Notes
-
[1]
Ces catégories circulent notamment au sein des newsletters de campagne à destination des partenaires de l’institution.
-
[2]
Ce point est développé dans un article à paraître dans la revue Hermès.
-
[3]
Ces pratiques ont pu être observées aussi bien lors des stands que lors des réunions collectives.
-
[4]
Par spontané, nous entendons le fait d’initier le contact avec les chargés de prévention sans sollicitation préalable de leur part.
-
[5]
Propos recueillis lors de l’observation d’une réunion collective au sein d’un centre social le 15/05/2017 à Villeneuve-Saint-Georges (94).
-
[6]
Propos recueillis lors de l’observation d’un stand d’information au sein d’une résidence sociale le 27/04/2017 à l’Hay-les-Roses (94).
-
[7]
Les traces de ces représentations se retrouvent notamment lors des questions posées par les femmes en séance. Ces représentations concernant notamment la maladie, l’examen, le rapport au corps et à la mort sont différenciées socialement. Elles ne seront abordées que très brièvement dans cet article et font l’objet d’une réflexion approfondie dans la thèse en cours.
-
[8]
Observation réalisée le 09/03/2017 lors d’une réunion collective d’information, Centre social de Chennevières-sur-Marne (94).
-
[9]
Elles interrompent notamment les chargés de prévention pour faire appel à des informations venant de sources extérieures.
-
[10]
Ces comportements ont pu être observés de façon plus fréquente chez les femmes plus âgées, mais se retrouvent également chez certaines femmes plus jeunes rencontrées au sein d’associations de lutte contre l’exclusion.
-
[11]
On retrouve notamment dans leur discours des traces de « propagande parasite » (Pinell, 1992).
-
[12]
Ibid.
-
[13]
Au sein de l’association en question, étaient affichés sur les murs de la salle où nous nous trouvions des nombreux rappels concernant la politesse, le civisme etc.
-
[14]
Entretien réalisé au domicile de Khadija à Sevran (93), le 20/08/2016.
-
[15]
Entretien réalisé au domicile d’Annie à Sevran (93), le 27/06/2016.
-
[16]
Entretien réalisé au domicile de Lucia le 17/06/2016 à Chelles (77).
-
[17]
Entretien réalisé au domicile de Célia, le 01/08/2016 à Sevran (93).
-
[18]
Entretien réalisé au domicile de Josiane, le 20/08/2016 à Sevran (93).
-
[19]
http://www.concertation-depistage.fr/la-concertation-comment-ca-marche/, consulté le 30 avril 2018
-
[20]
Extrait de contribution postée par « strema » intitulée « Message insuffisant sur les désavantages du dépistage du cancer du sein », mis en ligne le 24/02/2016 dans la rubrique « L’intérêt et les limites du dépistage du cancer du sein ».
-
[21]
Newsletter de campagne sur le dépistage du cancer du sein n° 25, octobre 2014.
-
[22]
Extrait de contribution postée par « Evelyne » le 30/09/2015 dans la rubrique « L’intérêt et les limites du dépistage du cancer du sein » intitulée « S’informer et choisir ».
-
[23]
Extrait de contribution postée par « Zoé » le 31/03/2016 dans la rubrique « Contributions ouvertes » intitulée « Trop de harcèlement et de gaspillage ».
-
[24]
Contribution postée par « ANNETTE_LEXA » le 29/09/2015 dans la rubrique « L’intérêt et limites du dépistage du cancer du sein » intitulée « Misogynie médicale ».
1« À partir de 50 ans, la mammographie de dépistage est recommandée tous les 2 ans », « Contre le cancer du col de l’utérus, tous les 3 ans, un frottis, vous avez tout compris », « Vous trouverez bien 5 minutes pour le dépistage du cancer le plus meurtrier ? », tels sont les messages qui sont adressés à la population de façon régulière dans les médias par l’Institut national du cancer (INCa), agence sanitaire et scientifique de l’État, qui coordonne les actions de lutte contre le cancer depuis 2005 et a pour mission d’organiser et de promouvoir les programmes de dépistage des cancers. Cette promotion varie en fonction des supports et des publics et consiste à mettre en circulation des recommandations sur la nature des examens à effectuer et leur fréquence en fonction de l’âge. Elle est ainsi porteuse de normes comportementales que les institutions tentent de faire assimiler pour réguler des conduites individuelles et uniformiser des styles de vie (Comby, Grossetête, 2013). Les campagnes de dépistage des cancers, en tant qu’instruments de biopolitique, déploient à ce titre un ensemble de dispositifs de normalisation à destination de la population afin d’obtenir un comportement conforme à la recommandation institutionnelle (Ollivier-Yaniv, Rinn, 2009).
2La faible participation de certains publics encourage les professionnels de la communication à renouveler ces campagnes pour mieux les « toucher » et pallier l’écart de participation constaté. Parmi ces publics, les publics féminins, et plus particulièrement les femmes dites « d’origine étrangère », ou « des catégories socio-économiques défavorisées [1] », font face à une normativité renforcée qui se concrétise par une multiplication des dispositifs à leur égard. Le discours institutionnel est ainsi différencié selon l’appartenance sociale des destinataires. Ces dispositifs se trouvent d’autant plus normatifs qu’ils s’insèrent plus largement dans des logiques de médicalisation croissante du corps des femmes (Aïach, Delanoë, 1998 ; Menoret, 2006) et d’encadrement des classes populaires (Mauger, 2001).
3Si la question de la réception est anticipée, elle reste réduite à sa dimension quantitative et basée sur un rapport de cause à effet entre les campagnes et les comportements observés. La construction des publics homogénéise de surcroît les opinions et pratiques individuelles pouvant expliquer la non-participation et invisibilise les possibles remises en cause de ces recommandations tout comme la capacité des individus à prendre une décision à partir de l’information dont ils disposent. L’analyse de l’appropriation de ces prescriptions discursives permet ainsi d’aborder les publics à travers la complexité du processus qui conduit à la formation et au partage de leur opinion et à l’intégration ou non des normes sanitaires. La réception des recommandations est ainsi « une appropriation, traduite par l’utilisation que fait l’individu d’un texte, d’un message, pour éclairer sa propre situation, évaluer son rapport à la réalité, réorienter (ou non) sa pratique » (Kivits, 2014, p. 157). L’appropriation est quant à elle définie comme « l’intégration du message dans un cadre de vie quotidien » (ibid., p. 156). Cette appropriation peut se manifester sous différentes formes que certains travaux ont déjà éclairées, notamment le détournement linguistique (Berthelot-Guiet, Ollivier-Yaniv, 2001). Par ailleurs, la réception d’un message est dépendante des conditions sociales dans lesquelles elle s’accomplit. Les appropriations des publics sont non seulement hétérogènes, mais également socialement différenciées (Morley, 1992). En abordant la question de la réception des recommandations concernant le dépistage des cancers sous l’angle de l’appropriation, nous nous interrogerons sur les différentes formes sous lesquelles elle se manifeste et nous tenterons de mettre en évidence quelques facteurs intervenant dans sa construction.
4Dans cet article, nous considérerons la réception comme une activité saisissable par l’expérience qu’en font les publics. Cette approche permet d’élargir la réception au-delà du simple moment de contact avec ces messages, de la réintégrer au quotidien en se centrant sur le vécu des femmes, pouvant être considérées comme un public potentiel (Ballarini, Ségur, 2017 ; Servais, 2017) par leur activité de réception des recommandations institutionnelles. En sciences sociales appliquées au champ sanitaire, les approches par l’expérience permettent de prendre en compte le vécu des patients. Considérant l’expérience en trois temps : le vécu de l’activité ou « ce qui advient aux sujets dans l’exercice de leur activité » (Barbier, 2013, p. 68), l’élaboration de l’expérience ou « ce que je fais de ce qui m’advient » (ibid., p. 72), et la communication de l’expérience « ce que je dis de ce qui m’advient » (ibid., p. 76) nous montrerons que l’appropriation des recommandations sur le dépistage évolue en fonction de l’expérience des publics féminins. La réception correspond à un processus de construction à long terme, ancrée socialement à la fois en raison du contexte d’exposition aux messages, mais également par les caractéristiques sociales et culturelles des récepteurs (Berjaud, 2015). Elle est, de plus, le résultat de configurations [2] participant à faire évoluer la construction du sens.
5L’objectif est de saisir, à travers la variation des expériences de réception, les formes et les logiques de l’appropriation des recommandations concernant le dépistage des cancers chez les publics féminins. Saisir ces expériences nécessite de constituer et de mobiliser plusieurs corpus afin d’avoir accès à des discours prenant place dans des cadres d’expression différents. Un intérêt particulier a été porté à l’émergence d’oppositions ou de négociations avec les recommandations selon la forme de la réunion et les caractéristiques sociales des personnes y participant. Trois types de données ont été recueillis lors de l’enquête de terrain. Tout d’abord, la participation à 23 séances d’information sur les dépistages des cancers organisées dans le Val de Marne au sein de résidences sociales, d’associations de solidarité et de centres sociaux a permis d’observer la réception de la recommandation en contexte par les femmes sus-désignées. Ces observations ont pu être approfondies par une enquête ethnographique dans un centre social (et plus particulièrement au sein d’ateliers à destination des femmes) durant un an, ainsi que par des entretiens semi-directifs menés auprès de femmes n’ayant pas eu de contacts spécifiques avec les recommandations, mais partageant des caractéristiques sociales similaires (c’est-à-dire issues de milieux populaires et/ou d’origine étrangère) qui permettent d’aborder la question de l’appropriation sur le long terme. Enfin, les contributions des femmes sur www.concertation-depistage.fr, site participatif développé par l’INCa dans le cadre de la concertation organisée en 2015 à l’initiative de la ministre de la santé pour améliorer le dépistage du cancer du sein, permettront l’accès à l’expérience telle qu’elle est partagée publiquement. Les données recueillies ont fait l’objet d’une analyse de contenu effectuée à l’aide du logiciel d’analyse qualitative NVivo.
6La mobilisation de ces différentes sources vise à apporter des éléments de réponse aux questions directrices suivantes : comment, en contexte de réception, se manifeste l’appropriation face à la recommandation ? Comment s’intègre-t-elle au quotidien sur le long terme ? Enfin, qu’advient-il de l’expérience lorsqu’elle est partagée publiquement, et par qui ?
Les publics en contexte face à la recommandation
7Dans le processus de mise en circulation et de diffusion des recommandations, plusieurs acteurs sont mobilisés. À l’échelle nationale, l’INCa produit les campagnes et met à disposition les outils d’information aux structures de gestion en charge du dépistage qui relaient ensuite l’information à la population sur le département. Le lien entre ces institutions se fait au cours de rencontres ponctuelles et par l’envoi de newsletters avant chaque campagne pour présenter le dispositif et rappeler les objectifs nationaux. Ces structures de gestion, représentées par leurs chargés de prévention prennent contact et sont sollicitées par des intermédiaires (collectivités territoriales, structures sociales ou associatives par exemple) pour intervenir auprès de ce qui est considéré comme « leur » public. Ce sont alors ces intermédiaires qui sont en charge de la mobilisation. Ces dispositifs départementaux d’information sont plus particulièrement mis en œuvre pour atteindre les publics catégorisés comme « les plus éloignés ». Les dispositifs d’information, par les possibilités d’interaction qu’ils configurent entre les publics et les acteurs en charge de délivrer l’information – les « chargés de prévention » –, modifient l’activité de réception. Lors des stands d’information, l’information est délivrée de façon individuelle et produit une interaction en face-à-face entre le chargé de prévention et l’individu présent alors que durant les réunions d’information, l’information est cette fois collective et la forme des interactions dépend en partie des modalités pratiques d’information (et notamment de la configuration spatiale).
Distance et implication des publics par l’attention accordée à l’information
8En contexte, le vécu de l’activité de réception se manifeste tout d’abord dans l’attention que portent les publics féminins à l’information qui leur est délivrée. Les séances d’information prennent place dans des lieux de vie ou d’activité spécifiquement sélectionnés pour toucher les populations dites « les plus éloignées ». Au sein de ces structures, les acteurs de proximité (travailleurs sociaux ou bénévoles associatifs) participent activement à mobiliser les publics (« usagers » des structures en question, ou « bénéficiaires ») pour les encourager à prendre part aux réunions. La difficulté de susciter l’intérêt de façon spontanée témoigne du fait que le cancer n’est pas en soi une cause mobilisante pour ces publics à qui ces dispositifs sont parfois imposés. Certaines séances s’intègrent en effet dans des dispositifs d’accompagnement plus larges et le consentement des publics n’est pas recueilli pour la participation aux actions spécifiques mises en place.
9Nous concentrerons l’analyse sur les dispositifs d’information collective qui permettent d’observer l’attention des publics de façon plus prolongée. L’intérêt porté à l’information varie alors en fonction des individus. Les femmes rencontrées lors de ces réunions étaient âgées de 25 à 75 ans environ, leurs origines ethniques étaient diversifiées (elles provenaient majoritairement du Maghreb, d’Afrique de l’Ouest, d’Europe de l’Est, et d’Asie du Sud) ; de migration récente dans beaucoup de cas avec une maîtrise de la langue française acquise ou en cours d’acquisition. Professionnellement, elles étaient soit sans emploi, soit en activité, mais employées pour des tâches peu qualifiées et faiblement rémunérées. La fréquentation des structures observées nécessitait pour la plupart l’orientation préalable d’un(e) assistante(e) social(e). Les comportements des femmes présentes sont observés en considérant qu’ils sont porteurs de sens en situation d’interaction, en tant qu’ils constituent un ensemble de représentations de soi produites à l’intention de l’autre (Goffman, 1973). Sans en tirer de conclusion sur le sens donné par chaque individu à cette démonstration d’intérêt, il se manifeste en séance à travers plusieurs indicateurs. Parmi eux, nous pouvons tout d’abord noter le temps de présence aux réunions. Ensuite, il peut également se manifester dans les interactions avec les intervenants (plus ou moins prolongées et nombreuses). Des tactiques peuvent à l’inverse être adoptées pour mettre à distance les interactions. Les lieux observés étant tous caractérisés par leur multiculturalité, les femmes d’origine étrangère peuvent alors prétendre ne pas parler français pour ne pas être confrontées à l’information [3]. L’intérêt est aussi démontré par la participation (dans sa dimension verbale ou non-verbale) à la réunion. Enfin, le comportement adopté face aux documents d’information est aussi significatif (saisie/rejet, lecture ou non, emporter le document avec soi ou pas, etc.).
10Outre l’attention, les réactions des femmes présentes pour signifier ou non leur adhésion à l’information peuvent également être observées. Au cours de l’activité de réception s’opèrent des négociations de sens qui peuvent être analysées au prisme des rapports de pouvoir entre les acteurs responsables de la production (ici l’institution) et les publics. Face à des messages qui véhiculent un ordre culturel dominant et peuvent être qualifiés d’hégémoniques (Hall, 1997), Stuart Hall montre notamment comment les publics peuvent porter des dissidences qui viendraient les contredire. Il met en avant les lectures différenciées qui s’opèrent à la réception en proposant une typologie des positions adoptées par les récepteurs. Ainsi, la « position dominante hégémonique » consiste à décoder le message transmis selon le code de référence qui a permis le codage, la « position négociée » consiste à reconnaître la légitimité des définitions hégémoniques en y associant des codes contradictoires et enfin la « position oppositionnelle » où le message va être décodé dans un autre cadre de référence que le cadre hégémonique, ce qui permet l’apparition de contradictions. L’ensemble de ces positions se retrouvent chez les participantes. Un degré d’adhésion variable est alors perceptible face à l’information qui leur est transmise. Certaines femmes observées peuvent ainsi faire la démonstration de leur adhésion en défendant la conviction de l’intérêt du dépistage et de la démarche préventive dans son ensemble. Sur l’ensemble des femmes rencontrées, les « jeunes » femmes (25-35 ans) ont notamment fait la démonstration d’une plus grande intégration du cancer comme un risque présent tout au long de la vie et pour tous. Ceci a pu se manifester par un intérêt spontané pour l’information [4]. L’intégration de l’auto-contrôle en amont de la séance et la valorisation de la démarche préventive sont alors telles qu’elles manifestent de l’incompréhension face à l’impossibilité de réaliser les dépistages en raison de leur âge. Cette intégration est également visible dans le fait que ces jeunes femmes se font volontiers relais des messages en insistant sur leur importance auprès des autres femmes présentes.
11Par ailleurs, à propos de l’influence des médias sur les classes populaires, Richard Hoggart évoque la « consommation nonchalante » des publics (Hoggart, 1970, p. 295). Pour préserver leurs styles de vie et leurs identités face au « monde des autres », les publics n’accordent qu’une « attention oblique » et n’adhèrent qu’« à éclipses » aux messages qu’ils leur sont transmis. Dans cette perspective, adhérer aux recommandations et afficher son conformisme n’est pas synonyme d’intégration de la norme ni d’intention de réalisation du dépistage. Parmi les réunions d’information observées, l’une d’entre elles, réalisée dans un groupe de dix femmes âgées de 25 à 60 ans au sein d’un centre social du 94, a abouti à la réalisation d’une seconde action quelques jours plus tard à destination du même groupe de femmes. Il s’agissait de proposer la réalisation de frottis sur place grâce à un camion, par le biais d’une association partenaire œuvrant pour la santé des femmes. Si lors de la réunion, les femmes ont participé activement et ont valorisé l’importance de la démarche, évoquant pour certaines des frottis qui dataient de plusieurs années, l’action qui a suivi n’a réuni que trois personnes, dont une seulement était présente à la réunion.
12Le conformisme véhiculé dans les prises de parole des femmes lors des réunions peut s’expliquer par la façon dont le cancer est construit dans l’espace public comme « cause légitimante » et « sans adversaire » (Juhem, 2001 cité par Lafon et Romeyer, 2008). Ceci entraîne chez les publics populaires des réactions empreintes de politesse et de respect de la démarche des acteurs en charge des dispositifs. La cause cancer est construite comme faisant consensus et la démarche de lutte collective contre la maladie est valorisée par les publics, que la pratique du dépistage soit adoptée ou non individuellement. La mobilisation de données épidémiologiques par les chargés de prévention provoque ainsi l’étonnement voire l’effroi et laisse unanime les publics sur la gravité : « Ah oui 12 000 décès par an, ça fait beaucoup quand même [5] » réagira ainsi l’une des femmes. La cause renforce alors la normativité des messages pour les publics ne réalisant pas le dépistage. L’aveu de cette pratique prend la forme d’une confession « j’ai jeté le courrier, je sais j’ai eu tort » [6] déclarera une autre participante. Ces réactions témoignent d’une intériorisation de la norme dans le discours (tout en donnant la priorité à d’autres pratiques), mais également de la stigmatisation conséquente. Le développement d’un discours sur les bénéfices et la valorisation du dépistage peut potentiellement signifier un positionnement inverse vis-à-vis des messages de santé comme nous avons pu l’évoquer. Elles peuvent alors consister en des « mises en scène discursive de la domination » consistant par exemple en une « mise en scène ostentatoire de l’écrasement » pour signifier « une résistance indicible » (Bazin, 2014). Chez ces femmes, ces mises en scène constituent des traces de la violence symbolique qui s’exerce lors des séances d’information en raison d’une part de la distance sociale avec les normes prescrites, d’autre part dans les formes de mobilisation des travailleurs sociaux.
13Les attitudes de rejet et d’évitement peuvent de plus se manifester de façon partielle et ne concerner qu’une partie de l’information. Ainsi lors de plusieurs séances, des réactions de gêne (exprimées par des rires notamment) ou de dégoût ont pu être perçues à l’évocation des modalités pratiques du test de dépistage du cancer colorectal, mais aussi de la contamination virale (HPV) responsable du cancer du col de l’utérus et de son caractère sexuellement transmissible. Pour le test de dépistage du cancer colorectal, les publics se montrent alors critiques envers ces « détails » pratiques et rejettent l’information. Être attentif à l’information ne signifie pas pour autant y adhérer, au contraire, ce sont les femmes les plus impliquées dans le dispositif et dans la discussion qui ont également pu affirmer des opinions plus critiques et une prise de distance avec l’information. L’opposition au dépistage est cependant rarement exprimée de façon affirmée, elle intervient pour nuancer le propos des chargés de prévention. L’intérêt économique de la prise en charge précoce pour la sécurité sociale est notamment mis en avant, et à ce titre les logiques d’arrêt du dépistage à 65 ans pour le cancer du col de l’utérus, et à 74 pour les deux autres restent difficilement acceptables.
Rattacher l’information à l’expérience : un moyen d’investir la recommandation
14L’information délivrée rencontre des opinions préexistantes sur le dépistage chez les publics, avec un certain degré de solidité. Joëlle Kivits souligne notamment la dimension sociale de la réception et la replace au sein d’une série de « médiations d’ordre extra et interindividuelle ». Ainsi, les normes transmises ne seront intégrées que si le message « s’intègre dans l’environnement social de l’individu » et intervient en adéquation avec les représentations qui circulent dans cet environnement (Kivits, 2014). En outre, c’est lors de ces médiations, dont l’objectif premier reste de convaincre, que les négociations de sens autour de la recommandation vont permettre à l’individu d’articuler l’information transmise avec son expérience individuelle pour former (lorsque l’information dont dispose l’individu avant la séance est faible) ou consolider son opinion [7].
15Lors des réunions collectives, face à l’information qui leur est délivrée, et plus particulièrement celle sur le dépistage du cancer du sein, principalement appuyée sur des données scientifiques, les femmes, ayant déjà réalisé l’examen ou connaissant une femme l’ayant réalisé, interrompent les chargés de prévention régulièrement pour prendre la parole. Lors de ces prises de parole, les arguments développés reposent sur le pathos. La pratique de la mammographie et le cancer sont mis en récit à travers l’expérience individuelle. Le discours est alors centré sur la douleur et les émotions et s’appuie sur des témoignages de personnes de l’entourage pour illustrer ou nuancer l’information. L’appropriation des recommandations se fait alors à travers un rapport au corps et à la maladie telle qu’elle est ressentie chez les femmes. La présence de la maladie est systématiquement couplée avec le ressenti des symptômes ce qui rend difficilement saisissable le fait de consulter lorsque tout va bien. L’espace de discussion offert aux publics lors des réunions d’information collectives permet en outre l’accès à un discours centré sur les préoccupations personnelles et les difficultés rencontrées par les femmes présentes. Parmi ces elles, les antécédents personnels ou familiaux, les problèmes de santé personnels et les difficultés financières occupent une place prépondérante et rythment le quotidien des publics populaires. Ce mode d’argumentation relevant de critères pouvant paraître moins rationnels apparaît aussi comme peu légitime face à un discours fortement défini par l’expertise scientifique. Il dénote néanmoins la distance sociale entre les femmes et les recommandations transmises.
16Leïla, femme algérienne de 60 ans, rencontrée lors d’une séance d’information collective au sein d’un centre social, évoque sa crainte de réaliser la mammographie en raison de la douleur qu’elle attribue à l’examen. Elle décrira notamment en détail l’écrasement de la poitrine provoqué par l’examen. Cette peur est fondée sur le témoignage de plusieurs femmes de son entourage qui l’ont déjà réalisé. Si elle adopte un discours valorisant le dépistage, elle affiche sa préférence pour d’autres modalités (échographie) auxquelles elle attribue moins d’impact sur le corps. Face au récit de cette peur et à l’argumentation que les acteurs responsables du dispositif déploient pour la convaincre, elle se met à énumérer plusieurs symptômes du cancer du sein (changement de couleur, de formes, etc.) et justifie la non-réalisation par le fait de ne pas avoir de symptômes.
17Leïla tente ainsi de légitimer son choix par la démonstration de ses connaissances sur le sujet et met en concordance l’information dont elle dispose avec son ressenti [8]. Dans des cas observés moins fréquemment, mais néanmoins notables, les femmes qui semblent les plus informées [9] sont ainsi en mesure d’adapter leur discours dans l’interaction afin de rendre plus légitime leur décision. Elles s’approprient alors non seulement l’information, mais les logiques discursives qui entourent sa diffusion. Les participantes les plus actives font ainsi preuve de plus de recul vis-à-vis de l’information. Elles mobilisent des connaissances préalables et font montre d’une maîtrise du vocabulaire spécifique au cancer, évoquent d’autres dépistages que ceux dont il est question et resituent l’information sur le cancer au sein d’une variété d’information sur la santé. Chez les femmes ayant des relations sociales moins nombreuses allant jusqu’à l’isolement [10], des opinions plus éloignées de la norme sont affirmées ou des réactions de rejet sont observables et apparaissent comme irrationnelles [11] face au reste du groupe.
18Colette est une femme de 71 ans rencontrée au sein d’un centre social duquel elle est une usagère fidèle. Elle expliquera s’inscrire à la plupart des activités proposées en raison de sa solitude. Son apparence peu soignée laisse deviner des conditions de vie difficiles. Lors du déroulement de la séance, Colette expliquera ne pas être concernée par le dépistage puisqu’elle l’a déjà effectué en 1980. Elle ne prend ainsi pas en considération le caractère évolutif de la maladie. Lors de la séance, une lettre d’invitation circulera autour de la table, elle en prendra connaissance puis la jettera au milieu de la table, provoquant un rappel à l’ordre de l’assemblée « Colette !!! ». Elle réaffirmera sa volonté de ne pas vouloir réaliser le test et sera à nouveau reprise par l’assemblée « Mais Colette !!! ». Elle justifiera à nouveau ce choix par l’affirmation d’avoir déjà réalisé le test ce qui provoquera des rires. Colette maintiendra une position ferme malgré le nombre de personnes qui tentent de la convaincre, qu’elles soient expertes ou membres du public [12].
19Le non-respect de la norme concernant le dépistage s’ancre alors parfois dans un contexte plus large de non-maîtrise des normes sociales [13]. Ce cas illustre l’impact des relations sociales sur la construction de l’opinion. Ce sont alors les rappels à l’ordre et les réactions des femmes présentes qui signifient le caractère inadapté des opinions mentionnées.
20Enfin, l’exposition répétée à une variété d’information concernant la santé (comme c’est le cas dans les résidences sociales qui font l’objet de mise en place de nombreux dispositifs de ce type) entraîne parfois une confusion entre les différentes actions. Les pratiques recommandées deviennent indifférenciées et réalisées sans implication spécifique des publics.
Une difficile intégration de la norme au quotidien sur le long terme
21Si l’observation des contextes de réception permet d’avoir accès à l’expérience des publics féminins confrontés à l’information, les entretiens semi-directifs menés avec des femmes, appartenant à ce même public visé par les recommandations, permettent de comprendre ce qu’elles retiennent et de revenir de façon plus approfondie sur leurs opinions et leurs pratiques vis-à-vis du dépistage.
S’approprier le discours, s’approprier la pratique : la double dimension de l’appropriation
22Les formes d’appropriation entrevues en contexte se retrouvent de façon plus marquée sur le long terme et articulent les deux dimensions de la recommandation : discursive et pratique. Plusieurs positionnements peuvent ainsi être distingués. D’un point de vue discursif, des lectures différenciées des recommandations peuvent être observées chez les femmes. En effet, l’interprétation des messages se fait alors autour d’un certain degré d’adhésion (ou du moins de conformisme), de négociation et d’opposition. L’adhésion ou le conformisme discursif se traduit par une intégration de la norme dans le discours. Le dépistage et la prévention sont valorisés comme les bonnes conduites à tenir. Le discours consistant à mettre en avant les bénéfices du dépistage précoce pour sauver des vies face au cancer est par exemple repris par les femmes.
« Ouais. Les gens des fois… moi j’ai ma voisine là qu’habite au-dessus de chez ma fille, elle me dit « ouais j’ai reçu la mammographie « je l’ai reçue et tout et l’ai déchirée, je l’ai jetée » […] J’ai dit « mais pourquoi tu l’as jetée, il faut… il faut la faire ». Elle me dit « oh ça fait mal et tout ». D’accord, je la comprends ça fait mal parce que ça presse le sein… ils compressent le sein entre deux plaques de fer ça fait super mal, mais je préfère avoir mal que d’avoir un cancer. »
24À l’inverse, l’opposition émerge dans un discours plus critique remettant en cause la logique économique à l’origine de l’organisation du dépistage, et notamment le bénéfice économique d’une prise en charge précoce des maladies chroniques par la sécurité sociale. À l’inverse, certaines interviewées n’intégrant pas ce potentiel bénéfice mettent en avant le coût que représentent ces actions pour la sécurité sociale.
« Bah c’est abusif… c’est question de pognon… bon c’est pas nous qui payons, mais la sécu soi-disant en déficit et c’est eux qui payent… donc bon c’est un peu de la rigolade […] Et pour les selles aussi et pour voir si on a chez plus quoi euh… ça coûte cher à la sécu tout ça… et la sécu ils disent « oui on est en déficit » alors il y a à boire et à manger là-dedans. »
26Si le discours de ces deux femmes est plutôt cohérent avec leurs pratiques, se faire dépister régulièrement ne signifie pas forcément l’adhésion et inversement, ne pas se faire dépister ne relève pas systématiquement d’une opposition. Il n’existe ainsi pas de correspondance directe dans les déclarations entre le suivi des comportements préconisés et l’adhésion à la norme. Dès lors, un conformisme discursif peut être adopté vis-à-vis de la norme tout en continuant d’évoquer des pratiques oppositionnelles ou à l’inverse, un conformisme vis-à-vis des pratiques recommandées peut être associé à un discours oppositionnel sur les normes. La mise en pratique des recommandations consistant à l’intégration des comportements recommandés donne de nouveau lieu à plusieurs appropriations : suivi des recommandations, braconnage et non-recours. Le choix d’appliquer et d’intégrer les pratiques recommandées par les institutions sanitaires au quotidien est alors porteur de plusieurs significations.
27Parmi les pratiques observées chez les femmes, un premier positionnement consiste en la remise de soi aux professionnels de santé (Ducournau, 2010) et aux institutions officielles. Dans certains cas, s’en remettre aux institutions, c’est se baser sur le savoir médical et la légitimité des acteurs pour accorder sa confiance aux professionnels de santé et aux institutions sanitaires, mais c’est aussi déléguer la responsabilité de la décision et de ses conséquences. Ce positionnement se construit dans un rapport asymétrique avec l’information médicale et le corps soignant perçu chez les femmes comme détenteur d’un savoir et d’une expertise que les publics n’ont pas. En effet, si les impératifs semblent acceptés par les patientes, c’est avant tout grâce au crédit et à la confiance qu’elles accordent au médecin. Lucia, femme de 40 ans, au foyer, d’origine portugaise se met en retrait vis-à-vis du médecin à plusieurs reprises lors de l’entretien. Elle valorise le savoir de ce dernier et lui reconnaît une certaine expertise « mais bon je sais pas je suis pas médecin non plus », « mais bon moi aussi je comprends rien à la médecine ». Au-delà de l’expertise, c’est également l’autorité du médecin qui est mise en avant. La relation médecin/patient est parfois assimilable à une relation hiérarchique avec un ordre émis d’un côté et une exécution de l’autre. Lucia poursuit : « Mais c’est le médecin tu vois il demande des fois même pour faire des prises de sang… parce que je suis jamais malade et il dit “va faire” […] le cancer du sein à partir de 40 ans… c’est bien pour le faire, je sais… moi si on me demande pour le faire je fais [16] ».
28L’implication du médecin et la nature de la relation soignant/patient vont alors être décisives dans la réalisation du dépistage chez les femmes. Ce constat va s’avérer d’autant plus vrai pour la réalisation du frottis permettant de dépister le cancer du col de l’utérus caractérisé jusqu’alors par sa non-généralisation. Les patientes ne recevaient donc pas d’invitation par courrier. La réalisation du dépistage va se faire « sur demande » à l’origine du médecin. Cette demande peut être perçue comme un conseil, mais également comme un impératif de réalisation lorsqu’il s’agit de prescription. Chez certaines femmes, cette pratique s’apparente à un automatisme mis en place par le médecin dans le cadre plus général du suivi gynécologique. La notion de dépistage est alors oubliée, le frottis rentrant dans le cadre de la routine du suivi, sans que la patiente n’ait parfois connaissance ni de la finalité, ni de la fréquence et l’âge auxquels il lui est conseillé de réaliser l’examen. Le médecin est ici placé comme acteur décisionnaire du dispositif. Le rôle injonctif du médecin dans la prévention est également décrit par les femmes qui craignent ses réactions lorsque la recommandation n’est pas suivie.
« c’est pour ça des fois j’envoie ma fille avec l’ordonnance, va me chercher ma pilule sinon il me tue c’est mort… non sur plein de choses, je fais pas attention à ma tension, il va me dire “fais attention, je vais t’arrêter ninin”… des trucs comme ça… ben heureusement qu’il m’engueule sinon je le ferai pas de toute façon… faut bien qu’il y ait quelqu’un qui le fasse à ma place hein. »
30Pour d’autres, cette remise de soi va prendre le sens d’une obligation et le courrier d’invitation à la réalisation des dépistages est perçu comme une convocation. Chez les femmes en situation précaire, comme c’est le cas de Josiane, la crainte des menaces de sanctions financières en cas de non-conformisme a notamment pu être exprimée, témoignant de la violence symbolique des dispositifs.
« Moi on m’a dit c’est parce que déjà d’une… euh comme la prise de sang tous les mois… euh si j’n’y allais pas pi que ça s’aggravait ou qu’il y aurait quelque chose la sécurité sociale serait capable de pas me prendre en charge. »
32À plus long terme, les tactiques de négociation et de mise à distance des recommandations observées en séances se retrouvent chez les publics féminins. Parmi les tactiques adoptées, on trouve notamment la sélection de l’information et la réappropriation du message en fonction du cadre de vie quotidien. Cette négociation de sens va être perceptible notamment dans l’argumentation des femmes avec un fort usage du « mais » et du « par contre ». Le conformisme discursif observé en contexte de réception est de nouveau mobilisé. Dans ce cas, un discours d’adhésion à ces campagnes est développé de façon plus ou moins ostentatoire. Il consiste à la valorisation d’un « bon comportement » qui pourra être différent des pratiques qu’elles adoptent au quotidien. Les recommandations officielles sont alors intégrées et apparaissent comme la « bonne réponse » à donner même si les pratiques diffèrent.
Distance sociale et sentiment d’exclusion des normes préconisées
33L’appropriation se construit ainsi au fil de l’expérience des femmes et notamment des trajectoires géographiques qui définissent et redéfinissent un rapport à la médecine et laissent entrevoir des inégalités d’accès en fonction des territoires. Lucia, d’origine portugaise, arrivée en France à 18 ans, met en relief les systèmes de soin français et portugais. Elle décrit un système de soin portugais inégalitaire à deux vitesses, qui ne lui inspire pas confiance. Son expérience de ce système va renforcer la remise de soi observée chez elle. Plus que de la confiance, on trouve dans son discours une reconnaissance envers le système français. Cette position de reconnaissance fait que Lucia ne s’autorise pas à développer un discours critique, toute distanciation se retrouve neutralisée. Elle déclare : « Je pense… tu vois les trucs pour les labos et tout… déjà ils nous donnent à faire c’est bien ». La faible légitimité ressentie par les publics pour opiner face au corps médical se retrouve tacitement au fil des entretiens. Néanmoins, elle est modifiée par l’expérience personnelle et familiale du cancer qui constitue une rupture subjective et permet la valorisation d’une autre forme d’expertise : l’expertise expérientielle (Akrich et Rabeharisoa, 2012). Le vécu de la maladie renforce alors l’ethos de ces publics qui se sentent plus légitimes face aux acteurs sanitaires.
34L’ensemble de cet univers composé des messages de dépistages est connu des femmes rencontrées. Cependant, les recommandations sont souvent en décalage avec leurs pratiques. Ces pratiques ont notamment trait à ce qui caractérise leur milieu social : se nourrir et se soigner ne se fait en effet pas de la même manière selon l’appartenance sociale. Plus les pratiques préconisées dans les messages préventifs sont éloignées des pratiques des femmes au quotidien, et plus le fait d’adopter et suivre les recommandations des messages de prévention leur demande des efforts coûteux. Ce côté contraignant est particulièrement marqué pour le tabagisme et pour l’alimentation. L’impression que les messages ne laissent pas le choix est ainsi soulignée. Lucia centre ainsi son discours sur les efforts qu’elle fait pour s’adapter à la recommandation de manger 5 fruits et légumes par jour ainsi que d’éviter les aliments trop gras et trop salés. Elle déclare : « Faut pas penser à ça non plus parce que sinon on vit pas. Sur l’alimentation ouais tout c’est gras, tout c’est ci… tout il y a une merde… vrai tu sais pas ce que tu dois manger c’est vrai… les fruits, ils ont tous le sucre… pff c’est arrivé un moment, qu’est-ce que tu vas manger ? ». Si elle essaie de s’adapter, ces conduites représentent un effort trop important vis-à-vis de ces habitudes alimentaires et l’amènent à finalement relâcher ses efforts pour reprendre ses habitudes de vie. Ces messages, vécus comme des injonctions par les femmes, appellent à des impératifs tout aussi injonctifs vis-à-vis de l’émetteur de type « laisse-moi fumer » (évoqué au sujet de la lutte contre le tabagisme par Célia). Chez Lucia, si le sérieux et l’utilité de ces messages sont reconnus, une négociation est néanmoins opérée entre les pratiques au quotidien de cette femme et les recommandations sanitaires « c’est pas qu’on est pas d’accord avec ce qu’ils disent, mais tu vois 5 fruits et légumes par jour si t’as pas les moyens […] moi j’écoute pas tout ».
35Finalement, la nature de ces efforts révèle le côté normatif des messages. Ces normes, très éloignées des pratiques effectives des publics, se révèlent en inadéquation avec leur milieu social. Le fait de consulter sans avoir de symptômes est perçu comme étant trop en décalage avec le quotidien. Les recommandations entretiennent le sentiment d’illégitimité de ces populations dans le rapport à l’expertise scientifique, institutionnelle et médicale. De fait, le décalage ressenti rend d’autant plus contraignante la multiplication des messages et des démarches prônant le dépistage. La répétition annuelle des campagnes n’a ainsi pas l’effet escompté puisqu’elle contribue à renforcer l’opposition des publics féminins en accentuant l’agacement, le rejet et l’évitement des messages. Ces capacités des publics à s’opposer à des messages médiatiques notamment en contexte de surabondance ont notamment pu être mises en évidence (Kivits, 2014). Réinscrire l’appropriation dans une catégorie d’analyse plus large qu’est la résistance permet ainsi de rendre visibles d’autres formes d’oppositions à l’échelle individuelle chez des acteurs pour lesquels la lutte à une échelle collective peut être un obstacle (Calderon, Cohen, 2014). Les formes de résistance observées peuvent alors être qualifiées d’infrapolitiques (Scott, 2014) en tant qu’elles s’expriment de façon discrète derrière des discours et des pratiques qui affichent la soumission et l’adhésion aux normes.
Communiquer publiquement son expérience : la participation des publics féminins au dispositif de concertation citoyenne
36Que deviennent alors ces formes d’opposition et de résistance ? Les réseaux sociaux numériques constituent aujourd’hui un espace permettant la démocratisation de la prise de parole où les frontières du privé et du public deviennent poreuses (Cardon, 2012). Néanmoins, concernant le cancer, cet espace est saisi essentiellement pour témoigner de la maladie et il n’existe que des traces, éparses rendant compte du vécu du dépistage et des campagnes qui en font la promotion. Dans ce cadre, la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein configure un dispositif particulièrement intéressant pour l’analyse dans la mesure où chaque « citoyen-ne, professionnel-le, représentant associatif ou institutionnel, [peut] s’exprimer librement [19] » L’appropriation des recommandations y est communiquée à travers un dispositif configuré par l’institution en fonction de ses propres objectifs. Sur le site, une rubrique consacrée au dépistage du cancer du sein mettait à disposition de l’ensemble des participants une information à travers des documents institutionnels, des bulletins épidémiologiques, mais également des articles scientifiques.
S’exprimer publiquement, une expérience réservée aux femmes les plus favorisées
37Le cadre d’expression des femmes participantes est donc particulier puisque la matérialité du dispositif permet une appropriation et un partage d’expérience nécessitant la maîtrise de ressources (écrit, argumentation, mobilisation d’études scientifiques). Ce faisant, la prise de parole au sein de ce dispositif est réservée à des femmes dont les caractéristiques sociales sont différentes des précédentes et plus favorisées. Les contributions témoignent notamment d’un niveau d’éducation plus élevé. L’expression sur le dépistage se fait de manière argumentée et la rhétorique des contributions est centrée sur des éléments articulant le pathos et le logos. Les contributions oscillent ainsi entre témoignage de son expérience (le plus souvent de sa maladie) et partage d’opinion. La subjectivité de l’expérience est alors mobilisée pour interroger le système plus globalement.
38Ce troisième moment de l’expérience, envisagé par les institutions comme l’apogée de l’autonomie en tant qu’il repose sur la participation des citoyens dans le processus de construction des politiques publiques, permet la « reconnaissance et d’une valorisation de formes d’argumentation et de savoirs différentes de celles qui prévalaient jusqu’ici dans l’univers politique et administratif » (Wojcik, 2010). Dans les contributions analysées, l’inadaptation des recommandations au vécu quotidien des femmes n’est pas exprimée ce qui peut témoigner de la proximité de leur style de vie avec les habitudes recommandées contrairement aux femmes rencontrées au sein des dispositifs précédents. De surcroît, les contributions produites relèvent d’un style argumentatif appuyé sur l’expérience du dépistage, mais aussi sur des arguments scientifiques (mobilisation de données chiffrées et d’étude scientifique) comme en témoigne cet extrait :
« Une équipe d’experts britanniques indépendants a estimé que pour chaque femme dont la vie est sauvée grâce au dépistage, trois femmes sont diagnostiquées et traitées pour un cancer qui ne se serait jamais manifesté et n’aurait pas mis leur vie en danger. Tant que de tels messages clairs ne seront pas mis à disposition du public et des professionnels de santé, un vrai débat public sur les bénéfices et les risques du dépistage du cancer du sein ne pourra avoir lieu [20]. »
40Les modes d’argumentation mobilisés, très proches de ceux des acteurs institutionnels, apparaissent alors plus rationnels et par conséquent plus légitimes. Les contributrices, par leurs caractéristiques sociales, partagent en partie l’ethos des acteurs institutionnels. Ces dispositifs institutionnels invisibilisent ainsi des formes d’expérience populaire et excluent les publics féminins appartenant aux catégories sociales les plus défavorisées.
La revendication d’une prise de décision éclairée
41Si les mêmes positions évoquées plus haut entre adhésion, négociation et opposition se retrouvent, la consistance de l’opposition diffère de celle observée précédemment. La notion de décision éclairée (ou evidence-informed decision-making) présente dans la littérature académique est également mobilisée par les institutions. La catégorie est employée par l’INCa lorsque le consensus sur le dépistage n’est pas net. C’est notamment le cas pour le dépistage du cancer du sein, pour lequel le bénéfice du dépistage est contesté par certains chercheurs. Depuis 2013, la démarche d’information de l’institution « vise à mettre à disposition des femmes l’ensemble des éléments leur permettant de prendre une décision éclairée quant à leur participation au dépistage [21] ». Au sein du corpus, cette catégorie n’est présente qu’à une reprise en tant que telle. Pourtant, les témoignages en ligne des femmes revendiquent le choix de se faire dépister ou non à partir d’une information exhaustive sur les bénéfices et les risques. Cette position consiste en la revendication d’une meilleure information par l’État et les institutions sanitaires. L’information telle qu’elle est mise à disposition des femmes à l’heure actuelle est critiquée. Les contributrices exigent de bénéficier d’une information complète présentant les bénéfices, mais aussi les risques du dépistage et ce, sans présélection opérée par les institutions. L’action publique sanitaire est justement construite et développée sur ce même rapport d’analyse bénéfice/risque afin d’émettre la recommandation. Cette revendication concerne également la redéfinition du rôle des instances sanitaires afin de pouvoir prendre soi-même la décision par une démarche informative. Par ailleurs, cette position peut également être caractérisée par le développement d’une démarche de recherche pro-active menée par les publics à partir de diverses ressources. Si Internet rend l’information plus accessible, les différences de pratiques informationnelles selon les catégories sociales persistent et renforcent les écarts constatés, les femmes appartenant aux catégories sociales les plus hautes ayant des pratiques similaires aux acteurs à l’origine des messages, la légitimité de leurs arguments sera moins questionnée.
42Cette position permet de mettre en avant les capacités des contributrices et d’envisager la relation avec le corps soignant et les acteurs institutionnels de façon moins asymétrique notamment car elles disposent des ressources nécessaires et d’une proximité sociale avec les promoteurs de la santé. Le rapport au savoir et à l’expertise est alors déplacé par l’affirmation de capacités d’information, de compréhension et de décision. Armées de ces capacités, les femmes affirment leur libre arbitre à pouvoir prendre la décision de réaliser ou non le dépistage. Se faire dépister est ainsi parfois affirmé comme une façon pour les femmes de se réapproprier un corps qui avait été investi par la médecine, de prendre leur santé en charge et d’être actrice de leur santé. L’extrait de contribution suivant permet d’illustrer ce positionnement.
« Ce qui me semble important c’est bien sûr d’abord d’être informée sur le fait que plus le cancer est détecté précocement, moins il est étendu et donc plus grandes seront les chances de rémission. Par contre, personne ne m’a posé la question de savoir si j’acceptais de prendre le risque de passer à travers toutes les étapes de traitement pour rien (si mon cancer était non évolutif). Et qu’est-ce que je risquais au juste si mon cancer évoluait. Donc, je peux dire que si je ne m’étais pas informée par moi-même, ma décision de me faire traiter n’aurait pas été éclairée. En fait, c’aurait été une non-décision. On ne donne pas suffisamment aux patients la possibilité de se prendre en charge [22]. »
44La revendication d’une meilleure information chez les contributrices semble devenir la condition d’une adhésion aux politiques publiques. La question du rapport entre publics féminins et information semble centrale dans ce processus. En effet, c’est finalement l’information qui leur permet d’exercer un pouvoir décisionnel à au moins deux niveaux : celui de la recherche d’information, qui implique une capacité à mobiliser des ressources et à les confronter, et un second niveau qui serait celui de prendre position face à l’information reçue et dont résulterait la décision de pratiquer ou non le dépistage. La décision éclairée peut alors conduire au choix de refuser la démarche préventive. Ces revendications d’information qui pourraient être interprétées comme un empowerment des femmes reproduisent finalement le discours des institutions et correspondent ainsi à une lecture hégémonique du message.
Intégration de la norme, prise de recul et contestation des recommandations
45Au sein de ce corpus, une opposition au dépistage plus affirmée que celle rencontrée sur le terrain peut s’exprimer dans les contributions des femmes. Outre les caractéristiques sociales différentes, ceci peut notamment s’expliquer par la dimension virtuelle de cette expression et l’adresse directe à l’institution qui marque l’énonciation de cette opposition. La lecture hégémonique des messages est marquée par la compréhension des logiques sous-jacentes, et de l’ancrage du dépistage dans le système de santé publique. C’est finalement parce que leurs caractéristiques sociales font que les messages sont plus proches de leur style de vie que la prise de distance peut être plus grande avec les logiques qui les produisent et leur normativité. Outre la prise de décision éclairée, le caractère organisé et systématique des dépistages et des campagnes est contesté. La distinction entre le fait d’être concernée (qui relève des désignations institutionnelles) et le fait d’être intéressée (subjectivité par rapport à l’information) est ici relevée. La normativité des messages et leur répétition sont soulignées. Une internaute déclare :
« Je pense que le courrier envoyé aux femmes de plus de 50 ans les invitant au dépistage organisé est un véritable gaspillage pour la collectivité. De plus, je vis la réception de ce courrier comme du “harcèlement”. Il serait plus intelligent de permettre aux femmes intéressées par ce dépistage de prendre un formulaire chez leur médecin ou à la CPAM pour éviter la mise à la poubelle de 50 % de ces courriers [23]. »
47De surcroît, ces critiques sont accentuées par des revendications féministes lorsque le caractère normatif des politiques préventives est perçu comme systématique à l’égard des femmes. Une réflexivité à propos des messages et des normes qu’ils portent est développée chez les contributrices vis-à-vis de l’appropriation et de l’instrumentalisation des corps féminins par des instances patriarcales (l’État, la médecine). À ce titre, les publications de la plateforme ont fait état de plus fortes résistances d’un point de vue discursif en soulignant par exemple les humiliations que le dépistage faisait subir particulièrement aux femmes d’une part par la pratique (exposition et manipulation des seins), mais également parce que les hommes sont présentés comme épargnés par les acteurs institutionnels et sanitaires, dénonçant le sexisme du système médical. Une autre contributrice publie ainsi :
« Pourquoi cet acharnement excessif de la médecine avec la complicité des plus hautes autorités de l’État et de leurs escadrons de fonctionnaires en Régions à vouloir contrôler la normalité des seins des femmes et les soumettre jusque dans leur intimité ? Pourquoi ne trouve-t-on pas le début d’un commencement d’équivalent d’un tel contrôle du corps masculin et d’une telle soumission chez les hommes ? Pourquoi la médecine ne s’acharne-t-elle pas avec le même déploiement de moyens à faire baisser la mortalité par maladie cardio-vasculaire chez les femmes qui représente presque 7 fois plus de mortes annuelles que par cancer du sein ? ou à faire baisser la mortalité féminine par cancer du poumon et du colon ? [24] »
49La force symbolique des dispositifs auxquels sont confrontées les femmes s’exprime également par une autre mise en scène discursive : celle de l’humiliation et de la souffrance liées à la pratique du dépistage. Le corpus fait état d’usages importants des termes de honte, de dégradation, d’humiliation et de manque de respect. L’usage de ces mises en scène consiste à proposer une certaine mise en représentation dans le discours (ici l’humiliation) pour signifier autre chose (les rapports de pouvoir et l’opposition). Plus encore que cette humiliation, la mammographie est parfois qualifiée de « torture » ou d’« examen barbare ». Outre les arguments avancés, cette opposition s’observe par les formes linguistiques qu’utilisent les contributrices et notamment l’injonction (emploi de l’exclamatif et de l’impératif).
50Cette forme d’expression a également été particulièrement présente dans les titres accompagnant les contributions déposées sur le site parfois similaires à des slogans de manifestation : « Non au dépistage, laissez les femmes tranquilles », « Non au dépistage, voici mes raisons ». Les contributrices de la plateforme développent alors un discours porteur d’affirmation de liberté à titre individuel, mais aussi collectif comme le montrent les marqueurs énonciatifs (passage d’un « je » à un « nous »). Ces critiques peuvent également témoigner plus globalement d’une non-adhésion au discours préventif allant de la remise en cause de l’intérêt du dépistage à la mise en avant des risques qu’il représente (surdiagnostic, cancers radio-induits). Le cadrage opéré par les institutions (celui de lutter contre le cancer par le dépistage précoce) est mis au jour dans le discours et remis en question par certaines contributrices qui proposent des cadrages concurrents : agir sur l’environnement, prôner l’autopalpation. La prise de distance se fait également vis-à-vis de l’industrie et du financement du système de santé. Les contributions font alors état des conflits d’intérêts existant autour du cancer et des examens de dépistage. La contestation apparaît ici comme significative de l’appropriation en tant qu’elle constitue une prise de recul avec une recommandation déjà bien intégrée.
Conclusion
51Face à l’information diffusée par le biais de dispositifs communicationnels institutionnels, médiatiques ou non, les publics féminins sont en mesure d’adopter plusieurs attitudes qui témoignent de leur information et de leur bonne compréhension des recommandations. La réception des discours institutionnels sur le dépistage des cancers peut alors être qualifiée d’hétérogène. L’analyse des différents corpus montre que l’appropriation des recommandations se révèle double, concernant à la fois les discours de recommandation en eux-mêmes et les pratiques qu’ils recommandent. Ainsi, s’approprier une recommandation, c’est à la fois en négocier le sens en fonction de l’expérience, mais c’est également se positionner sur l’application ou non de la recommandation avec des degrés d’engagement différents, allant du refus total et à la mise à distance à la non-décision. L’appropriation se manifeste alors dans l’ensemble du processus de réception : dans l’attention donnée au message, l’adhésion au discours diffusé, l’intégration de la norme, mais aussi dans le fait de relayer le discours.
52Au-delà même de la recommandation d’une pratique médicale, ces messages participent à la prescription d’un style de vie dont le décalage avec le quotidien des femmes appartenant aux publics dits « les plus éloignés » est tel qu’il nécessite une mise à distance pour ne pas avoir à mettre en cause leur propre mode de vie. Ainsi, le sens accordé au fait de se faire dépister ou non est propre à chaque femme avec des degrés d’engagement qui diffèrent selon l’appartenance sociale. La catégorie « non-participante » utilisée par les institutions pour désigner les femmes n’ayant pas recours au dépistage n’est nullement homogène et fait référence à des positionnements différents, relevant dans certains cas d’une décision « éclairée ». Les résistances étant pensées dans des rapports de pouvoir, il devient certain que les groupes pour lesquels pèsent le plus ces rapports auront des possibilités différentes de négociation de sens, ce qui se traduit par le recours à des mises en scène discursives différenciées. Chez les femmes les plus favorisées, la meilleure intégration des normes au quotidien permet une prise de recul et une contestation plus grande.
- Aïach P., Delanoë D., La médicalisation : Ecce Homo Sanitas, Anthropos, 1998.
- Akrich M., Rabeharisoa V., « L’expertise profane dans les associations de patients, un outil de démocratie sanitaire », Santé Publique, 2012, n° 24.
- Barbier J.-M., « Expérience, apprentissage, éducation », Expérience, activité, apprentissage, J.-M. Barbier, E. Bourgeois, M. Durand et L. Albarello (dir.), PUF, 2013.
- Bazin L., « Chapitre 4. Résistance ou écrasement. Mises en scène de la domination sur deux terrains d’enquête contrastés », Qu’est-ce que résister ? Usages et enjeux d’une catégorie d’analyse sociologique, J.-A. Calderón et V. Cohen (dir.), Nouvelle édition [en ligne], Presses universitaires du Septentrion, 2014.
- Berjaud C., « Les téléspectateurs en contexte. Conditions sociales et pratiques de réceptions collectives des discours politiques dans le Venezuela d’Hugo Chávez », Politiques de communication, 2015, n° 4.
- Berthelot-Guiet K., Ollivier-Yaniv C., « “Tu t’es vu quand t’écoutes l’État ?”, Réception des campagnes de communication gouvernementale. Appropriation et détournement linguistiques des messages », Réseaux, 2001, n° 108.
- Cardon D., « Le parler privé-public des réseaux sociaux d’Internet », Médias sociaux. Enjeux pour la communication, S. Proulx, M. Millette, L. Heaton (dir.) PUQ, 2012.
- Certeau M. (de), L’invention du quotidien, tome 1 (1980), Gallimard, 1990.
- Comby J.-B., Grossetête M., « La morale des uns ne peut pas faire le bonheur de tous. Individualisation des problèmes publics, prescriptions normatives et distinction sociale » : Trente ans après La Distinction, de Pierre Bourdieu, P. Coulangeon, J. Daval (dir.), La Découverte, 2013.
- Ducournau P., « Droits des usagers, droits et usagers. Le droit au consentement éclairé du point de vue des patients », Informations sociales, 2010, nº 158.
- Foucault M., La volonté de savoir : Histoire de la sexualité 1, Gallimard, 1976.
- Goffman E., La mise en scène de la vie quotidienne. Tome 1. La présentation de soi, Éditions de minuit, 1973.
- Hall, S., Albaret M., Gamberini M.-C., et al., « Codage/décodage ». Réseaux. Communication-Technologie-Société, 1997, n° 1.
- Hoggart R., La culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Éditions de Minuit, 1970.
- Kivits J. et al., « L’appropriation de l’information médiatique au sujet de la prévention et du dépistage des cancers », Le Temps des médias, 2014, n° 23.
- Lafon B., Romeyer, H., « Le cancer à la télévision : Enjeux médiatiques et politiques d’une cause légitimante », Politique et Sociétés, 2008, n° 27.
- Mauger G., « Précarisation et nouvelles formes d’encadrement des classes populaires », Actes de la recherche en sciences sociales, 2001, n° 136-137.
- Ménoret M., « Prévention du cancer du sein : cachez ce politique que je ne saurais voir », Nouvelles Questions Féministes, 2006, n° 25.
- Morley D., Television, audiences and cultural studies, Routledge, 1992.
- Ollivier-Yaniv C., Rinn M., Communication de l’État et gouvernement du social pour une société parfaite ?, PUG, 2009.
- Pereira da Silva C., « La communication dans le dépistage des cancers », Hermès, 2018, n° 82 (à paraître).
- Scott J., La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Éditions Amsterdam, 2008.
- Wojcik. S., « Compétence et citoyenneté. Esquisse d’une analyse critique des travaux sur les dispositifs participatifs en face-à-face et en ligne », La parole profane : nouveaux acteurs et nouveaux dispositifs discursifs, Colloque de la Société Québécoise de Science Politique, Mai 2008, Montréal, Canada.
Mots-clés éditeurs : discours sanitaire, dépistage des cancers, résistance, réception, normativité
Date de mise en ligne : 26/02/2019
https://doi.org/10.3917/pdc.011.0015Notes
-
[1]
Ces catégories circulent notamment au sein des newsletters de campagne à destination des partenaires de l’institution.
-
[2]
Ce point est développé dans un article à paraître dans la revue Hermès.
-
[3]
Ces pratiques ont pu être observées aussi bien lors des stands que lors des réunions collectives.
-
[4]
Par spontané, nous entendons le fait d’initier le contact avec les chargés de prévention sans sollicitation préalable de leur part.
-
[5]
Propos recueillis lors de l’observation d’une réunion collective au sein d’un centre social le 15/05/2017 à Villeneuve-Saint-Georges (94).
-
[6]
Propos recueillis lors de l’observation d’un stand d’information au sein d’une résidence sociale le 27/04/2017 à l’Hay-les-Roses (94).
-
[7]
Les traces de ces représentations se retrouvent notamment lors des questions posées par les femmes en séance. Ces représentations concernant notamment la maladie, l’examen, le rapport au corps et à la mort sont différenciées socialement. Elles ne seront abordées que très brièvement dans cet article et font l’objet d’une réflexion approfondie dans la thèse en cours.
-
[8]
Observation réalisée le 09/03/2017 lors d’une réunion collective d’information, Centre social de Chennevières-sur-Marne (94).
-
[9]
Elles interrompent notamment les chargés de prévention pour faire appel à des informations venant de sources extérieures.
-
[10]
Ces comportements ont pu être observés de façon plus fréquente chez les femmes plus âgées, mais se retrouvent également chez certaines femmes plus jeunes rencontrées au sein d’associations de lutte contre l’exclusion.
-
[11]
On retrouve notamment dans leur discours des traces de « propagande parasite » (Pinell, 1992).
-
[12]
Ibid.
-
[13]
Au sein de l’association en question, étaient affichés sur les murs de la salle où nous nous trouvions des nombreux rappels concernant la politesse, le civisme etc.
-
[14]
Entretien réalisé au domicile de Khadija à Sevran (93), le 20/08/2016.
-
[15]
Entretien réalisé au domicile d’Annie à Sevran (93), le 27/06/2016.
-
[16]
Entretien réalisé au domicile de Lucia le 17/06/2016 à Chelles (77).
-
[17]
Entretien réalisé au domicile de Célia, le 01/08/2016 à Sevran (93).
-
[18]
Entretien réalisé au domicile de Josiane, le 20/08/2016 à Sevran (93).
-
[19]
http://www.concertation-depistage.fr/la-concertation-comment-ca-marche/, consulté le 30 avril 2018
-
[20]
Extrait de contribution postée par « strema » intitulée « Message insuffisant sur les désavantages du dépistage du cancer du sein », mis en ligne le 24/02/2016 dans la rubrique « L’intérêt et les limites du dépistage du cancer du sein ».
-
[21]
Newsletter de campagne sur le dépistage du cancer du sein n° 25, octobre 2014.
-
[22]
Extrait de contribution postée par « Evelyne » le 30/09/2015 dans la rubrique « L’intérêt et les limites du dépistage du cancer du sein » intitulée « S’informer et choisir ».
-
[23]
Extrait de contribution postée par « Zoé » le 31/03/2016 dans la rubrique « Contributions ouvertes » intitulée « Trop de harcèlement et de gaspillage ».
-
[24]
Contribution postée par « ANNETTE_LEXA » le 29/09/2015 dans la rubrique « L’intérêt et limites du dépistage du cancer du sein » intitulée « Misogynie médicale ».