • [36]
    B 113 (= B 128 = ? 716) et ? 240.
  • [37]
    Voir J. van Leeuwen, art. cit., p. 189, note 1. Il faudrait y ajouter l’unique cas de thème en -u- sans alternance prédésinentielle (non homérique, il est vrai) : ????? ??? ??????? ?????????? ?????? (HH Ap. 210), mentionné par Fr. Spitzner (art. cit. p. 172), pour être aussitôt écarté.
  • [38]
    Cf. Kühner-Blass, p. 236, et, en particulier, I. Bekker, Homerische Blätter, Bonn, 1863, p. 139 et note 34, ainsi que J. La Roche, Homerische Textkritik im Alterthum, Leipzig, 1866, p. 297-298. On notera comme révélateur de l’a priori qui conditionne le débat le dernier argument de La Roche : pour lui, accepter l’élision pour les thèmes en -??- reviendrait à l’admettre aussi pour les thèmes en -??-, ce que cet auteur refuse, mais qui nous semble parfaitement envisageable.
  • [39]
    Cf. ? 316 (????? ?? ??? ????? ?????? ????, ???? ??????, « elle me prépara à boire en une coupe en or ») et ? 136 = ? 283 (… ??????? ?? ??? ?? ???? ???? / ???????? ???? ???? ?????????, ?? ?? ?? ????? / ???? ??? ?????? ????????, « après quoi la mer t’enverra la plus douce des morts, qui ne te prendra qu’épuisé par une vieillesse bénie »).
  • [40]
    Cf. Chantraine, Grammaire homérique, vol. I, Paris, 1958, p. 209 et n. 3, pour des renvois bibliographiques, ainsi que Kühner-Blass, I.1, p. 236.
  • [41]
    Pour une description minutieuse des faits, cf. en dernier lieu L. Threatte, The Grammar of Attic Inscriptions, Berlin/New-York, 1980, p. 418-426. Par ailleurs, faute de pouvoir examiner les thèmes en -??- dans leur ensemble, on ne dira rien des datifs singuliers du type # ????? ???????? (? 348), où, en regard des formes trisyllabiques comme ?????, la longue finale notée par le digramme ?? s’abrège en hiatus. De plus, à côté des exemples très probables d’élision, il existe un nombre significatif de cas où, devant consonne et au temps fort, le digramme ?? correspond à une longue. Dans ce domaine, on perçoit l’utilité d’une étude globale, qui n’a cependant pas sa place ici.
  • [42]
    La liste des exemples retenus pour la présente discussion est donnée supra note 4, à quoi on ajoutera bien entendu Eur. Ba. 843.
  • [43]
    On remarquera la note de F. Jouan (ad loc.), qui souligne la difficulté de construire ??????? avec l’accusatif et invoque comme solution une analogie avec les verbes signifiant s’approcher de ou atteindre, ce qui n’est guère convaincant.
  • [44]
    Pour une argumentation circonstanciée, cf. B. Deforge, art. cit., p. 614.
  • [45]
    Au-delà de la difficulté concernant l’attribution des répliques, on se reportera utilement au commentaire de G. Müller, art. cit., p. 262-263.
  • [46]
    Les éditeurs adoptent généralement, à la suite de Dindorf, la correction ????? ???, alors que les manuscrits présentent ????? ???, ou la graphie avec scriptio plena ????? ???. Nous préférons suivre G. Müller (art. cit., p. 262) pour ses remarques très fondées concernant la construction du verbe dans le contexte proche et l’absence, dans le rôle de la Reine, de tournures avec la forme atone du pronom possessif.
  • [47]
    Alors que les manuscrits attestent bien la leçon ?????? ?, l’édition Nauck, que nous suivons pour le reste, adopte la correction d’Erfurdt : ?? ?????? ????????, qui nuit pourtant à la cohérence du texte pour ce qui est de l’emploi de l’article.
  • [48]
    Nous suivons ici le texte retenu par G. Müller. Jebb corrige en ????? ???? ?????? ?????, tandis que l’édition des Belles Lettres garde la forme élidée pour en faire un accusatif rattaché au groupe de ??????.
  • [49]
    ??? ?? ???????? ??????, citation due à Ath. (XIII 604 f), que signalent J. van Leeuwen (art. cit. p. 188, n. 1) et G. Müller (art. cit. p. 263).
  • [50]
    V, 85 : ??? ??? ????? ??????.
  • [51]
    Cf. Esch. P. 913 : ??????? ??? ???? ????? ???? / ????? ??????? ???????? ?????, que Jebb (commentaire ad O.C. 1436, in Sophocles, Plays and Fragments, vol. II, Cambridge, 19003, p. 289) récuse au prétexte d’un accord « ???? ???????, since ??????? ???? ???? = ????? ?? ???? ».

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