Couverture de PES_376

Article de revue

Le coût des dépenses de santé en 2017

Pages 48 à 56

Notes

  • [1]
    Alain Lopez, Réguler la santé, Presses de l’EHESP, 2013, 418 p., 35 euros

Le système de protection sociale à la française coûte cher. Il n’en reste pas moins efficace.

1Comme tous les ans, la Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des Solidarités et de la Santé a publié les résultats des comptes nationaux de la santé : ils mesurent pour l’année 2017 la valeur des trois aspects des dépenses de santé suivants :

  • l’aspect consommation : qui utilise et donc détruit les biens et services dont la finalité est d’améliorer la santé des Français ?
  • l’aspect production : qui produit des services et des biens dont la finalité est d’améliorer la santé des Français ?
  • l’aspect financement : il n’y a pas de production économique sans rémunération des producteurs. Or, la rémunération des producteurs de soins est, pour des raisons de politique de solidarité, associée à un système assurantiel qui doit permettre à tous les Français, quels que soient leurs revenus, d’accéder à la consommation de soins en payant le prix des articles qui rémunèrent les producteurs.

La consommation des services et des biens medicaux représente 8,7 % du PIB

2En 2017, la consommation de services et de biens médicaux s’élève à 199,3 milliards d’euros soit environ 2 977 euros par habitant. Elle représente 8,7 % du produit intérieur brut (PIB), en léger repli par rapport à 2016 et 12,5 % de la consommation des ménages. Le chiffre de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) conduit à deux questions, celle concernant son contenu et celle sur ses consommateurs. Effectivement, la CSBM comprend plusieurs volets :

  • les soins hospitaliers, c’est-à-dire, les soins délivrés par les hôpitaux publics et les soins délivrés par les cliniques privées y compris les honoraires des médecins libéraux exerçant en cliniques privées. Ce premier poste représente 46,6 % de la CSBM soit 92,848 milliards d’euros ;
  • les soins de ville sont les services réalisés dans les cabinets des médecins libéraux et dans les dispensaires, les analyses et les prélèvements en laboratoire, les soins réalisés en cure thermale, soit 26,8 % de la CSBM à savoir 53,4 milliards d’euros ;
  • les soins délivrés par les auxiliaires médicaux, comme les infirmiers (8,2 milliards d’euros), les masseurs- kinésithérapeutes (6 milliards d’euros), les podologues, les orthophonistes, les ostéopathes (1,3 milliard d’euros) pour un total 15,5 milliards d’euros ;
  • les transports sanitaires, soit 2,5 % du total (4,972 milliards d’euros) ;
  • la consommation de médicaments en ambulatoire, soit 16,3 % du total (32,59 milliards d’euros) ;
  • la consommation des autres biens médicaux (y compris l’optique) soit 7,8 % de la CSBM (15,5 milliards d’euros).

La CSMB est très inégalement répartie entre les consommateurs

3Cette CSBM est consommée par les Français, c’est-à-dire les personnes résidant en France y compris les étrangers autorisés par la règlementation à y résider. La consommation de soins et de biens médicaux est en moyenne de 2 977 euros par personne sachant qu’elle est très inégalement répartie. Si on classe les consommations par ordre croissant de consommation médicale et si on constitue des groupes identiques contenant 5 % des Français, on peut calculer la consommation moyenne de chaque groupe, celle de l’ensemble des groupes (équivalent à 2777 euros) et même la consommation médiane, celle en deçà de laquelle il y a la moitié des Français, l’autre moitié étant au-delà. Quel constat dresse-t-on ? La consommation du groupe des 5 % plus gros consommateurs atteint plus de 29 000 euros, dix fois plus que la moyenne. La consommation du groupe médian se situe aux alentours de 700 euros ce qui signifie que 45 % des Français consomment moins de 700 euros. La consommation du groupe médian est donc quatre fois plus faible que la consommation moyenne. La CSBM est donc très inégalement répartie entre les consommateurs. On en déduit qu’une minorité de Français est fort consommatrice de biens et de services médicaux. De plus, les forts consommateurs de 2017 ne sont plus les mêmes personnes que celles qui se trouvent dans le groupe de 2018 ou 2019.

4Cette inégale répartition de la CSBM a plusieurs conséquences. La première est qu’il est normal que les Français veuillent s’assurer contre le risque de devoir engager des sommes importantes pour se soigner. Cela devrait coûter aux alentours de 3 000 euros par an et par personne dans un système de financement assurantiel obligatoire, du type assurance automobile. Comme il représente une charge non négligeable pour les petits et moyens revenus, des assurances publiques subventionnées existent dans certains pays permettant soit une mutualisation totale des dépenses de toute la population, soit des assurances spécifiques pour les « pauvres » financées par l’Etat. La seconde conséquence est que le risque coûteux, quand il se manifeste (deux fois la consommation moyenne) est d’une fréquence faible (1 à 5 % de la population). C’est ce qui justifie l’assurance contre le risque d’être un fort consommateur de biens et services médicaux mais légitime moins l’assurance contre le risque d’être un consommateur faible car nous sommes tous des consommateurs médicaux.

5Le fait que la consommation médiane se situe très en dessous de la consommation moyenne illustre bien la distribution inégalitaire. La moitié des Français consomme peu et se passerait fort bien d’une couverture assurantielle pour une consommation qui devient de plus en plus banale. Pour sortir de ce dilemme, on utilise la technique de la franchise c’est-à-dire qu’une fraction du prix du service ou produit médical est forfaitairement non remboursable par l’assurance maladie et donc payable directement par le malade. C’est le cas du forfait hospitalier, fraction du prix de journée non remboursable.

Le système productif médical est composé de deux réseaux

6Les biens et services médicaux sont produits d’une part par les médecins dans l’exercice de leur art, et d’autre part par des industriels qui mettent à la disposition des médecins certains biens à usage médical (médicaments et autres biens médicaux comme l’optique, les prothèses et pansements). Le système productif médical français est composé de deux réseaux, l’un des médecins exerçant en libéral, en général seuls dans leurs cabinets quoique, de plus en plus, les jeunes médecins exercent de manière groupée, et l’autre par un réseau d’établissements de soins lesquels sont donnés par des médecins à des malades couchés et séjournant pendant le temps nécessaire pour qu’ils absorbent les services qui leur sont délivrés.

Tableau n°1

Dispositif des médecins en exercice suivant le statut et la spécialité

SpécialitésNombre de médecinsMédecins libéraux en %
Omnipraticiens
Spécialistes
102 466
123 753
66.4
49,8
Spécialités médicales71 00149,7
Spécialités chirurgicales dont gynecologie27 350
5 030
68,3
59,6
Biologie médicale3 01840,4
Psychiatrie15 38841,9
Santé publique et divers5 9961,2
Total des médecins226 21957,4

Dispositif des médecins en exercice suivant le statut et la spécialité

Environ la moitié des médecins sont des femmes. Ils sont secondés par des auxiliaires médicaux : 700 000 infirmiers et infirmières, 88 000 masseurs-kinésithérapeutes, 42 000 chirurgiens-dentistes, 222 000 sages-femmes et quelques milliers d’orthophonistes, ergothérapeutes, etc.
Tableau n°2

Dispositif hospitalier

Nombre d’établissementsNombre de litsNombre de places
Secteur public1 376250 10442 771
Secteur privé à but non lucratif68656 99413 718
Secteur privé à but lucratif1 00397 15018 659
Total secteur hospitalier3 065404 24875 148

Dispositif hospitalier

Ce dispositif comprend deux secteurs, le secteur public et le secteur privé, celui-ci étant réparti en un secteur privé à but lucratif et un privé à but non lucratif. Le dispositif hospitalier emploie 709 000 personnels soignants. En y ajoutant le personnel médico technique, administratif, on obtient l’emploi total du secteur hospitalier soit environ un million de personnes dont 770 000 dans le secteur public

7Ces deux réseaux utilisent pour soigner un certain nombre de biens dont les plus courants sont les médicaments. Ceux-ci sont produits en France (29 milliards d’euros) ou importés (18,3 milliards d’euros) ou exportés (25,1 milliards d’euros). Ils sont achetés par le consommateur final dans les officines (22 000 en France) ou à l’hôpital. Les officines sont approvisionnées par un circuit faisant intervenir des grossistes répartiteurs au nombre de sept en France. A cela s’ajoute l’optique médicale qui représentant 3 % de la CSBM, celle-ci concernant essentiellement les verres correcteurs et les montures, dans une moindre mesure les lentilles pour un montant de 6,11 milliards d’euros. Enfin, il y a les autres biens médicaux tels que les prothèses, les orthèses, les aliments, les pansements, les dispositifs de maintien à domicile, les matériels d’assistance respiratoire pour un montant de 9,3 milliards d’euros.

Le général de Gaulle crée un système applicable à tous les salariés

8Jusqu’en 1930, ce sont les malades qui rémunéraient les médecins, les hôpitaux, les cliniques privées et achetaient les biens médicaux. En 1930, le gouvernement a institué par voie législative un système d’assurances sociales applicable aux salariés ayant un salaire inférieur à un plafond. En 1945, le général de Gaulle a créé un système applicable à tous les salariés. En 1967, la réforme Jeanneney a institué trois caisses nationales chargées des risques maladie, retraite et famille, applicables à tous les Français : c’est la Sécurité sociale. En 2017, le financement de la CSBM est assuré par trois types d’organismes financiers :

  • l’Assurance maladie obligatoire (Amo), c’est-à-dire le régime d’assurance maladie auquel appartient le malade qui, de ce fait, demande à sa caisse un remboursement de sa dépense ;
  • les régimes d’assurance complémentaire à condition que le malade ait souscrit ce type d’assurance : compagnies privées ou mutuelles ;
  • le malade lui-même qui supporte ce qui n’a pas été pris en charge par les deux premiers financeurs : c’est le reste à charge (Rac).

9Pour compliquer le système, chaque financeur prend une part variable de chaque catégorie des dépenses de la CSBM suivant des règles qui lui sont propres. Par exemple, l’Amo rembourse 100 % de la dépense des malades atteints d’une maladie longue et coûteuse reconnue par son contrôle médical. Chaque poste de la CSBM est donc financé par l’un ou l’autre des trois financeurs dans des proportions différentes.

10Les soins hospitaliers sont financés par la Sécurité sociale qui y consacre 54,9 % de ses dépenses d’assurance maladie. De même, la dépense de médicaments est financée en partie par la Sécurité sociale qui y consacre 15,3 % de ses propres dépenses. Si on examine la totalité de la CSBM, on constate que la Sécurité sociale en finance 77,8 %, les organismes complémentaires en financent 13,2 %. Les dépenses de l’Etat (soins aux invalides de guerre, soins d’urgence, aide médicale de l’Etat) et des caisses de Sécurité sociale pour la Couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) financent 1,5 % de la CSBM.

Les dépenses de santé augmentent plus vite que le PIB

11Enfin, le reste à charge des ménages finance 7,5 % de la CSBM. Il correspond au montant de la consommation de soins et de biens médicaux acquittés en propre par les ménages après intervention de l’assurance maladie et des organismes complémentaires. Ce reste à charge ne tient pas compte des cotisations versées aux régimes de base et complémentaires ni des autres assurances (impôts et taxes) affectées à l’assurance maladie. En 2017, ce reste à charge est évalué à 14,9 milliards d’euros soit 223 euros par habitant. Il faut y ajouter un mécanisme destiné à favoriser l’accès aux soins des personnes ayant des revenus modestes, la CMUC. Entrée en vigueur le 1er janvier 2000, il s’agit d’une complémentaire santé gratuite en faveur des ménages à faibles revenus. La CMUC prend en charge les tickets modérateurs, le forfait journalier hospitalier sans limite et durée, les différentes franchises et tarifs sur les soins dentaires. La CMUC est gérée par les régimes de base dont relèvent les adhérents : régime général, régime agricole, régime des indépendants. La CMUC a été complétée, en 2005, par l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) pour les personnes dont les revenus se situent un peu au-dessus du plafond de la CMUC.

12En 2017, 5,5 millions de personnes ont bénéficié de la CMUC et 1,2 million ont souscrit un contrat avec l’ACS. La couverture maladie universelle (CMU) et l’ACS sont toutes deux gérées par le fonds CMU. Celui-ci rembourse aux organismes gestionnaires (régimes d’assurance maladie de base et organismes complémentaires) les dépenses de santé de leurs affiliés à la CMUC dans la limite d’un plafond fixé chaque année. En 2017, la dépense moyenne est de 403 euros par an et par bénéficiaire de la CMUC, le plafond de remboursement étant de 415 euros.

13En 2017, le fonds CMU a versé deux milliards d’euros aux régimes de base au titre de leur gestion de la CMUC. Il est financé par une taxe versée par les organismes complémentaires, dite taxe de solidarité additionnelle. Ce fonds est en équilibre financier.

14Les dépenses de santé en France augmentent chaque année plus vite que le PIB ce qui entraîne un déficit de l’Amo et donc une politique de régulation des dépenses de santé effectuée par l’Etat et l’Amo [1]. En 2017, son déficit atteint 4,9 milliards d’euros qui sont pris en charge par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) gérant la dette de la Sécurité sociale. N’oublions pas que celle-ci gère trois risques : « la maladie et les accidents du travail », « la famille dont les prestations familiales » et « la retraite ». Seule la « maladie » est déficitaire, les autres étant excédentaires si bien que la ministre s’est félicitée d’avoir réduit le déficit de la Sécurité sociale qui était de cinq milliards en 2017 : il est revenu à 1,2 milliard en 2018.

La dépense courante de santé permet des comparaisons internationales

15Nous avons centré nos réflexions sur le risque maladie à travers la CSBM. Mais il existe une autre définition des dépenses de santé, celle des pays de l’OCDE, ce qui permet d’autres comparaisons internationales. Cette conception, c’est la dépense courante de santé (DCS). La DCS, c’est la CSBM à laquelle il faut ajouter :

  • les soins de longue durée aux personnes handicapées en établissement et à domicile : 22,3 milliards ;
  • les indemnités journalières pour arrêts de travail en cas de maladie, maternité et accidents de travail : 14,5 milliards ;
  • les dépenses de prévention institutionnelle : 6 milliards ;
  • les dépenses en faveur du système de soins, recherche médicale, formation des professionnels de santé : 13,1 milliards ;
  • le coût de gestion du système : 15,5 milliards (coûts de gestion de l’Amo, des organismes complémentaires et du ministère de la Santé).

16Soit un total de ces ajouts de 71,4 milliards d’euros.

17La dépense courante de santé en France se monte donc en 2017 à 270 milliards d’euros financés par la Sécurité sociale (202,4 milliards), l’Etat et les collectivités locales (14,1 milliards), les organismes d’assurance complémentaire (39,2 milliards) et les ménages (15,02 milliards).

18La dépense courante de santé exprimée en pourcentage du PIB est la plus élevée aux Etats-Unis (17 % du PIB). Près de cinq points en dessous des Etats-Unis, la Suisse et la France dépensent 12 % de leur PIB pour la santé, devant l’Allemagne et la Suède (11 %), la moyenne des pays de l’OCDE se situant à 10 %. La France se trouve donc au-dessus de la moyenne. En revanche, si on compare le reste à charge des ménages dans la dépense courante de santé, c’est en France qu’elle est la plus faible des pays de l’OCDE, ce qui montre l’efficacité de notre système de protection sociale.

Repères : L’alimentation des Français est parmi les plus saines

Selon l’hebdomadaire médical international The Lancet, la France se classe au deuxième rang des pays, après Israël, dans lesquels le taux de mortalité attribuable à une mauvaise alimentation est le plus faible. Selon l’Institut global disease burden, cité par cette publication, la mauvaise qualité de l’alimentation a été responsable de onze millions de décès à travers le monde en 2017. C’est plus que le tabac : huit millions. En tête des régimes alimentaires les plus dangereux, ceux trop riches en sel : 3 196 514 décès. En revanche, un régime trop riche en viande rouge n’aurait causé que 24 834 morts cette année-là. Près de 130 fois moins !

Statut des bénéficiaires du régime agricole en 2018

figure im1
(source : MSA)

Notes

  • [1]
    Alain Lopez, Réguler la santé, Presses de l’EHESP, 2013, 418 p., 35 euros
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