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Article de revue

Le pare-excitation à l’épreuve des symptômes dermatologiques à l’adolescence : éclairage de la clinique projective

Pages 245 à 266

Notes

  • [1]
    Les protocoles figurent en annexes.
  • [2]
    Ces adolescentes tout-venant ont été rencontrées dans le cadre d’un travail de thèse que nous menons actuellement, portant sur la place du corps à l’adolescence.
  • [3]
    Réponses barrière : contenus aux limites précises, impliquant la notion de protéger, recouvrir, cacher, délimiter, qui possède des particularités de surface, etc. Réponses pénétration : contenus aux limites endommagées, traversées, impliquant une communication entre intérieur et extérieur ou aux limites floues, vagues, fragiles, perméables.
    Les critères détaillés de cotation du score barrière-pénétration se trouvent dans l’ouvrage de ces auteurs.

1 L’adolescence constitue une période de profonds remaniements tant du fait des transformations pubertaires que des réaménagements psychiques. L’adolescent est irrémédiablement amené à modifier son rapport à lui-même ainsi qu’à son entourage. Au cœur de ces transformations, il est indéniable que psyché et soma entretiennent des liens étroits. Par ailleurs, la fonction de la peau occupant une place centrale dès le début de la vie dans la genèse du moi, la mise en sens des premières sensations est très sollicitée à l’adolescence.

2 Nous nous intéressons ici à l’articulation entre les manifestations dermatologiques à l’adolescence et la fonction pare-excitante du moi compris comme participant de l’équilibre psychosomatique. Après avoir précisé les notions et concepts théoriques sur lesquels nous appuyons nos réflexions cliniques, nous discuterons quelques points saillants des protocoles de Rorschach et de tat[1] de deux adolescentes présentant une dermatite atopique.

Éléments théoriques : corps, psyché et adolescence

La Peau, premier organe des sens

3 Au cours du développement embryonnaire, la peau est le premier organe des sens formé. Elle constitue l’enveloppe corporelle et assure une fonction de protection, de perception tactile et de thermorégulation. Les concepts de « holding » et de « handling » de D.W. Winnicott (1960) mettent l’accent sur le rôle central des soins maternels dans l’acquisition du schéma corporel du bébé. En effet, le bébé construit la perception de sa surface corporelle à travers ses sensations tactiles, ce que souligne et développe D. Anzieu (1974) dans la théorisation du « moi-peau ». L’enveloppe corporelle, en tant qu’instance de séparation et d’inclusion, dessine les limites de soi et assure « la frontière entre soi et l’autre, le dedans et le dehors de manière vivante, poreuse, car elle est à la fois ouverture et fermeture au monde, mémoire d’événements biographiques, porte symbolique que l’on ouvre ou ferme selon les situations » (Le Breton, 2015).

Peau, psyché et pare-excitation

4 Dès ses premiers travaux, Freud (1895) montre que le corps constitue un support essentiel des processus d’intégration psychique. En 1923, il expose ce rapport dans sa phrase devenue célèbre : « Le moi est avant tout corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais il est lui-même la projection d’une surface » (p. 270). L’enveloppe psychique est, selon Freud (1920), dotée d’un pare-excitation qui désigne à la fois le support et sa fonction. Le contact avec les excitations du monde extérieur dote l’organisme d’une couche superficielle, corticale, de protection. Le pare-excitation est alors conçu comme enveloppant l’organisme et filtrant passivement les excitations venues du monde extérieur, protégeant le psychisme de l’effraction ou du débordement.

5 Didier Anzieu (1974) approfondit la notion freudienne de membrane pare-excitante en appui sur la fonction corporelle de la peau, et transpose le fonctionnement sur le plan mental aboutissant à l’élaboration du concept de moi-peau. Pour l’auteur, le moi-peau désigne « une figuration dont le moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps » (Anzieu, 1985, p. 270). Le moi-peau garantit un sentiment de constance et de permanence rassurante permettant la régulation des affects, son instauration répondant au besoin d’une enveloppe narcissique assurant à l’appareil psychique la certitude et la constance d’un bien-être de base. Dans un premier temps, la mère fait office de premier pare-excitation, de par sa capacité de rêverie (Bion, 1962). Elle met son propre appareil psychique au service de son enfant ; elle prête son appareil à penser (Bion, op. cit.) afin de transformer les éléments β, données sensorielles brutes, en éléments α, données sensorielles transformées et en mesure d’être pensées par l’enfant. La mère pense pour lui les excitations qui le traversent, l’aidant à les supporter et, progressivement, à les intérioriser. Dans la continuité de ces travaux, les psychosomaticiens tels que R. Debray (2001) défendent l’idée selon laquelle le préconscient de l’enfant est directement issu du préconscient parental, particulièrement maternel. Si ce dernier est fragile ou fait défaut, il ne peut remplir sa fonction de filtrage des excitations, laissant le psychisme de l’enfant non protégé des excitations externes et internes, qui risquent de le déborder. Pour S. Consoli et S. Consoli (2006), les échanges peau à peau entre l’enfant et son parent participent à la construction des limites du corps et de l’espace psychique et « permettent à ces limites d’être assez solides et fiables pour pouvoir contenir toutes les pensées et tous les affects, y compris les plus destructeurs et les plus haineux » (p. 147).

6 Ainsi, le moi se constitue progressivement à partir de compétences innées de l’enfant, des échanges avec l’environnement et par l’identification aux attitudes de l’environnement envers lui. La continuité des liens participe à la naissance du propre sentiment de continuité et l’enfant intègre alors une perception des limites entre soi et autrui, menant à l’apparition du langage. Ainsi se crée un espace psychique interne, offrant une souplesse psychique, une sorte d’amortisseur, s’interposant entre le moi de l’enfant et les pressions venues des pulsions et de la réalité externe.

Adolescence : avènement pubertaire et rôle du pare-excitation

7 Après une phase de relative stabilité au cours de la latence, la puberté, sous l’effet de la tension pulsionnelle, remet en question les acquis antérieurs et l’équilibre narcissico-objectal (F. Marty, 2007, p. 44). P. Gutton (2002) évoque une intrusion pubertaire, car selon lui « la source de la violence est la force de l’instinct génital abusant le corps et la psyché, contrainte par corps » (p. 53).

8 Au moment de la puberté, la violence qui s’exerce contre le moi provient de deux sources : l’une interne, provenant de la libido et constituée de fantasmes pubertaires exprimant la resexualisation des imagos parentales ; l’autre externe, provenant également du corps pubère, considéré comme un objet externe menaçant l’équilibre narcissique du sujet.

9 Ainsi, l’adolescent se voit soumis à des turbulences psychiques et corporelles qui échappent à son contrôle et s’accompagnent d’une dimension traumatique dont l’intensité ainsi que les capacités à l’élaborer varient d’un sujet à l’autre.

10 D’un point de vue économique, Freud (1920) décrit la notion de traumatisme psychique comme secondaire à une effraction du pare-excitation qui ne parvient pas à lier l’énergie pulsionnelle en excès. Le pare-excitation protège l’appareil psychique des excitations venues du monde externe et assure une barrière entre le dedans et le dehors. Lorsque les excitations sont trop intenses, il y a effraction du pare-excitation et les capacités de traitement de l’appareil psychique sont débordées.

11 En 1926, il précise qu’« il n’y a de pare-excitation que contre les stimuli externes et non pas contre les revendications pulsionnelles internes » (p. 10). Cependant, la violence subie par le moi provient à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Freud propose ainsi que l’appareil psychique tendrait à traiter les excitations internes comme si elles « n’agissaient pas de l’intérieur, mais au contraire de l’extérieur, pour pouvoir appliquer contre elles les moyens de défense du pare-stimuli » (1920, p. 300). Les psychosomaticiens (Marty, M’Uzan, David, 1963) approfondissent la notion de traumatisme et soulignent le rôle central de la mentalisation lors du débordement du pare-excitation. En effet, la mentalisation, autrement dit l’élaboration psychique des excitations, est primordiale dans la protection d’une éventuelle désorganisation du moi. Comme le rappelle D. Donabédian, « la faillite de l’organisation psychonévrotique du sujet constitue un risque de désorganisation somatique » (2012, p. 32).

12 Dans la continuité de ces travaux en psychosomatique, M. Benyamin (2013, p. 131), étudiant le travail du préconscient à l’adolescence, avance l’hypothèse selon laquelle « le travail de penser et l’investissement de la pensée, par l’intermédiaire du travail du préconscient et de sa fonction essentielle de liaison entre les représentations de choses et de mots », assure le rôle de pare-excitation interne. C’est en liant l’excitation pulsionnelle que le préconscient ferait office de digue psychique par le biais du refoulement. La mentalisation permettrait à l’excitation et à la pulsion de perdre en force et en énergie. Une fois les excitations internes et externes traitées psychiquement, elles pourront être pensées. En l’absence de ce travail de pensée, « l’effraction menace à tout instant, dans la mesure où l’affect est brut, la pulsion non élaborée par le psychisme et le seuil de tolérance à l’excitation très faible ».

13 Face à l’obligation de se séparer de ses imagos parentales infantiles, l’adolescent ne peut plus compter sur leur système pare-excitation et doit lui-même réguler et traiter les excitations auxquelles il est soumis. Lorsque le préconscient est opérant, la continuité narcissique est assurée et l’adolescent peut s’autoréguler de manière autonome, sans s’étayer sur les membres de son entourage. S’installe alors un équilibre précaire, jalonné de discontinuités, d’aléas, voire de tempêtes, mais sans rupture ni désorganisation grave. Ainsi, le processus adolescent se déroule de façon « normalement pathologique» (ibid., p. 136).

14 Le rôle de pare-excitation revenant au moi, ce dernier doit médiatiser l’impact de l’excitation en temporisant et filtrant les afflux d’excitation. Ainsi pour une bonne homéostasie psychosomatique, les qualités et la solidité du moi se révèlent déterminantes. À l’adolescence, les poussées pulsionnelles pubertaires vont venir accroitre les modalités défensives mises en place par le moi et, comme l’indique D. Donabédian, « l’éclosion d’une somatisation réversible peut intervenir à un moment précis de la problématique du désir » (2012, p. 88).

Présentation de la recherche : objectifs et méthodologie

15 L’objectif de cet article est d’interroger le passage par le corps des expressions cliniques et psychopathologiques à l’adolescence, plus particulièrement les symptômes dermatologiques, en observant la manière dont ils s’inscrivent dans le fonctionnement psychique en général et dans le traitement du pulsionnel en particulier. Nous illustrerons nos propositions de recherche par deux cas cliniques d’adolescentes présentant une dermatite atopique, en nous intéressant tout particulièrement à la fonction de pare-excitation du moi [2].

16 L’eczéma ou dermatite atopique, maladie inflammatoire de la peau se caractérise par une sécheresse cutanée associée à des lésions (rougeurs, démangeaisons, vésicules, suintement, croûtes), qui évoluent par poussées. Étymologiquement, eczéma en latin signifie éruption cutanée, ébullition, bouillonner. Appelé aujourd’hui dermatite atopique, en raison d’un terrain de prédisposition génétique, la peau présente une anomalie de la perméabilité, une altération de la « fonction barrière » (Simon, 2013). Les allergènes, normalement bien tolérés, pénètrent plus profondément dans l’épiderme et stimulent le système de défense immunitaire, lequel, se considérant agressé, réagit de façon excessive.

17 La méthodologie projective employée ici comprend la passation complémentaire du Rorschach et du tat, dans la lignée des travaux de l’École de Paris. Comme le précise C. Chabert (2009), « si le fonctionnement psychique à l’adolescence requiert une clinique à la fois rigoureuse et délicate, c’est bien la démarche projective qui permettra de remplir ces exigences ».

18 Notre exploration clinique et projective contribue à interroger le passage par l’expression somatique à l’adolescence, en observant la manière dont elle s’inscrit dans le fonctionnement psychique. Nous proposons l’idée selon laquelle les symptômes dermatologiques peuvent avoir une valeur trophique à l’adolescence, du côté d’un langage du corps, d’une expression qui ne peut se faire, ou de façon incomplète ou inefficace, par le canal verbal. La traversée de l’adolescence remettant au jour et au travail des vécus infantiles, les symptômes cutanés ne seraient donc pas uniquement les témoins d’un défaut de mentalisation, d’une défaillance de l’activité de transformation de l’excitation par la pensée, mais correspondraient à un mode d’expression régressif spécifique à la période adolescente.

19 Notre recherche s’inscrit dans la continuité des travaux de M.-F. Bacqué (1989), M.-C. Pheulpin (1993), M. Baudin (2002), F. Dargent (2006), C. Matha (2009), qui articulent l’étude du lien corps-psyché avec une méthodologie projective. Dans notre démarche nous souhaitons, tel que le défend C. Matha (2010, p. 258), considérer le symptôme comme « porteur d’un sens potentiel mais non encore advenu et à construire avec chacun des sujets ». Les études explorant les troubles psychosomatiques mettent souvent l’accent sur les irrégularités de la mentalisation et la déliaison pulsionnelle. La somatisation étant associée à un fonctionnement psychique particulier, la vie opératoire, est un indice de désorganisation somatique. T. Ikiz et D. Drieu (2012), quant à eux, mettent en avant le lien entre les somatisations et les souffrances du groupe familial, évoquant notamment les « atteintes dans le maillage des enveloppes » (p. 3). Enfin, ainsi que l’a souligné M.-C. Pheulpin (2014, p. 170), les épreuves projectives représentent un apport précieux, « à même de servir la saisie des différents ajustements participant à la régulation de l’économie psychosomatique globale du sujet, à en apprécier les ressources singulières ».

Illustrations cliniques

Sybille, 16 ans

20 Sybille, adolescente curieuse et relativement à l’aise, nous interroge régulièrement au cours de la passation. Elle prend plaisir à se prêter à l’exercice que nous lui proposons malgré une légère inhibition.

21 Bien qu’elle ait toujours eu la peau sèche, Sybille présente pour la première fois, au moment des fêtes de Noël, une « grosse crise » d’eczéma. Cela se manifeste chez elle au niveau des mains mais également, et surtout, au niveau du cou, du visage (paupières, front) et du cuir chevelu. « J’étais vraiment trop préoccupée par ça, parce que j’étais tout le temps en train de me gratter». Sa fratrie la poussait à aller consulter un médecin, tandis que ses parents ne paraissaient pas inquiets. Cette crise s’est résolue en un mois, aussi spontanément qu’elle était apparue. Lors de notre rencontre, Sybille n’a presque plus de plaques eczémateuses, à l’exception de quelques rougeurs sur les mains. Interrogée sur la raison de l’apparition soudaine de cet eczéma, elle répond qu’elle n’en a aucune idée puis associe sur son père, disant qu’il a aussi des problèmes de peau.

Rorschach

22 Sybille présente un plaisir à fonctionner dans une liberté associative certaine, témoignant d’une créativité avec des réponses originales, malgré des moments d’inhibition. Sa production correspond à la moyenne de sa classe d’âge (R=27 avec deux réponses additionnelles à l’enquête). Le psychogramme est également normatif au regard des normes adolescentes établies par Azoulay et coll. (2007), aussi bien au niveau des contenus que de la localisation des réponses. Enfin, on observe une alternance de F+ et de F- signant l’incursion de mouvements projectifs libérant le fantasme inconscient grâce à un relâchement ponctuel du contrôle sur la réalité. Son moi paraît apte à la formation de compromis, comme en témoigne l’alliance entre la prise en compte de la réalité perceptive du matériel et ses mouvements projectifs.

23 Ses réponses aux planches II et III, auxquelles la mobilisation pulsionnelle est très attendue, témoignent d’une forte réactivité au rouge, signalée par des réponses formelles inadéquates et des contenus anatomiques. L’émergence de représentations de l’intérieur du corps signe l’effraction des limites dedans-dehors sous l’impact de la réactivation pulsionnelle. Cependant, Sybille fait montre de capacités de réorganisation et donne finalement une réponse intègre et de bonne qualité formelle : un vaisseau spatial. À la planche III, la pulsionnalité agressive s’exprime par la figure du monstre/lézard, réponse de mauvaise qualité formelle. (La représentation du lézard, apparait de nouveau dans le protocole et fait référence à des « lézards géants qui mangent des personnes», Pl. VIII). Lorsque Sybille perçoit deux personnages sur la planche, la pulsionnalité libidinale s’exprime à travers l’évocation d’une représentation de relation de partage, tout en faisant l’économie du choix de l’identification sexuelle.

tat

24 Même si les mouvements pulsionnels s’expriment, il n’est pas toujours aisé pour Sybille d’élaborer l’ambivalence au tat. Le recours aux défenses rigides et d’inhibition la prémunit de l’évocation d’un rapproché trop excitant. À la planche 7gf, après l’évocation d’une mère abandonnique et une tentative d’isolation des personnages, Sybille réussit finalement à faire intervenir le second personnage dans une relation d’étayage, tandis qu’à la planche 9gf la pulsion agressive émerge sous couvert d’une inhibition quant au motif du conflit et de défenses rigides. En effet, la rivalité féminine apparaît, accompagnée d’affects, et même si le motif du conflit sous-jacent demeure secret, la référence au conte de Cendrillon dramatise le récit et laisse entrevoir, dans le fantasme, la présence d’un tiers masculin source de rivalité entre les femmes.

25 Les mouvements pulsionnels libidinaux quant à eux se déploient librement dans ses récits de relations hétérosexuelles ou entre hommes, au travers de symbolismes sexuels transparents et d’un accent porté sur les relations interpersonnelles.

Synthèse des épreuves projectives

26 Sybille est ponctuellement gênée dans le déploiement de ses réponses, bien qu’elle témoigne de possibilités d’expression fantasmatique. Ses réponses entrent en résonance avec les sollicitations latentes des planches tant au Rorschach qu’au tat. De plus, elle témoigne de capacités de récupération et d’une certaine souplesse de fonctionnement. Au cours de la passation des épreuves projectives, Sybille fait de nombreux commentaires et appels au clinicien. Nous notons également que le corps de Sybille est très bavard pendant la passation des épreuves, tantôt à travers une toux, des bâillements, un raclement de gorge, elle se sert régulièrement de son corps au Rorschach pour illustrer ses réponses. Le langage de son corps au cours de la passation parait lui servir de soupape d’évacuation de ses tensions internes, permettant le déploiement de ses réponses.

Mariana, 17 ans

27 Lors de notre rencontre Mariana semble méfiante, tout en recherchant notre approbation et notre regard. Son approche quasi phobique des planches traduit son désir de demeurer à distance de ce matériel étranger. Peu à l’aise au cours de la passation et ponctuellement en difficulté, elle cherche régulièrement notre étayage par le regard.

28 Mariana raconte avoir eu brièvement des plaques d’eczéma localisées au moment de son entrée à l’école primaire, « eczéma allergique », rapidement soigné dès que la source allergène a été identifiée. L’installation des symptômes est apparue quelques années plus tard, lors de son entrée au collège, au niveau des doigts, bras et cuisses. Elle constate, après que son médecin le lui a signalé, une recrudescence des symptômes dans des moments de stress (colère, soucis, conflits avec sa mère). Elle rapproche d’elle-même ses symptômes de ceux de son père, expliquant qu’il « en faisait aussi » sur les doigts et qu’elle aurait eu son gène. Elle décrit une mère difficile, qui cherche à tout contrôler, tout savoir et un père, avec lequel ça s’est toujours bien passé et qui était présent pour la remettre à sa place quand c’était nécessaire.

Rorschach

29 Au cours de la passation, Mariana présente une inhibition qui s’exprime à travers une contenance de l’excitation pulsionnelle ponctuellement inefficace. Son protocole est restrictif, comprenant 18 réponses au spontané (une additionnelle à l’enquête), se limitant généralement à quelques mots. Elle n’effectue aucun retournement de planche et préfère ne pas toucher le matériel. Elle semble parfois en difficulté, avec notamment un refus de la pl. IV, pour laquelle elle donnera néanmoins une réponse à l’enquête. Les localisations privilégiées par Mariana sont les grands détails (72 %) au détriment des réponses globales (28 %). Les réponses D semblent revêtir une valeur défensive d’isolation et d’attachement à la réalité externe pour faire face aux fantasmes internes, ce qui va de pair avec une qualité formelle très élevée (F+ = 80 %). Aucune véritable représentation humaine n’est évoquée dans son protocole et elle évite également toute représentation de relation. La contention de son monde interne témoigne du danger que celui-ci, dans la rencontre avec ses objets, représente pour elle.

30 Ses réponses aux planches dites « rouges » mettent à mal la stabilité des objets et attaquent le sentiment d’intégrité de soi. L’effraction suscitée renvoie Mariana à des représentations anatomiques, correspondant à une atteinte du corps, suivie de tentatives de récupération d’allure régressive et maniaque plus ou moins efficaces. Les mécanismes de défense rigides qu’elle s’emploie à mettre en place cèdent face à la sollicitation pulsionnelle. Le pare-excitation paraît ne pas assurer une fonction suffisamment perméable et protectrice.

31 L’inhibition dans le traitement de la pl. VII, renvoyant à l’imago maternelle : « Euh, la tête. Il y a un visage… puis c’est tout », laisse place à la planche suivante à « une sorte d’hérisson grimpant sur une falaise », hérisson dont la symbolique de l’enveloppe externe renforcée de piquants, durs, hérissés – comme mécanisme de défense et de survie – apparaît signifiante dans la continuité associative, chez cette adolescente souffrant d’eczéma.

tat

32 La précarité des processus de liaison, qui permettraient d’assurer la contenance de l’excitation pulsionnelle, témoigne du caractère fragile des opérations d’intériorisation chez Mariana. Cela s’illustre par des procédés d’élaboration du discours du registre de l’inhibition, ce qui met l’accent sur l’évitement du conflit et son externalisation avec, en contre-point, le surinvestissement de la réalité externe, témoignant d’une défaillance du préconscient et de sa fonction pare-excitante. Ses récits sont lestés du poids des défenses d’évitement du conflit et parsemés d’émergences en processus primaires, de représentations crues (prison, violer, guerre, etc.).

33 À la planche 7gf, l’absence d’étayage est central, évoquant le défaut de holding et de handling (Winnicott, 1969) : « elle le tient mal… elle s’en fiche, elle regarde ailleurs. » De plus, la mère n’a d’yeux que pour le bébé, ce qui laisse la petite fille seule, ne rencontrant pas dans le regard de sa mère le miroir susceptible de la faire exister ; la mère n’assure ainsi pas sa fonction réfléchissante (Winnicott, 1975). Les récits de Mariana sont d’ailleurs jalonnés de référence au regard : « Celle au premier plan elle regarde […] même le cheval regarde dans l’autre sens […] où ils regardent […] sais pas ce qu’ils regardent » (pl. 2) ; « elle cherche son regard » (pl.4), etc. Ce thème revient régulièrement et s’inscrit dans une description des planches, se limitant à l’apparence, la surface, entravant l’accès au monde interne des personnages, aux conflits qui les animent.

Synthèse des épreuves projectives

34 Mariana présente un fonctionnement inhibé, dans lequel la contenance de l’excitation pulsionnelle est insuffisante. Le travail du pare-excitation, dans sa capacité à transformer « la dose d’énergie en des petites quantités absorbées et travaillées, dont la qualité devient tolérable à l’exercice du fonctionnement mental, à la continuité du sujet » (Kestemberg et Morvan, 1985, p. 218) s’avère défaillant. De ce fait, la rencontre avec les objets devient potentiellement menaçante, justifiant l’absence de représentations de relations au Rorschach ou encore l’évocation d’un danger dans le rapproché avec l’autre au tat.

Discussion

35 Le symptôme cutané n’a ni la même présentation, ni la même place dans l’économie psychique des deux adolescentes présentées ici.

36 Chez Sybille, le symptôme émerge sous la forme d’une crise ponctuelle et résolutive à l’âge de 16 ans reflétant un débordement transitoire. Son symptôme, situé au niveau du visage et des mains, mobilise le regard de l’autre et suscite la sollicitude de son entourage. Elle parle de ce trouble cutané comme d’un phénomène qu’elle ne s’explique pas mais qu’elle a subi, indiquant seulement avoir été embêtée car sa peau la démangeait.

37 Chez Mariana, depuis cinq ans, l’eczéma est un symptôme entretenu par le grattage répété de sa peau qu’elle pratique dans des moments de tension. L’eczéma, situé au niveau de ses bras et jambes, se dérobe au regard de l’autre, ce regard auquel elle semble attacher tant d’importance, tantôt dans une recherche d’étayage, tantôt dans une peur de l’intrusion. Le symptôme de Mariana paraît traduire une fragilité du moi dans sa capacité de traitement et de liaison de l’excitation et recouvrir une valeur défensive de décharge d’excitation et de retournement des pulsions agressives sur son corps propre. Le grattage de sa peau pourrait également constituer une manière d’éprouver et de ressentir ses limites corporelles dans des moments de débordements pulsionnels qui menacent d’effracter ses enveloppes psychiques. L’eczéma, à l’image du hérisson de la planche VIII, viendrait ainsi renforcer le ressenti de son enveloppe corporelle.

38 Lors de l’entretien, Mariana rapporte un rêve dans lequel elle est poursuivie par des jeunes hommes qui cherchent à la violer et elle indique qu’elle se réveille parfois de ces cauchemars en se grattant les bras. Le grattage de la peau exercé régulièrement par Mariana parait prendre la forme d’un procédé auto-calmant (Smadja et Szwec, 1993) répété lors d’un afflux d’excitations qu’elle ne peut prendre en charge psychiquement. Le pare-excitation est mis à mal et le moi n’est plus en mesure de lier affect et représentation, de mentaliser ses états psychiques. On ressent chez elle un besoin de vivre activement sa symptomatologie, une « volonté de maitrise dans un renversement actif » (Szwec, 1998, p. 66) par le recours répétitif à ces procédés auto-calmants.

39 Nous engageons ici la discussion sur le pare-excitation à l’adolescence et son repérage aux épreuves projectives. À travers la rencontre avec ces deux adolescentes, nous dégageons différents indices témoignant de la qualité du pare-excitation. Tout d’abord et de manière évidente, la clinique de la passation, qu’il s’agisse de la réaction face aux planches, du langage du corps ou de l’appel au clinicien, fournit des informations précieuses. Le plaisir de fonctionner et la curiosité de Sybille ainsi que le langage de son corps contrastent avec le contrôle et la méfiance observés chez Mariana.

40 Au Rorschach, les planches II et III ont fait émerger chez ces deux adolescentes des représentations d’intérieur du corps, témoins ici d’un débordement du pare-excitation face aux sollicitations pulsionnelles de ces planches. Ce débordement, passager et suivi d’une récupération chez Sybille, est plus désorganisant pour Mariana. Les planches dites « rouges » nous apparaissent primordiales à étudier, ainsi que les planches VII et pastel qui informent sur le rapport à l’objet maternel et sur les défenses engagées vis-à-vis de celui-ci. Lors de l’épreuve des choix, les deux adolescentes ont nommé la planche VII dans leur choix négatif, soulignant ne pas avoir aimé la planche, Mariana indiquant même « elle me fait peur ». La planche suivante (VIII) suscite chez elles des réponses peau sous la forme de représentations d’animaux aux enveloppes renforcées (lézard, hérisson). En écho à la fonction barrière de la peau qui ferait défaut chez les patients eczémateux, nous nous intéressons au score Barrière/Pénétration proposé par Fisher et Cleveland (1958). Ce score, né de recherches auprès de patients psychosomatiques, permet d’évaluer les représentations imaginaires de l’image du corps [3] et les auteurs établissent une norme de 4B/2P. Emmanuelli et Azoulay (2009, p. 118) indiquent que ce score s’élève considérablement à l’adolescence. Chez Sybille le score Barrière-Pénétration (8B/3P) demeure proche de la répartition normative. Il témoigne du processus adolescent et rend compte de mouvements de renforcement narcissiques de l’enveloppe tout en illustrant la place occupée par le corps dans le fonctionnement psychique de cette adolescente. Chez Mariana, le score Barrière-Pénétration (3B/3P) souligne la fragilité des limites et le recours à des défenses renforcées, principalement d’inhibition.

41 Au tat, bien que toutes les planches puissent mettre en jeu le pare-excitation, l’analyse détaillée des planches 4, 13mf, 7gf, et 9gf paraît plus fondamentale : les planches 4 et 13mf en raison de l’appel à la liaison entre pulsions libidinales et agressives et les planches 7gf et 9gf en raison de la sollicitation de la réactivation de la rivalité mère/fille. L’étude des procédés relevant de l’inhibition et des émergences en processus primaires pourra mettre en lumière les modalités d’expression de la relation et de l’affect.

Conclusion

42 Les symptômes dermatologiques ne préjugent pas d’un type de fonctionnement psychopathologique. Comme l’indique J. McDougall (1989, p. 82) : « Nous sommes tous capables, aux moments ou nos défenses habituelles devant la détresse psychique nous font défaut, de “somatiser” notre douleur mentale ». Selon les termes de R. Debray (2001, p. 32) : « Cela revient à souligner que ce sont les individus humains qui sont psychosomatiques et pas les maladies ». La puberté entraîne une modification de l’enveloppe corporelle, et engage l’adolescent dans un réaménagement de sa relation à son corps, à lui-même ainsi qu’à son entourage. Le nouvel afflux d’excitations, internes et externes, auquel l’adolescent doit faire face met inévitablement à l’épreuve son système pare-excitation et le travail de mentalisation qui l’accompagne. Nous le savons, l’équilibre psychosomatique est alors particulièrement mis à l’épreuve. Comme l’indique R. Roussillon : « De la même manière que l’enfant “préverbal” utilise l’affect, le soma, le corps, la motricité, le registre mimo-postural, etc. pour communiquer et faire reconnaitre ses états d’être » (Chouvier et Rousillon, 2008, p. 32), les adolescents sont amenés à recourir à ces différents registres. L’apparition de la symptomatologie eczémateuse semble mettre au jour une fragilité du travail du préconscient dans sa fonction de liaison et de traitement de la pulsion, sa fonction de pare-excitation, l’eczéma constituant alors un système de défense pouvant pallier les carences de l’organisation défensive psychique (P. Marty, 1980), que cette fragilité soit transitoire et normalement pathologique comme chez Sybille, ou plus durable et témoignant d’une défaillance du moi comme chez Mariana.


Annexes

Sybille (16 ans) : Rorschach

Sybille (16 ans) : tat (temps de passation : 17 minutes)

43 1. (rit) Bah, ça m’a fait penser à moi, par ce que je joue du violon. Quand j’étais petite je regardais le violon de ma mère comme ça (montre le garçon sur la planche). Ouais, quand j’étais petite j’écoutais aussi ma grande sœur jouer du violon et je voulais en jouer. J’sais pas si je dois dire plus ?

44 2. 5’’ hum… (se racle la gorge). Je sais pas, ça me fait penser à la Russie, à l’urss, je sais pas avec le vêtement de la femme, je sais pas pourquoi l’urss, c’est des vrais tableaux ?… ou les temps modernes avec la femme qui s’éduque, avec une opposition entre la femme qui s’éduque, qui lit des livres et la femme des champs. (?) Bah c’est peut-être cette fille-là qui se souvient d’une histoire racontée, c’est sa mère ou grand-mère et son père ou grand-père qui travaillaient dans le champ à la campagne. Elle pense à cette histoire et pense que les temps ont changé et qu’elle peut aller à l’école. Le temps, les vêtements sont pas pareils. Elle a pas de foulard sur la tête, sorte de voile.

45 3 bm. Euh… c’est une femme qui est triste, désespérée, qui a beaucoup bu (rit) ou qui a vécu quelque chose qui la trouble et qui la rend malheureuse, elle pleure, elle sait pas quoi faire, elle est désespérée. Je dois raconter une histoire ? Même si c’est quelque chose qui ne m’est pas arrivé ? Femme troublée, était amoureuse et ça s’est pas passé comme elle voulait, peut-être qu’elle s’est fait battre, qu’il y avait des problèmes de violence dans son couple (se touche la lèvre, menton avec sa main). Voilà.

46 4. 5’’ Ça me fait penser à un homme qui fait tourner la tête à beaucoup de femmes, sûr de lui, fort, costaud, toutes les femmes sont dans ses bras. On peut voir la femme derrière. La femme qu’il tient dans ses bras, il en a rien à faire, il sait qu’il peut charmer (son ventre gargouille, elle s’excuse). Elle essayera de capter son attention, lui indépendant, joue de son charisme pour obtenir ce qu’il veut.

47 5. (Se racle la gorge) Alors, une femme qui est venue, surprise de quelque chose, elle entre pas entièrement dans la pièce, elle voulait voir s’il y avait quelque chose dans la pièce, sur le bureau, enfin la table (elle parle très vite, je lui demande de ralentir). Voir ce qu’il y a à voler, fait attention à ce qu’on la voit pas. Elle a l’air agacée, enfin pas agacée mais concentrée, ennuyée par quelque chose, bien décidée.

48 6 gf. Ça va ce que je dis, au niveau des histoires ? Femme inoffensive et à l’air surprise, un peu, encore un peu une enfant, elle doit être très charmante, elle doit attirer les garçons, l’homme derrière elle a pas l’air d’être son mari. Il a une position supérieure, il doit être plus âgé, il a l’air de se moquer d’elle. Elle a l’air innocente. Ou peut-être une mauvaise nouvelle est arrivée, elle est triste et lui il profite de la situation.

49 7 gf. Petite fille qui doit s’occuper de son petit frère, sœur… par ce que la mère les a abandonnés, peut-être pendant la guerre. Elle a l’air décidée… sait ce qu’elle a à faire, tient fermement l’enfant dans ses bras. La dame qui est à côté essaye de regarder l’enfant. Les deux filles ne sont pas liées (rit) je pense… la femme veut peut-être aider la fille, par ce qu’elle a un enfant et qu’elle est jeune.

50 9 gf. C’est au bord de la mer, sur une place, à côté il y a un arbre. Deux filles qui semblent être sœurs, peut-être même jumelles, l’une se cache dans un arbre, regarde sa sœur, l’autre marche rapidement avec sa robe dans la main, elle a l’air furieuse. Celle dans l’arbre elle a l’air triste. La fille furieuse l’est contre sa sœur, ce qui rend celle-ci malheureuse. Comme dans cendrillon. La fille dans l’arbre c’est cendrillon, les autres filles, les sœurs… euh, les méchantes.

51 10. Euh, le mariage gay ! Bah c’est, là ça a l’air d’être deux hommes qui s’embrassent, deux hommes amoureux. Peut-être un homme et son fils. Ils se câlinent et s’embrassent au clair de lune, la nuit. Voilà c’est tout.

52 11. Des ruines. Alors, là je vois que, un château a été attaqué. (tousse) On peut voir un dragon qui attaque un château. Ruines, bêtes, animaux, monde fantaisiste qui attaque le château (baille) et en temps de guerre, pendant la nuit et il y a un incendie. C’est tout.

53 12 bg 5’’ Ça me fait penser à la campagne, avec beaucoup de soleil, dans le sud, en province, beaucoup de soleil, un arbre comme un olivier, des herbes hautes (parle trop vite). Là il y a une rivière qui passe juste à côté. Beaucoup de chaleur, de lumière, des parfums, des odeurs, voilà.

54 13 B. 5’’ hum, (se gratte, tousse) un pauvre enfant… bah je sais pas, ça doit être en temps de guerre ou de crise financière, quelque chose comme ça (parle trop vite)… l’enfant il en profite pour se réchauffer au soleil, il n’a pas de chaussures. Il est peut-être orphelin. Ouais, c’est tout.

55 Il me fait un peu penser à mon père quand il était petit. (se mouche)

56 13 mf. 5’’ hum… un homme qui laisse sa femme par ce qu’il doit partir au travail.

57 Soit… un homme qui vient d’être avec une femme qu’il connait pas trop et qui pleure par ce qu’il a trompé sa femme. (?) Soit un homme très triste par ce que cette femme vient de mourir et il en pleure…, c’est pour ça qu’il met son avant bras devant ses yeux.

58 19. Hum hum, ça me fait penser à une sorte de bateau sous-marin, avec là… enfin faut que je raconte une histoire, par un temps de grosse tempête, un sous-marin en mer, avec des habitants dans ce, des personnes dans ce navire et voilà, qui profitent d’un spectacle et des boissons.

59 16. Tout en blanc ? (elle se recule sur sa chaise, s’éloignant de la planche) 12’’ … mais la première histoire qui me vient en tête ? (?)… euh… hum…(elle s’agite sur sa chaise, semble gênée) (?) Je sais pas… ça me fait penser au paradis ou je serais avec mes amis, ma famille, les gens que j’aime… juste du blanc, tout du blanc…

Mariana (17 ans) : Rorschach (Temps de la passation : 10 minutes)

Mariana (17 ans) : tat (Temps de passation : 20 min)

60 1. 12’’ hum, bah on sent un petit garçon qui en a marre de faire du violon. Il doit surement essayer de faire un morceau qu’il arrive pas à faire alors il regarde son violon en se demandant est-ce qu’il va y arriver. (?) Bah j’sais pas, il a l’air blasé en tous cas.

61 2. 5’’ Bah il y a deux femmes qui sont en train de… elles ont l’air pensives, celle au premier plan elle regarde en sens opposé de ceux au deuxième plan, même le cheval regarde dans l’autre sens, on dirait qu’il se passe quelque chose à gauche où ils regardent, et elle, elle s’en fiche, elle va peut-être à l’école, elle a ses livres dans les mains et elle est bien. (?) J’sais pas peut-être elle a pas envie d’aller au travail, elle fait pas une tête très heureuse, les autres je sais pas ce qu’ils regardent, on dirait qu’ils font une pause par ce qu’ils sont en train de travailler.

62 3 bm. 5’’ On dirait une femme qui est en prison, on dirait qu’elle vient de se faire frapper ou violer, ou bien qu’elle est fatiguée je sais pas, elle a pas eu le temps d’aller sur le lit, vu la position elle s’est laissée tomber, peut-être elle est droguée (rit).

63 4. 3’’ hum… c’est un couple, le mari on dirait qu’il a l’air, pas vexé mais que sa femme lui a dit quelque chose qui lui a pas plu alors il regarde ailleurs, elle cherche son regard. (?) …j’sais pas mais en tous cas ça lui a pas plu, peut-être qu’elle lui a dit qu’elle avait un rendez-vous avec un autre homme pour affaires et qu’il est pas content.

64 5. 4’’ hum… alors c’est une femme on dirait qu’elle vérifie si il a quelqu’un dans la pièce ou si c’est bien rangé… ou elle cherche son enfant ou son mari ou elle a entendu un bruit et vient voir ce qui s’est passé.

65 6 gf. 3’’ euh, la femme on dirait qu’elle a l’air surprise par l’homme, peut-être qu’elle était dans ses pensées et il l’a surprise, il est arrivé par derrière ou alors elle faisait quelque chose et qu’elle est surprise. (?) Peut-être qu’elle était en train de boire un verre et qu’elle avait pas le droit… je pense pas qu’il y avait de portable à l’époque (rit)… mais peut-être elle pensait à son amant…

66 7 gf. 5’’hum… alors c’est une petite fille qui a un bébé dans la main, mais elle le tient mal (rit), on dirait qu’il y a la mère qui regarde, derrière (pointe vers la femme), pour voir l’enfant, puis elle (pointe vers la fille) on dirait qu’elle s’en fiche, elle regarde ailleurs.

67 9 gf. Hum… euh alors la fille à côté de l’arbre on dirait qu’elle espionne la fille en bas et regarde ce qu’elle fait, elle a des serviettes dans la main et elle a surpris l’autre en train de faire je sais pas quoi. (?) Je sais pas, elle était peut-être avec un homme (rit).

68 10. Hum… c’est un couple, le mari il embrasse sa femme sur le front, peut-être il doit partir à la guerre ou c’est la dernière fois qu’ils se voient avant qu’il ne parte en prison… ou quelque part ou il ne reverra pas sa femme pendant longtemps. C’est tout.

69 11. 4’’ on dirait que c’est un endroit en ruines, on dirait qu’il y a eu une explosion. (?) Bah j’sais pas, il y a eu une guerre et des bombes qui sont atterries ici.

70 12. Souffle… euh on dirait qu’il y a de gens qui ont fait une promenade à bateau, qu’ils ont laissé le bateau et qu’ils sont allés se promener à pied…

71 13 bm. 5’’ bah le petit garçon il attend quelqu’un qui vienne le chercher… ou alors on dirait, j’sais pas, qu’il s’est assis là pour regarder les gens passer.

72 13 mf. Hum… on dirait que l’homme il a tué la femme. On dirait qu’elle est morte sur le lit et que là il se demande ce qu’il a fait (?) Il va s’enfuir en essayant de pas laisser de preuves que c’est lui qui l’a fait.

73 19. Hum… (semble perplexe)… on dirait une sorte de bateau imaginaire sur la mer… j’sais pas on voit deux fenêtres, ou alors c’est un village, il y a de la neige, je sais pas, j’arrive pas à voir ce que c’est, on dirait plutôt un village enneigé, il y a dû y avoir une tempête, je sais pas.

74 16. (rit) d’accord heu… (rit), (elle semble gênée et me regarde)… j’ai pas spécialement d’histoires mais ça me fait penser à une pièce de théâtre où un homme achète un tableau blanc justement et que chacun des personnages y voit quelque chose de différent. Voilà, sinon j’ai pas vraiment d’histoire par rapport à ça.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Les protocoles figurent en annexes.
  • [2]
    Ces adolescentes tout-venant ont été rencontrées dans le cadre d’un travail de thèse que nous menons actuellement, portant sur la place du corps à l’adolescence.
  • [3]
    Réponses barrière : contenus aux limites précises, impliquant la notion de protéger, recouvrir, cacher, délimiter, qui possède des particularités de surface, etc. Réponses pénétration : contenus aux limites endommagées, traversées, impliquant une communication entre intérieur et extérieur ou aux limites floues, vagues, fragiles, perméables.
    Les critères détaillés de cotation du score barrière-pénétration se trouvent dans l’ouvrage de ces auteurs.
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