1Le projet européen se lézarde sur fond de crise et de ce qu’il est convenu d’appeler la montée du populisme dans nombre de nos pays. Si nous ne réagissons pas, la grande confrontation économique, technologique et militaire aura lieu entre la Chine et les Etats-Unis, et nos pays européens en seront, à coup sûr, les victimes collatérales. Les élections européennes devraient être l’occasion d’un grand débat sur notre avenir, qui sera européen ou ne sera pas.
2Aura-t-il lieu ? Et que faut-il faire pour construire cet avenir commun indispensable à mes yeux ?
3Renforcer nos frontières autour de l’espace Schengen avec la participation de tous les Etats membres afin de contrôler au mieux les flux migratoires tout en restant ouvert aux réfugiés politiques.
4Ma position n’est ni égoïste, ni alimentée par la peur de l’étranger. Au contraire, dans nos pays vieillissants, la migration peut être un apport salutaire, mais je pense aussi que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère de la terre et qu’il vaut mieux que la Communauté internationale investisse dans le développement afin de limiter la fuite des forces vives des pays concernés. Ne rien faire, c’est alimenter la montée des extrêmes. Bâtir une défense commune. Je sais bien que je touche ici le pouvoir régalien des Etats. Mais la remise en cause publique par la voix de Trump de la protection de l’Otan nous oblige à réagir et à assumer notre propre responsabilité.
5Cela doit être fait en relation avec le Ttraité transatlantique, mais cela doit, de toute façon, être assumé …
6Là aussi, l’évolution du numérique et de la cyberdéfense, c’est-à-dire des nouvelles technologies de communication, touche l’organisation, l’armement et l’industrie qui en dépendent, et nous oblige à investir en commun pour en acquérir la maîtrise.
7Réformer notre droit à la concurrence pour permettre un nouvel équilibre des forces. Le refus de la Commission européenne du mariage d’Alstom et de Siemens est un contresens et une catastrophe. Comment peut-on voter les traités de libre échange et ne pas en tirer les enseignements nécessaires qui permettraient l’émergence d’entreprises en capacité de résister à la concurrence internationale ?
8Cette vision étriquée, qui permet aux Chinois CRC (China Railway Corporation) d’accéder au marché du rail européen sans réciprocité, est une condamnation à terme de notre industrie ferroviaire des trains à grande vitesse, et pas seulement.
9De même, l’autorisation du rachat de Syngenta par le conglomérat ChemChina procède du même aveuglement.
10Consulté par cabinets interposés, j’avais indiqué que cette autorisation ne pouvait être délivrée que si - à minima - le marché chinois s’ouvrait aux sociétés occidentales ! Ce n’est toujours pas le cas en ce qui concerne un secteur très stratégique – les semences – dans lequel l’investissement est possible mais avec un partenaire chinois qui garde la majorité. Il y a donc urgence à bâtir un plan stratégique de notre industrie européenne.
11Il faut aussi que l’Europe devienne un acteur incontournable de la nouvelle génération des réseaux mobiles dite 5G qui marque une véritable rupture technologique. La bataille sino américaine autour de Huawei doit être une alerte à prendre très au sérieux.
12Si j’en ai bien compris l’importance, cette nouvelle rupture technologique va permettre l’application de ce que l’on appelle l’intelligence artificielle, c’est-à-dire la transmission continue et instantanée des données dans tous les secteurs de notre économie : industrie, agriculture, médecine, enseignement en ligne et défense militaire (comme citée plus haut). Les Américains avec leur GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) ont, pour l’instant, un temps d’avance et les investissements y sont massifs.
13La maîtrise de ces technologies, pour éviter leur détournement, leur destruction ou l’interruption de leur transmission, est un élément indispensable de notre souveraineté et de notre indépendance.
14L’Europe, de par son éclatement, sera marginalisée si elle ne prend pas conscience de ces enjeux et ne sait y remédier.
15Nous devons aussi faire de l’Euro une monnaie internationale en payant nos approvisionnements avec cette devise afin d’acquérir une certaine indépendance tant vis-à-vis du dollar, que demain du yen chinois.
16Cela nous donnerait une marge de manœuvre économique et politique et mettrait nos entreprises à l’abri de certaines sanctions financières dans les « zones à risques », aujourd’hui sous le coup des sanctions économiques des Etats-Unis aujourd’hui.
17Développer un enseignement scolaire européen assis sur nos valeurs, notre histoire et pas seulement nos querelles ou nos guerres. Le programme Erasmus est un bon exemple. Il mériterait d’être démultiplié. Les étudiants, qui passent une année ou plus à l’extérieur de leurs frontières, deviennent de fait les meilleurs citoyens de l’Europe de demain.
18Je n’oublie pas non plus la nécessité de rebâtir une véritable politique agricole, capable de redonner à l’Europe son indépendance alimentaire. Cette politique agricole commune (PAC) doit à mes yeux s’inscrire dans le cadre des différents traités et accords commerciaux, mais elle doit aussi renouer avec les fondamentaux du traité de Rome.
19Nous ne protègerons pas notre agriculture en empilant les normes et les contraintes, y compris environnementales. Ce serait, au contraire, l’affaiblir vis-à-vis de la concurrence internationale.
20Toutes les grandes zones du monde protègent a minima leurs agriculteurs des déficiences du marché ; c’est aussi une question d’indépendance, de souveraineté, de rayonnement et d’influence politique. Mais, aujourd’hui, nous confondons objectifs et moyens. J’ai peur que le débat européen ait des difficultés à se frayer un chemin dans le contexte particulier de notre pays. Ce débat là est pourtant indispensable car il doit être le socle des projets et des convergences économiques, fiscales et sociales à mettre en œuvre.
21L’Europe est un espace de culture, de civilisation et de démocratie. Si nous savons avancer dans sa construction, elle apportera un équilibre indispensable sur la scène internationale. Un équilibre au service de la paix et de l’épanouissement des hommes. C’est le vœu que je formule.