Couverture de PHILO_105

Article de revue

Notes de lecture

Pages 91 à 96

Jean-Louis Chrétien, Conscience et Roman, I : La conscience au grand jour, Paris, Minuit, 2009, 288 p.

1« Ah ! Je vois clair dans mon cœur. » Si l’on voulait bien détourner ce mot fameux de la signification sociologique que Marivaux lui prêtait, on pourrait, avec J.-L. Chrétien, en faire l’étendard des prétentions psychologiques du roman moderne : sonder les cœurs et les reins, comme les Psaumes (VII, 10) affirment que Dieu seul le peut. N’y trouve-t-on pas décrit en effet un monde où chaque personnage voit assez clair en lui pour nous révéler ses pensées les plus secrètes, où, en miroir des actes et des paroles proférées, les consciences s’étalent au grand jour ? N’est-on pas devant chaque roman comme devant le livre du jugement dernier, où l’intime et l’infime histoire des êtres défile sous nos yeux ? Tel est le privilège divin, exorbitant, que le romancier, face à ses créatures de papier, usurpe et communique au lecteur en l’introduisant dans le sanctuaire jusqu’ici inviolé de la conscience d’autrui, – non pas tant d’ailleurs pour tout savoir de celui-ci (omniscience) que pour se resserrer sur l’intimité d’une âme et dévoiler son cœur, en vertu d’une « cardiognosie », pour reprendre l’unique néologisme du livre.

2En redonnant sa gravité à l’acte d’écrire et de lire des romans, Jean-Louis Chrétien ne veut pourtant pas accuser, comme Maritain en son temps, le fol orgueil du romancier. Il n’entend pas plus défendre avec Mauriac ce don qui est accordé à quelques uns de fouler les terres inconnues de l’intériorité humaine. Pas davantage il ne cherche à distiller aux lecteurs la joie coupable d’être de petits dieux, quand eux croyaient bêtement se divertir. Ce serait, à chaque fois, accepter beaucoup trop vite ce qu’il s’agit justement de soumettre à la question, en plaçant le roman sous le regard de sa propre ambition « biblique ». C’est l’un des nombreux traits qui singularisent la généalogie de l’intériorité à laquelle l’auteur s’emploie depuis quelques années. Elle ne montre pas le triomphe romanesque de la subjectivité, comme si la littérature avait su continuer par d’autres moyens, toujours plus efficaces, le projet de connaissance de soi initié par la philosophie. D’abord parce que les portes de l’intériorité ne se sont jamais ouvertes aussi grandes qu’avec la Bible (Symbolique du corps, PUF, 2005). Ensuite, parce qu’il n’est pas sûr que la lampe du romancier parvienne à jeter sa lumière aussi loin dans les tréfonds de l’âme humaine qu’y parvient celui qui se confesse devant Dieu (Saint Augustin et les actes de parole, PUF, 2002). Enfin et surtout, parce que le roman n’aurait lui-même pas connu l’abîme vertigineux du cœur si la Bible ne le lui avait révélé d’abord.

3Puisqu’il est le précieux sésame qui donne de pénétrer jusque dans les pensées informulées, le monologue intérieur est pris pour centre de cette étude, qui s’arrête parfois sur un auteur (Stendhal, Balzac, Hugo), parfois sur un livre (Les Vagues de Woolf, Lumière d’Août de Faulkner, L’innommable de Beckett). Un second volume annoncé, consacré au « discours indirect libre », complétera celui-ci, dont les magnifiques analyses débordent déjà très largement le cadre qui les accueille, tant chaque chapitre peut être lu pour lui-même. Deux lignes interprétatives, distinctes mais croisées, nous paraissent pour l’heure ressortir et courir tout du long.

4La première est qu’en l’accordant à un diapason si élevé, l’histoire du roman ne peut être que celle d’un échec et le lieu du délitement de la subjectivité, et non celui de sa consécration attendue. Stendhal veut-il mettre « le cœur humain presque à nu » ? Mais qu’apprend-on de plus sur ses héros à scruter leurs pensées ? Ceux-ci continuent d’être en leur for intérieur de « brillants causeurs », et ne disent rien qu’ils n’auraient pu dire en société, s’ils n’étaient bien sûr hypocrites et n’aménageaient leur intériorité en une cachette où ourdir leurs stratagèmes. Le soliloque envahit-il avec Virginia Woolf toute la scène du drame ? Mais c’est pour enfermer chaque personnage en sa conscience et le rendre incapable de communiquer avec l’autre, dont le moindre geste peut faire l’objet d’un déchiffrement infini. La cachette se transforme vite en cachot, et de plus en plus sans même pouvoir enfermer l’identité d’un Je. C’est en effet le mérite de Beckett, qui conclut l’ouvrage, que d’avoir tiré l’ultime conséquence à laquelle doit conduire la parole solitaire, qui est de refermer la subjectivité sur le vide. En écrivant le monologue d’un homme en quête de monologue, Beckett exhibe les conditions de possibilité du roman moderne, et les détruit par là même, révélant la fiction sur laquelle toutes les fictions reposent : le viol du secret des cœurs. On rappellera que pour J.-L. Chrétien le monologue authentique, loin d’être la parole d’un moi réduit à soi, est le premier des dialogues, celui qu’on noue avec soi, et déjà une réponse aux nombreuses voix qui nous parviennent du monde (Répondre, PUF, 2007).

5Mais à vrai dire, l’auteur fait mentir la conclusion négative du livre, du reste elle-même provisoire, et poursuit une seconde ligne d’analyses, qui s’entrelace à la première : la grandeur du romancier n’est pas là où certains ont cru la voir. Elle ne tient pas dans la plus ou moins forte pénétration des âmes où devrait s’élever le talent, mais réside au contraire dans la conscience inquiète qu’ils eurent d’user d’un instrument plus puissant qu’eux. Force et faiblesse inversent ici leur valeur. Et si Balzac, Hugo et Faulkner appartiennent à une autre famille d’écrivains, plus haute et plus admirable pour l’auteur, c’est qu’ils ont su méditer le caractère problématique, voire impossible, de la cardiognosie sur laquelle leur œuvre repose pourtant, c’est qu’ils s’en sont nourris au lieu que les autres ont vécu de l’ignorer. Les monologues balzaciens sont rares et brefs, et n’interviennent qu’aux moments les plus dramatiques du récit. Hugo jette juste assez de lumière sur l’abîme pour le révéler en tant qu’abîme, et partage avec Faulkner la « docte ignorance » qui demeure respectueuse du secret des cœurs qu’il pénètre. Ces écrivains savent que le fonds obscur et chaotique de la pensée se dessécherait à être ramené à la surface lumineuse de l’articulable, et ce n’est qu’avec « profonde pudeur », retenue et effroi, qu’ils se risquèrent à entrer dans le gouffre insondable du moi, allant sans paradoxe plus loin que bien d’autres dans l’exploration de l’âme humaine.

6Camille Riquier

Frédéric Worms, La Philosophie en France au xxe siècle, Paris, Gallimard, 2009, 643 p.

7La vaste et ample esquisse que F. Worms a tracée, à grands traits, d’un siècle aussi riche et foisonnant, a redonné ni plus ni moins qu’un visage au paysage philosophique français, jusqu’ici défiguré par les batailles et alliances en tous genres qui l’avaient traversé. Il n’y a en effet pas eu d’esprit français au xxe siècle comme il y en eut un au xixe siècle, à en croire les rapports consensuels sur la philosophie française de Ravaisson, Boutroux ou Bergson. Il n’y a pas même eu jusqu’à cet exercice, pourtant codifié, qui ne se soit transformé en une arme pour faire feu sur la tradition, pamphlets ou manifestes, afin de se frayer une sortie hors des décombres qu’on aura laissé derrière soi : avec V. Descombes (Le Même et l’autre. 45 ans de philosophie française), A. Renaut et L. Ferry (La Pensée 68), pour ne citer que les plus remarquables, on ne revenait pas sur une époque pour l’assumer, on la survolait pour la dépasser. Mieux : on réduisait la tradition française à une tradition étrangère dont elle ne rendait qu’un écho assourdi, au point qu’était devenu problématique l’idée même d’une pensée française. L’étude que fit Janicaud sur la réception de Heidegger en France aurait pu se décliner tant d’autres fois, de Hegel à Husserl, en passant par Marx, Nietzsche et Freud. Car par delà l’éclatement des courants entre lesquels la philosophie française perdait son unité, on se demandait pourquoi il fallait encore l’unifier, elle que l’on considérait sous influence, voire sous perfusion allemande, et qui n’ajoutait guère plus à l’emprunt doctrinal qu’un prétendu style français.

8On saura gré au livre de F. Worms d’avoir cherché à restituer à la philosophie française ses coordonnées les plus élémentaires, géographiques et historiques. Par son approche discontinuiste, scandant le siècle en « moments » distincts et autonomes, il évite en outre les écueils sur lesquels avait aisément échoué ce genre d’exercice au xixe siècle, biaisé par un travers nationaliste. Car il n’est plus besoin de mobiliser un caractère, ni de discerner des influences, ni même de remonter à une origine, mais seulement de rendre compte de la spécificité de moments philosophiques dont le siècle a été témoin : 1900, 1930, 1960, et le moment présent. Entre chaque moment, une rupture a lieu qui fait événement, inclinant la pensée vers un nouveau centre autour duquel peut graviter une nouvelle constellation d’œuvres singulières. Les intervalles sont réguliers, mais n’ont rien de coups de cisaille au rythme forcé et mécanique. L’auteur insuffle au siècle comme une vie organique, avec ses articulations naturelles, ses temps forts et ses temps faibles, qui lui donnent de respirer au rythme de l’Histoire. Néanmoins, parce que la pensée obéit à d’autres lois que l’action, il ne s’agit pas de compter les victoires, d’enregistrer les vainqueurs, et d’attribuer à chacun le nombre de pages qui correspond à son importance objective. Être un contemporain, appartenir à son temps devient l’unique critère et permet de réhabiliter des philosophes jusqu’ici inclassables comme Jean Wahl, Albert Camus ou Simone Weil.

9La singularité d’une œuvre ne se mesure ainsi qu’à la réponse apportée à un problème précis, qu’un moment donné reçoit en partage. Sont écartés les suffixes en « ismes » qui couchent la pensée sur un lit de Procuste. Le problème, contrairement aux doctrines ou même aux méthodes, vit des tensions qu’il suscite et relie unité et diversité. Le moment 1900 s’attache au problème de l’esprit par-delà tout spiritualisme, et retrouve Brunschvicg par-delà Bergson, Alain par-delà Blondel. Tous revendiquent un absolu, qu’il soit hors de la science ou en elle. Le moment 1930 ouvre sur le problème de l’existence et non sur l’existentialisme, et permet d’articuler les oppositions qu’on avait crues les plus vives, comme entre la « conscience » et le « concept », selon les deux tendances irréconciliables qui parcourraient pour Foucault toute la philosophie française. De même, le problème de la structure déborde le structuralisme et sert à identifier le moment 1960, puisqu’en tension interne avec le concept de différence, il inclut ceux-là qui croyaient s’en excepter : Foucault, Derrida, Deleuze, Lyotard. Enfin, parce que nous y sommes en plein, le moment présent est plus difficileà discerner, et ne pourra clairement apparaître qu’une fois passé et rejeté par le suivant. Néanmoins, le problème de la vie vers lequel l’auteur est amené à conclure paraît s’étendre de plus en plus à tous les domaines du savoir, imprégnant notamment les questions éthiques, devenant leur enjeu même. Et s’il se révèle rétrospectivement comme l’autre fil rouge du livre, qui est poursuivi souterrainement depuis son début, il confirme de manière performative que l’auteur ne saurait s’arracher lui-même à son temps, ni ce livre, ni son précédent, Bergson et les deux sens de la vie (PUF, 2004).

10Moment et problème engendrent enfin un tissu de relations qui rapprochent des philosophes que tout oppose par ailleurs et les éclairent d’un jour nouveau. Un exemple parmi d’autres : bien qu’ils en tirent des conséquences opposées, Sartre et Cavaillès ont pour refus commun de fonder la science sur la subjectivité, acceptent telle quelle, pour le premier la contingence de la conscience, pour le second la nécessité de la science, et s’engagent chacun à sa manière dans un procès dialectique. On le voit, puisqu’à chacun est échu le même problème, il devient possible de décentrer le penseur par rapport à sa propre pensée et de l’inscrire dans une histoire essentiellement relationnelle. Extension et compréhension cessent d’être des vases communicants où l’un perd ce que l’autre gagne : une philosophie se saisira d’autant mieux (compréhension) que sa solution apparaîtra à côté d’autres solutions possibles (extension). L’auteur nous offre ainsi beaucoup plus qu’un panorama cohérent du xxe siècle, et bien autre chose qu’une histoire de la pensée française, dans laquelle il eut été aisé de pointer ici ou là les grands absents (Michel Henry, Desanti, Ruyer, etc.). D’autres schèmes historiographiques auraient pu d’ailleurs être choisis, privilégiant davantage la continuité d’une tradition, mais ceux-là comme ceux-ci, qui président à la lecture du siècle – moment, problème, relation –, sont des concepts opératoires dont la pertinence ne peut être jugée qu’à l’aune de leur capacité à obtenir gain de sens pour chaque auteur envisagé dans le détail, et au-delà des analyses riches, suggestives et inédites qu’il en propose déjà.

11Camille Riquier

Frédéric Pouillaude, Le Désœuvrement chorégraphique. Étude sur la notion d’œuvre en danse, J. Vrin, coll. « Essais d’art et de philosophie », 2009, 430 p.

12Il y a désœuvrement quand le corps ne fait rien, quand les activités quotidiennes sont suspendues, quand le sujet est « sans emploi ». Cet état de négativité a souvent été entendu comme la condition nécessaire à l’acte de création artistique : l’œuvre se fait ex nihilo. Cette inactivité première – dont la nécessité reste à discuter pour l’ensemble des arts – occupe une place prépondérante dans le champ de la danse puisqu’elle vient aussi définir le résultat propre à l’acte de création : la danse ne produirait pas d’œuvres. Où situer, en effet, la danse ? Dans quel lieu ? Dans quel temps ? Tel est l’enjeu du problème épineux auquel se confronte le remarquable ouvrage de F. Pouillaude intitulé Le Désœuvrement chorégraphique. Étude sur la notion d’œuvre en danse – ouvrage qui propose de conférer une place particulière à la danse au sein de la philosophie esthétique.

13F. Pouillaude se propose, dans une première partie intitulée « La Philosophie de la danse et l’absentement transcendantal », de décrire, commenter et analyser les raisons philosophiques qui ont mené à placer la danse en dehors, ou en deçà du système des beaux-arts, et à lui conférer ce statut ambigu de « lieu anthropologique de la possibilité » de tous les arts (p. 17). Cette thèse, dont les racines peuvent être trouvées chez Kant, l’auteur la nomme « absentement transcendantal » et en cherche les failles dans les développements mémorables de Paul Valéry et de Erwin Straus.

14L’auteur renvoie à l’idée de Valéry selon laquelle la danse aurait un rapport contradictoire avec la vie pratique, puisqu’elle dérive de cette dernière en même temps qu’elle la dépasse. La danse se ferait dans une temporalité du présent – donc dans l’échappée de la temporalité elle-même – et dans un « espace sans lieu » – pour reprendre le titre du chapitre dédié à Erwin Straus. Les mouvements dansants demeureraient ainsi dans un état d’« auto-affection » qui en confirmerait l’« illocation ». Néanmoins, et l’auteur nous le rappelle, la danse se distingue de tout « phantasme de l’originaire » (p. 74), car « aussi pauvres qu’elles soient, il n’y a que des “danses constituées” » et « aussi bruts et inarticulés qu’ils puissent parfois paraître, il n’existe que des “corps historiques” » (p. 53).

15C’est sur cette immanence que se dessine le passage des idées abstraites d’absentement transcendantal et d’absence d’œuvre au concept de désœuvrement qui est au cœur de l’ouvrage. Ce passage opère un véritable basculement conceptuel de la première à la deuxième partie, intitulée « L’œuvre [1] : scène et signification ». Le concept de désœuvrement réhabilite la notion d’œuvre en sauvegardant sa fragilité : il y a des œuvres de danse, bien qu’elles ne fonctionnent aucunement comme les œuvres plastiques conventionnelles. Une œuvre chorégraphique est une « mise en forme de la dissipation » (p. 36), car si la danse ne produit pas d’objets, elle transforme cependant la « dépense » physique en quelque chose de plus élaboré qu’un simple mouvement du corps.

16La thèse de l’absentement transcendantal ne peut donc être dépassée qu’à condition de penser l’œuvre à l’aune de sa forme spectaculaire et publique (la danse ayant lieu sur l’espace de la scène) et de sa survivance (la danse réussissant tout de même à perdurer dans le temps). La deuxième partie se confronte donc aux critères du spectacle comme rituel et comme divertissement par l’analyse de deux figures emblématiques : Mallarmé et Artaud. Le premier permettant de rendre compte de l’importance de l’expérience esthétique du spectacle, le second servant à confronter la danse au théâtre, ainsi qu’à les différencier. Le désœuvrement chorégraphique vient donc ici épouser le domaine – hétérogène seulement en apparence – de l’empirie.

17De là, on arrive tout naturellement à la question de la survivance développée dans la troisième partie intitulée « L’œuvre [2] : l’immanence de l’idéalité », laquelle touche à l’écriture du geste dansé, au problème de la notation de l’acte chorégraphique. Les procédés de notation et les régimes de signification de Noverre, de Feuillet et de Laban – ici admirablement commentés et théorisés – viennent confirmer la fragilité de l’œuvre, puisqu’ils ne réussissent à inventer ni une sémantique ni une grammaire du mouvement – ce dernier se donnant plutôt dans le corps à corps de la pédagogie chorégraphique, dans l’apprentissage d’une séquence par la proximité somatique. Ni autographique, ni allographique, la danse ne saurait appartenir à aucune des célèbres typologies instaurées par Nelson Goodman. Sa notation existe, mais elle est sans vocabulaire, elle est « une graphie qui ne dit rien », comme l’indique le long premier chapitre de cette partie.

18La quatrième partie vient ainsi révéler l’aspect plus spécifiquement pratique de la danse, entendue comme une « technique sans objet » (Marcel Mauss, p. 317), un « se mouvoir pour rien » (p. 339) qui relève néanmoins du travail de l’apprentissage, de l’entraînement et de l’apport personnel du danseur. Encore une fois, la danse montre qu’on ne saurait la réduire ni aux phénomènes du langage, ni aux articulations musicales : elle reste dans un espace-temps dont les gestes sont stricto sensu « irrépétables », tout en restant transmissibles. En ligne directe avec ces développements, la conclusion agit comme une ouverture vers des questionnements futurs et propose des pistes d’analyse supplémentaires. Y sont amorcés les problèmes relatifs à la notion de contemporanéité et de mémoire dans le champ des arts, ainsi que les difficultés méthodologiques à séparer les typologies du geste et de la trace.

19Cet ouvrage montre que la raison pour laquelle la philosophie a longtemps dévalorisé la danse réside en ce qu’elle résume les dialectiques non résolues des beaux-arts : le rapport entre la création et l’œuvre, la signification de l’autorité de l’artiste face à celle de l’interprète, la tension entre le savoir-faire et la supposée spontanéité de l’improvisation, la dialectique entre l’irrépétable du temps et l’immanence de l’espace, la contradiction entre la volonté de perdurer et l’inéluctabilité de l’éphémère. Ainsi, l’idée de la danse comme « mort de l’art » – à laquelle l’auteur fait référence dans sa partie conclusive – ne serait pas à entendre comme l’affirmation de la fin de la pratique artistique, mais plutôt comme la réévaluation de la nécessité de l’effort, de la dépense et de la dissipation dans tout processus de création, la mort étant ce qui permet à l’œuvre non pas naïvement de vivre mais de survivre, d’exister et de perdurer face à la menace de sa perte.

20Barbara Formis


Date de mise en ligne : 01/11/2011

https://doi.org/10.3917/philo.105.0091

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