L’âme humaine est selon Avicenne, une substance immatérielle qui atteint sa béatitude par l’effort intellectuel qu’elle entame ici-bas et qui fait d’elle, après la mort du corps, un miroir dans lequel l’ensemble de la réalité intelligible se reflète. La détermination du salut véritable comme étant le fruit de l’activité intellectuelle conduit à s’interroger sur la distinction qu’effectue le philosophe entre un intellect théorique et un intellect pratique, et à circonscrire le champ d’activité et la fonction de ce dernier dans le processus de réalisation progressive qui conduit au salut véritable.
A la lecture de la classification téléologique des puissances de l’âme établie dans le Traité de l’âme du Šif?’ (désormais T.A.S.), il peut paraître que la fonction de l’intellect pratique se limite à ordonner les puissances de l’âme en vue de la réalisation de sa partie la plus noble, l’intellect théorique. L’intellect pratique désigne alors la capacité de l’âme humaine à diriger son activité en vue d’une fin déterminée ; l’étude de sa fonction relève de la philosophie pratique. Cependant, une analyse plus détaillée des textes montre que la structure ontologique de l’âme rationnelle requiert cette division entre une puissance théorétique qui appréhende l’universel et une autre orientée vers le gouvernement des puissances corporelles. La nécessité du point de vue ontologique de cette division ne permet pas néanmoins de rendre raison du lien qui unit ces deux parties de l’âme, et la question de savoir si l’intellect pratique est une puissance cognitive autonome de l’âme se pose dans le cadre de la théorie de la connaissance avicennienne…