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Article de revue

L’attachement des femmes en période périnatale : de la vulnérabilité à la responsabilité

Pages 8 à 14

Introduction

1Cet article propose une revue empirique des études publiées autour de l’attachement des femmes en période périnatale. Après une brève mise au point sur les différents styles d’attachement adulte, nous nous intéressons à l’activation de l’attachement des femmes enceintes dans leurs relations à leurs proches puis aux soignants. Nous présentons et discutons le concept « d’attachement prénatal » au fœtus. Nous nous intéressons finalement à l’influence des capacités maternelles d’attachement sur la qualité du caregiving vis-à-vis du nouveau-né.

Le style d’attachement adulte des femmes enceintes

2La grossesse, l’accouchement et l’accueil d’un nouveau-né impliquent des changements majeurs sur le plan physique, psychique, relationnel et familial. Les familles, les femmes en particulier, traversent une période bouleversante [1]. Le système de l’attachement est activé : les relations aux proches sont médiées par le style d’attachement adulte.

3Le style d’attachement adulte décrit comment un individu adulte pense et se comporte lorsqu’il a besoin d’être rassuré dans une situation de stress ou de peur. Il s’intéresse à la façon dont un individu à la fois s’appuie sur ses ressources propres et recherche l’aide de ses proches, selon des schémas cognitifs et comportementaux intériorisés lors de la construction des relations d’attachement pendant la petite enfance. Ces schémas interpersonnels seraient plutôt stables au cours de la vie, du moins prédictibles à un moment donné de la vie, et issus de l’interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux [2,3].

4De nombreuses méthodes d’évaluation du style d’attachement adulte ont été développées, certaines développent une approche catégorielle et d’autres une approche dimensionnelle [3]. La description du style d’attachement des adultes dans les relations intimes d’Hazan et Shaver découlait directement des catégories de l’attachement enfant–parent décrites historiquement chez le bébé et le jeune enfant [4] : style sécure ou styles insécures évitant ou anxieux-ambivalent. Par ailleurs, Collins et Read ont proposé une évaluation de l’attachement adulte selon trois dimensions : sentiment d’intimité confortable, sentiment de dépendance aux autres confortable, sentiment d’anxiété à l’idée d’être abandonné [5]. Feeney a précisé le travail de Collins et Read et construit un autoquestionnaire évaluant l’attachement adulte selon cinq dimensions : sentiment d’intimité inconfortable, besoin d’être approuvé, niveau de préoccupations dans les relations, importance donnée aux relations par rapport aux objectifs de réussite, manque de confiance [6]. Enfin, Bartholomew a proposé à cette même époque une modélisation de l’attachement adulte selon deux dimensions (vision de soi, vision des autres). Ces dimensions permettaient de définir une catégorie sécure : style sécure (visions positives de soi et des autres), et trois catégories insécures: style insécure préoccupé (vision négative de soi, positive des autres), style insécure détaché (vision positive de soi, négative des autres), ou style insécure craintif (visions négatives de soi et des autres) [7].

5Les styles d’attachement adulte insécures sont des facteurs de risque de troubles dépressifs [8], anxieux [9], et d’état de stress post-traumatique [10]. En période périnatale, les styles d’attachement insécures sont des facteurs de risque de dépression périnatale [1,11–13], d’anxiété périnatale [14], de vécu subjectif négatif de l’accouchement [15].

L’importance de la qualité des figures d’attachement dans la période périnatale

6Si la description du style d’attachement adulte d’une femme en période périnatale permet d’expliquer la façon dont elle demande à être aidée, le nombre et la disponibilité des proches auxquels elle peut s’adresser influencent également le soutien qu’elle pourra effectivement obtenir.

7La méta-analyse d’Howard montre l’impact d’expériences relationnelles malheureuses, passées ou actuelles, sur la santé périnatale : un antécédent d’événement stressant dans l’enfance, l’existence de difficultés conjugales et a fortiori de violence domestique, l’absence d’entourage amical ou une immigration récente augmentent significativement le risque de dépression périnatale [16]. Schwerdtfeger et Goff soulignent bien que la période périnatale est affectée lorsqu’il a existé un événement de vie traumatique dans l’enfance sur le plan interpersonnel (abus sexuels, attaques criminelles), et que ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agissait d’un traumatisme n’impliquant pas une autre personne (accidents, catastrophe naturelle) [17].

8Une étude récente met spécifiquement en avant les rôles de la mère et du conjoint pendant la grossesse : les dépressions anténatales ou les états subdépressifs sont plus fréquents lorsqu’il y a des antécédents d’abus dans l’enfance liés à la mère ou lorsque le conjoint est indisponible [18]. Racine montre que la qualité du réseau social est un facteur protecteur important : le risque de dépression périnatale est toujours augmenté lorsqu’il y a eu une négligence ou une maltraitance dans l’enfance (abus sexuels, agressions physiques ou psychiques, exposition à des violences domestiques, parent[s] toxicomane[s]), mais elle précise ce risque en indiquant qu’il est d’autant plus augmenté que la femme, enceinte ou nouvelle mère, n’a pas réussi à construire un réseau social bienveillant autour d’elle à l’âge adulte [19]. De la même façon, une augmentation des risques médicaux pendant la grossesse est constatée lorsqu’il y a eu des antécédents d’abus dans l’enfance et qu’il n’y a pas de réseau social bienveillant à l’âge adulte [20].

9Des études récentes s’intéressent aussi à la transmission transgénérationnelle de l’attachement. Le niveau de sécurité de l’attachement a tendance à être transmis d’une génération à l’autre, c’est-à-dire que les représentations de l’attachement de l’adulte qui est la figure d’attachement d’un enfant expliquent en partie la qualité de l’attachement de l’enfant à cet adulte [21,22]. Les études soulignent le rôle des femmes dans ce phénomène puisqu’elles montrent que l’attachement de l’enfant est mieux corrélé à celui de ses parents lorsque la mère ou la grand-mère de l’enfant est impliquée auprès de lui [21,22]. Une autre étude révèle que la transmission de l’attachement de la grand-mère aux petits enfants serait largement médiée par la qualité de la relation entre la mère et la grand-mère : l’attachement serait transmis sur trois générations uniquement si la mère et la grand-mère sont impliquées ensemble pour s’occuper de l’enfant [21].

Les relations aux soignants en prénatal et postnatal : des figures d’attachement « transitoires » ou « spécifiques au contexte » ?

10Dans les pays occidentaux, les grossesses sont souvent médicalisées. Les femmes sont suivies par des soignants desquels elles se rapprochent pour obtenir ou maintenir un sentiment de sécurité vis-à-vis de leur grossesse. Ces soignants, s’ils sont réguliers au cours du suivi et engagés dans la relation avec leur patiente, pourraient contribuer à la constitution du « havre de sécurité » nécessaire aux femmes en période périnatale, voire constituer pour elles une figure d’attachement « transitoire » ou « spécifique au contexte » [23,24]. La propension des soignants à représenter des figures d’attachement transitoires dépend probablement de la disponibilité des figures d’attachement primaires (en général la mère) ou secondaires (le conjoint, cercle familial élargi, cercle amical) de la femme enceinte à ce moment. Le rôle des sages-femmes a été étudié en particulier.

11Les femmes les plus vulnérables seraient effectivement les plus sensibles à la qualité des interactions avec les sages-femmes à la maternité [25]. En Allemagne, soulignant l’implication nécessairement intime et continue des sages-femmes dans les situations à risque psychosocial, certaines d’entre elles, les family midwives, visitent régulièrement les familles à leur domicile depuis la grossesse et jusqu’au premier anniversaire de l’enfant, en s’assurant de la continuité et de la coordination des soins [26]. En France, l’importance de la sécurité émotionnelle des femmes enceintes, sous la responsabilité des professionnels engagés dans la période périnatale, a été reconnue également. Des mesures ont été proposées via le plan périnatalité 2005–2007 [27]. La qualité des liens entre les (futurs) parents et les professionnels est particulièrement visée [28]. « L’accompagnement personnalisé en réseau coordonné » des familles à risque permettrait de réduire la prévalence des troubles anxiodépressifs maternels et les difficultés de développement du bébé (retrait, retard psychomoteur) [29].

12L’intérêt de la présence des sages-femmes est remarqué dès la grossesse, en dehors même d’une condition mentale prénatale à risque ou pathologique. Les femmes, comme les sages-femmes, demandent à être ensemble [30,31]. Les femmes attendent un soutien spécifique, adapté à leur situation et à leur personnalité [32], alors que les sages-femmes expliquent qu’elles ont besoin d’un temps suffisamment long pour être à l’écoute et disponibles pour leurs patientes [33]. Les qualités relationnelles des sages-femmes, leurs capacités à rassurer, seraient les qualités les plus attendues [34].

13La présence des sages-femmes influencerait le vécu postnatal des parents et les suites obstétricales. La qualité subjective de la relation avec elles est corrélée avec le vécu subjectif de l’accouchement [35–37] et le sentiment de sécurité postnatal [38]. Les résultats d’une méta-analyse de la Cochrane ont montré que certaines interventions obstétricales, la prématurité et les morts fœtales étaient moins fréquentes lorsque les soins en maternité sont organisés autour d’un suivi continu et singulier avec une sage-femme [39].

14Après l’accouchement, des infirmières puéricultrices et des intervenants sociaux sont impliqués. Plusieurs études ont montré l’intérêt des programmes de soutien familial périnataux dans la réduction des symptomatologies anxieuses et dépressives des nouvelles mères, du moment que les professionnels, même peu spécialisés, sont engagés de façon régulière, bienveillante et durable autour des familles [40–43].

La « relation » au fœtus : « l’attachement » prénatal des femmes enceintes

15Dans la littérature, le concept « d’attachement prénatal » maternel, appelé également « attachement maternel » ou « attachement maternofœtal », désigne le lien émotionnel qu’une femme enceinte établit pendant sa grossesse à l’égard de son fœtus, c’est-à-dire de son futur enfant. Dans les suites de la première publication de Cranley, en 1981, de nombreux articles explorant « l’attachement » des femmes pour leur fœtus sont parus. Plusieurs échelles proposant une mesure de l’attachement prénatal ont été développées : la Maternal-Fetal Assessment Scale [44], la Prenatal Attachment Inventory [45], la Maternal Antenatal Attachment Scale [46] et la Pictorial Representation of Attachment [47]. Les échelles Maternal Antenatal Attachment Scale (MAAS) et Prenatal Attachment Inventory (PAI) ont été traduites et validées en français [48,49].

16Ces autoquestionnaires interrogent à la fois la relation directe au fœtus et celle à l’enfant imaginé, attendu. La MAAS s’intéresse exclusivement aux affects et représentations qui concernent le bébé « à l’intérieur », le bébé « à venir », le bébé « quand il sera né ». La PAI questionne aussi les comportements de la femme enceinte vis-à-vis du fœtus (lui parler, le toucher à travers le ventre, permettre aux autres d’interagir avec lui à travers le ventre, le protéger d’un environnement jugé dangereux) et les comportements qui témoignent qu’elle se prépare à accueillir un bébé (investissements matériels réalisés).

17Le score « d’attachement » maternel au fœtus serait positivement corrélé à l’avancement de la grossesse : terme gestationnel et perception des mouvements actifs fœtaux [50–53], à un environnement familial bienveillant : niveau du soutien familial et entente du futur couple parental [50,51,53–55], ainsi qu’à la qualité du suivi obstétrical : respect du calendrier de surveillance médicale recommandé, attention portée à l’alimentation et à l’activité physique, pratique d’échographies pendant la grossesse [50,56]. « L’attachement » maternofœtal serait également plus élevé lorsque la parité est moindre, lorsque la grossesse était planifiée et lorsque le sexe du fœtus est connu [49,57].

18Bien que certaines études se contredisent, il semble plutôt que le score « d’attachement » maternel au fœtus ne dépend pas directement de l’âge de la femme enceinte, ni du niveau socio-économique ou culturel dont elle est issue [50,57]. De la même façon, il ne serait pas corrélé directement au niveau de risque ou aux complications de la grossesse (recours à la procréation médicalement assistée, grossesse multiple, antécédent de deuil prénatal) [50,53,58].

19En revanche, même si aucun score ne représente le seuil d’un « attachement » « pathologique » au fœtus [49,59], le score « d’attachement » maternel au fœtus est corrélé négativement aux niveaux d’anxiété et de dépression prénatales, ainsi qu’à l’existence d’une toxicomanie pendant la grossesse, qui témoignent de conditions pathologiques [50,51,53,54,57,58,60].

20Certaines équipes ont proposé d’intervenir sur la relation maternofœtale dans l’idée d’améliorer « l’attachement » prénatal et de prévenir in fine les troubles psychiques observés chez les futurs et jeunes parents [61]. Les résultats des études publiées sont divergents, et leur méthodologie critiquée [61]. Il semble néanmoins que les stratégies d’intervention directe sur le fœtus, telles que l’augmentation du nombre d’échographies fœtales ou le monitoring des mouvements actifs fœtaux, sont moins souvent efficaces que les stratégies d’intervention qui impliquent la relation avec un tiers, telles que les programmes de préparation à la naissance, ou de soutien à domicile, ou les méthodes de relaxation [61,62].

L’attachement prénatal existe-t-il ? Préférer l’idée d’un bonding prénatal ?

21Par définition, « être attaché à quelqu’un signifie qu’en cas de détresse ou d’alarme on recherche la proximité, et la sécurité qu’elle apporte, de la figure spécifique à laquelle on est attaché » [63]. L’attachement fait donc référence au comportement d’un individu vulnérable qui se trouve en situation de stress, à l’égard d’un autre individu qu’il identifie comme un individu capable de lui offrir réconfort et protection, capable de le prendre en charge.

22Si l’attachement d’un jeune enfant pour un parent avec qui il grandit paraît inévitable [64-66], s’il perdure et évolue tout au long de la vie [7,67], si des relations d’attachement entre adultes sont objectivables [68,69], l’idée d’un attachement au fœtus fait légitimement débat [48,49,70].

23D’un certain point de vue, l’emploi du terme « attachement » pour qualifier la relation qu’une femme entretient avec son fœtus paraît évidemment dévoyé : le fœtus n’est manifestement pas une personne capable psychiquement et physiquement de reconnaître, par le comportement de sa mère, les besoins de cette dernière pour y répondre. D’un autre point de vue, certains pourraient considérer que les comportements des femmes enceintes à l’égard de leur fœtus rappellent bien le système motivationnel de l’attachement. La recherche de proximité avec le fœtus, par la parole, le toucher, voire la pensée, répond peut-être à un besoin de sécurité émotionnelle pendant cette période bouleversante et risquée que constitue la grossesse, et témoigne possiblement de la capacité des femmes enceintes à chercher de l’aide.

24Des études montrent un lien entre la qualité de « l’attachement » prénatal et la qualité des figures d’attachement des femmes enceintes. Par exemple, il a été montré que l’association statistique entre la diminution du score « d’attachement » maternofœtal et l’augmentation du score de dépression serait médiée par la qualité de la relation conjugale [54]. De même, la perception qu’ont les femmes de leurs relations aux autres, en particulier aux autres adultes, serait un facteur confondant majeur du lien de corrélation entre le score « d’attachement » au fœtus et le niveau d’anxiété [60]. Une autre étude a montré que les représentations du lien que la mère se fait du lien avec sa propre mère influenceraient « l’attachement » maternofœtal et la façon dont elle anticipe son accouchement [71].

25L’idée d’un bonding maternofœtal, reflétant l’activation du système de caregiving maternel, pourrait néanmoins être préférée à celle d’un « attachement » maternofœtal [70]. À l’inverse de l’attachement, le caregiving fait référence au comportement d’un individu responsable, le caregiver, qui répond aux appels d’un autre individu plus vulnérable, lorsqu’il se trouve en situation de détresse. Le caregiving parent–enfant répond à l’attachement enfant–parent : en réponse à la détresse et à l’activation du système d’attachement de l’individu vulnérable, le système de caregiving s’active chez le caregiver et le pousse à intervenir. La proposition d’un bonding maternofœtal souligne la position particulièrement vulnérable du fœtus, évoque la préoccupation maternelle qui peut évidemment exister dès le début de la grossesse et même en amont. Plusieurs équipes ont remarqué l’implication des capacités de caregiving des futures mères, plutôt que d’attachement, dans la relation au fœtus. La qualité de la relation maternofœtale est corrélée directement aux capacités de caregiving, et non d’attachement, des femmes dans le couple [72]. Par ailleurs, il a été de multiples fois démontré des corrélations positives entre « l’attachement » maternofœtal et le bonding en postnatal [73].

26Malgré cela, même si « l’attachement » maternofœtal relève plutôt du système motivationnel de caregiving, l’emploi du terme bonding pour qualifier la relation qu’une femme entretient avec son fœtus ne paraît pas plus exact que celui « d’attachement » : si le fœtus n’est pas une personne capable de reconnaître les besoins de sa mère, il n’est pas plus apte à l’appeler pour qu’elle lui vienne en aide.

27Au final, la difficulté à déterminer lequel des systèmes motivationnels concerne la relation mère–fœtus, entre celui de l’attachement et celui du caregiving, révèle peut-être l’activation synchrone de ces deux systèmes dans la période périnatale. Nous proposons l’idée qu’une activation simultanée et complémentaire des systèmes d’attachement et de caregiving est nécessaire aux femmes dans cette période, puisque, tout en même temps, elles ont besoin d’être rassurées et protégées, et elles se préparent à accueillir et prendre soin de leur bébé. Les prémisses du caregiving seraient activées à l’égard du fœtus-futur bébé, quand le système d’attachement serait activé à l’égard des figures d’attachement de la mère. Les deux systèmes paraissent intriqués : en cas d’indisponibilité des figures d’attachement maternelles, la mise en place du système de caregiving vis-à-vis du fœtus-futur bébé est sûrement entravée.

L’accueil du nouveau-né : de « l’attachement » prénatal au bonding

28Des liens existent entre la qualité de la relation prénatale au fœtus, la qualité du bonding postnatal, et des variables liées à la qualité de l’attachement de la femme enceinte et future mère. Quelques études permettent de comprendre la façon dont l’attachement d’une femme influence concrètement la qualité du bonding au bébé.

29Le style d’attachement adulte semble influencer le bonding. S’il est bien connu que la qualité du lien de la mère au bébé après la naissance est diminuée en cas de trouble dépressif périnatal, des équipes ont montré qu’elle était d’autant plus menacée que la mère était à la fois déprimée et présentait un faible « attachement » maternofœtal [74] ou un style d’attachement adulte insécure [75]. Les mères sujettes aux troubles anxiodépressifs périnataux sont plutôt celles qui présentent un style d’attachement adulte insécure de type anxieux-ambivalent : le lien au bébé est alors marqué par une anxiété centrée sur le bébé [76]. Celles qui ont un style d’attachement adulte insécure de type évitant développent plus d’états de stress post-traumatique, et le lien au bébé est gêné par de l’hostilité et du rejet [76]. Au final, le développement psychomoteur peut être impacté par un style d’attachement adulte maternel insécure de type évitant [77].

30D’autres études se sont intéressées aux mécanismes cognitifs qui sous-tendent les liens entre le style d’attachement et les capacités de bonding. Rodrigues et al. ont montré qu’un style d’attachement adulte insécure favorise l’émergence d’une dépression périnatale qui implique des pensées automatiques négatives, qui diminuent elles-mêmes la confiance en soi de la mère et peuvent expliquer un lien postnatal marqué par le sentiment de ne pas s’occuper suffisamment bien du bébé [13].

31La qualité des figures d’attachement de la mère influencerait aussi la qualité de son bonding au bébé. Les femmes qui sont inscrites dans une relation conjugale stable et qui ont une bonne insertion professionnelle présentent une meilleure qualité de relation au fœtus, puis au bébé [73].

32Les scores « d’attachement » prénatal semblent trouver leur traduction dans la qualité du bonding après la naissance. La tonalité de la relation mère–enfant à 12 semaines est prédictible à partir des réponses obtenues à la Prenatal Attachment Inventory au troisième trimestre de la grossesse : les femmes qui stimulaient leurs fœtus dans leur ventre ont tendance à stimuler plus leurs nourrissons, alors que les femmes distantes du fœtus pendant la grossesse sont plus distantes de leur bébé [78]. De même, la sensibilité maternelle aux signaux de l’enfant à six mois est corrélée au score obtenu en amont à la Maternal Antenatal Attachment Scale [79]. Les mères qui présentent un faible score « d’attachement » maternofœtal rapportent significativement plus souvent des comportements de pleurs excessifs de leurs bébés à six semaines de vie [80], plus de troubles du sommeil et un tempérament de l’enfant moins souple, plus irritable, à neuf mois [81]. Enfin, il existe une augmentation du risque de retard psychomoteur chez l’enfant lorsque « l’attachement » maternofœtal était diminué pendant la grossesse [77,81].

Conclusion

33La grossesse, l’accouchement et l’accueil du nouveau-né impliquent une vulnérabilité physique, psychique et relationnelle inhabituelle. Le système de l’attachement des femmes est largement sollicité en période périnatale.

34Ces moments offrent l’occasion d’une visite, sécurisante ou insécurisante, des représentations de l’attachement à la figure d’attachement primaire, le plus souvent la mère, ainsi qu’aux figures d’attachement secondaires tel que peut l’être le conjoint. Ils sont aussi l’opportunité ou le risque d’une rencontre facilitante ou aggravante auprès des professionnels de santé impliqués en périnatalité, notamment des sages-femmes. De façon complémentaire ou réciproque, à partir de son sentiment propre de sécurité dans la relation aux autres, la future mère, puis la mère, se prépare à accueillir et accueille un nouveau-né dépendant de sa capacité à percevoir et à répondre aux signaux qu’il lui adresse.

35Cette double position, à la fois vulnérable et responsable, propre à la période périnatale offre peut-être une chance rare et précieuse de remédiation de l’attachement. Étant donné l’importance fondamentale de la qualité de l’attachement sur la santé mentale individuelle et familiale, des études précisant le rôle des professionnels dans cette période clé, leurs modalités d’intervention réfléchies à partir des concepts élaborés par la théorie de l’attachement, semblent pertinentes et nécessaires.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Mots-clés éditeurs : bonding, style d’attachement adulte, figures d’attachement, attachement prénatal, sages-femmes

Mise en ligne 01/04/2021

https://doi.org/10.3166/rmp-2020-0073

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