Si la théorie brentanienne de l’inexistence intentionnelle d’un objet ou d’un contenu objectif dans la conscience est à l’origine de réflexions ontologiques profondes et très originales chez certains des disciples de Franz Brentano comme Kasimierz Twardowski, Alexius Meinong ou Edmund Husserl, on sait que la distinction opérée par Gottlob Frege entre sens et signification eut une influence non moins remarquable dans la pensée analytique.
Or, bien qu’elles aient des ancêtres communs et en particulier l’opposition entre objet (Gegenstand) et contenu de représentation (Inhalt) formulée par Bernard Bolzano dans le paragraphe 67 de sa Wissenschaftslehre à propos de représentations vides comme « carré rond », « vertu verte » ou tout simplement « rien » et qu’elles aient aujourd’hui des descendants communs on pense d’une part aux théories inspirées de lectures frégéennes, mais aussi de lectures « réalistes », de la phénoménologie, d’autre part aux théories inspirées d’une relecture brentanienne de la philosophie analytique dans la foulée de Roderick Chisholm , ces deux lignées philosophiques se distinguent nettement l’une de l’autre par ce que Jocelyn Benoist a appelé le caractère « intentionaliste » ou non de leurs conceptions du contenu sémantique, de la « teneur de sens ».
La thèse que nous défendons ici, cependant, est que c’est une divergence d’analyse logique qui a pesé le plus dans la différenciation des deux questionnements ontologiques différenciation dont le débat Russell-Meinong, mais aussi la querelle Carnap-Heidegger, sont des symptômes particulièrement révélateurs…