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Article de revue

Le temps du changement dans les pratiques périnatales : les étapes d’une expérience locale

Pages 93 à 98

Notes

  • [1]
    En l’occurrence F. Molénat (CHU Montpellier, AFREE).
  • [2]
    Formation AFREE (Association de formation et de recherche sur l’enfant et son environnement).

Introduction

1L’idée de décrire les étapes d’un changement progressif d’état d’esprit dans les pratiques périnatales concernant les trois champs somatique/social/psychiatrique nous a paru après coup une occasion de soumettre à la réflexion une démarche volontariste, faite de petits pas et d’actions modestes. Parti de très peu, dans un contexte de frustrations réciproques entre les professionnels, le service de pédopsychiatrie a pris l’initiative d’amorcer le dialogue et d’organiser les rencontres entre équipes ou acteurs de soins isolés, d’abord sur une ville puis sur le département, s’articulant enfin avec la région par le biais du Réseau périnatal Centre [1]. La méthode n’était pas définie à l’avance. L’objectif de prévention précoce des troubles du développement chez les enfants passait par la sensibilisation des professionnels qui rencontrent les futures mères, les couples, dans le parcours naturel d’une naissance. Comment rendre chacun acteur dans cette politique ? Comment développer une culture de clinique coordonnée afin d’offrir aux parents et au bébé un environnement porteur dès les premières étapes de la procréation ? Comment assurer un sentiment de sécurité suffisant chez les parents [2], améliorer l’accueil de l’enfant, suivre son développement avant la survenue des troubles ? Derrière les objectifs désormais consensuels se posait la question : comment faire ?

Étapes du changement

Avril 2011 : état des lieux

2Le chef de pôle de psychiatrie infantojuvénile du centre hospitalier (CH) de Bourges, département du Cher, recrute une psychologue avec pour mission : développer la coordination des soins médicopsychologiques en périnatalité dans le département. Concrètement, il s’agit d’initier une démarche de prévention permettant un repérage des risques psychoémotionnels et une prise en charge précoce des enfants [3].

3Comment faire ? Intervenir au plus tôt auprès des futurs parents puis du bébé, en intensifiant les contacts avec les maternités locales, les sages-femmes et puéricultrices de PMI, les professionnels du secteur privé (sages-femmes, médecins traitants, gynécologues-obstétriciens, pédiatres). Cet objectif est devenu important pour la pédopsychiatrie : les demandes de soins augmentent et s’avèrent de plus en plus complexes ; elles sont tardives (en général vers trois ans, au moment de l’entrée en collectivité). C’est déjà tard, alors que l’anamnèse des troubles révèle la haute fréquence de difficultés dans les processus d’attachement remontant à la toute petite enfance, à l’accouchement, voire à la grossesse de la mère [4].

4Le département du Cher inclus dans la région Centre-Val de Loire compte 320 000 habitants et 3 centres urbains principaux : Bourges, Vierzon et Saint-Amand-Montrond.

5Il comporte quatre maternités : trois de type 1 et une de type 2B et correspond à 2 788 naissances par an (2017). Ce département est particulièrement touché par un important problème de démographie médicale, avec un des taux les plus bas en France.

Naissance des collaborations dans le département du Cher

6Dans les années 1979–1980, la pédopsychiatrie en pleine construction a déjà initié des expériences de coordination du travail en périnatalité. Par exemple, des médecins de pédopsychiatrie s’appliquaient à rencontrer certaines sages-femmes de PMI ; mais ces initiatives restent « personnes-dépendantes », et toutes n’ont pas perduré.

7En 2011, nous notons :

  • à Bourges, deux fois par an, des psychiatres, des pédopsychiatres et des professionnels de la pédopsychiatrie se déplacent à la maternité du CH pour rencontrer les équipes et élaborer autour de situations difficiles apportées par les sages-femmes ou les gynécologues ;
  • une éducatrice de pédopsychiatrie rencontre les parents en post-partum et les mères signalées par l’équipe sur une demi-journée par semaine ;
  • une pédopsychiatre consulte en pédiatrie deux fois par mois ;
  • une liaison psychiatrie adulte–maternité tente de se mettre en place lors de cas compliqués ;
  • un staff médical à la maternité, le lundi après-midi, accueille parfois des sages-femmes libérales ;
  • des staffs médicopsychosociaux (MPS) ont lieu une fois par trimestre et concernent les sages-femmes de PMI, la psychologue de la maternité, l’éducatrice de pédopsychiatrie et l’assistante sociale ;
  • à Vierzon, une pédopsychiatre peut consulter en pédiatrie au cas par cas ;
  • à Saint-Amand, les puéricultrices de PMI rencontrent les nouveaux parents en maternité une fois par semaine. Un lien existe au cas par cas entre la maternité et la consultation de psychiatrie adulte (CMP) locale.

Début de l’impulsion collective

8Dans un premier temps, une quinzaine de professionnels de pédopsychiatrie se rassemblent autour du projet dont les fondements sont exposés. Puis, en septembre, ce groupe de travail invite tous les acteurs de la périnatalité du département pour former une équipe et repérer les forces vives.

Janvier 2012

9Une journée de sensibilisation au travail en réseau en périnatalité réunit 130 professionnels de la périnatalité. Elle est animée par une formatrice externe pédopsychiatre [1], qui a demandé que la séance soit ouverte par le chef de service de gynécologie-obstétrique, afin de raisonner à partir du parcours naturel des futures mères, c’est-à-dire le suivi médical. Celui-ci accepte et présente, ainsi qu’une de ses collègues d’exercice libéral, une vignette clinique qui les avait mis à mal. Ils ont surpris et interpellé l’assemblée, et notamment les psychiatres d’adultes présents, par les difficultés et l’insécurité émotionnelle dans lesquelles ils se sont trouvés, sans appui. Cette première mise en commun, débattue avec un public réunissant tous les modes d’exercice, a induit une première dynamique de réflexion interdisciplinaire de l’anténatal au postnatal.

Juin 2012

10Deux psychologues de pédopsychiatrie débutent une formation pluridisciplinaire exterieure [2] sur « Le rôle des professionnels dans la construction des liens familiaux, de la grossesse à la petite enfance ». L’année suivante, une troisième psychologue s’y joint. Chacune devient plus tard référente en périnatalité dans une des trois villes du département.

Septembre 2012

11Nous intégrons le Réseau périnatal de la région Centre-Val de Loire dans la commission MPS qui se réunit une fois par trimestre à Blois.

12Ce Réseau peut constituer un soutien pour notre projet, car il est très investi par les médecins pour une meilleure régulation des problématiques somatiques d’accouchements prématurés ou de bébés « à risque » ; nous pensons y trouver une meilleure reconnaissance de notre action, voire une légitimité auprès du corps médical.

Novembre 2012

13Une soirée est destinée à rencontrer les professionnels du secteur libéral, afin qu’ils se sentent mieux informés et inclus dans le mouvement de prévention précoce : dialogue, coordination des soins dès la grossesse.

14Le lendemain se déroule une première reprise de dossier complexe sur le plan psychoémotionnel, selon la méthodologie prospective et interdisciplinaire [5,6], avec 90 professionnels et l’animatrice externe.

15La reprise de cas consiste à travailler ensemble à partir d’une situation de femme enceinte vulnérable choisie par l’équipe locale. Le cas retenu a d’abord fait l’objet d’une préparation avec tous les professionnels concernés, encadrés par une psychologue de pédopsychiatrie formée à cette lecture rigoureuse des interventions permettant à chacun d’exprimer son point de vue, ses besoins éventuels face à la difficulté, afin de proposer ce matériel clinique au groupe, en décomposant soigneusement la place de chacun, le moment de l’intervention, les transmissions faites ou non.

16Ainsi, l’équipe organisatrice déroule la succession des rencontres médicales, éventuellement sociales et psychiatriques, avec la femme enceinte, le couple : consultations, échographies, hôpital de jour, salle de naissance, postpartum, retour à domicile… Des arrêts sont proposés dès que des éléments « de risque psychoémotionnel » sont apportés, afin d’inviter le public à élaborer des hypothèses, à évaluer les entraves au bon déroulement des étapes périnatales ou, plus tardives, à dessiner un projet pour la suite en tenant compte des différents points de vue. La question des transmissions entre professionnels est centrale, afin d’anticiper les moments sensibles qu’il ne faut pas rater pour offrir une cohérence suffisante auprès de parents en général très sensibles à ce qui se passe autour d’eux.

17Cette analyse en présentation prospective amène à saisir la façon de travailler des autres professionnels, à ajuster les représentations mutuelles, à connaître les collègues, à comprendre ce qu’ils peuvent apporter à d’autres moments, à éviter de proposer plusieurs fois la même chose aux futures mamans (par exemple l’entretien du quatrième mois), à éviter les avis divergents si fréquents face à la « lourdeur » des situations. Au final, pouvoir saisir comment construire une continuité des soins en communiquant de manière efficace avec des acteurs souvent ignorés jusqu’alors…

18L’exposé des étapes ultérieures vient valider ou infirmer les hypothèses émises plus tôt. Ainsi, une rigueur collective s’introduit dans un esprit d’anticipation des étapes sensibles : accouchement, post-partum, retour à domicile, développement de l’enfant et état émotionnel des parents. La clinique prospective montre combien cet environnement « porteur » constitue un facteur thérapeutique majeur auprès d’adultes devenant parents, ayant eux-mêmes grandi dans des contextes insécurisants, parfois très délétères.

19À la suite de ces premières rencontres, les professionnels de Vierzon se « découvrent », et une cellule spécifique se forme spontanément dans cette agglomération. Il devient évident que chaque ville puisse s’organiser localement selon son contexte et ses habitudes de travail, avec l’éventuel appui d’une cellule départementale de coordination le temps nécessaire.

Maintien et approfondissement de l’impulsion

Juin 2013

20L’équipe pilote de Bourges propose à la commission MPS du Réseau régional d’accueillir la prochaine journée annuelle dans sa ville en 2014.

21Des représentants de plusieurs institutions restent mobilisés et élaborent quelques outils facilitateurs d’une meilleure coordination entre professionnels. L’idée est de conforter l’élan impulsé.

22Une troisième journée avec formatrice externe sera un nouveau moment fort. Le matin, un groupe restreint de sages-femmes et de gynécologues-obstétriciens participe à une enquête confiée à l’équipe de l’AFREE par la Direction générale de la santé [7] sur l’entretien du quatrième mois de grossesse, afin de mieux comprendre les facteurs d’avancée ou d’obstacles. L’après-midi se déroule une nouvelle reprise de situation préparée par l’équipe de Bourges.

Octobre 2013

23Dès lors, les trois villes ont dégagé chacune une cellule-pilote pour travailler avec les acteurs locaux. Ces trois groupes se réunissent deux fois par an, et chaque maternité organise une reprise de cas sur son terrain avec un formateur externe.

24Avant la fin de l’année, un comité restreint départemental est constitué avec des professionnels d’origines institutionnelles diverses : maternités, PMI, CAMSP et pédopsychiatrie, et chaque ville est représentée. Cette dizaine de personnes centralise les informations et décide collégialement des orientations à privilégier.

25En 2014, les diverses rencontres se perpétuent et, en mai, la Journée régionale « médico-psycho-sociale » organisée par le Réseau périnatal a lieu à Bourges.

26Elle est axée sur deux thèmes : l’intérêt d’une sage-femme coordinatrice au niveau départemental, l’annonce d’une anomalie fœtale dans ses aspects psychoémotionnels et de collaboration.

27De 2014 à 2017, la formatrice externe revient une fois par an pour animer des reprises de cas dans chaque ville. L’analyse prospective du déroulé par les professionnels se fait toujours à partir de situations apportées par les équipes et préparées avec les psychologues de pédopsychiatrie qui ont terminé leur formation interdisciplinaire à l’AFREE.

28À partir de 2016, nous proposons des séances de réflexion à partir de témoignages de parents qui expriment les effets sur leur propre sentiment de sécurité et leur bien-être avec l’enfant au travers de ce qu’ils ont vécu avec les professionnels, en particulier l’effet des liaisons personnalisées qu’ils ont senties autour d’eux. Ces témoignages apportent une véritable évaluation de la « clinique en réseau » autour de familles en souffrance.

Du temps périnatal à la naissance du sujet : l’idée d’un « réseau bébé »

29Il s’agissait de mieux organiser le suivi des très jeunes enfants, sachant que la collaboration périnatale permet désormais un meilleur accès à ces bébés.

30Il fallait aussi impulser une nouvelle dynamique pour renouveler la démarche et éviter un essoufflement.

31L’idée est lancée lors d’une rencontre régionale d’un projet d’accueil parents et bébés ; nous sommes chargés d’être pilotes de ce projet.

32Toujours dans le même esprit, c’est en concertation avec les autres institutions que nous avons travaillé, suivis par une quinzaine de professionnels du CH de Bourges, de l’Aide sociale à l’enfance, de la PMI, de la pédopsychiatrie et de la psychiatrie adulte.

33Une unité de soins « parents et bébés » ambulatoire en pédopsychiatrie voit le jour fin 2018 avec la collaboration d’une puéricultrice de PMI.

34Mettre en place un dispositif de suivi des enfants avec leurs parents induisait alors de sensibiliser l’ensemble des professionnels à ces enjeux majeurs quant au développement de l’enfant et des liens parents–enfant. Le 22 février 2017, une journée est consacrée aux « souffrances psychiques du jeune enfant », avec la présence de G.-C. Crespin, psychologue clinicienne et psychanalyste à Paris [8,9]. Elle a rassemblé 365 professionnels de la petite enfance et de la périnatalité du département et au-delà.

35Cette journée a rencontré un fort intérêt et le désir d’avancer sur cette thématique.

36L’opportunité de continuer à travailler ensemble aux étapes précoces de la vie rejoint le souhait des professionnels de la petite enfance.

37L’Association du Réseau périnatal 18 (ARP 18), issue de cette dynamique, voit le jour en septembre 2017 afin de prétendre à des subventions pour soutenir les actions. Elle est composée d’adhérents acteurs en périnatalité, représentant toutes les institutions ainsi que les associations et les libéraux.

38Le 12 octobre 2018, une seconde journée réunit 280 professionnels autour du thème plus spécifique « Faut-il placer les bébés ? »

39Toute cette démarche, faite d’expériences neuves, de moments partagés, d’une coordination devenue évidente, nous confronte à la nécessité de continuer à animer ce que l’on peut appeler un réseau, virtuel dans sa transversalité, mais bien ancré dans la réalité des situations les plus difficiles.

Discussion

40Le changement, tant dans la qualité des liens interprofessionnels que dans l’organisation des soins, est marqué d’avancées par étapes, qui éclairent les obstacles jusqu’alors peu visibles dans la phase initiale de malaise généralisé.

Acquis

41L’investissement des professionnels a abouti à un changement des regards et surtout à une amélioration des contacts et des relations, à une meilleure fluidité de la communication. La prise en charge des patients s’est modifiée par les liens interprofessionnels établis. Nous pouvons dire qu’à partir des reprises de cas « pathologiques » tout le travail avec les situations ordinaires a bénéficié des effets induits :

  • une convention de collaboration régulière est signée entre la pédopsychiatrie et la maternité du CH de Saint-Amand ;
  • un protocole est signé entre la maternité du CH de Bourges et la psychiatrie adulte lors de problématiques compliquées pendant l’hospitalisation des mères ;
  • la collaboration s’est nouée entre la maternité de Vierzon et le secteur de psychiatrie adulte ;
  • une pédopsychiatre assiste aux staffs MPS à la maternité de Bourges ;
  • les services de pédopsychiatrie des trois agglomérations commencent à recevoir des femmes enceintes et des bébés dans un délai rapide ;
  • les puéricultrices de PMI adressent les enfants plus tôt, mais aussi les femmes enceintes, parents et bébés vers la pédopsychiatrie ;
  • un staff MPS trimestriel a vu le jour à la maternité du CH de Saint-Amand ;
  • la participation des professionnels aux journées régionales du Réseau périnatal Centre-Val de Loire s’est élargie et crée un lieu de vraies rencontres.

Difficultés et obstacles

42Les freins résiduels ont pu se décrypter, grâce au dialogue instauré entre professionnels, et être clairement repérés au travers des reprises de cas en interdisciplinarité, avec leur impact sur l’évolution familiale.

  • La progression des équipes s’est déroulée de façon très différente sur les trois sites avec des hauts et des bas sans aucune correspondance, en fonction des aléas de vacance de poste ou de contretemps imprévisibles ;
  • la pénurie médicale représente un facteur de désinvestissement, voire de non-investissement. Pourtant, les médecins sensibilisés montrent un intérêt particulier à travailler en coordination et disent avoir besoin de correspondants disponibles. Plusieurs raisons nous amènent à penser un frein à la capacité de leur évolution :
    • la formation préalable du monde psychiatrique n’engage pas les psychiatres ou les pédopsychiatres à répondre aux besoins des partenaires et au travail en deuxième ligne si précieux dans la clinique périnatale ; une nouvelle pédopsychiatre, recrutée récemment, très investie en périnatalité nous laisse augurer une évolution favorable ;
    • les cadres des services sont aussi un atout majeur pour porter cette culture de travail en coordination et soutenir aussi bien les équipes que les médecins ; jusqu’à récemment, nous n’avons pas trouvé un appui ou un engagement suffisant de leur part. Une cadre supérieure de santé sage-femme vient d’être nommée dans l’unité femmes–enfants du CH de Bourges avec une mission de coordination ; nous en attendons un réel relais ;
    • le travail de psychologue n’est pas facile au sein d’une équipe médicale, et l’articulation avec les équipes extérieures s’est montrée longtemps compliquée ;
  • les sages-femmes libérales sont peu nombreuses à participer aux journées de formation et à s’impliquer fermement ;
  • l’initiative de ce projet par la pédopsychiatrie est à double tranchant, et l’ensemble devrait s’intégrer dans le suivi périnatal global, sous la houlette des partenaires de soins que rencontrent les parents tout au long du processus [10]. La pédopsychiatrie a assuré seule le financement pendant six ans, tant il paraissait urgent d’endiguer les problèmes de santé mentale chez les enfants. D’autres structures (médicales, sociales, bancaires) ont répondu favorablement depuis deux ans en apportant un soutien financier pour les deux grandes manifestations.

Conclusion

43Notre objectif fondamental est d’intervenir au plus tôt dans l’environnement qui peut provoquer des distorsions dans la construction du « Sujet ». Trois préoccupations essentielles nous accompagnent perpétuellement : comment arriver à mieux communiquer pour faire partager cette préoccupation et la conviction qui devrait tous nous animer ? Comment mieux faire comprendre aux professionnels de première ligne que nous avons besoin d’eux pour accéder à ces moments capitaux, face à des parents que nous ne rencontrerons pas forcément nous-mêmes, soit parce que la qualité de présence de ces intervenants est suffisamment sécurisante, soit — et ce cas est fréquent — qu’une orientation psychologique ou psychiatrique n’a pas pris sens ou inquiète les parents ? Comment engager davantage le monde de la psychiatrie à répondre au mieux aux interrogations que soulèvent dans les équipes médicales les phénomènes psychiques chez leurs patientes (couples), encore plus si elles se montrent elles-mêmes plus disponibles ?

44Il n’est pas de « sécurité émotionnelle » chez les mères et les pères sans renforcement du sentiment de sécurité chez les professionnels. Nous avons constaté le gain de temps, la meilleure attractivité du travail, l’efficacité thérapeutique dans des conditions de bonne coordination. L’expérience décrite est modeste, partant d’un niveau très bas pour progressivement mobiliser le maximum d’acteurs dans une politique commune. Les voies empruntées diffèrent probablement en d’autres lieux, mais la question reste posée à tous : quels processus de changement peuvent se reproduire d’un terrain à l’autre, tout en respectant la richesse singulière de chacun [11,12].

45L’animation par un formateur expérimenté non impliqué dans les enjeux locaux a permis des moments forts et dynamisants. La méthodologie prospective permet de valider par l’évolution des relations parents–bébé les hypothèses émises par le groupe au début de la présentation du dossier, au travers de l’évolution des parents et du bébé. C’est ainsi que se dégagent collectivement des outils de pensée et des outils de coordination, en particulier sur la question des transmissions et de l’anticipation. Le formateur extérieur a un rôle catalyseur sur la mobilisation des équipes, l’enrichissement de la pensée, l’harmonisation des pratiques.

46L’apport de connaissances précises sur le développement précoce a consolidé le sentiment d’une nécessaire continuité entre soins aux futurs parents et soins au bébé.

47À l’heure où la surcharge de travail embolise tous les secteurs de soins, la coordination des soins peut être une des réponses adéquates. Cependant, elle nécessite un changement de mentalité dans les pratiques professionnelles avec tout son cortège de peurs et de résistances.

48Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Bibliographie

Références

  • 1
    Circulaire DHOS/O1/O3/CNAMTS no 2006-151 du 30 mars 2006 relative au cahier des charges national des réseaux de santé en périnatalité. www.sante.gouv.fr
  • 2
    Rogiers L, Molénat F (2001) Stress et grossesse — Quelle prévention pour quels risques ? Érès, Toulouse
  • 3
    Circulaire DHOS/DGS/O2/6 C no 2005-300 du 4 juillet 2005 relative à la promotion de la collaboration médicopsychologique en périnatalité. www.sante.gouv.fr
  • 4
    Guedeney N, Guedeney A (2009) L’attachement : approche théorique. Masson, Paris
  • 5
    Référentiel de formation à la clinique périnatale en réseau (DHOS). www.sfmp.net, www.afree.asso.fr
  • 6
    Molénat F (coord. par) (2009) Prévention précoce : petit traité pour construire des liens humains. Érès, Toulouse
  • 7
    Molénat F (2001/2016) Naissances : pour une éthique de la prévention. Érès, Toulouse
  • 8
    Crespin G.-C. (2007/2012) L’épopée symbolique du nouveau-né, Érès, Toulouse
  • 9
    Crespin G.-C. (2018) La vitalité relationnelle du bébé. Fabert yapaka.be
  • 10
    Kojayan R, Lévy G, Havasi K, Molénat F (2016) Grossesse et souffrances psychiques : précis de nouvelles pratiques. Sauramps Médical, Montpellier
  • 11
    Molénat F (2013) Accompagnement et alliance en cours de grossesse, Fabert et site yapaka.be
  • 12
    HAS (2005) Recommandations pour la pratique clinique. Préparation à la naissance et à la parentalité. Novembre 2005

Notes

  • [1]
    En l’occurrence F. Molénat (CHU Montpellier, AFREE).
  • [2]
    Formation AFREE (Association de formation et de recherche sur l’enfant et son environnement).
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