« Quelle solitude nous isole plus que la méfiance ? », demande George Eliot. Le texte qui suit répond : aucune. Jusqu’à un certain point – mais il n’est pas facile de déterminer exactement lequel – le témoignage est indispensable à l’acquisition des croyances nécessaires à la vie quotidienne et à l’enquête scientifique. Croire ce que l’on nous dit, croire sur la base d’un témoignage, n’est pas un pis-aller épistémique limité à des domaines dans lesquels il est inévitable, comme le pensent bien des philosophes modernes. C’est un des caractères fondamentaux de notre vie intellectuelle et morale, l’un de ceux dans lesquels se reconnaît la nature humaine. Le témoignage n’est pas le signe d’une fragilité épistémologique, comme certains seraient peut-être tentés de le penser. Bien au contraire, l’excellence de notre nature se manifeste dans l’exercice de vertus intellectuelles, dont celles qui nous permettent, de façon fiable, de témoigner et de recueillir des témoignages. Pour le montrer, on commencera par expliquer ce qu’est le « principe de crédulité », emprunté à Thomas Reid. On expliquera ensuite comment on peut le relier à un modèle épistémologique aujourd’hui reconnu : l’épistémologie des vertus. Comme l’épistémologie du témoignage proposée peut être confondue avec une autre, « communautarienne » et relativiste, il faudra aussi prendre soin de l’en distinguer.
« Le second principe que l’Être suprême a déposé dans notre nature, est une disposition à nous confier à la véracité des autres et à croire à ce qu’ils nous disent », dit Thomas Reid dans se…